ADO
ADO
Attention Danger Obsession
L’École de Paris a connu après 1945 un retour d’influence sur la scène artistique internationale, en hébergeant le talent de nombreux artistes étrangers. Dans ce contexte de liberté à redéfinir dans l’urgence, une génération de peintres japonais se démarquait grâce à leurs qualités d’abstraction porteuse d’un certain mysticisme: parmi eux Imaï, Domoto, Tabuchi, Sugaï, pour n’en citer que quelques-uns. Un jeune peintre juste prénommé Ado (1936-1995) rejoint son père Key Sato, déjà célèbre à Paris dans les années 30 et revenu s’y fixer définitivement au début des années 50, considéré comme l’un des meilleurs représentants d’une abstraction matiériste. Ado débarque à son tour à Paris en 1962, après des études aux Beaux-Arts de Tokyo, bien préparé à se démarquer de l’admiration silencieuse et de l’influence esthétique d’un père au sommet de son art. Rompant avec la poétique terrienne du style de Key, Ado commence par découper des plaques d’isorel peintes en aplats qu’il colle en bas-reliefs, puis il passe assez vite au support toile. Repéré dès 1962 à la Biennale de Paris, le musée d’Art moderne de la Ville de Paris lui consacre sa première grande exposition personnelle à l’A.R.C. en 1971: l’événement l’incite à simplifier radicalement ses mises en formes, entre autres raisons pour pouvoir y exposer soixante tableaux, la plupart de très grands formats, certains associant signes sérigraphiés et agrandissements photographiques. Les caractéristiques de son art sont déjà en place : oppositions de formes géométriques simples aux contours nets et précis, qui s’expriment en expansion sur une étendue plane et froide, mais que la densité de la couleur contribue à charger paradoxalement d’un contenu symbolique «chaud». La géométrie s’équilibre, mais elle est mise «sous tension», comme au bord de la rupture. Le sens de la perspective semble conservé, bien que les plans se détachent de façon strictement frontale. Les couleurs sont choisies fortes, dans une gamme limitée à l’accord de deux complémentaires, elle osent même parfois la monochromie en se déjouant de l’ennui. Utilisées pures à la sortie du tube, étalées en une pâte lissée, elles instaurent un rayonnement intense dont le pouvoir de séduction sur le spectateur est aussi immédiat que persistant.
Dénué d’effets de matières, vidé promptement d’anecdotes et de détails superflus, le terrain de cette nouvelle planéité - qui rend l’œuvre dans son entier si radical - a été préparé par les premiers essais de gravures et de sérigraphies. Un domaine qu’Ado explore à partir de 1965 et poursuivra toute sa vie avec grande réussite. La variété et la qualité de ces tirages sérigraphiques devaient être redécouvertes et mises en exergue. C’est aujourd’hui chose faite grâce à l’ensemble cohérent réuni par la Galerie Les Modernistes: à l’évidence, il s’agit là d’une part déterminante et représentative de l’œuvre, l’artiste ayant consacré tout au long de sa carrière un intérêt particulier à cette activité qu’il considérait comme un fondement expérimental de son vocabulaire, à aucun moment un simple produit dérivé de l’œuvre peint. Plusieurs formes récurrentes dans ce corpus graphique permettent de retracer un parcours riche en étapes: dans un premier temps, de grands cercles aux embouchures communicantes recherchent la stabilité immuable, dans une concision, un cadrage et une circularité propre à la signalétique. Ado joue avec l’impact du signe unique - dont la présence gigantesque est juste limitée dans son expansion par le format de la toile - qui semble croître et même respirer par la seule force de concentration du regardeur. Dans les séries d’œuvres suivantes, un climat obsessionnel s’installe par la succession d’un élément oblong incisé verticalement, comme la marque d’une discontinuité ou d’une douleur muette, entre le panneau-signal d’une plénitude fendue et l’allusion symbolisée à l’organe génital féminin. Les formes épurées d’une vis et d’une clef anglaise apparaissent également avec insistance, représentation technologique d’une mécanique froide figurant efficacement l’équilibre figé, le danger imminent. Grâce à ces figures répétées de toiles en toiles à la même échelle, avec de rares ruptures à demi-grandeur, l’artiste resserre à l’extrême l’étau d’une tension entre forme et couleur. Une graphie sérielle qui provoque certes la fascination, mais insinue également une subtile méditation sur les formes du progrès technique et leurs conséquences psychologiques pour l’homme.
