PERSPECTIVES RURALES HABITER
LA
CAMPAGNE
EN
ÎLE-DE-FRANCE,
Milena Kramarz Travail personnel de fin d’études, Formation Paysage, Juin 2018 Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Bordeaux Directeur d’études : Guillaume Laizé
BOCAGE
GÂTINAIS
Milena Kramarz - Travail Personnel de Fin d’Etudes de la formation Paysage, Soutenu le 11 juin 2018 à l’ENSAP Bordeaux Composition du jury : _Guillaume Laizé : Directeur d’études, paysagiste DPLG et enseignant à l’ENSAP Bordeaux _Vincent Tricaud : Paysagiste DPLG et enseignant à l’ENSAP Bordeaux _ Anne Brochot : Plasticienne, association Cour Commune _Jacques Drouhin : Maire de Flagy, 77 _Marianne Souq, : Paysagiste DPLG, CAUE 77
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SOMMAIRE Enjeux territoriaux Immersion autour du val de l’Orvanne Figure paysagère : Clairières habitées
Introduction Mes motivations - choix du thème Habiter ? La campagne ? Campagne ou espace rural ?
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3 : AGIR
1 : RECHERCHER La campagne ? Représentations et évolutions
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Une idéalisation contemporaine ? D’une image du mythe au fantasme de la ruralité Des représentations aux matérialisations
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Habiter la campagne «autrement»
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Quel nouveau récit pour les campagnes ? Mes explorations franciliennes : projets d’éco-villages Réflexions et bilans de ces échanges
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2 : TERRITORIALISER Le
bocage gâtinais, campagne habitée aux portes métropole
Vu de loin, structure paysagère
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Situations paysagères, complémentarité locale
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Montmachoux : village image ? Constats et enjeux Expérimentations
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Flagy, repenser la villeneuve Constats et enjeux Stratégie d’action
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Voulx, entre contrastes et continuités Constats et enjeux Objectifs et stratégie
130 149 151
Mettre en perspective, conclure
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Bibliographie Remerciements
de la
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MES MOTIVATIONS
CHOIX DU THÈME
Au fil de mes quatre années d’études de paysage, mes travaux ainsi qu’un certain nombre de sessions de terrain m’ont questionnée sur les espaces publics ruraux et cette large notion de «bien commun» : quand les cœurs de bourgs ne semblent plus habités, que le seul espace public est la route dont le tracé parcourt des cultures intensives, qui côtoie elle-même sans transition ni lien des lotissements pavillonnaires, aboutissant sur un espace naturel (sur?)protégé... Quand les éléments du paysage se juxtaposent sans dialoguer et semblent aussi normés qu’anomiques, comment réactiver leurs qualités intrinsèques ?
jet de territoire ? Comment les rendre cohérents et dépasser l’aspect ponctuel par le projet de paysage, qui va permettre de porter ces valeurs dans différentes échelles temporelles et spatiales ?
J’ai choisi, dans ce travail de fin d’études, d’explorer la campagne francilienne, influencée par la métropole, en termes d’emplois, de services et de transports. Ces espaces ne semblent pas pleinement habités, entre espaces pavillonnaires et habitants soumis au rythme pendulaire qu’implique de travailler en région parisienne. Comment vivre autrement ces espaces ruraux ? Comment affirmer leur identité et leurs singularités ? Je me centrerai ainsi sur la partie francilienne du Bocage Gâtinais, territoire à cheval entre Seine-et-Marne, Yonne et Loiret.
Je chercherai à comprendre de quelle manière ils peuvent répondre à des problématiques paysagères contemporaines et comment je peux m’en inspirer pour agir dans le Bocage Gâtinais. Ainsi, en prenant pour base l’étude de ses paysages habités et les enjeux qui s’y posent à échelle locale, je vais proposer des stratégies d’action, de l’échelle du village à l’échelle du lieu, pour vivre différemment ces espaces ruraux. Et remettre en lien caractéristiques paysagères et manière soutenable d’habiter la campagne.
Avant de territorialiser, je mettrai largement en contexte, notamment autour des questionnements suivants : Quelles sont les représentations actuelles de la campagne ? Pourquoi attiret-elle ?
Je souhaite donc développer un récit imagé de ces paysages ruraux et de leurs perspectives d’avenir. Voici quelques unes des interrogations qui serviront de fil rouge à ce récit :
Ma méthode d’investigation m’a conduite à effectuer un travail de terrain dans plusieurs éco villages d’Île-de-France. Ils démontreront largement la richesse des réflexions sur les modes d’habiter l’espace rural, grâce à des démarches singulières et innovantes.
Quelles évolutions pour l’espace rural dans un contexte métropolitain de plus en plus fort ?
Je mettrai alors en parallèle l’évolution des représentations picturales de cet espace et ses évolutions paysagères récentes. Parallèlement à cela, c’est la question des éco villages en milieu rural qui m’a interpellée. Ce sont des lieux d’expérimentations en termes d’habitat, d’énergie, de gestion partagée des ressources et de gouvernance à l’échelle locale. Ils représentent souvent un fort engagement personnel, et une envie d’expérimenter des convictions via un mode de vie soutenable, de l’habitat partagé ainsi qu’un lien renouvelé à l’agriculture et au sol.
La campagne n’est-elle pas autre chose qu’un réservoir foncier à l’image bucolique, agrémenté d’agriculture et de «nature» ?
Si ces projets peuvent sembler marginaux, pourraient-ils être sources de pro-
Comment réconcilier campagne de l’habiter et campagne du cultiver ?
Ainsi, au delà de l’opposition campagne / ville, quelles sont les caractéristiques paysagères propres aux espaces ruraux ? Et comment les activer ?
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HABITER ? Occuper comme demeure.
marché ou auprès des producteurs, trier ses déchets, se fournir en énergie renouvelable ou non... Et on voit peu à peu comme habiter à l’échelle locale est reliée à la question d’habiter la terre.
= SE LOGER ?
Quand je parle de paysages habités, il s’agit surtout des paysages liés à la quodienneté de l’habitant. Dans l’espace rural, le coeur de celui-ci est l’espace du village, et l’échelle d’un finage. Cependant, ils s’agit surtout d’un système paysager que d’un élément du paysage, ses champs ou ses espaces bâtis. Je parle donc des relations entre les habitants et les paysages qu’ils pratiquent, entre les espaces d’habitat et les espaces de culture ou encore des chemins ruraux.
Provenç. et espagn. habitar ; ital. abitare ; du latin habitare, fréquentatif de habere, avoir : avoir souvent, être souvent, habiter Habiter, au sens du besoin primaire, premier, c’est s’abriter donc se loger. C’est également dans notre société construire son monde intérieur, son confort personnel, au reflet de qui l’on est et de ce qu’on désire.
C’est pour cela que je souhaite regarder et montrer comment on peut habiter différemment, en cohérence avec le sol, sans opposer «urbaniser» à «protéger», mais bien dans une idée de mettre en lien. Mettre en lien, et faire que les habitants se réapproprient leurs paysages de manière active, par la marche, les pratiques d’agriculture, les espaces publics...
Habiter quelque part veut aussi dire avoir un lien quotidien avec son espace. Il ne s’agit donc pas uniquement du logement mais de tout ce qui l’accompagne dans sa manière de s’impliquer dans le monde. Je prends le terme d’habiter dans sa large acception : consommer, se déplacer, rencontrer, se loger. C’est également habiter qui instaure des paysages par toutes les pratiques qui en découlent, ou en ont découlées -via la relation entre habiter et cultiver par exemple. C’est donc à l’échelle locale, du quartier, du hameau, du village que l’on habite, dans les choix que l’on fait : parler à ses voisins, aller au café du coin, nous impliquer dans la vie locale, aller faire ses courses au super-
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LA CAMPAGNE ? Ce nuage de mots balaie toutes les notions que je lie intuitivement à la campagne. Celles-ci sont extrêment variées, de l’industrie agroalimentaire aux représentations picturales de l’Arcadie. Alors, par où commencer, par quel biais prendre cette notion, cet espace ? Mes questionnements reposent sur l’avenir et le renouvellement des manières d’habiter à la campagne. J’essaierai en premier lieu de définir cet espace, et de clarifier les termes qui le désigne. Je donnerai ensuite à voir quelques uns des divers éléments, des représentations picturales puis des matérialisations qui constituent le «mythe de la campagne». Je pars alors du postulat que ces représentations ont construits notre désir contemporain de campagne. Parallèlement à cette idéalisation je regarderai quelles ont été les grandes évolutions récentes des espaces ruraux, entre évolutions agricoles, écologie, tourisme, et ce en lien avec les outils de politique publique. Afin d’aller plus avant dans ma tentative de définition, je me suis demandée quelles images de cet espace était largement véhiculées. Ainsi, quelle définition est intuitivement associée à la «campagne», et quelles représentations possédons nous largement de ces paysages ? Qu’est-ce qui incite à y habiter ou à y séjourner ponctuellement ?
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PAYSAGES
ÉCOLOGIE
HORIZONS DYNAMIQUE
ECOSYSTÈMES
CIEL
VÉGÉTAL
FORÊTS
VIVANT
INDUSTRIE
PRODUCTION
INTRANTS
VILLAGES
TERRE
ON
VIR
PARADIS JARDINS IDÉAL MYTHES
CADRE DE VIE
SIMPLICITÉ
REPRÉSENTATIONS
AGRICULTURE
CULTURE
BIOLOGIQUE
LOCAL
BIODYNAMIE
AGRITOURISME RÉSIDENCE PRODUITS
ARTS
PITTORESQUE
PAYSANS
OIR
NATURE
ESPACE RURAL
R TER
NT
ME
NE
SYSTÈMES PEINTURE
SOLS
CHAMPS
EN
PROTECTION
FINAGE
PAC
BUCOLIQUE IMAGE
VACANCES
CALME
TOURISME
LOISIRS
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PERMACULTURE
CAMPAGNE OU ESPACE RURAL ? Le mot rural vient du bas latin (fin du XV° siècle) ruralis, de rus, ruris : campagne En quoi se distingue-t-il du mot campagne ? Ce n’est pas par sa stricte définition, mais plutôt, comme le souligne André Micoud, dans son usage qu’il diffère du mot campagne. Alors que ce dernier semble avoir (re)gagné en popularité, le mot de rural se réfèrerait à un usage datant des années 1960 à la fin du XX° siècle. «On sait que le terme de rural se définit par opposition à celui d’urbain, a fortiori quand il est employé avec toutes ses connotations techniciennes (aménagement rural, technicien du génie rural,…). Toute une histoire de ce terme serait à faire, qui est apparu en même temps que se renforçait une opposition binaire dans les politiques d’aménagement du territoire des années cinquante-soixante quand, sur fond d’exode rural et d’urbanisation accélérée, se constituaient aussi des spécialités disciplinaires fortement cloisonnées (...). Par rapport à cela, la campagne est un terme qui, à notre sens, viendrait sinon supprimer du moins amoindrir cette opposition. (...).»1 Le mot rural est donc rapidement opposé à l’urbain par la dimension productive qui le caractérise et qui ne semble aujourd’hui plus être l’aspect central de la campagne. Aujourd’hui lorsque l’on parle de «nouvelles ruralités», et ce, malgré l’emploi du mot rural, ce sont bien de nouvelles pratiques du rural que l’on évoque. Une ruralité qui aurait dépassé l’aspect cloisonné de la seconde moitié du XX° siècle. Ce terme semble correspondre à des pratiques agricoles, certes, mais pas que, et à des pratiques spatiales comme sociales diverses et renouvelées. Ce terme s’accorde alors à celui de «campagne». J’emploierai davantage le mot campagne au sein de la première partie, étude des représentations et de leurs évolutions. Terme plus inclusif que «rural», il se réfère davantage à des ensembles paysagers et aux images qu’ils induisent. Ensuite, l’emploi des deux mots sera indistinct, selon le contexte et la valeur que je souhaiterais y mettre. Mais avec toujours en tête les connotations dûes à l’usage de l’un ou de l’autre des mots. 1 Micoud, André. « Eternelles campagnes ? », Ecologie & politique, vol. 26, no. 3, 2002, pp. 75-87.
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RECHERCHER - 10 -
LA CAMPAGNE ?
REPRÉSENTATIONS ET ÉVOLUTIONS
UNE IDÉALISATION CONTEMPORAINE ? Une définition générale de la campagne pourrait être la suivante : « les espaces de faible densité de population, les espaces dans lesquels le sol et les ressources naturelles sont en abondance relative et utilisés en général de façon extensive.» 1 Si je m’arrête à cette définition générale c’est bien car la campagne est aujourd’hui soumise à de nombreuses évolutions. Afin d’aller plus avant dans ma tentative de définition, je me suis demandé quelles images de cet espace étaient largement véhiculées. Ainsi, quelle définition est directement associée à la «campagne» et quelles représentations de ces paysages sont largement véhiculées ? Somme toute, pourquoi y allons-nous, ou y restons-nous ? Lorsque l’on fait une recherche google image, «campagne», on se retrouve face à des paysages de douces collines paturées et autres couchers de soleil champêtres. Ceux-ci semblent se référer à une défintion relativement précise de la campagne : une campagne cultivée, ou espaces «naturels» et ruraux forment un cadre idéal. D’où viennent ces images ? Le site internet qui correspond à la première image, eterritoire.fr, présente un article «Pourquoi s’installer à la campagne ? Les 5 raisons». Cet article est apparemment destiné aux urbains «fatigués» de vivre en ville. Il présente ainsi les 5 raisons suivantes pour s’installer à la campagne :
Ces images donnent à voir une campagne agricole de champs ouverts ou de bocages, mais celle-ci est mise en photo en tant que «cadre» pittoresque, de vie ou de vacances. Ainsi, d’après l’étude du CREDOC Les Français et l’espace rural, effectuée en juin 2001, qui cherche à saisir les perceptions et représentations que les français possèdent de la campagne: «L’espace rural est perçu de façon très positive dans l’opinion. On le voit surtout comme un paysage naturel préservé, comme un havre de calme et de repos. Ainsi, 31 % de la population associent spontanément l’espace rural à la « campagne, aux champs, à la végétation et 20 % évoquent « le calme, le silence, la tranquillité ».».3 Ces représentations positives, voires idéalisées, semblent venir des «aménités» de la campagne. Celle-ci regroupe à la fois image de «nature», notion de calme et de tranquilité, tout en étant aujourd’hui facilement accessible. C’est ici bien le paysage qui fait valeur, mais pas n’importe quel paysage de campagne. Ainsi, comme l’analyse Pierre Donadieu :
« 1- Soufflez et profitez d’un cadre de vie plus agréable 2 - Refaites-vous une santé! 3- Changez de mode de vie, mais aussi de travail 4- Un moyen de retrouver ses racines 5- Repartez à zéro, prenez un nouveau départ!» Le second est lui un article de conseils envers les touristes venus profiter d’un séjour à la campagne.»2
«(...)le goût des paysages pittoresques et bucoliques, même renouvelé par celui des espaces sauvages et d’aventure, est par nature sélectif, voire réducteur. Bien des espaces agricoles, jugés indignes, s’attirent les foudres des esthètes et la vindicte des protecteurs de paysage : champs de céréales (blé, orge, maïs ou riz), serres et tunnels plastiques de l’horticulture ou peupleraies à l’extension menaçante. À l’opposé, les vignes, les vergers et les prairies reçoivent souvent un meilleur accueil, tant que la concurrence sur les marchés ne remet pas en cause l’éternité fragile de l’ordre des champs que ces formes appréciées symbolisent. Désignés comme sources naturelles d’aménités, d’émotions esthétiques et de refuge éphémère, sur-investis de valeurs anti-urbaines (liberté, solidarité, beauté), les fragments de campagne périurbaine sont devenus l’objet d’un désir récurrent de paysage.»4
1 Ph. Perrier-Cornet, B. Hervieu, «Les transformations des campagnes françaises, : une vue d’ensemble», dans Ph. Perrier-Cornet (dir), Repenser les campagnes, ed. L’aube-Datar, 2002 2 //www.eterritoire.fr
3 Etude du CREDOC, Centre de Recherche pour l’Etude et l’Observation des Conditions de Vie, « Les Français et l’espace rural », juin 2001 4 Donadieu Pierre, Fleury André. La construction contemporaine de la ville-campagne en Europe In:
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Recherche google image : le mythe de la campagne ? -13 -
Ainsi, avec le développement et la démocratisation des transports après le seconde guerre mondiale et plus récemment le développement d’internet il est aujourd’hui possible d’y concilier modes de vie urbains et cadre de vie de qualité. «L’espace rural semble posséder une véritable force d’attraction pour les résidants des villes puisque 27 % d’entre eux disent avoir l’intention d’aller habiter dans une petite commune dans les prochaines années. Il s’agit principalement de personnes relativement jeunes, aux revenus moyens, et avec des enfants» 1 Une image bucolique et pittoresque de ces paysages est véhiculée et valorise cet espace, image souvent opposée à l’espace urbain. C’est bien celleci, cette image de nature que propose la campagne, qui attire et induit un «désir de campagne». Je me suis également arrêtée sur cette notion de pittoresque. La définition de ce mot selon le Larousse est la suivante : «Qui, par sa disposition originale, son aspect séduisant, est digne d’être peint.» C’est en prenant l’angle de l’histoire des représentations picturales que je souhaite maintenant mettre en lumière le fond culturel sur lequel repose cette vision de la campagne, associée à la vision de la nature.
1 Etude du CREDOC, Centre de Recherche pour l’Etude et l’Observation des Conditions de Vie, « Les Français et l’espace rural », juin 2001
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D’UNE IMAGE DU MYTHE AU FANTASME DE LA RURALITÉ UNE VISION ARCADIENNE DE LA CAMPAGNE ANCRÉE DANS LA CULTURE OCCIDENTALE «La légende fait naître Zeus en Crète (Hésiode) ou en Lydie (Eumélos), ou en Arcadie (Callimaque). Dans la version arcadienne, Zeus serait né sur le mont Lycée, en Arcadie, puis emmené à Lyctos (...)»1 SItuée au centre de la péninsule du Péloponèse l’Arcadie est une région montagneuse, rurale et peu accessible de la Grèce. Elle aurait été un lieu privilégié de vie pour de nombreuses déités grecques qui y cotoyaient les hommes en toute harmonie. Pan y aurait élu demeure, ainsi que satyres, nymphes... Ce mythe se transmet oralement puis via les écrits et chants à partir d’Hésiode, aux alentours de 700 avant J.-C.. Les pastorales de Théocrite et Virgile reprendront et transmettront ensuite ce mythe, le déplaçant de la Grèce à la Rome antique. Cette Arcadie résonne ensuite avec le Paradis des religions monothéistes. Cette vision d’une nature idéale, pastorale, d’une vie simple, de la campagne donc, semble donc bien ancrée dans le monde occidental et fait partie d’un imaginaire plus ou moins conscient dont on retrouve de nombreuses manifestations, d’abord des représentations, puis des matérialisations. Ainsi, la forme même de l’Arcadie sera représentée avec l’avènement de la peinture paysagiste du XVIIème siècle, notamment par Claude Gellée dit Le Lorrain. C’est alors l’observation des paysages romains qui lui permet de développer son art. « Il étudie ces paysages, mais jamais ne les reproduit. Il introduit des personnages, souvent pastoraux, au sein de paysages imaginés, conçus comme un idéal antique, une nature dont il a corrigé les défauts.»2 Page de droite : Claude Gellée, dit Le Lorrain, Paysage pastoral, 1644, Huile sur toile, Grenoble, musée des Beaux-Arts 1 https://fr.wikipedia.org 2 Philippe Bonnin, «Quelques matériaux pour suivre la filiation du mythe de la ville-campagne dans le bassin sémantique européen», 2006 , dans La ville Insoutenable, Berque, A., Bonnin, P., GhorraGobin, C., La Ville insoutenable, Paris, Belin.
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Ce paysage idéal, au caractère onirique souligné par les perspectives atmosphériques, devient alors support de projections symboliques et mythiques. Ses peintures, ainsi que celles de Nicolas Poussin inspireront l’art des jardins anglais du 18ème siècle. On verra alors cette image se matérialiser. «Il invente et offre en définitive une réalité visuelle à cet objet imaginaire du paysage arcadien ou paradisiaque, laquelle deviendra la référence des jardinistes anglais.» ; «Il s’y produit comme une identification de l’art (c’est-àdire de la forme idéale) et de la nature : on voulut réaliser des jardins qui fussent la réalisation [...] des jardins de Claude Gellée»1 Au 18ème siècle Hubert Robert, reprend ce thème à travers « une esthétique du sublime : la peinture des ruines, et par-là même l’évocation du temps glorieux qui disparaît (...).»2. Il retranscrira cette esthétique dans le jardins qu’il créée, notamment dans le parc du château de Méréville. Il remettra en scène via ses propres peintures une fois le parc réalisé. Une dialectique s’instaure donc entre représentations et matérialisations, mais il s’agit pour alors de jardins privés, fermés, comme des mondes parallèles dans le monde.Il s’inscrit dans la vision des jardinistes anglais de recréer «une néo-ruralité». Les paysages sont tels des scènes, les tableaux d’une nature recomposée, améliorée, et deviennent un modèle esthétique d’une forme de «naturalité». Il s’agit alors de s’extraire du monde pour trouver un idéal, qui prend la forme d’une campagne imaginaire, telle un reflet de l’âme.
Ci-contre : Hubert Robert, Les bergers d’Arcadie, 1789 Page de droite : Hubert Robert, Le château et le parc de Méréville, vers 1790, Huile sur toile, Musée du Domaine départemental de Sceaux. 1 Philippe Bonnin, «Quelques matériaux pour suivre la filiation du mythe de la ville-campagne dans le bassin sémantique européen», 2006 , dans La ville Insoutenable, Berque, A., Bonnin, P., GhorraGobin, C., La Ville insoutenable, Paris, Belin. 2 https://grham.hypotheses.org
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RENOUVELLEMENT DE L’IMAGERIE RURALE À PARTIR DU XIX° SIÈCLE De cette image idéalisée de la nature qui représente une campagne arcadienne, qui permet de s’extraire du monde, on trouve à partir du XIX° siècle une idéalisation de la campagne faite à partir des valeurs sociales qu’elle représente. En effet, la révolution industrielle provoque une large déprise agricole. Une importante population paysanne se déplace alors vers les villes et leurs périphéries. «Peu à peu, sous la III° République, l’organisation républicaine du territoire, la montée vers la ville de tout ce que les campagnes comprenaient de pauvres, de marginaux, de forestiers, de saisonniers, a déplacé la réalité imaginaire de la violence sociale des campagnes vers les périphéries urbaines. La ville de Jules Vallès, de Karl Marx, concentre l’essentiel de la violence sociale et par contrecoups, si l’on peut dire, la campagne apparait comme un refuge apaisé.»1
par une mise en lumière du travail des champs. Ce travail est montré dans toute sa difficulté, celle de l’homme face à la terre, mais c’est également la solidarité liée à ces pratiques ancestrales qui est mise en valeur. Millet navigue entre volonté de réalisme et idéalisation pour dépeindre une campagne agricole. D’autres représentants de l’école de Barbizon représenterons une «campagne-nature» sublime et romantique, celle de la forêt de Fontainebleau. Plus tard les congés payés, ancrent dans les pratiques cette vision de l’espace rural. La campagne devient alors un lieu de vacances et de loisirs, et la littérature comme le cinéma prennent le relais pour diffuser largement le bonheur de la vie à la campagne.
Ce retournement du regard, d’une campagne archaïque à une campagne refuge, se fait parallèlement dans l’art. L’école de Barbizon puis les impressionistes sont au fondement de cette mise en désir contemporaine de la campagne. L’école de Barbizon s’établit pendant cinquante ans (1825-1875) dans le village de Barbizon voisin de la forêt de Fontainebleau, en Seine-et-Marne. Ce village devient le centre névralgique d’une nouvelle manière de représenter les paysages d’après nature, contrairement à l’académique peinture en atelier. Il s’agit, hors des contraintes d’une ville de plus en plus mécanisée, d’associer cette liberté de lieux à la liberté du geste en plein air, pour capter des lumières, des formes de nature singulières, d’arbres notamment, ainsi que de dépeindre la travail de la terre, résurgence d’un monde ancestral en plein déclin. Ce mouvement vers la campagne et vers le paysage se fait bien ici en opposition à l’urbain et à l’industrialisation naissante. Jean-François Millet, l’un des peintres fondateurs de l’école de Barbizon, met en scène les travaux des champs dans des peintures telles que Des Glaneuses (page de gauche) et renouvelle ainsi l’esthétique de la campagne Page de gauche : Jean-Froiçois Millet, Des glaneuses, 1857, huile sur toile, Musée d’Orsay, Paris 1 Bertrand Hervieu et Jean Viard, Au bonheur des campagnes (et des provinces), Marseille, L’Aube, 1996
Narcisse Virgile Diaz de la Peña, Forêt de Fontainebleau, 1867, Huile sur toile, Musée des Beaux Arts , Bordeaux
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DES REPRÉSENTATIONS AUX MATÉRIALISATIONS Comment toutes ces représentations de la nature et de la campagne se sont peu à peu matérialisées dans nos espaces quotidiens et dans la manière de faire nos espaces habités ?
IMITER LA CAMPAGNE POUR MIEUX HABITER (EN VILLE) Revenons au XIX° siècle. Le jardin anglais, matérialisation en soit, influence peu à peu la question de la ville et de l’espace public, et se décale alors du microcosme au monde extérieur.
Il s’agit d’une vision utopique et décontextualisée, qui donnera cependant naissance à de nombreux quartiers et inspire les villes nouvelles en Angleterre comme en France jusqu’aux années 1970.
Dans cette lignée, la question du pacte nature-ville et l’idée de «construire la ville à la campagne» se retrouvent dans différentes opérations de lotissements du XIX° siècle. C’est alors dans une vision hygiéniste que différents projets se mettent en place. Le lotissement du Vésinet en est un exemple. Il s’agit d’un lotissement bourgeois, bâti au sein d’un élément de nature, le bois du Vésinet, dans le prolongement des maisons de campagnes aristocrates du XVIII° siècle. Plus tard, les cité-jardin d’Ebenezer Howard s’appuient également sur une vision idéalisée du mode de vie rural, considéré en opposition à la croissance urbaine du Londres de la fin XIX° - début XX° siècle. Elle est définie de la manière suivante : « Ville de dimension limitée construite dans un cadre rural et qui vise à offrir une alternative aux grandes villes et aux banlieues industrielles. » «Conçue en vue d’assurer à la population de saines conditions de travail ; les dimensions doivent être juste suffisantes pour permettre le plein développement de la vie sociale(…) » 1 Au sein de ce modèle utopique Ebenezer Howard (1850-1928) cherche à combiner les qualités de la ville et de la campagne au travers d’un troisième concept, celui de la ville-campagne. Ce modèle est très normalisé, selon un plan concentrique. L’espace bâti serait entouré d’une ceinture verte agricole et forestière elle même reliée au reste de l’espace par six grandes voies de chemin de fer amenant directement à six autres cités-jardin. Ces cités-jardins seraient autosuffisantes d’un point de vue alimentaire et industriel. 1 Notes personnelles de cours, 3ème année de paysage, ENSAP Bordeaux
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ÉVOLUTIONS RÉCENTES : DÉPRISE AGRICOLE ET TRANSFORMATIONS SOCIO-DÉMOGRAPHIQUES Les représentations actuelles de la campagne semblent donc avoir pour état de référence une campagne majoritairement rurale, intouchée, comme une permanence dans le temps. Pourtant l’utilisation aujourd’hui généralisée du mot campagne plutôt qu’espace rural ou agricole se réfère bien à la diversification d’activités de la campagne, et à la nécessité de valoriser cet espace pour d’autres pratiques que celles de production1 . De plus, lorsque l’on compare la définition de la campagne par les habitants et celle des statiticiens, on constate un net décalage : «(...)quatre personnes sur dix considèrent y [à la campagne] résider, alors que 25 % y habitent effectivement, si l’on en croit notre « nouvelle » variable communale. Il y a là le signe d’une conception de l’espace rural assez extensive : on constate, en effet, que presque la moitié des individus qui estiment vivre dans une zone rurale habitent pourtant dans des « pôles urbains » ou des « communes périphériques et multipolarisées » ; en particulier, la plupart des périurbains considèrent qu’ils résident à la campagne (85 %).»2 C’est également une idée de «local», de proximité de mode de consommation, qui semble recherché, alors que l’écart semble s’être aujourd’hui nettement creusé entre consommateurs et producteurs, habitants et agriculteurs qui sont aujourd’hui bien distincts, ainsi : «On peut par ailleurs s’étonner que, dans ce paysage, les agriculteurs n’apparaissent qu’en filigrane. En effet, les Français n’associent pas spontanément l’espace rural à l’agriculture ou au travail agricole. Seulement 9 % des premières réponses s’y réfèrent (agriculture, jugements sur les agriculteurs, vache folle…).»3 Le rôle de l’agriculture semble aujourd’hui également profondément amené à 1 Micoud, André. « Eternelles campagnes ? », Ecologie & politique, vol. 26, no. 3, 2002, pp. 75-87 2 Etude du CREDOC, Centre de Recherche pour l’Etude et l’Observation des Conditions de Vie, « Les Français et l’espace rural », juin 2001 3 art. cit.
se transformer, puisqu’au delà de la fonction productive, l’agriculture joue le rôle d’ «empaysagement» de la campagne, ce qui la rend attractive : «Le spectacle [des paysages de campagne périurbaine] prime alors sur la production ; mais, contrairement à ce qu’expriment souvent les agriculteurs, les Français n’attendent pas de leurs paysans qu’ils deviennent des jardiniers. En revanche, ils espèrent qu’ils continueront à rendre attractifs les paysages qu’ils aiment. C’est en entrant dans le paysage que les agriculteurs resteront paysans (Hervieu et Viard,1996).» 4 Ainsi, cet espace directement associé à l’activité productive (agricole, pastorale, ou forestière) et est aujourd’hui un lieu de loisir, de cadre de vie, de tourisme et d’agriculture. Bien que cet espace reste majoritairement ouvert et que ses paysages soient encore à dominante agricole, il ne s’agit plus d’une agriculture familiale, et la plupart de ses habitants possèdent des modes de vie dits «urbains». On peut ainsi parler d’«urbanisation culturelle généralisée» de la campagne. On voit donc bien un décalage entre représentations de cet espace et ses transformations effectives. Pour comprendre ces dynamiques, il me semble important de retracer rapidement les évolutions récentes de la campagne, qui ont donné lieu à ce phénomène d’«urbanisation». La campagne fait depuis le milieu du XX° s face à une urbanisation, spatiale, sociale et de pratiques Suite à la seconde guerre mondiale, l’agriculture française prend un tournant. Bien que la transition démographique et des modifications des structures agricoles aient été amorcées parallèlement à la révolution industrielle, avec une première période d’exode rural, il s’agit dans les années 1950 d’un bouleversement radical du monde agricole et, plus largement, des campagnes. Le contexte de l’après-guerre est en effet celui du rationnement et de la pénurie alimentaire. La priorité est donc d’assurer la sécurité et l’indépendance alimentaire, et ce en France comme dans le reste de l’Europe. 4 Donadieu Pierre, Fleury André. La construction contemporaine de la ville-campagne en Europe In: Revue de géographie alpine, tome 91, n°4, 2003. Les agriculteurs dans la cité. pp. 19-29
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Avec l’appui du plan Marshall, des politiques volontaristes de modernisation de l’agriculture sont alors lancées. Il s’agit d’augmenter le rendement par une plus grande technicité tant au niveau mécanique, avec de nouvelles machines agricoles, qu’au niveau végétal, avec l’utilisation de plus en plus massive des intrants, et via une nouvelle structuration du monde agricole qui favorise les grandes exploitations. Les Lois d’Orientation Agricoles, de 1960 et 1962 viennent ainsi encadrer et favoriser ces évolutions. La Politique Agricole Commune européenne, mise en place en 1962 est ensuite un élément de sécurisation de l’agriculture, avec un système de garantie des prix pour certains produits, dans le contexte de l’ouverture économique alors en oeuvre. «Le terme d’ « exploitant », né à cette période, remplace celui de « paysan », négativement connoté car galvaudé par le régime vichyste pendant la guerre. Cette figure du nouvel « exploitant agricole » incarne le processus en marche de modernisation de l’agriculture et le changement identitaire qui l’accompagne, en rapprochant la paysannerie des autres secteurs de l’économie par l’idée de technicité qu’il véhicule.»1 Ces politiques de mécanisation, de modernisation des techniques agricoles, d’économies d’échelle et d’insertion dans un système d’échanges globalisés résultent dans une progression rapide de la productivité. Cela modifie nettement la stucture socio-spatiale des espaces ruraux et, avec-elle, les paysages ruraux. «Simplification des assolements, agrandissement des parcelles et abattage des haies et talus, recul des pâturages, retournement des prairies et implantation de maïs fourrager, sont autant de témoignages du mouvement d’industrialisation de l’agriculture et de l’élevage et de la division du travail entre systèmes de production qui l’accompagne.»2 Cette «fin des paysans», comme en parle le sociologue Henri Mendras en 1967, 1 http://www.agter.org 2 ibid.
