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Aventure Sans Garçons / Fillesnambules

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Fillenambules

PAR CHLOE ROUX MOLLARD

La highline, on commence à connaître : ça fait le tour des télés, reportages, Téléthon sur la tour Eiffel, ces nouveaux funambules de l’extrême, « ah oui, ceux qui marchent sur un fil ! » ; « j’ai vu ça au grand canyon ! » ; « mais vous êtes attachés ? »… Encore une fois, les médias ont réussi à donner du sensationnel pour faire de l’audience, et dans la tête des gens, ce n’est plus trop un sport inconnu. Mais qui sont -vraiment- ces athlètes qui ont envie d’aller marcher dans le vide ? En l’occurrence toute une bande, composée exclusivement d’une dizaine de filles, réunies pour l’installation d’une ligne de 600 m en plein désert américain, dans la région de Moab (Utah).

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« Ancee achète alors 600 mètres de sangle dans la foulée, avec l’arrière-pensée de revenir... Ça me parle, et du coup, j’achète aussi 600 mètres de sangle ! »

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U n homme se doit d’être fort et de ne jamais pleurer, sinon c’est une fiotte. Une fille, dans un environnement plutôt masculin, tels les sports outdoor, va être reconnue et mise en avant pour tellement moins qu’un homme. Elle se doit d’avoir cet esprit de battante, pour sortir des clichés et se démarquer à sa juste valeur. M’étant construite et forgé le caractère dans un univers masculin, j’étais la première à fuir ce genre de rassemblements et initiatives entre filles, appréciant plus naturellement l’ambiance avec les mecs. Puis, petit à petit, je me suis rendue compte que nous n’avons pas forcément toutes cette capacité mentale à nous pousser et repousser sans cesse nos limites. Que cet esprit de compétition disparaît entre les filles lorsqu’il n’y a plus de présence masculine. Et que l’on y gagne quelque chose d’encore plus gratifiant. »

« Cela fait bientôt dix ans que je pratique la discipline, depuis ses débuts en France. En 2010, le record mondial de longueur était de 60 mètres, il est aujourd’hui à presque 3 km, filles et garçons confondus. La principale évolution a été le fait de tendre beaucoup au début, pour passer au fil des tentatives, à une tension minimale, qui absorbe les vibrations et mouvements de la sangle, diminuant énormément les contraintes, et rendant possible des installations de cette ampleur. Dans ma façon d’aborder la pratique, je ne me suis pas tournée vers des défis de longueur ou autres records, mais vers des lignes qui m’appellent esthétiquement, dans un environnement alpin, où souvent, les compétences se complètent. On mixe alpinisme, escalade, longues marches d’approches, ou parfois en ski, en portant des gros sacs. Puis c’est la mise en place de la ligne qui demande elle aussi pas mal d’énergie, et enfin, on va puiser dans nos dernières ressources pour marcher la ligne, le but final de la mission. Clairement, on le fait plus pour l’aventure que pour le temps effectif passé à marcher sur la highline. »

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Il a fallu décider de l’organisation pour que chacune ait du temps sur la ligne. Temps qui était compté, puisque le créneau météo nous laissait trois jours complets à profiter. Nous sommes 9 à vouloir slacker, il y a 7 heures de soleil par jour, et une traversée prend 1 heure... Le calcul sera vite fait, on décide que chacune se laisse un essai sans limite de temps pour pouvoir en profiter pleinement, et on aura toutes un deuxième essai, un peu plus limité.

Le point de départ

« L’année passée, partie découvrir la grimpe traditionnelle en fissure aux Etats-Unis, mon amie Tchèque Ancee (qui a débuté en highline à la même époque que moi) me parle d’un projet auquel elle a participé en Utah, la ligne de Castleton. Située dans le désert aux alentours de Moab, elle a fait le tour du monde sur les réseaux par la beauté de ses paysages, et un nouveau record y avait été établi en Novembre 2015. Lorsque Ancee y était, c’était la deuxième fois qu’une équipe entreprenait l’installation ; elle ne faisait pas partie des principales actrices, mais a eu son tour pour l’essayer. Littéralement un coup de foudre, un moment de magie qui l’a marqué, lui a ouvert de nouveaux horizons. “Je me sentais tellement petite entre ces deux tours, entourée par l’immensité du désert, un instant de grâce dans le présent qui m’a transporté, et m’a juste donné envie de retrouver ces sensations incroyables“.

