Etude ingenierie politique ville juin 2017

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Etude de l'ingénierie locale de la politique de la ville

dans le contexte de la réforme Lamy

Projet collectif - Master Stratégies Territoriales et Urbaines 2016-2017

Alexis CHAUFREIN Éléa DEBAILLEUL Juliette PARAPONARIS Jeanne VARALDI sous le tutorat d'Anne SAUVAYRE

Etude réalisée pour le CGET

Rapport final



Résumé Cette étude s’intéresse à l’évolution de l’ingénierie des collectivités et de l’Etat en matière de politique de la ville, suite à la réforme Lamy de 2014. Des monographies permettent, dans un premier temps, d’éclairer les spécificités locales des quatre terrains d’étude. L’histoire de la politique de la ville, le contexte du portage intercommunal, l’organisation et les modes de faire ainsi que l’histoire de la culture participative y sont décrits pour chaque site. Dans un second temps, le rapport analyse les éléments issus de nos entretiens sur les sites à la lumière des principes promus par la loi Lamy. Tout d’abord, le portage intercommunal obligatoire de la politique de la ville apparaît comme un élément structurant pour l’ingénierie déployée. La composition de l’intercommunalité, le portage politique et le partage des compétences entre villes et intercommunalités impactent le fonctionnement de la politique de la ville sur nos sites. Le rapport analyse ensuite la mobilisation des services de droit commun des collectivités vers les quartiers politique de la ville. L’appui politique, les outils de mobilisation du droit commun, les modes de travail en transversalité, et les nouvelles méthodologies d’action apparaissent au coeur de l’enjeu du retour du droit commun dans les quartiers prioritaires. La place de l’Etat dans cette nouvelle ingénierie varie selon les sites. Les cadres préfectoraux de la politique de la ville sont les pivots d’une action structurée. D’autres rôles, comme celui des délégué.e.s du Préfet, ou des agents des services de l’Etat, restent parfois peu coordonnés à l’action des collectivités. Enfin, l’analyse de la participation citoyenne, qui constitue un apport majeur de la réforme avec les conseils citoyens, révèle que des facteurs clés comme les méthodes de constitution du conseil, son accompagnement ou l’appui politique dont il peut bénéficier, permettent la diffusion d’une culture participative locale. Cette étude a été réalisée pour le CGET par des étudiants du master “Stratégies Territoriales et Urbaines” (STU) de l’Ecole Urbaine de Sciences Po dans le cadre des projets collectifs (2016/2017).

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Remerciements Nous souhaitons remercier Michel Didier, chef du pôle animation territoriale du CGET et Sébastien Jallet, directeur de la ville et de la cohésion urbaine du CGET qui ont été à l’origine de ce rapport et qui nous ont confié sa réalisation. Merci à Anne Beauchesne, Damien Kacza, Stéphanie Mas et Kevin Demangeclaude du CGET pour leurs conseils avisés lors des réunions de travail qui nous ont permis d’approfondir plusieurs enjeux de notre rapport. Nous remercions Aminata Keita et Nilza Ramos pour leur disponibilité et l’organisation qu’elles ont facilitée tout au long du projet collectif. Nous remercions l’équipe de l’Ecole Urbaine de Sciences Po pour les conseils pédagogiques dont elle nous a fait bénéficier notamment en termes de méthode d’organisation, et de conseils bibliographiques. Nos remerciements vont tout particulièrement à la directrice exécutive de l'École Urbaine, Brigitte Fouilland, à Irène Mboumoua qui nous a accompagné.e.s en tant que chargée de mission pour les projets collectifs, ainsi qu’à Béatrice Susana-Delpech pour son soutien organisationnel. Merci également aux équipes des collectivités territoriales, des services déconcentrés de l’Etat et des centres de ressources qui nous ont accueillis et ont accepté de répondre à nos questions. Enfin, il ne nous aurait pas été possible de produire ce travail sans l’aide de notre tutrice Anne Sauvayre qui a pu nous faire bénéficier de son expérience dans le domaine des politiques du logement et du développement social urbain.

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SOMMAIRE Résumé

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Remerciements

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Introduction

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Méthodologie

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Chapitre I : Monographies

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Site A

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Site B

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Site C

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Site D

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Chapitre II : Analyse croisée

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Partie 1 : Une intensité du portage intercommunal de la politique de la ville encore variable

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1. Histoire et dynamiques de l’intercommunalisation de la politique de la ville 2. Le portage intercommunal : un outil à plusieurs vitesses pour la politique de la ville 3. La répartition de la gestion et de la gouvernance de la politique de la ville entre commune et EPCI Préconisations

Partie 2 : De la mobilisation du droit commun aux modes d’action pour la transversalité

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1. La mobilisation du droit commun des collectivités territoriales dans la réforme Lamy : organiser le retour des services sectoriels dans les quartiers prioritaires 2. Les professionnels de la politique de la ville et la mobilisation du droit commun : outils et pratiques 3. L’articulation des volets urbain, social et économique : une action renforcée pour les quartiers prioritaires 4. Une culture des services encore cloisonnée 5. La gestion de projets ponctuels et l’ingénierie “en mode projet” : des moyens d’action transversaux ? Préconisations

Partie 3 : Un binôme Etat local/collectivités territoriales qui peine à mobiliser les politiques publiques de droit commun vers les quartiers prioritaires 1. 2. 3. 4.

Contexte historique de la relation Etat local/collectivités territoriales L’Etat, acteur et appui dans la mise en oeuvre du contrat de ville Les moteurs du partenariat délégué.e.s du Préfet/chef.fe.s de projets Des dispositifs de mobilisation du droit commun de l’Etat encore perfectibles Préconisations !4

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Partie 4 : Le conseil citoyen, outil en devenir de la diffusion d’une culture participative locale ? 55 1. Les conseils citoyens, une mesure clé de la réforme Lamy 2. La mise en place des conseils citoyens 3. Le conseil citoyen, premier bilan d’une mesure novatrice Préconisations

Conclusion

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Introduction La présente étude est le fruit de l’analyse des étudiant.e.s. Elle n’engage en aucun cas le CGET. Le choix a

été fait d’anonymiser les propos retranscrits. Dans le même souci d’anonymisation, les intitulés des postes ont été regroupés en plusieurs catégories plus neutres. Au sein des services déconcentrés de l’Etat, nous distinguons les “fonctionnaires de l’Etat” qui sont des agents des Directions Départementales Interministérielles (DDI) et les différents agents de Préfecture.
 Enfin, le genre de chaque interlocuteur évoqué est rendu neutre. La loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014, dite loi Lamy, impulse une refonte de l’action des services de l’Etat déconcentré et des collectivités territoriales pour la politique de la ville. Elle répond à des critiques récurrentes faites à la politique de la ville, notamment par la Cour des Comptes dans son rapport de 2012. “La Cour et les chambres régionales des comptes examinent les causes de ce mauvais résultat : une dilution des interventions sur un nombre beaucoup trop important de quartiers ; des défauts persistants de gouvernance et de coordination ; un manque d’articulation entre rénovation urbaine et accompagnement social ; une répartition inadéquate des crédits dédiés à la politique de la ville ; une trop faible mobilisation des politiques publiques de droit commun”. (Cour des Comptes, 2012) Plusieurs des préconisations présentées dans ce rapport ont été reprises par la réforme. Aussi, la loi Lamy s'appuie sur quatre axes principaux : une mise en place et un portage de la politique de la ville à l’échelle intercommunale, une démarche articulant le développement économique, l’action sociale et le renouvellement urbain, la mobilisation des services sectoriels (dits de droit commun) et l’association obligatoire des citoyens aux projets des quartiers prioritaires, caractérisée par la création de conseils citoyens. Dans son rapport de 2016, la Cour des Comptes soulignait les avancées que la loi apportait à la politique de la ville, tout en pointant les difficultés encore présentes, notamment dans l’identification et la mobilisation des politiques publiques de droit commun. La loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine marque également une évolution de la géographie prioritaire : jusqu’à présent, plusieurs zonages se superposaient, correspondants à des dispositifs ou des programmes spécifiques. Les nouveaux quartiers prioritaires de la politique de la ville sont identifiés selon un critère unique de concentration de la pauvreté. 1300 quartiers prioritaires de plus de 1000 habitants sont ainsi ciblés, ce qui constitue un resserrement de la géographie prioritaire. Environ 1000 anciens quartiers classés en Zone Urbaine Sensible (ZUS) sortent ainsi des dispositifs de la politique de la ville, mais peuvent être identifiés comme des territoires de veille active, qui devraient alors bénéficier d’une mobilisation renforcée du droit commun. Les évolutions des quartiers prioritaires sont suivies par l’Observatoire National de la Politique de la Ville (ONPV). En outre, cette réforme était très attendue du fait du prolongement successif des CUCS. Les contrats urbains de cohésion sociale, qui remplaçaient les anciens contrats de ville, furent signés en 2007 pour une période triennale. Prolongés de 2009 jusqu’à 2014, faute de réforme ambitieuse pour la politique de la ville entreprise jusqu’alors, les CUCS ont cédé leur place à partir de 2015 aux contrats de ville de nouvelle génération. En instaurant l’élaboration et la signature de contrats de ville, qui mobilisent l’ensemble des acteurs territoriaux, la réforme Lamy vient re-préciser leur action pour les quartiers prioritaires. 435 contrats de ville ont été signés, du 2 janvier 2015 au 7 janvier 2016. Leur ingénierie, leur gouvernance et leur stratégie constituent des enjeux pour l’efficacité des missions que les contrats de ville prévoient de mener à bien. L’étude que nous avons menée visait à analyser l’ingénierie de la politique de la ville, dans les !6


collectivités et au sein des services déconcentrés de l’Etat. Nous la définissons ici comme “l’ensemble des moyens humains, des méthodes et des missions concourant à l’élaboration et à la conduite d’un projet territorial, ainsi qu’à la définition, au montage et à la mise en oeuvre d’actions”1. L’ingénierie a donc été le fil directeur du présent rapport, structurant l’analyse faite de chacun des terrains étudiés et les différents thèmes dont nous traitons. Notre rapport s’appuie également sur deux autres notions : la gouvernance du contrat de ville et la stratégie. La première recouvre “l’interaction d’une pluralité d’acteurs, groupes et réseaux (public/privé), le processus de coordination voire de négociation multi-niveaux et multi-polaires et les modes de coordination qui rendent possible l’action publique”2 . La seconde renvoie à la fois à la volonté politique, aux représentations mentales individuelles et à la définition d’une stratégie territoriale comme projet de territoire. Ces trois éléments centraux ont constitué un fil directeur dans l’élaboration de notre étude et dans notre analyse.
 Notre commande s’est centrée plus précisément sur l’ingénierie des contrats de ville. La question principale à laquelle répond notre étude est celle de la mise en place, par les contrats de ville, des grands axes de la réforme, à savoir le portage intercommunal des contrats de ville, l’articulation des volets urbains, sociaux et économiques, la mobilisation du droit commun et l’ingénierie de la participation citoyenne. Le contrat de ville remplit une fonction d'ensemblier, il précise l’organisation des différents acteurs du territoire pour porter et animer ensemble les axes du contrat. Au-delà de cet engagement formalisé, nous nous sommes particulièrement intéressé.e.s à la manière dont les agent.e.s des communes et des EPCI se sont emparé.e.s de la réforme Lamy et du nouvel outil que constitue le contrat de ville. L’organisation des services et leur évolution suite à la réforme sont autant d’enjeux sous-jacents que nous avons étudiés. Nous nous sommes particulièrement intéressé.e.s aux thématiques suivantes : les modes de travail et de coopération en transversalité, les liens entre services sectoriels et équipes politique de la ville et entre services des collectivités et de l’Etat déconcentré. Par ailleurs, la réforme Lamy, et plus particulièrement la signature d’une nouvelle génération de contrats de ville, s’articulent avec les lois MAPTAM et NOTRe3, de 2014 et 2015. En instituant des nouvelles métropoles4, et en incitant les regroupements intercommunaux, elles ont entraîné des réorganisations institutionnelles majeures sur les territoires. Les terrains d'études sur lesquels nous nous sommes rendus ont été choisis pour la diversité des configurations locales et de l’ingénierie déployée. Deux sites sont des métropoles avec une forte mutualisation de l’ingénierie, tandis que les deux autres sites sont les seules communes concernées par la politique de la ville au sein d’une intercommunalité davantage péri-urbaine, voire rurale. La remise de nos premiers travaux en avril 2017 fut l’occasion de portraiturer chacun de nos terrains d’étude et de montrer les caractéristiques générales de leur ingénierie, de la gouvernance de leur contrat de ville et de la stratégie de territoire qu’ils déploient. Ce rendu intermédiaire présentait également nos premières analyses et hypothèses, autour de quatre grandes parties : la mobilisation du droit commun, l’articulation des volets économique, social et urbain, les relations entre collectivités et services déconcentrés de l’Etat et la participation citoyenne. Dans ce rapport final, nous préciserons la méthodologie suivie, avant de présenter la monographie de chacun de nos terrains. Enfin, nous aborderons les quatre grandes thématiques que recouvre notre étude : le portage intercommunal, la mobilisation du droit commun et l’articulation des volets économique, urbain et social, 1

L'ingénierie territoriale, à questions techniques, réponses politiques, Centre de ressources du développement territorial, Juillet 2012. 2

La gouvernance de la rénovation urbaine à l’épreuve des territoires, CES de l’ANRU, La Documentation Française, 2014. 3

Loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et de l’affirmation des métropoles; Loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République. 4

Les métropoles qui n’ont pas le statut particulier de Paris, Lyon et Marseille.

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l’action des services déconcentrés de l’Etat et leurs relations avec les collectivités et, enfin, la participation citoyenne. A la fin de chaque partie, nous présenterons des préconisations.

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Méthodologie Cette étude qualitative porte sur l’ingénierie de la politique de la ville suite à la réforme Lamy. Commanditée par le CGET, elle a été réalisée par des étudiants dans le cadre des projets collectifs du master Stratégies Territoriales et Urbaines de l’Ecole Urbaine de Sciences Po. Elle s’inscrit dans un cadre plus général de travaux quantitatifs entrepris par l’Observatoire national de la politique de la ville et l’InterRéseau des professionnels du Développement Social Urbain (IRDSU) en 2016, destinés à alimenter la clause de révision des contrats de ville 2015-2020 à mi parcours. Elle a nécessité un travail d’appropriation par le groupe, et la mise en place d’une méthodologie adaptée. Le premier enjeu fut donc de clarifier les notions associées à la commande telles que ingénierie, gouvernance ou encore stratégies des acteurs et des territoires en matière de politique de la ville. Ce travail conceptuel fit l’objet d’une première note de cadrage le 2 décembre 2016 lors d’une présentation au CGET. Cette réflexion fut aussi l’occasion d’explorer la réforme et de prendre connaissance de premiers contrats de ville à titre indicatif. En décembre, nous avons donc pu affiner la problématique proposée par le CGET, en décidant d’orienter notre travail sur quatre axes principaux par la suite : la mobilisation du droit commun, le portage intercommunal, la participation citoyenne et l’articulation entre les volets économique, social et urbain. Les notions d’ingénierie, de gouvernance et de stratégies devaient donc accompagner notre réflexion transversale sur les thématiques de la réforme (contrat de ville, portage intercommunal, rapport à l'État local, mobilisation du droit commun, etc...). Le schéma ci-dessous fut proposé lors de la réunion du 2 décembre pour représenter notre approche du sujet :

! C’est à partir de ce point d’étape conceptuel que nous avons pu commencer à réfléchir sur les grilles d’entretien nécessaires à notre enquête. Un travail monographique conséquent était attendu, et nous souhaitions préciser au mieux ces grilles, afin d’explorer tous les sujets importants mis en avant lors de la réunion du 2 décembre. Nous avons donc conçu quatre grilles d’entretien différentes : - une grille pour les chef.fe.s de projet/chargé.e.s de mission - une grille spécifique pour les élu.e.s - une grille pour les agent.e.s spécifiques et plus périphériques (coordinateurs PRE etc) - une grille pour les services et les agent.e.s de l’Etat ( délégué.e.s du Préfet, DDTI) Le 2 février 2017 fut l’occasion de confirmer les quatre terrains d’étude choisis par le CGET, et de présenter nos grilles d’entretien. Nous avons alors échangé principalement autour de la grille à destination des chef.fe.s de projet, puis brièvement autour de celle destinée aux acteurs étatiques. En ce qui concerne les terrains, nous avions discuté des critères de choix possibles lors des réunions précédentes. Nous avions proposé de centrer le choix des terrains sur des critères d’échelle (métropole, périurbain, ruralité), sur des aspects du portage intercommunal, sur la présence active ou non de l'État local, ou encore sur l’implication du territoire dans la préfiguration de la réforme. Ces facteurs pouvaient, selon nous, influer par la suite l’ingénierie déployée pour la politique de la ville. Un équilibre entre diversité des configurations locales et montée en généralité ou comparaison possible, devait être trouvé. Finalement, le CGET a opté pour un travail sur deux !9


métropoles, en même temps que sur deux terrains moins denses avec des QPV plus ou moins importants à l’échelle de la ville. A partir de ce choix des terrains et de la validation des grilles proposées, la phase d’enquête sur place pouvait débuter. Entre le 2 et le 24 mars, dans cette première phase d’enquête, nous avons réalisé 34 entretiens, la plupart de visu lors de déplacements sur les terrains, et quelques entretiens par téléphone. Ces premiers entretiens comprennent une grande diversité d’interlocuteurs dont les chef.fe.s de projet politique de la ville, la plupart des membres de l’équipe politique de la ville de nos sites, les délégué.e.s du Préfet, des élu.e.s, des fonctionnaires de l’Etat déconcentré, ainsi que les centres de ressources de nos sites. Lors de ces déplacements, nous avons également pu assister à un conseil citoyen, nous avons visité une Maison du Projet et les quartiers prioritaires. Le 13 avril 2017, nous avons présenté les premières conclusions de notre enquête de terrain, sous forme d’un rendu intermédiaire. Celui-ci fut l’occasion d’aborder l’essentiel des éléments de monographie des quatre terrains, ainsi qu’un début d’analyse croisée sur les grands points de la réforme. Le rendu intermédiaire permit de valider les sujets à approfondir dans l’analyse croisée, pour le rapport final. Le CGET a souhaité que nous réalisions des entretiens complémentaires auprès des services de droit commun. Il s’agissait alors de voir comment les équipes politique de la ville travaillaient avec les services de leur EPCI sur les thématiques de l’habitat, des affaires sociales ou du développement économique. Suite au rendu intermédiaire, nous avons lancé une dernière phase d’entretiens téléphoniques complémentaires. Une dizaine de personnes furent contactées, principalement des chef.fe.s des services de droit commun. Ces nouveaux entretiens furent donc l’occasion de préciser le travail des équipes politique de la ville avec les services de droit commun, mais également d’avoir les dernières informations nécessaires à la rédaction du rapport final. Nous avons donc pu finaliser l’analyse croisée initiée à l’occasion du rendu intermédiaire sur les questions de portage intercommunal, de mobilisation du droit commun, d’articulation des volets urbain/social/économique, de rapports aux acteurs étatiques et des enjeux de participation citoyenne. Enfin, cette dernière étape permet également de formaliser des préconisations indicatives pour approfondir les pistes de réflexion présentées dans ce rapport.

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Tableau récapitulatif des entretiens du 02/03 au 31/05 02/03/17-24/03/17

13/04/17-31/05/17

Chef.fe.s de projet

Chef.fe.s de projet politique de la ville de nos quatre sites

Chef.fe.s de pôles / DGA

3 chef.fe.s de pôles, DGA et directeurs/trices adjointes

2 DGA et 3 chef.fe.s de pôle

Chargé.e.s de mission

3 chargées de mission politique de la ville, chargé.e.s de mission, coordinateurs/trices PRE

Chargé.e.s de mission développement économique, participation, maison de l’emploi, politique de la ville

Elu.e.s

Elu.e.s, maire, chef.fe.s de cabinet du maire.

Fonctionnaires de l’Etat déconcentré

Cadres préfectoraux, services de l’Etat Services de l’Etat

Délégué.e.s du Préfet

Délégué.e.s du Préfet de nos sites

Centres de ressources

2

1

TOTAL

34

16

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CHAPITRE I MONOGRAPHIES

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Site A 1. Caractéristiques du territoire et histoire du portage intercommunal Le site A est une commune péri-urbaine, proche d’une métropole, avec une histoire longue en matière de politique de la ville. Il est doté d’un QPV de taille modeste (environ 1000 habitants) et d’un quartier en veille active (QVA). Le contrat de ville 2015-2020 souligne la persistance d’indicateurs de précarité et signes de fragilité pour le QVA, en concluant ainsi que ce quartier fera l’objet d’un déploiement renforcé du droit commun. Le site a donc un seul QPV dont le périmètre inclut les lieux de vie, établissements scolaires, jardins familiaux de la résidence concernée, soit le quartier vécu par les habitants. La commune est la seule concernée par la géographie prioritaire, elle représente le tiers de la population de l’intercommunalité à laquelle elle appartient. La politique de la ville était donc davantage exercée en lien avec la métropole à proximité, plutôt que la communauté de communes. Ainsi, depuis les années 1990, un partenariat fort unissait la commune à la métropole, lui permettant ainsi de bénéficier de moyens d’ingénierie supplémentaire. Cependant, avec la réforme Lamy, il fut décidé du rattachement du contrat de ville de la commune à la communauté de communes référente, conformément au périmètre administratif de l’intercommunalité dont le site faisait partie. Le contrat de ville est donc désormais porté par l’EPCI péri-urbain, qui a pris la compétence politique de la ville, optionnelle pour les communautés de communes. Une co-gouvernance s’installe entre la ville et la communauté de communes. Le pilotage de certaines actions politique de la ville restent aux mains du maire, comme par exemple la responsabilité du conseil citoyen. Le/ la chef.fe de projet justifie cette co-gouvernance par un impératif de “garder de la proximité”. Le partage de compétences entre l’EPCI et la commune est complexe. Nos différents interlocuteurs ont exprimé leurs difficultés à saisir les contours des responsabilités de chaque structure. Le/la chef.fe de projet exprime ainsi le travail pédagogique qu’il lui faut mener pour parvenir à clarifier ce partage des compétences : “Pour Monsieur le Maire on s’y est mis à quatre, deux de la communauté de communes, deux de la commune, pour lui faire un tableau récapitulatif de tous les domaines d’intervention pour répondre à ses questions sur qui fait quoi (…). Le maire, à chaque fois, dans une réunion il me demande, quelle que soit l’action, qui est pilote, qui est copilote. En fait dans le contrat de ville on a défini qu’on voulait une co-gouvernance”. Finalement, la prise de compétence politique de la ville par la communauté de communes permet à l’EPCI de déployer progressivement une politique sociale autour de thématiques qui fédèrent les autres communes, comme par exemple la santé ou la sécurité. Comme l’exprime le/la chef.fe de projet, la politique de la ville en fut l’occasion : “Le social n’était pas du tout une compétence de l’EPCI, il n’avait jamais souhaité le prendre, et finalement la politique de la ville leur a mis un pied dedans. (…) Le fait d’avoir un contrat de ville, ça a posé un certain nombre d’obligations notamment liées à l’habitat, à la conférence intercommunale du logement…”.

2. Le rôle moteur de la cheffe de projet Le rôle du/ de la chef.fe de projet a évolué à l’occasion du changement de portage intercommunal. Le rattachement à l’EPCI a été l’occasion d’une refonte des missions politique de la ville. Un poste dédié a été créé pour assurer les fonctions de gestion administrative et financière auparavant assurées par le/la chef.fe de projet. Aujourd’hui, le/la chef.fe de projet est donc en charge du suivi du contrat, du respect des objectifs de la loi et !13


des réunions institutionnelles et partenariales. Il/elle estime faire beaucoup de reporting pour faire remonter les informations au niveau de la ville et surtout au niveau de l’EPCI. Tous les quinze jours, il/elle effectue une réunion avec les deux structures. Les nouvelles missions du/de la chef.fe de projet sont davantage orientées vers les interactions stratégiques avec les partenaires du contrat de ville.