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met peu à peu fin aux différences de mode vie entre agriculteurs et reste de la société civile. «Entre 1954 et 1976 seulement, le nombre des actifs agricoles est divisé par deux et cette tendance se prolongera encore jusqu’à la fin du siècle.»1 L’agriculture productiviste est peu à peu remise en question, notamment dans un contexte où les agriculteurs ne forment plus qu’une minorité des habitants de la campagne. Cela est renforcé suite au retournement démographique qui s’amorce dans les années 1980 et se confirme dans les années 1990 (voir schéma page de gauche).
pratiques et des représentations associées à l’espace rural. Aujourd’hui, alors que les agriculteurs n’occupent plus que 3% de la population active contre plus de 30 % en 1955 les différences de modes de vie entre villes et campagnes, les structures socio-spatiales, semblent être assez faibles. Ce qui se traduit spatialement par un découpage de l’espace, et au-delà, par des conflits d’usage –notamment avec les agriculteurs.
Ainsi l’exode rural corrélé à ce bouleversement du modèle agricole se traduira spatialement par une urbanisation en périphérie des villes, ou périurbanisation, sur le modèle du pavillon, et ce notamment dans les années 1970 et 1980. Celui-ci est alors encouragé par des incitations à l’accès à la propriété, la mise en avant du tout-voiture, et une valorisation du modèle de la maison individuelle. A partir de la fin des années 1980 et des années 1990, un retournement se produit : la campagne attire de nouveau. Ces espaces deviennent alors prisés pour le cadre de vie qu’ils semblent pouvoir offrir, que pour le plus faible coût du foncier. On parle alors de rurbanisation, avec l’exportation d’un mode de vie urbain dans l’espace rural. Ou plutôt avec le déplacement d’un mode de vie périurbain dans l’espace rural. Face à la fois à l’industrialisation de l’agriculture, et ce qu’elle implique de dépendance aux énergies fossiles comme d’utilisation d’intrants, et au développement pavillonnaire, les préoccupations environnementales prennent davantage de place. Un phénomène d’écologisation s’instaure à partir des années 1960, comme en réaction à ces deux manières d’aménager la campagne. Il occupe alors les «restes» de ces deux modes d’occupation du sol (habiter/cultiver), notamment sur les espaces difficiles à urbaniser ou difficiles d’accès pour les machines agricoles. Je développerai plus loin cet aspect important dans le changement des 1 http://www.agter.org
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MATÉRIALISATIONS ; ENTRE DÉSIR DE CAMPAGNE ET URBANITÉS Le développement pavillonnaire peut être considéré comme significatif de cette urbanisation de la campagne via un mode d’habitat individuel «déterritorialisé». Un parcellaire géométrique ou venant remplacer et morceller d’anciennes parcelles cultivées, une maison tout droit sortie d’un catalogue, une rase pelouse, une clôture accompagnée de sa haie de thuya... Nous avons tous l’image de ces modes d’habiter qui ne tiennent pas compte des lieux où ils se développent et qui favorisent un mode de vie replié sur soi, où l’espace public est pauvre -se cantonnant souvent à une morne route en enrobé- , favorisant un mode de déplacement motorisé. Leurs habitants, souvent rattachés économiquement aux villes les plus proches, y cherchent à la fois l’accession à la propriété ainsi que le cadre de la campagne. Paradoxalement, ces espaces pavillonnaires font évoluer brusquement les paysages de campagne que leurs habitants viennent chercher, puisqu’ils sont pensés sans regard global sur leurs conséquences paysagères. Il représentent également un mode de vie très couteux écologiquement, entre minéralisation d’agricoles minéralisés, avec toutes les problématiques que cela implique, notamment en termes de perméabilité du sol, et dépendance à la voiture.
soucieux de la qualité des paysages habités. Pourtant ceux-ci recèlent traditionnellement d’une large gamme d’espaces publics, semi-publics, privés et/ou communs, adaptés au modes culturaux, et ménageant des transitions et liens entre espaces cultivés et habités. Bien évidemment ceux-ci ont été la plupart du temps constitués par et pour les habitants -agriculteurs. La campagne est encore le lieu privilégié de la production agricole ou forestière. Cependant, comme je l’ai déjà souligné, on ne parle plus de paysans mais bien aujourd’hui d’agriculteurs à la tête de véritables industries. Parallèlement le rôle de l’agriculture, évolue, et semble devoir s’accorder avec la question des aménités de l’espace rural puisqu’il est de plus en plus assumé comme producteur du cadre paysager aujourd’hui mis en valeur. Il est paradoxalement support de la diversification d’activités de la campagne.
Ces espaces ne sont en effet pas pensés comme un hameau ou un quartier mais comme un ensemble de logements individuels accolés, ou sur le modèle de lotissement normés, similaires d’un lieu à l’autre. Ils sont conçus sur un même modèle spatial : le pavillon au centre d’une large parcelle, que l’on voit souvent n’être couverte que d’un régulier gazon, et pour les lotissements des voies sans issues, qui ne communiquent aucunement avec les trames et chemins existants. AInsi, cette «urbanisation» de la campagne est aujourd’hui souvent associée aux élégants termes de «mitage», «grignotage» de l’espace agricole ou encore des ressources naturelles. La question des conflits d’usages entre habitants et autres acteurs des paysages ruraux semblent ainsi liés à des modes d’urbanisme peu
Ci-dessus et page précédente: Photographie et photographie aérienne extraites de Clermont au loin, Chroniques périurbaines, Kristof Guez, Pierre & Rémi Janin, Alexis Pernet, Hugo Receveur, Fudo Éditions, 2010 Page de droite Photographie extraite de la série La France, de Raymond Depardon
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PROTECTIONS DES ESPACES RURAUX - LE DÉVELOPPEMENT DURABLE AU DEVANT DE LA SCÈNE Il existe cependant des espaces, plus difficiles à remembrer et industrialiser, sorte de «restes» de ces deux occupations du sol, qui ont été les lieux privilégiés de protections au titre de leurs valeurs naturelles ou patrimoniales. Ce sont ainsi les lieux de matérialisation des préoccupations écologiques qui se sont accentuées dans les années 1970 puis davantage encore dans les années 1990. Les Parcs Naturels Régionaux incarnent bien ces questionnements, tout en dépassant les préoccupations écologiques, dans une visée de développement durable plus globale. Ce sont notamment ces espaces qui véhiculent un image «idéalisée» de ces paysages, en conservant un patrimoine paysan ou naturel. Ils attirent des activités de tourisme, de loisir, mais également de résidence. «Les Parcs naturels régionaux sont créés pour protéger et mettre en valeur de grands espaces ruraux habités. Peut être classé “Parc naturel régional” un territoire à dominante rurale dont les paysages, les milieux naturels et le patrimoine culturel sont de grande qualité, mais dont l’équilibre est fragile. Un Parc naturel régional s’organise autour d’un projet concerté de développement durable, fondé sur la protection et la valorisation de son patrimoine naturel et culturel.»1 Il furent créés dans un premier temps pour redynamiser des espaces ruraux particulièrement touchés par la déprise agricole. La notion d’écologie n’a pas alors de pertinence comme nous la connaissons aujourd’hui. Sont certes invoquées des notions de naturalisme mais l’idée est surtout de perpétuer les pratiques paysannes qui tombent alors en désuétude et de protéger et dynamiser les paysages qui résultent de ces pratiques. Le propos est également d’offrir aux citadins la possibilité d’accéder à cette culture rurale et au ressourcement qu’offrent ces espaces de nature. Contrairement aux Parcs Nationaux, ce n’est pas seulement une visée de protection, détachant l’homme de la nature, qui motive la création des PNR. Le premier PNR, le parc Saint-Amand-Raismes est mis en place en 1968 sur un territoire de 12 000 hectares. 1 http://www.parcs-naturels-regionaux.fr
«Trois objectifs sont donnés à ce nouveau type de Parcs : équiper les grandes métropoles d’équilibre en aires de détente ; animer les secteurs ruraux en difficulté ; trouver, dans les voies nouvelles de développement, la possibilité d’une mise en valeur des richesses naturelles et culturelles, de la préservation de la flore, de la faune, des paysages.»2 C’est notamment l’activité du tourisme durable qui permettrait alors de retrouver des emplois, des débouchés pour l’agriculture via des marques et labels du parc. Cette entité permet également de véhiculer une image paysagère cohérente sur des territoires qui sont à cheval sur plusieurs limites administratives. Ainsi, les PNR donnent à voir certains espaces ruraux, participent de leur mouvement global de redynamisation et du regain d’intérêt qui leur est porté. On peut cependant distinguer plusieurs types de Parcs Naturels Régionaux : «Pour la grande majorité d’entre eux, il s’agit certes de préserver des espaces essentiellement « naturels », mais aussi de compenser les effets de la déprise agricole et du dépeuplement. (...) Le cas des PNR périurbains est a priori bien différent. C’est davantage la perception d’une pression urbaine à repousser, ou à canaliser qui va prévaloir.»3 Le premier PNR francilien sera créé en 1985. Il s’agit du PNR de la Haute Vallée de Chevreuse. Il adopte une fonction en rapport avec la métropole, comme dit précédemment pour «l’équiper en aires de détente». Il préserve des espaces ruraux d’une cohérence paysagère remarquable aux portes de la capitale, et le dote d’un outil pour réguler et mettre en projet son urbanisation. On voit bien ici les nouvelles fonctions de la campagne dans ce contexte de friction urbain-rural. Page de droite en haut : Photographie du issue du site du PNR du Gâtinais Français ; En bas : Photographie issue du site du PNR du Vexin Français 2 Les Pacrs Naturels Régionaux : 40 ans d’histoire... , Fédération des Parcs Naturels Régionaux de France, 2007 3 Didier Desponds, « Les impacts d’un parc naturel régional (PNR) sur les évolutions sociodémographiques de son espace rural : le cas du Vexin français », Norois, 202 | 2007, 47-60.
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CAMPAGNE NATURE
CAMPAGNE CADRE DE VIE
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CAMPAGNE RESSOURCE
VERS UNE DÉFINITION CONTEMPORAINE DE LA CAMPAGNE ? De par sa diversition d’usages, la campagne semble soumise à un découpage fonctionnel de son espace. Ainsi, on aurait un découpage physique entre une campagne «agricole» exploitée intensivement pour ses qualités agronomiques, la «campagne ressource», une campagne habitée pour ses qualités paysagères, son cadre bucolique, la «campagne cadre de vie», et une campagne protégée de ces deux derniers modes d’aménagement afin de préserver sa valeur écologique et patrimoniale, la «campagne nature». «S’appuyant sur ces dynamiques, Perrier-Cornet et al. (2002a, 2002b ; Perrier-Cornet et Soulard, 2003) proposent une typologie des espaces ruraux autour de trois « figures »: campagne ressource, campagne cadre de vie et campagne nature.»1 Je me suis ainsi demandé quels paysages correspondraient à ce découpage. Sur la page suivante se trouve une représentation simplifiée, voire «archétypale» de ceux-ci. On a d’un côté une agriculture intensive et industrialisée, matérialisée par de grandes parcelles céréalière ; quelques villages groupés, composés de maisons de bourgs anciennes et de petites extensions pavillonnaires, le clocher faisant figure de repère dans le paysage ; et des espaces dits «naturels», en l’occurence un fleuve et les boisements associés, figues de la Trame Verte et Bleue. Ce découpage me pose également la question des modes d’urbanismes en milieu rural. Quelles sont ses spécificités par rapport à l’urbanisme en milieu urbain ? Est-il réellement adapté aux caractéristiques socio-spatiales et à l’évolution de ces paysages? Le principal outil pour réguler l’urbanisme y est le Plan Local d’Urbanisme. Celui-ci arrive-t-il à mettre en cohérence les différentes caractéristiques de cet espace, sans les opposer ?
Parallèlement à l’arrivée de cette dynamique urbaine à la campagne, des réseaux agricoles se développent en ville : jardins partagés, vergers urbains, agriculture de proximité et réseaux d’AMAP (Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne). Ces fonctions agricoles n’ont pas -ou plus- une logique uniquement productive mais également une logique de sociabilité, de loisir. Entre des limites spatiales floues et une agriculture urbaine et péri-urbaine qui tend à se re-développer -du moins autour de laquelle on communique de plus en plus- les limites ville-campagne semblent aujourd’hui à redéfinir. La campagne a adopté un vocabulaire urbain, alors qu’en ville on se tourne vers une nouvelle complémentarité entre ceinture agricole et centre-ville. La campagne ne serait-elle alors qu’un cadre à la ville et aux urbains ? Cette question, lancée comme une «provocation», est le reflet du peu de prise en compte des caractéristiques inhérentes à la campagne. La sédimentation de ces paysages s’est faite selon un pacte entre les habitants-agriculteurs et leur territoire. Les uns s’adaptant au terroir, aux conditions édaphiques et de sols, et transformant également ces paysages selon un système de valeurs culturelles ; le territoire évoluant peu à peu de fonctionnement et d’image. L’agriculture urbaine revêt effectivement d’autres fonctions que celles de produire et la campagne reste caractérisée par son sol majoritairement agricole ou forestier, et sa faible densité. Le rôle agricole de la campagne n’est pas à remettre en question. Mais elle ne fonde plus l’identité du territoire de manière systémique - où le système paysager correspondrait avec le système agricole et d’habitat plus ou moins local- , mais selon des représentations -c’est simplement la photographie qui fait identité paysagère. L’agriculture n’est plus valorisée en tant que telle mais bien pour l’image-paysage qu’elle produit.
1 Le projet de Parc naturel régional du Bocage Gâtinais, Processus de territorialisation en zone périurbain, Mémoire de master de Florian Pignault, juin 2009
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Les raisons de la plupart des paysages sont économiques, et les campagnes reflètent bien l’agriculture du libre échange, valorisée par les politiques agricoles communes. Dans une campagne habitée par des urbains ou du moins par des non-agriculteurs, je crois que le futur de la campagne réside dans l’établissement d’un nouveau pacte habiter - cultiver. Les modes d’habiter pourraient-ils se fonder sur les composantes du paysage ? Les habitants peuvent-ils (re) devenir acteur de ceux-ci ? L’idée de campagne «cadre de vie» pourrait-elle évoluer vers une envie de s’inscrire dans des modes d’habiter et de consommer qui soient plus durables? Serait-ce l’ère post-pavillonnaire ? Selon J. Viart, il s’agirait de définir un nouveau pacte ville-campagne, qui mettrait l’accent sur la complémentarité de ces deux espaces. Ce principe n’a rien de nouveau, mais ce qu’il contient est-il toujours l’idée d’une campagne nourricière pour la ville ? Quel «patrimoine territorial» faire émerger dans une construction contemporaine de ces paysages ? Et comment le redéfinir à partir des paysages de l’habiter ? Je vais maintenant me centrer sur des initiaves qui me semblent porter un nouveau récit pour habiter la campagne, issu d’une volonté de soutenabilité. Je porterai un regard critique sur ces processus, tant sur la question spatiale que sur leurs processus de mise en oeuvre.
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HABITER LA CAMPAGNE «AUTREMENT»
QUEL NOUVEAU RÉCIT POUR LES CAMPAGNES ? ACTUALISER LA COMPLÉMENTARITÉ HABITER-PRODUIRE Au regard des évolutions de la campagne, quels patrimoines font aujourd’hui sens, et peuvent être les bases d’un projet commun? De quels éléments identitaires de la campagne sont-ils aujourd’hui porteurs ? Tout d’abord, qu’est-ce qu’un patrimoine ? « Patrimoine, patrimonial (héritage) : ce qui est hérité et destiné à être transmis. Le patrimoine, naturel et culturel, est un produit des pratiques sociales contemporaines qui cherchent à situer le passé dans le présent ou à l'adapter à ce dernier(…) » « Patrimoine paysager : partie de pays, de territoire, perçue et désignée par les acteurs publics et/ou les populations comme paysage à transmettre aux générations futures pour des raisons historiques (site historique), écologique (site écologique), archéologique (site archéologique), etc ( ...) » 1 Il s’agit de l’héritage commun, du fondement d’une identité de groupe, donc du lien groupal. Il fonde un des repères qui permet le vivre ensemble au sein d’une société. C’est également ce qu’une société donnée décide de valoriser au regard de préoccupations contemporaines.
Ces nouveaux modes de territorialisation semblent aujourd’hui pouvoir se mettre en place d’après de nouvelles valeurs, issues d’une hybridation de pratiques ville-campagne, mais également par les renouveaux des modes de travailler vers plus de travail indépendant, d’autres mobilités et donc un autre rapport au territoire. L’enjeu est donc de mettre en œuvre le récit paysager qui matérialisera ces nouvelles valeurs. Moins clivant que la question de l’écologie, le paysage pourrait permettre de faire dialoguer autour d’un objet commun habitants, agriculteurs, écologues, politiques afin de définir ces patrimoines. « La notion de patrimoine architectural, urbain ou paysager, ne peut avoir de sens légitime que dynamique. C’est-à-dire qu’il ne faut pas le chosifier, mais au contraire se le réapproprier, pour poursuivre, hic et nunc, le travail des générations passées. » 2 Pourrait-on avancer que redéfinir les patrimoines ruraux à partir de valeurs paysagères permettrait également l’affirmation d’une complémentarité ville-campagne ? En termes de pratiques ? Et donc en termes spatiaux ?
Les éléments identitaires de la campagne reposent selon moi sur le pacte et la complémentarité entre modes d’habiter et modes de cultiver ces territoires, qui se sont constitués au fil du temps et constituent ce qui est souvent classifié comme « petit patrimoine rural », mais également les espaces ouverts créés par les modes culturaux , plus difficiles à recenser et classifier (espaces de pâtures communs au centre du village par exemple). Il s’agirait ainsi de valoriser ce patrimoine « par de nouveaux modes de territorialisation et la création de nouvelles ressources ». 1 Pierre Donadieu, Petit lexique de géomédiation paysagiste, Publié dans Projets de paysage le 24/12/2009
2 24/12/2009 CHOAY, Françoise, «L’utopie aujourd’hui, c’est retrouver le sens du local», Courrier International, supplément au n°.533, 18 janvier 2001, p. 10-11
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HABITER LA CAMPAGNE «AUTREMENT» : LES ÉCOVILLAGES « Le devenir des campagnes se trouve alors lié à la manière dont des enjeux globaux, portés par des acteurs transnationaux multiples, vont se territorialiser, et se trouve lié au rôle que ces espaces locaux vont tenir dans la prise en charge de ces enjeux. (...) L’écologie des savoirs devient alors cruciale : s’agira-t-il de savoirs exogènes, commandés par une volonté de maîtrise et de rationalisation accrue, ou de savoirs partagés et mis au service d’objectifs renouvelés qui réconcilient « l’habiter » et « le produire » ?»1 Je me suis intéressée à des projets d’écovillages, projets d’habitats généralement ruraux qui portent une forte attention à la terre, et qui matérialisent des préoccupations contemporaines quant à la soutenabilité de nos modes d’habiter. Il s’agit ainsi de trouver des manières alternatives de vivre à la campagne et de ne pas opposer l’homme à la «nature». Bien au contraire, de se placer dans une relation d’habitant agissant consciemment avec son environnement, en (re)mettant au centre de la manière d’habiter les questions suivantes : celle de l’agriculture durable, celle des modes de gouvernances, de la participation et de la co-construction. Je proposerai dans les pages suivants un petit voyage dans quelques éco-villages et lieux de co-habitat dans un périmètre élargi autour de la métropole parisienne. Avant cela, je souhaitais poser les définitions de quelques notions clefs pour la compréhension de ces espaces.
Photo ci-contre : Vue sur le hameau des buis, l’un des écovillages les plus connus de France. Image tirée de https://www.bastamag.net/ 1 Marc Mormont, « Globalisations et écologisations des campagnes », Etudes rurales 2009/1 (n° 183), p. 143-160
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PETIT LEXIQUE DE L’HABITAT RURAL COLLECTIF
acquis.» 3 L’habitat participatif peut donc, contrairement aux éco-villages, être accompagné par des promoteurs immobiliers.
ÉCOVILLAGE
Il s’agit d’une communauté intentionnelle, engagée dans un mode de vie alternatif, par rapport au fonctionnement sociétal conventionnel. Elle prend des formes et des échelles variées. Une définition générale pourrait être la suivante : «Un écovillage (ou éco-village, éco-lieu, éco-hameau), est une agglomération, généralement rurale, ayant une perspective d’autosuffisance variable d’un projet à l’autre et reposant sur un modèle économique alternatif. L’écologie y a également une place prépondérante. La priorité est en effet de redonner une place plus équilibrée à l’homme en harmonie avec son environnement, dans un respect des écosystèmes présents.»1 Jonathan Dawson ajoute notamment dans son ouvrage les dimensions suivantes : «(...) Les écovillageois ne se contentent pas de concevoir leur logement : bien souvent, ils les construisent.(...) Ils se définissent eux-mêmes comme étant au service d’une cause plus vaste s’exprimant généralement en termes de restauration écologique, de renforcement communautaire, de contribution à l’économie locale et/ou d’approfondissment de la quête spirituelle. La plupart sont engagés dans des activités de formation et de communication afin de partager leur message et leurs réflexions avec le reste du monde.»2
HABITAT PARTICIPATIF ou cohabitat ou habitat groupé
« Une démarche citoyenne qui permet à des personnes physiques de s’associer, le cas échéant avec des personnes morales, afin de participer à la définition et à la conception de leurs logements et des espaces destinés à un usage commun, de construire ou d’acquérir un ou plusieurs immeubles destinés à leur habitation et, le cas échéant, d’assurer la gestion ultérieure des immeubles construits ou
1 http:// www.fr.wikipedia.org / 2 Les écovillages, Laboratoires de modes de vie éco-responsables, Jonathan Dawson, ed. Yves Michel, 2010
WWOOFing
«WWOOF (de l’anglais « World-Wide Opportunities on Organic Farms ») est un réseau mondial de fermes bio. Créé en Angleterre en 1971, il s’est étendu dans le monde entier». 4 C’est un système d’échange entre une ferme qui offre gite et couvert aux volontaires contre leur travail sur l’exploitation. Il est très fréquent qu’un écovillage soit également un lieu où ce système est proposé.
PERMACULTURE
«La permaculture est une science de conception de cultures, de lieux de vie, et de systèmes agricoles humains utilisant des principes d’écologie et le savoir des sociétés traditionnelles pour reproduire la diversité, la stabilité et la résilience des écosystèmes naturels.(...) Ses trois piliers sont prendre soin des hommes, prendre soin de la terre et produire et partager équitablement les ressources.»5
ARCHITECTURE BIOCLIMATIQUE
«On parle de conception bioclimatique lorsque l’architecture du projet est adaptée en fonction des caractéristiques et particularités du lieu d’implantation(...). L’objectif principal est d’obtenir le confort d’ambiance recherché de manière la plus naturelle possible en utilisant les moyens architecturaux, les énergies renouvelables disponibles et en utilisant le moins possible les moyens techniques mécanisés et les énergies extérieures au site. Ces stratégies et techniques architecturales cherchent à profiter au maximum du soleil en hiver et de s’en protéger durant l’été. C’est pour cela que l’on parle également d’architecture «solaire» ou «passive».»6
3 Loi ALUR 4http:// www.fr.wikipedia.org / 5 http://www.permaculteurs.com 6 https://www.e-rt2012.fr
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MES EXPLORATIONS FRANCILIENNES : PROJETS D’ÉCO-VILLAGES J’ai choisi d’étendre ma prospective sur les manières alternatives d’habiter la campagne à la partie centrale du Bassin Parisien. Je ne m’arrête donc pas aux limites exactes de l’Ile-de-France, cherchant avant tout une cohérence en termes de paysages et de dynamiques. Ce large bassin sédimentaire me semble pertinent pour considérer un contexte de paysages dont les dynamiques se répondent. Ils sont influencés par la proximité de la métropole parisienne, l’agriculture est le plus souvent tournée vers la grande culture céréalière industrielle, et les manières d’habiter se sont majoritairement «urbanisées», bien que les paysages habités (bourgs, villages, hameaux) aient pour la plupart gardé une structure rurale. Les projets d’éco-habitats se sont d’abord développés dans des espaces ruraux isolés, dans le «grand rural» puis dans le milieu urbain, des projets d’habitat participatif aux éco-quartiers. Aujourd’hui on voit naître de nombreux projets de ce type proche des métropoles. Ils profitent ainsi de la complémentarité ville campagne impulsée par de nouvelles mobilités et l’importance du numérique. Cette dynamique récente, donc le peu d’éco-villages matérialisés dans cette région, m’a poussé à me centrer sur des projets en cours voire tout juste initiés. Entre initiatives purement citoyennes et projets accompagnés par des collectivités, j’ai choisi quatre projets de natures différentes. L’une d’entre elles se situe sur le territoire du bocage gâtinais, sur lequel je me centrerai par la suite pour développer une action paysagère. J’ai découvert chacun de ces projets par l’intermédiaire de leurs acteurs clefs, habitant ou maîtrise d’ouvrage, et c’est donc leur vision qui conditionne mon appréhension de ceux-ci. Il s’agit donc de projets de «référence» non seulement en termes spatial mais aussi (et surtout pour certains) en termes de processus, de jeux d’acteurs et d’inscriptions dans des dynamiques existantes. Je souhaite porter un regard critique sur ceux-ci, m’en inspirer quand cela sera pertinent, le tout en vue de l’action que je vais mettre en place sur les paysages du bocage gâtinais, en Sud Seine-et-Marne.
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LA RÊVERIE DU LOUPIER, saint-agnan, yonne
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ÉCOSSIGNY, chevry-cossigny, seine-et-marne
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L’ÉCO HAMEAU DU CHAMPS FOULON, saint-cyr-en-arthies, val d’oise
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LA FERME DE MONTAQUOY, soisy-sur-école, essone Périmètre d’étude élargi : Bocage Gâtinais
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LA RÊVERIE DU LOUPIER ST-AGNAN, YONNE, BOURGOGNE Villeblevin ENTRETIEN AVEC MANOU JAKUBOWICZ, À L’ORIGINE DU PROJET DE LA RÊVERIE DU LOUPIER
Saint-Agnan
Manou Jacubowicz est actuellement en constitution de l’écovillage de la rêverie du Loupier à partir de la ferme qu’il a acheté et rénové lui même sur un terrain de 4,4 ha.
Le loupier 1km
➤
Le futur écovillage est situé au Loupier, hameau de la commune de St-Agnan, dans la partie du bocage gâtinais située dans l’Yonne. Ce sont des paysages alN ternant entre grandes cultures et buttes boisées qui se découpent à l’horizon. Hameau du Loupier, Commune de Saint-agnan, Yonne, Bourgogne, Commune de1 km 950 Paysages ruraux donc, mais ce territoire du Nord de la Bourgogne connait des inhabitants fluences assez forte de la métropole parisienne : on note dans le village un développement pavillonnaire assez important, et la plupart des habitants se rendent Début du projet en 2014 en région parisienne pour travailler. Il s’agit ici d’une initiative entièrement citoyenne pour l’instant relativement éloignée de la sphère publique, bien que Manou ait de bonnes relations avec la mairie.Il souhaite y développer un mode de vie «alternatif» avec 3 ou 4 foyers, qu’il recherche actuellement. La ferme rénovée constituera l’espace commun, comme le centre névralgique du projet, et chaque foyer pourra installer une yourte sur le terrain.
Structure existante : Ferme rénovée et parcelle de 4,4 hectares Un habitant en recherche de 3/4 familles Statut non défini pour l’instant Une maison commune et projet d’implantation de plusieurs yourtes Activités Projetées : Un
verger, maraîchage, accueil de stages dans la maison commune ..
Je souhaitais à travers cette rencontre comprendre cette prise d’initiative personnelle, et comment se contruit un projet citoyen d’écovillage de l’intérieur, avec son lot de représentations, de doutes, de difficultés ou au contraire d’évidences. J’ai donc retranscris un partie du dialogue informel qui s’est établi durant notre entretien selon les grandes étapes et thématiques de son projet.
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Saint-agnan culture de blé tendre
culture de betterave
La Loge
Ancien verger Terrain communal culture de blé tendre
Le Loupier culture de blé tendre Verger «Forêt comestible»
Culture de Colza Ferme rénovée, future maison commune
Limites du terrain de l’écovillage
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LA RÊVERIE DU LOUPIER
ST-AGNAN, YONNE, BOURGOGNE
Les débuts du projet ... «J’ai fait du wwoofing, et j’ai trouvé le lieu qui était bien. C’était une bonne distance pour tout. Au début je n’avais pas du tout le projet ! J’ai grandi en Normandie, au milieu de nulle part, on n’avait pas de voisins, rien - et j’ai habité vingt ans à Paris après mes études. Je voyageais pas mal j’ai eu le bon côté de Paris mais ça ne me convenait plus. Ça faisait pas mal d’années que j’avais développé une conscience écologique, que j’avais envie d’un mode de vie alternatif mais je ne voyais pas, dans les projets d’écovillages, de projets avec lesquels je résonnais complètement.»
Se lancer seul dans un projet d’habitat collectif «Alors moi c’est l’inverse, c’était plus facile de se lancer seul qu’avec du monde. Et il y avait aussi une question, je ne savais rien faire avec mes dix doigts, je ne savais pas cultiver, je savais pas faire un trou dans un mur... Alors arriver dans un lieu où il y aurait plein de gens qui savaient faire, le risque pour moi était de trop me reposer sur eux et de ne pas aller chercher mes capacités. Alors évidemment après c’est une question de caractère...je n’ai pas choisi une petite cabane, j’ai pris un truc immense, mais voilà, j’étais dans le fantasme complet, et c’est très bien ! Je me suis pris le mur de mon fantasme et c’était important aussi de le faire, mais je suis tombé amoureux du lieu, vraiment. A l’endroit où je faisais du wwoofing je leur ai dit « c’est joli votre coin, je cherche un peu un coin comme ça, une petite ferme dans ce genre là », et ils m’ont répondu : « il y en une qui a brulé à 2 kms d’ici ! ». Je suis allé voir et j’ai trouvé ça magnifique, le lieu a une vraie poésie, une âme. Je suis vraiment tombé amoureux du lieu.»»
n’a pas été un frein. Le plaisir était à l’équilibre avec la difficulté. Et quand j’ai vu le lieu, je ne savais pas comment j’allais le faire mais j’ai décidé que j’allais me lancer dans le projet. Il y avait 4 murs, 4 ha 400 de terrain, et puis fallait inventer le truc.»
