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Nations Unies et le Canada Ce que le Canada a apporté à l’ONU et ce qu’il devrait faire aujourd’hui Sous la direction de John E. Trent


Les Nations Unies et le Canada: Ce que le Canada a apporté à l’ONU et ce qu’il devrait faire aujourd’hui Sous la direction de John E. Trent Cet ouvrage a été préparé et publié en tant que projet du World Federalist Movement – Canada/Mouvement canadien pour une Fédération mondiale (www.worldfederalistscanada.org). Les points de vue et opinions exprimés dans chacun des articles demeurent la seule responsabilité de leurs auteurs.

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Preface Les Nations Unies et Le Canada Ce que le Canada a apporté à l’ONU et ce qu’il devrait faire aujourd’hui John E. Trent L’un des premiers et des plus grand secrétaires-généraux de l’ONU, Dag Hammarskjöld, aurait déclaré : « Les Nations Unies ne furent pas créées pour transporter l’homme au ciel, mais pour épargner à l’humanité d’être condamnée à l’enfer. » Le but de ce livret est un tant soit peu plus limité. Il se consacre surtout à démontrer jusqu’où l’ONU peut aller afin d’assurer un avenir durable sur cette planète qui est la nôtre et, partant, de quelle manière le Canada peut aider à atteindre ce but. Le message de Hammarskjöld est clair : nous ne pouvons pas nous attendre à des merveilles de l’ONU mais il est indéniable que sous son égide, le monde a pu éviter des guerres meurtrières à l’échelle internationale tout en assurant une plus grande mesure de richesse et d’intégration. Tant les réalisations que les défaillances de l’ONU sont bien reconnues par nos auteurs. Toutefois, ces derniers croient fermement que le monde a absolument besoin d’organisations internationales pour nous appuyer dans nos prises de décisions face à nos problèmes à l’échelle globale et qu’elles soient le plus efficaces possible. Pour avoir une bonne vue d’ensemble des Nations Unies, il faut partir d’une analyse de ses fonctions en tant qu’organisme, c’est-à-dire son utilité dans le contexte des relations internationales - la façon dont elle est en mesure de remplir ses obligations à ce titre. Dans la mesure où les médias se penchent surtout sur les conflits armés et les blocages au Conseil de sécurité, la gamme des fonctions

universelles de l’ONU demeurent peu connues. Voici une liste partielle de celles-ci : • Le maintien de la paix et de la sécurité à l’échelle internationale • L’aide humanitaire • La promotion des droits de la personne et de la justice sociale • La bonne intendance visant le patrimoine mondial (y compris l’atmosphère, l’espace, les océans et l’environnement, et toutes les questions transnationales) • Le droit international, les tribunaux, les conventions, le développement des normes et l’élaboration de traités • Les fonctions sociales et techniques interétatiques Malgré le fait que les médias se consacrent surtout aux conflits, la véritable histoire à l’échelle internationale, c’est celle de la coopération. En fait, notre monde s’en tire assez bien au jour le jour, en grande partie parce que la gamme d’agences onusiennes spécialisées se penchent sur tout, allant du courrier, des communications, du transport aérien jusqu’aux problèmes de santé, l’agriculture, le commerce et l’éducation. Tous bénéficient de ces services qui sont malheureusement peu connus. Mais les Nations Unies ne se reposent pas sur leurs lauriers pour autant. Leur capacité d’adaptation selon les circonstances repose surtout sur leur légitimité comme organisme universel dies ad quem. Cette légitimité s’appuie sur le principe fondateur de la résolution pacifique des différends et la contribution au développement économique et social ainsi 1


qu’au respect des droits de la personne. Sans pour autant s’être servi d’un seul policier au cours des dix premières années, l’ONU s’est métamorphosée en agent de maintien de la paix, à partir des années 1950 allant jusqu’aux opérations globales de maintien de la paix actuelles. Celles-ci bénéficient de l’appui de l’appareil de justice criminelle et des instruments de promotion des droits de la personne. L’ONU demeure chef de file dans les efforts de pacification et de reconstruction de pays déchirés par la guerre ainsi que pour le combat contre les maladies transmissibles, la lutte contre la pauvreté et le soutien à la démocratie. Ces contributions démontrent à l’envi le caractère indispensable des institutions internationales et, qui plus, des efforts du Canada de porter au maximum leur utilité par une participation énergique à ses programmes et à ses tentatives de réforme. Et, jusqu’à l’arrivée du gouvernement Harper, le Canada jouait un rôle prépondérant au sein de l’ONU. Pour sa part, le Canada fut un des meilleurs tenants de l’ONU depuis sa fondation. En 1948, un Canadien, le professeur John Humphrey, entreprenait le rôle d’architecte principal de la Déclaration universelle des droits de l’homme. La diplomatie canadienne a appuyé l’augmentation du nombre de membres de l’ONU, l’effort de décolonisation, le dialogue Nord-Sud, le sommet de Rio sur l’environnement et le développement, les négociations visant l’arrêt de la destruction de la couche d’ozone et des pluies acides, ainsi que les efforts pour mettre fin au régime d’apartheid en Afriquedu-Sud. Parmi d’autres initiatives récentes du Canada, il faut mentionner la campagne contre les mines anti-personnel et contre le commerce des diamants de la guerre, la mise sur pied de la Cour pénale internationale et la mise en évidence du fléau des enfants soldats. Pour autant, le Canada ne se contentait pas d’aller à quai avec la vague populaire. Nous n’avons jamais cru que l’ONU était une institution sans reproches. Les Canadiens ont 2

toujours tenté d’améliorer et de réformer l’ONU. Le Premier ministre canadien d’alors, Lester B. Pearson remportait le Prix Nobel de la paix pour les efforts qu’il avait déployés pour instituer le maintien de la paix à l’ONU. Nous avons œuvré pendant des années pour renforcer la transparence au sein du Conseil de sécurité. Dernièrement encore le Canada a assuré le financement de la commission chargée de concrétiser le concept de la « responsabilité de protéger » qui incombe à la communauté internationale envers les citoyens. La dénommée « R2P » est en train de modifier la notion de souveraineté pour qu’enfin les relations internationales se modernisent. Le Canada a toujours été un participant actif et créateur au sein de l’ONU en raison de notre conception ouverte et généreuse de la diplomatie et de la politique internationale. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. De plus en plus, le gouvernement du Canada tend à saper le travail de l’ONU et l’esprit de coopération globale. Voici quelques exemples récents : nous n’avons pas encore signé le traité visant la réglementation du commerce des armes; les diplomates canadiens à l’ONU apportent de faibles contributions aux débats sur la responsabilité de protéger; nous nous sommes désistés du Protocole de Kyoto sur le changement climatique et de la Convention sur la désertification; jusqu’à présent le Canada a refusé de se joindre à la mission de maintien de la paix pour venir en aide au Mali – un pays qui, jadis, avait notre appui; notre projet de loi pour la mise en œuvre de la Convention sur les armes à sous-munitions se traduirait par l’annulation de son propos. Qui plus est, les coupures imposées au ministère des Affaires étrangères ainsi qu’à la rémunération de ses agents ont réduit notre capacité diplomatique. Nous avons également réduit de façon draconienne le nombre de réfugiés qui seront dorénavant acceptés par notre pays tandis que notre programme d’aide a également été coupé et incorporé au sein du ministère des Af-


faires étrangères. Aujourd’hui le Canada accuse une grande faiblesse comparativement au passé. Là où étions prudents nous faisons preuve maintenant d’une certaine hostilité à tout ce que l’ONU et ses activités peuvent représenter. L’ONU n’est certainement pas parfaite. Elle manque présentement à ses devoirs envers la population du Darfour et de la Syrie. Ses forums sur les droits de la personne incluent souvent ceux-là même qui maltraitent leurs propres citoyens. Les fonds recueillis sont parfois gaspillés. Nous nous sentons souvent angoissés devant l’incapacité de l’organisme de prendre des décisions face aux grands défis mondiaux. Mais en dépit de toutes ses faiblesses, l’ONU reste indispensable. Elle réussit beaucoup plus souvent ses opérations qu’on ne le croit. Comme organisme qui a la capacité de convoquer toutes les nations de la planète, il constitue la charpente d’une meilleure gouvernance mondiale. Donc, si nous, comme auteurs de ce livret ou, encore, si tous les Canadiens désirent une Organisation des Nations Unies qui soit en mesure d’aider à gérer les problèmes du monde et à prendre les décisions qui s’imposent, nous devons alors œuvrer de concert pour susciter des changements au sein des institutions internationales. Il nous faudra

démontrer que nous sommes des partenaires avertis. Nous devons gagner le respect dans le monde pour notre politique étrangère et cesser d’être marginalisés. Nous ne pouvons pas nous permettre de tout simplement ignorer l’ONU ou, pire encore, de la dénigrer continuellement. Le Canada se doit de redevenir un chef de file dans l’arène politique internationale ainsi qu’à l’ONU. En ce qui concerne le Canada, disposer de solides organisations internationales devrait demeurer un des principes de base de sa politique étrangère. Ouvrages à consulter Paul Heinbecker (2010) Getting back in the Game, a Foreign Policy Playbook for Canada, Toronto, Key Porter Books. Jean E. Krasno (ed.) (2004). The United Nations: Confronting the Challenges of Global Society, Boulder, Lynne Reinner Publishers. Clyde Sanger (ed.) (1988) Canadians and the United Nations, Ottawa, Minister of Supply and Services Canada. Thomas G. Weiss & Sam Daws (eds) (2007) The Oxford Handbook on the United Nations, Oxford, Oxford University Press.