L’œuvre d’Ado est spatiale et cosmique, à l’instar d’une part importante du mouvement abstrait dans les années 60-70. Les nouveaux univers sensoriels, les recherches musicales, les réseaux de l’électronique ont influencé considérablement le langage formel des plasticiens et designers, deux termes qui apparaissent à cette époque dans le langage commun. L’ère du « tout plastique » développe les formes lisses et courbes, les couleurs sont vives et brillantes. Dans un esprit proche de la science-fiction, les gélules, coques, bulles et autres capsules compactes ou bombées font irruption dans le décor du quotidien, nées d’une volonté d’apporter des solutions nouvelles au confort et à l’ergonomie du mobilier: pour ne s’en tenir qu’à la France, on se souvient de la relecture du classique fauteuil Voltaire en coque plastique version «Culbuto» par Marc Held pour Knoll, des fameuses chaises longues «Djinn» d’Olivier Mourgue décorant le plateau du film «2001, Odyssée de l’espace» de Stanley Kubrick, le confort futuriste des appartements privés du président Pompidou à l’Elysée redessinés par Pierre Paulin, ou bien encore un ensemble mobilier en polyester moulé «Cryptogamme» qui épouse le profil simplifié d’un champignon, mis au point par Roger Tallon à l’Atelier de Recherche expérimentale du Mobilier National. Dans le domaine architectural, on pourrait citer également les recherches d’habitats cellulaires et monoblocs par des créateurs d’anticipations tels que Ionel Schein, Antti Lovag ou Jean Maneval… Un regard rétrospectif plus complet sur le design d’avant-garde à ce tournant des années 70 confirmerait l’incroyable osmose de la peinture d’Ado avec l’esthétique industrielle de son temps. Le cinéma français l’a bien remarqué, qui utilisera à plusieurs reprises toiles et sérigraphies d’Ado pour qualifier par une couleur hypnotique le luxe d’un espace très contemporain, par exemple le bureau d’un grand patron de pub interprété par Bertrand Blier en hypertension permanente, dans le film «Le Distrait» de Claude Zidi.
ainsi des ombres chinoises: la répétition en forme d’hommage à la silhouette iconique d’Elvis Presley, des alignements d’immeubles ou de monuments parisiens inscrits dans une découpe de ciel, des tubes-totems annelés évoquant la prolifération du végétal, un mur de brique, un arc-en-ciel et un nuage enfin, qui apportent une contribution atmosphérique aussi originale qu’irréelle due à leur résolution plastique approchant l’archétype, tel un logotype. La mire de couleur - étalonnage indispensable au photographe pour l’impression sur papier - apparaît en leitmotiv dans la partie inférieure de certaines œuvres, à la manière du commentaire illustré d’une prédelle dans les retables du Moyen-âge. L’artiste inscrit sur sa toile la trace assumée d’une pratique photographique passionnée, précédant couramment sa peinture dans le repérage de nouveaux thèmes naturalistes urbains. Les images d’Ado Sato sont contemplatives et secrètement inquiètes, imprégnées d’une mystique du silence et du dépouillement de l’âme. On pourrait