Sur le processus et la construction «Je ne voulais pas faire tout tout seul, j’avais un budget pour travailler avec des artisans. C’est juste que c’était trop ! Sur un petit lieu on peut tester, se tromper, recommencer, là ce n’était pas possible. Donc j’ai tout conçu, par contre, j’ai étudié comment on fabrique une maison écologique, en l’occurrence bioclimatique. J’ai tout étudié, et j’ai la chance d’avoir un cerveau qui est bien fait pour ça, j’étais journaliste scientifique à l’origine donc j’ai mené une enquête complète sur comment on construit ce genre de maisons. Et je n’avais pas les bons artisans, c’est-àdire qu’il n’y avait pas d’artisans qui connaissaient les bonnes techniques, donc j’ai du enseigner les techniques aux artisans que j’employais. C’était assez dur moralement, parce que je n’avais personne pour me conseiller moi ! Le chantier a duré trois ans.»
Une construction bioclimatique «L’idée d’une maison bioclimatique c’est d’optimiser les entrées naturelles, donc j’ai des grandes baies vitrées au Sud, et de minimiser les pertes de façon à avoir un système qui consomme peu d’énergie. Ça reste une grande maison avec beaucoup de pierre à l’intérieur, donc beaucoup d’inertie, donc j’ai un gros chauffage. C’est juste un énorme poêle à bois au milieu de la maison. Et ça irradie naturellement.»
Sur les décalages entre les représentations et action
Tentatives d’actions locales
«La première chose c’est que j’avais oublié et sous estimé c’est la potentielle dureté de travailler la terre. J’ai grandi à la campagne mais je n’avais jamais vraiment gouté le travail de la terre... et donc j’avais complètement sous estimé ça, mais ça
«J’ai essayé de monter des actions au café du coin : café-concert, vente de produits bios et locaux, des légumes (...). C’est une région qui est un peu particulière, pas tout le gâtinais mais ce coin là particulièrement, le nord de la Bourgogne, c’est
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considéré comme la Bourgogne pauvre. C’est beaucoup de gens qui travaillent à Paris et qui sont venus là parce que c’était moins cher pour être propriétaire. Ce n’est pas comme un village en Corrèze (...). Et puis sur le côté des produits bio je ne pense pas que ce soit la priorité du coin. Il y a deux amap et on ne peut pas dire qu’elle explosent de demandes.»
Relations avec la commune «J’ai toujours été soutenu, mais il n’y avait pas encore la dimension du projet collectif. Je viens d’en parler et ils ne sont pas contre. Pour mettre des yourtes, le problème c’est que je suis en zone naturelle protégée, je suis en zone NH, donc c’est un peu délicat, j’ai un peu bataillé avec ma maison. Parceque c’est une zone non constructible. La il faut un permis de construire mais pour une annexe.»
Et avec les habitants «St-Agnan c’est une commune de 1000 habitants. Ils ne sont pas contre, ils sont dubitatifs. Je suis catalogué l’hurluberlu du coin. Enfin pas l’hurluberlu, dans le sens ou j’ai organisé des concerts, des ventes de produits bio, j’ai essayé de sauver le café avec ça... Ils voient que je suis investi, que je veux faire des choses pour le coin, donc c’est apprécié.»
Recherche d’habitants «J’ai rencontré 10 personnes pour l’instant. Ils viennent de région parisienne. Globalement c’est ces gens là que j’attire, parce que je suis proche de Paris donc il y a plein de gens pour qui ça permet une transition plus facile. C’est un peu ça l’idée, ça permet de conserver une vie économique à Paris, ce qui n’est pas toujours facile avec ce type de projet. L’idée étant qu’on pourrait être au total 3 ou 4 familles.»
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LA RÊVERIE DU LOUPIER
CE QUE J’EN RETIENS MON REGARD
Etat du projet, regard vers son évolution «J’ai vu une annonce d’un appel à projet de la région Bourgogne pour le lancement d’un verger conservatoire et de haies mellifères et j’ai gagné l’aide la région. Là j’ai planté une soixantaine de fruitiers et 120 arbres pour faire une haie. Il n’ya avait pas de verger, mais un poirier et un pommier. J’ai un prunier pas loin, aux pieds de la maison, mais sur la zone où j’ai mis il n’y avait rien. Je les ai placé, dans l’idée complètement intuitive, d’amener à ce que ce soit une forêt productrice, de l’agroforesterie. Une forêt comestible plutôt. J’’ai organisé le verger pour faire des petites clairières et que les clairières permettent d’abriter des petits fruits et d’autres vivaces. A terme je verrai s’il faut que je fasse une haie latérale ou pas. Mais c’est trop d’entretien pour une personne toute seule. Et maintenant je sens que le lieu doit vivre avec d’autres personnes. On peut même faire une exploitation maraîchère si on veut, on peut faire plein plein de choses. J’envisage déjà d’avoir un beau jardin et de m’occuper de monter la forêt comestible.» «La terre est extraordinaire. En fait ça n’a jamais été cultivé, on ne peut pas mettre de machines parce qu’il y a des grosses pierres de Fontainebleau. Il y a eu plein de bêtes donc c’est gonflé d’azote, c’est plein d’ortie. C’est un peu trop argileux mais je pense que ce n’est pas la catastrophe. Je viens juste de commencer là, début janvier, le désherbage de ma parcelle pour le jardin.»
Il s’agit d’un projet qui se construit en se faisant. Le fait que ce soit une initiative individuelle le distingue clairement des autres initiatives que j’ai vues ainsi que de la plupart des écovillages, collectifs par définition. Avoir rencontré Manou m’a également permis de mesurer l’implication, le dévouement et la passion nécessaires pour monter un tel projet en tant que citoyen -seul en l’occurence. Au delà de ces grands mots de «passion et engagement», il s’agit aussi de temps et d’argent. Mes autres rencontres m’ont permis de mesurer la difficile écnomie de ce type de projets qui sortent de l’opération immobilière classique. Les banques ou financeurs institutionnels ont davantages de mal à mesurer la solidité de ce type de projet auxquels ils ne sont pas habitués, et sans même avec un accompagnement institutionnel il n’y a pas de garantie de réussite. Alors sans... Ici cela reste un projet d’une échelle modeste, de taille familiale, qui n’engage pas des investissements strictement hors de portée, bien que ce le soit pour la plupart des gens. Au delà de ces difficultés, ce type de projet citoyen peut aussi être une chance pour une commune telle que St-Agnan, si les écovillageois réussissent par la suite à entretenir des liens avec le village. Cependant, la situation géographique du Loupier, hameau isolé, ne se prête pas intuitivement à cela. Et les habitants du village ne semblent pas très ouverts pour le moment à des initiatives qui changent leur quotidien ou qui font vivre les services de proximité dans le village. Il y a donc un manque de vision commune entre l’espace public, et l’initiative d’écovillage. J’espère que les futurs habitants arriveront à trouver des ponts, tels que des projets d’écolieux qui développent des centres de formation en permaculture ou sur les énergies renouvelables qui les mette en lien avec la chose publique. Il en va maintenant des rencontres que Manou va faire. Elles conditionneront cette mise en lien et donc la durabilité comme l’intérêt du projet.
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ÉCOSSIGNY 2
CHEVRY-COSSIGNY, SEINE-ET-MARNE
Lésigny Gretz-Armainvilliers
ENTRETIEN AVEC LES HABITANTS D’ÉCOSSIGNY
Férolles-attily Chevry-Cossigny
Cossigny 1km
➤
Brie-Comte-Robert
De gauche à droite : Caroline Mattei, Lisa Amengual, Denis Desailly, Claire de Casabianca, Liza Naim, Loïc Martin
Hameau de Cossigny, Chevry-Cossigny, Seine-et-Marne, Ile-de-France, CommuneN de 3 km 3900 habitants Projet citoyen initié par les 6 futurs habitants du hameau Statut : copropriété Rénovation de la ferme existante et destruction / reconstruction de l’extension avec l’aide d’une équipe d’architectes Projet initié en 2015 avec l’achat du terrain 0,16 ha de terrain + 0,15 ha de potager partagé
Voilà un autre projet citoyen, cette fois-ci monté en groupe. J’ai été mis en contact avec Denis lorsque j’ai contacté les écovillageois et c’est d’abord lui que j’ai rencontré avant de faire connaissance avec les autres habitants. Il est en cours dans le hameau de Cossigny, à Chevry-Cossigny en Seine-etMarne. Nous sommes à 30 kilomètres de Paris à vol d’oiseau et à 5 kms de la gare du RER E. Les influences périurbaines se font nettement sentir, bien plus qu’à Saint-Agnan. Pour arriver au hameau de Cossigny on sillonne des paysages d’infrastructures autour de la gare puis le centre bourg où s’entremêlent pavillons, petits immeubles collectifs et quelques maisons de bourgs plus traditionnelles, qui semblent perdues au milieu du tissu urbain lâche. Puis on traverse la forêt de Léchelle, et, soudainement, les horizons ruraux se dévoilent. Le large boisement borde toujours la vue et marque la frontière entre la Brie boisée et le plateau de Brie-Comte-Robert. On parcoure un bout du plateau, entre parcelles de blé, de betterave et de lin, pour arriver au hameau de Cossigny, qui s’annonce dans le paysage par une imposante ferme briarde.
Financement individuel - 46 -
Blé tendre
Orge
Blé tendre
Colza
Chevry-Cossigny
Blé tendre
Blé tendre Betterave
Ecossigny 2
Verger
Betterave
Potager collectif, parcelle prêtée par le maraîcher Yourte des voisins, potentiel lieu d’activité pour les habitants d’écossigny
Parcelles de maraîchage et de verger, culture biologique Coopérative de vente Biocoop associée
Culture de Pomme de Terre
céréales
Cossigny
Ecossigny 1, première parcelle vendue maison autoconstruite en bois-paille
Pépinière
Mélange de
Blé tendre
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Verger
Blé tendre
ÉCOSSIGNY 2 CHEVRY-COSSIGNY, SEINE-ET-MARNE Je découvre leur lieu de vie. Tout le hameau de Cossigny ou presque semble se retrouver autour d’une dynamique commune. La parcelle face à l’écohameau est un potager collectif. C’est un terrain que leur voisin maraîcher en culture biologique leur prête, et qu’ils partagent avec une dizaine d’autres personnes. Derrière ce potager il y a les parcelles du maraîcher puis la biocoop dans laquelle il vend ses produits. Leur voisin d’à côté possède une grande yourte dans son jardin, où ils accueilleront sûrement des stages. Et leurs autres voisins ont auto-construit une maison en bois-paille. Lorsque j’arrive sur place, le lieu est en pleine effervescence. Les habitants de l’écovillage se sont installés sur place il y a un mois à peine et ont donc beaucoup à faire. Je les aide au jardin, ils rassemblent des matériaux... Et nous trouvons un petit moment dans la cour, au soleil, pour qu’ils me racontent leur projet.
Les débuts du projet En fait, les futurs écovillageois se sont inscrits dans une dynamique pré existante. Ce n’est donc pas un hasard si j’ai l’impression d’une grande communauté bien
Parcelle à vendre et son verger
établie, qui dépasse la parcelle de l’écolieu «officiel». Les habitants d’écossigny se sont justement rencontrés dans ce contexte. Le propriétaire des lieux tentait alors de mettre en place un écohameau d’une vingtaine de foyers à partir du terrain de la ferme et de ceux alentours, qui appartenaient à sa famille. Le projet, trop compliqué à mettre en oeuvre sans aide extérieure est rapidement tombé à l’eau et les terrains revendus. Or, entre temps le propriétaire avait engagé une recherche de co-habitants. Il avait pour cela organisé une fête au hameau de Cossigny, où se sont rencontrés les actuels propriétaires des lieux, Denis et son équipe. C’est grâce à cela que l’idée d’une vie collective à la campagne a pris corps dans la tête des écovillageois. Individuellement aucun d’entre eux n’avait eu l’idée de mettre en place un écohameau. Denis et sa femme envisageaient même de vendre leur pavillon pour s’installer à Paris, où Denis travaille encore. C’est petit à petit, par des rencontres asssociatives puis lors de cette fête à Cossigny que les choses se sont précisées avant de se concrétiser. L’un des terrains a vite trouvé preneur, et constitue un premier espace d’habitat
Ecossigny 1, maison boispaille autoconstruite
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Ecossigny 2, longère rénovée et conservée
Ecossigny 2, extension destinée a être détruite et reconstruite
partagé également nommé Ecossigny. Deux familles s’y sont donc installées et ont auto-construit une imposante maison bois-paille, aux dimensions comparables à une grande ferme briarde. Elle est aujourd’hui presque achevée, après deux ans de travaux. Il n’y manque plus que le bardage bois. C’est ensuite ce petit groupe qui se retrouve, et après quelques difficultés par rapport à l’achat du terrain, le temps que chaque foyer s’organise et trouve les fonds, ils démarrent le projet et achètent ce terrain.
Si l’installation des premiers foyers s’est organisée au sein du groupe, Denis et sa femme, ont fait appel à une équipe d’architectes pour leur espace. En effet cette partie de la ferme est considérée comme trop vésuste pour être conservée, en plus d’être trop petite, et, comme souvent, il serait bien plus coûteux de rénover l’existant que de détruire et reconstruire.
Relations avec la commune
Le lieu, la répartition des espaces L’écohameau est structuré autour de la maison rurale existante. Elle est de taille moyenne, composée d’une longère et d’une petite extension, le tout distribué par une cour commune. Deux foyers s’installent dans la longère et Denis et sa femme occuperont l’extension, une fois reconstruite. La longère est déjà occupée et renovée. Ils ont mis en place un compost, des toilettes sèches, une bassin de phyto-remédiation. Leur modeste jardin fait directement face au potager commun.
Potager collectif
L’accompagnement extérieur
Les relations sont distantes avec la mairie. Au delà du permis de construire il n’a pas eu de réel dialogue. z
Parcelles maraîchères
Biocoop
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ÉCOSSIGNY CE QUE J’EN RETIENS MON REGARD Ce qui me marque surtout dans ce projet c’est la dynamique qui existe déjà, et la diversité des paysages qu’elle crée à l’échelle du hameau. L’écohameau ce n’est pas seulement ce groupe de six habitants mais bien l’ensemble des voisins, ainsi que le maraîcher. Le paysage de l’écovillage est bien au reflet de ces valeurs : ouvert, les parcelles des habitants engagés dans ce processus ne sont pas séparées par des haies nettes. Il y a une continuité visuelle, spatiale et fonctionnelle entre espaces habités et cultivés. Les séparations et espaces plus intimes sont générés au sein du bâti, par la présence d’une cour, et grâce à une haie qui forme une lisière douce avec le potager, et via le verger de la parcelle en vente.
de loin ces projets, les avoir laissé faire mais sans encourager ni les uns ni les autres. Or, dans cette campagne périurbaine où les dynamiques sont diverses et la pression foncière forte, il suffirait d’un projet qui engrenge davantage de revenus pour la commune pour que le mouvement retombe. Le PLU de la commune a été approuvé en 2016 avec des objectifs classiques de densification du bourg existant. Les hameaux n’ont à priori pas vocation à connaître des extensions ou un changement de destination. Le cadre est donc fixé dans le sens d’une préservation de l’existant, sans qu’il y ait de réel projet pour ces espaces.1
Le nouveau projet Ecossigny est venu s’inscrire au sein d’un projet préexistant. La dynamique a eu le temps de s’inscrire dans le temps et dans l’espace de Cossigny. Il s’agit donc d’un espace d’habitat collectif au sein de ce projet plus large. Le paysage du hameau prend vie grâce à cette mise en réseau entre espaces habités et cultivés. A plus grande échelle le potager forme la lisière du hameau. Une logique communautaire y est en oeuvre, mais sans être fermée. D’une part le potager collectif n’est pas seulement à usage des habitants du hameau mais rayonne plus largement. D’autre part, l’ancien propriétaire a privilégié les co-habitants, presque l’ensemble des parcelles ont donc été achetées dans cette optique. La parcelle qui jouxte Ecossigny est encore en vente, et je ne peux qu’espérer qu’elle trouvera preneur auprès de citoyen.ne.s engagé.e.s dans la même démarche. Cette absence de projet à l’échelle du hameau rend les choses fragiles. Elles dépendent du bon vouloir de chacun.e des propriétaires et de celui du maraîcher. Suffirait-il d’un changement individuel pour que tout le hameau change de logique ? Comment conforter cette dynamique? Des ponts pourraient-ils davantage être trouvés entre l’éco hameau et le reste du village ? C’est là où la commune peut jouer un rôle selon moi. Elle parait n’avoir suivi que
Page de droite : en haut à gauche : le potager collectif ; en haut à droite : l’intérieur de l’écolieu, vue sur la longère d’Ecossigny ; en bas à gauche : vue globale vers l’écolieu ; en bas à droite : vue vers les parcelles du maraîchers, avec Denis
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ÉCOHAMEAU DU CHAMPS FOULON ST-CYR-EN-ARTHIES, VAL D’OISE ENTRETIEN AVEC CAMILLE ROCHÉ DE L’AGENCE PROMOTEUR DE COURTOISIE URBAINE
«Créée en 2012 par Rabia Enckell, la structure Promoteur de Courtoisie Urbaine S’inscrit dans une volonté de changer les modes de faire dans la production du logement avec comme objectif principal d’intégrer les futurs habitants, futurs acquéreurs dans la programmation et la conception de leurs logements. Elle est partie prenante d’une démarche plus large qu’est la troisième voie du logement, une alternative à la production classique» «Son rôle est d’assurer l’intermédiaire entre un groupe d’habitants et un porteur de projet d’habitat groupé (collectivité, promoteur, bailleur)» « Elle intervient ainsi à toutes les étapes clés du projet.»1
Document réalisé par Promoteur de Courtoisie Urbaine
St-Cyr-en-Arthies, Val d’Oise, Ile-de-France, commune de 230 habitants, au sein du Parc Naturel Régional du Vexin Français Projet initité par la commune, propriétaire du terrain et par le PNR Construction de 28 logements, avec une diversité de montages : location sociale, accession sociale, accession libre et coopérative en autoconstruction Projet actuel initié en 2015 11 ha de terrain
Le projet de l’éco hameau du Champs Foulon, initié par la commune qui disposait d’un terrain, et appuyé par le Parc Naturel Régional du Vexin Français, est un projet d’habitat collectif et participatif. Il va même plus loin que cela, car le projet d’habitat permet d’installer de nouveaux équipements et services dans la commune. C’est également un espace de mise en lien avec une activité agricole puisque l’un des futurs habitants s’installe en permaculture avec l’ambition de nourrir les habitants. Au sein du projet de l’éco hameau du Champs Foulon, l’atelier a un rôle d’ Assistant à Maîtrise d’Ouvrage (AMO). Un appel d’offre a été engagé suite à une étude de faisabilité réalisée par l’agence d’architecture Polimorph sur le terrain du projet déjà mis à disposition par la commune. Polimorph avait alors proposé de mettre en oeuvre un projet d’habitat participatif sur la parcelle disponible. Ont été sélectionné : Un promoteur, un 1 Source : http://promoteurdecourtoisieurbaine.com
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ÉCOHAMEAU DU CHAMPS FOULON CE QUE J’EN RETIENS bailleur social et une équipe d’AMO composée de Polimorph -garants de la mémoire du premier projet- et de Promoteur de courtoisie urbaine.
Le contexte local St-Cyr-en-Arthies est situé dans le PNR du Vexin Français à 40 kilomètres de Paris. Le village est voisin des villes de Mantes-la-Jolie et de Magny-en-Vexin. Il est situé dans le vallon des Rus du Roy, un affluent de la Seine. Directement liés aux paysages contrastés des boucles de la Seine, St-Cyr-en-Arthies fait le lien entre vallon et paysages des buttes et plateaux de l’Arthies. C’est un village très résidentiel, en dehors des grands axes de communication donc peu desservi. On y accède en bus depuis les gares les plus proches, celle de Mantes-la-Jolie notamment. La commune possède une école qui, malgré la pression foncière liée à la métropole, est menacée de fermeture. L’éco hameau a donc pour objectif d’apporter une nouvelle dynamique au village. Le PNR est moteur au sein du projet. Il s’agit d’une opération pilote pour le parc, éventuellement en vue de développer d’autres espaces de cohabitat.
L’articulation avec l’étude de faisabilité Le premier projet prévoyait cinq ilôts différents avec un bâti qui évoquait les corps de fermes. Finalement les ilôts sont plus linéaires, préservent un espace central ouvert. La maîtrise du cout de construction devait être respectée et avec les ambitions du projet, le coût du second principe était moins élevé. La maîtrise d’ouvrage est repartie du premier projet qui a servi de canevas, de base. Cette première forme avait cependant été définie avec les habitants du village existant et non pas avec les futurs habitants de l’éco hameau. A droite : Photographie de la parcelle, en relation directe avec le village, issue du site de l’architecte du projet, Angélique Chedemois Architectures, http://www.angeliquechedemois.com/
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Les habitants Il s’agit de personnes venant de Paris ou de banlieue parisienne, dont certains n’ont pas de voiture. Les futurs habitants sont venus avec plein de fantasmes sur l’éco hameau, avec l’idée de révolutionner leur mode de vie. Le projet constitue également un entre deux entre de l’habitat classique et alternatif, qui permet à des gens qui souhaitent vivre autrement sans révolutionner leurs habitudes de venir. Le cadre rural appelle d’autres représentations, notamment l’idée de nature. C’est un projet dense en imaginaire. Le projet d’habitat a aussi donné naissance à l’envie de nouveaux services ruraux : transports, points relais, salle de coworking, gîte, ferme en permaculture. Beaucoup de personnes ont saisi cette occasion pour se reconvertir, par exemple dans la médecine douce.
Les composantes du projet L’écohameau est organisé autour d’un grand espace central ouvert. Chaque logement dispose également d’ un petit jardin privatif de 30 à 100 m². En termes de dessin de l’espace, une des contraintes principales a été le risque d’inondations. Cette contrainte est devenue une donnée déterminante du projet au travers de bassins de rétentions qui structurent les espaces collectifs. Les paysagistes du projet, l’agence Dots, ont notamment travaillé sur l’inscription du hameau dans le paysage villageois particulièrement en termes de vis-à-vis. Au début du projet 23 maisons étaient prévues. Il y en a maintenant 28. On trouve différents montages immobiliers au sein du projet : - 5 logements sociaux - De l’accession libre avec achat sur plan et volume capable, qui permet à chacun A droite : En haut, un des ateliers avec les habitants et en bas à gauche maquette de scénarios, http://www.angeliquechedemois.com/ ; en bas à droite, scénarios morphologiques, http:// promoteurdecourtoisieurbaine.com
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ÉCOHAMEAU DU CHAMPS FOULON CE QUE J’EN RETIENS dé finir sa maison. - De l’accession sociale - Une coopérative d’habitants : Il s’agit de quelques foyers aux revenus insuffisants pour demander un prêt, ou qui ne souhaitent pas en demander un. La coopérative apporte alors une solidarité financière. Elle est composée de petites surfaces privatives et de surfaces partagées. Ses habitants forment le noyau dur du projet, sont très engagés et pour la plupart souhaitent un changement de vie. Par exemple l’un d’eux s’installe en permaculture avec l’idée de nourrir le hameau.
Etape et évolution du projet Le projet est actuellement en attente de validation par l’Architecte des Bâtiments de France, avant le début des travaux en 2018. Il y a un enjeu assez important car le projet doit à la fois être dans le respect de l’existant mais également innovant, notamment du point de vue environnemental.
Le coût de construction est fixe. Il est donc important de trouver des solutions économiques sans renier les exigences environnementales fondamentales au sein du projet. En effet c’est un projet passif énergétiquement, réalisés avec des matériaux locaux et bio sourcés.
Le processus collectif, l’accompagnement A partir de 2015 a débuté un travail d’un an de l’AMO avec un groupe d’habitants, avant l’intervention de la maîtrise d’œuvre. Celle-ci a ensuite pris le relais pour définir l’implantation du bâti, les sentiers et revêtements de sol etc. La dialogue avec les habitants s’est établi au début du projet au travers «d’ateliers d’intelligence collective» thématiques : qu’est-ce que chacun veut, en termes d’espaces, de relations au village, de perception du paysage... Avec l’idée de ne pas être chacun chez soi tout en préservant une certaine intimité. Chacun a un projet, une envie, porté.e.s à la fois par le collectif habitant et par l’accompagnement plus institutionnel. Puisqu’il ne s’agit pas d’un projet initié par les habitants, l’accompagnement est très important. Tout est fait pour que ce projet long et complexe voie le jour. Il y a donc une meilleure perception locale puisque le projet est porté par la commune. De nombreuses personnes et groupes se lancent dans des projets d’habitat partagés dans le cadre rural mais n’arrivent pas à obtenir de permis de construire car de nombreuses oppositions locales existent, cela peut être perçu comme un entre-soi.
Plan du projet issu du site internet d’Angélique Chedemois Architectures
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MON REGARD
servant la commune via la salle polyvalente communale, le café et l’espace de coworking.
Il s’agit du premier projet porté par une collectivité sur lequel je me suis penché. J’ai rapidement été séduite par le pont qu’il représente entre projets d’écovillages citoyens et projets d’habitat participatif. Les premiers peuvent facilement retomber, être difficilement acceptés localement et possèdent une économie qui dépend de quelques individus, du bon vouloir des banques ou d’opérations de financement participatifs. Quand aux second ils ne représentent pas le même engagement à plus grande échelle, sur les plans de l’innovation agricole et agro-écologique, sociale, environnementale, et de la gouvernance partagée à échelle locale.
Malgré tout cet accompagnement, le projet reste complexe à monter, avec une recherche toujours présente de qualité architecturale, paysagère, de matériaux biosourcés, tout en offrant des logements sociaux peu présents en milieu rural.
C’est d’ailleurs la belle conclusion du livre de Jonathan Dawson, Les écovillages: laboratoires de modes de vie éco-responsables, qui retrace l’histoire des écovillages et en étudie de nombreux exemples, dans le monde anglo-saxon notamment. Selon lui nous sommes à une période où il est capital de faire sortir les écovillages de la relative confidentialité dans laquelle ils sont restés depuis le début de leur développement. Et ce en s’associant aux pouvoirs publics pour permettre à des personnes aux revenus insuffisants de s’engager dans ces projets, ou à des personnes moins engagées d’y trouver également un intérêt. Et afin de dépasser les clivages et crispations que peuvent malheureusement provoquer les projets d’écovillages lorsqu’ils sont vus comme des entre soi. C’est ce que semble permettre le projet de l’éco hameau du champs foulon. Il bénéficie du regard de professionels qui sont les médiateurs du projet et permettent d’établir une concertation guidée, tout en utilisant des compétences propres à leurs différents regards de paysagistes, architectes, urbanistes... Il a également été établit de concert entre la commune et le PNR, sur une parcelle qui appartenait à la commune, dans des conditions qui paraissent donc idéales. Et ce d’autant plus que la parcelle est positionnée entre la partie ancienne et une petite partie pavillonnaire qui sont aujourd’hui discontinues. Elle permettra donc d’assurer une meilleure liaison entre les différents espaces du villages tout en
Les espaces ont été travaillés de manière a se placer dans la continuité des espaces du villages, ils sont structurés par les bassins et donc par le travail sur la topographie.Ce projet semble également faire lien entre société urbaine et rurale, entre image de la campagne et pratique de celle-ci. Spatialement d’une part via l’organisation de l’éco hameau autour d’un jardin partagé mais également d’un point de vue du fonctionnement, puisque l’un des habitants développe son exploitation en permaculture. La lisière de l’éco hameau, une des nouvelles lisières du village s’appuie sur un verger communal, qui forme une transition d’avec une parcelle de blé enclavée dans le village. Il n’y a pas eu au delà de ça de travail quand aux relations directes entre écovillage. D’autre part il s’agit d’un contexte rural mais aux influences métropolitaines. Nous sommes à 40km de la capitale et la plupart des habitants viennent de région parisienne. La question sociale prend d’autant plus de sens que l’on est proche de la métropole parisienne à la forte pression foncière. Reste donc maintenant à voir la matérialisation de ce projet. Une partie des bâtiments sera auto construite par les habitants. Quelles seront par ailleurs les étapes de mise en place des espaces ? Y aura-t-il une préfiguration des bâtis via l’instauration de chemins dans un premier temps ? On peut imaginer le développement d’autres lieux de ce type au sein du territoire puisqu’il s’agit d’une première expérimentation du PNR du Vexin Français. Et donc des manières renouvelées d’habiter la campagne. Ce projet constitue donc pour moi un exemple en termes de processus comme de spatialisation, via la multifonctionnalité des espaces, le travail sur la topographie comme le lien direct au village.
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LA FERME DE MONTAQUOY
SOISY-SUR-ÉCOLE, ESSONNE XAVIER POINT, CO-FONDATEUR DE CPACPS
Documents tirés de la présentation du projet par CPA-CPS
Soisy-sur-Ecole, Essonne, Ile-de-France, commune de 1367 habitants, au sein du Parc Naturel Régional du Gâtinais Français Projet intitié par la propriétaire de la ferme (transformation de celle-ci), et par cpacps (maitrise d’ouvrage de l’habitat participatif), soutenu par la commune et le PNR du Gâtinais français, agrof’île (agroforesterie sols vivants) et a-tipic (organisation spécialisée dans l’accompagnement de projets d’habitat participatif) Construction d’une
vingtaine de logements d’habitat participatif, conjointement à
la transformation de la ferme de
Montaquoy
l’ouverture d’ateliers de travail en son sein
vers une activité d’agroforesterie et
Projet initié en 2017 Parcelle d’habitat de 3800m², jardin-verger associé de 1000m²
«Promoteur spécialisé dans la maîtrise d’ouvrage de projets d’habitat participatif, Cpa-Cps assure le portage financier et le pilotage du projet, et tout particulièrement des ateliers de conception qui réunissent le promoteur (maître d’ouvrage), les architectes (maître d’œuvre) et les futurs habitants (maîtres d’usage). Ce triptyque travaille en collaboration étroite jusqu’au dépôt du permis de construire, qui intervient dans les 6 mois suivant le lancement du projet. Les habitants acquièrent leur logement en VEFA (vente en l’état futur d’achèvement), dispositif d’achat « sur plan » sécurisé et éprouvé. L’agence d’architecture M’CUB, qui a été choisie pour réaliser le projet, dispose d’une double compétence, en termes de participation des habitants et de mise en œuvre de systèmes constructifs écologiques et innovants.»1
La ferme, le point de départ C’est un projet d’habitat participatif associé à la question de la réactivation d’une ferme assez importante, qui a toujours une activité agricole mais dont les locaux sont désaffectés.Il y a aujourd’hui 250 ha de terres et une seule personne pour les gérer. Il s’agit actuellement d’agriculture presque intensive, avec des cultures de céréales et de betteraves. Les locaux étaient initialement liés à l’activité animale, 90% des locaux sont donc maintenant inoccupés. Les propriétaires de la ferme engagent une mutation vers de l’agroforesterie. C’est dans ce processus que 1 Plaquette de présentation du projet par cpa-cps Page de droite et pages duivantes : Photos issues du site internet de cpa-cps - A droite : vue sur la ferme de Montaquoy
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LA FERME DE MONTAQUOY
CE QUE J’EN RETIENS
CPA-CPS s’inscrit. En effet l’agence est associée sur un autre projet à la Villette avec Agnès Sourisseau d’Agrof’Ile, une émanation de l’Association française d’agroforesterie. C’est par ce biais qu’ils ont été mis en contact avec la ferme de Montaquoy. Le projet s’articule autour de trois composantes : habiter, cultiver et travailler. Travailler dans le sens de développer des activités artistiques et artisanales dans les locaux vacants de la ferme, cultiver c’est-à-dire développer l’agroforesterie sur la ferme de Montaquoy et habiter, développer un nouvel espace d’habitat participatif sur une parcelle proche de celle de la ferme. Le projet d’habitat s’inscrit donc dans un processus global. L’idée est de lier ces trois composantes, de les faire communiquer : «On a été appelé par la ferme parce qu’ils avaient leur projet d’activité, ils ne savaient pas comment faire. Un promoteur leur avait proposé d’acheter un terrain à côté mais qui ne leur convenait pas du tout. Ils avaient une volonté d’un projet sur le terrain en face de chez eux qui soit éco-responsable, qui aie cette dimension esthétique et de paysage, qui s’intègre, et pas du pavillon phénix.(...)» L’habitat est également vu comme un lieu de mixité sociale et intergénérationnelle. Ce travail est donc accompagné par un bailleur social, afin d’obtenir une diversité de montages entre accession libre, accession aidée et peut-être locatif social CPA-CPS ne va pas intervenir sur les 250 ha de la ferme. L’idée est de joindre une parcelle agricole au projet d’habitat, qui sera investie par les futurs habitants.Il s’agira d’un lieu de réflexion et de mise en pratique de l’agro-écologie.
