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INTERVIEW | THIERRY GAUBERT

LA LIGNE ROUGE

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Dirigeant d'entreprise devenu thérapeute, Thierry Gaubert alerte aujourd’hui sur les risques de ne pas savoir s'écouter et se respecter. Explications avec l'auteur à l'occasion de son passage à Luxembourg.

Thierry Gaubert n'a pas un parcours traditionnel. À 29 ans, son business de dirigeant est fleurissant. Mais à 40 ans, une crise personnelle grave remet en question son sens de la vie. Après une longue période d'introspection et de réflexion, il quitte son statut d’entrepreneur. Il parcourt alors le monde et se lance dans une multitude d’expériences et de rencontres qui le conduiront vers une nouvelle vie. Après de nombreuses formations avec des enseignants de renommée, il développe la méthode appelée « 4A » avec un des outils clés : L'Échelle du Niveau d’Oppression (ENO). Il se présente comme éclaireur dans l'analyse et la compréhension des mécanismes relationnels. Son défi sera d'être le facilitateur d’un « Je » et d’un « Nous » en équilibre en nous accompagnant dans notre quête de justesse. Rencontre avec l’auteur venu présenter son livre “Cessez de vous oublier” à la conférence organisée le 5 mai dernier par le cabinet de conseil BSPK à la Gaichel.

PREMIUM : Quelles sont selon vous les 3 vertus principales d’un bon manager ? Thierry Gaubert : Le courage, la curiosité et l’attention. Le courage de s’affirmer et de poser ses priorités d’actions. La curiosité d’oser l’inconnu et la prise de risque. L’attention qu’il porte aux autres qui l’entourent.

PREMIUM : Quelle est votre méthode pour « donner un sens » à la vie du chef d’entreprise ? T. G. : Il s’agit de la méthode des 4A : Développer son Autonomie, c’est-à-dire cette capacité à ne dépendre que de soi-même. Être un Acteur engagé dans ses mots et ses actes. Ni agitateur ni spectateur de sa vie. Authentique dans son discours et ses actions. « Je dis ce que je pense et je pense ce que je dis ». Attentif aux autres et au monde. Éveiller ses sens pour une meilleure harmonie collective et une compréhension accrue d’autrui.

PREMIUM : Le manager est de plus en plus confronté au « multi-tasking », qu’en pensezvous ? T. G. : Je prône la capacité à définir nos zones de compétences et de motivation. Nous ne sommes pas des robots indestructibles. La fragilité existe et elle est utile. La fragilité, c’est justement l’acceptation de ne pas tout savoir, ni savoir tout faire. L’épuisement au travail est souvent dû à cette croyance de devoir être irréprochable et sans faille. Et bien Non ! PREMIUM : Le Q.I des humains recule d’année en année, la digitalisation accélère la vie de tout un chacun. Quel est votre avis sur ces constats ? T. G. : Je pense que la virtualité ne fait pas toujours bon ménage avec l’intériorité, c’est-à-dire la connaissance de soi. Savoir se couper de tous les outils modernes est une nécessité. À force de courir sur tous les fronts dans une multitâche effrénée, nous perdons notre capacité de concentration. Et c’est ainsi qu’une étude révèle que les jeunes générations ont une concentration comparable à celle d’un poisson rouge, c’est-à-dire une concentration ne dépassant pas les 9 secondes ! Risques de distraction.

PREMIUM : La colère et le conflit sont de plus en plus présents dans les échanges hiérarchiques des entreprises, quelles sont vos clés pour éviter cela ? T. G. : L’éviter sûrement pas. Elle est l’émotion du conflit. Ce ne sont donc ni la colère ni le conflit le problème, mais la manière dont nous les gérons. Et lorsque la colère surgit, alors il est important de s’interroger avec beaucoup d’humilité et de bienveillance : « Pourquoi est-elle là ? » « Qu’est-ce qu’elle me dit, qu’est-ce qu’elle te dit ? ». S’ouvre alors cette indispensable nécessité de se parler et de s’écouter sans chercher à tout prix à vouloir convaincre l’autre. Peut-être que le compromis est la solution.

PREMIUM : Comment renforcer la motivation et le sentiment d’appartenance des collaborateurs d’une entreprise ? T. G. : Parler et les impliquer dans un lien certes hiérarchique mais avec un sentiment d’altérité. Et cela n’est possible qu’avec une confiance réciproque et le désir d’aller ensemble vers un but commun. Sans confiance, aucune relation ne peut durer.

PREMIUM : En ces temps d’incertitude, quels sont les paradigmes que le chef d’entreprise doit prioritairement repenser ? T. G. : La sagesse repose selon moi sur deux valeurs essentielles : un égo contenu afin d’éviter les dérapages narcissiques et une humilité d’accepter que tout ne se passe pas toujours comme nous le voudrions ! PREMIUM : La responsabilité de chacun dans un organigramme est-elle la source de l’oubli de soi ? T. G. : Au contraire, l'oubli de soi vient souvent d’un manque ou d’un excès de responsabilité des individus. Lorsque certains veulent imposer, sauver, porter l’autre, non seulement ils se mettent dans une posture de domination, mais en plus ils privent cet autre de prendre sa part de responsabilité et d’implication.

PREMIUM : Pourriez-vous nous développer votre notion de E.N.O ? T. G. : L’échelle ENO est un outil de prise de conscience de la posture juste face à une situation. « Si je valide en disant Oui à un projet quelconque, suis-je dans le Plaisir, le Désagrément, le Sacrifice ou pire encore le Déni de moi-même ? » La posture m’indique la réponse, et alors mon Oui ou mon Non aura tout son sens. Malheureusement, nos maux physiques ou psychiques viennent souvent d’une distorsion entre la posture et la réponse. « Si je suis dans le sacrifice et que je dis Oui, je risque fort d’en payer les conséquences ». L’échelle est un outil simple mais puissant.

PREMIUM : Vous étiez récemment aux « Rencontres Stratégiques du Manager de BSPK », quelle était votre envie d’y intervenir ? Qu’avez-vous retenu de cette expérience ? T. G. : J’ai ce souci de transmettre l’importante notion du Respect. Car sans respect la vie ensemble peut vite devenir insupportable. Je vois trop d’entreprises dans lesquelles certains tirent les marrons du feu sans se préoccuper des autres, en étant juste focalisés sur leurs intérêts personnels. Sans une prise de conscience que le lien aux autres est la plus belle chose qui soit, l’entreprise court à sa perte humaine. Une rencontre exceptionnelle dans un cadre exceptionnel. Je remercie Henri Prévost, le CEO de BSPK pour son savoir-faire et son accueil tout comme la qualité des échanges mémorables que j’ai pu avoir avec les participants.

« LA FRAGILITÉ EXISTE ET ELLE EST UTILE. LA FRAGILITÉ, C’EST JUSTEMENT L’ACCEPTATION DE NE PAS TOUT SAVOIR, NI SAVOIR TOUT FAIRE. L’ÉPUISEMENT AU TRAVAIL EST SOUVENT DÛ À CETTE CROYANCE DE DEVOIR ÊTRE IRRÉPROCHABLE ET SANS FAILLE. »

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