3. Description et analyse de l’ingénierie Le service politique de la ville A est composé de trois personnes : ● ● ●

Un.e chef.fe de projet à 0,7 ETP Une personne en charge du suivi administratif et financier Un agent de développement local.

Cela permet une mobilisation de personnel à hauteur de 2,7 équivalents temps plein. A l’occasion de la réforme et du rattachement de la compétence politique de la ville à la communauté de communes au 1er janvier 2015, l’équipe politique de la ville fut d’abord rattachée au pôle aménagement de l’EPCI. Cela fut justifié par le fait que le PLH et les missions d’aménagement du territoire entraient en résonance avec l’opération urbaine menée sur le QPV du site A. La ville est restée maître d’oeuvre sur le projet urbain, mais le rattachement au service aménagement à l’EPCI dans un premier temps, a permis un suivi et une coordination dans l’action de relogement et dans la gestion des subventions liées au projet. Cela a également permis de temporiser la prise de compétence politique de la ville par la communauté de communes en montrant que ce n’était pas un poids supplémentaire pour l’EPCI, comme pouvaient le craindre les autres communes membres qui questionnaient l’intérêt de ce portage intercommunal. Sur délibération du 1er septembre 2016, l’EPCI a cependant modifié le rattachement de l’équipe politique de la ville. Il a en effet voté la création d’un pôle de développement social en charge de la politique de la ville, des politiques de peuplement, et des gens du voyage. Ce rattachement récent atteste d’une véritable politique sociale à l’échelle de la communauté de communes, qui ne disposait pas d’un service équivalent précédemment. Une commission d’élu.e.s volontaires est alors mise en place pour se positionner sur les thématiques liées à ce nouveau pôle. Le pôle développement social, qui regroupe six agents, englobe donc les trois agents de l’équipe politique de la ville. Cependant, le/la chef.fe de ce nouveau pôle, entré.e en poste à l’automne 2016, peine encore à trouver sa place dans cette nouvelle organisation. Elle souligne le fait que l’équipe politique de la ville n’est pas sur le même site que les autres membres du pôle de développement social, et qu’ils disposent d’une forte autonomie. Elle confie avoir encore du mal à délimiter les missions et responsabilités respectives de l’EPCI et de la commune dans le cadre de la co-gouvernance actuelle. Le/la chef.fe de projet estime, quant à elle, que ce rattachement est moins porteur que le précédent. Être rattachée au Pôle aménagement lui permettait en effet d’associer plus facilement le renouvellement urbain et la cohésion sociale, pour plus de transversalité. De son point de vue, le plus efficace serait d’être rattachée au DGS, afin de pouvoir travailler plus facilement avec les autres chef.fe.s de pôle de l’EPCI: “Être rattaché au DGS c’était être au cœur de la stratégie. C’est un positionnement qui était stratégique (…). Ça permet de partager la vision, un échange de vue avec quelqu’un qui a une vision globale”. En ce qui concerne le pilotage du projet urbain, l’opération est portée par la responsable du service aménagement et urbanisme de la commune. Elle n’est par ailleurs pas conventionnée par l’ANRU mais menée sur des crédits locaux. Le/la chef.fe de projet est associée aux groupes de travail relatifs au projet urbain et considère travailler “main dans la main” avec la responsable. Des instances de gouvernance liées au contrat de ville et hors contrat de ville offrent des moyens d’ingénierie supplémentaires. Les principales instances sont : !14


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un comité de pilotage : décisionnel avec les représentants des collectivités et institutions signataires, des représentants du conseil citoyen un comité technique : il prépare l’ordre du jour et met en œuvre les décisions du Copil. Il suit la programmation financière des actions au niveau intercommunal un comité de suivi local : suivi des indicateurs, analyses et préconisations un comité technique pour les actions proposées à une échelle d’intervention supra communale : mise en œuvre et suivi des actions intercommunales

Au-delà de ces instances, le/la chef.fe de projet a mis en place des réunions partenariales pour associer les acteurs de tous horizons autour de thématiques précises. Il réunit des acteurs variés comme le principal du collège, le proviseur du lycée, les assistantes sociales sur les questions d’éducation par exemple. Il décrit ces réunions partenariales comme un moyen de rapprocher les acteurs du territoire: “J’ai proposé très vite d’animer des réunions partenariales, on est en 2012, la loi on ne l’avait pas (…). Je fais mon ordre du jour avec toujours deux temps – un sujet qui est proposé et obligatoirement un tour de table où chacun dit ce qu’il est en train de faire, s’il a un projet qui lui tient à cœur. Et il entend aussi le voisin : l’assistante sociale va présenter la problématique du département en ce moment, et qui est à côté de l’animateur d’une fédération d’entreprise. Et déjà en 2012 j’invitais les collègues, je ne savais pas que ce serait des collègues, de l’EPCI”.

4. Culture participative locale L’obligation de mettre en place des conseils citoyens a été très bien reçue sur ce site. Le maire qui est arrivé en 2006 dans un contexte de contestation du projet urbain, voit cette instance comme un outil de dialogue autour du QPV. Une maison du projet a été construite pour héberger le conseil qui se réunit régulièrement.

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Site B 1. Histoire de la politique de la ville et caractéristiques socio-démographiques du territoire Le quartier prioritaire du site B représente un tiers de la population de la ville. Il est éloigné du centre-ville. Les difficultés sociales y sont anciennes ; la mise en oeuvre de la politique de la ville sur ce territoire s’est accélérée depuis le début des années 2000, même s’il existait auparavant des dispositifs d’aide à destination du QPV. L’adjoint.e à l’urbanisme nous a ainsi déclaré : “Les contrats de ville sont mis en place depuis les années 90 au moins ; avant il n’y avait pas un élu qui s’en chargeait, c’était aux services administratifs d’aller quémander auprès de chaque élu sectoriel une décision”. L’actuel.le élu.e à l’urbanisme, s’est emparé.e de la question de la politique de la ville. Par le biais de l’ancien contrat de ville et de la loi Borloo de 2003, le site B a bénéficié d’un programme de rénovation urbaine. Les outils offerts par l’ANRU ont aidés les équipes municipales. Aujourd’hui la phase de préfiguration du NPNRU démarre sur le QPV, il s’agit d’un quartier d’intérêt national. Les orientations nationales pour la politique de la ville ont structuré l’action du site envers son quartier prioritaire. En effet, le portage et le suivi de la politique de ville sont devenus plus importants dans les années 2000, avec l’existence d’un premier contrat de ville. A cette occasion, un emploi vacataire avait permis de concentrer l’action de la politique de la ville sur le quartier prioritaire. L’action municipale en faveur de ce territoire a ainsi été renforcée et un suivi du contrat de ville a été mis en place. En 2006, la politique de la ville prend un nouveau tournant avec la signature des CUCS. L’emploi vacataire dédié à la politique de la ville est contractualisé, en tant que chargé.e de mission politique de la ville. Dans le cadre de la mise en oeuvre du programme de renouvellement urbain, les missions déjà existantes de suivi et d’animation de la politique de la ville se sont articulées à celles de la phase opérationnelle de l’ANRU I. La conjonction de ces deux casquettes a donné une vision plus transversale aux projets, constituant un autre point d’étape important de l’histoire de la politique de la ville. Le/La DGA à l’aménagement explique que la nouvelle géographie prioritaire et le contrat de ville ont permis de mobiliser le nouveau programme de renouvellement urbain sur ce territoire. A l’occasion de ce nouveau projet sur le quartier, le site créé un poste dédié. Plus largement, ils ont été l’occasion de repenser l’organisation des services en matière de politique de la ville. La rénovation urbaine du QPV s’inscrit dans un plan de rénovation plus vaste, porté par le/la maire et ses élu.e.s. Ainsi, le QPV est un des volets de ce projet.

2. Histoire du portage intercommunal Le site B appartient depuis le 1er janvier 2017 à une communauté d’agglomération à majorité politique différente de celle de la ville. Cette nouvelle intercommunalité est issue de la fusion de plusieurs communautés de communes, et s’inscrit dans le contexte national de réorganisation de la carte communale et intercommunale. Aussi, la gouvernance du territoire couvert par l’agglomération existante s’en trouve modifiée, ce qui a des conséquences sur le portage de la politique de la ville. Le QPV était le seul quartier prioritaire de l’ancienne intercommunalité, cela reste le cas dans la nouvelle communauté d’agglomération. Le contrat de ville fut signé par la communauté de communes, néanmoins le portage politique était assuré par la ville. Dans un territoire majoritairement rural, la commune est le centre

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urbain le plus important ; c’est également là que se trouve une poche de pauvreté, insérée au sein d’un espace intercommunal riche. Selon un de nos interlocuteurs : “Là c’est une obligation réelle et c’est clair qu’aujourd’hui l’agglomération s’est mise à porter de manière importante ces dispositifs-là. en termes de gouvernance, il y a une évolution (...). C’est une autre manière de fonctionner, un portage qui est moins… comment dire… moins systématique. Parce qu’on a des maires ruraux qui sont à la gouvernance de l’agglomération, donc ça pose politiquement des difficultés”. La mutualisation des services de développement économique et d’aménagement est officiellement prévue ; elle était en cours lors de nos entretiens. Cela étant, le suivi de l’action publique sur le territoire prioritaire restera, a priori, assuré par la commune, même si les rattachements hiérarchiques sont modifiés. L’enjeu principal est donc moins le maintien de l’action en faveur du quartier prioritaire que les financements, comme l’explique un.e agent.e de l’Etat local : “L’EPCI, je vous disais, le/la nouveau/nouvelle président.e n’est pas très convaincu, la politique de la ville ce n’est pas sa priorité, c’est le maire de la ville qui porte le plus. Et dans le portage intercommunal, il y a la question des dotations, des maires se demandent “pourquoi je payerais pour le quartier prioritaire”. Le maintien des financements envers un territoire représentant environ un dixième de la population de la nouvelle intercommunalité renvoie, par ailleurs, à la question du portage politique. Les élu.e.s du site, en particulier ceux dont les missions sont liées à la politique de la ville, se mobilisent en faveur du quartier prioritaire. Le portage de la compétence politique de la ville à l’échelle intercommunale interroge quant au devenir des dispositifs mis en place sur le QPV. De nombreux acteurs expriment leur appréhension liées aux conséquences des divergences politiques vis-à-vis l’action de l’équipe aménagement urbain et politique de la ville.

3. Un/une chef.fe de projet multi-tâches La réforme Lamy et la préfiguration du contrat de ville ont entraîné le recrutement d’un.e chargé.e de mission, devant assurer le suivi du contrat et l’animer. La formalisation d’un poste dédié permit de renforcer l’ingénierie locale de la politique de la ville. Il assura premièrement la préfiguration du contrat de ville, contribua aux diagnostics et, depuis la signature du contrat de ville, remplit les fonctions de chef.fe de projet. Se définissant comme un “couteau suisse”, il/elle effectue le suivi et la mise en oeuvre du contrat de ville, met en place une Gestion Urbaine de Proximité (GUP) dans le QPV, dans le cadre du NPNRU, anime le conseil citoyen, et supervise la coordinatrice du PRE. Ses multiples prérogatives l’obligent à travailler en transversalité et en coordination avec les services sectoriels de la collectivité et de l’Etat. Selon l’adjoint.e à la mairie de la commune, “Le/la chargé.e de mission politique de la ville fait le lien entre politique de la ville et droit commun, c’est un gros travail d’explicitation et de pédagogie, (...) c’est très relationnel, il faut un profil souple pour faire de la transversalité, pour ne pas que les gens se sentent agressés ou remis en cause”. Il/elle estime également que le poste de chargé/e de mission politique de la ville est un travail de communication avec les élu.e.s. Par ailleurs, dans le cadre du NPNRU au sein du quartier prioritaire, la politique de la ville s’insère dans le projet urbain : ainsi, il semble plus facile de mobiliser les politiques sectorielles vers le QPV.

4. Description et analyse de l’ingénierie Le/La directeur/directrice générale adjoint.e (DGA) aux projets urbains regroupe notamment au sein de sa direction le Pôle aménagement urbain, dans lequel se trouve la politique de la ville : “En ce moment on se restructure, on intègre au volet urbanistique le volet cohésion sociale, pour pouvoir avoir une vision d’ensemble” (DGA aménagement). Le choix politique de porter de grands projets d’aménagement se !17


matérialise par cette réorganisation : la montée en puissance de ce pôle, qui intègre pleinement la politique de la ville, au travers de liens hiérarchiques et fonctionnels, illustre la place que prend cet enjeu à B.

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Le Pôle Aménagement Urbain est composé de : Un.e directeur/directrice Un.e chargé.e de mission ANRU Un.e chargé.e de mission politique de la ville ½ ETP qui assiste le chargé de mission politique de la ville

Un demi-poste vient renforcer, depuis peu, les actions du chargé de mission politique de la ville; l’autre moitié du temps de cet.te agent.e est consacrée au suivi des parcours du PRE. Le NPNRU a également permis le redéploiement du temps de travail du/de la chargé.e de mission sur le renouvellement urbain. Le nombre de postes et d’agents mobilisés reste cependant, aux yeux de l’équipe politique de la ville, insuffisant. Enfin, concernant l’organisation des services de la collectivité, le/la coordinateur/coordinatrice du programme de réussite éducative est rattaché.e au service éducation mais est supervisé.e par le/la chef.fe de projet politique de la ville. Dans la pratique le PRE s’articule avec une partie du volet éducation du contrat de ville. Aussi, il s’insère dans l’ingénierie mise en place au sein du QPV : le projet éducatif fait partie de l’action globale de la politique de la ville pour le quartier prioritaire. Le/La coordinateur/coordinatrice du programme de réussite éducative assure également la mission du suivi des parcours, pour laquelle il/elle est assisté.e. Il/Elle est présent.e au comité d’administration et au conseil consultatif du PRE. Ses liens de travail dépassent le cadre de la politique de la ville : il/elle fonctionne de manière partenariale avec les acteurs qui font fonctionner le PRE.

La mise en oeuvre et le suivi des axes du contrat de ville se matérialisent par : ● La réunion de groupes de travail thématiques, animés par le/la chef;fe de projet, mais qui a dû laisser de côté certains axes, faute de temps. ● Le comité technique, qui se réunit environ trois fois par an. Cette fréquence de rencontre est appréciée par les acteurs puisqu’elle permet d’examiner des appels à projet à plusieurs moments de l’année, et ainsi d'accélérer un éventuel financement plutôt que de le reporter à l’année d’après. Cela permet de monter des projets plus concertés et spécifiques. ● Le comité de pilotage, qui se réunit chaque année, est présenté comme une chambre d’enregistrement des décisions prises au sein du comité technique. De plus, le/la chargé.e de mission politique de la ville coordonne les actions des différents partenaires du contrat de ville (contacts téléphoniques réguliers), il/elle est notamment en lien régulier avec un.e référent.e politique de la ville à la sous-préfecture ainsi qu’avec le/la délégué.e du Préfet. Les échanges sont souvent fructueux quand ils sont orientés autour d’un projet concret : lorsqu’un cadre d’action est fixé il est plus aisé d’amener les partenaires de la politique de la ville à s’impliquer (bailleurs sociaux, agences de l’État, par exemple). Toutefois, l’approfondissement de la coopération entre les services de la collectivité et de l’Etat local est freiné par la raréfaction des moyens financiers. La transversalité des missions du/de la chef.fe de projet fait de lui un élément pivot des services de la collectivité. Identifié par les autres acteurs intervenant sur le quartier prioritaire, il peut plus facilement entrer en contact, partager des informations et coordonner les actions des différents services. Par exemple, le suivi, par le/la chef.fe de projet, du PRE, permet d’intégrer ce dispositif, parfois considéré comme indépendant de l’action menée par les équipes politique de la ville. Il en résulte ainsi une plus grande transversalité et une meilleure coordination entre acteurs. Les exigences fortes de l’ANRU pour l’ingénierie et le pilotage des projets de renouvellement urbain avaient permis de mieux structurer l’action de l’équipe politique de la ville lors du premier projet de renouvellement urbain. Aujourd’hui, la phase de préfiguration du NPNRU qui interviendra sur le QPV conduit le chef de !18


projet à mettre en place une GUP. Les habitudes de travail se trouvent également transformées : notamment, une méthode de travail avec les bailleurs s’est mise en place, une nouvelle gouvernance efficace. Par ailleurs, la collectivité a été accompagnée par un bureau d’étude pour le montage des projets NPNRU ; cet appui à l’ingénierie du PRU est cofinancé par la région. Le centre de ressource politique de la ville, né récemment, n’a pas encore développé pleinement son activité de soutien à l’ingénierie de la politique de la ville sur la commune. D’autre part, les services locaux de l’Etat effectuent un travail partenarial dans le portage de la politique de la ville avec les services du site B. Très présents en amont, lors de l’élaboration du contrat de ville, ils ont maintenant laissé la commune prendre davantage de place. Le binôme délégué.e du Préfet et chef.fe de projet fonctionne bien, chacun représentant pour l’autre un interlocuteur privilégié. Le/La Sous-préfèt.e, qui a impulsé les travaux préparatoires au contrat de ville, anime et coordonne à une échelle plus vaste l’action de l’Etat vers le quartier prioritaire ; il/elle préside avec le/la maire le comité de pilotage. Les services de la collectivité comme de l'État local disent manquer de moyens humains et de temps pour porter leurs projets. Certains axes ou éléments de missions ne sont pas mis en place de ce fait. Le manque de temps des agent.e.s politique de la ville pour mener à bien leurs missions est accentué par la faible mobilisation du droit commun : les services sectoriels semblent toujours concentrer leur action sur les deuxtiers de la population de la commune, sans modifier profondément leurs pratiques envers les habitants du quartier prioritaire.

5. Culture participative locale Le territoire connaissait déjà des formes de participation verticale, à l’image des conseils de quartier. Le conseil citoyen mis en place à la suite de la loi Lamy a pris cette forme ; signe que la culture participative horizontale, voire bottom up, n’est pas encore tout à fait implantée. La culture locale de participation a, en outre, pris la forme de l’engagement associatif. Les appels à projet pour les enveloppes politique de la ville à destination du quartier prioritaire suscitent de nombreuses demandes de la part des associations locales.

Site C

1. Caractéristiques du territoire et histoire du portage intercommunal !19


Le site C est une ville qui compte un quartier prioritaire important et qui se situe au sein d’une métropole. Plus de la moitié de la population vit au sein du quartier prioritaire lequel est situé en centre ville. Cela favorise la mobilisation du droit commun. Le site C a bénéficié d’un conventionnement ANRU dans le cadre du PNRU 1, et est également site d’intérêt national avec le NPNRU qui poursuit la transformation des quartiers prioritaires. La politique de la ville est portée par la métropole dont fait partie le site C. La mobilisation en faveur des quartiers prioritaires s’est traduite d’emblée par un partenariat associant les communes, l’agglomération, l’Etat et les organismes HLM. Par la suite, l’agglomération s’est appuyée sur un contrat de ville intercommunal décliné en conventions locales d’applications sur les différents sites. Dans cette configuration, l’intercommunalité permettait de mobiliser l’ensemble des acteurs publics et associatifs sur les quartiers les plus en difficulté. Depuis les débuts du portage de la politique de la ville par la communauté urbaine, on note également une co-embauche ainsi qu’un cofinancement des chef.fe.s de projets. Dans les grands services politiques de la ville de la métropole concernés par la politique de la ville, les chef.fe.s de projet sont embauché.e.s par la métropole et cofinancé.e.s par leur ville de rattachement. C’est l’inverse dans les villes qui ne disposent que d’une équipe politique de la ville de taille réduite. Dans tous les cas de figure, ces mêmes chef.fe.s de projets travaillent dans les locaux de leurs villes de rattachement. Le 1er Janvier 2015, dans le cadre de la loi MAPTAM, l’agglomération dont fait partie le site C acquiert le statut de métropole.

2. Un/une chef.fe de projet : « chef.fe d’orchestre » Le/la chef.fe de projet politique de la ville est à la tête d’un service relativement important puisqu’il est composé de plus de dix personnes. Le/La chef.fe de projet a deux rattachements: Il/elle est rattaché.e hiérarchiquement à la métropole et rattaché.e fonctionnellement à la direction générale des services de la mairie du site C. “J’ai mon N+1 et mon N+2 à la métropole et je fais partie d’une grosse direction mais je suis à 90% du temps ici. (...) Je vois mon DGS du site C toutes les semaines, ce n’est pas lui mon responsable hiérarchique mais je le vois cinq fois plus”. (Chef.fe de projet politique de la ville) D’autre part, le/la chef.fe de projet assure la mise en œuvre et la coordination du contrat de ville métropolitain mais également des dispositifs thématiques de la politique de la ville comme l'Atelier Santé Ville (ASV), le Programme de Réussite Éducative (PRE), le Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) et la Gestion sociale et urbaine de proximité (GSUP). Du fait de l’étendue du QPV et de l’importance du service politique de la ville de la métropole, le rôle de chef.fe de projet prend une ampleur importante et ses missions peuvent aller au-delà du contrat de ville : “J’ai des liens avec ma collègue sur l’urbain, sur des missions ville qui dépassent du contrat mais c’est parce que ma commune est à deux tiers en politique de la ville. Je m’intéresse aussi au développement économique. Je ne peux pas m’arrêter aux frontières du QPV” (Chef.fe de projet politique de la ville). Enfin, le/la chef.fe de projet politique de la ville bénéficie d’un portage politique fort puisque l’élu de référence de son service est le maire de la commune. Au regard des caractéristiques de son poste, le/la chef.fe de projet se définit lui/elle-même comme un/une “chef.fe d’orchestre”. En effet, il/elle met en synergie les forces en présence du territoire dans une même direction. Ainsi il/elle pèse dans le projet social et territorial du site C.

3. Description et analyse de l’ingénierie

Le service politique de la ville est composé de plus de dix personnes personnes dont : Le/La chef.fe de projet politique de la ville !20


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Un.e directeur/directrice adjoint.e Un.e responsable administrative et financière Un.e chargé.e de relation entreprise Un.e chef.fe de projet PEL/PRE Un.e chargé.e de mission emploi et insertion

Selon nos interlocuteurs, la condition pour que le rattachement au DGS se passe bien est qu’il y ait une parfaite circulation de l’information entre le service politique de la ville et le DGS. Du point de vue du/de la chef.fe de projet politique de la ville, c’est le cas puisqu’il/elle s’efforce de transmettre au DGS aussi souvent que possible les informations qui lui semblent importantes. Il/Elle évoque les spécificités du service politique de la ville, directement rattaché au DGS et en lien avec le maire, et les exigences que cela implique : “Au démarrage c’est compliqué de travailler quand les gens ont une vue verticale (...) On était le vilain petit canard de l’organigramme. (...) Je dirais que la seule clé pour que ça fonctionne est que le reporting auprès du DGS soit irréprochable”. Le maire a choisi de piloter la compétence politique de la ville puisqu'elle s’inscrit au cœur du projet urbain municipal, le QPV étant le centre-ville du site C. Selon le chef de cabinet du maire, ce rattachement s’explique également par une volonté de mieux contrôler le service politique de la ville. Un/Une directrice adjointe assiste le/la chef.fe de projet pour animer le contrat de ville et coordonner les équipes. Il/Elle est également en charge de la communication et de la culture qui sont liées aux activités politique de la ville. Ces missions lui permettent de travailler en lien étroit avec le cabinet du maire ; en effet la communication sur le service politique de la ville est très liée à la communication relative au maire. Les deux agents de développement local sont quant à eux chargés d’appuyer le/la chef.fe de projet politique de la ville dans le pilotage des projets urbains territorialisés. Ils estiment faire en sorte que les habitants s’approprient les projets urbains et y participent autant que possible. Les agents de développement du site C ont mis en place un groupe de travail spécifiquement dédié au QPV. L’objectif est de regrouper les partenaires pour présenter les différentes missions et interagir. En termes de transversalité, plusieurs éléments sont à noter dans l'ingénierie. D’abord, suite à une décision stratégique du/de la chef.fe de projet politique de la ville, du DGS et des élu.e.s, un poste de chargé.e de relation entreprises a été créé. Il a dans le même temps été décidé de rattacher hiérarchiquement ce poste de chargé.e de mission au service politique de la ville. Son bureau est situé dans les locaux du service attractivité du territoire de la mairie. Cela permet au service politique de la ville et au service attractivité du territoire d’être davantage en synergie. Au quotidien cela peut permettre au service politique de la ville de solliciter plus facilement les entreprises pour que ces dernières s’installent dans les quartiers prioritaires. Ensuite, la seule personne en charge de l’emploi dans les services de la mairie est rattachée au service politique de la ville. Elle bénéficie de crédits de droit commun, par exemple, via le PLIE local. Cela lui permet potentiellement de flécher les crédits de droit commun, et notamment des fonds européens, vers le QPV. Il s’agit, selon les mots du/ de la chargé.e de mission, d’une ingénierie d’action qui part du besoin des habitant.e.s. Ce/Cette chargé.e de mission est par ailleurs amenée à travailler régulièrement avec le service jeunesse de la mairie sur des dispositifs de type cellule deuxième chance.