Etapes et processus Pour mettre en oeuvre toutes les composantes du projet, il fallait donc récupérer les parcelles destinées à l’espace d’habitat. Un des principes de l’agence est de faire un projet de bonne qualité d’un point de vue spatial et architectural -ce qui implique plus de dépenses- tout en vendant moins cher. Le coût initial du
foncier devait donc être assez bas. «(...)En milieu rural c’est compliqué. Il y a un prix en agence, mais personne n’achète ces terrains. Donc la valeur, elle est liée au projet.» Suite à ces premières étapes, il fallait donner corps au projet, l’ouvrir afin de commencer à rencontrer des personnes intéressées. Une journée de lancement a donc été mise en place le 2 décembre 2017, et a remporté un franc succès avec la présence de 80 personnes. La forme de la journée de lancement a aussi bien permis à des personnes extérieures au village de se pencher sur le projet comme aux locaux d’en comprendre les différentes composantes. La réunion était informelle et festive, entre conférences sur le projet comme sur d’autres thématiques telles que sur l’agroforesterie, visite et repas. Il s’agissait d’un bon moyen de dépasser les clivages et les à prioris pour les actuels habitants de Soisy.
Le contexte local et les enjeux sociaux Soisy-sur-Ecole est une commune de 1400 habitants environs située à 52 kilomètres de Paris. Il n’y a pas de transports en communs mais une liaison rapide et aisée jusqu’à Paris via l’A6 située à 5/10 minutes du village. Les habitants sont donc nécessairement dépendants de la voiture. Sur les plans sociaux et démographiques Xavier Point résume de la manière suivante les grandes dynamiques démographiques et sociales qui touchent la commune, et auxquelles répondent la mise en place de logements en accession aidée au sein du projet : «Ce qui était intéressant dans les discussions qu’on a eues avec les acteurs locaux c’est de voir comment, même si ce n’est pas très cher, il est difficile de trouver un t2 ou un t3 dans les budgets de jeunes couples. Il y a principalement des pavillons de minimum 90 ou 100 m². Les jeunes se retournent donc vers du logement social ou vont habiter dans des grandes villes, comme à CorbeilEssonne. Ils s’en vont de communes comme Soisy, donc la population vieillit, et la commune s’embourgeoise ou se dépeuple. Il y a donc un vrai problème de long terme sur la façon dont se structure la population dans une commune
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comme Soisy. D’où l’importance dans ces situations d’aider des gens à accéder à la propriété, des gens pour qui c’est impossible dans un contexte normal. C’est un des enjeux du projet.»
Relations avec les acteurs de la commune et du PNR Contrairement au projet de l’Eco hameau du Champs Foulon, le projet n’a pas été impulsé par la sphère institutionnelle. La commune et le Parc Naturel Régional sont venus appuyer le projet dans un second temps. La réunion de lancement a donc été une confirmation de l’appui local du projet. En effet la commune émettait certaines craintes quant à la manière dont le projet allait être perçu localement. Contrairement à une réunion publique, avec un rapport frontal entre institutions et habitants, la réunion était assez informelle et s’adressait directement aux habitants du village : « (...) Un projet anonyme n’a pas d’ami, il n’a que des ennemis. Il a des clients et des ennemis. Alors que nous, on a vu, après la journée du 2 « Moi je suis venu parce que c’est mon village et que je trouve ça vraiment bien ». C’est un projet incluant, et ça change tout.»
Les futurs habitants Les premières personnes intéressées se sont donc manifestées lors de la réunion de lancement du projet. Il s’agit aussi bien de locaux que de personnes venant de région parisienne. «C’est ça la force d’un projet mixte avec la ferme et l’activité à côté, c’est qu’il y a des gens qui viennent pour les deux et qui ne viendraient pas que pour le logement ou que pour l’activité. Donc c’est cette force, cette dynamique qu’on essaie d’impulser à travers cette mixité de fonctions.»
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LA FERME DE MONTAQUOY
CE QUE J’EN RETIENS
L’objectif est d’avoir une vingtaine de logements au sein du projet. Il y a aujourd’hui huit foyers intéressés. Il s’agit principalement de personnes seules, quinquagénaires. Il semblerait que ce soit notamment dû à l’utilisation du réseau Colibris. Certaines sont déjà «impliquées» et actives au niveau social, associatif, tandis que d’autres foyers recherchent «une forme de solidarité de relations».
Les étapes en cours Suite à la réunion du 2 décembre il s’agit de structurer le groupe. Il faut donc confirmer la motivation et l’engagement des premières personnes qui se sont manifestées, et aller chercher des foyers aux profils complémentaires. «(...) Si notre objectif c’est la mixité et l’accession aidée, la mixité à la fois intergénérationnelle et financière, ça veut dire qu’au regard du groupe qu’on a il va falloir aller chercher des gens différents.»
Sur l’accompagnement «On part du principe que pour qu’un projet soit le plus divers possible et justement profite à des gens qui n’ont pas les moyens de se lancer dans l’aventure, il faut qu’on les porte, il faut qu’on finance, il faut qu’on structure le projet. » Xavier Point revendique clairement la question de l’accompagnement, pour permettre au projet de se développer et qu’une réelle mixité sociale puisse émerger au sein de l’espace d’habitat. Il considère que : «La question de quelqu’un qui prend le risque mais qui permet quand même aux habitants de profiter.. C’est un peu le beurre et l’argent du beurre (...). Mais effectivement, ça implique qu’il y ait un professionnel.»
on doit chercher la multiplicité des modèles. Et c’est ça qui fait sa force, donc je ne suis pas en train de dire que c’est notre modèle qui doit dominer les autres mais justement c’est la diversité des modèles qui va faire que tout monde va être inclus dans le processus.» «Le bailleur social ou le logement social, c’est une notion de se loger, alors que pour nous, la question d’un habitat, c’est habiter, c’est autre chose.» Il souligne bien l’importance du mot habiter, qui va au delà de se loger mais correspond au fait de bien vivre ensemble.
Relations au paysage Un premier dessin a déjà été établi dans l’unique but d’estimer la capacité foncière et estimer le nombre de logements. Il faudra reprendre depuis le départ une fois le groupe d’habitants constitués. La question du paysage sera alors centrale dans le projet. Ils sera accompagné par une paysagiste, à priori par Agnès Sourisseau, paysagiste et agricultrice, responsable du réseau Agrof’Ile: «Elle va travailler autant sur la question de l’aménagement du site en termes paysagers que sur le projet « pédagogique » lié à l’agroforesterie et au terrain agricole.» Il y aura également une attention à porter à la gestion de l’eau puisqu’un ru passe sous le terrain. Il s’agira donc de structurer le projet autour de cette donnée à l’échelle de la parcelle, et de porter un regard sur les relations de la parcelle aux paysages agricoles comme villageois. 1
Mais sans invalider pour autant les initiatives citoyennes : «L’habitat participatif, c’est ça qui est intéressant, c’est vraiment un espace où
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MON REGARD Le lien entre cultiver, habiter et travailler a immédiatement retenu mon attention. Lier agro-foresterie, activités artisanales et nouvel espace d’habitat c’est créer un nouveau système spatial, économique, écologique également via une revitalisation des sols par l’agroforesterie. Il s’agit donc de développer un nouveau système paysager à l’échelle du village de Soisy-sur-Ecole. Cette dimension systémique me semble essentielle dans les nouvelles manières d’habiter la campagne, vers une multifonctionnalité de l’agriculture comme des espaces d’habitats eux mêmes, chacun tendant un pont vers l’autre. Il s’agit également de travailler sur les lisières des espaces habités, par la présence d’une parcelle partagée par les habitants et via l’introduction de l’arbre en agro- foresterie. Au delà de la mixité d’activité, la mixité sociale est un élément clef de ce projet, tout comme dans le projet du champ Foulon. Mixité qui apportera une nouvelle dynamique au village. Et comme au sein du projet du champ Foulon le projet est soutenu par les institutions que sont la commune et le Parc Naturel Régional ici celui du Gâtinais français. Les PNR joue le rôle de «facilitateur» de projet, et contribuent largement à la réussite de ceux-ci. Ils les font bénéficier de leurs réseaux et peuvent permettre d’étendre ce type d’opérations innovantes à d’autres lieux au sein de leurs territoires. Ce projet n’en étant qu’à ses débuts, il est cependant difficile pour moi d’en parler davantage. Malgré cela, il me montre des outils que je souhaite moi-même explorer dans la suite de ce travail : lien entre espaces habités et cultivés par l’agroforesterie, structure de la ferme comme point d’accroche pour une revitalisation à l’échelle du village, réflexion sur de nouveaux espaces de travail et de création... L’étude de celui-ci m’aura également doté de matière intellectuelle quant au rôle du professionnel dans ces projets partagés et par rapport aux problématiques rencontrées dans l’habitat participatif en termes de montage et d’économie de projet.
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RÉFLEXIONS ET BILANS DE CES ÉCHANGES ET VISITES PLUS DE DIVERSITÉ DANS LES PAYSAGES HABITÉS Comme la plupart des initiatives sur lesquelles je me suis concentrée ne sont pas encore matérialisées, il n’est pas aisé d’émettre des conclusions claires quant aux paysages qu’ils induisent. Cela dit, il ressort une grande richesse de ces initatives et un grand intérêt d’un point de vue des systèmes paysagers qu’ils ambitionnent de matérialiser. Cela repose selon moi sur la diversité de formes habitées que ceux-ci introduisent. Ils viennent notamment contraster et faire le lien entre parties plus anciennes du village et espaces pavillonnaires, les réconcilient en quelques sortes. Ils introduisent de nouveaux espaces publics et partagés, et ce aussi bien dans les projets d’Ecossigny, du champ Foulon que de la Ferme de Montaquoy. Celui de la rêverie du Loupier reste encore quelque peu replié sur lui même, a besoin de trouver des habitants et donc une dynamique d’ouverture pour mieux s’ancrer localement. Les espaces partagés servent notamment à la gestion des eaux de pluie, via des bassins de rétention et/ ou de phytoépuration, qui diversifient les micropaysages du village. Ils introduisent également des formes architecturales qui réhabilitent et/ou réinterprètent les formes locales d’architecture, via des techniques bioclimatiques et des matériaux biosourcés.
DES PONTS ENTRE PROJETS CLASSIQUES ET MARGINAUX, ENTRE DÉSIR DE CAMPAGNE ET ENGAGEMENTS Il est intéressant de souligner qu’il s’agit dans les campagnes franciliennes et proches d’Ile-de-France d’un phénomène particulièrement récent et encore assez marginal. De nombreux espaces d’habitat participatif se sont en revanche constitués dans les espaces urbains régionaux. En effet dans l’imaginaire collectif, la campagne désirée est plutôt celle du Sud de la France, loin de grands centres urbains, le «grand rural». Les PNR qui entourent Paris ont cependant contribué à faire connaître et à donner une image positive de ces territoires, que ce soit dans le Vexin français, le Gâtinais français ou dans la Haute Vallée de la Chevreuse. Les deux derniers projets présentent des typologies intermédiaires entre éco-vil-
lage et habitat participatif. L’éco hameau du champ Foulon fait cela via différentes typologies d’habitat et grâce à la coopérative constituée d’habitants plus engagés dans la transformation de leurs modes de vie. Le projet de la ferme de Montaquoy porte cette ouverture dans ses caractéristiques principales : ses trois axes, entre habitat participatif, agroforesterie, et travail artisanal et artistique. Je pense que c’est via ce type de projet que pourront se développer et se pérenniser des modes différents d’habiter la campagne. Cela répond bien selon moi au fait que les habitants de la campagne ne sont plus agriculteurs et adoptent des pratiques urbaines. Ces projets ne peuvent donc à mon avis s’inscrire durablement dans un territoire que si les acteurs politiques et institutionnels les encouragent mais s’appuient également sur ceux-ci dans un but de développement local.
DES RÉPONSES À DES PROBLÉMATIQUES SOCIO-DÉMOGRAPHIQUES La métropole du Grand Paris a vu le jour en janvier 2016. Et avec elle les projets du Grand Paris Express comme de nombreux projets urbains et immobiliers. L’augmentation des prix du foncier qui y est associée, notamment à proximité du nouveau métro créée-t-elle un effet de frontière à l’échelle régionale ? Qui repousse certains foyers d’autant plus loin du centre de Paris ? Je ne peux que laisser en suspens cette question, puisque le recul est aujourd’hui insuffisant face à ces questions métropolitaines. Il me paraît néanmoins difficile de penser que le Grand Paris n’aura pas de répercussions foncières, donc démographiques et donc en termes d’évolution des paysages à l’échelle du bassin parisien. Dans quelle mesure ces projets peuvent-ils répondre à une recomposition territoriale et une diversification des modes d’habiter sur un territoire aux influences métropolitaines ? Comme l’a bien décrypté Xavier Point, ceux-ci permettent une accession à la propriété à des foyers qui en auraient été incapables dans un projet classique. Ils offrent par exemple la possibilité d’habiter à la campagne à de jeunes actifs qui gardent des attaches professionnelles en région parisienne. Ainsi des petites communes sont redynamisées par l’arrivée d’une population diverse et plus jeune, et
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bénéficie également sur le plan des services des avantages de ces projet.
MOTIVATIONS ET REPRÉSENTATIONS Les différents citoyens que j’ai interrogé ont découvert ces initiatives «par hasard», par le biais de rencontres. Bien que ce ne soit pas suffisant pour établir quelques statitistiques que ce soit, il me semble que ces projets sont peu connus et circulent surtout via des réseaux tels que les Colibris. Les différents récits que j’ai recueillis m’ont confirmé certaines hypothèses que j’avais. Ils m’ont permis de les nuancer et de les complexifier. Ainsi, toutes les personnes rencontrées partent soit du souhait d’habiter à la campagne soit d’une volonté de changement afin d’accorder leurs modes de vie avec des valeurs écologiques, une envie d’être plus proche de la «nature». Ils sont tous unis par la volonté initiale de sortir d’un certain isolement, et donc d’habiter de manière plus collective. Pour ceux qui viennent de milieux ruraux c’est cette dernière raison qui ressort notamment. Certaines personnes profitent de ce changement de mode de vie pour se tourner vers des métiers qui font davantage sens pour eux : reconversion vers la médecine douce ou encore démarrage d’une activité agricole, généralement en permaculture. La proximité relative de Paris par rapport aux initiatives étudiées permet cependant à le plupart de conserver leur emploi, ce qui motive de manière non négligeable le développement de ces projets en région Parisienne. Hormis Denis et Claire qui étudiaient l’éventualité de retourner à Paris, toutes les autres personnes que j’ai rencontrées m’ont rapidement parlé d’un désir de campagne, d’une envie de «nature» et d’être plus proche de la terre.
DÉVELOPPEMENT DE CES PROJETS Entre le début de mon travail de diplôme et la rédaction de celui-ci, le nombre de projets répertoriés sur le site des Colibris en territoires ruraux franciliens a nettement augmenté, notamment dans le Val d’Oise au sein du PNR du Vexin Français. J’imagine et espère que ce phénomène continuera à s’amplifier dans les
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années à venir, dans ces territoires où les pratiques agricoles sont très largement tournées vers de grandes cultures céréalières et fourragères intensives. Je pense qu’une meilleure répartition territoriale peut être encouragée grâce à ces projets, permettant de renouveler les paysages habités. Pour cela je crois qu’un travail d’accompagnement et une vision globale est importante et nécessaire. C’est aussi où le travail du paysagiste prend toute sa pertinence.
LA PLACE DES PROFESSIONNELS, LA PLACE DU PAYSAGISTE Au vu de ces projets et bien que certains processus citoyens réussissent à voir le jour, il me semble que dans une optique de développement à long terme de manières alternatives d’habiter à la campagne l’accompagnement institutionnel et le regard professionel sont capitaux. Parce que trouver des financements est complexe, que le facteur humain est d’autant mieux géré si un tiers est là pour mettre en place une bonne communication dès le départ, et évidemment parce que cela permet d’aller plus loin dans le projet, spatialement comme en termes de systèmes et d’économie locale. Cela pemet de travailler plus facilement avec la commune sur le foncier afin de connecter nouveaux espaces habités et espaces existants bâtis comme agricoles, d’avoir un meilleur ancrage local, notamment par rapport aux habitants présents, et de mutualiser certains espaces, comme dans l’exemple de la salle polyvente communale ou du café dans le projet de l’éco hameau du champs foulon. Dans ce cadre là les projets ne sont pas repliés sur eux même et répondent d’autant mieux selon moi aux objecctifs de l’écovillage de s’inscire dans un changement de mentalité et de pratiques à échelle globale par une action locale. Il y a sous cette question d’accompagnement également la question du «pour qui?» du projet. Les citoyens qui peuvent initier de manière indépendante la mise en oeuvre d’un éco-lieu bénéficient naturellement d’un certain privilège culturel -ils ont accès à ces questionnements et ces démarches- et/ou financier. Et même avec ces «privilèges» cela demeure très couteux, long, complexe, et énergivore de mettre en place ce type de projet pour des citoyens. Que font-ils de leur pro-
fession pendant ce temps là ? Ils ne peuvent en effet pas immédiatement vivre en autonomie alimentaire, la phase de transition peut donc être d’une grande difficulté. Et les banques sont souvent frileuses face à ces projets marginaux. Ce sont donc généralement des personnes exerçant des professions indépendantes ou des retraités, qui peuvent se mettre en association ou en collectif pour aller chercher des fonds. Ces contraintes réduisent immédiatement le nombre de personnes qui peuvent avoir accès aux éco-habitats en milieu rural. J’inscris également ici la question de la légitimité. Ce sont notamment les propos de Xavier Point qui ont nourri ma réflexion sur ce sujet. Après avoir vécu de l’intérieur la mise en oeuvre de son propre projet d’habitat participatif -à l’origine de l’agence cpa-cps-, il s’est bien rendu compte de la nécessité de l’accompagnement. D’autre part il a souligné le mythe assez français du processus habitant, selon lequel ce serait une sorte de phénomène magique. Car il ne s’agit pas d’un processus qui se met en place naturellement, de lui même, sans efforts et remises en questions. C’est d’ailleurs le facteur humain qui empêche un important nombre d’éco-lieux de voir le jour. C’est bien une force qui peut être canalisée de manière partagée. Il est question dans les projets accompagnés d’un travail et d’un engagement de chacun, habitant comme professionnel, et d’une prise de responsabilité de tous, vers une montée en projet qui peut prendre de l’ampleur grâce à l’accompagnement. Il me semble également que les paysagistes pourraient avoir davantage de responsabilités dans ce type de projet. En termes de relations au village, de compréhension de ses espaces, de gestion de la topographie, de hiérarchisation des échelles, de volumes et matériaux bâtis et de continuités végétales, de regard sur l’agriculture et sur les liens entre espaces d’habitat et espaces cultivés, en termes de relations aux différents acteurs et aux capacités de médiation.... Voilà autant de points où le paysagiste me semble à même de répondre à ce type de projets. Et ce, évidemment, au sein d’une équipe pluridisciplinaire où un portage indépendant et une maîtrise d’ouvrage de qualité sont essentiels.
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TERRITORIALISER - 68 -
HABITER LE BOCAGE GÂTINAIS «AUTREMENT»
LE BOCAGE GÂTINAIS
CAMPAGNE HABITÉE AUX PORTES DE LA MÉTROPOLE
Seine-et-Marne, région Ile-de-France Yonne, région Bourgogne-FrancheComté Loiret, région Centre-Val de Loire Bocage Gâtinais, ensemble paysager transfrontalier
J’ai choisi de porter un regard global sur les paysages du Bocage Gâtinais, et de me centrer sur le Nord de cette large unité paysagère, délimitée par l’Yonne à l’Est, le Loing à l’Ouest, et son affluent le Betz au Sud. Le territoire choisi est un territoire «transition», entre ancrage rural et influences métropolitaines. Directement dans l’aire d’influence de Paris, et dans celle de Sens pour le Sud-Est du territoire, il n’en reste pas moins majoritairement rural, d’une densité de 55 habitants par km² et avec 74 % de son sol dédié à une agriculture majoritairement céréalière. Soumis à une large hausse démographique dans la seconde moitié du XX°siècle, la croissance démographique du territoire s’est poursuivie de manière régulière avec l’arrivée de plus de 10 000 habitants depuis 1990. Ainsi, un Parc Naturel Régional y était en projet jusqu’en 2017 afin de répondre à l’enjeu suivant : «(...)le territoire du Bocage gâtinais (...) doit aujourd’hui repenser son développement de manière durable pour préserver son identité tout en trouvant sa place dans les dynamiques du bassin parisien.» Un processus de protection et de mise en valeur de ce territoire est aujourd’hui à l’oeuvre, avec pour leitmotiv de préserver les paysages de campagne tout en dyamisant ce territoire. Il s’agit également pour ce territoire frontière entre 3 régions et 3 départements (Seine-et-Marne en Ile-de-France, Yonne en Bourgogne et Loiret en région Centre) de trouver une cohérence de gestion. La question de la définition de la campagne se posait particulièrement dans le cadre de ce projet : celui-ci était issu d’une volonté d’identification d’une entité singulière, tout en étant intégré dans un système métropolitain par sa qualité de parc et sa valorisation touristique. J’ai tout d’abord cherché à saisir la cohérence paysagère de ce territoire, ses unités et motifs récurrents. J’ai dans un premier temps parcouru largement ces paysages entre Nemours et Sens, afin d’en saisir les grandes caractéristiques, sans rentrer dans le détail de ses espaces quotidiens. Je propose tout d’abord une vision comme «extérieure», en recherche de repères paysagers et d’une compréhension globale des paysages habités.
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Fontainebleau
Le B etz
Le B e tz
a C l é LOING, YONNE ET BETZ TERRITOIRE D’ÉTUDE ÉLARGI : BOCAGE GÂTINAISLENTRE r y
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VU DE LOIN STRUCTURE PAYSAGÈRE
FONTAINEBLEAU
UN BOCAGE SANS HAIES ? MOTIFS PAYSAGERS Le Bocage Gâtinais est délimité par deux larges vallées affluentes de celle de la Seine : Vallée de L’Yonne côté Est et vallée du Loing côté Ouest. La première se jette dans la Seine au niveau de Montereau-Fault-Yonne, la seconde au niveau de Champagne-sur-Seine. Ce territoire possède donc des limites géographiques claires. Il s’agit de paysages de plateaux plus ou moins inclinés, eux mêmes creu- NEMOURS sés par les vallons de l’Orvanne et du Lunain, affluents du Loing, et du Betz. La partie Nord des plateaux est doucement inclinée vers la Seine, et ses vues lointaines, qui font exception sur le territoire, révèlent les horizonx urbains des boucles du fleuve en direction de Fontainebleau puis de Melun. Le champ de vision se fait profond, et de grands ensembles et autres industries élèvent leur lointaine verticalité. Ce troisième plan constraste alors avec l’horizontalité doucement ondulée des plateaux; cultivés de maïs, de colza, de betterave et de blé. Là où l’horizon ne descend pas vers le Nord-Ouest, au niveau de petits plateaux et à proximité des vallons, la regard s’arrête sur des boisements découpés. Ce sont ces boisements, dus à la géomorphologie variée du territoire, qui donnent le nom de «bocage» au territoire.En effet, contrairement à l’ensemble du territoire francilien sur des affleurements du tertiaire, le Bocage Gâtinais a une géologie à la fois marquée par le tertiaire et le quaternaire. Ainsi, les boisements découpés sont marqueurs de résurgences de sables de Fontainebleau, ou de poudingue -formation sédimentaire argilo-calcaire et pierreuse -, et sont répartis sur l’ensemble du territoire. Ce sont des figures caractéristiques des paysages, qui servaient notamment à équilibrer ses sols pierreux, de «gâtine», et relativement pauvres. Deux vallons creusent ces plateaux, celui du Lunain et celui de l’Orvanne. En aval, le Lunain présente un fond de vallon clairement dessiné qui préserve de nombreuses prairies humides. Le val de l’Orvanne est plus resserré au Nord, ponctuellement contraint par des buttes boisées de roche calcaire. A partir de Flagy, le val se fait plus ouvert, les versants assez doux, et les villages peuvent aisément s’installer dans ces replats.
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VILLE
NANTEAU-SUR-LUNAIN
lORREZ-LE-BOCAGEPREAUX
Le parcellaire est par endroit laniéré -dans les fond de vallons ou à proximité des villages- mais il est surtout rectangulaire, signal de remembrements dans la seconde moitié du XX° siècle. Ainsi, les exploitations agricoles des plateaux, tournées vers la grande culture céréalière et d’oléoprotéagineux, blé tendre, orge et colza en tête, ont des surfaces moyennes de 120 hectares. Du fait de la qualité du sol et la présence de boisement, et malgré un certain remembrement à la fin du XX° siècle, les exxploitations restent relativement découpées, avec en moyenne 17 îlots différents pour une exploitation.1
MONTEREAU-FAULT-YONNE
ECERF
DORMELLES
FLAGY MONTMACHOUX
On retrouve plusieurs grands motifs paysagers, au reflet des reliefs et de la géomorphologie du territoire. Deux grands motifs spatiaux : l’ouverture des plateaux et la fermeture des vallons, et au sein de ceux-ci des éléments de repères, les villages groupés et les boisements découpés.Ces motifs communiquent, se contrastent mutuellement, rythment le paysage. Les villages s’appuient sur les boisements, les boisements font le relais entre vallons et plateaux, les plateaux cultivés sont cernés par les boisements qui eux même redescendent vers les vallons... C’est particulièrement la partie francilienne du territoire, qui correspond au rebord de plateau sur laquelle je me centrerai, et plus particulièrement autour de la partie classée du val de l’Orvanne, dont je développe plus loin les enjeux.
VOULX
1 IAU îdF – Étude de faisabilité du projet de Parc naturel régional du Bocage Gâtinais – Septembre 2015
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VU DE LOIN
MOTIFS PAYSAGERS OUVERTURE : PLATEAUX
Plateau de St-Valérien FERMETURE : VALLONS
Val de l’Orvanne au niveau de Thoury-férottes - 74 -
REPÈRES : VILLAGES, RÉSEAU EN ÉTOILE
Vue sur Flagy depuis le Sud REPÈRES : BOISEMENTS DÉCOUPÉS À L’HORIZON
Boisements entre Voulx et Montmachoux -75 -
VU DE LOIN
MOTIFS PAYSAGERS
MOTIF CENTRAL DE L’HABITER, IMPLANTATION DES ÉTABLISSEMENTS HUMAINS
Les villages sont groupés sous formes de petits villages compacts, quoique souvent accompagnés d’un ou deux hameaux. Au Sud-Est du territoire on remarque une trame plus dense, et du bâti plus diffus. La géologie étant assez diversifiée dans cette partie du bassin parisien, puisqu’il s’agit d’un espace de transition entre plateau de la Brie , de la Beauce, et résurgences du massif de Fontainebleau, les bourgs sont largement répartis sur l’ensemble du territoire. Leur implantation suit évidemment les caractéristiques géomorphologiques et topographiques du territoire. La plupart des villages sont à cheval entre deux affleurements géologiques, qui influent ainsi sur le sol et les différencient. Le finage traditionnel du village optimisait donc les potentiels des différents terroirs pour mettre en place des cultures complémentaires, traditionnellement de polyculture-élevage. Les espaces où affleurent loess et limons, qui donnent des sols très fertiles, sont systématiquement cultivés. A contrario, là où l’on trouve des sables de Fontainebleau ou encore de la poudingue, formation sédimentaire argilo-calcaire et pierreuse, les boisements caractéristiques des paysages se font plus fréquents. D’autre part, la cartographie de la densité semble révéler une disymétrie entre les différents départements : la trame des villages est plus lisible en Seine-et-Marne que dans le Loiret ou l’Yonne où le bâti est plus diffus. Effectivement, le coût du foncier est plus élevé dans la partie francilienne du territoire, ce qui a rendu le Sud plus attractif. On peut également supposer que les politiques d’urbanismes et les protections ont été plus restrictives en Ile-de-France.
Affleurements géologiques et occupation du sol A’ B’ A Implantation du bâti
B - 76 -
Coupe transversale AA’ sur les paysages de rebord de plateau Val du Lunain
Val de l’Orvanne
Nonville
Villemer
Village de fond de valllée
Pilliers, Villecerf
Parc du Château de St-Ange
Vallée l’Yonne
de
Ville-St-Jacques D606
Village de fond de valllon
Village de fond de vallon -rebord de plateau
Village de coteau
Coupe transversale BB’ sur les paysages de rebord de plateau Vallée du Loing Bagneauxsur-Loing
A6 Forêt domaniale de Nanteau-sur-Lunain
Village de fond de vallée
Val du Lunain
Val de l’Orvanne
N a n t e a u La Fontaine, Villemaréchal -sur-Lunain
Village de fond de vallée
Village de coteau
Affleurements géologiques
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Thoury-Férottes
Montmachoux
Village de fond de vallon
Village coteau
de
ENJEUX TERRITORIAUX TERRITOIRE D’ENTRE-DEUX, TERRITOIRE-DORTOIR ? Il s’agit d’un territoire rural, mais qui dépend directement de la métropole parisienne. Situé à 80 km de Paris, ce territoire n’en est pas si près mais la métropole est le pôle d’attraction en termes d’emploi et d’activité le plus proche. L’augmentation de la population continue, et a de grandes chances de se poursuivre avec la mise en place du Grand Paris et de ses politiques de transport et leurs implications foncières. Il dépend également des pôles urbains des vallées proches, Montereau-Fault-sur-Yonne, Sens, Nemours, Fontainebleau au Nord et Montargis au Sud. La carte ci-dessous, réalisé dans le cadre de l’étude de faisabilité du Parc Naturel Régional du Bocage Gâtinais, montre les lieux de travail des habitants du Bocage Gâtinais. Ceux-c se concentrent principalement au sein du territoire, le long des vallées du Loing et de l’Yonne, puis le long de la vallée de la Seine, à Melun notamment, et même jusqu’à Paris. Une part relativement importante des habitants
effectue donc le trajet jusqu’à Paris tous les jours, ce qui implique un minimum trois heurs de transports quotidien. Sachant que les lignes de train sont concentrées dans les vallées, et qu’il n’existe que peu de lignes de bus, la population des plateaux et des vallées secondaires se trouve dépendante de la voiture. Dans ce cadre là, et dans celui d’une augmentation continue de la population, ce territoire serait-il un territoire-dortoir ? «Les nouveaux arrivants, souvent contraints à des navettes quotidiennes longues et fatigantes, s’investissent peu localement et semblent présenter un ancrage moins marqué. Dans ce contexte, le territoire peine à trouver une identité et ressemble davantage à une superposition de trajectoires de vie qu’à un bassin de vie commun. Des tensions pointent entre les désirs et les attentes des habitants, entre les « locaux » et les « nouveaux », entre « jeunes » et « moins jeunes », entre « ruraux » et « urbains ». Tensions qui ne semblent pas pour l’instant avoir trouvé d’exutoire, en l’absence de lieux et d’acteurs capables de tisser du lien entre des habitants qui coexistent plus qu’ils ne cohabitent sur le territoire.»1 Le constat fait par l’étude de l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme d’Ile-deFrance souligne bien la rupture entre ancrage rural et influences métropolitaines qui se traduit par une difficulté à vivre ensemble. Cette étude se fonde sur une série de témoignagnes d’habitants, récemment installés ou là depuis longtemps, qui vient nourrir ce constat. Le développement pavillonnaire, figure des dynamiques périurbaines, est surtout présent le long des vallées de l’Yonne et du Loing. Celles-ci comportent également une majorité de service, et tous les équipements importants. Par exemple, il n’existe que deux supermarchés situés en dehors des vallées principales.