Ancee achète alors 600 mètres de sangle dans la foulée, avec l’arrière-pensée de revenir... Ça me parle, et du coup, j’achète aussi 600 mètres de sangle (les highlines sont toujours doublées par un back-up en cas de problème, chaque élément de l’installation est systématiquement doublé, voire plus...). C’est le point de départ. On s’est connues en 2013, lors d’un projet vidéo qui mettait en avant les filles (G4G dans les Calanques, Return to Balance), pour valoriser leurs capacités, les pousser à être autonomes, notamment en highline, chose qui n’est pas évidente encore aujourd’hui dans tous les pays et toutes les cultures... Ne remettant aucunement en question notre lien, amour, affection et admiration pour les garçons, tout comme notre envie de partager des projets ensemble, on se dit pour cette ligne, si nous sommes suffisamment de filles motivées pour mener ce projet, c’est peut-être l’occasion de mettre le sport féminin en avant. Mais ce qui allait nous arriver lors de ce voyage dépasse tout ce que j’aurais pu imaginer. »

Ça s’organise

Cinq Françaises sont partantes pour l’aventure. « Auré, plus grimpeuse et alpiniste dans l’âme, elle est déjà au Colorado depuis deux semaines en exploration avec un super van, et prépare notre arrivée. Laure, une ancienne de la slack comme moi, on se suit depuis nos débuts. Mimi, une ancienne aussi du milieu, qui s’est démarquée par son style et ses records ; elle fait encore partie des meilleures au monde aujourd’hui. Louisa, notre Baby, qui a tout compris en trop peu de temps, qui n’est petite que par la taille. Enfin moi, avec

une fracture du métacarpe en cours de cicatrisation, mais qui décide quand même que ma place est bien dans cette équipe en partance. Nous retrouvons sur place deux Tchèques : Ancee, qui rêvait depuis trois ans de revenir sur cette ligne et qui s’est entraînée pour ce projet toute une année, et enfin Eva : une pratiquante passionnée et volontaire, qui se challenge sur des petites lignes techniques et connaît tout des installations. Se rajoutent à ce noyau dur au féminin, deux cameramen Tchèques, Honza et Lukas, venus sur l’initiative d’Ancee qui a envie d’immortaliser l’aventure. »

« Première étape au Fruit Bowl, lieu célèbre pour pratiquer la highline, et qui accueille chaque année l’un des plus gros festivals, le GGBY. L’idée est de faire un point sur le matériel, tester notre organisation de groupe, et notre installation niveau technique (égalisation et sécurisation entre les différents morceaux de sangle que l’on connecte ensemble), dans un endroit où l’installation est facile. Nous avons un créneau météo qui s’annonce la semaine suivante, et il ne reste donc que peu de jours pour faire les calages. Pendant que cinq d’entre nous font l’installation, les deux autres partent grimper les deux tours à Castleton pour repérer si les ancrages sont bien toujours en place, et de quel matériel nous aurons besoin. En trois jours, nous avons installé, démonté et entre temps toutes pu s’essayer à la ligne de 460 mètres (toujours avec une attelle et la main fragile, ça sera une rééducation dans le vif du sujet). Un échauffement réussi, qui nous aura déjà bien fatiguées. Le vent glacial n’a pas arrêté de souffler, et, de nuit comme de jour, notre corps a dû lutter contre le froid. »

« Le jour que l’on voyait comme celui du repos avant de partir pour la mission, n’aura été que course contre la montre… On rencontre le reste de l’équipe : deux Canadiennes, Camille, une toute jeune et talentueuse pratiquante, pleine d’humour et d’énergie ; Heidi, mondialement connue dans le milieu de l’Acroyoga, et enfin Michelle, une Américaine et locale de Moab, qui ne pourra être là que pour nous aider à l’installation et la désinstallation. On prépare les sacs et les trois équipes. Deux équipes de trois qui grimperont de chaque côté, et une équipe au sol qui s’occupera de dérouler la ligne pour relier les deux bases des tours. On fait des courses pour la semaine, le spot étant à 45 minutes de la ville de Moab, l’idée est de bivouaquer au sommet d’une tour, pour éviter de perdre de l’énergie chaque jour avec 1 heure d’approche et 150 mètres de grimpe ou remontée sur corde. »

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« C’est l’histoire d’une photo. Quand j’ai vu cette image que Chloe venait de mettre en ligne sur son blog… Envie d’en voir et savoir plus. Et parfois, l’histoire derrière la photo la rend encore plus belle ». LM.