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Sommaire

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Warren Allmand allmandw@gmail.com Le respect des droits de la personne au cœur de la paix dans le monde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Lloyd Axworthy l.axworthy@uwinnipeg.ca Le Canada et la ‘responsabilité de protéger’ (R2P) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Michael Byers michael.byers@ubc.ca L’ONU et le droit de la mer: de l’Arctique à la mer de Chine méridionale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Ferry de Kerckhove ferry@dekerckhove.ca Le Canada et les organisations internationales : un peu de reconnaissance s’il vous plait . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Walter Dorn dorn@cfc.dnd.ca Impréparés pour la paix : une décennie de déclin du maintien de la paix canadien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Yves Fortier yfortier@arbitrationplace.com Le Canada et le Conseil de Sécurité hier et aujourd’hui : une vue de l’intérieur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Robert Fowler robert.fowler@uottawa.ca Pourquoi le Canada n’a pas été élu au Conseil de Sécurité il y a deux ans et pourquoi nous ne serons jamais élus à moins de changement fondamental dans notre politique étrangère . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Gilles Gingras gingrasgilles@videotron.ca L’ONU, le Canada et l’Organisation internationale de l’Aviation civile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Peter Langille hpl@globalcommonsecurity.org Comment se préparer pour la paix. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Carolyn McAskie carolynmcaskie@yahoo.com L’intérêt bien compris du Canada et les Nations Unies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Marilou McPhedran marilou.mcphedran.uw@gmail.com L’ONU, ONU Femmes, et le Canada . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Errol Mendes emendes@uottawa.ca Le Canada, les droits de la personne et l’ONU . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Douglas Roche djroche@shaw.ca Le rôle du Canada dans l’interdiction des armes nucléaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Julia Sanchez jsanchez@ccic.ca La société civile, le Canada et les Nations Unies: des partenariats pour l’avenir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Ian Smillie ismillie@magma.ca Les Nations Unies et l’aide humanitaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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John Trent jtrent@uottawa.ca Repenser les Nations Unies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Kathryn White kate@unac.org Que fait le Canada pour aider à établir le programme de développement international pour les deux prochaines décennies ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Le système des Nations Unies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Le respect des droits de la personne au cœur de la paix dans le monde Résumé Quand les Nations Unies ont été fondées en 1945, le monde était convaincu que le nouvel ordre international devait être bâti sur une assise de droits de la personne. La Charte comportait plusieurs dispositions importantes à cet égard. Très rapidement, un nombre significatif d’instruments sur les droits de l’homme ont été adoptés, dont la Déclaration universelle des Droits de l’Homme pour laquelle le Canadien John Humphrey a joué un rôle clé. Le dispositif des droits de l’homme à l’ONU a évolué et s’est amélioré au fil des ans, bien qu’il soit encore loin d’être parfait. Mais la solution ne consiste pas à affaiblir ou à dissoudre l’ONU. Notre objectif doit être de renforcer la mise en œuvre des procédures et mécanismes d’observation. Dans le passé, le Canada a fait preuve de beaucoup de leadership à l’appui des programmes de maintien de la paix, de développement et de droits de la personne. C’est une fière tradition qui doit être poursuivie et renforcée.

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Warren Allmand, C.P., O.C., C.R. La naissance des Nations Unies en 1945 a présidé à un mouvement profond en faveur d’un « nouvel ordre mondial » fondé sur les droits de la personne. La Charte de l’ONU contient plusieurs dispositions importantes à cet égard. En premier lieu, l’accent est mis sur l’auto-détermination des peuples (art.1(2)), Deuxièmement, l’organisation mondiale serait fondée sur le principe de la non-discrimination sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion [préambule et art.1 (3)]. Troisièmement, les États membres s’engageaient à coopérer à l’échelle internationale pour promouvoir les droits humains pour tous les peuples (art.1 (3)). Quatrièmement, les États membres s’engageaient à prendre des mesures ensemble et séparément pour assurer le respect universel des droits de la personne [art. 55 & 56]. Cinquièmement, la Charte appelait à la création d’une commission des droits de l’homme (CNUDH) à titre d’organe de base du Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC, art.68). Cette Commission fut effectivement créée en 1946 et son premier mandat fut de rédiger une convention internationale des droits de la personne. Il faut se souvenir que ces initiatives ont été prises au sortir de la deuxième Guerre mondiale au cours de laquelle des abus horribles avaient été commis – l’Holocauste, le bombardement indiscriminé de civils innocents, l’épuration ethnique, des meurtres, des viols et de la torture. Tous ces abus étaient frais dans la mémoire de ceux qui militaient pour la rédaction de la Charte des Nations Unies et d’une convention internationale des droits de la personne. D’aucuns reconnaissaient que les autres objectifs de l’ONU (paix et sécurité internationale, plus le développement économique et social) étaient étroitement liés au respect des droits de la

personne et devaient être poursuivis en même temps. Animée par les contributions d’Eleanor Roosevelt, René Cassin et du Canadien John Humphrey, la Commission des droits de l’homme a mis un point final à la Déclaration universelle des droits humains en 1948 et celle-ci a été adoptée par l’Assemblée générale par un vote de 48 à 0 avec 8 abstentions. C’était une réalisation exceptionnelle, une pierre de touche importante dans l’histoire de l’humanité. Eleanor Roosevelt a décrit la Déclaration universelle comme la « Grande Charte du genre humain ». Il est difficile à croire qu’un document aussi fondamental, avec des préceptes aussi élevés, ait été adopté par tant de pays de cultures, religions, langues, races et systèmes politiques différents. Mais à cette époque la volonté politique était au rendez-vous. Vint s’ajouter à ce dispositif la Convention contre le génocide, adoptée par l’ONU la même semaine. Puis l’ONU adopta les quatre Conventions de Genève définissant les crimes de guerre (1949), la Convention sur les réfugiés (1951), le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1967), plus les conventions contre la discrimination raciale (1969), contre l’apartheid (1971) et contre la torture (1984). Il y eut aussi les conventions établissant les droits des femmes (1981) et les droits des enfants (1989). Tout cela pour dire que les Nations Unies ont connu des succès considérables pour ce qui est d’adopter des normes de droits de la personne applicables au monde entier, à tous les peuples, tous les continents et toutes les races et cultures. Mais il y a eu des problèmes sérieux au plan de leur mise en œuvre. On s’attendait à ce que le plus haut niveau de réalisation serait atteint par l’adoption de législations de mise en œuvre par les États ayant ratifié les conventions, adopté des chartes


des droits de l’homme et mis sur pied des commissions de droits de la personne, le tout conformément aux Principes de Paris adoptés par l’ONU en 1993. Il faut noter que le Canada a ratifié toutes les grandes conventions des droits de la personne mentionnées ci-dessus, a adopté des lois en conséquence, mis sur pied des commissions des droits de la personne et adopté une Charte sur les Droits et Libertés. Bon nombre d’autres pays ont fait de même. Néanmoins, on ne cesse de constater un nombre considérable de violations des droits de la personne et des histoires d’horreur – Rwanda, Syrie, Afghanistan, Tchétchénie, Kosovo et Darfour, contre les Roms en Europe et les autochtones dans les Amériques. En fait, aucun État n’est sans faute mais la solution ne consiste pas à affaiblir ni à dissoudre l’ONU et les autres institutions internationales. Notre objectif doit être de renforcer les procédures de mise en œuvre et les mécanismes de vérification. L’acceptation par les Nations Unies de

nombreuses normes de droits de la personne depuis 1945 a illustré la volonté de progresser sur ces questions. La Cour pénale internationale a été créée en 1998; l’examen périodique universel de tous les membres de l’ONU en 2006 et la Responsabilité de Protéger ont été entérinés par l’ONU en 2005 tandis que des efforts sont consacrés de nos jours à peaufiner les procédures de mise en œuvre. La tâche qui incombe aux Canadiens et à tout le genre humain est de travailler ensemble à faire avancer la cause de la paix, de la justice et des droits de la personne. Ce ne peut être l’œuvre d’États individuels ou d’une petite coalition d’États. Pour qu’il aboutisse, l’effort doit être universel et entrepris par une Organisation des Nations Unies réformée et efficace. Le Canada, dans le passé, a fait preuve de beaucoup de leadership à l’appui des opérations de maintien de la paix et du développement et des droits de la personne aux Nations Unies. C’est une glorieuse tradition qui doit être poursuivie et accentuée.