y découvrir peutêtre des vertus thérapeutiques… Elles pointent avec obsession la capacité particulière de l’homme contemporain à capter les éléments les plus concrets comme s’il s’agissait de messages subliminaux, qu’il sait interpréter comme autant d’états psychologiques latents, en pressentant que ceux-ci stigmatisent d’infimes instants arrêtés de sa tragédie intérieure. De telles œuvres laissent au regard d’aujourd’hui une impression d’élasticité tonique et de force vitale communicative. Le témoignage ému des enfants de l’artiste sur leur père disparu trop tôt corrobore la vivacité d’esprit, l’activité débordante, une boulimie de vie et un don de soi qui sont les indices d’une personnalité solaire hors du commun. Frédéric Bodet
Ado privilégie toujours la sensation plastique à une transcription directe du réel. Il emploie les mêmes techniques visuelles qu’un designer graphique dont le projet vise à la compréhension immédiate du plus grand nombre. A la fin des années 70, son vocabulaire abstrait s’ouvre progressivement à la notion de paysage et de portrait, dans un strict cadrage photographique, avec un détourage a posteriori du contexte réaliste, recréant
sans titre 1966 104x125
Little Sergent 1968 56x76
CB70 1970 50X58
LES CHOSES DE LA VIe 1971 98X198
A SAINT MARGUERIT 1975
35X52
A GOLFe JUAN 1975 35X52
LES CLéS 1970 51X75
TIME TUNNEL 1968 76X56
APOLLOS 1969 45X82
Sans titre 1971 38X38
Sans titre 1971 37X39
Sans titre 1973 116x73
Sans titre 1971 58x90
les yeux verts 1968 51x51
PROCESSION 1970 55x100
Sans titre 1974 48X63
Sans titre 1970 50X65
Sans titre 1974 38X38
EBB TIDE 1968 56X76
zatoichi iii 1968 48X48
GOOD BYE 1974 48X63
à m.s. 1973 42x27
ADO
1936 - 1995
QUELQUES COLLECTIONS PUBLIQUES
QUELQUES EXPOSITIONS INDIVIDUELLES
MUSÉE D’ART MODERNE DE LA VILLE DE PARIS BIBLIOTHÈQUE NATIONALE MUSÉE D’ART MODERNE NEW YORK MUSÉE ROYAL DE BELGIQUE MUSÉE DU LUXEMBOURG MUSÉE D’ART MODERNE DE KYOTO MUSÉE D’ART MODERNE DE KAMAKURA MUSÉE D’ART CONTEMPORAIN DE MONTRÉAL MUSÉE DE VERVIERS MUSÉE MUNICIPAL DE HOKKAIDO MUSÉE CANTINI DE MARSEILLE CENTRE NATIONAL D’ART CONTEMPORAIN, PARIS VICTORIA AND ALBERT MUSEUM MUSÉE D’ART CONTEMPORAIN, LAS PALMAS LEEDS CITY ART GALLERY BRADFORD CITY ART GALLERY SOUTH LONDON ART GALLERY GREAVES ART GALLERY, SHEFFIELD UNIVERSITY OF SUSSEX UNIVERSITY OF SOUTHAMPTON CENTRE CULTUREL, YOKOHAMA COLLECTION PUBLIQUE IBM, NEW YORK
1964
1970
HAMILTON GALLERY,
GALERIE MURAMATSU,
LONDRES 1965
TOKYO
BIJUTSU SHUPPANSHA,
GALERIE GRAFIKA,
GALERIE MOUFFE,
TOKYO
PARIS 1966
TOKYO 1975
NEW YORK
GALERIE HORN, LUXEMBOURG GALERIE CIMAISE BONAPARTE,
GALERIE BLOOMINGDALE, A.P.I.A.W.
1974
GALERIE CIMAISES’S, KAMAKURA
GALERIE SHINZENBI, TOKYO
LIÈGE 1971
SALA CONCA,
PARIS
PARIS
BELGIQUE
PARIS
CANNES
TOKYO
1972
GALERIE CIMAISE BONAPARTE,
AUDITORIUM INNOVATION,
PARIS 1968
BRUXELLE
PRINT ART CENTER,
PARIS 1967
MUSÉE DE VERVIERS, GALERIE BUNGEISHUNJU,
GALERIE TEMPLON,
L’A.R.C. MUSÉE D’ART MODERNE, GALERIE ARNAUD, GALERIE FRANCKE GAND
TOKYO
PARIS
BENI GALLERY, KYOTO MAISON DE LA CULTURE,
TOULOUSE
GALERIE CAVALERO,
RENNES 1973