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« 3 ème jour. La deuxième partie de l’équipe passera la journée à hisser encore et encore des sacs... 28 au total »

Jour J

« 4h30 du mat. Départ dans la nuit avec la caravane et nos sacs reliés les uns aux autres par la sangle déjà toute prête. Chaque équipe part pour sa mission : une sur la tour du Rectory, une autre sur la tour de Castleton, et la dernière au sol pour dérouler la slack. À la dernière minute, je dois me charger d’un petit imprévu : malgré le soin apporté à la check list, il nous manque les boulons servant à fixer les plaquettes sur lesquelles nous nous ancrons ! Le plus petit détail de l’installation, et évidemment crucial. Redescendre au pas de course au parking, filer à Moab acheter des boulons et retour à la base des tours. Le passage de la ligne au sol est bien plus compliqué que prévu : un pierrier sur une arête, des tours à passer et esquiver, le tout à 4, alors que l’année passée pour cette même mission, ils étaient 7... On n’est pas en rabe de main d’œuvre, et la présence surprise de Katrin, une photographe et passionnée, est plus que bienvenue. Parvenues aux pieds de la tour, tout se déroule enfin comme prévu : chaque équipe nous lance leurs cordes raboutées, on attache chaque extrémité, et doucement, les filles au sommet hissent chacune à leur tour. Au coucher de soleil, la ligne est levée du sol, le projet prend forme. On redescend au parking dormir, recharger nos sacs de tous nos vivres et affaires pour un bivouac de 5 jours en autonomie. Une première journée bien remplie, et nous y avons laissé des plumes. Le lendemain, seule une partie de l’équipe se motive à monter, le reste préfère se ressourcer en bas pour monter le jour suivant. On remonte avec des sacs encore plus chargés que pour l’installation : affaires chaudes et perso, de l’eau, à manger, du bois... Encore une bonne brique à trimballer ! Après l’heure et demie de marche, on monte sur le Rectory grâce aux cordes statiques laissées en place, et le hissage des sacs commence… On finit dans la tempête de vent et de neige, à une heure du matin, complètement épuisées »

Jour 3

« La deuxième partie de l’équipe arrive au pied et passera la journée à hisser encore et encore des sacs... 28 au total, pendant que l’autre partie de l’équipe déjà montée finit l’installation et la tension de la ligne. Ça y est ! Nous sommes toutes là, la ligne est prête. Heidi va décrocher le ficellou qui nous aura permis d’orienter la ligne depuis le sol pour éviter qu’elle se coince dans des cailloux, et alors que le soleil se couche, fera les premiers pas sur la ligne. Libération, victoire ! Nous avons réussi, la ligne est là ! Les conditions sont optimales, il n’y a pas de vent. Nous sommes installées et avons pris possession de cet espace perché au milieu du désert, nous installons nos tentes, et préparons le dîner au coin du feu, alors que le silence et la quiétude du lieu se fait sentir... Tout a merveilleusement bien fonctionné, chacune à son poste et dans son rôle, surmontant chaque petite difficulté avec patience, écoute, compréhension et implication. Dans la simplicité la plus totale, avec notre tente et un feu pour nous chauffer, nous sommes juste tellement heureuses de nous retrouver toutes ici, isolées du monde, comme des Reines sur leur royaume inatteignable. »

Seules au monde ?

« Pendant 3 jours, un rythme de vie s’installe. Nous nous levons avec le soleil, on mange à nos rythmes personnels, chacune suit sa routine de yoga, de méditation, prend le temps pour Être et Vivre pleinement le présent. Nous avons toutes notre moment sur la ligne, supportée par les autres, mais aussi des moments de musique, d’acroyoga, de discussion. Notre espace sur le sommet de cette tour est immense, alors on peut aussi s’isoler, contempler, ou simplement prendre du temps pour soi. Nous avons parfois la visite de grimpeurs qui arrivent par la célèbre fissure Fine Jade, après avoir sûrement pesté contre les cordes statiques en place sur la tour, puis c’est la surprise quand ils débarquent dans notre univers. La cohabitation entre les différentes activités doit se faire avec respect, et nous nous sommes excusées auprès de ceux qui recherchaient peut-être plus de tranquillité. Finalement, notre projet aura suscité plus d’émerveillement et de curiosité, et les rares râleurs repartiront avec le sourire, par la descente en rappel offerte à tous les visiteurs grâce à nos ‘stats’. Nous aurons aussi la visite de deux Base-jumpeuses, venues passer une nuit avec nous, et nous offrir au lever du jour le spectacle un peu stressant de leur saut. Et aussi celle d’une grimpeuse venue spontanément nous aider au démontage, tout comme Michelle aussi, remontée pour essayer la ligne vite fait, avant de nous filer un coup de main. Le frère de Louisa et deux copains nous aurons aussi bien sauvé la life, en venant nous voir le dernier jour alors que nous étions quasi à sec de vivre, avec de

l’eau et à manger, sans même que nous soyons au courant... Merci ! »

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« Ne remettant aucunement en question notre lien, amour, affection et admiration pour les garçons, on se dit pour cette ligne, si nous sommes suffisamment de filles motivées pour mener ce projet : c’est peut-être l’occasion de mettre le sport féminin en avant »