1 Identités périurbaines : le Bocage gâtinais, n° 172 des Cahiers de l’IAU « Coupes et découpes territoriales - Quelle réalité du bassin de vie ? »
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PROJET SPATIAL RÉGIONAL EXTRAIT DU SDRIF
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ENTRE DÉVELOPPEMENT ET PROTECTIONS : PAYSAGES DE CAMPAGNE A HAUTE VALEUR AJOUTÉE ? D’après les points précédemment évoqués, les plateaux et vallons du bocage Gâtinais semblent relativement préservés de cette dynamique urbaine, conservant une image rurale et pittoresque. Je me suis donc naturellement posé la question du rapport entre protections et dynamiques sur ce territoire. Comment peuvent évoluer les paysages habités du bocage gâtinais ? Alors que la population ne cesse de se renouveler et que la part des agriculteurs sur le territoire est toujours plus faible ? Le Nord du Bocage Gâtinais, sur lequel je me concentre, dépend du Schéma Directeur de la Région Ile-de-France. Il est défini de la manière suivante : «Le schéma directeur de la Région Île-de-France (SDRIF) est un document de planification stratégique. Il a pour objectif de maîtriser la croissance urbaine et démographique, l’utilisation de l’espace tout en garantissant le rayonnement international de cette région.» 1 C’est ce document qui encadre les Schémas de Cohérence Territoriale puis les Plans Locaux d’Urbanisme, et, bien que très général, conditionne l’aménagement au niveau local. En ce qui concerne le Bocage Gâtinais, plusieurs points retiennent mon attention. Le Parc Naturel Régional, en projet au moment de l’approbation du SDRIF en 2013, est vu à l’échelle régionale comme un élément de la «ceinture verte» métropolitaine. Celle-ci serait alors constituée de l’ensemble des PNR franciliens, formant une continuité spatiale comme écologique. Ils sont présentés dans les propositions du SDRIF comme « Des espaces naturels remarquables pour la région métropolitaine...». Le terme «remarquable» sous entend une identité territoriale bien définie, attractive pour le tourisme. Le terme «espace naturel» qui les définit ici semble s’opposer à l’urbanité de la métropole. Cela semble de prime abord quelque peu réducteur et urbano-centré, faisant fi des particularités de ces espaces, certes ouverts et peu denses, mais aménagés et cultivés. 1http://www.driea.ile-de-france.developpement-durable.gouv.fr/le-schema-directeur-de-laregion-ile-de-france-a5141.html
Cependant, ce n’est pas seulement cette idée de naturalité qui est mise en avant. Leur qualité de PNR en fait aussi «(...) des territoires expérimentaux, innovants et moteurs pour l’ensemble des espaces ruraux franciliens.» La question des espaces ruraux habités est également abordée de la manière suivante : «(...) les bourgs, les villages et les hameaux, devront limiter leur extension pour préserver les espaces ouverts. Ils devront trouver de nouveaux modes de densification ou d’expression architecturale plus qualitative, adaptés à la morphologie urbaine de leur village, en favorisant notamment l’implantation de logements collectifs pour renforcer leur centralité et diversifier l’offre existante. L’intégration paysagère et le traitement des espaces bâtis en frange du tissu urbain constitué seront des préalables indispensables à tout nouveau projet.» Ces propositions semblent se fonder les qualités propres aux espaces ruraux. On parle de morphologie, et de la place du paysage en préalable à l’aménagement Cela est à lire en parallèle d’un autre mesure proposée : «Montereau Seine et Loing : une confluence ouverte sur le Bassin Parisien», qui tend à développer les transports, les activités économiques au niveau de Montereau-Fault-Yonne, et de densifier la ville, afin d’en faire un élément structurant de son bassin de vie, dont fait partie le bocage gâtinais. Il s’agit également de créer des emplois qualifiés, ceux qui drainent aujourd’hui de nombreux habitants jusqu’à Paris et de répondre à ce problème de territoire-dortoir. Le territoire du Bocage Gâtinais ne possède pas une identité forte et cohérente, et semble rapidement éclipsé par la présence proche de Fontainebleau, qui rayonne sur le territoire. La mise en avant d’une identité paysagère, et notamment des paysages habités, poserait une base solide dans le développement intelligent du territoire. Aujourd’hui, ce sont les vallons et les villages qui semblent garants de la qualité du paysage, plus que l’agriculture de grande culture. Ce sont les continuités boisées et les variations du paysage, les matériaux et constructions anciennes des villages, leurs venelles et les chemins ruraux qui peuvent tenir éveillé ce désir de campagne.
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ENJEUX TERRITORIAUX UN PROJET DE PNR SOUMIS À DES OPPOSITIONS Le projet de Parc Naturel Régional a été initié par la très active association de l’AHVOL, association pour l’Aménagement Harmonieux des Vallées de l’Orvanne et du Lunain. Quelques membres de l’association partent alors du triple constat de l’influence de la région parisienne, notamment en apports de population, et donc de grandes modifications de ce territoire rural ; de la nécessité de définir l’identité de ce territoire ; et du fait que les trois départements partagent des enjeux et des difficultés communes mais qu’il n’existe aucune structure pour les réunir. L’idée est lancée en 2000 mais il faudra 6 ans pour réunir les élus nécessaires autour d’une association, l’ARBG : «Association pour la Réflexion sur le parc naturel régional du Bocage Gâtinais».
Fontainebleau
Le processus va jusqu’ à l’étude de faisabilité et la définition du territoire du parc avec 66 des 75 communes concernées qui sont alors d’accord. L’étude est réalisée par l’IAU, l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme d’Ile-de-France. En effet le projet est largement soutenu par la région Ile-de-France qui sera motrice dans le projet, qui répond à de nombreux enjeux pour la région métropolitaine, comme le souligne le SDRIF. Les blocages viendront ensuite de la région Bourgogne-Franche-Comté. En effet, le Senonnais n’est pour elle qu’une part négligeable de son territoire, et pas aussi «remarquable» que d’autres espaces bourguignons. La dynamique mise en route durant ces dix années s’arrête en 2017, suite au refus de la région. Cette coopération territoriale et la possibilité d’appréhender un espace aux paysages cohérents semble donc difficile à atteindre. Comment contourner ces difficultés institutionnelles pour instaurer des dynamiques communes au sein de ce territoire ? Les limites régionales vont-elles apparaître davantage dans les paysages ? Et notamment dans les paysages habités ? Bien que je ne réponde pas à ces questions au sein de ce travail, il me semble important de parler de ce processus qui, bien qu’inabouti, à éveillé des envies de projet au niveau local.
Le B etz
Le Be tz
L a C lé ry
Territoire projeté du PNR
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Limites projetées du Parc Naturel Régional du Bocage Gâtinais
ENJEUX TERRITORIAUX DES PROTECTIONS QUI FIGENT ? Il n’existe donc pas aujourd’hui d’outil de projet à l’échelle des structures paysagères du territoire. Il existe par contre des outils de protection, sur lesquels je me suis penchée. Protections environnementales et patrimoniales, les deux se mêlent largement ici. J’ai notamment relevé deux types de protection : Espaces Naturels Sensibles (ENS), vallée classée de l’Orvanne en Seine-et-Marne. J’ai également revelé des outils de reconnaissance de la qualité environnementale et écologique : les espace recensés comme des Zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) et la réserve de biosphère de Fontainebleau et du Gâtinais. La majeure partie de ces éléments sont concentrés en Seine-et-Marne, autour de Fontainebleau et des différentes vallées.
Fontainebleau Forêt de Fontainebleau
Montereau-Fault-Yonne Moret-sur-Loing
Vallée de l’Orvanne
Je me suis notamment intéressée à la superposition de ces éléments dans la vallée de l’Orvanne. C’est tout d’abord le classement de la vallée -au même titre que la forêt de Fontainebleau- qui m’a interpellé. En discutant avec différents acteurs du territoire j’ai appris qu’il avait été motivé par un désir de protection de la butte boisée qui fait face à Flagy, commune riveraine de l’Orvanne, en Seine-et-Marne.
Nemours
Sens
Celle-ci risquait en effet d’être exploitée pour son sous-sol calcaire, et d’être transformée en carrière. C’est donc en réaction à cela, et pour protéger l’ensemble de la vallée, que le classement a été établi en 1999. On note également qu’un Espace Naturel Sensible a été défini sur la butte et les marais de Flagy.
Ferrière-en-Gâtinais Villeneuve-sur-Yonne
Cette protection a empêché un large développement pavillonnaire dans la vallée, et a rendu le foncier disponible plus rare, donc plus cher. Elle a donné une valeur symbolique comme pécunière à cet espace. Mais tend-elle à restreindre le renouveau et les dynamiques des espaces habités ? Quelles dynamiques dans cette vallée protégée ? Face à ces éléments de protections à des titres naturalistes comme patrimoniaux et de valeur esthétique, comme un classement au titre des monuments le suggère, comment aménager et habiter différemment ces paysages ? En se basant sur leurs éléments constituants mais sans les mettre sous cloche ?
Superposition des protections autour et au sein du Bocage Gâtinais Monument classé ZNIEFF de type 1 ZNIEFF de type 2 Espace Naturel Sensible
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Réserve de biosphère de Fontainebleau et du Gâtinais
AUTOUR DU VAL DE L’ORVANNE
L’O rv an ne
IMMERSION
Vallery
Blennes
Diant
Voulx
Montmachoux
r L’O
e
n van
Thoury-férottes
Flagy
Noisy-Rudignon
Dormelles
En parallèle de ces questionnements, j’ai silloné les paysages et les villages autour de la vallée de l’Orvanne. Je les ai explorés du fond de vallon jusqu’aux rebords de plateaux s’inclinant vers la Seine. Des villages égrennent la route, et profitent de situations d’interface : du coteau, liant le plateau au fond de vallon, du rebord de val donnant un rapport direct à l’eau, à la lisière d’un boisement qui protège des vents du Nord... Voici mes premières impressions du territoire, des «clichés» de paysages qui donnent un aperçu des éléments qui ont retenu mon attention de prime abord.
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va L’Or
nne
Villecerf
SILHOUETTES VILLAGEOISES CARACTÉRISTIQUES, IMAGE DE CAMPAGNE ?
Vue sur Diant - 84 -
RELATIONS À L’ORVANNE : DIVERSITÉ DE SITUATIONS ET D’UTILISATIONS
Dérivation et cours naturel face au château de dormelles
Bief et moulin au coeur de flagy
Canal à l’entrée de thoury-férottes
Cours naturel à l’est de voulx -85 -
RELATIONS PRIVILÉGIÉES AUX BOISEMENTS, AMBIANCES VÉGÉTALES
Bois de Dormelles - 86 -
L’ARBRE HORS FORÊT COMME LISIÈRE DES ESPACES HABITÉS
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SYSTÈME DE VUE : D’UNE BUTTE À L’AUTRE; DU PLATEAU AU VALLON
Vue depuis le coteau à Villecerf - 88 -
DES ESPACES PARTAGÉS DESQUELS S’INSPIRER
Venelle à Dormelles
Placette à Vallery -89 -
ET D’AUTRES À (RÉ)ACTIVER ?
Rue des Tilleuls, espace ouvert face aux anciennes forticfications, Voulx - 90 -
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FIGURE PAYSAGÈRE : CLAIRIÈRES HABITÉES Vallery Blennes
Diant
Montmachoux
Voulx Thoury-férottes
Flagy
Noisy-Rudignon
Dormelles
Villecerf
Je me suis arrêtée sur un périmètre entre trois communes : Flagy, Montmachoux et Voulx. Il s’agit d’un espace qui fait le lien entre coeur du bocage Gâtinais, vallée de l’Orvanne et vallée de l’Yonne par les rebords du Sénonais. Ces trois communes possèdent des échelles et des paysages variés, tout en ayant des relations privilégiées à leurs «bocages», les boisements découpés qui les entourent, les protègent. Divers boisements définissent donc les limites de leur finage. Les villages sont comme positionnées au milieu de clairières habitées. Cette figure récurrente est liée à la diversité des sols du bocage gâtinais, et notamment aux buttes boisées, buttes-témoins du massif de Fontainebleau. Elles sont également complémentaires en termes démographiques : une commune très petite et peu dense, Montmachoux avec ses 231 habitants, une plus importante, Flagy, villeneuve de 644 habitants, et une commune plus importante, Voulx et ses 1761 habitants qui s’est développée davantage au XIX° siècle grâce à la ligne de chemin de fer qui la traversait, puis après les années 1960. Flagy et Voulx suivent également le cours de l’Orvanne et présentent deux manières différentes de l’aborder. Elles sont également séparées chaune d’environ cinq kilomètres, ce qui donne l’idée d’un réseau local.D’autant plus que des continuités circulées existent déjà entre ces trois communes : GR de pays de l’Orvanne ou GR11E. On lit également au niveau de la vallée de l’Orvanne entre Flagy et Voulx les traces de l’ancienne voie de chemin de fer qui parcourt tout le territoire du bocage gâtinais. Comment ces connexions sont elles mises en valeurs et utilisées ? Quelles sont les lisières, les espaces libres de chacune des communes qui permettrait de les mettre en réseau, de développer des espaces publics de qualité et de nouveaux espaces d’habitat ? Il s’agit du périmètre que j’ai choisi pour une analyse assez fine des espaces habités, de l’échelle de la commune à celle de la rue, qui me permettra de déterminer des enjeux et des propspectives d’actions. Je lancerai des pistes stratégiques pour Montmachoux et Flagy, puis mon intervention se centrera sur Voulx, qui présente une évolution plus franche et de nombreuses traces structurantes, avant de se remettre à l’échelle des trois villages.
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MONTMACHOUX FLAGY
VOULX
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3
AGIR - 94 -
SITUATIONS PAYSAGÈRES, COMPLÉMENTARITÉ LOCALE Le B e t z
Le B etz
MONTM ACHOUX
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VILLAGE IMAGE ? EN SURPLOMB DU PLATEAU DE ST-AGNAN, INTERFACE ENTRE VAL DE L’ORVANNE ET VALLÉES DE L’YONNE ET DE LA SEINE Vers le
val d e
l’orv anne
NORD
Montmachoux
L’yonn e
Cannes - écluses
Plateau de st-agnan
Rebords de plateau
Cannes - écluses
Vue depuis Montmachoux jusqu’à la vallée de l’Yonne et Cannes-écluses -97 -
MONTMACHOUX
RELATION PRIVILÉGIÉE VILLAGE - BOISEMENTS
La Montagne
Bois Prieur
Montmachoux Derrière l’Eglise
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Bois de la Bondue
MONTMACHOUX
Comme sur le reste du Bocage Gâtinais, on constate une grande diversité géologique et de nombreuses buttes témoins de sables de Fontainebleau. Le village de Montmachoux a été établi sur les rebords d’une d’entre elle, sur un sous-sol calcaire. Celui-ci est moins propre à la culture que les fins limons calcaires, ou loess, à la base du plateau cultivé. Le sommet correspond à un sous-sol acidifiant de sables et grès de Fontainebleau. Cette partie comme les espaces les plus pentus sont donc restés boisés. On a donc ici l’exemple d’implantation caractéristique de ces paysages : des plateaux fertiles optimisés autant que possible pour la culture céréalière, des buttes témoins boisées aux roches dures et acides, résurgences du massif de Fontaibleau, et des espaces d’interface habités avec un village se nichant au creux du boisement. La géologie révèle également deux vallons, l’un au Nord, l’autre à l’Est de Montmachoux, aujourd’hui sec, mais où on l’on trouve quelques zones humides.
Alluvions actuelles et subactuelles : argiles sableuses Alluvions indifférenciées de l'Orvanne : galets, graviers, sables et argiles
Colluvions argilo-sableuse des bas versants et des vallons
Sables et grès de Fontainebleau, sables dominants
A plus grande échelle Montmachoux est également à l’interface entre deux ensembles paysagers : Le rebord de plateau, au Nord Est, plateau ouvert qui s’incline vers l’Yonne et la Seine ; Le plateau de St-Agnan au Sud, dont les lisières sont marquées par les boisements entourant Montmachoux. Au delà de la lisière boisée Ouest on arrive alors sur le vallon de l’Orvanne. Sa position de promontoire offre donc une large vue sur ces ensembles paysagers, et jusqu’à l’horizon urbain de la vallée de l’Yonne. A l’horizontalité des cultures céréalières succède alors la verticalité des usines, des sillos, des immeubles.
Calcaire de Brie et argile à meulières
Alluvions actuelles et subactuelles : argiles sableuses
Calcaires de Champigny et de Château Landon Marnes "farineuses", grès calcaires
Alluvions indifférenciées de l'Orvanne : galets, graviers, sables et argiles
Ensemble d'argiles, sables et grès
Colluvions argilo-sableuse des bas versants et des vallons
Sables et grès de Fontainebleau, sables dominants
Craie blanche à silex rares
Calcaire de Brie et argile à meulières
Formations détritiques des plateaux : sables grossiers, galet
Calcaires de Champigny et de Château Landon Marnes "farineuses", grès calcaires
La Montagne
Vers la vallée de l’Yonne Ensemble d'argiles, sables et grès
Loess indifférenciés
Craie blanche à silex rares
Formations détritiques des plateaux : sables grossiers, galets
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Loess indifférenciés
MONTMACHOUX
UNE TRAME VILLAGEOISE QUASIMENT INCHANGÉE
Carte postale ancienne de Montmachoux, Rue de l’Eglise
Photographie aérienne, 1949
Bati existant présent en 1950
La trame villageoise comme les paysages bâtis ne semblent pas avoir connu de grandes transformations. Quelques pavillons sont cependant apparus après les années 1950, avec l’augmentation démographique du village, aux limites entre espaces bâtis et agricoles, venant souvent prendre la place de vergers et petites culturres ceinturant Montmachoux. Le village a donc conservé des matériaux, des échelles cohérentes en relation au paysage et semble pouvoir servir d’exemple en termes de formes villageoises. Ce village compact présente des formes bâties caractéristiques de ces paysages, et que l’on retrouve dans les autres lieux que j’étudierai plus loin, notamment Voulx. La conservation de ces formes et échelles ne semble pas due à une évolution «naturelle» des espaces habités mais bien à un travail de réactivation de ces formes. Ainsi, les relations privilégiées aux boisements dans le grand paysage ont conservé leur force. Les lisières se sont par contre modifiées, ont perdu de leur épaisseur et sont aujourd’hui plus soudaines.
Photographie aérienne, 2018 - 100 -
Bâti existant construit après 1950
MONTMACHOUX RELATIONS DU VILLAGE AUX ESPACES PRODUCTIFS : DE LA RUE AU BOIS, DE LA RUE AU VERGER
les Longuins De par son inscription dans le paysage, Montmachoux possède une relation privilégiée avec les boisements. A plus petite échelle, cette relation se matérialise par des continuités : les chemins ruraux qui se prolongent dans la trame des rues. De l’autre côté les fonds de jardins, au Nord, Sud et Ouest, constituent une lisière progressive entre les espaces agricoles ouverts et le village. De nombreux vergers forment une douce frontière arborée. Ainsi, les fermes, en U ou L qui forment la limite jardinée offrent des ouvertures vers le grand paysage par un jardin ouvert, voire un verger d’un côté, et forment de l’autre une transition minérale vers le paysage intime de la rue ou de la venelle. D’un côté comme de l’autre, un jeu entre espaces ouverts (circulations, jardins ouverts) et arborés inscrit le village dans son paysage. Les espaces sont clairement hiérarchisées de l’espace productif à l’espace public de la rue.
A
Jardin d’agrément ouvert
Jardins clos
Rue et bandes enherbées
Chemin
Fond de jardin Léger enfrichement
Coupe aa’ : lisière Ouest - de l’espace agricole à l’espace privé
Jardins clos
Derrière l’Eglise
les Houches Légendes
le Gros Caillou Noir Masse boisée sur butte témointaillis du massif Boisements mixtes de feuillus, sous de Fontainebleau futaie Vergers, etboisements petits boisements dans Vergers jardins et petits la trame villageoise
Typologie de boisements et relations à la trame du village Boisements alluviaux, notamment peupleraies
Cluture d’hiver Blé dur
A’
Jardins clos
Lisière Est : de la rue au chemin forestier -101 -
400 m
L’échelle
de la rue : transitions spatiales du corps de ferme à la place publique On trouve de nombreuses fermes de taille moyenne à Montmachoux. Celles-ci sont typiques du bocage gâtinais, aux sols assez pauvres : «Un modèle de ces fermes [les exploitations de taille moyenne] est caractéristique du Bocage Gâtinais où les exploitations moyennes sont plus répandues que les grandes : il s’agit d’une ferme R+C qui dispose de deux bâtiments en retour.. La ferme a alors un plan en U articulé autour d’une cour ouverte,qu’elle soit protégée ou non par une barrière.»1 Elles se tournent généralement vers l’Ouest et le Sud. Les fermes ou leurs remarquables murs de clôtures s’alignent à l’espace public de la rue ou de la venelle. L’orientation du bâti n’est pas nécessairement parallèle ou perpendiculaire à la rue, ce qui ménage régulièrement des placettes plantées, comme des niches intimes qui rythment la rue. Les murs de pierres calcaires du greige au roux comme les vivaces basses des bandes plantées ou des placettes forment de belles transitions entre l’espace privé et les espaces publics.De même, les jardins privés forment partiellement les paysages du village : les potagers visibles au delà d’un bas muret ou d’une simple barrière, les arbres hautes tiges qui s’élèvent au dessus des faîtages de briques, ou encore une luxuriante grimpante, clématite ou autre chèvrefeuille odorant, dont le délicat feuillage vient s’immiscer dans les anfractuosités de la chaille. 1 Etude de faisabilité du projet de PNR du Bocage Gâtinais - Annexe 1
Vue sur la ruelle du puits, généreusement jardinée Ci-dessous : Palette de matériaux et de plantations caractéristiques des paysages de la rue à Montmachoux : grès colorés des murets et murets aux enduits couleur sable, encadrement des fenêtre en briques, potagers ou frontages plantés d’arbustes et de vivaces
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Corps de ferme type : En U, en recul par rapport à la rue, avec un mur de séparation. La relation à la rue est directe, on passe frontalement du mur à la bande plantée.
L’entrée du corps de ferme est en recul par rapport à la rue et ménage une transition progressive d’avec la rue.Le paysage de la rue s’habille également de la vue d’un potager en surplomb.
Un bâtiment suit l’orientation Sud, contrairement à la rue courbe. Une placette se dégage ainsi et vient épaissir la bande plantée. Les houpiers des arbres du jardin privé sont visibles depuis la rue.
Au croisement de deux rues, une placette publique vient rythmer l’espace public. Il fait doucement la transition avec les potagers et les jardins en lisière.
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CONSTATS ET ENJEUX
MONTMACHOUX
QUELLES DYNAMIQUES POUR CE VILLAGE «PRÉSERVÉ» ? Montmachoux est un petit village de 230 habitants. Il ne possède aucun commerce de proximité, café ou école. C’est pourtant un village relativement attractif, qui connait une hausse continue de sa population depuis 1975, époque à laquelle il possédait 147 habitants. Situé entre la vallée de l’Orvanne et de l’Yonne, sur les rebords du Sénonais, ses habitants dépendent de fait de la vallée de l’Yonne, puis de la vallée de la Seine, en termes de services, d’activités et d’emplois. Quelles dynamiques y a-t-il au sein du village dans ce cadre ci ? Ses paysages habités sont pleins de subtilités, dues aux caractéristiques agricoles qui imprègnent les espaces du village. Ils sont en effet marqués par la figure de la ferme et par ce qu’elle génère d’espaces communs, de circulations. C’est également son implantation, son système de vues et ses relations au grand paysage qui le singularise. Elle possède donc un important «patrimoine paysager». Si j’emploie ce terme, c’est bien de la manière dynamique dont j’ai souhaité le définir dans la première partie de ce travail. La question qui se pose ici est donc : plutôt que protéger ou mettre sous cloche, comment renouveler le patrimoine territorial afin de générer de nouvelles pratiques et des évolutions dans les paysages habités qui réactualisent leur sens ? Je souhaite mettre ce questionnement en lien avec le document qui règle l’urbanisme dans la commune, le Plan Local d’Urbanisme défini en 2015. Il a été établi dans l’optique d’associer protection du cadre de vie et de ses caractéristiques tant architecturales que naturelles -avec la présence des boisements remarquables comme de la ceinture jardinée du village- et développement urbain maitrisé. Il s’agit ainsi de pondérer le développement urbain face à la pression relativement élevée du fait de la proximité des centres urbains de la vallée de l’Yonne tels que Montereau-Fault-Yonne. Les perspectives de développement sont de l’ordre de 30 logements construits ou réhabilités d’ici 2025, de manière à atteindre les 300 habitants. Cela constitue une limite pour le village, notamment en termes de réseaux. Il s’agit de favoriser dans un premier temps l’urbanisation
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MONTMACHOUX Secteur tramé de la «ceinture jardinée» et orientations d’aménagement du PLU dans les espaces libres, les dents creuses et l’enveloppe urbaine existante. Le Plan de Zonage montre bien cela, et notamment une unique zone à urbaniser, soumise à des Orientations d’Aménagement (voir à droite). Elle est pensée pour accueillir des logements semi-collectifs, afin d’initier une mixité d’occupations au sein des nouveaux logements du village. A plus long terme, le Plan d’Aménagement et de Développement Durable (PADD) parle d’ouvrir progressivement de nouvelles zones à l’urbanisation. Celles-ci ne sont donc pas pour l’instant prises en compte dans le plan de zonage du PLU. Ne pourraient-elles pas être anticipées au sein d’un schéma global qui puisse se répartir dans une temporalité longue ? L’un des autres enjeux soulevé est celui des activités au sein du village, et de la présence d’emploi local, d’artisans notamment, que le village souhaite attirer. D’autres mesures sont prises dans l’optique de la préservation de la qualité du cadre de vie. Le PLU contient notamment un «inventaire au titre de la loi Paysage» qui indentifie divers éléments à protéger : «espaces verts» du centre-bourg, avec une protection souple, qui permette les modifications des cheminements par exemple, haies et boisements, bâti ancien, murets, porches, patrimoine naturel lié à l’eau ou encore anciens fours et puits. Il s’agit alors de «conserver en état sauf pour entretien». La «ceinture verte», que je préfère nommer ceinture jardinée, est identifiée et également protégée comme on peut l’identifier sur le plan de zonage. Pour ce qui est du bâti ancien, le PLU défini différents corps de ferme passant de la zone A à la zone U afin de changer de destination et d’être réhabilités notamment pour du logement locatif. Le PADD exprime de nombreuses volontés dynamiques, en faveur d’un développement cohérent du village par rapport à son identité rurale, et à ses paysages. Le PLU en tant que tel et le zonage qui en résulte transmet plutôt l’idée de protéger et de faire le village sur lui même. Le PLU est-il suffisant et adapté pour mettre en oeuvre un projet de paysage à l’échelle du village ?
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MONTMACHOUX
EXPÉRIMENTATIONS Comment peut-on mettre en place un projet de paysage à l’échelle du village qui nuance lee réponses du PLU? Afin de répondre à cette question, plusieurs options méthodologiques se présentent, dont j’explore ici la première. La première consiste à mettre en place un projet local et innovant, dans le cadre de ce qui est défini par le PLU, qui puisse développer des solutions plus globales à l’échelle du village. La seconde serait de mettre en place une stratégie avant de redescendre les échelles jusqu’au lieu. Dans les deux cas, les deux échelles se réinterrogent dans un processus itératif. Pour la première option, la figure de l’éco village semble pouvoir être un bon point de départ. Ainsi, je peux m’appuyer sur l’exemple de l’éco hameau du Champs Foulon. La situation de St-Cyr-en-Arthies peut tout à fait inspirer des actions à Montmachoux. C’est en effet un village de 226 habitants dans le Val d’Oise, à proximité de Mantes-la-Jolie, et qui connait donc une pression foncière assez importante. Le projet de l’éco hameau du Champs Foulon permet non seulement de renouveler la population du village, de mettre en oeuvre des logements de typologies différentes, de générer de nouveau services pour le village, de régler en partie la question d’écoulement des eaux et d’inondabilité, et, avec l’arrivée d’un maraîcher en permaculture, d’offrir une agriculture de proximité de qualité. Dans le cadre d’un projet participatif de ce type, qui me semblerait tout à fait pertinent à Montmachoux, deux questions pourraient s’hybrider pour offrir des perspectives à l’échelle du village : Comment renouveler la figure de la ferme et des espaces ouverts qui en résultent ? La question de l’eau dans le village me semble également importante puisque les eaux qui ruissellent depuis la butte boisée traversent toute la trame du village, ce qui créée une accumulation des colluvions en bas de coteau. C’est de fait un élément de lien entre les différentes parties du village. J‘expérimente l’hybridation de ces deux enjeux pour le dessin la mise en oeuvre d’un nouvel espace habité au niveau du lieu défini au sein de l’OAP. Le site de l’Orientation d’Aménagement peut être l’occasion de se livrer à cette réflexion. Je décide également d’interroger le dessin proposé dans l’OAP. A gauche : Plan et photographie de l’éco hameau du Champs Foulon à St-Cyr-en-Arthies issues du site internet de l’architecte du projet, Angélique Chedemois Architectures
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MONTMACHOUX
MONTMACHOUX Derrière l’Eglise
les Longuins
les Houches
VUE SUR ET DEPUIS LA PARCELLE À URBANISER, LIEU-DIT LA RUELLE
le Gros Caillou Noir
400 m
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MONTMACHOUX
Composantes et étapes d’un nouvel espace d’habitat Chemin de l’eau au sein de la parcelle
Le travail sur la topographie permettra de mettre en place le circuit de l’eau jusqu’au point bas, composé d’un bassin de rétention, qui viendra répondre à la problématique de ruissellement à l’échelle de la parcelle.
Un bâti qui réinterprète la figure de la ferme
Un bassin de phytoépuration pourra également être mis en place afin de récupérer les eaux grises. A une échelle plus fine, les jardins privés de chaque bâtiment comme les jardins de l’espace commun pourront être mis en réseau par des canaux qui mèneront jusqu’au plan d’eau.
La figure de la ferme en U ou en L est récurente à Montmachoux. Comme je l’ai analysé, elle génère des espaces publics hiérarchisés, et un paysage de la rue singulier. Dans cette optique il s’agit de penser les bâtiments autour d’une cour et d’un jardin communs, espace partagé et librement circulé. Ils donnent ainsi directement sur les espaces ouverts et le jardin d’eau. Le bâtiment compact de la ferme est ici comme éclaté, afin de ménager des espaces de jardins individuels à chaque logement.
Structurer l’espace : plantations, circulations et hiérarchisation
Espaces privés individuels Espaces communs
Il s’agira de s’appuyer sur le boisement existant à l’Est, afin de structurer une sente. Des arbres fruitiers pourront être plantés dans les espaces communs, afin de mettre en place un verger partagé. Ces espaces ouverts seront au libre usage des habitants, et les circulations serviront d’accroche aux espaces publics existants à diverses échelles. Les circulations périphériques pourront être utilisés par tous les habitants et viendront compléter le réseau de cheminements du village. j’ai repris les circulations proposées dans l’OAP.
Typologie de référence, éco-hameau du Champs Foulon, pré-projet
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Chaque bâtiment comportera plusieurs logements, de manière à avoir différentes typologies d’habitats, du t2 au t4. Les bâtiments sont également orientés de manière à optimiser l’exposition solaire. Un des bâtiments pourra également servir de maison commune, lieu d’activité pour tout le village.