CANNES 1969
PARIS
GALERIE L’ATELIER,
GALERIE HORN,
GALERIE ARNAUD, GALERIE EDA,
LUXEMBOURG
OITA
PARIS
TOKYO
MADRID
NAGOYA
GALERIE ARNAUD, GALERIE EGAM,
ODAKYU HALL, GRANDS MAGASINS MATSUZAKAYA,
LAS PALMAS
GALERIE ARNAUD, GALERIE CAVALERO,
QUELQUES EXPOSITIONS COLLECTIVES
QUELQUES SALONS
1964
GALERIE CAVALERO,
BELFAST
CANNES 1968
NEW GALLERY, PALAIS STROZZI, FLORENCE
GALERIE QUADRANTE, FLORENCE 1965
GALERIE ST LAURENT, GRENOBLE 1966
GALERIE HORN, LUXEMBOURG
GALERIE MUDO, TOKYO
GALERIE CIMAISE BONAPARTE, PARIS 1967
MUSÉE GALLIÉRA,
CENTRE CULTUREL DE LA GALERIE DES ARTS,
1972
GALERIE KUTTER, LUXEMBOURG
MUSÉE D’ART MODERNE, AIX LA CHAPELLE
PARIS
MUSÉE CANTINI,
PARIS
MUSÉE D’ART MODERNE DE KYOTO GALERIE GILLES CORBEIL,
GALERIE 9, GALERIE MUDO, TOKYO
GALERIE ARGOS, NANTES
GROSVENOR GALLERY,
MARSEILLE
CANADA 1973
MAISON DES JEUNES ET DE LA CULTURE,
LONDRES
AVIGNON
PARIS
PARIS 1974
CITÉ UNIVERSITAIRE, MUSÉE DE FONTAINEBLEAU GALERIE C.M. CASSÉ,
GALERIES LAFAYETTES, GALERIE MERSCHEN,
PARIS
HAMBOURG
PARIS
GALERIA PAGANI,
LYON
NANTES
MILAN 1970
GALERIE ARGOS, MAISON DE LA CULTURE, TOULOUSE
GALERIE F.LEDOUX, PARIS
GALERIE MUDO, TOKYO
GALERIE KONRAD RICHTER WIESBADEN GALERIE ST LUC, PARIS
GALERIE 3+2,
1968
ART VIVANT, FONDATION MAEGHT, SAINT PAUL DE VENCE
BIENNALE DE GRAVURE, MUSÉE D’ART MODERNE, PARIS
ART ET PROSPECTIVE, BELGRADE
RÉALITÉS NOUVELLES, PARC FLORAL DE VINCENNES
BIENNALE DE LA GRAVURE, BRADLFORD CITY 1969
BIENNALE DE LA GRAVURE, BRADLFORD CITY
I.C.A. LONDRES, OXFORD GALLERY
ART JAPONAIS, POITIERS
FESTIVAL D’AVIGNON BIENNALE DE PARIS EUROPE DE LA PEINTURE, OSTENDE
MUSÉE D’ART MODERNE,
MUSÉE GALLIÉRA,
TOKYO
PARIS
MAISON DE LA CULTURE DE
PEINTRES ASIATIQUES,
SAPPORO 1971
MAISON DE L’IRAN, PARIS 1970
PALAIS DES BEAUX-ARTS,
ENVIRONNEMENT,
BRUXELLES
ROCHE ET BOBOIS, PARIS
MAISON DE LA CULTURE DU HAVRE
PRINTMAKERS,
UNIVERSITY OF SUSSEX
SECOND BRITISH INTERNATIONAL
PRINT BIENALE, BRADLFORD
BIENNALE DE LA GRAVURE, PARIS
BIENNALE DE LA GRAVURE, TOKYO
JEUNE GRAVURE CONTEMPORAINE, PARIS
GRANDS ET JEUNES D’AUJOURD’HUI, PARIS 1971
GRANDS ET JEUNES D’AUJOURD’HUI, PARIS
RÉALITÉ NOUVELLES, PARC FLORAL DE VINCENNES
BIENNALE DE PARIS 1972
RÉALITÉS NOUVELLES, PARC FLORAL DE VINCENNES
GRANDS ET JEUNES D’AUJOURD’HUI, PARIS 1973
RÉALITÉS NOUVELLES, PARC FLORAL DE VINCENNES
GRANDS ET JEUNES D’AUJOURD’HUI, PARIS
GRAVURES INTERNATIONALES, IJUBLIANA YOUGOSLAVIE 1974
BIENNALE DE L’ESTAMPE, CRACOVIE
GRANDS ET JEUNES D’AUJOURD’HUI,
PARIS
RÉALITÉS NOUVELLE, PARC FLORAL DE VINCENNES
SALON D’AUTOMNE, LYON
BIENNALE DE L’ESTAMPE, SÉGOVIA
LA F.I.A.C., PARIS 1975
GRANDS ET JEUNES D’AUJOURD’HUI, PARIS
RÉALITÉS NOUVELLES, PARC FLORAL DE VINCENNES ...
Ce livret est édité à l’occasion de l’exposition ADO 70’ à la galerie Les Modernistes à Paris, octobre/novembre 2006. Exposition conçue par Chancelia Debraux - Texte : Fédéric Bodet Design : Ich&Kar - Photographies : Khalil - Photogravure et Retouche : Chromotec Merci à Fabien Desmeth - Fabrication: Cent pages Remerciements : Vinci, Eko et Ako Sato, Pierre, Anaïd Demir, Serge Lhenry, Tomoé, Marion