L’honorable Warren Allmand est le président national du Mouvement fédéraliste mondial pour le Canada. Il a été président de Droits et Démocratie (Centre international des droits de l’homme et du développement démocratique) de 1997 à 2002. Auparavant il a été député fédéral pendant 33 ans, au cours desquels il a occupé plusieurs postes ministériels, dont ceux de Solliciteur général, ministre des Affaires indiennes et du Nord, Ministre de la Consommation et des Affaires commerciales.

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Le Canada, l’ONU et la responsabilité de protéger Résumé À la fin du siècle dernier, certains s’en souviendront, le Canada était à l’avantplan au titre des initiatives novatrices pour la promotion de la paix et la sécurité internationale et la protection des droits de l’homme et de la vie des civils. Une de ces initiatives a été la contribution au lancement de l’idée de la Responsabilité de Protéger (R2P). Après avoir langui pendant presque toute une décennie, l’idée a connu un regain d’intérêt à l’orée du Printemps arabe et suite à une relance de la discussion sur les interventions destinées à la protection des civils. Le Canada devrait une fois de plus jouer un rôle diplomatique dans l’institutionnalisation et la mise en vigueur du concept.

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Dr. Lloyd Axworthy À la fin du siècle dernier, certains s’en souviendront, le Canada était à l’avant-plan au titre des initiatives novatrices pour la promotion de la paix et la sécurité internationale et la protection des droits de l’homme et de la vie des civils, notamment l’avènement du traité interdisant les mines antipersonnel, la participation active à la création de la Cour pénale internationale et le lancement de la Commission internationale de l’intervention et la souveraineté des États qui a donné naissance au concept de la Responsabilité de Protéger (R2P). À l’époque, la R2P représentait un point culminant de la politique étrangère du Canada; l’accent étant mis sur la sécurité humaine. Il s’agissait d’une réponse au nouveau désordre post-guerre froide alors que des conflits violents avaient pour cibles des civils. La R2P a été présentée au monde au tournant du siècle, à l’ombre du 11 septembre. C’est ainsi qu’elle languit pendant presque une décennie entière tout en suscitant lentement un appui de la communauté internationale. Depuis l’intervention en Libye en 2011, la R2P est devenue un sujet de discussion fréquent. Sa légitimité a été mise en doute par la critique mais elle continue à se valoir des appuis au Nord comme au Sud et demeure un sujet méritant une analyse sérieuse et une application concrète. Malheureusement, depuis notre participation initiale à la création du concept, le Canada a été plutôt absent des discussions et débats en cours. Cependant, en dépit d’une hésitation à se servir de l’expression, notre gouvernement actuel a fait preuve de la volonté de participer à des interventions internationales quand la priorité portait sur la protection des civils. Nous

avons fourni un assez nombreux personnel et des avions de chasse à l’intervention en Libye mandatée par l’ONU en 2011, un appui de transport aérien et de l’aide financière au Mali en 2013 et nous avons engagé des fonds considérables en aide humanitaire pour les réfugiés syriens. Je crois que le Canada peut encore jouer un rôle significatif dans l’évolution à venir de la R2P. Même les États-Unis expriment de l’intérêt. Les États-Unis reconnaissent que, compte tenu de leur puissance militaire dominante, le monde se tournera toujours vers eux pour solliciter une orientation ou une action face à des crises humanitaires. Regardez la Libye, regardez la Syrie, regardez l’Égypte. La décision des États-Unis d’agir ou non est souvent le catalyseur d’une réponse mondiale ou d’absence de réaction. Cependant, en raison de difficultés politiques et économiques internes, après plus d’une décennie de guerres dans différents endroits de la planète, les États-Unis sont devenus fatigués de jouer le rôle de policier international. La nomination récente de Samantha Power comme ambassadrice auprès des Nations Unies et de Susan Rice au poste de conseillère pour la sécurité nationale - toutes deux partisanes de la R2P – offre des indices importants sur la direction à venir de la politique étrangère américaine. Cela laisse présager que les États-Unis pourraient être plus accessibles à des démarches coopératives pour répondre aux urgences humanitaires complexes dans le monde – comme ce fut le cas pour l’intervention en Libye. Tout récemment, un groupe de haut niveau co-présidé par Madeleine Albright et Richard Williamson a publié un rapport recommandant à l’administration Obama d’endosser pleinement le concept de R2P. Cet intérêt nouveau offre l’occasion au Canada de


reprendre son rôle de promotion et de raffinement de la R2P. Par exemple, l’intention initiale de la Responsabilité de Protéger – dans sa première mouture – était de s’écarter du caractère ad hoc des réponses aux crises humanitaires. Cette démarche provenait de l’intervention internationale sous l’égide de l’OTAN au Kosovo en 1999. On reconnut, à ce stade, que n’importe quelle réponse ultérieure devrait être dirigée par l’ONU, le Conseil de Sécurité y apportant à la fois la légitimité et la surveillance. Ce qui reste à créer, c’est une force d’intervention rapide permanente de l’ONU de telle sorte que nous puissions cesser de devoir nous fier à l’OTAN. À l’heure actuelle, le plus gros obstacle à la mise en œuvre de la R2P est le blocage au Conseil de Sécurité. Tout projet de réforme qui pourrait être proposé pour l’élargissement

du nombre de membres permanents du Conseil pour y inclure les puissances émergentes devrait également comporter l’ajout de limites au recours au droit de veto quand les situations à l’ordre du jour correspondent aux critères de la R2P. La victime la plus évidente du recours injustifiable du veto au cours des deux dernières années est évidemment la Syrie. Le blocage au Conseil de Sécurité a conduit à ce qui est aujourd’hui une guerre civile. Enfin, il faudrait mettre davantage l’accent sur l’alerte précoce et la prévention. C’est là le cœur de l’idée de R2P. Je pense que le Canada est en mesure d’apporter une contribution réelle et efficace à l’établissement d’une capacité effective, à l’ONU, pour mettre en œuvre la R2P.

Le Dr. Axworthy est président et vice-chancelier de l’Université de Winnipeg. En 1961, il a obtenu un BA du United College (maintenant l’Université de Winnipeg), un MA et un Ph.D. de l’Université Princeton. Sa carrière politique s’est étendue sur 27 ans dont six ans à l’Assemblée législative du Manitoba et vingt-deux au Parlement fédéral. Il a occupé plusieurs postes ministériels dont celui de ministre de l’Emploi et de l’Immigration, ministre responsable pour le Statut de la Femme, ministre des Transports, ministre du Développement des Ressources humaines, ministre de la Diversification économique de l’Ouest et ministre des Affaires étrangères de 1996 à 2000.

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L’ONU et le droit de la mer: de l’Arctique à la Mer de Chine méridionale Résumé En 1969, le superpétrolier SS Manhattan, avec une capacité brise-glace et battant pavillon américain a navigué à travers le Passage du Nord-Ouest sans demander la permission du Canada. Les diplomates du Canada se sont mis au travail, définissant une stratégie pour protéger les intérêts du pays contre d’autres contestations de notre revendication sur le Passage du Nord-Ouest. Un engagement en profondeur dans la négociation et la rédaction de la Convention de l’ONU sur le Droit de la Mer fut au cœur de la stratégie du Canada. En raison du leadership canadien, l’article 234 de la Convention permet aux États côtiers d’adopter des lois contre la pollution marine jusqu’à 200 milles marins des côtes dans l’arctique. Le leadership canadien s’est également retrouvé dans les dispositions de la Convention de l’ONU accordant aux États côtiers une juridiction étendue sur les ressources du sous-sol marin, question de grande importance pour le Canada qui a les plus longues côtes au monde. De l’Arctique à la Mer de Chine méridionale, des pays, partout dans le monde, ont accepté la validité de ces règles. Quand surgissent des divergences d’opinion, elles sont examinées dans un cadre juridique, ce qui réduit les risques de conflits armés.