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« 600 m de ligne, ça coûte environ 1000 €. Ça, c’était pour notre ligne principale en matos perso. Le backup, la deuxième sangle de 600 m en sécurité, qui était en dyneema, il y en a pour 3600 €. C’est la team SDD qui nous l’a prêtée, donc un gros merci à eux ! Aucun gros sponsor pour nous financer, mais beaucoup de coups de mains et de prêts de matos de copains plus ou moins proches, qui ont voulu soutenir ce projet. Katrin, Michelle, Vincent, Nastro, Locket et Tisha, Christin, Cat, Christa, Becca, La bûche et ses acolytes qui nous ont ravitaillées par surprise, et encore beaucoup d’autres... Ce qui en fait encore plus un projet humain,sans gros moyens, mais rendu possible grâce à l’entraide, la solidarité et la générosité des gens. »

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Dans la pratique de la highline, il est intéressant d’observer la différence de niveau, alors que c’est un sport plus mental que physique. Passé la phase d’apprentissage, technique qui demande un certain physique et gainage, on se rend rapidement compte que nos limites sont celles que nous nous imposons. Aujourd’hui, le record du monde est partagé entre 6 personnes dont une fille. Mia est l’exemple qui confirme la règle : OUI, nous avons ces mêmes capacités à traverser des grandes lignes et à repousser nos limites… Mais le constat aujourd’hui, ce sont toutes ces athlètes sponsorisées qui mettent plus en avant leurs atouts physiques et leur image sur les réseaux, que leurs compétences et performances réelles sur le terrain.

Derrière la ligne

« Le travail et l’esprit d’équipe n’ont jamais pris autant grâce à mes yeux qu’à travers cette aventure. Il y avait entre toutes une bienveillance incroyable. De l’admiration en chacune de nos personnalités, de l’amitié, la vraie, celle qui est une forme d’amour, une connexion qui ont fait de ce groupe et de cette expérience un moment hors du temps. On évoque des sujets qui viennent résonner en nous dans cette situation. Quelque peu improbable, ce groupe de filles réuni ici, en Utah, Etat où beaucoup de Mormons résident. La place qu’occupe la femme chez les Mormons, nous laisse pensives et attise le débat au coin du feu. Quelle est aujourd’hui la place de la femme dans le monde ? A quel point notre culture a encore de l’influence sur notre quotidien ? Nous faisons partie de ces rares privilégiées qui ont accès à la liberté d’explorer notre mental et nos capacités physiques. Nous sommes bien conscientes que la place de la femme est encore bien loin d’être sur un pied d’égalité. Là, juste sous nos pieds, nous le savons, nous ressentons, la présence de ces jeunes femmes, mariées et mères très tôt, qui n’auront jamais accès à tout ce qui nous semble à nous, tellement naturel. Cette simplicité de se retrouver en s’immergeant dans la nature et vivant avec l’essentiel. Nous confronter à nous-mêmes à travers des défis sportifs, ce qui nous passionne, nous éveille, nous nourrit et nous fait grandir. C’est un choix. Mais aussi et surtout une chance. »

La différence

« Une vraie cohésion, l’engagement de chacun à laisser son égo de côté pour faire avancer le groupe entier. Une énergie ambiante incroyable, nous sommes toutes tellement heureuses d’être là, participer et partager. Le groupe fonctionne parce que chacune, nous avons notre place et faisons de notre mieux pour avancer ensemble. Toutes, nous avons ressenti cette bienveillance sans limite, cet amour inconditionnel et acceptation de l’autre, cette écoute et communication sans tabous, cette considération de chacun. Nos histoires nous appartiennent ; elles ont été écoutées et acceptées ou juste respectées. C’est sans doute cela, la différence fondamentale dans un groupe uniquement féminin : la place que nous accordons aux émotions. Se laisser le droit d’avoir un coup de moins bien, d’accepter les larmes et nos faiblesses ; de les écouter pour en faire des forces. Laisser la place aux câlins, aux gestes vers l’autre, pour se faire du bien à l’âme. Vous l’aurez compris, la performance dans ce projet n’était que secondaire. Pour certaines bien-sûr, c’était important, et nous avons toutes vibré avec Mimi et Louisa lorsqu’elles ont réussi à traverser de part en part ce monstre. La victoire était déjà dans le fait d’installer la ligne, et qu’on puisse la marcher. Plus que la performance sportive, ce qui nous restera de ce projet, c’est la magie de l’énergie de notre bande de filles. Une énergie douce, dans l’amour profond. De soi, de l’autre, du groupe, de la nature qui nous accueillait, de la page que l’on venait d’écrire avec notre sueur, mais surtout notre cœur. »

Propos recueillis par Laurent Molitor

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