Sur l’organigramme du service politique de la ville, on peut constater que le/la chef.fe de projet PEL/PRE apparaît comme rattaché.e hiérarchiquement au service politique de la ville. En réalité, ce/cette chef.fe de projet est rattaché.e hiérarchiquement et fonctionnellement au service éducation de la mairie. On peut interpréter ce choix de la faire figurer sur l’organigramme du service politique de la ville comme une volonté de montrer à quel point les liens de travail sont forts entre les deux parties. Au-delà de l’organigramme, le contrat de ville et tous les dispositifs spécifiques comme l’ASV, les opérations de sécurité/prévention ainsi que les structures de gouvernance du contrat de ville lui-même, ont des structures de gouvernance propres. Les modes opératoires de ces structures de gouvernance sont situés !21


en annexe de la convention locale d’application du site C. Par exemple l’ASV réunit son propre Copil avec les élu.e.s référent.e.s et partenaires sur la question spécifique de la santé. Au-delà de ce Copil qui se déroule chaque année, des groupes de travail opérationnels ont lieu plus régulièrement notamment sur les personnes âgées et l’alimentation. L’ASV tout comme les groupes de travail sont co-portés par le CCAS. On retrouve ces structures classiques de gouvernance comme des Copil ou des Cotech à l’échelle de la métropole. Plus globalement, face à l'ampleur des missions du service politique de la ville, l'équilibre avec les autres services de droit commun sur des missions proches peut être difficile à trouver. La critique peut aller loin puisqu'un membre du cabinet du maire n'hésite pas à parler d' “Etat dans l'Etat”. Le sentiment n'est pas forcément partagé par les services de la mairie puisque le DGA de l’un d’entre eux estimait que le service politique de la ville bénéficiait des mêmes prérogatives que les autres services.

5. Culture participative locale La loi Lamy a constitué une grande nouveauté pour les villes de la métropole à laquelle appartient le site C. En effet si ces dernières avaient mis en place des conseils de quartier, ils n’étaient pas suffisamment actifs. Sur le site C, le conseil citoyen tel que décrit par la loi n’a pas été mis en place, car les élu.e.s estiment qu’ils demeurent les décideurs en dernier recours. Ce sont des groupes de consultation qui sont institués. composés d’habitant.e.s tiré.e.s au sort, ils travaillent sur une thématique pour une durée de six mois. Pour ce qui est de la maison du projet du site C, le choix de son implantation était acté avant même la promulgation de la Loi Lamy.

Site D 1. Caractéristiques du territoire et histoire du portage intercommunal

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La ville D compte des quartiers en politique de la ville depuis les années 1980, cinq quartiers prioritaires regroupent 25% des habitants de la ville. La ville D est un territoire qui bénéficie d’une ingénierie développée en matière de politique de la ville. Le contrat de ville métropolitain est décliné par quartiers. Ces déclinaisons reprennent les objectifs du contrat de ville en fonction des caractéristiques des quartiers concernés. Les quartiers prioritaires du site ont, en effet, des tailles de populations et des caractéristiques socio-économiques variables. Des ajustements annuels sont réalisés sur ces documents. Le site D compte deux chargé.e.s de mission stratégiques mutualisé.e.s et des chargé.e.s de mission territorialisé.e.s qui mettent en place les conventions locales d’applications. Le portage intercommunal de la politique de la ville était en place depuis longtemps, la loi Lamy n’a donc pas bouleversé les équilibres existants. Cependant tous les quartiers sont situés au sein de la ville, ce qui donne un caractère artificiel à ce portage pour certains acteurs. La ville a fait le choix de conserver une enveloppe budgétaire spécifique de la ville à côté de celle de la métropole. “Chez nous c’est un peu spécial parce qu’on a une intercommunalité qui est au pilotage alors que tous les territoires prioritaires sont dans la ville, donc il y a un côté un peu factice à avoir une intercommunalité qui porte ça” (Chargé.e de mission). D’autres soulignent l’intérêt de ce portage qui permet de ne pas oublier les communes en veille active et de maintenir un équilibre de moyens entre les territoires ruraux en difficulté et les territoires en politique de la ville. De plus, comme la métropole dispose de la compétence développement économique, ce portage permet aux professionnel.le.s de la politique de la ville de mieux mobiliser ce secteur pour développer des actions partenariales. Le portage intercommunal de la politique de la ville a amené à créer des postes mutualisés. Cependant, des postes liés à la déclinaison des conventions locales d’application sont toujours rattachés à la ville. Cette organisation de l’ingénierie s’est stabilisée depuis une dizaine d’années. Enfin, si les professionnel.le.s de la politique de la ville sont rattaché.e.s à différent.e.s élu.e.s au niveau de la ville, il n’y a qu’un.e élu.e politique de la ville au niveau de la métropole, ce qui garantit la cohérence des positionnements et des décisions.

2. Rôle du/de la chef.fe de projet : des chef.fes de projet impliqué.e.s et multiniveaux L’organisation des chef.fe.s de projet est complexe. On compte deux niveaux d’action distincts. Un niveau stratégique et un niveau davantage opérationnel et de terrain. Deux postes sont mutualisés : ● Un/une directeur/trice de Pôle : du fait de son parcours professionnel et personnel cet agent a souhaité garder tout particulièrement un oeil sur la politique de la ville et le renouvellement urbain qu’il suit de près malgré ses nombreuses autres missions. ● Un/une chargé.e de mission qui gère le volet financier et stratégique du contrat de ville de la métropole. Ces deux professionnel.le.s sont rattaché.e.s à l’élu.e politique de la ville de la métropole. Ils/elles occupent des rôles de coordination et d’animation du contrat de ville au niveau global. Ils/elles prennent aussi part à l’équipe constituée autour de l’opération du NPNRU. A ces deux postes clés s’ajoutent les postes plus opérationnels. Les missions sont plus diversifiées que les chargés de mission stratégiques. Ils/elles se sont approprié.e.s leurs missions en fonction des besoins spécifiques du quartier, de leurs compétences, et de leur sensibilité mais cela n’est pas formalisé par la ville dans les fiches de poste : “On a tous/toutes les mêmes missions au sein de la mission politique de la ville, il n’y a pas de différenciation.” (Chargé.e de mission). !23


Ils assurent plusieurs missions dont des actions de coordination vis-à-vis des initiatives notamment de développement économique (travail avec les maisons de l’emploi etc). Ils/Elles sont aussi en lien, sur les quartiers en renouvellement urbain, avec la/le chargé de mission ANRU, ils/elles travaillent avec les bailleurs sur les enjeux spécifiques de ces territoires. Ils/elles s’occupent de missions de développement, d’animation sociale et d’articulation des enjeux du contrat de ville au niveau d’un territoire. Ils/elles ont chacun.e.s une vision différente de leur poste et de leurs missions : “La cohésion sociale c’est le coeur de métier. Par rapport au travail sur les différentes thématiques on s’appuie sur les services sectoriels. (...) On va chercher les collègues avec des compétences spécifiques sur ce domaine pour les faire travailler sur le quartier. On se demande quels constats, quels besoins, quels acteurs et quels appuis sur des compétences spécifiques on peut avoir” (Chargé.e de mission). “Tout est très lié, très mixé donc on va dire qu’il y a des périodes de l’année où l’on passe plus de temps sur certaines missions, par exemple pendant la période des appels à projets, il est assez logique que ça me prenne plus de temps. Idem sur la phase de gestion des projets participatifs, c’est plus le volet démocratie locale/participation citoyenne qui domine. Donc ça s’équilibre sur l’année” (Chargé.e de mission). Contrairement aux deux postes stratégiques et mutualisés présentés précédemment, ces chargés.e.s de mission sont rattaché.e.s à la ville. D’un point de vue politique, elles sont rattachées à des élu.e.s auquel elle font remonter les problématiques et les enjeux du terrain. “J’ai des liens de travail avec l’élu, que je vois tous les 15 jours, et qui est visible auprès des habitant.e.s. L’élu.e à la politique de la ville de la métropole porte les projets, elle voit souvent les chargé.e.s de mission, on a des temps d’échange. Dans l’instruction des projets on se voit plus avec les autres élus : vie associative, sport, économie sociale et solidaire ”. (Chargé.e de mission)

3. Description de l’ingénierie Comme l’a souligné le/la chargé.e de mission stratégique politique de la ville : “Les organigrammes sont toujours liés aux personnes, à la hiérarchie, à l’ancienneté”. Les postes des deux chargé.e.s de mission stratégiques politique de la ville ont été mutualisés depuis longtemps, un service mutualisé a été créé à cette occasion. Pour ces deux responsables stratégiques de la politique de la ville cette double casquette ne leur pose pas de difficultés particulières: “La double casquette fonctionne bien, ce n’est pas un élément de blocage, il y a des habitudes de travail entre la métropole et la ville” (Chargé.e de mission). L’organisation du travail entre les différents agents de la politique de la ville se fait sur le mode de groupes de travail thématiques. Il y a des instances de travail régulières entre les chargé.e.s de missions et les différents services et élu.e.s. Les habitudes de travail sont anciennes et la transversalité est au centre des réflexions depuis longtemps. La loi Lamy semble avoir encouragé cette dynamique : “Le travail en commun existait déjà entre personnes mais maintenant les échanges sont plus nombreux, notamment avant l’instruction des dossiers, il y a plus d’échanges sur les projets” (Chargé.e de mission). Cependant un grand nombre de professionnel.le.s regrettent le manque de lisibilité des instances de réflexion et de validation: selon eux, beaucoup se répètent et certaines ne sont que peu efficaces. Cela est lisible à travers l’analyse faite par les différents acteurs des instances de pilotage du contrat de ville. Si le comité de pilotage est vu comme une chambre d'enregistrement, le comité technique ne semble pas toujours tenir son rôle d’instance de discussion et de partage de point de vue entre les différent.e.s professionnel.le.s du contrat

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de ville. “Mais souvent ce sont des réunions à 50 qui sont difficiles à animer et où il est difficile de travailler ensemble” (Chargé.e de mission). Les différent.e.s chargé.e.s de mission, les élu.e.s et les services de l’Etat souhaitent réfléchir ensemble à d’autres formats de réunions plus efficaces. En termes d’ingénierie et de partenariat il est parfois difficile de travailler avec les nouveaux signataires du contrat de ville, car des méthodologies et des habitudes de travail n’ont pas encore été mises en place. Sur le site D, l’ingénierie a la particularité de devoir intégrer les enjeux liés à la planification du NPNRU. Au niveau politique, le projet est suivi en direct par les élu.e.s. L’équipe projet resserrée est une équipe intégrée qui s’appuie sur les services opérationnels (urbanisme, développement économique, politique de la ville etc). Les bailleurs sociaux sont également associés à la réflexion. Ces conventions ANRU ont permis de penser et de développer les postes de chargé.e.s de mission développement économique dans les quartiers prioritaires. La réflexion sur l’articulation des volets social-urbain-économique s’est traduite dans l’ingénierie globale par la volonté de renforcer la réflexion autour du développement économique et d’impliquer plus fortement les services concernés. Un nouveau poste de développement économique à la métropole a été créé, dans le cadre de la réforme, avec le recrutement d’un.e chargé.e de mission. Une feuille de route développement économique et emploi a été mise en place dans les quartiers prioritaires. Enfin, dans les instances de développement économique de la métropole, les secteurs liés à la cohésion sociale sont de plus en plus invités. Le site D peut également s’appuyer sur des associations pour compléter son ingénierie.

4. Culture de la participation Le site D a une histoire ancienne en termes de dispositifs participatifs (maison du projet, tissu associatif, conseils de quartier). La ville a récemment opéré un renouvellement de sa charte de la participation citoyenne. La mise en place du conseil citoyen a été réfléchie de manière très approfondie. Par exemple la démarche de tirage au sort a été faite à partir des adresses et non des listes électorales. Le conseil citoyen de la ville a été segmenté en groupes territorialisés pour plus de proximité avec les enjeux des territoires. Les différents groupes territorialisés se regroupent pour former le conseil citoyen de la ville. Le conseil a été constitué en association, il est accompagné par un organisme indépendant et il est aujourd’hui installé dans les instances de discussion et de pilotage du contrat de ville.

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CHAPITRE II ANALYSE CROISÉE

PARTIE 1: UNE INTENSITÉ DU PORTAGE INTERCOMMUNAL DE LA POLITIQUE DE LA VILLE ENCORE TRÈS VARIABLE Le portage intercommunal constitue une variable clé de l’ingénierie de la politique de la ville. Au niveau de l’ingénierie formelle, cela demande aux communes et aux EPCI une répartition claire des compétences et !26


une coordination des missions des agents (cofinancement, co-mandatement, place dans l’organigramme). Ce transfert de compétence questionne aussi les modes de faire : des compétences intercommunales sont ainsi mieux articulées à la politique de la ville, permettant davantage de transversalité. Les chef.fe.s de projet gagnent une légitimité accrue.

1. Histoire et dynamiques de l’intercommunalisation de la politique de la ville Dès 1998, dans un rapport remis à Martine Aubry, le ministre de l’Emploi et de la Solidarité, JeanPierre Sueur met en avant que seule l’échelle de l’agglomération permet de répondre aux problèmes des quartiers en difficulté. Dans cette même lignée, la loi Chevènement de 1999 crée des communautés d’agglomération et les désigne comme le périmètre pertinent pour piloter la politique de la ville. Dès ce moment-là, la politique de la ville est une compétence obligatoire des communautés d’agglomération. Pour autant, le portage de cette compétence a été assuré de manière variable par les collectivités. Dans un contexte où la réforme des collectivités territoriales de 2010 a rendu obligatoire pour les communes l’appartenance à une intercommunalité ; la loi Lamy redonne quant à elle aux intercommunalités un rôle de cheffes de file en termes de portage de la politique de la ville. L’objectif est d’aller vers une meilleure intégration des quartiers en difficulté dans les dynamiques de l’agglomération et notamment en matière de politiques d’aménagement du territoire et de développement économique. Un autre but est de permettre qu’une solidarité s’exerce entre les territoires de l’agglomération notamment via la péréquation horizontale. Enfin dans son article 8, la loi Lamy privilégie l’échelon intercommunal pour mener les politiques d’attribution de logements sociaux et favoriser la mixité sociale dans l’habitat. La répartition des missions entre intercommunalités et communes est pensée de la façon suivante. L’EPCI est chargé du diagnostic de territoire, de la définition des grandes orientations et enfin de l’animation du contrat. Les communes sont quant à elles responsables de la mise en œuvre et parties prenantes de la gouvernance d’un contrat de ville qui doit demeurer concertée. Des difficultés pratiques dans la mise en place du portage intercommunal de la politique de la ville ont toutefois déjà pu être relevées sur nos sites. On peut constater que les agglomérations en sont à des stades différents en termes de portage du contrat de ville. Un processus d’intercommunalisation est à l’œuvre, dont le degré d’évolution dépend de l’histoire de l’agglomération en politique de la ville, du nombre de communes en politique de la ville dans l’intercommunalité, des éventuelles différences de couleurs politiques entre la commune et l’agglomération ou de l’adhésion plus ou moins grande des élu.e.s de l’agglomération aux objectifs de mixité sociale que la loi définit. Nous pouvons donc distinguer portage intercommunal en tant que prise de compétence juridique de l’EPCI et processus d’intercommunalisation sur un temps plus long, qui dépend de la gouvernance locale.

2. Le portage intercommunal : un outil à plusieurs vitesses pour la politique de la ville a. Le portage intercommunal, un outil efficace pour la politique de la ville -

Une ressource bénéfique en termes d’ingénierie

Le portage intercommunal peut être une ressource pour la politique de la ville en termes d’ingénierie. Sur le site C, le service politique de la ville bénéficie de l’ingénierie de la métropole. Par !27


exemple, la métropole négocie régulièrement une charte culturelle pour permettre aux QPV de bénéficier de cinq équipements culturels plus facilement. La ville A a regretté de perdre le rattachement à une métropole lors de la prise de compétence de l’intercommunalité au 1er janvier 2015. Aujourd’hui, cependant, les acteurs rencontrés ont l’impression que la place de la politique de la ville s’est amoindrie avec le passage à la métropole.. La priorité de la métropole est actuellement d’intégrer ces nouvelles compétences : action sociale, éducation, culture. Dans la ville B, le transfert de compétences est en cours, ce qui rend la situation difficile à apprécier. -

Une transversalité accrue

Le portage intercommunal a également permis de travailler plus en transversalité par les modes de travail et la création de postes. Sur le site A, suite à la création d’un poste dédié, le/la chef.fe de projet n’est plus directement en charge les volets administratifs et financiers de la politique de la ville. L’intercommunalisation de la politique de la ville a également entraîné la création d’un pôle social. Le poste de chef.fe de pôle a été créé à cette occasion. Le transfert de compétences a donc joué ici un rôle moteur pour la mise en place d’une politique sociale intercommunale. Pour le/la chef.fe de projet de la ville du site C “Un groupe de travail s’est mis en place notamment sur l’insertion et l’emploi (...) Ma collègue de la partie éducative et prévention assiste également à un groupe de travail de la métropole” ou pour un.e élu.e du site D : “L’intérêt c’est qu’en fonction des compétences métropolitaines, ça reste un sujet partagé (...) On a de plus en plus l’habitude de travailler ensemble”. Sur le site A, le rattachement du contrat de ville à l’intercommunalité a été l’occasion de mettre en place un portage et des modes de travail plus performants et une meilleure communication entre les acteurs : “On a la chance d’être une petite structure donc on arrive à faire le lien en direct, on est tous à cheval sur des missions transversales” (Chef.fe de projet). Malgré les craintes du/de la chef.fe de projet du fait de la séparation avec la métropole, la petite taille de l’EPCI est un atout pour la politique de la ville sur le site A : “A ma grande surprise, c’est vrai que la proximité, la taille, l’échelle géographique est devenue un atout. (...) C’est-à-dire que j’avais la proximité qu’il fallait pour aller expliquer la réforme, expliquer la politique de la ville. J’ai essayé de faire la même chose à l’intercommunalité. J’essayais de passer systématiquement dans la commission aménagement à laquelle j’étais rattachée. On faisait un point politique de la ville tous les trimestres devant les élu.e.s pour expliquer la politique de la ville” (Chef.fe de projet). -

Une articulation entre les compétences de l’intercommunalité et les exigences de la politique de la ville

Les exigences de la politique de la ville s’articulent plus facilement aux compétences de l’intercommunalité. C’est notamment le cas du développement économique. Sur les sites A et à D les postes des chargé.e.s de mission développement économique s’occupant spécifiquement des quartiers prioritaires ont été créés ; pour un.e élu.e : “Ce qui est un peu nouveau sur cette mandature là c’est qu’on s’articule un peu mieux sur les compétences de développement économique, qui sont maintenant des compétences communautaires”. -

Une légitimité nouvelle donnée à la politique de la ville

Pour de nombreux acteurs rencontrés, le portage intercommunal peut devenir un outil en ce sens qu’il donne une légitimité nouvelle à la politique de la ville. Par exemple, le/la chef.fe de projet du site C utilise son mail “métropole” pour avoir plus de poids face à l’Etat. Pour un.e élu.e du site D, même si les quartiers prioritaires sont dans l’enceinte de la ville, cela permet de penser le développement économique dans ces quartiers comme participant de l’attractivité économique de l’ensemble du territoire : “C’est

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indispensable pour le développement économique, mais aussi pour le développement du territoire, il faut que les quartiers fassent partie de l’attractivité, il faut éviter les formes de relégation et de décrochage”. Politique de la ville et documents d’urbanisme intercommunaux Les sites A et C sont deux exemples intéressants de la manière dont la politique de la ville est intégrée à la réflexion autour des documents d’urbanismes intercommunaux. Ils sont soit l’occasion de formaliser une gouvernance ou des projets orientés vers les QPV, soit conçus comme des documents cadres qui ne prennent pas nécessairement en compte la géographie prioritaire. Selon le maire du site A “ce qui est très porteur pour l’intercommunalité, c’est qu’on a le PLH”. Cela apparaît comme une vraie ressource pour la ville dans la mesure où le PLH a permis d’obtenir des financements pour une opération locale de renouvellement urbain. Il a été très utile pour légitimer le projet et en préciser la gouvernance. Cela a acté la participation de l’intercommunalité à cette opération (aides à la pierre, cofinancement des études etc) et le rôle des autres partenaires. Sur le site C, la ville s’est servie des documents d’urbanisme pour concevoir le contrat de ville. Selon la cheffe de projet : “C’est plutôt le contraire, quand on rédige un contrat de ville, on va voir les SCoT, PLU-H, PDU. On les prend, on voit ce qui est écrit sur notre territoire (...) il n’y a pas à avoir d’esprit politique de la ville dans les documents d’urbanisme.(...) J’ai travaillé avec l et les communes pour fabriquer le PLU-H dans toutes ses dimensions. On n’est pas sur le même rythme, ce sont des gros documents d’agglomération qui ne se calquent pas sur le rythme 2014-2020 du contrat de ville”. Au niveau intercommunal, le SCoT est également dans une phase de diagnostic et de réflexion. Cependant les préoccupations (corridor écologique etc) sont loin des enjeux de la politique de la ville.

b. Des niveaux d’intégration de la compétence politique de la ville variables selon les caractéristiques des territoires Si l’intercommunalité peut être une ressource pour la politique de la ville, la situation est loin d’être uniforme sur tous les sites. Les facteurs de la taille, de la composition (type de communes) et de la maturité de l’intercommunalité se sont révélés déterminants dans l’intégration plus ou moins poussée de la politique de la ville. Dans la ville B, la nouveauté et la composition de l’agglomération jouent clairement un rôle dans le portage, comme le rappelle un.e élu.e : “Nous sommes passés d’une communauté de communes à une communauté d’agglomération donc jusqu’à fin 2016, ce n’était pas une compétence obligatoire c’était géré a minima. Deux autres communes étaient concernées, mais nous discutions de commune à commune. Maintenant la loi Lamy impose un niveau intercommunal, donc il y a un portage intercommunal minimal, sans associer les ruraux. Autour de nous ce sont des banlieues riches, donc elles ne se sentent pas concernées ; c’est une difficulté”. Le portage de la politique de la ville est aussi influencé par la composition de l’intercommunalité sur le site A, qui fait face aux mêmes problématiques que l’intercommunalité du site B. En effet, le site A a un QPV restreint, et les communes de l’EPCI, plus périurbaines, ne partagent pas les même problématiques et les mêmes enjeux. Ainsi, pour certains acteurs, la loi Lamy permet peu d’adaptation à la diversité des intercommunalités, par exemple quand les villes-centres sont les seules concernées par la politique de la ville. C’est ce que souligne un.e chef.fe de projet “Je trouve que la réforme Lamy n’a pas tenu compte des spécificités de chaque territoire. Il faut laisser plus de place à l’expérimentation des agglomérations”. Sur des sites comme B et A, il est encore tôt pour tirer davantage de conclusions concernant les facteurs taille et composition, le portage intercommunal commençant juste à se mettre en place : !29


“J’aurais du mal à vous répondre entre la dynamique d’avant avec les communes du sud-est, là au niveau de la communauté de communes ça me semble prématuré pour vous expliquer ce qu’il y aura de plus au niveau des territoires. On essaye de mettre tout ce qu’il faut en place pour que les autres communes s'approprient et voient l’intérêt” (Élue intercommunale). 3. La répartition de la gestion et de la gouvernance de la politique de la ville entre communes et EPCI a. La répartition des compétences et des rôles au sein du bloc communal L’articulation ville/EPCI semble fondamentale pour la réussite du portage intercommunal de la politique de la ville. Les compétences et les rôles doivent être bien répartis et assumés de part et d’autre. Différentes stratégies ont été mises en place selon les sites. Pour les sites B et D la question se pose peu : les quartiers prioritaires sont au cœur de la ville et les postes sont mutualisés pour l’un et le portage est encore en train de se mettre en place pour l’autre. Pour une métropole, la stratégie adoptée historiquement est d’établir une coopération forte entre communes et métropole : “Pour que le portage intercommunal de la politique de la ville marche bien, il faut un couple fort communes/intercommunalité où l’intercommunalité soit capable de faire aussi de la gestion et où les communes puissent aussi faire de la stratégie” (Chef.fe de projet politique de la ville). Sur le site A, au contraire, les compétences semblent réparties de manière plus floue, et si une cogouvernance est établie, le maire a encore du mal à cerner le partage des compétences entre l’intercommunalité et la commune. Le portage intercommunal s’effectue donc en demi-teinte, des incertitudes subsistent au niveau de la ville, qui voit l’intégration à l’intercommunalité comme une complexification : “Je bosse super bien sur le site A comme avant, mais ce que je me dis c’est que la transversalité avec cette intercommunalité c’est fragile. Surtout qu’il y a des montées en compétences, donc ça devient de plus en plus complexe, ce qui n’est pas très lisible pour moi” (Chef.fe de projet). b. Illustration du partage de la gouvernance : le cofinancement et le co-mandatement des postes Ce partage de compétences se manifeste notamment par des postes co-mandatés et cofinancés. C’est le cas à sur les sites C et D. Sur le site D, les postes de chargé.e.s de mission stratégiques de la politique de la ville sont rattachés à la fois à la ville et à la métropole. Comme ils agissent uniquement sur le territoire de la commune D, cette double casquette ne leur pose aucun problème au quotidien. Les chef.fe.s de projet des grands sites de la métropole à laquelle appartient C sont embauché.e.s par l’intercommunalité et leurs postes cofinancés par la ville. Ils restent dans les locaux de la ville. Le/la responsable du service politique de la ville sur le site C est rattaché.e à la métropole mais passe la majeure partie du temps sur la ville : “Mon rattachement hiérarchique est du côté métropole où je fais partie d’une grosse direction qui est la direction urbaine et du cadre de vie, mais je suis à 90% du temps sur le site C”. Cependant les chef.fe.s de projet de la métropole dont le poste est cofinancé peuvent éprouver des difficultés à trouver leur place entre les deux structures. Comme le montrent le co-mandatement et le cofinancement de certains postes, le portage intercommunal de la politique de la ville exige pour les professionnel.le.s et les différentes structures de faire coexister les deux échelles (villes/intercommunalité). Cela se retrouve dans certains contrats de ville : ils sont élaborés à l’échelle de l’intercommunalité et sont parfois déclinés localement. Cela permet d’avoir une cohérence d’action entre les deux échelles de territoire : “On a renforcé la gouvernance locale, c’est la démarche ascendante qui a été renforcée. Au lieu d’avoir un contrat de ville métropolitain piloté d’en haut, on a un double mouvement, un mouvement qui vient du territoire” (Chargée de mission).