MONTMACHOUX
J’ai ici remis en question le dessin de l’OAP. En mettant au coeur de ce projet l’idée de l’eau, bien commun par excellence, j’obtiens un espace ouvert de logements semi-collectifs. Cela permet de concilier espaces d’intimité de chaque logement, avec des jardins privés, et espaces partagés, ouverts à tous et servant au village. Je me suis ensuite demandé quelle place pouvait avoir ce nouveau lieu au sein du village, comment faire «sortir» le projet de la parcelle. Dans l’optique d’un projet d’éco habitat, il s’agirait d’impliquer un.e maraîcher.e, et qu’il ou elle puisse mettre en place des cultures sur les parcelles entourant celle-ci. Il s’agit ainsi de conforter la lisière du village, et notamment de reprendre la gestion de certains vergers enfrichés. Un espace de vente pourrait ainsi être mis en place au coeur du village et aider à réactiver les placettes du centre-bourg. 50m
Jardin et verger communs
Habitat partagé et mise en réseau a échelle du village
Maison commune Bassin de rétention et de phytoépuration
Espaces partagés, points d’accroche dans le village Parcelles maraîchage vergers
de et
Nouvel espace de vente
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100m
Plans d’eau
MONTMACHOUX
La Grange Neuve
Points d’eau Bas de coteau, lisière du village Talwegs Chemin de l’eau
Les limites de l’exercice : Dézoomer pour mettre en lien En démarrant à l’échelle de la parcelle, il est possible de connecter divers espaces du village, en l’occurence la parcelle habitée, les nouvelles parcelles cultivées en lisière et la place du village. Il est cependant difficile de hiérarchiser une action dans le temps à l’échelle du village.
Le Bellanger
Ainsi, en prenant de la hauteur, j’ai essayé de souligner la connexion des enjeux autour de l’eau et de la ceinture jardinée. La parcelle du projet est un élément de la ceinture jardinée. La ceinture jardinée correspond en effet à un léger replat au bas du village où viennent s’accumuler les colluvions. C’est un espace de transition d’avec les talwegs qui correspondent aux anciens fonds de vallons au Nord et au Sud de Montmachoux. Cet espace intermédiaire semble également comme cerné par les cheminements du tour du village.
La Ruelle
La Forte Pensée
Je définis ainsi une stratégie, qui s’appuie sur la parcelle de projet, et qui réinterroge les espaces du PLU. Je souhaite notamment y renforcer la question de la ceinture jardinée. L’exemple du lieu-dit La Ruelle montre de quelle manière on peut renforcer cette ceinture en y associant un lieu de gestion des eaux de pluie à l’échelle du village, un nouvel espace habité et des espaces d’agriculture de proximité. Le fait de mettre en lien et de croiser ces enjeux à plus grande échelle peut permettre d’établir une stratégie temporelle, et de mieux aiguiller les préconisations du PLU. Ainsi pour renforcer la mixité de cette lisière, le zonage peut également se diversifier, entre zones N et zones A ou encore être assorti de la mention TVB, autour des différentes mares. Je retombe ainsi sur la seconde méthodologie, celle de la stratégie globale, que j’explorerai plus avant et de manière plus imagée au niveau de Flagy, puis de Voulx. En haut à gauche : Carte de la topographie, des éléments liés à l’eau dans le village et de l’écoulement des eaux pluviales En bas : Ceinture jardinée
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MONTMACHOUX La proposition a l’échelle du village Schéma stratégique : vers un plan d’action et des modifications du plu ? La Grange Neuve Les Malterres Le Paradis
Le Bellanger Derrière l’Eglise
Tracé du GR11 E
Les Houches
La Ruelle
La Petite Ruelle
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FLAGY
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REPENSER LA VILLENEUVE Une
situation d’interface vallon-plateaux soulignée par les boisements
La trame singulière de ce village ainsi que la qualité de ses espaces publics m’ont interpellée. C’est l’un des villages qui a déterminé le choix de mon périmètre d’étude. Lorsqu’on s’en approche, sa silhouette se détache par une fine ligne bâtie sur fond de boisements arrondis. C’est une sorte de cocon arboré à l’horizon. C’est un village de 644 habitants, situé au niveau du val de l’Orvanne. Il représente une exception intéressante sur le territoire du Bocage Gâtinais puisqu’il s’agit d’une villeneuve du Moyen Âge, c’est-à-dire un «nouveau village», établi au moment des grands défrichements du XIIème siècle par de grands seigneur afin de fixer la population sur leur terre. En l’occurence c’est le roi Louis VII qui demande à Hugues de Marolles de lui céder ses terres pour bâtir une villeneuve sur son domaine, sur un lieu alors nommé Flagiaco. Edifié selon une opération cohérente, elle respecte l’aspect ramassé des autres villages du territoire. Comme Montmachoux et contrairement à de nombreux autres villages du bocage Gâtinais, aucun hameau n’y est rattaché. Ce village est aujourd’hui assez attractif et dynamique. Je souhaite comprendre les différents motifs de ce paysage habité, et en quoi il peut être source d’inspiration en termes d’action. Comment la forme singulière de la villeneuve s’est-elle perpétuée et réinventée ? Dans les espaces publics comme dans les liens jardinés avec son paysage ? Comment réinterpréter ces codes pour l’avenir et le développement soutenable de la commune ?
Plateau de Villemer
Village Flagy
Plateau de St Ange vers la Seine
de
Bois de Belle Fontaine
Champmerle
Mâche-Moulin Bichereau
Val de l’Orvanne Fond de vallon fermé, nombreuses peupleraies
Flagy est positionné sur le versant Sud de la vallée, assez doux, qui l’accueille aisément. Il s’étend uniquement sur les alluvions anciennes de la rivière. La transition du vallon au plateau de Villemer s’amorce doucement par les espaces ouverts et les fonds de jardin. Au Nord ce sont successivement les boisements alluviaux puis le relief de la butte boisée de Belle-Fontaine qui forment une lisière avec le plateau de St-Agnan. On retrouve la même figure qu’à Montmachoux mais ici en bord d’Orvanne : le village se trouve adossé et protégé par une butte-témoin du massif de Fontainebleau, le Bois de Belle-Fontaine. Celui-ci forme un paysage singulier, le sous-sol permettant à une flore de milieux acides de se développer.
Bois Maury
0 150 m 100 m
La Bastide
Calcaire de Brie et argile à meulières
Colluvions argilo-sableuse des bas versants et des vallons
Calcaires de Champigny et de Château Landon Marnes "farineuses", grès calcaires
Alluvions actuelles et subactuelles : argiles sableuses
Sables et grès de Fontainebleau, sables dominants
Ensemble d'argiles, sables et grès
Alluvions indifférenciées de l'Orvanne : galets, graviers, sables et argiles
Calcaire de Brie et argile à meulières
Loess indifférenciés
Colluvions argilo-sableuse des bas versants et des vallons
Calcaires de Champigny et de Château Landon Marnes "farineuses", grès calcaires
Craie blanche à silex rares
Sables et grès de Fontainebleau, sables dominants
Ensemble d'argiles, sables et grès
Formations détritiques des plateaux : sables grossiers, galets
Calcaire de Brie et argile à meulières
Loess indifférenciés
Calcaires de Champigny et de Château Landon Marnes "farineuses", grès calcaires
Craie blanche à silex rares
Ensemble d'argiles, sables et grès
Formations détritiques des plateaux : sables grossiers, galets
Formations détritiques des plateaux : sables grossiers, galets
Bief sur l’Orvanne
0.5 km
15 00
Alluvions indifférenciées de l'Orvanne : galets, graviers, sables et argiles
Craie blanche à silex rares
50 m 0
Sables et grès de Fontainebleau, sables dominants
Loess indifférenciés
La relation à l’Orvanne et la trame qui en découle donnent ensuite toute sa singularité au village. Le fond de vallon est fermé, planté de peupliers qui élèvent leurs cimes régulières face au village, l’Orvanne courant à leurs pieds. Cette peupleraie laisse place à une prairie humide en un unique endroit, face au lieu dit Mâche Moulin. Les espaces bâtis s’appuient eux sur le bras détourné de l’Orvanne, utilisé pour sa force hydraulique. Moulins et lavoirs égrennent le chemin plein de charme en lisière du bief.
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FLAGY
Alluvions actuelles et subactuelles : argiles sableuses
L’Orvanne
Bois de Belle Fontaine
FLAGY Typologie des boisements
Bois de Belle Fontaine entre bouleaux, pins et fougères
Légendes
Masse boisée sur butte témoin du massif de Fontainebleau Vergers et petits boisements
Boisements alluviaux, notamment peupleraies
Peupleraie riveraine de l’Orvanne -115 -
FLAGY
Carte de l’état major, 1820
Les rues perpendiculaires à l’Orvanne trouvent des continuités, plus ou moins préservées, avec le parcellaire agricole. On lit bien la continuité et la complémentarité qui existait versant bâti et plateau cultivé, avec un espace intermédiaire, aujourd’hui lôti. On lit sur la photographie aérienne de fines parcelles laniérées dans cette lisière autour du village, et la présence de vergers et de potagers.
Une trame villageoise singulière La trame de Flagy résulte d’une planification globale de l’espace faite pour l’établissement de la villeneuve en 1177. Elle s’appuie sur un bras de l’Orvanne alors détourné . Elle est établie selon un plan régulier, structuré par sept axes perpendiculaires à la rivière et quatre axes parallèles à celle-ci. Le bief traverse le village, et génère des espaces intimes, des jardins clos, des vergers, autour du moulin, des lavoirs... La trame régulière, quant à elle, se module et le rues se rejoignent pour s’ouvrir en une place centrale, celle de l’Eglise, qui constituait la place du marché, où était situé une halle. Les villeneuves constituaient en effet des espaces d’échanges. Il s’agissait d’un système agricole cohérent où chaque propriétaire possédait une parcelle bâtie, une parcelle en lisière du village, ici constituée de potagers et de vergers, et une parcelle agricole. Aujourd’hui, son centre ancien a gardé toute sa cohérence et son rapport à l’Orvanne se fait par les espaces ouverts de jardins et de circulations, qui communiquent avec le boisement alluvionaire.
Bras détourné de l’Orvanne, ses jardins et ses «infrastructures», lavoirs, puits et moulins Trame bâtie Marché
au coeur village
du
Trame bâtie Cultures maraîchères et vergers en lisière
Parcelles céréalières
Boisements
Plan schématique : trame de l’espace public de la villeneuve et continuités du parcellaire
Photographie aérienne, 1949 - 116 -
Bati existant présent en 1950
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Des lisières jardinées induites par cette trame Cette trame ménage plusieurs transitions jardinées entre espaces publics et privés, entre espaces du village et espaces boisés. Si l’on se faufile de venelle en venelle en direction de l’Orvanne on débouche sur un chemin enherbé aux limites minérales formées de murets, au dessus desquel on entrevoit des prairies, des potagers ou encore la parcelle de vignes communale. La limite entre la trame villageoise minérale et les milieux humides alluviaux se forme ainsi par une alternance entre minéralité et trame végétale des jardins. Ce sont d’abord les fonds de jardins ou les maisons qui se tournent vers le bief puis les jardins clos au milieu desquels l’on circule. Ceux-ci donnent ensuite sur le paysage à l’aspect moins aménagé du fond de vallée, que les peupliers viennent rapidement refermer.
Espace privé
Espace privé
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Prairies humides et peupleraies
l’Orvanne
Jardins viviriers clos
Chemin
Vignes communales
Chemin
Jardin d’agrément
Bief sur l’Orvanne
Venelle privée
Rue traversière
Coupe de la lisière jarindée des Bas Vergers
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Des lisières jardinées induites par cette trame lieux et échelles intimes, séquences au fil de l’orvanne
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On devine, vu de haut, une continuité circulée le long de l’Orvanne. On la parcoure. Les chemins qui longent l‘eau révèlent alors différents paysages, et différentes Orvannes. Par l’Ouest, au lieu dit le Moulin Billard, on passe au milieu des espaces pavillonnaires standardisés, et au bout d’une voirie en enrobé se dévoile un pont sur l’Orvanne. Nos premiers pas au bord de celle-ci sont au milieu d’une peupleraie, avec vue sur les fonds de jardins sur la rive d’en face. C’est alors une Orvanne boisée... Enfin pas tout à fait, il s’agit du bief sur l’Orvanne, qui ne semble pas canalisé dans un premier temps. La peupleraie filtre doucement la lumière, on s’éloigne peu à peu de l’Orvanne pour n’avoir plus que des arbres autour de nous. Le paysage s’ouvre d’un coup. Un mur nous fait face, et souligne le chemin enherbé qui longe des parcelles de culture, un verger, un poulailler, les murs du maraîcher du village... Puis un boisement nous accompagne, avant de révéler une prairie etune vue jusqu’à la Montagne.
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Ce premier chemin fermé, ceint de ce haut mur, finit par rejoindre l’Orvanne et un simple chemin enherbé qui la longe jusqu’à Diant. D’un autre côté, quand on circule depuis le Moulin, on découvre une Orvanne canalisée, celle que l’on a quitté en prenant le premier chemin. Elle s’infiltre entre de bas murets, puis entre les murs des maisons. On y trouve un lavoir. Un chemin la longe puis la quitte, pour laisser l’épaisseur des potagers clos suivre le cours d’eau. C’est le chemin des bas Vergers, parallèle à l’Orvanne entouré de jardins clos ou encore de la vigne communale, plantée en 2014.
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Des lisières jardinées induites par cette trame Des espaces publics singuliers ; des usoirs devenus frontages plantés Les rues, toutes dirigées vers le bief sur l’Orvanne adoptent une forme singulière, liée aux usages agricoles : Celle des usoirs caractéristiques qui sont présents dans toutes les rues dirigées vers l’Orvanne. Ils servaient notamment à entreposer le matériel agricole. Aujourd’hui ils sont devenus des frontages enherbés et plantés, dont la largeur varie d’une rue à l’autre entre 2 et 7 mètres pour les plus importants. Ceux-ci hiérarchisent l’espace public, formant une belle transition entre la rue et la maison. Ils forment également des espaces partagés intimes, dans la continuité des chemins en bord d’Orvanne.
endi perp
re à culai
anne l’’orv
Rue grande et ses usoirs - 120 -
Des Lisières morcelées au Sud, entre pavillons et vergers
La lisière Sud fait face aux larges parcelles céréalières et s’est davantage morcelée. Un urbanisme pavillonnaire s’y est développé, et a rompu certaines continuités arborées, la lisière jardinée que l’on peut observer sur les cartes historiques. Ces constructions pavillonnaires vont de paire avec la nette augmentation démographique à partir de l’après-guerre, qui s’est d’autant plus accentué au début des années 2000.
Photo aérienne, 2018
Bâti existant construit après 1950 -121 -
Parcelles de jardins ouverts
Parcelle
et de vergers
pavillonaire
Rue des vignes georget
Parcelle
pavillonaire
Rue chaudet
Jardin clos
Rue des bordes
Là où l’on lisait de nombreux vergers on voit des pavillons qui se sont étendus par à coup, au fil des occasions foncières. Le village a donc perdu en lisibilité, et la transition entre espaces habités et cultivés se fait brutalement. De même, les rues perpendiculaires à l’Orvanne se dirigent vers le Sud. On voit une continuité dans entre parcelles agricoles et ilôts bâtis du village, mais celle-ci est rompue au niveau des lisières où de nouvelles parcelles bâties sont apparues après les années 1950.
Parcelle
Culture de blé
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Lisières morcelÊes : imbrications entre espaces pavillonaires, vergers, et transtions frontales du champs au pavillon - 122 -
CONSTATS ET ENJEUX
Périmètre du classement autour de Flagy
La vallée a été classée au titre des sites en 1999, sur critères historiques et pittoresques. L’élément déclencheur de ce classement a été le projet de carrière au niveau du Bois de Belle Fontaine à Flagy. Le mouvement de protection soutenu par les associations, notamment l’AHVOL, Association pour l’Aménagement Harmonieux des Vallées de l’Orvanne et du Lunain, un des acteurs clef du projet de PNR. Aujourd’hui la protection concerne les 13 communes de Seine-et-Marne riveraines de l’Orvanne. Parallèlement, la population communale a doublé depuis les années 1980 avec 374 habitants recensés en 1982 contre 657 en 2015. Elle continue d’augmenter, le solde naturel prenant le relais du solde migratoire. Cette commune exemplifie bien l’attrait de la «campagne cadre de vie», qui s’est développé à la fin du XX° siècle. Le classement de la vallée ne semble pas avoir été pris comme un outil de projet, mais comme une contrainte à l’urbanisation des années 1990. Différents lotissements se sont tout de même développés, au niveau du Safran notamment, et se sont densifiés suite au classement, plutôt que de s’étendre. Ils brouillent la lisibilité du village et sont également déconnectés de son centre à l’organisation cohérente. L’urbanisme de la commune n’a pas poursuivi le mouvement de la villeneuve, celui d’une planification qui regarde et s’appuie sur les éléments structurants des paysages. Il s’agit en effet d’une urbanisation qui vient chercher un cadre, un support d’établissement, et non pas une utilisation productive et vivrière des paysages.
Plan d’occupation des sols de Flagy
Le Plan Local d’Urbanisme est encore à l’étude à Flagy, tout comme à Voulx, et s’appliquera fin 2018 pour remplacer le Plan d’Occupation des Sols (à droite) qui se contentait d’établir un zonage entre espaces constructibles et zones à préserver, naturelles ou agricoles. Le PLU à venir va-t-il établir un projet d’évolution à l’échelle de la commune ? Qui remette en lien les espaces pavillonnaires en lisière et le centre bourg ?
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FLAGY
FLAGY
Le projet de territoire de Seine-et-Marne établi en 2010 dans l’optique d’établir un «modèle d’aménagement propre à la Seine-et-Marne, à la fois soutenable et durable» 1 En effet le département a connu l’augmentation démographique la plus forte de France entre 1982 et 2015. Ainsi, la population est passée de 453 000 habitants en 1950 à plus d’1,3 millions aujourd’hui. Et ce, avec tous les besoins que cela implique en termes d’aménagement, de transports, d’emplois et de services. Afin de concrétiser ces engagements un référentiel d’aménagement du territoire a été mis en place par le Conseil Général. Dans ce cadre, une expérimentation d’application a été mise en oeuvre à Flagy. Elle a été menée par l’agence d’urbanisme MAé, Métropole Architecture écologie sous forme d’un workshop, atelier effectué à Flagy durant deux jours en 2014 et réalisé en concertation avec divers acteurs de la commune, des acteurs de la municipalité aux habitants. Suite à ce workshop, l’agence propose ainsi un projet aux diverses échelles du village :
Axonométries et vues issues du travail de l’atelier MAé
«À l’échelle territoriale, un renforcement de la biodiversité des haies bocagères permettra de marquer une limite franche entre le tissu bâti et les parcelles agricoles, et de limiter l’étalement indéfini du village. Un cheminement doux raccordant les bois et la montagne, permettra également de renforcer la biodiversité.» À l’échelle du village, un travail fin de recalibrage des voies, permettra de raccorder le tissu pavillonnaire, aujourd’hui très enclavé, avec le reste du village. Une opération de logement alternatif (habitat participatif, logements individuels groupés etc… pourra prendre place sur les opportunités foncières identifiées par l’atelier. À l’échelle du centre, un cheminement actif depuis la place du village vers le ruisseau de l’Orvanne, permettra d’installer les micro-équipements et dezzzs évènements culturels tel que le « village du livre ».2 1 http://cargocollective.com/ateliermae/Flagy 2 Idem
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La lecture du document du diagnostic et du Projet d’Aménagement et de Développement Durable du PLU ne semblent pas prouver une mise en relation entre vision développée au sein de l’atelier et établissement des règles d’ubanismes. En m’appuyant sur ces divers constats et projets, je souhaite établir une stratégie qui rassemble les enjeux et propositions soulevées autant par l’établissement du PLU que par l’atelier. Il s’agira pour moi de prendre de la distance par rapport à ces processus en me basant sur les observations et l’analyse des paysages que j’ai effectuée, pour imaginer des perspectives pour le village de Flagy.
Carte des enjeux : Des lisières déconnectées du coeur de la villeneuve
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STRATÉGIE D’ACTION OBJECTIFS - Donner de l’épaisseur aux lisières du village - Désenclaver les espaces pavillonnaires - Mieux inscrire le village dans ses paysages - Etablir des continuités et des transitions entre coeur de bourg, «ceinture pavillonnaire» et plateaux céréaliers - Imaginer de nouveaux espaces d’habitat, qui résonnent avec les codes de la villeneuve - Rendre plus lisible le bras naturel de l’Orvanne et mieux le connecter au village comme au plateau
STRATÉGIE Je souhaite établir une épaisseur circulable telle une lisière autour du coeur de Flagy. Le système de la villeneuve est pour cela une véritable source d’inspiration. Il s’est établi selon un schéma territorialisé, dans une relation symbiotique au territoire, relation nourricière et de la nécessité. Ainsi le village se niche parfaitement sur le versant, profite de la présence de l’Orvanne sa ressource en eau, pour sa force hydraulique, et de ses alluvions pour les cultures potagères et de vergers, afin de laisser les terres des plateaux aux grandes cultures. Une transition était également ménagée entre village et plateau par des petites cultures potagères et des vergers, protégeant le village des vents depuis le Sud, comme le font la ripisylve et le Bois de Belle Fontaine au Nord. Ainsi, plutôt que de limiter le village par une haie bocagère, je propose de mettre en place un travail sur l’épaisseur de la «ceinture pavillonnaire», d’établir des transitions avec les espaces agricoles et des continuités avec le centre-bourg pour en faire une ceinture mixte, habitée, cultivée et circulée.
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FLAGY
Carte stratégique : pour de nouvelles continuités
PRINCIPE D’ACTION : ÉTABLIR DES CONTINUITÉS La stratégie se déclinera en trois typologies de continuités qui viendront épaisssir les lisières ouvertes, celles donnant sur le plateau, et les lisières fermées, celles communiquant avec la dense ripisylve : Continuités circulées, continuités plantées et continuités habitées.
Continuité plantée de fruitiers et chemin, continuité circulée
Continuité plantée agroforestière, bande circulée
Illustration des différentes typologies
Bandes plantées d’alignements en bord de route
Continuité habitée, plantée et circulée ; complémentarité des espaces
de continuités
- Des continuités circulées : Ce sont des cheminements à développer ou à renforcer. Je m’appuie sur les structures existantes, du tracé du chemin de Grande Randonnée de Pays de l’Orvanne aux chemins d’exploitation existants. Il s’agit de s’appuyer sur ces éléments pour prolonger certaines continuités dans l’axe des rues de la villeneuve. Ces actions s’appliqueront au sein des espaces pavillonnaires, qui possèdent peu de circulations communes, de venelles et d’espaces partagés, ainsi qu’au niveau des différentes lisières pour mettre en relation les entités paysagères structurantes du village. Des conventions avec les propriétaires pourront être établies et les servitudes d’utilité publiques pourront servir d’outil à la création de ces chemins.
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Ils pourront être inscrits au PDIPR, le Plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée, ce qui facilitera la gestion de ces chemins. - Des continuités plantées de plusieurs typologies : Des vergers existants, qui nécessitent d’être identifiés et être inscrits au PLU, avec une reprise de gestion pour ceux marqués par un processus d’enfrichement. Des espaces de petites cultures potagères et de vergers pourront être créés en partenariat avec le maraîcher du village, avec les associations locales, et les habitants les plus proches de chaque espace. Des bandes jardinées : il s’agit de bandes enherbées d’une largeur minimale de 2 mètres, qui pourront être plantées par les riverains. Elles reprennent la figure des frontages que l’on retrouve au coeur de la villeneuve. Elles seront notamment positionnées en entrée de ville et pourront se prolonger sur un travail plus fin sur les espaces publics de le rue d’Episy et des espaces publics pavillonnaires. Ces différentes continuités plantées jouxtent ou font partie de continuités circulées. - Des continuités habitées : - Il s’agit de nouveaux espaces habités. En l’occurence, j’en ai positionné un, qui correspond au nouveaux logements identifiés par l’atelier MAE. Il faudra le mettre en relation avec les autres continuités, dans l’idée d’un réseau qui forme une lisière dense et mette en relation les différents espaces du village. Ces outils de mise en réseau d’espaces ouverts se retrouvent à l’échelle des autres villages étudiés mais elle se décline ici particulièrement.
Exemple d’une continuitée plantée et circulée, entre vergers et potagers au lieu dit le Bois Pajon
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FLAGY
Je me suis centrée sur les lisières pavillonnaires, l’outil de l’Espace Naturel Sensible de la butte et du marais de Flagy permettra de générer des continuités circulées avec les boisements du Nord du village, avec ouverture de certaines peupleraies et un maintien des covisibilités de la Butte vers le village. J’explorerai davantage ces outils de gestion autour de la commune de Voulx, et il sera possible de les mettre en lien.
Ci-dessous : L’inscription du village dans un cocon végétal discontinu: entre vergers, alignements et simple cheminement en terre ou fauché. Vue vers le lotissement du Safran
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VOULX
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ENTRE CONTRASTES ET CONTINUITÉS Etranges impressions lorsque j’ai visité Voulx. Celle de plusieurs lieux en un, qui se jouxtent, se côtoient, s’ignorent ou communiquent fluidement. Un petit bourg, des hameaux. Des codes ruraux, des codes périurbains, voire des codes urbains. D’ailleurs, au XIX° siècle, Voulx était décrite comme une «petite ville». Puis, lorsque l’on regarde les plans on lit une série de tracés concentriques, avec le bourg de Voulx pour centre, et des boisements pour périphéries, qui marquent les limites communales. Son développement pavillonnaire relativement important, et ces impressions contrastées m’ont donné envie de me pencher plus avant sur cette commune de 1800 habitants, soit une des plus importantes de cette partie du bocage gâtinais. Installée dans la continuité de Flagy, dans le val de l’Orvanne, on rejoint également Montmachoux en prenant la route principale vers le Nord, qui débouche sur la vallée de l’Yonne. Cette installation dans le vallon est liée à une nécessité historique de protection du territoire, dans laquelle la nature marécageuse de l’Orvanne a joué le rôle de limite naturelle. L’évolution plus récente du village me pose ici particulièrement la question des lisières. Comment l’habiter peut-il recréer des lisières ? Quelle stratégie pour l’habiter à Voulx entre continuités et affirmation de l’hétérogénéité de ses paysages ?
Vue sur la Grande rue, axe central de voulx
Des boisements qui dessinent les limites du finage -131 -
VOULX
Gâtinais de Voulx
Plateau de St-Agnan Lichiot
1 Le Paradis
Bois de la Mare
e la
Val d
Richebourg La Bruyère Les Milourdes
rd
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3
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au
Be
Favenet
Val
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les Souchots
Bois Jadrat
ne
la Garenne de Montaudon
Limosin drie Mala
Le centre-bourg du village est implanté en fond de vallée de l’Orvanne, au croisement de plusieurs vallons. Il s’étend dans le creux de ceux-ci, et remonte doucement jusqu’à la base des plateaux. Celui de St-Agnan au Nord-Est mène naturellement vers Montmachoux puis jusqu’à la vallée de l’Yonne. Au Sud le village rejoint les rebords de plateaux boisés et découpés du Gâtinais de Voulx. Deux vallons creusent légèrement ces plateaux pour rejoindre l’Orvanne, et apportent des modulations à la douce géographie du village. En se dirigeant vers le Nord, les coteaux boisés de la Montagne Guénin apparaissent au loin. Comme au niveau des autres villages, elle correspond à une butte témoin du massif de Fontainebleau, composée de sables et grès de Fontainebleau. C’est dans son implantation et ses relations avec son paysage que le village prend tout son charme. Celui des vues du fond de vallée, lorsqu’on peut y circuler, vers le village, des hauteurs jusqu’au centre bourg ou encore d’un boisement à l’autre. La vue file alors, et le regard est organisé au premier plan par les maisons aux styles éclectiques, puis par une fine ligne boisée -celle riveraine de l’Orvanne ou celle des fonds de jardin-, avant d’être arrêté par les boisements.
1 Le Paradis
Eglise
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Peupleraie longeant l’Orvanne
Bois de la Mare
VOULX
Une situation d’intériorité au croisement des vallons
Culture de colza
Bois Jadrat
Bois Jadrat
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Culture de blé tendre
VOULX
Diverses lisières arborées -Typologie des boisements en relation au village
Voulx est positionné au centre d’un arc boisé entre le bois de la Montagne Guénin au Nord, et l’ensemble boisé au Sud de la commune. Ces deux ensembles forestiers marquent les limites du finage communal, formant frontière au Nord avec Thoury-Férottes, Montmachoux et Diant, et au Sud avec les communes de Thoury-Férottes et Chevry-en-Sereine. Le centre du village est également imbriqué en continuité de la ripisylve de l’Orvanne, puisqu’installé en son fond de vallée boisé. Les boisements découpés, constitutifs du bocage gâtinais, et au reflet de la diversité géologique de celui-ci, forment les frontières et les repères des paysages habités de la commune. On distingue ici plusieurs continuités arborées : Les boisements des coteaux et des plateaux, tels que le Bois Jadrat ou les Souchots, la ripisylve, principalement composée de peupleraies, et les petits boisements liés au bourg. Il peut s’agir de vergers, de parcs, de petits boisements s’imbriquant dans le village ou encore de parcelles enfrichées.
La Forêt
Les Musards
L’Orvanne
150m 100m 50m 0 0
0.5km
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Alluvions actuelles et subactuelles : argiles sableuses Alluvions indifférenciées de l'Orvanne : galets, graviers, sables et argiles
Colluvions argilo-sableuse des bas versants et des vallons
Sables et grès de Fontainebleau, sables dominants
Calcaire de Brie et argile à meulières
Calcaires de Champigny et de Château Landon Marnes "farineuses", grès calcaires Ensemble d'argiles, sables et grès
Loess indifférenciés
Craie blanche à silex rares
Formations détritiques des plateaux : sables grossiers, galets
La vallée du Chemin de Monterau
Montagne Guénin (157m)
VOULX Légendes
Masse boisée sur butte témoin du massif de Fontainebleau Vergers et petits boisements
Boisements alluviaux, notamment peupleraies
Diverses lisières arborées Une lisière riveraine morcelée, du dissimulé au circulé De loin, que l’on vienne du Sud ou du Nord, d’un plateau ou de l’autre, on devine les fines cimes des peupliers riverains au dessus des toitures. Une fois au coeur de Voulx cependant l’on s’interroge. Nous sommes en fond de vallée, mais où est l’Orvanne ? En déambulant dans la trame ancienne, un circuit en pointillés composé de ponts et de canaux de dérivation nous guide jusqu’au point névralgique, tel un évènement secret au milieu du village. Les vannes et le lavoir sur l’Orvanne, qui se dissimulent derrière l’Eglise font le lien entre village ancien, village fortifié, paysages minéraux et fermés, et paysages ouverts du fond de vallée dans lequel se développe un chemin en direction des îles de l’Orvanne puis de Diant. Là on peut aisément cheminer et apprécier la vue dégagée sur le village et ses coteaux boisés. Vers l’Ouest, lorsque l’on sort du village on trouve quelques difficultés à retrouver la rivière. Un petit chemin s’enfonce dans les peupleraies, et nous indique la direction de celle-ci. Avec une certaine impression d’intrusion, pourtant injustifiée, on se prend à admirer un méandre marqué, la lumière qui file entre les branches,. On souhaiterait aller plus loin, mais le chemin se fond dans les feuillages. Et les parcelles de peupleraies passent le relai aux jardins privés.