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Michael Byers En 1969, le superpétrolier SS Manhattan, avec une capacité brise-glace et battant pavillon américain, a navigué à travers le Passage du Nord-Ouest sans demander la permission du Canada. Les diplomates du Canada se sont mis immédiatement au travail, définissant une stratégie pour protéger les intérêts du pays contre d’autres contestations de notre revendication sur le Passage du Nord-Ouest. Leur réponse a été la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques, que le Parlement a adoptée l’année suivante. La Loi imposait des normes de sécurité et de protection de l’environnement très rigoureuses sur toute la navigation à l’intérieur d’une zone de 100 milles marins au large de la côte canadienne de l’Arctique. Ce faisant, le Canada s’est trouvé à prolonger les limites du droit international qui, à l’époque, ne reconnaissait pas le droit des États côtiers à plus de 12 milles marins de la côte. Les États-Unis ont déclaré que la Loi canadienne sur la prévention de la pollution des eaux arctiques était illégale mais les diplomates canadiens ont maintenu la pression. Ils ont consacré leurs efforts au processus de négociation qui commençait aux Nations Unies en vue de produire une Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer acceptable à l’échelle mondiale. Le Canadien Alan Beesley a été élu président du comité de rédaction, ce qui le plaçait au cœur de la diplomatie des grandes puissances. Lors d’une session à huis clos avec les seules délégations américaine et soviétique, Beesley a obtenu leur accord sur l’Article 234 de la Convention de l’ONU, intitulé « L’exception arctique » qui permet aux États côtiers d’adopter des lois contre la pollution maritime jusqu’à 200 milles marins de la côte, quand la présence de

glace à l’année longue crée des dangers exceptionnels pour la navigation. La Loi sur la Prévention de la Pollution des Eaux arctiques était légitimée à l’échelle internationale, exactement 12 ans après son adoption par le Canada. Fait tout aussi important, l’Article 234 a suscité le développement d’une règle parallèle de « droit international coutumier » qui est considérée de nos jours comme contraignante pour tous les pays – y compris ceux, comme les États-Unis, qui n’avaient pas encore ratifié la Convention de l’ONU. De fait, aujourd’hui, les États-Unis recommandent que les navires marchands battant pavillon américain respectent la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques quand ils naviguent près ou dans les eaux arctiques canadiennes. Beesley et ses collègues ont réussi à faire avancer les intérêts du Canada pour ce qui est des ressources océaniques. Selon la Convention de l’ONU, chaque État côtier a droit à 12 milles marins de mer territoriale de même qu’à une « zone économique exclusive » de 12 à 200 milles marins où, comme le nom l’indique, le pays a des droits exclusifs sur les ressources de la colonne d’eau, des fonds marins et du sous-sol. Les diplomates canadiens ont aussi reconnu que les nouvelles technologies et les prix plus élevés mèneraient éventuellement à l’exploitation du pétrole, du gaz et des minerais à plus de 200 milles marins de la côte, y compris les eaux relativement moins profondes près des côtes atlantiques et arctiques du Canada. Ils ont contribué à rédiger l’article 76 de la Convention de l’ONU qui accorde aux États côtiers des droits sur un « plateau continental étendu » audelà des 200 milles marins, si la profondeur et la forme du sous-sol et l’épaisseur des sédiments sous-marins révèlent « un prolongement naturel » du plateau côtier. L’article 76


stipule que l’existence d’une prolongation naturelle est une question de science, non de compétence technique ou de puissance militaire, et il précise les règles détaillées sur les critères géographiques et géologiques qui doivent être remplis. Les pays qui veulent revendiquer une extension du plateau continental doivent présenter, à l’appui, des éléments de preuve scientifiques à la Commission des limites du plateau continental de l’ONU, un organisme composé entièrement de scientifiques. La Norvège a présenté sa demande en 2006; le Canada fait de même en décembre tandis que le Danemark et la Russie le feront l’année prochaine. Même les États-Unis, bien que n’ayant pas encore ratifié la Convention de l’ONU, ont coopéré avec le Canada pour recueillir des données scientifiques du sous-sol marin au nord de l’Alaska pour étayer une revendication éventuelle. Tout le monde bénéficie de ces règles. L’étendue même de l’Océan Arctique et la longueur des côtes non contestées signifie que la Russie peut légitimement revendiquer une extension du sous-sol marin plus grand que celle de l’Europe. Le Canada, qui possède la plus longue côte au

monde, pourrait revendiquer une surface plus grande que l’Alberta et la Saskatchewan réunies. Un point est plus important encore : les pays non riverains de l’Océan Arctique acceptent la validité de ce processus parce que les règles ont une application mondiale. La Chine, par exemple, se sert de l’article 76 pour appuyer ses revendications sur le sous-sol marin dans la Mer de Chine Orientale. Elle a recours à d’autres dispositions de la Convention de l’ONU pour appuyer des revendications totalement différentes dans la Mer de Chine Méridionale et ,bien que ces revendications soient contestables, le fait que le différend est exprimé en termes juridiques réduit le risque de conflit armé. Alors, la prochaine fois que quelqu’un vous dira que l’Arctique est accessible à tous, que le Canada se doit d’y aller ou de le perdre, ou que la Chine se comporte de façon débridée dans les mers de Chine orientale et septentrionale, parlez-lui de la Convention de l’ONU sur la Loi de la Mer et du rôle central que le Canada a joué dans sa négociation.

Michael Byers enseigne à l’Université de Colombie-Britannique où il est titulaire de la Chaire de Recherche du Canada en politique mondiale et droit international. Son travail porte sur la politique étrangère canadienne, y compris l’Arctique, les changements climatiques et le recours à la force militaire. Le Dr. Byers a été Fellow au Jesus College de l’Université d’Oxford et professeur de droit à l’Université Duke. Il a également enseigné comme professeur invité aux universités de Cape Town, Tel Aviv et Novosibirsk. Le Dr. Byers est l’auteur de sept ouvrages, dont International Law and the Arctic (Le droit international et l’Arctique) qui vient d’être publié par Cambridge University Press.

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Résumé Le Gouvernement du Canada a une relation difficile avec le monde multilatéral. Il préfère les groupements inter-gouvernementaux où prévaut la règle du consensus entre les principaux joueurs. Il en a payé le prix par la défaite de sa campagne pour un siège au Conseil de Sécurité des Nations Unies. Aux Nations Unies, d’aucuns estimaient qu’avec son « multilatéralisme à la carte », la Canada avait renoncé a certains des principes qui lui avaient valu sa crédibilité sur la scène internationale. Le Gouvernement devrait : a) surmonter ses frustrations à l’égard des processus multilatéraux complexes; b) raviver son engagement envers l’architecture d’organisations fonctionnelles, bâtie péniblement au fil des ans; c) entreprendre un examen en profondeur de toutes les organisations internationales ou multilatérales auxquelles appartient le Canada.

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Le Canada et les organisations internationales: un peu de reconnaissance, s’il vous plait! Ferry de Kerckhove Un Gouvernement inamical envers le multilatéralisme: Un refrain bien connu voudrait que la réputation du Canada sur la scène internationale ait chuté au cours des dernières années. Pourtant, le Premier ministre est plutôt fier de la participation du Canada à la gouvernance économique mondiale. Mais le Gouvernement actuel est mal à l’aise avec le multilatéralisme, que Miles Kahler définit comme « la gouvernance internationale de la multitude » (Kahler, 1992). Il préfère nettement les groupements inter-gouvernementaux comme le G-8 ou le G-20 où la souveraineté s’exprime sans ombrage et où le consensus entre grands joueurs est la norme. Le Canada semble ne pas vouloir traiter les organisations internationales en tant qu’acteurs indépendants sur la scène internationale. Il est regrettable que son mépris pour les inévitables jeux politiques et « effets de scène » à l’ONU rende le Gouvernement moins sensible aux vastes questions qui vont largement au-delà de la géopolitique, comme les changements climatiques et autres maux sans frontières mais qui bénéficient tous d’une organisation multilatérale vouée à trouver des solutions. C’est ainsi que le Gouvernement s’est retiré de la Convention des Nations Unies pour combattre de désertification, dénoncée comme un « bavardage de bureaucrates » sans s’inquiéter le moindrement du fait que la décision a été taxée de « rejet de la citoyenneté mondiale ». Il a payé le prix: Les citoyens du monde n’étaient certainement pas du côté du Canada quand celui-ci a perdu sa campagne pour un siège au Conseil de Sécurité des Nations Unies. Aux yeux de la communauté internationale, le Gouvernement canadien semblait avoir renoncé à certains des

fondements qui sous-tendaient la crédibilité du Canada sur la scène internationale, comme l’engagement envers la sécurité humaine, la Responsabilité de protéger, la préférence pour la diplomatie multilatérale et le désir de renforcer le cadre normatif au sein duquel s’épanouissent les organisations internationales. Si le refus du Gouvernement de faire le moindre compromis, notamment envers les régimes non-démocratiques, est une position de principe défendable, il ne devrait pas pour autant vilipender l’Organisation au lieu de se limiter à ses nombreux membres peu recommandables. Multilatéralisme à la carte: Bien qu’il continue de financer des organisations internationales fonctionnelles, le Gouvernement canadien n’est pas intéressé à consacrer temps et efforts à améliorer l’efficacité des Nations Unies et de ses divers instruments de gouvernance mondiale. Bien entendu, personne ne nie qu’il y ait souvent un vaste écart entre le mandat ou la charte d’une organisation internationale et la qualité de son action sur le terrain. Aussi est-il normal pour le Gouvernement d’exiger de l’imputabilité, de tenir à en avoir pour son argent et de demander une gestion axée sur les résultats. Mais quand on blâme les organisations plutôt que les nations qui dictent leur conduite ou les empêchent de faire leur travail, c’est comme si on s’en prenait aux ingrédients d’un plat plutôt qu’au choix de la recette. Ce que le Gouvernement devrait faire: Premièrement, il devrait se guérir de ses frustrations à l’endroit des organisations purement « politiques » comme le Conseil de Sécurité et l’Assemblée générale des Nations Unies et cesser de prendre n’importe quel vote de résolution à l’Assemblée Générale des Nations Unies dans un sens qui lui déplait comme une attaque directe contre lui.