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La même démarche a été suivie à la métropole dont dépend le site C. Les acteurs ont établi un contrat à l’échelle de la métropole et un contrat par site. La convention locale d’application permet une territorialisation et une adaptation des objectifs généraux du contrat de ville. Elle joue un rôle fondamental car elle permet de formuler des stratégies locales pour les villes. Cependant ces doubles échelles peuvent renforcer les lourdeurs administratives pour les professionnel.le.s de la politique de la ville. c. L’impulsion politique comme levier de l’efficacité du portage intercommunal L’articulation plus ou moins importante et plus ou moins fluide des compétences entre communes et EPCI dépend en grande partie de l’implication des élu.e.s. Sur le site D, la politique de la ville est portée de manière très forte et d’une seule voix par le maire et le président de la métropole, ce qui donne une grande latitude au portage de la compétence et notamment à son articulation à la compétence de développement économique. Sur le site B, les élu.e.s apparaissent très investi.e.s dans la politique de la ville ainsi que le maire qui est premier vice-président à la politique de la ville. Comme le déclare le/la Sous-préfèt.e :

“On a des élu.e.s très investis sur la politique de la ville donc ça a été relativement facile dans la mesure où on avait déjà des expériences passées de partenariat, des habitudes de travail. On a vraiment travaillé ensemble, ils ont eu conscience de leur responsabilité et de leur rôle. Ils ont mis les moyens aussi”. Cependant l’élargissement de l’intercommunalité et le changement de majorité pourraient rapidement devenir des points de blocage pour l’intégration plus avant de la politique de la ville. Les élu.e.s et les agents municipaux anticipent que la compétence ne sera pas réellement portée par l’intercommunalité mais restera sous l’autorité du maire de B. Sur le site A, l’intercommunalité compte une élue politique de la ville qui était déjà présente avant que la réforme n’exige que la politique de la ville soit portée à l’échelle intercommunale. Elle mène un réel travail pédagogique auprès des autres communes pour les intéresser aux problématiques spécifiques de la politique de la ville en organisant des réflexions autour de thématiques plus larges (sécurité, santé, etc). Malgré ce travail d’appropriation des problématiques, les autres villes de l’intercommunalité semblent encore réticentes à l’idée d’intégrer la politique de la ville à leur action, ce qui peut expliquer la gouvernance complexe, où les missions sont encore mal réparties, et peu claires pour l’ensemble des acteurs : “Les plus gros changements étaient côté intercommunalité, elle nous a perçu comme un boulet, ils n’en voulaient pas du social, et on ne leur laissait pas le choix. Les quatre maires des autres communes pour eux, c’est la zone” (Chef.fe de projet). La création d’un nouveau pôle de développement social en septembre 2016 semble cependant augurer des évolutions en la matière.

Préconisations ●

La question de l’adaptation au contexte intercommunal

A la suite de nos entretiens, il est apparu que l'adaptation au contexte intercommunal est une vraie question. La composition de l’intercommunalité, sa taille, sa maturité, ou encore ses couleurs politiques sont !31


autant de facteurs qui influencent le portage réel de la politique de la ville. Cela peut se révéler complexe pour certains territoires : le portage intercommunal demande un investissement supplémentaire des élu.e.s et des chef.fe.s de projet qui doivent faire partager les enjeux de la politique de la ville à l’ensemble des communes en plus de leurs missions habituelles. Quand les villes contenant des territoires prioritaires sont minoritaires, l’intercommunalité peut résister à la logique de l’intégration des QPV au projet de territoire. Il serait intéressant d’aider les intercommunalités à construire des stratégies progressives autour d’intérêts territoriaux communs (la santé, la sécurité, éducation etc) pour rassurer et fédérer autour de cette prise de compétence. ●

Méthodologie d’articulation EPCI/commune

Quand il n’y a pas de culture forte de la politique de la ville, il est très difficile pour les élu.e.s de comprendre la répartition des compétences entre l’EPCI et les communes pour faire vivre la politique de la ville. Quand la volonté de portage politique manque, la gouvernance et la répartition des missions semblent être floues, les redondances ou encore les incompréhensions peuvent être source de blocage. Il serait intéressant de travailler à des documents méthodologiques d’accompagnement des EPCI ou des communes sur la gouvernance intercommunale des contrats de ville. Par exemple, une grille d’indicateurs, ou des documents précis, donnant des clés méthodologiques et des modèles d’organisation, seraient de précieux outils pour les intercommunalités qui découvrent la politique de la ville. Il serait possible d’élaborer un référentiel pour évaluer l’intensité du portage intercommunal afin de voir les points de progrès possible (co-gouvernance, co-mandatement, etc). ●

Renforcer l’intégration du QPV au sein du projet de territoire

Les documents d’urbanisme, de transport et les plans d’habitat intègrent encore peu les quartiers prioritaires. Nous avons noté que les chef.fe.s de projet sont assez peu sollicité.e.s pour aider à leur conception et à leur élaboration. Il paraît nécessaire de poursuivre ou de renforcer les incitations pour que les documents stratégiques intègrent les problématiques des quartiers prioritaires, d’autant plus que ces documents semblent donner un poids et une légitimité d’action aux chef.fe.s de projet.

PARTIE 2 : DE LA MOBILISATION DU DROIT COMMUN AUX MODES D’ACTION POUR LA TRANSVERSALITÉ L’ingénierie déployée dans les quartiers prioritaires permet d’articuler les dispositifs de droit commun et les actions spécifiques de la politique de ville. Le contrat de ville est l’outil formel de cette ingénierie, le/la chef.fe de projet l’anime au quotidien en jouant un rôle de pivot : il/elle articule les différentes politiques !32


publiques à destination des quartiers prioritaires. Il/Elle dispose de divers instruments pour impulser la coopération entre services et faire évoluer les pratiques vers plus de transversalité. L’ingénierie évolue en répondant à une autre exigence de la réforme Lamy, celle de l’articulation entre les volets urbain, social et économique dans les actions menées pour les quartiers prioritaires. Les modes de faire, l’organisation des postes, les moyens de coopération entre acteurs et l’utilisation de méthodes de travail transversales sont autant d'éléments structurants pour l’efficacité de ingénierie.

1. La mobilisation du droit commun des collectivités territoriales dans la réforme Lamy :
 organiser le retour des services sectoriels dans les quartiers prioritaires a. Rappel des enjeux de la réforme Lamy La loi Lamy rappelle dans son article premier un des principes structurant de la politique de la ville à savoir la nécessité de mobiliser les politiques de droit commun avant toute utilisation de crédits spécifiques. Contrairement à une idée communément admise, les quartiers les plus en difficulté sont pour la plupart sousdotés dans leur financement par les politiques sectorielles. Une des ambitions de la réforme est de faire de ces quartiers de la politique de la ville des quartiers comme les autres, en termes de mobilisation du droit commun. L’article 6 de la loi précise que le droit commun doit être sollicité par l’Etat mais également par les collectivités territoriales. Pour faciliter la mobilisation de ce même droit commun des collectivités territoriales, des conventions de partenariat ont été signées en 2013 entre le ministère délégué à la ville et les associations représentatives des collectivités locales comme l’AMF, l’AdCF, l’ADF ou encore l’ARF.5 b. Mesures de la mobilisation du droit commun La mobilisation des services de droit commun est généralement mesurée au vu du critère du financement : est considérée comme crédits de droit commun toute utilisation de crédits non-spécifiques à la politique de la ville, fléchés en direction explicite des quartiers prioritaires. Le/la chargé.e de mission droit commun dans la ville C rappelle que le droit commun ne se résume pas seulement à des crédits : “Ce sont les politiques publiques déployées sur le territoire, indistinctement, en opposition à l’action spécifique politique de la ville limitée à la géographie prioritaire. Donc ça inclut les politiques de l’Etat et des collectivités territoriales, notamment communes et intercommunalités qui se sont engagées dans le contrat de ville pour mobiliser le droit commun vers les QPV”. L’approche budgétaire n’est donc pas la seule manière de mesurer la mobilisation des services sectoriels de la collectivité ou de l'État local : une conception plus qualitative peut permettre d’observer l’action des services de droit commun à destination des quartiers prioritaires. Le/la chargé.e de mission dans la ville C ajoute : “Par exemple (...), le service des sports qui consacre deux fois plus de temps de piscine vers les jeunes de la Ville nouvelle, c’est aussi un service de droit commun qualitatif pur. C’est pas que l’aspect financier, le cofinancement des actions qui rentre dans la programmation”. Aussi, l’action des services sectoriels envers les QPV se mesure par les dotations allouées à chaque zone de la collectivité et par l’action publique mise en oeuvre. Le degré de portage politique des enjeux concernant les territoires prioritaires influe largement sur l’action des services de droit commun et des équipes politique de la ville, comme nous l’avons vu précédemment. En outre, au sein de chaque collectivité, la mobilisation du droit commun varie, en fonction de la culture d’action publique locale et des outils disponibles pour les agents. L’ancienneté d’entrée des quartiers dans la géographie prioritaire joue, par exemple, sur la culture d’action publique locale. De même, nous avions fait 5

(Association des maires de France, Assemblée des Communautés de France, Assemblée des départements de France, Association des régions de France).

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l’hypothèse d’une plus grande mobilisation du droit commun lorsque le quartier prioritaire occupe une place prépondérante dans la ville, du fait de sa taille, de sa population, ou de sa situation géographique. En effet, comme nous l’avons observé sur le site C, le fait que l’équipe politique de la ville s’occupe d’un quartier prioritaire représentant les deux-tiers de la commune constitue un élément moteur dans la mobilisation du droit commun. La présence d’un.e chargé.e de mission est une tentative de meilleure articulation entre l’action des services sectoriels et de l’équipe politique de la ville : il effectue, à ce titre, un travail de recensement des dispositifs de droit commun mobilisables pour le quartier prioritaire. L’élaboration du contrat de ville de D avait également été l’occasion d’un recensement des dispositifs de droit commun. Par ailleurs, la ville et la métropole investissent fortement dans la transversalité, afin de décloisonner les services. Cependant, le manque de méthodes de travail transversales efficaces freine cette tentative. La mobilisation des services sectoriels peut également se faire au travers d’un projet de grande ampleur : dans la ville B, c’est autour du NPNRU que les pratiques de transversalité et la mobilisation du droit commun se développent. Enfin, sur le site A, du fait du QPV de taille modeste et d’un QVA avec un projet urbain propre, la mobilisation du droit commun semble incontournable : “Comme on mobilise le droit commun, forcément je travaille avec des élus référents, notamment celui de l’emploi ou celui qui s’occupe d’économie ou de la vie associative" (Chef.fe de projet). La mobilisation du droit commun peut donc faire l’objet de définitions variées, et implique des méthodes quantitatives ou qualitatives plurielles. Cet objectif de la réforme rappelle que toutes les politiques publiques locales ont vocation à intervenir sur les quartiers prioritaires, et pas uniquement la politique de la ville. En pratique, cela nécessite un décloisonnement entre services : la pluralité des problèmes des quartiers prioritaires appelle à une action publique multiforme, qui prenne en compte tous les domaines de la vie sociale. Par exemple, les opérations de renouvellement urbain ne peuvent pas avoir d’effet levier sur la situation sociale et économique des quartiers prioritaires si elles ne s’accompagnent pas de dispositifs de développement spécifique. De ce point de vue, l’articulation du développement économique, social et urbain pose les mêmes questions que la mobilisation du droit commun ; c’est pour cette raison que nous aborderons cette dimension dans cette partie consacrée à la mobilisation des services de droit commun. Auparavant, nous allons étudier les outils disponibles pour les agents politique de la ville et sectoriels permettant la mobilisation du droit commun.

2. Les professionnels de la politique de la ville et la mobilisation du droit commun : 
 outils et pratiques a. Le contrat de ville comme outil de mobilisation du droit commun Nous avons fait l’hypothèse que les contrats de ville aidaient à la mobilisation du droit commun et qu’ils étaient utilisés par les chargé.e.s de mission et par les autres partenaires de la politique de la ville pour travailler en transversalité. !34


Pour les acteurs rencontrés, le contrat de ville est perçu comme un document de travail qui aide à poser un diagnostic du territoire et à observer où pourraient être investis les moyens de droit commun. Dans la ville B, le/la chef.fe de projet s’est servi du contrat de ville pour formaliser un projet de territoire et recenser les moyens de droit commun à disposition de la politique de la ville. Selon les chargé.e.s de mission, là où l’on juxtaposait les axes thématiques auparavant, le contrat de ville a été l’occasion de mener une réflexion sur les points forts et les points faibles du territoire. Sur le site D, l’élaboration du contrat de ville a permis d’affirmer un portage politique fort et de sensibiliser les élu.e.s à la transversalité et à la mobilisation des différents services autour des quartiers prioritaires : “Dans la phase de préfiguration, il y a eu des rencontres bilatérales avec les élus.e. de la ville sur les enjeux du contrat de ville, les services santé, sport, culture; ensuite on a fait l’expérience d’une présentation du contrat de ville dans l’ensemble des groupes de travail politique de la ville” (Élu.e de la ville D). Les chef.fes de projet de D expliquent que le contrat de ville est source d’une plus grande légitimité. Le fait que les objectifs soient formalisés dans un document unique signé par différents partenaires leur donne plus de poids auprès des services sectoriels : “Dans la réforme, j’ai trouvé une simplification, quelque chose qui répondait aux attentes, d’avoir plus de liens avec les bénéficiaires en matière de droit commun. Ça légitime le fait qu’on aille saisir nos collègues, on se sent légitimé.e.s” (Chargé/e de mission territorialisé.e du site D). b. Le rôle du/de la chef.fe de projet dans la mobilisation du droit commun -

Rôle formel du /de la chef de projet à travers les fiches de poste

Certaines fiches de poste semblent avoir été modifiées après la réforme Lamy pour mieux prendre en compte les objectifs de mobilisation du droit commun et de participation. Dans la ville A, la fiche de poste du/de la chef.fe de projet politique de la ville a été modifiée entre 2011 et 2015 quant à la nécessité de mobiliser le droit commun. On note des ajouts comme : “un travail en transversalité avec les autres services de la collectivité et les services de l’Etat”, “la mobilisation du droit commun de la ville et de l’EPCI”. Un ajout notable se trouve dans les objectifs du poste : “favoriser la mobilisation des acteurs des différents services”. Sur le site D, la fiche de poste des chargé.e.s de mission a également été modifiée en 2015. Il est difficile de la comparer avec les versions précédentes mais elle mentionne également les principaux éléments de la réforme Lamy. Elle intègre l’exigence de transversalité (“conduire les projets aux côtés du directeur de quartier, en lien avec les signataires du contrat de ville et les services sectoriels de la ville et de l’agglomération”) ainsi que des missions de participation (“participer avec l’équipe de la direction de quartier à la définition, la préparation et l’animation des démarches de concertation avec les acteurs de quartiers et de participation des habitants”). La fiche de poste du/de la chargé.e de mission stratégique intègre avant tout l’exigence de la mobilisation du droit commun de la loi Lamy et fait mention de la coordination et de l’animation du contrat de ville dans sa dimension technique (“organiser, en complément d’une mobilisation du droit commun, une programmation annuelle de crédits spécifiques politique de la ville”, “mettre en oeuvre une démarche d’évaluation” et “assurer en lien avec l’Etat, la co-animation de l’équipe interinstitutionnelle”). L’appropriation de la fiche de poste est très libre : “On est cinq chargées de mission, on est complètement différentes dans nos façons de travailler et c’est intéressant que vous alliez en voir d’autres” (Chargée de mission). Tou.te.s les chargé.e.s de mission ont à coeur de respecter les objectifs de la loi Lamy, ils/elles définissent des priorités selon les déclinaisons par quartier du contrat de ville, leurs expériences et leurs sensibilités. -

Des tâches administratives chronophages

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Les chef.fe.s de projet constatent tou.te.s une lourdeur administrative dans leur travail qui tient au recensement chronophage des moyens de droit commun. Comme l’illustre le chargé du recensement du droit commun sur le site C, qui doit développer une méthodologie de travail très précise: “On fait un tableau de synthèse avec les principaux dispositifs de droit commun à une échelle régionale, étatique, métropolitaine, régionale et centré sur les enjeux identifiés sur le territoire. Pour voir si le droit commun y répond et mettre en évidence les manques sur les territoires”. Sur le site D, le/la chargé.e de mission territoriale politique de la ville estime que :“La mobilisation du droit commun n’est pas chiffrée mais il y a un vrai travail, il faut identifier la multiplication des sources de financement et davantage d’échanges entre les services”. c. L’action des services de droit commun Selon nos interlocuteurs, les services politique de la ville sont encore peu mobilisés par les services sectoriels pour participer à leurs réunions et à leurs réflexions. C’est le plus souvent la politique de la ville qui sollicite les services de droit commun. Dans la ville D, une culture de la réciprocité et du décloisonnement est en train de se mettre en place. Un.e chargé.e de mission territorialisé.e politique de la ville déclare : “On ne fait pas de distinction entre la politique de la ville et le droit commun, notamment en termes de géographie prioritaire pour l’éducation, puisque les projets sont au bénéfice du territoire de toute façon” ou encore “Sur la transversalité on voit bien que l’on essaie de pousser les dispositifs au maximum de leurs potentialités, donc pour chaque dispositif on essaie de voir quelle politique de droit commun on peut mobiliser”. Des initiatives se mettent en place avec des actions concernant le développement économique mais elles sont encore ponctuelles et localisées. Pour un.e chargé.e de mission développement économique c’est à la politique de la ville de s’inviter dans les commissions d’élu.e.s ou les réunions des services sectoriels pour que les échanges réciproques prennent plus d’ampleur. Sur les sites A, B et C, la mobilisation de la politique de la ville par les services sectoriels ne semble pas être encore entrée dans les cultures et les pratiques professionnelles. Sur le site B, c’est avant tout le manque de moyens humains et le manque de culture transversale qui expliquent le peu d’interactions. Le/la chef.fe de projet politique de la ville est seul.e sur cette mission et même s’il/elle est associé.e aux réflexions sur le NPNRU, il/elle est peu sollicité par les services sectoriels. Dans la ville A, le/la chef.fe de projet politique de la ville travaille de manière assez autonome, et les liens fonctionnels avec sa hiérarchie sont limités. En effet, l’équipe politique de la ville ne partage pas les mêmes locaux que les services de l’EPCI. Sur le site C, les relations entre le service politique de la ville et les services de droit commun sont complexes : le service politique de la ville bénéficie d’une grande autonomie, ce qui peut couper les liens avec les autres services sectoriels, au point que certains parlent de ce service comme d’un “Etat dans l’Etat”. Le cloisonnement du service politique de la ville vis-à-vis des autres services sectoriels ne facilite pas les interactions : “Ils avancent sur des champs qui leurs sont ouverts, thématiques, gérés par des services de droit commun (petite enfance, insertion...) et du coup ils n’ont pas toujours le réflexe d’aller associer jusqu’au bout d’autres services qui, parfois, sur une thématique ont déjà une réflexion relativement proche de celle proposée par le service politique de la ville” (DGA aux solidarités) d. La question du portage politique dans la mobilisation du droit commun Le portage politique semble jouer un grand rôle dans le poids qu’ont les chargé.e.s de mission dans leur capacité, leur légitimité et leur facilité à mobiliser les services sectoriels des collectivités. Les élu.e.s peuvent avoir une force de mobilisation des services sectoriels dans la mesure où ils choisissent d’intégrer très fortement ou non les quartiers prioritaires au projet municipal. C’est notamment le cas dans la !36


ville D. Selon un.e élu.e local.e, le maire est très mobilisé sur le sujet et les quartiers prioritaires sont au coeur de la réflexion. Il demande donc une mobilisation de tous les services sur ces territoires et une attention particulière de la part des élu.e.s. Le rôle des élu.e.s de quartier est particulièrement important : les chargé.e.s de missions territoriales étant rattaché.e.s aux élu.e.s de quartier, les échanges sont très réguliers (point tous les quinze jours, rencontres très fréquentes etc). Sur le site B, l’équipe politique de la ville est aussi en lien avec son élu.e qui prend cette thématique très au sérieux. L’élu.e de rattachement, à l’échelle intercommunale, est le maire de B, qui est également premier vice-président à la politique de la ville, ce qui facilite le portage. L’élu.e municipal.e référent.e organise des réunions avec les autres élu.e.s sectoriel.le.s autour de certaines thématiques liées aux contrat de ville. Il/Elle accompagne le/la chef.fe de projet dans ses missions et ses demandes. Dans la ville A, l’élu.e politique de la ville à la CCVG est également très impliqué.e et essaye de véhiculer des idées de transversalité et de mobilisation du droit commun. Cependant, les élu.e.s ne sont pas toujours d’accord sur ce qui relève de la politique de la ville ou des services de droit commun, comme le déclare un.e chargé.e de mission territorialisé.e à propos d’un appel à projet : “L’association d’un autre quartier demandait de l’argent à la politique de la ville, alors que dans une première instruction on avait dit que ça relevait du droit commun, donc il fallait aller demander cette enveloppe là. Et c’était drôle, quand la demande a été faite de la part de la politique de la ville et que l’on a été dire à l’élue “Éducation” que l’on allait chercher dans son enveloppe, elle nous a dit “Mais comment ça ? Ce n’est pas resté à la politique de la ville?” Sur le site C, le maire est l’élu de rattachement, ce qui semble garantir une plus grande transversalité et faciliter la mobilisation du droit commun pour le/la chef.fe de projet. Ce rattachement exprime aussi la volonté du maire de garder un oeil sur l’utilisation des crédits spécifiques et sur l’action du service politique de la ville, très autonome. Il considère que les conditions de mobilisation des crédits spécifiques peuvent être des obstacles aux projets locaux et n’appuie pas toujours le/la chef.fe de projet dans sa volonté de mobilisation du droit commun. e. Le rôle de la lisibilité des missions et de l’identification des acteurs dans l’efficacité du travail en transversalité Les chef.fe.s de projet relèvent qu’il reste complexe d’identifier des référents et des interlocuteurs dans les services de droit commun. Les dénominations des postes et les titres de missions ne sont pas toujours clairs et explicites. Si l’exigence de transversalité est formulée dans le contrat de ville, elle ne peut prendre corps que si les professionnel.le.s identifient leurs interlocuteurs. Dans la ville D, un.e chargé.e de mission développement économique note une “très bonne identification des agents de la politique de la ville”. Le poste lié au Programme de Réussite Éducative est d’emblée pensé comme transversal, il est en lien permanent avec les équipes politique de la ville qu’il identifie également très bien. Un.e chargé.e de mission politique de la ville cherche à nommer des référent.e.s pour chaque thématique dans les services de droit commun (développement économique, santé, jeunesse, conseils citoyens) afin d’avoir des relations de travail privilégiées et de pouvoir les mobiliser plus facilement. Sur le site B, les acteurs ont insisté sur l’intérêt de travailler sur un petit territoire qui permet d’avoir un réseau de partenaires resserré et connu et facilite la mobilisation des services de droit commun mais aussi des différents acteurs du territoire.