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VOULX
Diverses lisières arborées Une lisière riveraine morcelée, du dissimulé au circulé Lichiot
Le Moulin des Cailloux
Moulin Tour
de la
1 L’Orvanne dissimulée
2 3
Richebourg
1
2
3 - 136 -
4
VOULX
L’Orvanne en pointillés
4 6 5
8
7
L’Orvanne «naturelle» mise en scène
L’Orvanne canalisée mise en scène
5
6
Espace Naturel Sensible des Iles de l’Orvanne
Favenet
7 -137 -
8
VOULX De nombreux boisements et vergers en lisière de village
Diversité des boisements, variété des lisières Une ceinture de vergers ? ceinture jardinée ? Au sein de la trame villageoise on remarque quelques parcelles ouvertes qui se distinguent de la minéralité du bâti. Des vergers égrènent la route, certains viennent d’être replantés mais la plupart présentent des signes d’enfrichement ou des arbres sénescents. On trouve également quelques parcelles de potagers, liées à des maisons rurales traditionnelles. On les trouve dans la trame, certes, mais surtout dans ses limites, entre espaces bâtis et cultivés ou entre espaces bâtis et boisés. Ils entourent le village, de manière ponctuelle et discontinue. On voit également qu’un certain nombre d’entre eux se sont transformés depuis 1949, soit dû à l’extension du village, soit aux modifications des espaces agricoles. Ils semblaient à cette époque former une ceinture concentrique, discontinue mais bien présente. Ces parcelles sont privées et liées à la gestion de chaque propriétaire. Il est donc complexe d’assurer un maintien et une bonne gestion de ces espaces qui enrichissent pourtant les paysages du village et ménagent d’intelligentes et logiques transitions entre espaces habités et cultivés.
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Petits boisements et vergers liés à la trame du village Anciennes parcelles de vergers, d’après photographie aérienne de 1949
VOULX Maillage des chemins ruraux
Diversité des boisements, variété des lisières Des liens de proximité village - boisements à affirmer ? Un riche réseau de chemins ruraux entoure le village depuis les plateaux cultivés. Il permet notamment des liens entre les divers espaces boisés et le village. Ils empruntent donc les différents paysges du village et les donnent à voir. Ce sont surtout des chemins d’exploitation agricoles, donc, en dehors du chemin du GRP, (chemin de grande randonnée de pays), ils ne semblent pas -ou pluscommuniquer avec les espaces publics du village. La plupart des chemins débouchent sur les lotissements qui forment les limites du village, et y perdent en lisibilité. D’autre part, et comme détaillé précédemment, on voit nettement un morcellement des chemins en bord d’Orvanne. De plus, ceux-ci semblent coupés du réseau de cheminements des plateaux. Alors que les espaces boisés sont de nature discontinue et le village au paysage hétérogène, les logiques de circulation dans le village pourrait constituer un élément de continuité, ainisi qu’une manière de mettre en réseau les espaces boisés comme jardinés.
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VOULX différentes phases d’évolution...
Phase 1 : avant 1820, entre hameaux et centre-bourg protecteur
Carte d’état major, 1820
0.5 km
Bati existant présent enz 1820
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VOULX Phase 2 : Voie de chemin publics au XIX°siècle
de fer et développement du village et de ses espaces
Photographie aérienne 1949
Phase 3 : Entre 1950 et aujourd’hui, un large développement pavillonnaire
➤
Photographie aérienne, 2018 N 1 km
Bati existant présent en 1950 et voie de chemin de fer (1889 - 1949)
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Bati existant construit entre 1950 et aujourd’hui
VOULX
Un paysage villageois d’une grande hétérogénéité...
Vocabulaire rural, urbain, périurbain comme industriel se retrouvent et se côtoient à Voulx. Le centre bourg est notamment constitué d’un linéraire urbain dense. Des maisons de bourg à un étage le constituent de manière régulière, dans un rapport frontal à l’espace public de la Grande Rue. Moins poétiquement nommée D219, celle-ci forme l’espace public central du village, traversé par de nombreuses voitures, et où se côtoient la plupart des commerces de proximité. En s’éloignant du centre les maisons de bourg et leur espace public régulier font place à des maisons rurales plus simples, qui semblent s’imbriquer dans la trame, et qui s’ouvre sur des venelles collectives. Le mail villageois s’ouvre régulièrement sur une parcelle potagère ou un verger. Puis l’oeil s’arrête sur un pavillon, puis un autre. De nombreux pavillons et maisons de villes de la fin du XIX° siècle interpellent. Leurs imposants volumes et les détails des façades sortent radicalement du vocabulaire rural que j’avais pu voir à Montmachoux ou Flagy. Ils s’éloignent de l’espace public et sont souvent séparés de celui-ci par un muret finement ouvragé et sa grille. Le pavillon est alors en milieu de parcelle, mais fait activement partie du paysage du village, s’impose au sein de celui-ci. Puis, s’étend au loin un maillage plus ou moins lâche de pavillons. On reconnait parfois la trace d’opérations communes, d’un lotissement standardisé, mais souvent, au Sud du village surtout, les pavillons se sont développés selon les opportunités foncières. En de nombreux endroits les vocabulaires se mélangent, se confrontent, et, parfois dialoguent. C’est un des éléments qui a retenu mon attention à Voulx. Comment cette hétérogénéité peut-elle être vue comme une force et être mise en valeur ? Celle-ci est révélatrice d’une sédimentation progressive des formes habitées du village, que je souhaite mieux appréhender.
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Axonomie type de la trame linéaire de la Grande rue, de l’espace public minéral aux jardins et cours dissimulés, des maisons de bourg aux maisons rurales;
Axonomie type d’une maison rurale : espace public intime et enherbé, alignement des murs de pignon, et venelles communes à plusieurs bâtiments donnant sur une cour partagée.
Paysage végétal
du jardin potager,
Maison rurale, hameau du Charme
Trame Linéraire et transitions frontales, Grande Rue
Carte postale ancienne, vue sur la Grande Rue -143 -
des espaces publics singuliers à réactiver L’arrivée du chemin de fer au XIX° siècle a entrainé un premier développement pavillonnaire. Il s’agit alors de singuliers pavillons ouvragés, au milieu d’une parcelle de jardin ou de parc, aux façades faites de meulières et d’encadrements en briques, de décrochements, de polychromies...Certains espaces publics semblent également avoir été aménagés à cette époque-ci. Certains ont été remplacés par des voiries ou de nouvelles constructions, comme l’allée arborée qui menait à la gare et la placette qui lui faisait face, tandis que d’autres sont encore présents aujourd’hui. Ceux que l’on retrouve aujourd’hui semblent avoir perdu en lisibilité suite à l’introduction de la voiture et les modifications de voiries faites d’un point de vue purement pratique. Leurs qualités en termes d’échelles et de structure comme leurs relations avec l’espace de la rue semblent ainsi s’être brouillées. D’autre part, on a conservé les traces de l’ancienne voie de chemin de fer. Elle fait aujourd’hui partie du réseau de chemins qui entourent le village. Celui-ci, nommé le chemin de Lorrez, en référence à Lorrez-le-Bocage, village par lequel il passe, est continu et aisément circulable dans toute sa partie Sud en direction de Chevry-en-Sereine, tandis qu’il l’est difficilement au Nord-Ouest alors qu’il longe la D219. . Lieu dit la Bruyère
Prairie, jachère en SIE
Ancienne voie de chemin de fer Ancienne gare Jardins, promenades, espaces publics ouverts conservés
Chemin de Lorrez Ancienne voie de chemin de fer
Bois de la Mare
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Prairie, jachère en SIE
Rue de la Mare
Carte postale antérieure à 1950 : La gare de Voulx (Source : collection-jfm.fr)
L’ancienne gare aujourd’hui
Carte postale antérieure à 1950 : Place des Tilleuls
Rue des Tilleuls, 2018 -145 -
Un
large développement pavillonnaire, transformation des lisières Après 1950, Voulx s’est développé jusqu’en haut de coteau, faisant fi de la morphologie des paysages et des continuités entre espaces agricoles ou boisés et espaces bâtis. Entre les haies de thuya, les maisons aux orientations variées et situées en milieu de parcelle, on est à Voulx comme on pourrait être n’importe où. Les hameaux sont également aujourd’hui comme «noyés» au sein du mail pavillonnaire. Au contact des centralités bâties les plus anciennes, hameaux et centre-bourg, on trouve du pavillonnaire diffus, sur de petites parcelles, et des parcelles divisées. Il s’agit de constructions venant «remplir» les espaces libres de jardins ou vergers. Il s’agit d’un modèle de pavillonnaire relativement dense. Puis, en s’éloignant le long des axes de circulation ainsi qu’au niveau des limites est/ouest du village et de son ancienne ceinture maraîchère, on trouve du pavillonnaire en bande. Les parcelles y sont laniérées. Ces pavillons se sont développés par à-coups, en fonction des opportunités foncières. Un lotissement se détache cependant au niveau du lieu-dit le Paradis, et fait face de manière frontale aux espaces agricoles. Il semble assez récent, et la parcelle au Nord de celui-ci semble en attente d’un agrandissement du lotissement. Sa première partie a été construite entre la fin des années 1960 et le début des années 1970 et la seconde partie jusqu’en 2009.
On trouve des Surfaces d’Intérêt Ecologique en lisière de village. Ces SIE ont été rendues obligatoires pour obtenir l’intégralité des paiements verts de la nouvelle Politique Agricole Commune adoptée en 2014. Autour de Voulx elles sont constituées de jachères de plus de six ans. Pourraient-elles constituer un outil de projet, afin de d’épaissir la lisière arborée et jardinée du village?
J’ai choisi un exemple de lisière autour du lieu dit le Paradis, qui montre bien l’hétérogénéité des paysages.
Limosin
Les Souchots
Le Charme
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Bois Jadrat
Le Paradis
100 m
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Jardin ouvert
Boisement Jachère de plus Jardin de 6 ans, Surface découpé, ouvert d’Intérêt ancien Ecologique verger
Chemin
Jardin en friche
Pavillon
Jardins ouverts, léger enfrichement
Cheminde M ontmachoux
Corps de Ferme
Maison rurale
Rue du Limosin
Jardin ouvert
Bande enherbée
Terrain “en attente”de projet ?
Route de M ontmachoux
Culture de féverole
Pavillon
Lisière Nord, du Paradis aux boisements du Limosin
Boisement découpé, ancien verger
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CONSTATS ET ENJEUX LEGENDES LEGENDES Une géomorphologie qui définit les espaces du villages Une géomorphologie qui définit les espaces du villages Vues Vues Fonds de vallon Fonds de vallon Des espaces-repère peu lisibles Des espaces-repère peu lisibles Jardin public Jardin public Hameaux, anciennes centralités Hameaux, anciennes centralités Ancienne voie de chemin de fer Ancienne voie de chemin de fer Des enjeux de développement du village Des enjeux de développement du village Limite site classé de l’Orvanne Limite site classé de l’Orvanne Projet d’extension de la ZAE Projet d’extension de la ZAE Terrains potentiellement constructibles Terrains potentiellement constructibles Lisières à enjeux Lisières à enjeux Liens circulés et/ou arborés entre Liens circulés et/ou arborés entre éléments structurants éléments structurants
Le PLU est en cours de constitution à Flagy comme à Voulx. C’est donc pour l’heure toujours le POS qui s’applique. Le Plan Local d’Urbanisme sera approuvé fin 2018. C’est dans ce cadre que je souhaite donner des perspectives plus larges aux paysages habités du village. Ainsi, contrairement à Flagy ou Montmachoux où je me suis directement appuyée sur les documents existants ou en cours, je souhaite ici prendre de la hauteur par rapport à ceux-ci. Je déploie une stratégie globale adaptée au village de Voulx mais qui fait échos et reprend des outils développés précédemment. A l’échelle de la commune de Voulx, quel équilibre y a-t-il entre classement de la vallée et évolution des paysages habités ? Entre protection et évolutions ? Le classement de la vallée s’est contenté de resteindre l’extension du village suite à 1990, date de son établissement. L’évolution pavillonnaire de Voulx était cependant déjà bien entamée. Aujourd’hui le village est assez étendu mais relativement dense. Cela peut s’expliquer par la compacité caractéristique du village, aux hameaux proche du centre-bourg et peu nombreux puis par le classement l’ayant forcé à évoluer sur lui même. On voit bien ici que le classement d’un site ne correspond pas à une vision paysagère et dynamique de l’espace. Il a certes stoppé une évolution qui aurait pu être bien plus forte, mais il n’a pas incité ou aidé à mettre en place des outils de gestion à l’échelle des paysages de la vallée. A l’échelle de Voulx on a donc une grande hétérogénéité de paysages, qui manque aujourd’hui de lisibilité, tant visuelle dans ses relations au grand paysage, qu’à l’échelle des lieux parcourus. Quelles nouvelles perspectives aujourd’hui, dans le cadre de la constitution des documents d’urbanisme communaux ? Plutôt que laisser le village évoluer comme «par défaut», comment le rendre plus cohérent via une stratégie globale pour ses paysages habités ? Je pars ainsi du principe que les lisières des paysages habités du village, qui ne sont pas en espace classé, forment des potentiels importants de projet. Ces lisières sont à plusieurs échelles au sein de la commune :
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Les transitions entre boisements des plateaux, boisements des vallons et espaces habités forment des limites à l’échelle des paysages du village. Ils ne dialoguent que peu aujourd’hui avec les espaces pavillonnaires qui bordent le village. Il me semble qu’en donnant une meilleure progressivité et plus de diversité à ces lisières, on peut mieux inscrire le village dans son paysage, notamment au sein de la vallée de l’Orvanne et des vallons secondaires. Les lisières sont également les transitions, parfois brutales, et les lieux de contact entre espaces cultivés à habités tout autour du village. Parfois formées de vergers, elles sont la plupart du temps formées des haies de thuya ou des barrières des pavillons, sans lien visuel ou physique, sans progressivité. Ces lisières sont souvent, notamment entre le Paradis et le Charme, des espaces hétérogènes, entre coeur de hameau et pavillonnaire en bande. Je souhaite ainsi introduire une nouvelle progressivité vers de nouvelles manières d’habiter ces espaces. Enfin, l’espace public du village est constitué de lisières qu’il me semble important de renouveler. Il s’agit ici des lieux de sociabilité à l’échelle fine de la place, de la rue ou de la venelle. Cette question se pose particulièrement au sein des espaces pavillonnaires où le bâti se replie sur lui-même par son positionnement en milieu de parcelle et au sein desquels seul l’espace public de le rue forme lien. Mais également au sein du centre bourg, où codes ruraux et villageois pourraient être davantage affirmés et donner lieu à plus d’espaces publics de qualité.
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OBJECTIFS ET STRATÉGIE Ces différents enjeux donnent lieux à une stratégie d’action sur ces espaces de transitions au travers de trois grandes séries d’actions et en huit fiches actions.
Affirmer les paysages des vallons 1 - Diversifier le val de l’Orvanne 2 - Circuler les vallons 3 - Cultiver les vallons, l’exemple de Vaucorneille
Habiter autrement les lisières à l’échelle du hameau 4 - Ménager des liens circulés, habités et cultivés entre trame bâtie et boisements -Lisière Nord-Est, Du Charme au Bois Jadrat 5- Mettre en place une continuité de vergers du Lisière Nord-Ouest, autour Du Paradis 6 - Un nouvel espace d’habitat comme outil de lien
plateau cultivé au village
Ménager des espaces publics de qualité 7 - Mettre en valeur des espaces partagés progressifs au coeur du bourg 8 - Instaurer des lisières jardinées entre espaces privés et espaces publics
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AFFIRMER LES PAYSAGES DES VALLONS
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A l’échelle locale, l’implantation de Voulx et de ses hameaux est dessinée par le doux relief du val de l’Orvanne et des vallons secs qui descendent jusqu’ à la rivière. Le val de la Maladrie est aujourd’hui bâti, et s’est développé à partir des hameaux du Limosin et du charme qui le surplomblent légèrement. Quand aux vaux de Beauregard et celui situé sous la Bruyère, ils sont ouverts et offrent des vues vers le village. Ces vaux ouverts forment de douces lisières entre espaces bâtis et grandes entités paysagères des plateaux ou de la vallée. Comme le montre l’évolution du val de la Maladrie, ces structures paysagères n’ont pas été prises en compte dans la manière de développer le village. Ces continuités naturelles pourraient néanmoins être vecteur de continuités circulées à l’échelle du village comme de la vallée. Par les vues qu’ils offrent et la compréhension des paysages qu’ils permettent d’aborder, il me semble essentiel de les mettre au centre d’un projet qui conditionne les orientations du PLU. D’autre part, on ne constate pas de véritable vision paysagère de cette vallée, pourtant classée. Il me semble que, par le prisme des paysages habités, il est possible de faire de cette vallée «uniquement» protégée une vallée pratiquée et gérée à sa juste valeur.
OBJECTIFS - Mieux inscrire le village dans ses paysages, des plateaux aux vallons
Le val de l’Orvanne et ses vallons
- Mettre en valeur les relations entre paysages «naturels» et paysages construits constitutifs des villages - Permettre des circulations piétonnes quotiennes facilitées - Connecter et compléter les réseaux circulés existants - Préserver des continuités physiques, visuelles comme écologiques
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DIVERSIFIER LE VAL DE L’ORVANNE CONSTATS ET ENJEUX
Exemple d’actions en fond de vallée, entre Richebourg et Lichiot
La vallée de l’Orvanne est peu lisible au niveau de Voulx. Son fond de vallon est fermé, principalement planté de peupliers, du moins dans sa partie Ouest, entre Richebourg et Lichiot. En effet, et contrairement à la partie Est du fond de vallée de l’Orvanne, ces espaces n’ont pas été acquis par le département pour faire partie de l’ENS. De plus, les populicultures ne constituent pas une ripisylve équilibrée. Leur enracinement peu profond ne contribue pas de manière efficace au maintien des berges, contrairement à d’autres espèces telles que l’aulne ou le frêne, qui ne possèdent pas la rentabilité économique du peuplier. Ces boisements sont privés, il n’y a donc pas de gestion commune au niveau de l’ensemble paysager que constitue le val de l’Orvanne. De plus, les pratiques de cet espace sont restreint à un usage purement forestier. Il s’agit ici autant de diversifier des paysages boisés que de mieux les mettre en relation avec les espaces habités implantés en fond de vallons. Il s’agit ainsi d’introduire une progressivité dans la longueur du fond de vallon comme dans son épaisseur, en lien avec les espaces bâtis. Cela peut notamment être le cas au niveau de Lichiot, où le hameau surplombe la partie boisée du val.
OBJECTIFS - Diversifier les paysages donc les milieux riverains de l’Orvanne - Introduire une mixité d’usage dans la partie Ouest du fond de vallée - Offrir une meilleure lisibilité de la structure paysagère du village et de son implantation - Créer une gradation entre Orvanne canalisée, à l’intérieur du village, et Orvanne plantée à l’extérieur du village - Générer de nouveaux lieux et de nouvelles dynamiques partagées, agricoles comme de loisir, en fond de vallée
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Dégager des points de vue Etablir une continuité boisée Générer une nouvelle lisière progressive Ouvrir le boisement
100m
ACTIONS ET MISE EN OEUVRE - Maintenir des points de vue depuis et sur la vallée - Renforcer la ripisylve le long du cours d’eau avec une diversification des espèces végétales : introduction d’aulnes ( Alnus glutinosa), de frênes (Fraxinus excelsior) et de saules arbustifs (Salix sp.), diversification des strates de végétation, de la strate arborée à la strate herbacée.
Alnus glutinosa
Salix caprea
Iris pseudacorus
- Ouvrir des espaces de prairies humides, entretenues pour et par une activité d’élevage - Maintenir un espace ouvert entre parcelles bâties et espaces boisés - Diversifier les strates des lisières forestières en introduisant une strate arbustive Il s’agira d’aller au delà d’un classement en zone N dans le Plan Local d’Urbanisme. Il pourra s’agir d’étendre l’Espace Naturel Sensible et / ou de diversifier les débouchés pour les particuliers possédant des parcelles en fond de vallée. Au delà de la situation de Voulx, et afin de mettre en oeuvre ces actions de manière plus cohérente, il s’agira de mettre en place une étude à l’échelle de la vallée de l’Orvanne. Les différentes collectivités riveraines pourront être mobilisées ainsi que le Syndicat Mixte d’études et d’aménagement de la vallée de l’Orvanne. Voulx pourra jouer le rôle de site d’expérimentation, en lien avec des activités pédagogiques qui pourront être mises en relation avec l’école située en fond de vallée.
Ouverture d’une prairie derrière l’école, exemple d’un mode de gestion par le pâturage ovin
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CIRCULER LES VALLONS : CONTINUITÉS À L’ÉCHELLE COMMUNALE ET INTERCOMMUNALE CONSTATS ET ENJEUX Cette fiche-action ne se centre pas seulement sur la vallée de l’Orvanne, mais aussi sur les vallons qui structurent le village : ceux de la Maladrie au Nord, de Beauregard au Sud-Est et le léger vallon au niveau de la Bruyère. Le fond de vallée de l’Orvanne est en partie géré via l’Espace Naturel Sensible des iles de l’Orvanne. Un chemin le parcoure depuis le centre-bourg. Il existe donc une continuité dans la vallée à l’Est du village, jusqu’à Diant. Le parcours en direction de Thoury-Férottes et Flagy est par contre morcelé, coupé notamment par la D219. Le chemin de l’ancienne voie de chemin de fer, partiellement appelé chemin de Lorrez, existe aujourd’hui mais ne rejoint pas directement la trame du village. De plus, il est peu mis en valeur et peu lisible dans le paysage. Très légèrement en surplomb d’un petit vallon ouvert, il dégage des vues vers le village du côté Nord, et va jusqu’au Bois de la mare en direction de Chevry-en-Sereine vers le Sud. Plus loin au Nord, il se confond avec la route départementale. Il pourrait constituer un élément de lien jusqu’au parcours du fond de vallée de l’Orvanne et faire également le relais avec le chemin de Grande Randonnée de Pays de l’Orvanne (GRP) qui longe la vallée par le Nord en direction de Flagy puis jusqu’à sa confluence. Au niveau du vallon urbanisé au Nord, le travail se fera davantage au niveau de l’espace public et des liens bâti-boisements - Voir fiche lisières
OBJECTIFS - Encourager des mobilités «douces», piétonnes, cyclables - Mieux percevoir et se repérer dans la structure paysagère du village
LÉGENDE
- Marquer la perméabilité des vallons (hors celui de la Maladrie, déjà bâti), gérer les eaux pluviales en aval de l’Orvanne
Cheminements existants Chemins ruraux Chemin de Grande Randonnée de Pays de l’Orvanne Tracé du GRP sur voie carrossable
- Profiter des vues d’un vallon vers l’autre - Créer des connections entre plateaux et vallée
Cheminements proposés
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ACTIONS ET MISE EN OEUVRE - Création de nouvelles portions de chemins sur des chemins ruraux existants, les signaler dans le nouveau Plan Local d’Urbanisme - Signalisation claire des chemins existants - Entretien par gestion différenciée, fauche régulière des cheminements - Matérialisation ponctuelle des chemins par des alignements d’arbres, notamment d’arbres fruitiers - Lier circulations de fond de vallée et de plateau, notamment le GRP Il s’agira de s’appuyer sur les chemins ruraux et les circuits de randonnée existants, tels que le GR de Pays de l’Orvanne qui traverse Voulx, ou encore de s’appuyer sur les traces de l’ancienne voie de chemin de fer. Différentes circulations seront ainsi mises en valeur et/ou créées. Le cheminement de l’Orvanne effectué en lien avec le travail d’ouverture du fond de vallée. Espace Naturel Sensible des Iles de l’Orvanne
Les chemins ainsi créés pourront être répertoriés dans le Plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée (PDIPR).
ACTEURS - Commune de Voulx - Département - Associations de randonnée
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Vue sur le val de l’Orvanne avant et après: Diversification des espèces riveraines, ouverture d’un espace de prairie et mise en place d’une circulation en bord de rivière
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CULTIVER LES VALLONS, L’EXEMPLE DE VAUCORNEILLE CONSTATS ET ENJEUX Les vallons sont traditionnellement les espaces où l’on trouvait prairies pâturées et parcelles maraîchères, directement en lisière de Voulx. Ces lieux peuvent être l’occasion d’une diversification d’activités, et des lieux d’expérimentations d’une agriculture écologique et en circuit court. Dans ces paysages de grandes cultures intensives, il s’agit d’une occasion de mettre en lien habitants et agriculteurs, et de dépasser les clivages «campagne ressource», «campagne cadre de vie», «campagne nature». Je prends l’exemple du lieu dit Vaucorneille, vallon au sein duquel passe le chemin de Lorrez, sur le tracé de l’ancienne voie ferrée. Doucement creusé, il présente une belle ouverture en direction du village, et est bordé par le Bois de la Mare. Les parcelles autour de celle-ci sont actuellement en jachère, gelées depuis au moins 2007, et profitent ainsi des paiements verts de la Politique Agricole Commune. Ne pourraient-ils pas être l’objets d’un projet qui mette directement en lien les habitants et l’espace agricole ? Tant physiquement que par la marche, et par un système de production en vente directe ?
OBJECTIFS - Pratiquer différemment les espaces des vallons - Participer à une gestion productive des lisières du village - Mettre en relation espaces habités et cultivés ainsi qu’habitants et agriculteurs Penser conjointement la ZAE et l’espace agricole
- Générer de nouveaux services de proximité pour les habitants - Encourager un type d’agriculture plus respectueux de l’environnement en lisière de village et en limite des cours d’eau
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Espace agricole de proximité à développer autour de l’ancienne voie ferrée
0.5km
ACTIONS ET MISE EN OEUVRE - Implantation d’un agriculteur en maraîchage ou transition d’un agriculteur présent vers une activité de maraîchage - Mise en lien de ce projet avec celui de la ZAE, via la mutualisation de certains espaces, pour l’implantation de serres par exemple ou pour une espace de vente de proximité - Mise en relation avec l’A.M.A.P. de Chevry-en-Sereine, commune limitrophe au Sud de Voux, au sous le Bois de la Mare A droite, la proposition du Plan Paysage et Biodiversité (PPB) des Vallées de l’Yvette, au sein du PNR de la Haute de Haute Vallée de Chevreuse peut servir d’exemple pour la mise en place de ce processus progressif.
ACTEURS Ici, en l’absence de Parc Naturel Régional, d’autres acteurs seront à fédérer et mobiliser, pour les problématiques foncières, pour l’aide à l’installation d’un jeune agriculteur ou encore pour la formation et l’accompagnement d’un agriculteur dans ses changements de pratiques.
Extrait du Plan Paysage et Biodiversité des Vallées de l ’Yvette, PNR de la Haute Val lée de Chevreuse - 2012
- SAFER - Réserve de Biosphère Fontainebleau et Gâtinais - Association Terres de Liens - A.M.A.P.
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Avant et après le travail sur le vallon de Vaucorneille au niveau de l’ancienne voie ferrée : Installation progressive d’une activité de maraîchage à l’arrière des lotissements et de manière à encadrer le chemin de Lorrez. Plantation d’arbres repères autour du chemin, sur sa partie la plus proche du village.
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HABITER AUTREMENT LES LISIÈRES À L’ÉCHELLE DU HAMEAU HAMEAUX DU CHARME ET DU LIMOSIN
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Je souhaite ici travailler sur le contact entre habitat, principalement pavillonnaire et espaces ouverts ou boisés. L’ensemble des lisières du villages sont morcelées, bâties au fil des constructions individuelles ou d’un lotissement, comme au niveau du lieu-dit le Paradis. Il y a donc des parcelles agricole enclavées que je ne souhaite pas voir comme des dents creuses «à remplir» mais comme des espaces de transition sur lesquelles s’appuyer pour développer des pratiques d’agriculture de proximité, des circulations douces, des jardins partagés... Dans la lignée de l’exemples de l’éco hameau du Champ Foulon ou encore de ce que j’ai observé à Chevry-Cossigny, je souhaite m’inspirer des typologies locales pour donner lieu à des espaces partagés de qualité. Je m’appuierai ainsi sur les observations faites à Voulx comme à Flagy ou Montmachoux, qui présentent des typologies bâties et d’espaces publics qui donnent lieu à des transitions douces et des lisières progressives. J’ai choisi quelques unes d’entres elles qui, à mon sens, nécessitent plus que d’autres d’être pensées. En effet, j’ai choisi des espaces où l’on trouve une hétérogénéité de paysages liée aux différentes périodes de développement du village : un coeur de hameau, qui fait face à des espaces pavillonnaires de différentes typologies, telles que la lisière Nord autour des hameaux du Charme, du Limosin et du lotissement du Charme.
Objectifs - Générer un lien progressif entre espaces habités et cultivés - Proposer des typologies d’habitat qui génèrent des espaces partagés et des lisières - Créer des espaces partagés au sein des espaces pavillonnaires - Connecter trame bâtie et boisements 100m
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MÉNAGER DES LIENS CIRCULÉS, HABITÉS ET CULTIVÉS ENTRE TRAME BÂTIE ET BOISEMENTS EXEMPLE DE LA LISIÈRE NORD-EST, DU CHARME AU BOIS JADRAT CONSTATS ET ENJEUX La lisière Nord-Est du village, entre hameaux du Charme et du Limosin, au dessus du val de la Maladrie, est surplombée par le Bois Jadrat. Les hameaux sont entourés et liés par une trame pavillonnaire laniérée développée par à-coup au fil de l’évolution du village. Un chemin rural forme la limite entre espaces bâtis et cultivés vers l’Est, et traverse le Bois Jadrat. Cependant au sein de la trame, majoritairement pavillonnaire, on se repère difficilement, on ne lit pas ces liens, et aucun espace commun n’est ménagé. Il existe cependant de nombreuses parcelles ouvertes en direction du boisement, qui sont ou des réserves foncières ou des espaces cultivés enclavés, ou encore quelques vergers, dont certains enfrichés. Il s’agit de repérer ces espaces et de proposer des circulations et des espaces communs pour habiter de manière plus partagée cette lisière.
OBJECTIFS - Générer des espaces partagés dans la trame pavillonnaire - Connecter davantage espaces cultivés et habités - Mettre en valeur les chemins existants - Créer et maintenir des continuités physiques et visuelles entre espaces bâtis et espaces boisés
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Cartographie des liens a établir entre le Charme et le Bois Jadrat Typologie des espaces habités Il s’agit de s’inspirer des typologies locales, avec la figure de la cours qui se décline, ici sur des parcelles laniérées. On peut ainsi prendre exemple sur les différents hameaux du village, ou encore, par endroit sur des typologies observées à Flagy, avec ses usoirs ou à Montmachoux.
ACTIONS ET MISE EN OEUVRE
Voulx
- Ménager des circulations jusqu’au chemin rural en lisière Est qui s’infiltrent dans le maillage pavillonnaire - Créer des espaces mixtes cultivés, circulés et habités. Il s’agira de générer un autre type d’agriculture, directement au service des habitants. Ainsi les circulations mises en place se jouxteront avec de nouveaux espaces d’habitat et des espaces de maraîchage ou de verger. Afin de favoriser ces activité il s’agira d’en faire des jardins ou des vergers partagés, gérés par les habitants, dans le cadre associatif.
ACTEURS - Commune de Voulx - CAUE - Agrof’Ile - Terre de Liens - Associations locales : Cour Commune - dans l’optique d’activer de nouvelles pratiques - ou associations de randonnée
Montmachoux
Montmachoux
Il faudra veiller à hiérarchiser les différents espaces, en réinterprétant le principe des maisons rurales du village, entre celui de la maison, le jardin privé, et des espaces privés partagés -cours commune ou usoirs- et espace public. Des espaces communs en front de bâtiment pourront ménager une transition avec les nouveaux cheminements puis les espaces cultivés partagés. Ci-contre, l’exemple d’une maison rurale type à Voulx, source d’inspiration pour le projet.
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Axonomie type d’une maison rurale : espace public intime et enherbé, alignement des murs de pignon, et venelles communes à plusieurs bâtiments donnant sur une cour partagée.