Deuxièmement, il doit raviver son engagement envers l’architecture d’organisations fonctionnelles, bâtie péniblement au fil des ans, dont les chefs et gestionnaires tentent désespérément d’éviter toute interférence politique dans leur travail. Le Canada doit accepter qu’il arrive que des décisions aillent dans le sens contraire de sa conception particulière de l’orientation d’une organisation. C’est en restant à l’intérieur d’un organisme qu’on est mieux placé pour le transformer. Troisièmement, le plus important : l’appel à l’imputabilité doit aller de pair, comme le disait Tony Blair, avec le renforcement de ce qu’il appelait « les moyens concertés d’agir » (Blair, 2007). Le Gouvernement doit entreprendre un examen en profondeur de toutes les organisations internationales ou multilatérales auxquelles il appartient, en commençant par leurs objectifs et leurs mandats, pour ensuite déterminer comment elles remplissent leurs rôles et apportent leurs contributions. Le Gouvernement doit décider dans quelle mesure le Canada devrait accentuer son engagement avec les institutions qui traitent des enjeux mondiaux de notre temps. Le Canada a un intérêt vital à participer pleinement à tous les débats, multilatéraux et inter-gouvernementaux, où l’avenir de la Planète est en jeu. Pour un Gouvernement profondément convaincu qu’il détient la supériorité morale sur toute question d’éthique, de droit ou de valeur, une démarche plus ouverte est plus susceptible de produire des résultats que celle qui consiste à faire connaître publiquement divers préjugés contre ce que Arthur Stein appelle « la réalité existentielle du multilatéralisme » (Stein, 2008). Cela demande une approche moins brutale envers le

monde multilatéral et une plus grande compréhension des différentes perspectives sur les problèmes mondiaux. Faire preuve de plus d’équilibre et de moins d’agressivité ne signifie pas que l’on abaisse son niveau d’acceptation. Mais cela promet une meilleure capacité d’écoute. Même si elles sont cause de profondes frustrations en bien des occasions, les organisations internationales fournissent une fenêtre sur le monde : le Canada ne peut être aussi grand qu’il mérite de l’être s’il ne profite pas de cette fenêtre. Références/lectures Miles Kahler, Multilateralism with Small and Large Numbers”, International Organization, 46, 3, Summer 1992 Dennis Stairs, “Pogo Land: the challenge of UN Reform”; The Dispatch, CDFAI, Winter 2012 Tony Blair, speech at Davos, January 27, 2007 Arthur Stein, “Incentive compatibility and global governance” in A. Alexandroff (ed.) Can the World be Governed; WLU Press, 2008. Ferry de Kerckhove, “Multilateralism on Trial” in A. Alexandroff (ed.) Can the World be Governed; WLU Press, 2008.

Ferry de Kerckhove est entré au ministère des Affaires étrangères en 1973. Il a été en poste en Iran, à l’OTAN et à Moscou. Il a pris sa retraite en 2011. Il est chercheur invité à l’École supérieure des Affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa, chercheur émérite à l’Institut canadien de la défense et des affaires étrangères et membre du Conseil de l’Institut de la CAD. Il siège au Conseil de WIND Mobile Canada et est président de Ferry de Kerckhove International Consultants Inc.

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Résumé La réputation internationale du Canada comme contributeur prolifique et efficace au maintien de la paix est en déclin depuis plus d’une décennie en raison du désengagement du pays à l’égard des opérations de maintien de la paix. Cette perte d’expérience à l’étranger est aggravée par la perte d’entrainement à domicile, ce qui laisse le Canada impréparé à tout réengagement dans des opérations de maintien de la paix à un niveau comparable au sien il y a quelques années. À mesure que les vétérans du maintien de la paix des années 90 prennent leur retraite, et que les cours et exercices qui ont été élaborés pour préparer les officiers à faire face aux défis uniques des déploiements de maintien de la paix ont été coupés, les options futures de politique étrangères du Canada sont affectées et offrent moins d’options. Au cas où des impératifs nationaux ou internationaux, dans l’ère post-Afghanistan, feraient revenir à des opérations de l’ONU, les Forces canadiennes et le gouvernement doivent être prêts. Pour être bien préparées pour la paix, les Forces canadiennes auront besoin de changements majeurs dans leur formation et leur préparation de même que dans leur mode de pensée, dès lors qu’il s’agira de servir la cause du maintien de la paix d’une façon constructive et progressiste.

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Impréparés pour la Paix : une décennie de déclin du maintien de la paix canadien A. Walter Dorn Le maintien de la paix occupe une place de choix dans l’histoire et l’identité canadienne. Les Canadiens savent que Lester B. Pearson a proposé la création de la première force de maintien de la paix, pour épargner au monde une guerre lors de la crise de Suez en 1956, ce qui lui valut le Prix Nobel de la Paix. Jusqu’au milieu des années 1990, le Canada était le plus grand contributeur de troupes de maintien de la paix pendant la Guerre Froide et le seul pays à avoir contribué à chaque mission de l’ONU. Du Cachemire au Congo, de la Bosnie à l’Éthiopie, les soldats canadiens ont été à l’avantplan de l’ordre mondial, ayant concouru à la paix en des pays déchirés par la guerre. Cette contribution a été reconnue par la Médaille canadienne du maintien de la paix qu’ils ont le droit d’arborer. Le Monument national du maintien de la Paix (nommé « Réconciliation ») à Ottawa est un autre témoignage de leurs contributions, de même que la silhouette d’une femme sur le billet de dix dollars arborant un béret bleu sous une bannière où l’on peut lire “Au Service de la Paix – In the Service of Peace.” Mais qu’est-il advenu de cet héritage ? Le Canada est-il le contributeur prolifique de naguère au maintien de la paix ? Malheureusement, la réponse est non. Bien que le Canada ait jadis fourni jusqu’à 3000 soldats au maintien de la paix, il n’en fournit aujourd’hui que 60 – comme le dit un ami , juste de quoi remplir un autobus scolaire. Bien que les Nations Unies maintiennent plus de 80,000 soldats sur le terrain, le niveau le plus élevé à ce jour, le Canada a maintenu son contingent au niveau le plus bas depuis 2006. Deux mois après l’arrivée des conservateurs au pouvoir, le Canada a retiré ses 200 logisticiens des hauteurs du Golan alors que cette

mission de l’ONU continue à servir de tampon important entre Israël et la Syrie, qui est en proie à une dangereuse guerre civile. Au lieu du maintien de la paix, le Canada s’est mis à faire la guerre, dépensant des milliards de dollars en Afghanistan pour essayer sans succès de vaincre les Talibans et d’apporter la stabilité au pays. Les Forces canadiennes se sont transformées en une force militaire avec une seule mission et l’Afghanistan comme seul objet d’attention. En une décennie, opérant dans un seul pays, il y a eu plus de soldats canadiens tués qu’au cours de six décennies de maintien de la paix dans plus de 40 pays. Pire encore, au cours de la dernière décennie, les Forces canadiennes (FC) ont permis un déclin majeur dans la formation et l’éducation en maintien de la paix – ce que l’on appelle les opérations en appui à la paix (OAP) dans la terminologie et la doctrine militaire canadienne. Le retrait par le gouvernement de l’appui au Centre Pearson du Maintien de la Paix a entraîné la fermeture de cette institution unique, ce qui signifie que les soldats ne pouvaient plus suivre une formation sur les opérations de paix multidimensionnelles en même temps que des civils et des officiers étrangers. Plus globalement, les FC n’offrent que la moitié des activités de formation en maintien de la paix par rapport à il y a dix ans. Il est à noter que dans les exercices et simulations de formation, les officiers canadiens ne jouent plus les rôles des forces onusiennes comme par le passé. Dans le programme pour le commandement conjoint et le personnel, les officiers planifient et modèlent les opérations d’une alliance, parfois explicitement identifiée comme étant l’OTAN, mais on ne leur offre plus la possibilité de le faire du point de vue d’une mission de l’ONU ou de passer en revue les procédures et pratiques de l’ONU.