3. L’articulation des volets urbain, social et économique : une action renforcée pour les quartiers prioritaires

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a. Du binôme urbain/social au trinôme rénovation urbaine/cohésion sociale/développement économique Historiquement la politique de la ville a toujours peiné à articuler le travail des équipes en charge de l’habitat et de la rénovation urbaine avec l’action des équipes chargées du développement social. Mis à part la GUSP qui a permis de rapprocher quelque peu les équipes, les CUCS n’ont pas véritablement réussi à inverser la tendance. Les chef.fe.s de projet de l’époque, marqué.e.s par la culture du développement social des quartiers, ne sont pour la plupart pas parvenu.e.s à s’adapter à la technicité des dossiers ANRU6. Dès lors, la loi Lamy réaffirme dans son article 6 la nécessité d’articuler les volets social et urbain de la politique de la ville. En plus de cela elle ajoute un troisième pilier au contrat de ville : le développement économique. Plus précisément elle invite à : “agir pour le développement économique, la création d’entreprises et l’accès à l’emploi par les politiques de formation et d’insertion professionnelle”. L’objectif est là encore de permettre aux quartiers en difficulté de rattraper les autres quartiers de l’agglomération par le biais de la revitalisation de leur tissu économique. Cette articulation de la cohésion sociale, du renouvellement urbain et du développement économique ne peut être mise en place sans une mobilisation des différentes politiques de droit commun correspondantes, en particulier les politiques publiques de développement économique. Dès lors, ces deux enjeux doivent être traités de concert. b. L’articulation du développement économique aux exigences du développement social et urbain Comme nous l’avons vu, le portage intercommunal de la compétence politique de la ville peut permettre d’accroître la solidarité entre les territoires. Le fait que le développement économique soit également une compétence intercommunale permet de rapprocher ces deux missions, qui se retrouvent ainsi au même échelon institutionnel. Néanmoins, “le rapprochement du développement économique et de la politique de la ville n’est pas facile et il faut travailler dessus” (Chargé.e de mission d’un CRPV). La mobilisation du développement économique dans les actions politique de la ville est une nouveauté, y compris pour les agents des collectivités. Le/la chargé.e de mission du CRPV note ainsi : “on s’est aperçu que des gens qui travaillent parfois dans le bureau d’à côté ne se connaissent pas!”. Ouvert à toute la région à laquelle appartient le site C, un groupe de travail “politique de la ville et développement économique” proposé par le CRPV, réunit chef.fe.s de projet, agents de développement et développeurs économiques rattachés au service économique de droit commun, par exemple. “Il n’y a pas d'organigramme idéal, mais des ordres de mission en proximité peuvent permettre une grande porosité. Parfois, on est dans la même direction que les collègues de politique de la ville, parfois on n’y est plus. Mais au niveau de l’organisation de chacun dans les quartiers, par direction, il faut que les acteurs de terrain puissent être régulièrement dans les mêmes lieux et dans les mêmes instances” (Direct.eu.rice du pôle développement économique, emploi, insertion de la métropole D). Sur le site D, par exemple, l’accent est mis sur l’articulation entre développement économique et développement social. Le service politique de la ville sollicite les actions du pôle emploi, insertion, innovation, et, dans une moindre mesure, il y a réciprocité. Le/la responsable du pôle anime des groupes “solidarité emploi”, qui existent dans les quartiers, auxquels sont associées les chargé.e.s de mission politique de la ville. Des projets ponctuels permettent d’échanger, de partager des informations et des visions, par exemple. De même, les services de la métropole D participent au comité de pilotage des centres d’affaire de quartier, des locaux à disposition des entrepreneurs implantés dans les quartiers prioritaires. Dans le cadre d’une opération de renouvellement urbain, une réflexion sur l’aménagement des rez-dechaussée et pieds d’immeubles s’était engagée dans la commune A, pour y implanter des activités économiques. Or, cette démarche s’est heurtée à la stratégie municipale de concentration de l’activité économique en un seul lieu, le centre-ville historique, plutôt que de créer une autre centralité au sein du QPV.

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La politique de la ville, Une politique de cohésion sociale et territoriale. Emmanuel Heyraud; Berger Levrault, 2016.

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c. Les exigences du NPNRU : formalisation d’un projet global L’obtention des crédits provenant de l’ANRU au titre d’un programme de rénovation urbaine est conditionnée à des règles strictes de pilotage et de contenu des projets. Aussi, le travail des équipes qui portent un PRU doit prendre en compte les trois volets que sont le développement économique, la cohésion sociale et le renouvellement urbain. En effet, parmi les “critères de recevabilité des projets de renouvellement urbain” se trouve “la cohérence de la programmation urbaine avec le projet territorial intégré du contrat de ville”7. Ce règlement général précise :
 “L'agence apprécie cette réponse au travers de la programmation urbaine proposée. La programmation habitat, les services et équipements projetés (sociaux, scolaires, culturels et sportifs…), les activités économiques prévues, doivent répondre aux besoins identifiés et aux ambitions d'attractivité fixées dans le contrat de ville”. La formalisation de cette articulation permet de porter des projets pérennes et de mobiliser différents leviers pour une meilleure cohérence du projet de territoire. L’ANRU a vocation à approuver des projets globaux qui impliquent, par exemple, de la mixité fonctionnelle. Au-delà du contenu des projets urbains, leur pilotage, qu’il s’agisse d’un site labellisé NPNRU ou non, s’inscrit dans un agencement particulier de l’ingénierie, la gestion de projet ponctuel, que nous étudierons plus loin.

4. Une culture des services encore cloisonnée Les politiques publiques produites par une collectivité proviennent de services différents ; leur action est organisée de manière à éviter les doublons ou, au contraire, les carences de couverture en service public. La coordination des services leur permet de travailler en bonne intelligence tout en conservant une organisation cloisonnée. Cependant, le travail en transversalité pourrait être davantage développé autour d’un mode de coopération, et non pas de coordination, entre services sectoriels et politique de la ville, avec des objectifs partagés et des modes de travail décloisonnés. A l’heure actuelle, il semble freiné par les habitudes de travail de chacun. La culture des services et l’existence, ou non, de traditions de coordination ou coopération peuvent constituer des obstacles conséquents. a. La concurrence de différents paradigmes de l’action publique Les pratiques de l’action publique généraliste se démarquent de celles de la politique de la ville, en ce sens qu’elles s’appuient sur une entrée publics et non pas territoire. L’approche territoriale de l’action publique, jusqu’à présent, était plutôt caractéristique de la politique de la ville : les politiques urbaines déployées vers les quartiers prioritaires sont construites en fonction des besoins spécifiques de ces territoires. A l’inverse, les services sectoriels ont longtemps été marqués par une approche centrée sur les publics, indistinctement des caractéristiques spécifiques des territoires. Selon un.e chargé.e de mission à la métropole dont dépend la ville C : “Le droit commun a plutôt une vision uniforme du territoire: il faut tout faire pareil. Pour faire bouger le droit commun et travailler d’une autre manière sur le concept d’équité en lien avec les territoires comme le fait la politique de la ville, il faut être rattaché en haut des services et des fonctions politiques”. Cette distinction existe toujours et fait parfois encore partie du discours des acteurs que nous avons rencontrés. Malgré tout, ces paradigmes d’action publique évoluent. La territorialisation des politiques publiques peut se matérialiser par l’élaboration de dispositifs nonuniformes sur les territoires (la géographie du réseau d’éducation prioritaire, par exemple). Tout comme par

7 Arrêté

du 15 septembre 2014 portant approbation du règlement général de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine relatif au nouveau programme national de renouvellement urbain en vue de la signature par l'ANRU des contrats de ville et des protocoles de préfiguration des projets.

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la territorialisation des services des collectivités. 
 “Il y aussi des habitudes de certains services de rentrer par une approche “public” et pas “territoire” donc tout ça vient se confronter. Mais de ça naissent de belles choses : croiser des approches différentes amène à des actions nouvelles. Ça a pu être un peu compliqué au début d’expliquer à tous les service sectoriels qu’on allait un peu marcher sur leurs platebandes et faire du droit commun d’abord. Mais je pense qu’à terme tout le monde y trouvera un intérêt, ça rapproche les bénéficiaires finaux, les usagers” (Chargé.e de mission, site D). Le refus, pour certains agents et élu.e.s, d’une logique d’action publique différenciée selon les territoires, peut renvoyer au paradigme républicain d’égalité : un traitement égalitaire est alors défini comme un traitement homogène, indifférencié. Ce paradigme s’exprime notamment par le principe d’égalité qui régit le fonctionnement du service public (traitement et accès égal au service public). Aussi, ces différentes cultures d’action publique expliquent, du moins partiellement, les difficultés subsistantes à la mobilisation du droit commun et à l’articulation entre les volets urbain, économique et social dans la mesure où la politique de la ville agit davantage dans une logique de rééquilibrage territorial. b. L’action publique territoriale toujours marquée par le travail en silo A ces approches différentes de l’action publique s’ajoutent les cultures différenciées des services, qui dépendent de leur histoire, de leurs relations avec les autres pôles au sein de la collectivité, ainsi que du contexte local. La segmentation et la spécialisation des services (éducation, santé, emploi...) produit des politiques publiques qui ne sont pas transversales : selon le/la chargé.e de mission de la métropole dont dépend la ville C, “sur le terrain il y a une sorte de taylorisation du service public avec des logiques très séparées des services”. Ce fonctionnement cloisonné est un frein à la mise en place de dispositifs transversaux, et plus généralement de modes de travail décloisonnés. Pour un.e chargé.e de mission de la ville D “ils (les services sectoriels) ont du mal à comprendre qu'en faisant du social on peut faire du développement économique et qu’en faisant du développement économique on fait du social”. La coopération entre services se résume alors souvent au cofinancement de projets par des services de droit commun, ou à la création de groupes de travail thématiques réunissant les interlocuteurs de chaque service : “A la direction éducation enfance, il n’y a pas beaucoup de transversalité. Tu as toujours l'impression que là ça va être que pour des histoires de fric et pour moi l'esprit politique de la ville c'est travailler ensemble” (Chargé.e de mission, site D). De ce fait, les changements de pratiques des services ne sont pas faciles à opérer ; en outre, la crainte d’une concurrence dans l’action des services sectoriels face aux services politique de la ville se manifeste parfois. “Les services fonctionnent en tuyaux d’orgues. Ramener de l’horizontal et du transversal c’est un changement de culture et donc il y a certains services qui doivent intégrer cette nouvelle culture” (Chargé.e de mission site D). Cette logique de décloisonnement et de mobilisation du droit commun peut en effet être vécue comme une tentative d’intrusion. L’importance des équipes politique de la ville au sein d’une collectivité peut être vécue par les autres services comme une concurrence à leur propre action.

Par ailleurs, le zonage de la géographie prioritaire peut être perçu par les services de droit commun comme la frontière de l’action publique : les quartiers prioritaires bénéficient d’équipes et de dispositifs spécifiques, si bien que certains élu.e.s et services peuvent ne pas se sentir concernés par ces territoires, ni orienter leur action vers ces quartiers. C’est ainsi qu’apparaît, au niveau national, le constat d’un manque de services publics locaux de droit commun dans les quartiers prioritaires qui, de fait, en ont davantage besoin. c. Un besoin de méthodologie d’action transversale Faute de méthodes de travail transversales, les tentatives d’articulation des politiques publiques de droit commun et de la politique de la ville se traduisent par la multiplication des réunions et de groupes de travail thématiques. Les manières de travailler entre plusieurs services sur un même projet, d’agencer les !40


échanges entre agents, exigées par la politique de la ville, sont difficilement applicables au sein des collectivités. Un travail en transversalité appellerait à une réorganisation profonde des services, qui serait coûteuse. De ce fait, pour porter des actions, les chef.fe.s de projet font appel à des interlocuteurs dans chaque service thématique : ainsi, une multitude de groupes de travail thématiques peuvent être créés. Sur le site D, par exemple, la “réunionite” a été mise en exergue par le maire d’une part et par le Préfet d’autre part, lors de la réunion du comité de pilotage. Le caractère chronophage de cette accumulation de groupes de travail et d’instances stratégiques ou opérationnelles dans l’organisation des projets empêche les agents de consacrer tout leur temps à leurs missions. “J’ai besoin de travailler en transversal, donc je demandais a minima d’assister aux réunions de responsables de pôles. Ils m’ont dit non car j’allais exploser mon temps et trop travailler, donc je ne vais pas faire les réunions où je n’ai que 15% à prendre, que je n’avais qu’à lire les comptes rendus. Le problème c’est qu’il n’y a rien dans le compte rendu” (Chef.fe de projet, site A). La recherche de méthodes de travail transversales constitue un vrai défi : pour un.e chargé.e de mission politique de la ville “éviter la réunionite et faire participer sont les deux composantes du changement de mode de fonctionnement, qui visent in fine à s’assurer que les projets répondent bien aux besoins”. d. La raréfaction des moyens financiers, un frein à l’action transversale La culture des services sectoriels et les paradigmes de l’action publique ne sont pas les seuls blocages au travail en transversalité : dans un contexte national de baisse des dotations aux collectivités (avec la révision générale des politiques publiques, entamée à partir de 2007, et la contribution des collectivités territoriales au redressement des finances publiques, initiée en 2014, notamment), l’activité des services s’en trouve réduite. Chacun resserre ses effectifs et son attention sur ses missions habituelles, et peine à déployer des moyens pour des quartiers dans lesquels il intervenait. “Je trouve que c’est une illusion de dire “la politique de la ville doit initier des choses qui vont entrer dans le droit commun après”, dans un contexte où les collectivités territoriales et l’État ont de moins en moins de moyens...” (Élu.e du site D). Il est en effet difficile de créer des postes ou de dédier du temps-agent pour mobiliser le droit commun à destination des quartiers prioritaires ou pour amener davantage de transversalité. “Pour faire plus de transversalité, il faudrait du temps ! Depuis ma prise de poste j’ai eu l’impression de manquer de temps pour faire ce travail. Même sur l’élaboration du contrat de ville, on n’a jamais réussi à reprendre ces méthodes (…). Le contrat de ville, on l’a fait un peu comme on a pu. On a engagé des travaux super intéressants mais depuis je n’ai pas eu le temps de reprendre” (Chargé.e de mission politique de la ville site C).

5. La gestion de projets ponctuels et l’ingénierie en mode projet : des moyens d’action transversaux ? Le travail en mode projet fait partie du coeur de métier des professionnel.le.s de la politique de la ville. Dès les années 1980, l’idée de travailler en transversalité a été prégnante dans leurs actions et leurs méthodes. On peut définir le mode projet au sens large comme une méthode qui vise à travailler en synergie autour d’un projet et d’une vision de territoire. Comme le déclare un.e chef.fe de projet de la métropole dont !41


dépend le site C : “On voit souvent l’ingénierie comme tirant un service mais pour la politique de la ville, c’est le projet qui tire l’ingénierie”. Cela passe par la formation d’une culture professionnelle commune pour que les agents sortent d’une vision partielle et sectorielle des problématiques. Le mode projet vise à construire une approche globale du territoire qui participe à la cohérence des actions conduites. Ici, par gestion de projet, nous entendrons la gestion de projets ponctuels, plus restreints dans le temps et dans l’espace que le travail en mode projet, autour du contrat de ville, qui est la méthode de travail globale de la politique de la ville. a. Le projet urbain ponctuel : une capacité de mobilisation et d’action horizontale ? Les professionnel.le.s rencontré.e.s considèrent que la gestion d’un projet ponctuel permet souvent de concrétiser les objectifs de la politique de la ville. La gestion de projet ponctuel permet de mobiliser davantage les différents acteurs du territoire. Pour beaucoup de professionnel.le.s et d’élu.e.s le projet a une capacité mobilisatrice en soi. Selon un.e chargé.e de mission du site D : “On travaille (...) avec l’ensemble des acteurs du terrain, que ce soit en interne, avec les acteurs territorialisés ou non, et en externe avec le délégué du Préfet, c’est un travail conjoint, une approche parallèle, commune”. De fait, les collaborations et les articulations se font de manière plus efficaces autour d’un projet identifié et concret qu’en suivant les orientations plus larges des contrats de ville. L’articulation entre les partenaires est plus efficace : les acteurs à inviter sont directement identifiés dans un but précis, ils se saisissent plus rapidement des enjeux et les relations de travail peuvent se déployer, par la suite, dans d’autres domaines. Ces projets concrets et ponctuels permettent également un travail très transversal. Ils obligent tous les acteurs à faire “un pas de côté” (Elu.e site D) afin de sortir de leur logique de vision partielle et de travail en silo : “(à propos d’un projet jeunesse et cohésion sociale) Il n’y a pas que la jeunesse, il n’y a pas que l’urbanisme, il y a pas que la parentalité, le truc c’est comment on arrive à avoir des approches vraiment globales” (Élu.e site D). “(à propos des projets) Ce sont des objets de travail qui font que l’on n’est pas dans le monde de l’un ou dans le monde de l’autre. Le contrat de ville ça commence quand on est sur des projets, ça rentre dans aucune case, ça nous oblige à sortir de nos logiques, et là oui il peut se faire des choses. Mais c’est pareil pour le développement économique, il y a plusieurs projets qui sont intéressants sur cette approche (...) Ça commence à venir (...) dans les deux cas il faut que l’on s’appuie sur des projets qui nous font faire à tous un pas de côté” (Élu.e site D). C’est également le cas sur le site C où les projets urbains permettent notamment de croiser différents corps de métier : “Sur l’accompagnement du projet urbain par les habitants, on a eu une démarche croisée. C’est une démarche artistique et culturelle pensée par la directrice adjointe du service politique de la ville et qui fait appel à une association culturelle. (...) La démarche s’est concrétisée par plusieurs actions dont des résidences d’artistes. C’était centré sur la démolition de tours et l’accompagnement au relogement. Il y a eu des résidences d’artistes pendant dix mois” (Chef.fe de projet du site C). Ces projets ponctuels permettent ainsi de concrétiser la transversalité portée par la philosophie de l’action de la politique de la ville, de donner corps aux partenariats et de mobiliser plus efficacement tous les acteurs des territoires autour d’une action commune. Ces projets ponctuels sont aussi l’occasion de réfléchir de manière plus efficace à l’ingénierie déployée autour de projets transversaux. De fait, au lieu que le/la chef.fe de projet ait pour mission de mobiliser et de sensibiliser les équipes sectorielles ou les partenaires du contrat de ville aux exigences de tel ou tel axe, la mobilisation et la constitution d’une équipe projet autour d’une réalisation déterminée permet une meilleure

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organisation. C’est notamment le cas sur le site D, où l’équipe projet ANRU II est intégrée au pôle qui gère la politique de la ville et est co-pilotée par plusieurs services. Le cas du projet urbain Parmi l’ensemble des projets ponctuels, les projets autour des sites urbains semblent avoir un impact spécifique dans l’efficacité de la mobilisation des différents acteurs, de l’ingénierie et de la transversalité. C’est notamment le cas sur le site C avec la rénovation du centre-ville correspondant au QPV. La ville souhaite créer un ensemble d’infrastructures. Pour de nombreux acteurs il s’agit d’un outil intéressant sur le territoire (“un ensemble d’opportunités qui font que ce projet a émergé”). Il a notamment permis à le/la chargé.e des relations entreprises rattaché.e au service politique de la ville de porter le projet en lien avec les équipes politiques de la ville. Le projet a aussi mobilisé les volontés politiques sur le territoire. Sur le site D, l’ANRU II a permis de déployer une ingénierie plus intégrée. Le programme de rénovation urbaine a également permis aux élu.e.s de repenser les places des acteurs sur leurs territoires et au conseil citoyen, récemment formé, de prendre une part plus importante dans les décisions liées aux quartiers politique de la ville. Comme le déclare un.e chargé.e de mission: “Là par exemple, ils (les membres du conseil citoyen) ont demandé à la maire d’être en lien sur l’ANRU et ces question là. Peut-être qu’ils vont tenir la maison du projet. Et ça a apporté des choses super intéressantes”. Sur le site A, une opération de renouvellement urbain permet également de développer des partenariats privilégiés avec des acteurs du territoire et de sortir des cadres rigides de la gestion du contrat de ville: “C’est que du multi-partenarial, c’est un secteur qui n’avance qu’avec des partenaires. (...) Parce qu’il y a un financement multiple avec tout le monde, donc on ne bouge qu’entre partenaires, donc quand on prend des décisions c’est Copil, Cotech et on n’en finit pas. Ça ne bouge qu’avec les partenaires” (Responsable de l’opération, site A). Dans la ville B, le PNRU a été un élément fondateur également. De nombreuses missions du chef.fe de projet sont tournées vers cette thématique : la GUP ou encore les discussions du conseil citoyen. C’est également ce projet qui permet encore le mieux de mobiliser l’ensemble des élu.e.s sur le territoire. Cependant le mode projet trouve ses limites dans sa dimension ponctuelle et restreinte. De fait, il est possible qu’une fois la réalisation prévue effectuée, les relations de travail se détendent et l’efficacité du partenariat et de l’ingénierie s’étiolent. Enfin, les projets ponctuels peuvent être vécus par certains acteurs comme un partenariat avant tout financier et non comme l’occasion de développer des méthodes de travail communes et une interconnaissance mutuelle pérenne. De fait l’ingénierie en mode projet peut être adoptée par les équipes politiques de la ville, pour fédérer les partenaires autour du contrat de ville plus largement.

b. L’ingénierie en mode projet : aller au-delà des liens hiérarchiques Dans un second temps nous entendrons l’ingénierie en mode projet comme le mode de travail traditionnel de la politique de la ville défini plus haut. Ce point traite plus spécifiquement des méthodes d’organisation et des modes de travail que les collectivités mettent en place pour travailler plus en transversalité. Dans les monographies nous avons étudié les liens hiérarchiques, et les entretiens menés ont permis d’approfondir ce qui favorise les liens fonctionnels.