Voici un exemple de nouvel espace où s’imbriquent et dialoguent l’habitat, les espaces cultivés et un chemin jusqu’au bois Jadrat. Il s’agit ici d’une image de projet à moyen / long terme. Il pourra être mis en place de manière progressive, en instaurant d’abord les circulations et une première bande d’espaces cultivés, avant de mettre en oeuvre l’espace d’habitat. Cet espace pourra être l’occasion d’un projet partagé avec les futurs habitants, et incluant, en faisant appel aux actuels habitants. Ces derniers pourront déjà définir et prendre en charge l’espace commun.
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LÉGENDE LÉGENDE LÉGENDE Cheminements existants
METTRE EN PLACE UNE LISIÈRE DE VERGER DU PLATEAU CULTIVÉ AU NORD OUEST AU VILLAGE
Cheminements existants Chemins ruraux Cheminements existants
Chemin Grande Randonnée de Pays de l’Orvanne Cheminsde ruraux Tracé dude GRP au sein de la trame Chemin Grande Randonnée devillageoise Pays de l’Orvanne Chemins ruraux Tracé dude GRP au sein de la trame Chemin Grande Randonnée devillageoise Pays de l’Orvanne Tracé du GRP au sein de la trame villageoise
Cheminements proposés
Cheminements proposés arboré Cheminements Chemin proposés Chemin arboré
CONSTATS ET ENJEUX
Chemin arboré
Anciens vergers enfrichés
On observe une série de vergers autour du chemin rural du Paradis, qui surplombent Voulx au Nord-Ouest. Ces vergers sont privés, et présentent des stades d’évolutions variés, du verger tout juste planté à celui aux arbres sénéscents et au léger enfrichement. Ce chemin se prolonge directement, et comme brutalement vers le lotissement du Paradis. Celui-ci présente des frontières brutales avec les espaces agricoles qui l’entourent. Les vergers localisés ponctuellement forment ici une transition plus douce, et relèvent également d’une pratique arboricole qui tend à disparaitre, comme le montre les photographies aériennes anciennes. Il s’agit ici d’utiliser et d’activer l’outil que représente les vergers pour générer une lisière plus progressive entre espaces bâtis (lotissement en l’occurrence) et espaces cultivés : chemin bordé de fruitiers qui s’épaissit en un verger / potager ou autre commun au nord du lotissement
OBJECTIFS - Ménager une lisière douce autour du village - Connecter espaces habités et cultivés - Réactiver des pratiques agricoles autour du verger - Mettre en lien quartier pavillonnaire récent et les centralités des hameaux du Limosin et du Charme - Expérimenter de nouvelles manières d’habiter la campagne, plus partagées
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Anciens vergers enfrichés Vergers Anciens vergers enfrichés Vergers Verger habité Vergers Verger habité Verger habité
ACTIONS ET MISE EN OEUVRE - Mettre en oeuvre des cheminements bordés d’arbres fruitiers, de manière localisée pour conserver des covisibilités avec le centre du village, afin de générer une lisière progressive avec les espaces cultivés. Etablir pour cela une convention avec les agriculteurs et /ou utiliser les servitudes d’utilité publique - Mettre en place un verger communal, conjointement à un nouvel espace d’habitat situé au Nord du lotissement du Paradis. Mobiliser les habitants et associations afin de faire de ce nouvel espace un lieu partagé. Mobiliser les apiculteurs locaux dans ce cadre. - Identifier les différents vergers, leurs propriétaires et leur état, dans le cadre de la mise en place du Plan Local d’Urbanisme, et les inscrire dans le Plan Local d’Urbanisme - Faire appel à des formations et de l’aide aux particuliers, via le CAUE et le réseau associatif, quand aux bonnes pratiques pour entretenir leurs vergers
ACTEURS - Commune - CAUE - Associations locales, notamment association des croqueurs de pomme du Bocage Gâtinais - Agrof’ile
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UN NOUVEL ESPACE D’HABITAT QUI RENFORCE LA PROGRESSIVITÉ DES LISIÈRES Le lieu dit du Paradis est l’objet depuis les années 1960 d’une opération de lotissements, qui s’est bâtie selon plusieurs phases. Celle-ci, sur le rebord du plateau, et dans le prolongement de l’urbanisation linéaire, vient épaissir la lisière pavillonnaire au Nord du village. On se repère difficilement au sein de celle-ci. Les voies sont pour la plupart des route sans issue, les pavillons sont identiques. La forme du bâti et son implantation ne sont pas fonction du relief ou de l’écoulement des eaux pluviales, mais bien sur un modèle unique et répété. L’une de ces voies débouche sur un chemin rural. Depuis celui-ci on possède une vue d’ensemble sur le village, comme je l’ai auparavant montré. Ce chemin est également bordé de vergers, dont certain semblent moins entretenus. Au Nord du lotissement existant se trouve un terrain de 9000 m², qui n’est pas cultivé, et semble aujourd’hui en attente de projet. J’imagine qu’il sera loti dans la continuité de l’existant, sur le même modèle pavillonnaire. Je souhaite m’emparer de l’occasion que représente ce terrain en lisière de village pour établir une relation entre les vergers existants, les chemins ruraux, le système de vue sur le village et un nouvel espace d’habitat. C’est un espace situé en rebord de plateau. Il s’agira également de jouer finement sur la topographie pour l’implanter de manière harmonieuse. Cet espace d’habitat sera également là pour proposer un modèle différent du pavilllonaire en milieu de parcelle. Il s’agira de proposer un modèle mixte, qui allie une certaine intimité et la présence d’espaces partagés. Il s’agira également de hiérarchiser espaces publics, communs et / ou privés, de manière à offrir une qualité d’espace de vie qui serve non seulement aux nouveaux habitants mais également à l’ensemble du quartier.
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Trame arborée
Espaces publics, espaces partagés
Ecoulement de l’eau
Je m’appuie sur la trame du verger qui s’insère dans la parcelle pour structurer l’espace depuis le Sud-Est. A l’Ouest une transition arborée de petits bosquets fera le lien avec la parcelle voisine. Les circulations se hiérarchisent selon plusieurs axes. Un axe principal, dans la continuité de celui du lotissement, qui traverse le terrain vers le Nord Est. Il est partiellement carrossable, afin d’accéder aux divers logements. Des axes secondaires Ouest-Est, qui correspondent aux chemins créés par les plantations d’arbres fruitiers seront créés. Deux de ces chemins plantés seront plus importants, ceux qui sont à la jonction entre plusieurs axes. C’est à ces endroits-ci que deux placettes structureront l’espace : La première met en lien le lotissement existant du nouvel espace d’habitat, alors que la seconde sera un lieu commun aux nouveaux habitants, et communiquera directement vers le verger. La situation de rebord de plateau incite à ne pas inscrire l’espace d’habitat en situation de surplomb, pour laisser le verger jouer un rôle de coupe vent, ainsi que pour mieux inscrire le bâti en direction du hameau du Limosin.
Typologie bâtie
Pour une gestion renouvelable des eaux usées il s’agira mettre en place une gestion des eaux grises via un bassin de phytoépuration situé au point bas de la parcelle. ll jouxtera les espaces boisés et sera également accessible par le cheminement commun de fonds de parcelles. La typologie de bâti est choisie de manière à articuler lotissements et espaces du hameau et à générer espaces publics, communs et privés afin d’équilibrer intimité et potentiels usages communs. Il s’agit également d’éviter un vis-àvis trop frontal entre nouveaux bâtiments et pavillons existants. Je m’inspire des fermes locales en positionnant le bâti perpendiculairement ou parallèlement au chemin principal, et par des formes en L, plus ouvertes et moins denses cependant que celles du hameau. J’ai choisi de créer plusieurs situations qui pourront donner lieu à différentes typologies et tailles de logement. A l’Ouest du chemin principal, les bâtiments en L donnent sur des jardins privés, assez intimes, alors qu’à l’Est les parcelles communiquent plus directement avec le verger. Un des bâtiment pourrait également être un lieu commun aux habitants.
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Schéma d’intention du nouvel espace d’habitat
Esquisse Verger commun
Chemin de
Circulation c en t r a l e hiérarchisée
Chemin arboré
Moret
Le Limosin Chemin de
Axe de développement potentiel d’un second espace de verger
Moret
Le paradis
1
2 50m
100m
Bassin de phytoépuration
Schéma d’intention du nouvel espace d’habitat
Chemin Verger commun arboré
Jardin individuel
Circulation centrale
Jardin individuel Venelle commune
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Venelle en fond de parcelle
typologie bâtie et références
Venelle ombragée de fond de parcelle
Frontages plantés Espaces ouverts communs libres et multifonctionnels
1 - Axonométrie type, à la jonction avec le chemin de Moret
2 - Ci-dessus, une vue de la placette à la jonction entre lotissement et nouvel espace d’habitat Il s’agit d’un espace ouvert, librement laissé à l’appropriation des habitants pour divers usages, de même que la seconde placette. Les arbres font la transition entre les deux espaces. Les fronts de bâtiments enherbés pourront librement être plantés.
Un processus participatif à imaginer Afin d’ancrer au mieux ce nouvel espace dans le village il faudra imaginer un processus qui inclue nouveaux et actuels habitants. L’esquisse que je propose ici n’est donc qu’un schéma possible de développement. Il me semble, par contre, que le cadre de l’imbrication entre bâti et verger ainsi que les nécessités en termes de topographies et d’eaux devraient être respectées. Ainsi qu’une résonnance entre nouvelles typologies bâties et typologies du hameau. Il ne s’agit donc pas au cours de ce processus de venir éliminer le savoir faire du concepteur, mais bien de le mettre en partage avec les habitants, tenants de la maîtrise d’usage, et ce au cours d’ateliers collectifs.
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MÉNAGER DES ESPACES PUBLICS DE QUALITÉ
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A l’échelle de l’espace public, on trouve de nouveau un manque de transitions. L’exemple de la rue principale, la Grande Rue et des espaces jardinés qui l’entourent en est représentatif. Ainsi la Rue Grande qui correspond à la route départementale 219, change très peu de typologie entre l’entrée et le coeur du village. Lieu d’activité et de commerce central de Voulx elle n’incite pas à la flânerie. Larges espaces de stationnements, trottoirs étroits et ominiprésence de l’enrobé sont des caractéristiques que l’on retrouve particulièrement ici, mais également dans les espaces publics d’échelle moinde. Au sein du village, on trouve peu d’espaces partagés, de places, de placette de qualité. Des potentiels espaces existent, mais nécessitent d’être retravaillés. Ils pourraient contituer les mailllons d’un réseau d’espaces ouverts privés ou publics au sein de la trame villageoise, à lier avec les espaces de circulations précédemment développés. De même, à l’échelle de la rue, quelques éléments simples du vocabulaire rural pourraient être davantages appuyés.Il s’agit d’éléments simples, économiques, de plantations et d’une meilleure hiérarchisation des typologies de voies. On ne les trouve pourtant aujourd’hui qu’autour des anciennes centralités des hameaux, alors qu’elles pourraient également être mises en oeuvre dans d’autres espaces publics : Bandes enherbées au lieux d’enrobé dans les petites rues, restauration et mise en valeur des murets anciens, chaussée redessinée par endroits.
OBJECTIFS - Mettre en valeur et recréer des espaces de sociabilité dans le village - Donner plus d’importance aux piétons dans l’espace public - Soigner les paysages de la rue - Améliorer la gestion de l’eau
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METTRE EN VALEUR DES ESPACES PARTAGÉS PROGRESSIFS AU COEUR DU BOURG CONSTATS ET ENJEUX La rue principale, la Grande Rue est celle qui concentre la plupart des services et activités du village : boulangeries, cafés, banque, fleuriste... Or, elle correspond à une route départementale. Le traffic y est donc important et elle est bordée de manière continue de places de stationnement. Le vocabulaire employé y est routier. Il me semble important de travailler sur l’espace public de la Grande Rue puisqu’il s’agit de l’espace de centralité et de sociabilité le plus important du bourg. Il s’agit également de marquer et de rythmer l’entrée dans Voulx. D’autre part, Grande Rue connecte les différentes placettes et jardins publics au coeur du bourg, telle que la carte ci-contre le montre. Ils représentent des espaces de sociabilité, et confortent la partie ancienne du village où se concentrent commerces et activités. Les places et jardins, telles que la place des Tilleuls, sont apparus au XIX° siècle, et leur tracé semble s’être brouillé au fil du temps. Ainsi, le jardin public qui lui fait face n’est pas en relation avec l’espace public qui l’entoure, et auquel il pourrait profiter. De plus, la gestion végétale de ces espaces répond à des réflexes systématiques de taille qui pourraient être remis en question, dans une vision globale de l’arbre et de manière à mieux structurer ces espaces de vie. Le jardin de la Grande Rue qui fait face à la mairie a lui été transformé en espace de stationnement. Il répond ainsi à des besoins fonctionnels, sans qu’il n’y ait de vision globale sur la manière d’y répondre en cohérence avec la qualité des espaces publics à l’échelle du village.
OBJECTIFS - Renforcer les espaces de sociabilité du centre-bourg -Repenser les espaces publics existants, les mettre à l’échelle du village - Les mettre en réseau entre eux ainsi qu’avec les circulations à plus grande échelle, notamment avec celles du val de l’Orvanne - Remettre en lien espaces du centre bourg, où se concentre l’activité, et espaces pavillonnaires
Espaces structurants de l’espace public et hiérarchisation de la Grande Rue
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ACTIONS ET MISE EN OEUVRE - Réaménagement selon des principes simples de quelques uns de ces espaces publics : - Penser des circulations partagées, renforcer la place du piéton - Les concevoir globalement afin de répondre aux problématiques du village telles que les stationnements ; - Utiliser des matériaux locaux, telles que les pierres de grès coloré que l’on retrouve régulièrement sur les murets, qui résonnent avec les paysages du village - Jardiner ces espaces publics (voir fiche suivante) - Mettre en place une gestion arboricole raisonnée pour l’ensemble des arbres du village
EXEMPLE DE LA GRANDE RUE La Grande Rue pourra dans ce cadre être rythmée en différentes séquences qui correspondent aux paysages qu’elle traverse : Une séquence végétale traitée assez simplement par des bandes de prairies aux abords de la route, une séquence jardinée dans les espaces plus résidentiels et dans le hameau du Lichiot, et une séquence minérale au coeur du bourg, dans sa partie plus commerçante. Le photomontage réalisé ci-contre met en lumière une ambiance possible pour cet espace où les circulations seraient plus apaisées et la place du piéton prépondérante. On pourra se référer à la fiche suivante pour les deux premières séquences. Elle sera également rythmée par les espaces publics, placettes, jardins et autres circulations, qu’elle rencontre.
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Grande rue - Opter pour des modes de taille raisonnés - Diminuer l’impact visuel de la voirie afin d’avoir un espace plus partagé - Ouvrir le jardin sur la placette, les mettre en continuité en suprimant le muret Nord et en conservant le mur de pierre qui le borde par ailleurs - Supprimer les bordures et niveller finement l’espace - Utiliser des matériaux qui se répondent, de la pierre locale pour les fils d’eau au béton désactivé et au sable stabilisé au niveau de la promenade.
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Grande ru
Je propose un schéma global de réaménagement de cet espace. Il s’agit de mettre en lien la circulaton des tilleuls et le jardin qui lui fait face afin de créer une véritable placette face puis une promenade sous les tilleuls. Je propose les actions suivantes: - Planter une contre allée de tilleuls afin de générer une véritable promenade
e
Exemple de la rue des Tilleuls
Rue des tilleuls avant et après , d’un espace conditionné par la
route à une
promenade généreuse
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INSTAURER DES LISIÈRES JARDINÉES ENTRE ESPACES PRIVÉS ET ESPACES PUBLICS Différentes typologies d’espaces publics à jardiner CONSTATS ET ENJEUX Les différents espace publics sont traités de manière similaire, avec une très forte présence du bitume, même au sein des rues plus intimes et au sein des quartiers pavillonnaires. Dans cette commune rurale, il y a donc peu de rues perméables, végétalisées qui offrent des paysages intimes. Il me semble ainsi important d’établir des lisières plus progressives à cette échelle resserrée via des éléments simples du vocabulaire local, plantations comme murets caractéristiques. Les communes alentours telles que Montmachoux et Flagy disposent d’exemples riches en termes de plantations dans l’espace public. Il existe également de nombreux murets au sein de Voulx enduits ou enfrichés, alors qu’ils pourraient être des éléments structurants de ces espaces publics ruraux.
Axonomie type de la trame linéaire de la Grande rue, de l’espace public minéral aux jardins et cours dissimulés, des maisons de bourg aux maisons rurales;
OBJECTIFS - Faire de la rue un espace de vie et de promenade - Diversifier et enrichir les paysages de la rue - Donner plus de lisibilité aux espaces publics - Attribuer une place prépondérante aux piétons dans les divers espaces publics - Avoir des espaces publics qui permettent une meilleure gestion de l’eau avec plus de perméabilité
Venelle en enrobé...
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Axonomie type d’une maisons rurale : espace public intime et enherbé, alignement des murs de pignon, et venelles communes à plusieurs bâtiments donnant sur une cour partagée.
ACTIONS ET MISE EN OEUVRE - Identifier les différentes échelles d’espaces publiques, de la rue principale, la rue grande, aux ruelles, passages et venelles - Mettre en place un traitement différent des espaces publics en fonction de ces typologies - Mettre en place des bandes enherbées et plantées de vivaces des limites de voirie marquée par des espaces minéraux de pierre locale - Mettre en place des voies partagées - Réduire visuellement ou de manière effective les chaussées carrossables - Repenser le nivellement et les matériaux des fils d’eaux
MATÉRIAUX, RÉFÉRENCES
Références locales : venelle et mur en grès à Montmachoux, usoir à Flagy
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METTRE EN PERSPECTIVE Vallery Blennes
Diant
Montmachoux
Voulx Thoury-férottes
Dans cette optique, il s’agirait de lier les différents espaces communs et habités que j’ai proposés avec de nouvelles activités : artisanat local, cafés, espaces d’apprentissage et de transmission... Il s’agit également de mettre en place une gestion commune et cohérente de la vallée de l’Orvanne, ouverte sur les territoires transversaux, jusqu’aux paysages de plateaux et leurs buttes boisées. Des liens piétons et cyclables pourront être renforcés d’un village à l’autre, à partir des circulations existantes et de celles que j’ai proposées. Elles pourraient générer une autre approche des éléments structurants des paysages, de vallées en plateaux, de plateaux en boisements. Au-delà de la pratique du week end ou des vacances, serait-il possible de pratiquer ces paysages plus quotidiennement grâce à des circulations douces ?
Flagy
Noisy-Rudignon
Les habitants du Bocage Gâtinais dépendent en termes des services et de transports des vallées qui délimitent le territoire ; ainsi à l’échelle des trois villages sur lesquelles je me suis centrée, ne pourrait-on pas mettre en place un système, un réseau de circulations, de services, de gestion de l’espace commun et qui confère davantage d’indépendance à ce territoire ?
Dormelles
Le rôle des éco-villages, et des espaces habités que j’ai souhaité proposer, est également celui de laboratoire de mode de vies différents, de modes de constructions alternatifs, et d’innovations.
Villecerf - 182 -
BILAN DES ACTIONS, MISE EN PLACE D’UN RÉSEAU
Montmachoux
Flagy
Les jalons d’une stratégie commune Vers une gestion commune de l’Orvanne Espaces publics structurants Nouveaux espaces habités Nouveaux espaces cultivés
Voulx
Chemins de Grande Randonnée : GR 11E et GR de Pays de l’Orvanne Connexion entre chemins et avec les espaces habités à renforcer
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CONCLURE Pour mieux développer ces aspects là il s’agit maintenant d’inscrire mes propositions en lien avec les habitants, et notamment au travers des associations locales dont j’ai pu rencontrer quelques représentants. C’est ainsi qu’elles pourront s’épaissir dans le temps, et s’ancrer dans l’espace. La création de compétences autour de la réhabilitation du bâti et des murets, de modes de constructions bioclimatiques, d’une agriculture de proximité respectueuse de l’environnement sont quelques éléments qui peuvent induire un renouvellement de ces espaces ruraux. De quels outils d’action dispose ce territoire pour mettre en place ces propositions ? Il me semble que de nombreux outils sont déjà à disposition pour faire du projet rural, des outils l’urbanisme aux Espaces Naturels Sensibles, jusqu’aux aménagements plus classiques. Dans le cadre d’une échelle de paysage telle que celle de la vallée de l’Orvanne, et, plus largement, du Bocage Gâtinais, c’est principalement un espace de coordination et de financement qui est nécessaire. C’est alors que la question du Parc Naturel Régional se pose de nouveau. Comment réactiver les dynamiques qui ont émergé durant ce processus pour générer un outil de projet pertinent à cette échelle du grand paysage ? Cela peut-être par des coopérations intercommunales, par exemple, et par des projets exemplaires, de renouvellement de centre-bourg, d’habitat participatif ou de système agricole de proximité, qui aient un pouvoir d’influence dans le territoire. La question qui reste selon moi n’est finalement pas de savoir ce qu’est la campagne aujourd’hui mais bien «Quelles campagnes souhaite-t-on demain ?». Je
me demande également de quelle manière nous souhaitons convoquer nos représentations de la campagne pour qu’elles ne soient pas inhibantes mais bien porteuses de projets, en respect avec les paysages. J’ai souhaité répondre à ces interrogations au travers de ces trois exemples. Selon moi, la campagne de demain est celle qui arrivera à dépasser les clivages «campagne cadre de vie », « campagne ressource » et « campagne nature ». Il s’agit ainsi d’établir des ponts et des hybridations entre ces éléments. Dans cette optique j’ai souvent convoqué la question des continuités et des lisières, spatiales, visuelles et de pratiques, notamment en présence d’espaces pavillonnaires qui se sont établis en rupture d’avec l’existant. J’ai également cherché à faire ré-émerger des tracés et des modes d’investissement des paysages pour mieux les réinterpréter, les adapter à de nouveaux usages, dans une vision dynamique de ce que sont les « patrimoines ruraux ». J’ai voulu établir des stratégie à l’échelle du village, qui aillent au delà- de ce que propose le PADD, et puissent redescendre dans les documents d’urbanismes, le PLU, et de gestions, comme ceux des ENS. Les outils de mise en oeuvre proposés mêlent donc éléments simples de gestion, de plantations dans l’espace public, de cheminements à mettre en valeur, et des aménagements ponctuels. Les propositions que j’ai mises en place ne sont pas figées, elles sont là pour amener le débat et ouvrir des perspectives. Elles m’ont permis de mettre un pas dans ce qu’est le projet rural, et de voir comment, en tant que future paysagiste, je peux intervenir sur ces espaces.
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BIBLIOGRAPHIE LIVRES
ARTICLES, RAPPORTS ET MÉMOIRES
- BERQUE Augustin, BONNIN Philippe, GHORRA-GOBIN Cynthia (dir.), La ville insoutenable, Belin, 2006
Sur les transformations de l’espace rural
- DAWSON Jonathan, Les écovillages, Laboratoires de modes de vie éco-responsables, Editions Yves Michel, 2010
- DONADIEU Pierre, FLEURY André. La construction contemporaine de la ville-campagne en Europe In: Revue de géographie alpine, tome 91, n°4, 2003. Les agriculteurs dans la cité. pp. 19-29
- FRIEDMAN Yona, L’Architecture de survie. Une philosophie de la pauvreté (1978), Paris, Éditions de l’éclat, 2003 - GUILLOT Xavier (dir.), Espace rural et Projet spatial (vol.2), Vers un nouveau pacte ville-campagne ?, Publications de l’Université de Saint-Etienne, 2011 - HERVIEU Bertrand et VIARD Jean, Au bonheur des campagnes (et des provinces), Marseille, L’Aube, 1996, - MAGNAGHI Alberto, Le projet local, Belgique, Edition Mardaga, Architecture + Recherches, 2003 - SAUNIER Frédéric, SERY Johanna (dir.), Espace rural et Projet spatial (vol. 6), Ruralités et métropolisation (à la recherche d’une équité territoriale).Publications de l’Université de Saint-Etienne, 2016
- HERVIEU B., PERRIER-CORNET Ph., «Les transformations des campagnes françaises, : une vue d’ensemble», dans Ph. Perrier-Cornet (dir), Repenser les campagnes, ed. L’aube-Datar, 2002 - MICOUD André, « Eternelles campagnes ? », Ecologie & politique 3/2002 (N°26) , p. 75-87 - MORMONT Marc, « Globalisations et écologisations des campagnes », Etudes rurales 1/2009 (n° 183) , p. 143-160 - RIEUTORT Laurent, « Du rural aux nouvelles ruralités », Revue internationale d’éducation de Sèvres, 59 | 2012, 43-52. - Etude du CREDOC, Centre de Recherche pour l’Etude et l’Observation des Conditions de Vie, « Les Français et l’espace rural », juin 2001
- RABHI Pierre, Vers la sobriété heureuse, ACTES SUD, 2015
- Rapport « Aménager les territoires ruraux et périurbains » de Frédéric Bonnet à Sylvia Pinel, janvier 2016
DOCUMENTS DE RÉFÉRENCE SUR LES PAYSAGES
- INRA (2008) : Prospective : les nouvelles ruralités en France à l’horizon 2030, Rapport, INRA, 82 p.
- Atlas des paysages de Seine-et-Marne
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BIBLIOGRAPHIE Sur les Parcs Naturels Régionaux
- DESPONDS Didier, «Les impacts d’un parc naturel régional (PNR) sur les évolutions socio-démographiques de son espace rural : le cas du Vexin français », Norois, 202 | 2007, 47-60. - Les Parcs Naturels Régionaux : 40 ans d’histoire... , Fédération des Pacrs Naturels Régionaux de France, 2007
- CHOAY Françoise, «L’utopie aujourd’hui, c’est retrouver le sens du local», Courrier International, supplément au n°.533, 18 janvier 2001, p. 10-11
Mémoires de fin d’étude en paysage - BALLA Zoé, Habiter quelque part, de l’utopie de la campagne à la réalité d’un territoire rural, 2017 - MATTER Milène, Habiter la campagne autrement, 2013
Sur le territoire du Bocage Gâtinais - Institut d’Aménagement et d’Urbanisme d’Ile-de-France, «Projet de parc naturel régional du Bocage Gâtinais, Etude de faisabilité», étude commandée par la région Bourgogne, la région Centre-Val de Loire et la région Ile-de-France, 2015
FILMS ET CONFÉRENCES
- Institut d’Aménagement et d’Urbanisme d’Ile-de-France, «Identités périurbaines : le Bocage gâtinais, n° 172 des Cahiers de l’IAU « Coupes et découpes territoriales - Quelle réalité du bassin de vie ? »»
- DEPARDON Raymond, Les habitants, 2016
- Publication de l’AHVOL et de l’ARBRE, Promenade en Gâtinais, 1998 - Publication de l’AHVOL et de l’ARBRE, Petit train en Gâtinais, 1992 - PIGNAULT Florian, Le projet de Parc naturel régional du Bocage Gâtinais, Processus de territorialisation en zone périurbaine, Mémoire de master de, juin 2009
- SERREAU Coline, Solutions locales pour un désordre global, 2010
- Soirée-débat «Grand Paris Biorégion ?» le 2 décembre 2015 au Pavillon de l’Arsenal avec Béatrice Mariolle, Architecte-urbaniste, Alberto Magnaghi, Architecte-urbaniste, Président de la Société des territorialistes, Thierry Paquot, Philosophe de l’urbain - Paysages de l’après-pétrole, Expérience(s) de paysages, le 31 mars 2018 au Pavillon de l’Arsenal, avec COLLECTIF PAP, Odile Marcel, Présidente du Collectif PAP, philosophe, Rémi Janin, Membre du PAP Paysagiste Concepteur, INITIAL, membres de PAP, paysagistes conceptrices
Vocabulaire et définitions - DONADIEU Pierre, Petit lexique de géomédiation paysagiste, Publié dans Projets de paysage le 24/12/2009
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BIBLIOGRAPHIE TRAVAUX PHOTOGRAPHIQUES - CUISSET Thibault, Une campagne photograhique, La boutonnière du Pays de Bray, 2006 - DEPARDON Raymond, La France, série photographique La France, 2010
SITES INTERNET - Site internet du CAUE de Seine-et-Marne, www.caue77.fr/ - Site internet de l’agence CPA-CPS, www.cpa-cps.fr - SIte internet de Promoteur de Courtoisie urbaine, promoteurdecourtoisieurbaine.com - Site internet du mouvement des Colibris, rubrique «La Fabrique», où sont référencées et mises à jour les initiatives d’éco-lieux, www.colibris-lafabrique.org - SIte internet du Global Ecovillage Network Europe, réseau européen des écovillages, gen-europe.org
DONNÉES CARTOGRAPHIQUES - Geoportail - Institut Géographique National, Données SIG - Consultation du cadastre sur www.cadastre.gouv.fr
- Lorsque cela n’est pas précisé, il s’agit de pièces graphiques et de photographies réalisées personnellement -
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REMERCIEMENTS Merci à mon directeur d’étude, Guillaume Laizé, pour sa confiance et la pertinence de ses remarques. Merci aux membres de mon jury, Anne Brochot, Jacques Drouhin, Marianne Souq et Vincent Tricaud. Merci de leur présence pour ma soutenance, comme du temps qu’ils ont accordé à mon travail. Merci à tous les membres des écovillages qui m’ont accueillie, et ont partagé avec moi leurs beaux projets : Manou, Denis, Claire, Caroline, Lisa, Liza et Loïc. Merci à Camille Roche, membre de Promoteur de Courtoisie Urbaine, ainsi qu’à Xavier Point, membre et fondateur de CPA-CPS, pour les riches échanges quant aux projets de co-habitat. Merci aux élus locaux qui m’ont généreusement transmis leurs connaissances du territoire. Merci aux membres de l’AHVOL, et particulièrement à Simone et Michel, pour leur aide si précieuse, comme pour leur bienveillance et leur générosité. Merci à tous les proches qui m’ont soutenue de près ou de loin : ma soeur Elsa et Ludovic, Omi, João, Maxime, Naouel ainsi qu’à ma chère équipe de relecteur.ice.s : mes parents, Clémentine et Francis, ainsi qu’à Colombe et Manon. Merci encore à Manon, pour les sessions de travail partagées, d’un diplôme à l’autre, sans oublier les fous rires. Un grand merci ainsi qu’ un clin d’oeil tout particulier à Louise dans cette année si spéciale. Enfin, un grand merci à tous mes camarades de promo pour ces intenses années partagées, des Pyrénées à Bordeaux, de Bordeaux à... Affaire à suivre...
Mots clefs : alternatives, Bocage Gâtinais, biens communs, campagne, cultiver, espace public, habiter, Île-de-France, nouvelles ruralités, paysage,
espace rural,
Parc Naturel Régional,
patrimoines, politiques publiques, représentations
Ce mémoire propose une réflexion et des stratégies d’action situées sur l’évolution des manières d’habiter la campagne, des espaces pavillonnaires aux éco-villages. Ce questionnement est d’abord théorique, puis se territorialise au sein du Bocage Gâtinais, unité paysagère cohérente, à cheval entre régions Ile-de-France, Bourgogne-Franche-Comté et Centre-Val-de-Loire. Il s’agit, dans un premier temps, de comprendre le référentiel culturel sur lesquelles se basent nos représentations de l’espace rural, et de les mettre en parallèle avec ses évolutions concrètes. La réflexion s’ouvre ensuite sur les solutions proposées par des éco-villages du bassin parisien, face aux problématiques contemporaines liées à nos modes d’habiter les espaces ruraux . Ceux -ci proposent des processus et des formes qui infuseront pour une mise en pratique dans le bocage Gâtinais, et plus particulièrement autour de trois villages de la vallée classée de l’Orvanne. Leurs paysages habités y sont analysés, en soulignant les éléments qui peuvent faire sens dans une idée de renouveller leur «patrimoine territorial». Au regard des politiques publiques et des documents d’urbanisme existants, des stratégies d’actions situées sur chacun des villages puis un lien entre ceux-ci émergent finalement.