La mission de combat à Kandahar, en Afghanistan, de 2006 à 2011, a indubitablement donné au personnel des FC une expérience valable en termes d’opérations de combat et de contre-insurrection. Bien qu’il existe une certaine similitude entre ces types de mission et les opérations internationales de maintien de la paix, il y a aussi des différences fondamentales dans la formation, la préparation et la pratique. Le maintien de la paix exige une formation spécialisée dans la mesure où c’est une tâche plus complexe et conceptuellement plus difficile que la guerre. La guerre et la contre-insurrection appellent une stratégie centrée sur l’ennemi, elles ont un caractère non-consensuel et sont essentiellement offensives, tandis que le maintien de la paix est fondé sur une triade de principes : impartialité, consentement des parties au conflit et approche défensive dans le recours à la force, même si des actions robustes d’imposition de la paix sont parfois nécessaires. Il faut donc un changement majeur de mentalité pour proprement préparer les FC post-Afghanistan à des opérations de paix futures. Des aptitudes spéciales, distinctes de celles apprises en Afghanistan, sont nécessaires, y compris l’art de la négociation, la gestion et la résolution de conflit de même qu’une compréhension des procédures de l’ONU et de missions de maintien de la paix antérieures. Ainsi, un effort concerté est nécessaire pour revitaliser les aptitudes des forces canadiennes en maintien de la paix, si elles doivent aider les Nations Unies de façon constructive dans un monde rempli de conflits. Comparativement au passé, il y a peu de chances dans les années à venir que l’on voie des coalitions dirigées par les États-Unis sur le terrain; les militaires canadiens n’ont donc guère d’alternatives pour rendre l’armée utile à l’avenir. Le maintien de la paix fait progresser aussi bien les valeurs que les intérêts du Canada pour l’instauration d’un ordre international stable, pacifique, fondé sur des règles. Il y a un besoin constant

de forces de maintien de la paix bien entraînées et bien équipées. Le retour du Canada au maintien de la paix serait célébré par les Nations Unies et la communauté internationale. Un tel développement pourrait aider notre pays à acquérir plus d’influence et de notoriété, y compris pour un futur siège au Conseil de Sécurité de l’ONU, tout en donnant aux Canadiens quelque chose d’encore plus important : un sens renouvelé de fierté dans la contribution de leur nation à un monde meilleur et plus pacifique. Autres textes de l’auteur sur le sujet: “Canadian Peacekeeping: Proud Tradition, Strong Future?” Canadian Foreign Policy, Vol. 12, No. 2 (Fall 2005), pp.7-32, available at http://walterdorn.org/pub/32. “Canadian Peacekeeping: No Myth But Not What It Once Was”, SITREP, Vol. 67, No. 2, Royal Canadian Military Institute, 2007, available at http://walterdorn.org/pdf/ CanadianPeacekeeping-NoMyth_Dorn_ SitRep_April2007.pdf.

A. Walter Dorn est professeur en études de défense au Collège royal militaire et au Collège des forces canadiennes. Il enseigne à des officiers supérieurs et intermédiaires du Canada et d’une vingtaine d’autres pays. Dans le passé, il a travaillé au département des Opérations de maintien de la paix de l’ONU comme conseiller en formation et comme consultant, de même que comme membre du personnel civil de l’ONU sur le terrain. Adresse courriel : dorn@rmc.ca.

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Résumé Le 1er janvier 1989, j’ai eu le privilège, en tant qu’Ambassadeur du Canada auprès des Nations Unies à New York, de commencer un mandat de deux ans à titre de représentant du Canada au Conseil de Sécurité. C’est avec une fierté immense que je me rappelle qu’après une campagne intensive inspirée le Premier ministre Brian Mulroney, en octobre 1988 le Canada était élu au Conseil de Sécurité. L’élection du Canada cette année fut l’élection compétitive la plus réussie d’un membre non permanent dans l’histoire du CSNU. Parmi les états membres, il était devenu accepté que tous les dix ans à peu près, le Canada, parce qu’il était un participant actif et constructif à l’ONU, serait invité par ses pairs à siéger à cette table exclusive. Et de fait, en 1998, le Canada a été élu pur une sixième fois au Conseil Comme les temps ont changé! Comme tant d’autres Canadiens, j’ai eu de la peine en apprenant en octobre 2010 que pour la première fois en 60 ans, le Canada n’était pas parvenu à se faire élire au Conseil. Si j’en juge d’après mon expérience, je puis assurer qu’il est infiniment préférable d’être sous la tente avec une voix qui est respectée lors des consultations et délibérations du Conseil que d’être à l’extérieur à ruminer dans un coin.

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Le Canada et le Conseil de Sécurité, hier et aujourd’hui: une vue de l’intérieur L’honorable L. Yves Fortier, CP, CC, OQ, CR Le 1er janvier 1989, j’ai eu le privilège, en tant qu’Ambassadeur du Canada auprès des Nations Unies à New York, de commencer un mandat de deux ans à titre de représentant du Canada au Conseil de Sécurité. Au cours de ces deux années, la terre a bougé en Europe, au MoyenOrient et ailleurs sur la planète. Il n’est pas exagéré de dire que jusqu’au printemps arable, il s’est agi des années les plus mouvementées du monde depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le Canada, siégeant au Conseil de Sécurité, était l’une des quinze nations informées et actives, participant aux délibérations qui ont mené à l’adoption d’un nombre important de résolutions significatives par le Conseil tout au long de ces années. Pour ne nommer que quelques-uns de ces événements en 1989 et 1990, je me souviens que le mur de Berlin est tombé, l’Union soviétique s’est désintégrée, la guerre froide s’est terminée, Nelson Mandela est sorti de prison, l’apartheid est devenu un régime disgracié en Afrique du Sud, la Namibie a obtenu son indépendance et que Saddam Hussein a envahi le Koweït. L’élection du Canada à l’automne 1988 pour un mandat de deux ans au Conseil de Sécurité marquait la cinquième fois depuis la signature de la Charte de l’ONU à San Francisco en 1945 que le Canada était élu au sein de l’organe le plus prestigieux et le plus convoité des Nations Unies, dont les décisions en vertu du Chapitre VII de la Charte sont contraignantes pour tous les états membres. Même les décisions du principal organe judiciaire de l’ONU, la Cour internationale de Justice, ne recueillent pas le même respect C’est avec une fierté immense que je me rappelle qu’après

une campagne intensive à New York, à Ottawa et dans les capitales des états membres, inspirée par la participation active du Premier ministre lui-même, le Très honorable Brian Mulroney, quand les votes ont été comptés à l’Assemblée générale, le soir du 26 octobre 1988, le Canada était élu au Conseil de Sécurité dès le premier tour à une majorité imposante. L’élection du Canada cette année fut l’élection compétitive la plus réussie d’un membre non permanent dans l’histoire du CSNU. Parmi les états membres au sein de l’Assemblée générale et au sein du Secrétariat de l’ONU, il était devenu accepté que tous les dix ans à peu près, le Canada, parce qu’il était un participant actif et constructif dans toutes les commissions de l’Assemblée générale et dans pratiquement toutes les instances de la vaste constellation d’agences spécialisées de l’ONU, serait invité par ses pairs à siéger à cette table exclusive. Et de fait, en 1998, le Canada a été élu pour une sixième fois au Conseil. Comme les temps ont changé! Comme tant d’autres Canadiens, j’ai eu de la peine en apprenant en octobre 2010 que pour la première fois en 60 ans, le Canada n’était pas parvenu à se faire élire au Conseil. Mon mandat n’est pas d’analyser le pourquoi de cette défaite. Je laisse à d’autres ce soin. Mais si j’en juge d’après mon expérience de plus de vingt ans, je puis assurer qu’il est infiniment préférable d’être sous la tente avec une voix qui est respectée lors des consultations et délibérations du Conseil que d’être à l’extérieur à ruminer dans un coin. Après tout, le Conseil de Sécurité est le seul forum diplomatique international permanent où des pays membres non permanents comme le Canada ont l’occasion d’être consultés sur une base presque quotidienne par les représentants


des cinq membres permanents sur des questions touchant à la paix internationale. En siégeant au CSNU, l’ambassadeur de chaque pays membre est en contact étroit et régulier avec le Secrétaire général. Oui le CSNU a ses faiblesses, la plupart étant dues au droit de veto manié par les cinq membres permanents. Trop souvent les vetos ont paralysé le Conseil. Mais si la Charte doit être modifiée, le Canada a une meilleure change de contribuer positivement au processus en y étant associé.