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L’importance des liens interpersonnels a été soulignée par beaucoup d’acteurs. Nous avons noté qu’ils sont globalement positifs et que, s’ils renforcent les liens entre les agents, ils ne les détériorent pas spécifiquement quand les rapports sont moins cordiaux. Les liens fonctionnels sont surtout renforcés par des organisations et des méthodes de travail en commun. Le partage de missions relevant du droit commun et de la politique de la ville sur un même poste peut être une option intéressante pour plus de transversalité. La ville C a fait ce choix: un agent cumule la responsabilité du Plan Local pour l’Insertion et l’Emploi (PLIE) et est en même temps chef.fe de projet insertion-emploi pour l’ensemble de la ville. “Il y a deux missions, à la fois le PLIE et la coordination sur la thématique “emploi/politique de la ville”. L’intérêt d’allier les deux sur un seul poste au sein du QPV est de tout articuler. L’emploi relève du volet contrat de ville et le PLIE vient un peu comme un accompagnement, c’est du droit commun pour ceux qui s’en sont saisi” (Responsable Insertion-Emploi et PLIE). Le partage des locaux est également vécu comme un moyen de travailler davantage en transversalité pour les acteurs interrogés. Comme le rappelle un.e chargé.e de mission développement économique du site D : “Il n’y a pas d’organigramme idéal mais des ordres de mission en proximité qui permettent une plus grande porosité”. Ce.tte chargé.e de mission avait partagé pendant quelques mois les mêmes locaux qu’une équipe politique de la ville territorialisée et déclare que les échanges se font plus facilement du fait de la proximité géographique. Cela permet une meilleure coordination et des liens quotidiens avec les équipes. Cette proximité avait par exemple été très bénéfique pour collaborer autour d’un projet de centre d’affaire de quartier. Il/Elle conclut : “Il faut que les les acteurs de terrain puissent être régulièrement dans les mêmes lieux, dans les mêmes instances”. Le/la chargé.e de mission regrette d’avoir perdu le lien de proximité du fait du transfert de son bureau dans les locaux de la métropole. Sur le site C les acteurs notent le même besoin de proximité. Le/la chargée de relations entreprises est dans les locaux du service politique de la ville ce qui facilite les actions en commun. Cela “permet à l’équipe politique de la ville et à la commune de travailler en synergie. Par exemple, si la commune fait le choix d’acquérir des terrains à vocation économique ça me permettra de faire le lien avec les entreprises des quartiers pour l’aide à l’implantation” (Chargé.e de relation entreprises). c. Des méthodes originales pour travailler en transversalité : aperçu des pratiques des territoires Les enquêtes de terrain nous ont permis de recueillir quelques initiatives originales propres aux collectivités étudiées. Elles peuvent nourrir la réflexion sur des organisations et des méthodes de travail qui aideraient les agents et les collectivités à faciliter leur travail en transversalité. Une initiative intéressante a été celle de la création d’un poste de stagiaire dédié au recensement du droit commun sur un des sites. Ce travail permet d’identifier de nouveaux outils et de nouvelles sources de financement. Cependant, ce stagiaire n’a pas d’interlocuteur qui occupe les mêmes fonctions ou remplit les mêmes missions que lui dans les autres structures (métropole, Etat etc). Cela limite le travail partenarial qui peut être mené sur ces questions. Sur le site D les acteurs réfléchissent à des formations croisées qui consistent à proposer des formations communes aux professionnel.le.s de différents secteurs. Pour le/la coordinat.eu.r.ice du Programme de Réussite Éducative, la question de la formation des cadres apparaît primordiale si on veut que les services se comprennent mieux et travaillent de manière décloisonnée. Ces formations croisées seraient aussi l’occasion d’intégrer des habitants et d’ouvrir encore plus le champ des actions transversales (“Il faudrait des formations interdisciplinaires pour les professionnels et les habitants”). Un.e élu.e partage le même constat : “Je trouve que sur la question des formations, ça serait super d’avoir des temps de formation ensemble, services, élu.e.s, responsables associatifs, on apprendrait à se connaître, à se faire

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confiance, on lâcherait prise, il y aurait de l’innovation et de la transversalité. C’est se demander comment on a des temps qui font que l’on est tous à égalité” En plus de penser à des formations croisées pour développer la transversalité, le site C réfléchit à de nouvelles méthodes de gestion de la politique de la ville qui seraient plus transversales dès le départ: un projet est monté avec l’ensemble des partenaires et non par le/la chef.fe de projet politique de la ville qui mobilise ensuite les autres services et acteurs, et qui seraient moins coûteuses en réunions et en organisation. Certain.e.s professionnel.le.s du territoire s’inspirent des méthodes québécoises de développement local. Un voyage d’étude a été organisé par une équipe de quartier sur ce sujet, en association avec certains membres du conseil citoyen. “Le développement local c'est bosser sur des projets, je bosse depuis des années avec le Québec (...) Comment on a des agents polyvalents qui ont du temps? Du temps ça veut dire que l'on a pas 150 milliards de trucs à côté et ces agents seraient un peu une porte d'entrée unique. (...) Avec les gens du territoire, à la fois la ville parce qu’il y a des priorités politiques, mais aussi les habitants, les bailleurs, l'ensemble des parties prenantes, on se met autour de la table et on définit une ou deux priorités, on ne changera pas le monde d'un coup” (Élu.e du site D) “On a fait une fiche sur le développement local, c'est une méthodologie de projet collectif. On est allé.e.s à un voyage au Québec avec une délégation pour présenter une méthodologie d'entrepreneuriat coopératif observée sur ce territoire. C'est un peu être dans la logique d’une idée, d’un projet, et accompagner le porteur de cette idée. Puis on organise une tempête d'idées partagées avec plusieurs acteurs bénévoles et salariés pour réfléchir et échanger autour de tables de concertation qui en font un projet collectif et après on voit si c’est économiquement viable” (Chargé.e de mission).

Préconisations ●

Outils de mobilisation du droit commun

Le recensement et le chiffrage du droit commun semblent essentiels, dans un premier temps, pour pouvoir le mobiliser vers les quartiers prioritaires. Ce recensement reste complexe et chronophage, il pourrait donc être intéressant de travailler sur d’autres outils de mobilisation du droit commun, plus lisibles et faciles d’utilisation. Au niveau de l’ingénierie, cette mobilisation du droit commun peut passer par le fait d’inciter chaque service à nommer des référents politique de la ville qui seront mobilisables et identifiés facilement par les chef.fe.s de projet. Il faudrait renforcer la lisibilité des postes et l’identification des agents référents dans les services de droit commun. ●

Transversalité

Amener davantage de transversalité passe par des changements dans les modes de travail et les pratiques de coopération entre services. Le manque de méthodologies de travail en transversalité s’illustre sur nos terrains d’étude, par la multiplication de groupes de travail thématiques. D’autres pistes peuvent être explorées comme l’élaboration de fiches méthodologiques ; le renforcement de l’action des centres de ressources de la politique de la ville, pour qu’ils soient des soutiens efficaces à l’ingénierie sur tous les territoires ; la création de formations croisées, réunissant plusieurs services, des collectivités et de l’Etat déconcentré, ainsi que des citoyens. Enfin, la possibilité de partage permise par le numérique permettrait une meilleure capitalisation des informations. Les territoires pourraient être incités à mener une réflexion stratégique sur les conditions de réussite d’un travail en transversalité. Les choix de rattachement hiérarchiques, les liens fonctionnels, formels et informels, le partage de locaux, sont autant d'éléments qui peuvent favoriser un travail en transversalité ; ils doivent ainsi être pensés localement, en fonction des spécificités et des demandes des territoires. !45


PARTIE 3 : UN BINÔME ETAT LOCAL/COLLECTIVITÉS TERRITORIALES QUI PEINE À MOBILISER LES POLITIQUES PUBLIQUES DE DROIT COMMUN VERS LES QUARTIERS

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Pour répondre à l’enjeu majeur de la réforme Lamy qu’est la territorialisation des politiques publiques de droit commun, l’Etat local s’appuie sur une ingénierie et une gouvernance dont il fait bénéficier les collectivités territoriales. Il s’agit d’évaluer l’efficacité de l’appui des cadres préfectoraux de la politique de la ville et des directions déconcentrées (DDCS, DDT, DIRECCTE) aux collectivités territoriales en termes de mobilisation des politiques sectorielles. De plus, il est utile d’insister sur l’existence d’un cadre de travail clairement identifié qui permette au binôme délégué.e du Préfet/chef.fe de projet d’animer le contrat de ville et de mobiliser le droit commun étatique. Enfin, il convient de mesurer l’efficacité des outils étatiques de mobilisation du droit commun que sont les conventions interministérielles d'objectifs.

1. Contexte historique de la relation Etat local/collectivités territoriales a.

Histoire des relations Etat local-collectivités territoriales et du poste de délégué.e du Préfet

La politique de la ville est historiquement basée sur le co-mandatement. Ainsi, les chef.fe.s de projets politique de la ville ont longtemps été mandaté.e.s par l’Etat et les communes. Sur certaines métropole comme la métropole lyonnaise, il y avait même historiquement un tri-mandatement : Etat/métropole/ communes. Depuis la révision générale des politiques publiques de 2007, la place de l’Etat évolue. Cela passe notamment par un gouvernement à distance mais également par des actions de contrôle et d’évaluation. D’autre part, on observe une diminution des budgets locaux et une restructuration des services. C’est dans ce contexte que les postes de délégué.e.s du Préfet sont créés en 2009, à la suite du plan Espoir Banlieue. Ils ont pour mission de coordonner l’action de l’Etat sur le territoire mais également de participer à l’animation des contrats de ville. La première circulaire sur les délégué.e.s du Préfet prévoyait la présence de l'État de cette manière. Malgré tout, certaines collectivités ont vécu cette arrivée comme un moyen de contourner les chef.fe.s de projets politique de la ville. Si, en 2017, une quatrième circulaire sur les délégué.e.s du Préfet est entrée en vigueur, des doutes (exprimés par les collectivités) subsistent sur leur capacité à mobiliser le droit commun de l’Etat vers les territoires. b.

Histoire de la mobilisation du droit commun de l’Etat

La mobilisation des crédits de droit commun de l’Etat semble être une antienne de la politique de la ville. En effet, dès 1997, de nombreux ministères incluent déjà dans leurs budgets des crédits de politiques sectorielles en faveur des quartiers de la politique de la ville. Cet objectif de mobilisation du droit commun de l’Etat a été réaffirmé dans la loi Lamy qui dispose dès son article 1 que : “La politique de la ville mobilise et adapte en premier lieu, les actions relevant des politiques publiques de droit commun”. L’article 6 de cette même loi précise quant à lui que : “Les signataires du contrat de ville s’engagent dans le cadre de leurs compétences respectives à mettre en œuvre les actions de droit commun concourant à la réalisation des objectifs de la politique de la ville”. En amont de la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, le ministère délégué à la Ville a signé dès 2013, avec les principaux ministères, treize conventions interministérielles d’objectifs (CIO). Elles ont concerné des politiques sectorielles telles que l’emploi, l’éducation, l’intérieur ou encore la santé. Pour autant, peu de ces conventions comportent des engagements quantitatifs. De nouvelles conventions interministérielles d’objectifs viennent d’être conclues pour la période 2016-2020, soit le terme des contrats de ville.

2. L’Etat déconcentré, acteur et appui dans la mise en oeuvre du contrat de ville a. L’Etat local dans la co-élaboration du contrat de ville

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Un certain nombre d’obligations ont incombé à l’administration territoriale de l’Etat en ce qui concerne l’élaboration des contrats de ville. L’Etat déconcentré a participé à la réalisation du diagnostic de la situation des territoires avec les collectivités territoriales et tous les autres acteurs du contrat. Cette participation a été mise en place sans problème majeur dans les territoires A et C. “L’Etat déconcentré est intervenu dans l’élaboration du contrat : participation de la DIRECCTE ainsi que Pôle emploi, la mission locale, la DDCS, la DDT et la Caisse des Dépôts à notre séminaire pour le diagnostic partagé. La définition des enjeux et des engagements de chacun a été faite. Enfin il y a eu un Copil de présentation des orientations des signataires” (Fonctionnaire d’Etat ). “Un travail commun a été mis en œuvre entre la métropole, la DDCS et les chef.fe.s de projet pour partager sur la méthode, le calendrier, les modalités de la programmation et l’organisation des Copil. La rédaction du contrat de ville et l’animation sont restées locales. Les documents ont ensuite été validés par les services de l’Etat” (Fonctionnaire d’Etat). Sur le site B en revanche la phase de diagnostic du territoire s’est avérée plus difficile par manque de données. “Ça a été difficile dans la mesure où les services de l’État avaient du mal à territorialiser leurs politiques publiques. Ne serait-ce que pour avoir des chiffres sur le QPV, on n’en avait pas. Les services de l’État étaient capables de nous présenter leur droit commun mais incapables de nous dire comment ils pouvaient agir sur le QPV dans le cadre du droit commun, et c’est toujours le cas. On manque de données objectives. On en a fait un peu, mais c’est à la main, compter les chômeurs de longue durée, les femmes, etc.” (Sous-préfèt.e de B). b. L’Etat local dans l’animation du contrat de ville Animer le contrat de ville consiste tout d’abord, pour l’Etat, à organiser, en interne, des réunions entre les services déconcentrés. Avant de rencontrer les collectivités, les services de l’Etat ont tout d’abord une gouvernance qui leur est propre. Ainsi les services des territoires A et C organisent des comités de direction tous les quinze jours, réunissant les services de la préfecture parmi lesquels on compte le/la Préfet.e et les délégué.e.s du Préfet mais également les directions déconcentrées. Ces comités de directions débouchent la plupart du temps sur des prises de décisions s’adressant aux territoires. “Il y a eu des nouvelles prises de décisions comme par exemple le fait de séparer la programmation financière des comités de pilotages thématiques (…) ça a aussi permis de lancer des dispositifs comme une journée de l’emploi qui s’est déroulée à la préfecture, il a aussi été décidé de la mise en place de rencontres de sensibilisation des collectivités aux valeurs de la République” (Fonctionnaire d’Etat). Pour préparer ces comités de directions, les délégué.e.s du Préfet se réunissent toutes les semaines en collège. Cette réunion leur permet d’échanger les nouvelles informations relatives à leurs territoires respectifs. L’Etat local participe aux instances de gouvernance du contrat de ville. On note également des comités de pilotages stratégiques par thématiques qui permettent aux collectivités de transmettre à l’Etat les difficultés qu’elles rencontrent : “Il y a un Copil stratégique par thématique ou les communes identifient des thématiques qui leur posent problèmes et les font remonter à l’Etat qui doit trouver une solution” (Fonctionnaire d’Etat). Il en est de même sur le site D où tous les mois, des réunions sont organisées autour des thématiques du contrat de ville. Elles réunissent le/la Sous-préfèt.e mais également les directions déconcentrées de l’Etat. L’objectif est de réaliser un travail de diagnostic et de bilan notamment sur des dossiers comme l’apprentissage du français. D’autres actions concrètes ont également été décidées suite à ces réunions, comme la mise en place de conventions pluriannuelles d’objectifs entre l’Etat, les collectivités et les associations pour accompagner financièrement ces dernières sur une période de trois ans, par exemple. !48


Sur le site B, c’est le/la Sous-préfèt.e qui se charge de l’animation du contrat de ville du côté de l’Etat en réunissant régulièrement les différents acteurs et impulsant une dynamique commune. c. Le rôle stratégique des cadres préfectoraux de la politique de la ville dans la relation aux collectivités -

Le/la Préfet.e délégué.e à l’égalité des chances

Le/la cadre préfectoral.e de la politique de la ville qui bénéficie de la position la plus stratégique n’est autre que le/la Préfet.e délégué pour l’égalité des chances. Sur deux de nos sites, le/la PDEC est également secrétaire général.e de préfecture. Selon les services de l’Etat, cela lui permet de mobiliser plus facilement le droit commun de l’Etat : “La création du poste de PDEC/secrétaire général.e de préfecture s’explique par la création de la métropole. Cette organisation permet au/à la PDEC d’avoir un pouvoir hiérarchique notamment sur les DDT et les DDCS que n’aurait pas eu une personne qui soit uniquement PDEC” (Fonctionnaire d’Etat ). Un.e autre fonctionnaire d’Etat perçoit également ce statut de PDEC comme un atout : “En tant que secrétaire général.e, le/la PDEC voit tous les mois les directeurs de DIRECCTE, DDT, inspection d’académie et Pôle emploi. C’est l’occasion de les briefer sur leur mobilisation en direction des quartiers politique de la ville”. Pour autant, les chargé.e.s de mission des collectivités territoriales ont un avis plus réservé sur le fait que le poste de PDEC/secrétaire général.e de préfecture facilite la mobilisation du droit commun: “Il/Elle est très malmené.e par les services de droit commun de l’Etat, quand ils sont autour de la table. On voit qu’ils ne sont pas d’accord et pas en ordre de marche pour travailler ensemble” (Chef.fe de projet politique de la ville). -

La figure de Sous-préfèt.e à la ville

Parmi les acteurs stratégiques des relations Etat/collectivités territoriales, on trouve également des Sous-préfet.e.s à la ville. Sur le site D, avant l’arrivée du/de la sous-préfèt.e à la ville, les délégué.e.s du Préfet étaient directement sous la responsabilité du Préfet de département. Désormais, le/la sous-préfèt.e à la ville gère le dispositif des délégué.e.s du Préfet et exerce également un rôle stratégique de définition des priorités d’intervention et d’évaluation des actions. -

Chef.fe de mission à la préfecture : un rôle encore à définir

Enfin, au sein d’une des préfectures , le/la PDEC a créé.e un poste de chef.fe de mission politique de la ville. La mission principale du/de la chef.fe de mission est de seconder le/la PDEC dans la coordination des délégué.e.s du Préfet. La personne qui occupe ce poste n’a pas de lien direct avec les collectivités territoriales, il/elle travaille en binôme avec la DDCS, laquelle assure l’appui de ces mêmes collectivités. Ce poste support, et qui n’est présent que sur une préfecture de France , manque de clarté dans son intitulé mais également de légitimité pour pouvoir diriger les délégué.e.s du Préfet car il est à mi chemin entre un poste d’assistant.e du/de la PDEC et un poste de Sous-préfet.e à la ville . Le/la chef.fe de mission que nous avons interrogé.e estimait ainsi que sa fonction était nouvelle et ne se référait à aucune fonction préfectorale déjà existante dans le domaine de la politique de la ville.

d. Un appui des directions déconcentrées de l’Etat aux collectivités encore perfectible Au-delà du suivi des contrats de ville, les directions déconcentrées de l’Etat jouent également un rôle d’appui aux collectivités territoriales. La plupart du temps des référents sont présents au sein des directions déconcentrées comme la DIRECCTE ou le rectorat. Les collectivités n’hésitent pas à entrer en relation avec !49


elles pour faciliter la territorialisation du droit commun de l’Etat: “Je fais des points régulièrement avec l’animateur territorial de la DIRECCTE sur l’emploi. Comme j’ai ma casquette emploi et cohésion sociale de droit commun, c’est bien de le voir régulièrement. Après, je n’ai pas d’autres contacts parce que ça passe par la déléguée du Préfet” (Chef.fe de projet politique de la ville). Un.e chargé.e. de mission de C s’adresse quant à lui/elle immédiatement à la DIRECCTE : “Sur le droit commun de l’emploi par exemple, on voit directement avec la DIRECCTE. Les problématiques sont analysées en premier par la déléguée du Préfet puis transmise à la DIRECCTE qui donne un avis technique. C’est le PDEC qui tranche”. Ces mêmes directions reconnaissent également cette mission d’appui comme partie prenante de leur travail. Elles essayent notamment d’agir sur des territoires où les collectivités territoriales ont moins de moyens : “Prioritairement, nous voyons souvent l’équipe en charge du contrat de ville. Après, selon les territoires, c’est très variable, souvent nous essayons d'aller sur des zones blanches ou peu organisées” (Fonctionnaire d’Etat). L’aide des directions déconcentrées aux collectivités territoriales manque cependant d’efficacité. Cela s’explique par des problèmes d’identification des personnes ressources au sein des services de l’Etat, du fait d’un manque de clarté dans l’organisation des services de l'Etat local. Ce manque d’efficacité trouve également sa source dans le manque de moyens financiers et humains auquel font face les services déconcentrés de l’Etat. Dans le ville D , par exemple, si les effectifs de la DDCS restent stables, il n’y a pas d’ETP dédié à la mobilisation du droit commun. Dans la ville B, la situation est encore plus préoccupante car les vacances de postes au sein de la DDCS n’ont pas été compensées. Dès lors en 2014, le/la responsable du Pôle politique de la ville et égalité des chances de la DDCS a été contraint.e de devoir gérer seul.e la quasi-totalité des dossiers qui lui étaient soumis. Ce manque de moyens financiers auquel fait face l'État local peut avoir des conséquences. L’une d’entre elles est mise en avant par les collectivités qui estiment que trop souvent les directions déconcentrées se contentent d’une fonction gestionnaire : “En termes d’ingénierie financière en revanche, c’est compliqué. On nous a imposé qu’il n’y ait plus d’actions de moins de 5000 euros en termes de subventions de l’Etat. Du coup, on ne peut plus subventionner les associations” (Chef.fe de projet politique de la ville ).

3. Les moteurs du partenariat délégué.e.s du Préfet/Chef.fe.s de projets a. La figure de délégué.e du Préfet La plupart des chargé.e.s de missions des collectivités territoriales interrogé.e.s estiment que le passé professionnel des délégué.e.s du Préfet est un des facteurs qui leur permet de mobiliser plus facilement le droit commun de l’Etat. Par ailleurs, le fait de ne pas suffisamment maîtriser l’organisation et le mode de fonctionnement des collectivités territoriales leur a semblé être un handicap. “Ça dépend du/de la délégué.e du Préfet, celui/celle qui était là avant le/la délégué.e actuel.le venait du ministère de l’intérieur et connaissait parfaitement l’administration. C’était donc une vraie interface. On posait n’importe quelle question et il/elle savait à quelle direction ou à quel ministère s’adresser et on avait une réponse” (Chef.fe de projet politique de la ville). Le passé professionnel des délégué.e.s du Préfet influe sur la relation qu’ils et elles ont avec les collectivités. Pour autant, indépendamment de ce passé, il y a des façons de travailler propres à chaque délégué.e du Préfet qui impactent le binôme qu’il ou elle forme avec le/la chef.fe de projet politique de la ville. Selon nos terrains d’études, on a pu constater différents profils de délégué.e.s du Préfet que l’on peut décrire par une typologie. Ainsi nous avons rencontré : ● Des délégué.e.s : exclusivement représentant.e.s de l’Etat : ces dernier.e.s ont comme priorité la vérification de l'application stricte de la politique nationale sur les territoires. Ils considèrent avant tout leur mission comme relevant du contrôle de l’action des collectivités territoriales, ce qui peut être mal compris par ces dernières. !50


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Des délégué.e.s : facilitateurs.trices : qui ont pour but premier de servir d’appui aux territoires qui appliquent la politique de la ville. Des délégué.e.s : coordinateurs.trices : ils et elles jouent davantage un rôle stratégique qui permet de faire travailler ensemble les différents acteurs du contrat de ville.

Sur certains des territoires étudiés, les délégué.e.s se considèrent avant tout comme des représentant.e.s de l’Etat. Si cela leur permet de vérifier que la politique nationale est bien appliquée sur les territoires, cela peut s’avérer contreproductif en laissant penser aux collectivités que l’Etat souhaite contrôler le/la chef.fe de projet généraliste: “On est là pour rappeler les priorités de l’Etat, je n’ai jamais rencontré de difficultés avec les chefs de projet même s’il faut parfois être ferme” (Délégué.e du Préfet). “On représente le/la Préfet.e et l’Etat sur les communes (…). On doit faire en sorte que la politique de la ville soit appliquée sur le territoire. On doit s’assurer que le droit commun est mobilisé. En fait on diffuse les axes de la politique nationale sur les territoires et dans l’autre sens on fait remonter les informations au Préfet pour qu’il ait un éclairage sur le financement”. (Délégué.e du Préfet ) Cette volonté d’application des consignes de l’Etat, quitte à parfois braquer les collectivités, est cependant nuancée par une mission plus opérationnelle qui se manifeste notamment par l’accompagnement des associations locales : “On essaye de faire en sorte que les associations soient toutes autour de la table pour tenter de coordonner les différents projets associatifs. On fait le lien entre les associations et les services de l’Etat” (Délégué.e du Préfet). Sur nos autres terrains d’étude en revanche, les délégué.e.s du Préfet sont moins dans l’application stricte des consignes de l’Etat. Sur le site B par exemple, le/la délégué.e du Préfet transmet les dernières circulaires aux collectivités territoriales, mais il/elle le fait plus dans un souci de veille que de strict contrôle de la mise en place de la politique nationale. On peut considérer que ce/cette délégué.e du Préfet, qui joue un rôle de courroie de transmission, est un/une délégué.e du Préfet facilitateur/ facilitatrice. “Avant, nous n’avions pas de délégué.e du Préfet, et depuis qu’il/elle est là, on a beaucoup plus d’infos, sur les circulaires par exemple. Le travail de veille qu’on devait faire est moindre. Et on s’entend très bien” (Chef.fe de projet politique de la ville à B). Enfin, à D, les délégué.e.s du Préfet jouent davantage un rôle d’animation du contrat de ville et de coordination des politiques mises en place en lien direct avec le/ la Sous-préfèt.e et les chef.fes de projet territorialisées. Cette position institutionnelle et ce poids dont disposent les délégué.e.s du Préfet de D vis-à-vis du/de la Sous-préfèt.e peut conduire à qualifier leur rôle de stratégique. Si le passé professionnel des délégué.e.s du Préfet ainsi que leur façon d’exercer leur mission jouent un rôle sur le bon fonctionnement de la relation Etat local/collectivité territoriale, ce n’est pas le seul élément explicatif de l’efficacité de ce travail en binôme. Il nous faut également insister sur l’importance de la répartition des missions entre les deux têtes de pont. b. La répartition plus ou moins claire des missions entre délégué.e.s du Préfet et chef.fe.s de projets politique de la ville Le fait que les missions soient plus ou moins clairement réparties au sein du binôme délégué.e du Préfet/chef.fe de projet impacte l’efficacité de la mise en place du contrat de ville. En effet si les tâches de chacun.ne ne sont pas précisées en amont, cela peut créer des doublons. 
 Sur certains de nos terrains, les chef.fes de projet politique de la ville estiment que les délégué.e.s du Préfet mènent parfois un travail parallèle contreproductif : “Le/La délégué.e du Préfet ne s’intègre pas au travail que fait mon équipe. L’autre jour, il/elle a fait une réunion avec une association pour lui présenter la programmation. Sauf que cette programmation, ça fait trois mois qu’on l’a déjà présentée avec mon équipe”. “Les délégué.e.s du Préfet nous disent, on va faire des conventions pluriannuelles d’objectifs, or la ville en a déjà avec plusieurs associations. Du coup je lui ai dit que quitte à en faire de nouvelles, ça pourrait être bien de les faire en partenariat avec le centre social et la MJC. Il/Elle m’a répondu qu’il ne fallait pas que les associations soutenues soient trop grosses. Je me suis !51


demandé à quoi ça pouvait bien servir de soutenir des petites associations alors qu’après il n’y a pas de suivi pluriannuel” (Chef.fe de projet politique de la ville). Un manque de répartition auquel on associe un manque de communication détériore encore davantage la relation de travail délégué.e du Préfet/chef.fe de projet. Cela peut conduire certain.e.s chef.fe.s de projets à remettre en question l’existence même des délégué.e.s du Préfet en regrettant le dispositif des délégué.e.s de l’Etat : “Ce qui était intéressant avec la déléguée de l’Etat c’est qu’il y avait une réunion hebdomadaire avec le/la Préfet.e, je savais immédiatement ce qui s’était dit, alors que là c’est une chape de plomb, on n’est plus dans la même confiance !” (Chef.fe de projet politique de la ville). Au-delà de la répartition des missions, les habitudes partenariales qui prévalent sur chacun des terrains d’étude ont pu influer sur le bon fonctionnement des relations de travail délégué.e du Préfet/collectivités territoriales.

c. L’histoire du partenariat dans le binôme délégué.e du Préfet/collectivité territoriale Un partenariat consolidé depuis des années peut faciliter la mise en place de méthodes de travail innovantes qu’il aurait été impossible de bâtir via un partenariat récent. Début 2016, cela a débouché sur les sites A et C , sur une décision de la métropole, de l’Etat local et des communes de gérer la programmation financière à part pour que les questions de droit commun puissent être priorisées. “La métropole, l’Etat et les directions de projet ont décidé début 2016, de la mise en place d’une instance de validation financière de la programmation qui ne serait pas considérée comme un Copil et qu’avant l’été serait mis en place des Copil stratégiques qui permettent de travailler ensemble notamment sur les questions de droit commun” (Chef.fe de projet politique de la ville). D’autre part, le bon fonctionnement de ce binôme peut dépendre de la volonté des chef.fe.s de projet ou des délégué.e.s du Préfet d’entretenir une relation forte. C’est par exemple le cas dans la ville A où la culture locale a pu conduire à l’institutionnalisation de liens informels : “Avec le/la délégué.e du Préfet on communique beaucoup par mail, téléphone sauf que par mail et par téléphone c’est du cas par cas et moi je manque d’une vision globale et d’une interface (…). Avec son/sa prédécesseur.e, tous les mercredi aprèsmidi, il était prévu qu’on fasse un point” (Chef.fe de projet politique de la ville). Des liens interpersonnels forts facilitent également une relation chef.fe de projet politique de la ville/délégué.e du Préfet qui soit la plus efficace possible pour animer le contrat de ville. Ainsi le/la délégué.e du Préfet de B considère que le tempérament, l’état d’esprit et la motivation sont quasiment les seules variables qui jouent pour que les projets de politique de la ville soient bien portés. Un bon fonctionnement du binôme délégué.e du Préfet/ chef.fe de projet impacte la bonne animation du contrat de ville et en particulier une meilleure territorialisation du droit commun. Au-delà de cette relation, le recensement des dispositifs de droit commun et la mise en place des conventions interministérielles d’objectifs permettent de mobiliser les crédits sectoriels vers les quartiers politique de la ville.

4. Des dispositifs de mobilisation du droit commun de l’Etat encore perfectibles a. De l’importance du recensement du droit commun de l’Etat !52


En préalable de la mobilisation du droit commun, un travail de recensement des actions des services sectoriels en direction des quartiers prioritaires est nécessaire. Certaines collectivités procèdent à ce recensement, dont notamment le service politique de la ville du site C où un chargé de mission doit réaliser un état des lieux du droit commun de l’Etat et des collectivités à l’échelle du quartier prioritaire. Ce recensement du droit commun par les services politiques de la ville fait suite aux objectifs de la loi Lamy et aux demandes de l’Etat. En retour, certaines collectivités attendent de l’Etat local que son propre recensement du droit commun soit davantage effectué et territorialisé. C’est ce qu’estime le/la chef.fe de projet du site C : “C’est assez paradoxal car l’Etat nous demande vraiment de faire ce travail alors qu’eux quand ils nous ont présenté leur recensement, c’était un recensement trop général et pas assez spécifique à nos quartiers prioritaires”.

b. Des conventions interministérielles d’objectif perfectibles Une autre démarche a été la mise en place de dispositifs de mobilisation du droit commun de l’Etat à proprement parler, en l’occurrence les conventions interministérielles d’objectifs. Ces dernières ont pour but de sensibiliser les ministères à la nécessité de s’engager davantage dans le soutien aux quartiers prioritaires de la politique de la ville. Si elles parviennent, dans une certaine mesure, à mobiliser davantage de droit commun de l’Etat, les collectivités leur reprochent leur orientation trop générale et peu contraignante ou encore leur manque de chiffrage précis. “Les conventions sont dans l’ensemble une bonne entrée pour mobiliser le droit commun de l’Etat même si l’éducation nationale est la seule politique étatique à s’être vraiment territorialisée avec les ZEP et maintenant les REP. Pour autant, les conventions peinent encore à monétiser leurs interventions” (Chargé.e de mission politique de la ville ) Les services de l’Etat local sont également dubitatifs concernant leur efficacité et ils estiment qu’elles ne sont pas suffisamment fléchées vers les territoires, dès lors ils proposent d’approfondir les systèmes d’information géographique déjà en vigueur pour territorialiser les crédits à mobiliser par quartier. “Les CIO donnent des grandes lignes mais pas d’indicateurs, pas de moyens pour la mise en œuvre. Cela a servi à définir les priorités mais pas nécessairement la mise en œuvre. Il y a souvent un décalage entre l'affichage que donnent les CIO et les moyens dont les territoires disposent pour mettre en oeuvre ces objectifs” (Fonctionnaire d’Etat). “En théorie, les CIO sont intéressantes mais elles manquent de fléchage vers les territoires. Il n’y a pas d’obstruction de la part des services de droit commun, mais il n’y a pas de travail suffisant de leur part pour que la mobilisation du droit commun puisse se faire sur les territoires. Il faudrait qu’il y ait des services d’information géographique renforcés pour territorialiser les crédits à mobiliser par quartier” (Délégué.e du Préfet). En résumé, le binôme Etat local-collectivités territoriales peine à mobiliser les politiques publiques de droit commun. En effet, suite à la loi Lamy, les collectivités territoriales sont censées pouvoir s’appuyer sur les services préfectoraux, les directions interministérielles déconcentrées mais également les délégué.e.s du Préfet, pour territorialiser les politiques publiques de droit commun. Dans les faits, elles ne bénéficient de cet appui que partiellement. Mis à part les moyens de droit commun qui émergent suite au partenariat Etat local/ collectivité, d’autres actions sont mises en place suite à une initiative proprement étatique. Depuis 2013, l’Etat local peut en effet s’appuyer sur des conventions interministérielles d’objectifs pour mobiliser plus facilement le droit commun des ministères. Si ces dernières parviennent dans une certaine mesure à remplir leurs objectifs, les personnes interrogées dans les collectivités et les services de l’Etat déconcentré s’accordent à dire qu’elles demeurent sans chiffrage précis et insuffisamment fléchées vers les quartiers de la politique de la ville.

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Préconisations ●

Binôme délégué.e du Préfet/chef.fe de projet

Face à la confusion des compétences qui a pu être remarquée entre les chef.fe.s de projets politique de la ville et les délégué.e.s du Préfet, il pourrait être envisagé de redéfinir les missions des délégués du Préfet pour qu’elles soient davantage centrées sur la mobilisation du droit commun de l’Etat et l’appui aux équipes politiques de la ville sur ce champ. Cela pourrait être traduit par une adaptation des fiches de poste des délégué.e.s du Préfet. En vue de favoriser une collaboration plus étroite entre les délégué.e.s du Préfet et les chef.fe.s de projet politique de la ville, les missions des délégué.e.s du Préfet et leur complémentarité avec les chef.fe.s de projet politique de la ville pourraient être davantage formalisées autour d’un accord local en adaptation au contexte territorial. ●

Outils de mobilisation du droit commun de l’Etat

Les conventions interministérielles gagneraient à être plus précises, davantage territorialisées et quantifiées. C’est en effet un levier pertinent et potentiellement efficace pour la mobilisation du droit commun de l’Etat vers les QPV. Pour ce qui est du fléchage des politiques publiques vers les quartiers prioritaires, il serait souhaitable de permettre au plus grand nombre possible de collectivités d’accéder à l’outil de géoréférencement du droit commun de l’Etat récemment mis en place par le CGET.

PARTIE 4 : LE CONSEIL CITOYEN, OUTIL EN DEVENIR D’UNE DIFFUSION DE LA CULTURE PARTICIPATIVE LOCALE

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Les conseils citoyens mis en place par la réforme Lamy peuvent être considérés en eux-mêmes comme une forme d’ingénierie supplémentaire dédiée à la politique de la ville. Ils sont en effet “associés à l’élaboration, à la mise en oeuvre et à l’évaluation des contrats de ville” et participent aux instances de pilotage du contrat de ville, selon l’article 7 de la réforme Lamy. A cet égard les conseils citoyens sont des outils pour aller vers une co-construction de la politique de la ville. Cette étude implique également d’explorer l’ingénierie qui entoure les conseils citoyens, c’est-à-dire les moyens financiers et humains dédiés au sein des collectivités et au-delà. Enfin, les conseils citoyens peuvent générer une transformation qualitative de l’ingénierie de la politique de la ville, en diffusant de nouvelles méthodes et réflexions au sein des services, promouvant par là une culture participative locale.

1. Les conseils citoyens, une mesure clé de la réforme Lamy La réforme Lamy

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L’article 7 de la loi Lamy instaure les conseils citoyens et précise leurs modalités de constitution et de fonctionnement. Les conseils citoyens doivent être mis en place dans chaque QPV. Ils sont composés d’un collège d’habitants tirés au sort, et d’un collège de représentants associatifs et d’acteurs locaux, comme par exemple des commerçants. Le conseil citoyen est associé à l’élaboration, la mise en oeuvre, l’évaluation des contrats de ville et participe également aux instances de pilotage du contrat. De plus, la loi pose quelques principes de fonctionnement tels que l’indépendance et l’autonomie du conseil citoyen, qui fonctionne “dans le respect des valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité, de laïcité et de neutralité”8. Il est soutenu dans sa mission par l’Etat dont le représentant dans le département en reconnaît la composition. Il fait également en sorte que les conseils puissent être appuyés par une personne morale dans leur fonctionnement. La formation est également évoquée par la loi qui prévoit que le contrat de ville définisse des moyens dédiés en amont si cela est souhaité. Les conseils citoyens, une nouveauté identifiée sur nos terrains

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Sur les terrains d’étude, la mise en place des conseils citoyens est une mesure forte et pleinement identifiée de la réforme. Pour le/la chef.fe de projet du site C, le conseil citoyen a fortement impacté les instances de participation citoyenne locales : “Ça a bousculé beaucoup les communes sur leurs instances de participation citoyenne car la quasi totalité des communes en avait mais c’étaient des lieux végétatifs ou il y avait toujours les mêmes”. Selon le/la chef.fe de projet du site A, le conseil citoyen est un des changement clé apporté par la réforme : “Les gros changements ont été le portage intercommunal, la création du conseil citoyen, la coconstruction parce qu’on avait beaucoup de difficultés, comme partout, à essayer d’associer les habitants. Là au moins la réforme a posé un certain nombre d’obligations, quelques outils et de fait ça va mieux se passer je pense”. La mise en place des conseils citoyens est donc une mesure phare de la loi Lamy, qui se décline au pluriel sur les terrains étudiés.

2. La mise en place des conseils citoyens a. Méthodes de composition et sélection des membres pour favoriser l’engagement citoyen

8 Article

7, lOI n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine

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Les conseils citoyens font l’objet d’une mise en place diversifiée sur nos quatre terrains d’étude. Le nombre de membres varie grandement, notamment selon la taille du QPV, de même que leur statut, associatif ou non. Sur le site A, le conseil mis en place par arrêté préfectoral en mai 2016 est composé de neuf membres, six habitants et trois représentants d’associations et se réunit régulièrement, avec au moins une séance plénière tous les trimestres. La constitution en association a été envisagée à l’été 2016, la réflexion est suspendue depuis. Il est organisé en sous-groupes de travail thématiques et se réunit dans le local commun résidentiel de la maison du projet. Sur le site B, à son lancement en 2015, le conseil citoyen est composé de 26 membres : quinze habitants, quatre membres d’associations, deux commerçants, deux parents d’élèves, deux délégués de classe de troisième et un collectif d’habitants. Cependant, aujourd’hui le conseil se réunit une à deux fois par mois avec 19 membres actifs, et une perte conséquente de diversité par rapport à la composition initiale. Sur le site D, le conseil citoyen est officiellement installé début 2017. Il est composé de 49 membres, 27 habitants et 22 membres des associations et acteurs locaux. Le nombre conséquent s’explique par le fait que ce conseil citoyen est ensuite organisé en cinq groupes territoriaux, un pour chaque QPV. Le conseil citoyen peut occasionnellement se réunir en assemblée plénière et dispose également d’un bureau qui réunit huit coprésidents, un par groupe territorial et un pour chacun des piliers du contrat de ville. Enfin, sur le site C, la situation atypique, validée par le Préfet, peut être soulignée. Le conseil citoyen prend en effet la forme de groupes de consultation mixtes composés d’habitants de la Ville du site C du QPV et hors QPV. Sa composition change tous les 6 mois. Il peut y avoir plusieurs groupes à la fois, animés par les agents municipaux, selon les sujets proposés. Les groupes de consultation travaillent sur des sujets confiés par la municipalité et fournissent un avis consultatif qui fait l’objet de délibération au conseil municipal. Site

Site A

Site B

Site C

Site D

Nombre de membres

9 membres

26 membres

12 membres

49 membres

Composition

6 habitants, 3 15 habitants, 11 6 tirés au sort sur liste associatifs acteurs locaux volontaires, 6 tirés au sort - toute la pop. de la ville

27 habitants, 22 associations → 5 groupes territoriaux

date de création 2016

2015

Renouvelé tous les 6 mois 2017

statut associatif

non

non - groupes consultatifs

non

oui

La mise en place du conseil citoyen s’est donc faite plus ou moins rapidement selon les sites. 
 Le travail de composition du conseil citoyen a notamment requis l’élaboration de méthodes adaptées. Le tirage au sort nécessite en effet de choisir une base adéquate et a pu susciter des réflexions sur les manières de pérenniser cet engagement. Sur le site B, le tirage au sort a été effectué à partir des listes électorales. Le QPV fut divisé en zones Est et Ouest avec un tirage paritaire femme-homme et une moitié de personne de chaque zone géographique. Finalement, huit personnes ont été tirées au sort, mais peu sont restées selon le/la chargé.E de mission. Sur le site D, le tirage au sort s’est fait sur la base de l'adresse et non sur la base des listes électorales. L’équipe politique de la ville a ensuite présenté le conseil citoyen par du porte-à-porte. Le/la chargé.e de mission explique les difficultés rencontrées : “On a tiré au sort, sur une base adresse et non pas sur une base électorale et on a pris notre bâton de pèlerin et on est allés présenter le conseil citoyen. Et derrière, on a aussi une base volontaire. On n’a pas eu de difficultés à recruter les associations. Par contre, pour les habitants, c’est plus compliqué. Ça a été plus ou moins difficile selon les quartiers mais encore aujourd’hui on a un déséquilibre, il manque encore des habitants. Donc il y a eu une deuxième phase de tirage au sort et là c’est les membres pré-existants du conseil citoyen qui sont allés faire du porte à porte”. !56


En même temps, le fait d’impliquer les membres pré-existants du conseil citoyen dans la deuxième phase de sélection a pu permettre à certains de confirmer leur engagement. Sur le site C enfin, la composition des groupes de consultation est renouvelée tous les six mois, ce qui ne pose pas ces problèmes de mobilisation des membres du conseil sur la durée. Les groupes de consultation travaillent sur une question précise, et se réunissent pour au moins cinq réunions sur les six mois de leur mission. b. Ingénierie dédiée aux conseils citoyens au sein des collectivités et accompagnement La question de l’autonomie du conseil citoyen est liée à celle de son accompagnement et des ressources dont il dispose pour fonctionner, notamment en termes d’ingénierie dédiée. A cet égard l’ingénierie des collectivités sur nos terrains d’étude est plus ou moins directement mobilisée pour le conseil citoyen. Sur le site C tout d’abord, la situation est atypique. Les groupes de consultation, renouvelés tous les six mois, ne sont pas autonomes et sont animés par les services de la ville. Le/la chef.fe de projet politique de la ville explique cela par leur renouvellement fréquent : “Comme ils changent tous les six mois, ils ne sont pas autonomes dans leur animation. C’est le service démocratie locale de la ville qui s’en charge”. Le service démocratie locale de droit commun de la ville anime donc le conseil, en tandem avec l’équipe politique de la ville dès lors que cela concerne des sujets spécifiques au QPV comme la rénovation urbaine. Sur le site A, l’interlocut.eur.i.ce du conseil citoyen est l’agent de développement local. Un.e élu.e référent.e a également été nommé pour instaurer un dialogue avec la municipalité. Sur le site B, il n’y a pas de service démocratie locale et le conseil citoyen est animé par le/la chef.fe de projet. Sur le site D enfin, la forme du conseil citoyen épouse la forme de l’ingénierie actuelle de la politique de la ville puisque les groupes d’action territoriaux correspondent au périmètre des directions territoriales. Chaque chargé.e de mission des directions territoriales est donc en lien avec le conseil citoyen, pour en assurer le recrutement et la continuité. Cependant, la plupart des collectivités veillent à respecter l’autonomie et l’indépendance des conseils citoyens. Comme sur les sites A et D, l’animation et/ou formation du conseil citoyen est alors confiée à une tierce structure. La mise en place des conseils citoyens n’a donc pas amené à des créations de postes dédiés au sein des collectivités, mais plutôt à de nouvelles délégations pour certain.e.s élu.e.s désigné.e.s ou nouvelles missions pour le/la chef.fe de projet. c. Accompagnement à la mise en place par une tierce structure, formation continue et ressources Le conseil citoyen peut donc être accompagné par une tierce structure lors de sa mise en place, pour un soutien méthodologique et organisationnel. Les collectivités déploient des moyens d’ingénierie dédiés, extérieurs à leurs services. Sur le site D, un premier accompagnement a été apporté au conseil citoyen par une association, choisie par le conseil citoyen lui-même. Elle apporte un soutien méthodologique, organisationnel, logistique et administratif, et laisse le conseil délibérer et décider des éléments de contenu. Sur le site A, le conseil citoyen a également été accompagné par un prestataire chargé de son animation jusqu’au début de l’année 2017 avec l’écriture d’une charte de fonctionnement, ainsi que de la formation à la prise de parole en public, à la communication ou à la concertation avec les habitants. Ici, l’accompagnement semble donc tendre vers un objectif de formation pour plus d’autonomie du conseil par la suite. Le/la délégué.e du Préfet est également intervenue pour une sensibilisation aux valeurs de la République et à la laïcité. Il faut distinguer cet accompagnement premier des formations plus techniques qui peuvent être apportées sur le fond des sujets traités par le conseil, et de manière continue. !57


Sur le site D par exemple, les membres du conseil citoyen ont pu bénéficier d’une formation sur des enjeux urbains comme l’explique un.e chargé.e de mission politique de la ville : “Ils sont allés faire une formation sur la rénovation urbaine, la semaine dernière ils étaient à Paris. (...) ils apprennent plein de choses sur l'animation, ils ont appris ce que c'était les enjeux urbains, comment on peut monter une maison du projet”. Cette formation continue peut alors être offerte par une diversité d’acteurs et permettre au conseil citoyen de monter en compétence sur des sujets particuliers. Cependant, en ce qui concerne la formation de l'École de la rénovation urbaine par exemple, cela implique un investissement en termes de moyens temporels et financiers, pour poser des jours de congés et pouvoir se rendre à Paris notamment. Sur le site C, cela a été un obstacle pour les membres des groupes de consultation, qui n’ont pas pu bénéficier des formations de l’École de rénovation urbaine à Paris. Sur le site B, l’apport de formations supplémentaires est questionné par le/la chef.fe de projet et un.e chef.fe de service. Ils ne pensent pas que les membres du conseil aient besoin de formation en soi mais qu’ils peuvent apprendre au fur et à mesure, en fonction des sujets amenés à l’ordre du jour par le chef de projet politique de la ville qui se charge de l’animation du conseil : “Moi la formation, je la fais au quotidien, je pense pas que les gens aient forcément besoin de formation en soi”. L’ingénierie dédiée au conseil citoyen dépend donc des sensibilités locales. La maison du projet, ressource potentielle pour les conseils citoyens La réforme Lamy prévoit la mise en place d’une maison du projet dans les QPV bénéficiant du nouveau programme national de renouvellement urbain. La maison du projet permet, selon la loi, la coconstruction du projet urbain avec les habitants, représentants des associations et acteurs économiques. Elle peut donc être une ressource pour les conseils citoyens. Les quatre sites étudiés ont une maison du projet active. Sur le site A, qui ne bénéficie pas du NPNRU mais réalise une opération de renouvellement urbain locale, une maison du projet a été mise en place dont le conseil citoyen peut disposer à l’occasion de ses réunions. Au-delà de cet usage, la maison du projet suscite de nombreuses réflexions sur les fonctionnalités et animations qu’elle pourrait offrir aux habitants.