Manifestement le gouvernement du jour décidera toujours où se situent les intérêts du Canada dans le monde et quelles seront les priorités pour promouvoir ces intérêts. Cependant, dans mon humble opinion, dans un monde de plus en plus interdépendant, où en plus des dimensions traditionnelles de la paix et la sécurité, de nouvelles facettes ne cessent de se présenter, le Canada aurait tout intérêt à reprendre son rôle traditionnel d’une nation dont l’opinion est recherchée à la haute table des Nations Unies.

Yves Fortier est reconnu comme un des meilleurs arbitres au monde. Depuis le 1er janvier 2012, il est praticien privé auprès de bureaux à Montréal, Toronto et Londres. Au cours des 20 dernières années, il a été président ou arbitre désigné auprès de plus de 100 tribunaux d’arbitrage internationaux, soit ad hoc soit établis par différentes institutions arbitrales. Il est ancien président de l’Association canadienne du barreau. De 1984 à 1989, il a été membre de la Cour permanente d’arbitrage de La Haie. De 1998 à 2001, il a été président de la Cour d’arbitrage international de Londres. De juillet 1988 à janvier 1992, M. Fortier a pris congé de sa pratique du droit pour devenir ambassadeur et représentant permanent auprès des Nations Unies à New York.

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Résumé Les politiques insensibles aux autres, du style « moi d’abord », du Gouvernement actuel ont causé un tort irréparable à la réputation du Canada aux Nations Unies, notamment lors de notre campagne il y a trois ans pour un septième mandat au Conseil de Sécurité. La politique environnementale du Canada demeure un fiasco. Le Canada avait pris des positions fermes dans la lutte mondiale contre la dégradation de l’environnement, en commençant par Stockholm en 1972 et travaillant fort au fil des ans pour inciter à la mise en place d’un traité mondial sur le climat. Notre décision, en décembre 2011, d’être le premier pays à se retirer de Kyoto constitua un choc pour notre réputation internationale dont nous n’avons pas encore commencé à nous remettre. Mais il y a de nombreux autres exemples. De la politique pro-Israël envers et contre tout, au Moyen-Orient, à la contribution statistiquement insignifiante au maintien de la paix à l’ONU, on ne peut guère s’étonner de ce que le Canada ait perdu tant d’appuis et que notre réputation ne soit pas rétablie tant que le Canada n’adoptera pas des positions, sur les questions internationales, qui soient perçues comme étant bonnes pour le monde en plus d’être bonnes pour le Canada.

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Pourquoi le Canada n’a pas été élu au Conseil de Sécurité il y a trois ans et pourquoi nous ne serons jamais élus à moins d’un changement fondamental dans notre politique étrangère Robert R. Fowler O.C. Qu’elle est méprisante, dédaigneuse et – j’insiste – non canadienne la béate simplicité de l’expression HarperBaird « Le Canada ne se contente pas d’être accommodant pour éviter de faire des vagues » (le fameux “we won’t go along to get along”). Mais c’est cette attitude arrogante, du moi d’abord, du « c’est moi qui ai raison et allez-vous faire pendre » accompagnée d’un manque total de sensibilité, qui a démoli la candidature du Canada pour un septième mandat au Conseil de Sécurité il y a trois ans. Tant qu’elles ne changeront pas, ces attitudes feront en sorte que le Canada sera exclu de tout rôle important au sein de la communauté des nations. De fait, ce que nous avons mis sur la table pour étayer notre candidature au Conseil de Sécurité à l’automne 2010 était insignifiant et les diplomates canadiens à New York et ailleurs dans le monde n’ont rien pu faire pour cacher ce fait en dépit de leur travail acharné. Il y a trois ans, les nations du monde, votant selon leurs intérêts, ne croyaient pas qu’elles avaient encore besoin du type de Canada qu’elles avaient eu au Conseil par le passé. Quelle sottise que de soutenir que notre défaite était un triomphe de nos valeurs sur les leurs ! La politique environnementale du Canada était – et demeure – un fiasco. Le Canada avait pris des positions fermes dans la lutte mondiale contre la dégradation de l’environnement, en commençant par Stockholm en 1972 et travaillant fort au fil des ans pour pousser à la mise en place d’un traité mondial sur le climat. Le protocole de Montréal visant à l’élimination des matières endommageant la couche

d’ozone fut un bon début. Aussi ardues qu’elles l’aient été, nos obligations comme signataire du protocole de Kyoto représentaient un engagement formel; aussi notre décision en décembre 2011 d’être le premier pays à nous retirer de Kyoto constitua un choc pour notre réputation internationale dont nous n’avons pas encore commencé à nous remettre. Et puis, il y a seulement quelques mois de cela, le Canada annonçait son intention de devenir le premier – et le seul – pays à se retirer de « la Convention de l’ONU pour combattre la désertification ». 194 États étaient devenus parties à la convention après son adoption en 1994. Imaginez un instant comment ces États désespérément appauvris, souffrant l’avancée quotidienne du Sahara, se sentent devant l’insistance de M. Harper à dire que de tels efforts sont un pur bavardage et que notre contribution annuelle de 350,000 $ est un gaspillage d’argent. Pour les 37 membres de l’Alliance des petits États insulaires, le changement climatique est une question existentielle. Si on ne règle pas la question, ils seront sous l’eau. Quand on leur a offert l’occasion de voter sur le mépris du Canada pour leurs préoccupations, ils l’ont fait avec clarté. Notre refus de comprendre – voire d’exprimer un peu de sympathie – face à des angoisses aussi profondes a résolument détruit la réputation de notre pays. J’ai mis l’accent sur la mesure dans laquelle la position du Canada sur les questions environnementales a conduit une grande partie de la communauté mondiale à perdre confiance en nous, à ne plus croire à ce que nous disons et à mal interpréter nos motifs. Mais soyez rassurés, nous avons offert


à la communauté mondiale de nombreuses raisons pour ne pas nous appuyer. Aux yeux des 57 membres de l’Organisation de la Conférence islamique à l’ONU, l’insistance du Gouvernement Harper à donner raison à Israël envers et contre tout, rejetant toute critique et traitant les autres pays de la région avec un dédain à peine voilé, est simplement intolérable. Puis il y eut la décision du Gouvernement Harper de « quitter » l’Afrique - qui compte pour 70% des travaux du Conseil de Sécurité - le continent le plus vaste et le plus divers, comptant un milliard de gens dans 54 pays – et autant de votes, pourtant une région que notre Gouvernement juge sans intérêt. Au cours des dernières années, notre contribution au maintien de la paix de l’ONU est devenue statiquement insignifiante dans un environnement de sécurité internationale plus difficile que jamais – dont la gestion incombe au Conseil de Sécurité. Le professionnalisme militaire canadien, son intégrité et sa détermination font beaucoup défaut à l’ONU. De fait, ces jours-ci, le Canada est tout simplement absent de la discussion sur la meilleure façon de gérer les affaires internationales.

Tels sont les domaines dans lesquels, au cours des 60 premières années de l’existence de l’ONU, le Canada a exercé une influence extraordinaire. En étant un citoyen exemplaire de l’ONU, au cours de six décennies successives, nous avons été en mesure de gagner les élections au Conseil de Sécurité en dépit du fait que le nombre de membres de l’Organisation a quadruplé pendant cette période. La campagne à la fin des années 90 a été dure mais je n’ai jamais douté que nous l’emporterions. Le Canada et les Canadiens bénéficiaient d’un énorme capital de sympathie et de respect au sein de l’Organisation. On nous jugeait justes mais fermes, équilibrés et fidèles aux principes, mais toujours sensibles aux angoisses et préoccupations des autres tout en étant très clairs quant à la promotion et la projection de nos valeurs et convictions, en plus d’être engagés en faveur de l’excellence de l’Organisation. Nous avons gaspillé notre belle réputation et elle ne sera pas rétablie tant que le Canada n’adoptera pas des positions, sur les questions internationales, qui soient perçues comme étant bonnes pour le monde en plus d’être bonnes pour le Canada.

Bob Fowler a été conseiller de politique étrangère des Premiers ministres Trudeau, Turner et Mulroney, Sous-ministre de la Défense nationale, ambassadeur canadien ayant servi le plus longtemps à l’ONU, ambassadeur en Italie et représentant personnel pour l’Afrique des Premiers ministre Chrétien, Martin et Harper. Il a pris sa retraite en 2006 et est maintenant professionnel en résidence à l’École supérieure des Affaires publiques et internationales.