Les conseils citoyens font donc l’objet d’une mise en place et d’un fonctionnement diversifiés. Leur autonomie est plus ou moins forte et dépend notamment de l’accompagnement et des formations mises à disposition. Le conseil citoyen n’a pas modifié l’ingénierie des collectivités de manière significative, notamment du fait de l’objectif d’autonomie fixé par la loi. Les retombées du conseil citoyen liées à ces éléments de mise en place, dépendent ensuite amplement de la culture participative locale, en même temps qu’elles la transforment. Dans ce cadre, les collectivités peuvent être amenées à questionner leur propre ingénierie.

3. Le conseil citoyen, premier bilan d’une mesure novatrice a. Un accueil du conseil citoyen qui dépend de la culture participative locale La réception du conseil citoyen sur nos terrains dépend de la culture participative locale. L’enthousiasme de certains sites s’explique par le contexte dans lequel le conseil citoyen s’insère. Sur le site A, la culture participative existait sous forme de réunions de proximité qui s’apparentaient à des consultations menées dans les quartiers de la ville en fonction des travaux ou des événements les concernant. Sur le QPV et le QVA, d’autres formes de participation ou d’implication citoyenne avaient pu se développer, notamment à l’occasion de diagnostics en marchant, de fêtes du quartier, de réunions d’informations, etc. Cependant, un certain désintérêt s’était manifesté face à ces démarches au fil du temps. Selon le/la chef.fe de projet, le conseil citoyen a alors bousculé cette situation en permettant d’instaurer un dialogue plus pérenne. Le maire de la ville a également reçu favorablement cette instance qui lui permet de dialoguer avec un acteur !58


clé, identifié et légitime à l’échelle du quartier. Ayant fait face à une contestation de projet urbain au début de sa mandature, il était favorable à la reconstitution d’une forme de dialogue efficace avec les citoyens. Sur le site D, le conseil citoyen coexiste avec de nombreuses autres formes de démocratie locale. Des ateliers de co-construction, des temps d’échange avec les habitants ou encore un budget participatif permettent aux habitants de s’impliquer au quotidien. Le site a également fait partie de l’expérimentation des tables de quartiers, lieux de débat et d’échange, lancée par le ministère de la ville, en lien avec la Fédération nationale des centres sociaux en 2015. Le conseil citoyen fut donc reçu dans ce contexte très favorable aux démarches participatives, et accompagné dans une logique d’autonomisation et de montée en compétences. La réception des conseils citoyens sur les autres sites fut cependant plus mitigée. Sur le site B, l’élu.e en charge de l’urbanisme choisit d’être présent.e aux séances du conseil citoyen pour dialoguer directement avec les membres. La forme associative n’a pas été par ailleurs mise en avant sur ce site, qui laisse l’animation du conseil au/ à la chef.fe de projet de la politique de la ville. Pour un.e élu.e, le conseil citoyen est davantage une instance de consultation qui n’a pas vocation à se transformer en association : “Je ne pense pas qu’il soit nécessaire d'institutionnaliser forcément le conseil citoyen, d’en faire un contre-pouvoir. On peut s’interroger sur le fait de se monter en association aussi”. Sur le site C enfin, la forme atypique du conseil citoyen (groupes de consultation) s’explique par une décision municipale locale. Comme l’exprime un.e membre de l’équipe politique de la ville : “Dans notre commune, il est considéré que les décideurs sont les élu.e.s”. L’articulation entre démocratie représentative et participative peut en effet être difficile à trouver. b. Premiers enseignements du conseil citoyen : des impacts sur l’ingénierie et la culture participative? -

Des instances encore en construction

Deux ans après la réforme Lamy, il est encore tôt pour réaliser un bilan complet des conseils citoyens sur les sites étudiés. La mise en place du conseil a pris plus ou moins de temps selon les configurations locales et marges de manoeuvres accordées. Le conseil citoyen doit encore prendre sa place sur certains terrains et définir sa feuille de route. Sur le site B, le/la Sous-préfèt.e commente ce démarrage progressif : “La démarche de démocratie participative est intéressante mais il est difficile pour les citoyens de se l’approprier : c’est nouveau, il faut avoir du temps et des compétences, et c’est sur la base du bénévolat. D’ailleurs ailleurs ça a été plus difficile de trouver des volontaires. Ici il y a un tissu associatif, des habitudes… C’est le fruit de l’histoire”. Il/elle estime que le conseil citoyen ne permet pas encore une réelle co-construction de la politique de la ville, notamment à cause du besoin de formation des membres du conseil citoyen face à la technicité de la politique de la ville. Les missions du conseil citoyen, au-delà de la participation aux instances de pilotage du contrat de ville, ont dû également être définies après la réforme. L’impulsion municipale a permis plus ou moins d’autonomie et de responsabilités selon les cas. Face à ce tâtonnement fréquent lors de la mise en place du conseil, les membres doivent pérenniser leur engagement. Sur le site B, le conseil citoyen est désormais fréquenté par une quinzaine de membres lors des réunions mensuelles, contre 26 membres lors du lancement officiel en 2015. Il est donc important de rappeler que la mise en place du conseil citoyen fait face à certaines difficultés liées à la technicité de la politique de la ville et à l’ampleur de la feuille de route qu’il est possible d’adopter. Ces éléments ont pu ralentir le début des travaux des conseils sur nos quatre sites. De plus, l’avancée des conseils citoyens a pu aussi être freinée par la lourdeur administrative qui entoure sa constitution et mise en marche. Il doit être associé aux instances du contrat de ville et réflexions municipales, ce qui l’éloigne parfois du fonctionnement associatif qui peut être plus dynamique.

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Présence du conseil citoyen dans les instances du contrat de ville et premiers travaux

A ce stade, les conseils citoyens de certains sites ont tout de même pu prendre place dans les instances de pilotage du contrat de ville et rendent compte de premières réalisations. En ce sens, le conseil citoyen devient une ressource d’ingénierie pour la politique de la ville. Sur le site A, où le conseil citoyen a rapidement été mis en place après la réforme, il participe au comité technique, comité de pilotage et à la réunion de pré-programmation du contrat de ville. Il participe également aux instances de suivi des travaux du quartier avec le bailleur, les partenaires et les locataires référents. Il participe à d’autres instances de GSUP comme le comité mensuel de proximité ou les diagnostics en marchant semestriels. Un.e représentant.e du conseil citoyen est notamment à l’origine d’une action pour informer sur les nouvelles consignes de tri qui a été organisée à la maison du projet avec le syndicat de traitement des ordures ménagères. Le conseil citoyen est dans ce cas un relais de la parole des habitants sur le suivi des travaux menés sur le QPV, en même temps qu’un relais de proximité pour les autres habitants lors des fêtes de quartier, réunions d’information et autres animations locales. Le conseil citoyen est en relation étroite avec l’équipe politique de la ville et notamment l’agent de développement local, mais également avec les élu.e.s ou services de la ville qui peuvent le solliciter. La ville A a désigné un.e conseiller.e municipal.e délégué.e à la vie des quartiers comme principal interlocuteur du conseil citoyen, qui le rencontre régulièrement dans le cadre de réunions ou formations. Le conseil citoyen a produit sa propre feuille de route et a pu la présenter aux élu.e.s et partenaires à l’occasion des voeux. La ville confirme l’avoir prise en compte et souhaite encourager les habitants dans cette démarche. Sur le site D, le conseil citoyen récemment installé n’a pu encore produire de tels résultats. Les groupes territorialisés des QPV, quant à eux, ont participé à des actions de proximité sur le quartier en amont, notamment sur des actions de bénévolat autour de l’emploi et de l’insertion. Sur le site C, les groupes de consultation travaillent sur des questions très diverses, comme par exemple sur le projet de rénovation urbaine, sur la manière de développer les circuits courts ou encore sur la jeunesse. Chaque groupe peut faire suivre un avis consultatif au conseil municipal. -

Un questionnement des pratiques et de l’ingénierie dédiée par les collectivités et élus

La mise en place des conseils citoyens sur nos quatre sites n’a pas entraîné de création de poste ou de service dédié au sein des collectivités, mais a modifié les missions des agents et mobilisé une ingénierie extérieure aux services. Ainsi sur les sites A et D, un appui extérieur a été mis en place pour animer et accompagner le conseil citoyen. Les conseils citoyens ont en même temps été l’occasion de redéfinir les missions de certains agents et chef.f.e.s de projet politique de la ville sur les autres sites : sur le site C, le service de droit commun démocratie locale anime le conseil citoyen, sur le B, c’est le/la chef.fe de projet qui en à la charge directement. La mise en place des conseils citoyens sur nos quatre sites n’a donc pas entraîné de déploiement conséquent de l’ingénierie dans la mesure où aucun nouveau poste ou service n’a été créé, mais elle a pu redéfinir certaines missions. Des moyens dédiés ont en même temps été déployés, au-delà de ceux des collectivités. L’impact des conseils citoyens sur l’ingénierie de la politique de la ville se traduit davantage par des réflexions sur les pratiques et méthodes proposées par les collectivités. Cela semble avoir été l’occasion d’une prise de conscience, ou tout du moins d’une réaffirmation du lien nécessaire entre politique de la ville et habitants. Les chef.fe.s de projet s’interrogent sur l’adaptation des horaires de réunion, sur leur vocabulaire ou encore les formations nécessaires au conseil citoyen. Le conseil citoyen questionne en effet la complexité de la politique de la ville et implique de trouver des méthodes de communication, de formation et de coconstruction nouvelles. Un.e chargé.e de mission politique de la ville explique la réflexion que le conseil citoyen a générée : “Ça tâtonne, mais globalement le démarrage de ces temps d’échange sur ces projets c’est aussi un changement de culture. Il faut penser à inviter le conseil citoyen quand on fait des réunions de suivi etc. (...) Et puis on a tout un accompagnement sur la formation des membres du conseil

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citoyen, des formations de base qui ont été dispensées autour de connaissances sur les collectivités, les budgets...”. Il/Elle explique que la ville privilégie davantage les projets de “faire ensemble que de vivre ensemble” dans l’optique d’une co-construction des politiques publiques à l’avenir. Cette réflexion et interrogation des pratiques est également partagée par certains élu.e.s. Pour un.e élu.e référente des conseils citoyens, il s’agit d’un réel changement : “La participation citoyenne, on y a été d’emblée. C’est une bascule philosophique dans l’intervention publique, c’est du lâcher prise institutionnel, donc un gros changement”. Elle relève en même temps la technicité de la politique de la ville, qui peut constituer un blocage pour les habitants. Elle soulève également la question des formes de réunions et de rencontres avec les habitants : “Comment on trouve des formes de réunions d'informations accessibles ? On voit bien, on essaye des choses. Il y a des choses qui ne marchent pas. Ca dépend des gens que l'on a, de la maîtrise des codes, il n’y a pas une forme parfaite. Mais je pense que la question des formes,elle est essentielle”. Un.e délégué.e du Préfet exprime également ses questionnements sur la technicité de la politique de la ville, qui peut constituer une forme de violence symbolique pour les habitants : “Les habitants participent à nos travaux, et vous savez bien qu’on utilise un langage... donc quand il y en a un qui a levé la main pour dire qu’il ne comprenait pas ce qu’on disait on a expliqué et maintenant on avance vraiment. Ils posent les bonnes questions”. Sur le site C enfin la participation citoyenne occupait déjà une place importante au quotidien pour l’équipe politique de la ville, malgré les réticences de l’équipe municipale envers le conseil citoyen. Un.e agent de développement local explique notamment que la participation citoyenne est une plus-value pour les projets menés : “La participation est inhérente à nos missions. C’est la plus-value dans les projets qu’on mène. On essaye sur chaque action de faire de la participation, c’est quelque chose qu’on faisait avant la réforme”. La participation citoyenne dépasse donc ici les groupes de consultation mis en place après la réforme. Elle implique une réflexion sur la forme des projets proposés et moyens de communication dédiés. De plus, selon un agent politique de la ville, la perception du conseil par la municipalité a également évolué : “Le regard de l’équipe municipale et du maire, je pense, a quand même évolué. Au début on partait de loin. Ils sont très liés à la démocratie représentative, l’histoire du vote, le rôle essentiel de l’élu et aussi le fait que ça puisse être un terroir pour l’opposition, que les habitants allaient être dépassés… Je pense qu’ils ont évolués car au contraire le conseil citoyen vient ajouter des idées, des solutions” Finalement, la réforme induit une réflexion sur les méthodes et l’ingénierie déployées par les collectivités pour accueillir les conseils citoyens. Au-delà d’une réorganisation des services ou de créations de postes, la mise en place des conseils citoyens permet donc des adaptations qualitatives de l’ingénierie, en même temps que la diffusion progressive d’une culture locale de la participation citoyenne. La mise en place des conseils citoyens est donc une mesure-clé de la réforme Lamy, identifiée en tant que telle par tous nos interlocuteurs. L’autonomie et l’indépendance du conseil citoyen restent encore fragiles et varient grandement selon les sites étudiés. A ce stade, le conseil citoyen prend place dans les instances de pilotage du contrat de ville et anime la vie de quartier sur les sites les plus actifs. Cependant, après deux ans de travail, il est encore difficile d’évaluer les retombées du conseil citoyen. Il semble tout de même que la réforme ait permis de diffuser une culture participative dans les services, qui rendent compte d’une réflexion sur leurs méthodes de travail et sur les formats d’information et co-construction proposés. Le conseil citoyen interroge dans sa forme du fait de l’investissement qu’il peut représenter pour ses membres. Formations et réunions semblent nécessaires à l’autonomisation des conseils, mais peuvent décourager certains habitants, notamment tirés au sort. Enfin, les retombées du conseil citoyen dépendent, à terme, de l’impulsion municipale en sa faveur, et de l’appui dont il dispose pour élaborer sa feuille de route.

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Préconisations 
 Au regard des éléments développés, voici des pistes de réflexion et préconisations pour améliorer le fonctionnement des conseils citoyens. ●

Gouvernance partagée

Une gouvernance partagée pourrait être définie à l’occasion de l’adoption d’une charte locale ou tout du moins par des rencontres entre instances municipales et conseil citoyen afin de préciser l’équilibre attendu entre participation habitante et arbitrages politiques. La charte pourrait rappeler les principes et objectifs généraux de la participation citoyenne en général et la manière dont le dialogue se construit entre ville et conseil citoyen en précisant davantage les modalités de co-construction. Les élu.e.s pourraient être également sensibilisé.e.s à la question de la participation citoyenne par le biais de rencontres nationales ou régionales, échanges d’expériences, forums etc. ●

Feuille de route

Pour optimiser l’impact du conseil citoyen, leurs membres pourraient être incités à définir une feuille de route de leurs missions et objectifs au-delà de leur participation aux instances de pilotage du contrat de ville. Cela pourrait notamment éviter la démobilisation de certains membres grâce à une projection à terme des missions et responsabilités des membres du conseil. ●

Accompagnement et formation

Les modalités d’accompagnement restent à adapter et ajuster selon l’histoire et l’évolution du conseil citoyen. Un accompagnateur unique a souvent été prévu à la mise en place des conseils citoyens, et pourrait être également bénéfique en cas de renouvellement. Le conseil citoyen peut se voir proposer en parallèle des formations techniques et méthodologiques, menées par différents organismes, afin de permettre une montée en compétence tout en conservant son indépendance. L’équilibre entre animation du conseil citoyen et autonomie doit en même temps être maintenu. Sur la forme de l’animation et des formations proposées, le conseil citoyen pourrait lui même les choisir en fonction de ses besoins et stade d’avancement. Pour favoriser l’accessibilité aux formations, il semble positif qu’elles soient proposées au plus près des différents QPV, ou apportées via les centres de ressources, sur des horaires adaptés aux activités des membres du conseil (soir et week end notamment).

Conclusion Le premier enjeu de cette étude était d’explorer l’impact de la mise en place des contrats de ville de nouvelle génération issus de la loi Lamy. Plus précisément, l’objectif a été d’analyser l’adaptation de l’ingénierie et de la gouvernance locale de la politique de la ville aux grands principes de la loi de !62


programmation pour la ville et la cohésion urbaine que sont : le portage intercommunal de la politique de la ville, un contrat intégré associant les volets urbain, social et économique, la mobilisation des politiques de droit commun de l’Etat déconcentré et des collectivités et enfin la co-construction avec les habitants. Il s’agissait donc de comprendre quelle ingénierie avait été déployée par les services en réponse à la réforme, et quels changements de pratiques et méthodes de travail cela impliquait. Le portage intercommunal, tout d’abord, est perçu comme une ressource pour la politique de la ville en termes d’ingénierie. Il permet notamment la mise en place de modes de travail en transversalité entre communes et agglomérations. D’autre part, ce portage intercommunal de la politique de la ville permet de mobiliser des compétences portées par l’intercommunalité vers les quartiers prioritaires et de mutualiser les moyens en ingénierie. Par exemple, le portage intercommunal de la politique de la ville peut permettre de travailler plus en lien avec les thématiques du développement économique sur le territoire. Enfin, le portage intercommunal permet à la politique de la ville d’oeuvrer à une échelle territoriale plus stratégique. Les documents d’urbanisme pourraient, à ce titre, constituer des ressources pour définir la stratégie et gouvernance de la politique de la ville, ce qui n’est pas toujours le cas actuellement. Malgré toutes les facilitations offertes par ce portage, les territoires étudiés sont à des stades d’avancement différenciés en termes d’intégration de la compétence politique de la ville. Cela s’explique notamment par la taille de l’intercommunalité, la composition des communes qui y figurent, ou encore les couleurs politiques des maires et président.e.s d’agglomération. Ainsi, au-delà de l’adoption juridique de la compétence politique de la ville au niveau de l’intercommunalité, il est intéressant de parler d’un processus d’intercommunalisation qui serait à l’oeuvre. Il s’agit dans ce cas de s’intéresser à la co-gouvernance et au degré d’intégration de la compétence politique de la ville. Dans certains cas, la répartition des compétences entre communes et intercommunalités est encore floue, ce qui peut empêcher les élu.e.s de mettre en place un projet de territoire intégrant pleinement les enjeux de solidarité. L’intensité du portage intercommunal dépend donc, in fine, de la volonté politique. Ensuite, la mobilisation du droit commun des collectivités territoriales apparaît comme primordiale pour effacer les écarts socio-économiques qui séparent les quartiers prioritaires du reste du territoire. Elle varie en fonction de plusieurs facteurs, tels que l’ancienneté des territoires en politique de la ville ou encore le périmètre des communes concernées par la géographie prioritaire. Les territoires d’étude mobilisent le droit commun avec des outils : c’est tout d’abord le cas des contrats de ville de nouvelle génération. Au-delà d’un diagnostic des politiques publiques de droit commun déjà présentes sur les territoires, ils donnent une plus grande légitimité aux chef.fe.s de projet pour davantage mobiliser les services sectoriels. Les chef.fe.s de projets politique de la ville voient également leur mode de travail évoluer ; il intègre davantage la mobilisation du droit commun et la transversalité. Cela se concrétise notamment dans leurs fiches de postes. Pour autant, une mobilisation du droit commun des collectivités encore plus aboutie ne pourra se faire sans une plus grande culture de la transversalité et un décloisonnement au sein des services sectoriels, ainsi qu’une meilleure lisibilité des missions de chacun, avec un portage politique moteur. Il s’agit plus particulièrement de veiller à articuler le renouvellement urbain à la cohésion sociale et au développement économique. Cette articulation est difficile à mettre en place non seulement car les pratiques de l’action publique généraliste sont fondées sur une approche en termes de public plus que de territoires mais également car une culture de travail en silo prévaut encore dans de nombreuses administrations. Malgré ces freins à la coopération, les collectivités ont mis en place des moyens pour faciliter le travail intégré. Cela peut se faire par le biais de projets urbains ponctuels qui mobilisent les acteurs de terrain de différentes politiques sectorielles. Pour travailler en transversalité, les collectivités ont également mis en place des méthodes d’organisation spécifiques. Cela peut passer par le cumul, sur un même poste, de missions de droit commun et de politique de la ville ou encore par le fait, pour des chargé.e.s de mission politique de la ville, de partager leurs locaux avec des services de droit commun. Enfin, les collectivités se sont appuyées sur des initiatives et des méthodes de travail innovantes comme des formations croisées entre les différents postes et des voyages d’études. Pour ce qui relève du binôme Etat local-collectivités territoriales, l’analyse des sites d’étude montre qu’il peine à mobiliser les politiques publiques étatiques de droit commun. Les collectivités territoriales doivent pouvoir s’appuyer sur les services préfectoraux, les directions déconcentrées et les délégué.e.s du Préfet pour !63


mobiliser le droit commun de l’Etat vers les quartiers prioritaires. Cependant, cet appui est perfectible. En effet, les cadres préfectoraux de la politique de la ville éprouvent des difficultés à orienter le droit commun étatique vers les quartiers prioritaires car les administrations déconcentrées de droit commun ont des logiques différentes. Quant aux directions déconcentrées interministérielles, elles constituent un appui pour les collectivités locales sur la partie financière et administrative des contrats de villes. Pour autant, les collectivités leur reprochent notamment le manque de clarté de leur organisation, leurs méthodes de travail trop gestionnaires et leur manque de souplesse dans l’attribution des crédits. En ce qui concerne les délégué.e.s du Préfet, le bon fonctionnement de leur binôme avec les chef.fe.s de projet des collectivités territoriales dépend de plusieurs moteurs. Tout d’abord, la façon qu’ont les délégué.e.s du Préfet d’exercer leur mission. Certain.e.s agissent uniquement pour faire appliquer strictement des consignes nationales alors que d’autres tiennent davantage compte des particularités du territoire tout en essayant de jouer un rôle de facilitation dans la mise en œuvre du contrat de ville. Outre cela, la répartition plus ou moins claire des missions entre délégué.e.s du Préfet et chef.fe.s de projets villes est bien souvent un gage de bon fonctionnement du binôme, de même que la culture de partenariat qui prévaut au sein de la collectivité. Mises à part les actions de droit commun qui émergent suite au partenariat Etat local/collectivité, d’autres actions sont mises en place suite à une initiative proprement étatique. Depuis 2013, l’Etat local peut en effet s’appuyer sur des conventions interministérielles d’objectif pour mobiliser plus facilement le droit commun des ministères. Si ces dernières parviennent dans une certaine mesure à remplir leurs objectifs, les personnes interrogées dans les collectivités et les services de l’Etat déconcentré s’accordent à dire qu’elles demeurent sans chiffrage précis et insuffisamment fléchées vers les quartiers de la politique de la ville. Enfin, nous soulignerons que la participation citoyenne, et plus précisément les conseils citoyens, sont des éléments identifiés comme les principaux changements induits par la loi de programmation pour la ville et la rénovation urbaine. La forme et l’autonomie des conseils varient selon les territoires et notamment en fonction de l’accompagnement et des formations mises en place. L’accueil réservé aux conseils citoyens dépend quant à lui grandement de la culture participative locale. A ce stade, les conseils citoyens ont pu prendre place dans des instances de pilotage du contrat de ville et produire leurs premiers travaux sur certains sites. S’il est encore tôt pour en faire le bilan, la mise en place des conseils citoyens a tout de même permis d’insuffler un nouvelle culture participative dans les services des collectivités. Cela se traduit par une remise en cause des pratiques de travail, méthodes et formats proposés par les services. Encore loin d’une véritable co-construction des projets politique de la ville, le conseil citoyen apporte donc une réflexion à laquelle il convient de donner toute sa place.

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