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L’ONU, le Canada et l’Organisation International de l’Aviation Civile Résumé L’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) compte 191 membres. L’OACI décide des règles et procédures de l’aviation civile internationale quant à la sureté (pour contrer le terrorisme), la sécurité (pour éviter les accidents) et la protection de l’environnement. La mise en application des normes et systèmes adoptés par les instances de l’OACI protège chaque jour des vies humaines, partout sur la Planète. Malheureusement, la plupart des Canadiens ignorent l’existence de l’OACI et son siège en sol canadien, encore davantage son rôle stratégique essentiel pour assurer la paix et la sécurité dans le monde. L’OACI est la pièce maîtresse du pôle aérospatial de Montréal, qui emploie 42 500 personnes et affiche un chiffre d’affaires de 12,1 milliards de dollars. Au printemps dernier, l’offre du Qatar a fait monter les enchères. L’OACI a obtenu un soutien additionnel d’Ottawa et de Québec, corrigeant ainsi des irritants évoqués par le Qatar. Lors de leurs interventions à l’ONU, le premier ministre, le ministre des Affaires étrangères et l’ambassadeur du Canada près l’ONU devraient se faire un honneur de rappeler que le Canada est l’hôte du siège de l’OACI et que les Canadiens sont fiers de contribuer ainsi à la paix et à la sécurité dans le monde.

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Gilles Gingras Installée à Montréal depuis 1947, l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) appartient à la famille des quinze organisations spécialisées de l’ONU, au même titre que l’UNESCO à Paris, la FAO à Rome, l’UNICEF à New York, et le FMI à Washington. Au Canada, l’OACI fait rarement la manchette. Et le Canada semble s’y intéresser uniquement lorsque le siège de celle-ci est menacé de quitter le pays, ce qui fut le cas au printemps dernier. Le 1er mai, Le Devoir titrait : « Ottawa doit éliminer les irritants et améliorer son offre», tandis que The Globe and Mail affichait « Canada’s airline lobby joins fight to keep ICAO HQ in Montreal ». Désireux d’accueillir le siège de l’OACI à Doha, le Qatar, l’un des 191 pays membres de l’OACI, offrait alors des conditions plus avantageuses que celles du Canada. L’histoire se répétait. En 1990, alors que les locaux de l’OACI s’avéraient inadéquats, quelques pays avaient déjà proposé discrètement de déménager l’Organisation chez eux. Sans parler de l’offre de Singapour en 2009 et ce celle de la Chine en 2010, pas davantage ébruitées. Dans les années 1950, plusieurs États avaient aussi exercé des pressions semblables à cause de nombreux irritants (Hilliker et Barry, 1995 : 102). Chaque fois, seule l’intervention d’élus politiques ayant l’autorité nécessaire pour modifier les règles de l’accord de siège aura permis d’éviter le pire. À l’évidence, nous suscitons l’envie de plusieurs pays. Ils jugent inéquitable que la plupart des institutions spécialisées de l’ONU soient concentrées en Europe et en Amérique du Nord. Certes, dès l’après-guerre, le Canada a joué un rôle de premier plan en vue de la réglementation de l’aviation civile. La Convention de Chicago, qui a donné naissance

à l’OACI en 1944, était fondée sur un document canadien (Hilliker, 1990 : 358). Mais nous sommes dans un monde de vive concurrence qui exige de réviser régulièrement les conditions accordées à l’OACI. En juin 2013, à Montréal, l’Organisation a signé une prolongation de bail de 20 ans (2016-2036) après avoir obtenu de meilleures conditions financières et fiscales, notamment. L’aviation, cible privilégiée des terroristes, représente environ 8 % du PIB mondial. Depuis le 11 septembre 2001, le rôle de l’OACI s’est révélé essentiel pour une action efficace et harmonisée touchant la sûreté à l’échelle de la planète, en dépit des divergences politiques de ses pays membres. Chacun des 2,5 milliards de passagers aériens doit faire l’objet d’un contrôle de sûreté de plus en plus complexe. Pour renforcer ces systèmes de sûreté, l’OACI propose des techniques et procédures de contrôle fondées sur les études de ses propres experts. Une fois adoptées, il s’agit de vérifier leur mise en œuvre à travers le monde. L’OACI offre aussi une assistance technique aux États qui ne disposent pas de ressources et d’expertise en ce domaine. Les sept bureaux régionaux de l’OACI sont utiles à cette fin. La sécurité aérienne fait partie du mandat de l’OACI depuis sa création. En dépit de l’augmentation régulière du trafic, le nombre d’accidents mortels est en diminution, un succès largement attribuable à l’OACI. Ainsi, les États membres doivent s’assurer que leurs avions, pilotes et mécaniciens répondent aux normes établies par l’OACI. Au besoin, ils bénéficient de son assistance technique. En concertation avec quelques organisations consacrées à l’aviation civile, l’OACI énonce aussi les normes de conception et d’utilisation du système d’enregistrement des données de vol, communément appelé «boite noire». Pour la protection de l’environnement, l’OACI vise à


réduire les 2% d’émissions de gaz à effet de serre produites par l’aviation. L’objectif est de taille. Néanmoins, en octobre 2012, en coopération avec l’industrie du transport aérien, des États représentant la majeure partie du trafic aérien commercial mondial sont parvenus à s’entendre sur des objectifs précis concernant, entre autres, l’amélioration du rendement du carburant et le développement de carburants alternatifs. En 1992, c’est aussi à l’OACI que les vols non-fumeurs ont d’abord été proposés (résolution A. 29-15 parrainée par le Canada). Peu populaires au départ, ces vols sont devenus chose courante pour le confort de millions de passagers. Enfin, par le biais de son programme de coopération technique, l’OACI contribue actuellement à la reconstruction des infrastructures aéroportuaires en Haïti, comme ce fut le cas, entre autres, dans certains pays d’Afrique, en Afghanistan, au Kosovo. Dans le sillage de l’OACI, neuf autres organisations liées à l’aviation internationale se sont installées à Montréal, notamment l’Association internationale du transport aérien (IATA), le Conseil international des aéroports (ACI), basé à Genève jusqu’en 2010, et la Fédération internationale des associations de pilotes de ligne (IFALPA), déménagée de Londres en 2012. À son tour, ce noyau a permis d’attirer à Montréal plusieurs autres organisations internationales, dont l’Institut de statistique de l’Unesco, et a favorisé la croissance de l’important Secrétariat de la convention sur la diversité biologique (SCDB).

En septembre 2013, la 38ième Assemblée triennale de l’OACI aura attiré plus de 1500 délégués internationaux de haut niveau, sans compter les centaines de représentants qui, chaque année, se rendent à l’OACI et dans les autres organisations et entreprises locales liées à l’aviation civile. Ce tourisme d’affaires est précieux, non seulement en raison de ses retombées économiques, mais aussi et surtout parce qu’il contribue de manière significative au rayonnement international du Canada. Telle une onde de choc, la proposition du Qatar a provoqué un sursaut d’intérêt envers l’OACI et fait monter les enchères. Il en est résulté un consensus politique plus étroit entre Ottawa, Québec et Montréal. Comment pouvons-nous nous assurer que, dorénavant, ces trois paliers de gouvernement demeurent vigilants ? Que les conditions d’accueil de l’OACI et autres formalités soient révisées et mises à jour régulièrement ? Que la présence et le rôle essentiel de l’OACI soient proclamés haut et fort par nos leaders politiques? Il est temps que les Canadiens sachent que l’ONU est à l’œuvre chez-nous, que nous contribuons à la paix et à la sécurité dans le monde. Et que nous en soyons fiers. Hilliker, John et Barry, Donald Le Ministère des Affaires extérieures du Canada- L’essor, 1946-1968 vol. II, 1995. Hilliker, John, Le Ministère des Affaires extérieures du CanadaLes années de formation- 1909-1946, vol. I, 1990. http://en.wikipedia.org/wiki/International_Civil_Aviation_ Organization

M. Gingras a pratiqué le droit dans le bureau de Jacques Flynn et Associés de la ville de Québec. Postes occupés aux Affaires étrangères : New York, Abidjan, Paris, Washington et Oslo (avec accréditation pour l’Islande). De 1987 à 1993: Bureau des organisations internationales et du Commonwealth. En 2003, chargé de cours sur les Organisations internationales à l’École de Politique appliquée de l’Université de Sherbrooke. Depuis 2004, à titre de viceprésident de l’Association canadienne pour l’ONU du Grand Montréal, il donne des conférences sur la Convention sur la diversité des expressions culturelles. gingrasgilles@videotron.ca

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Comment se préparer pour la paix Résumé Les contributions canadiennes à la paix ont décliné, l’accent étant mis sur la capacité de faire la guerre. Pourtant, pour éviter un conflit armé et protéger les civils dans un monde indépendant et surarmé, nous aurons sans doute besoin de Nations Unies confortées de même que l’Organisation a maintenant besoin de meilleurs efforts de la part du Canada. Deu9x transformations sont nécessaires. Les Forces canadiennes ont déjà des atouts essentiels et pourraient être réorientés pour appuyer des opérations de paix de l’ONU. Deuxièmement, le Canada pourrait assumer un rôle de chef de file dans la mise sur pied d’un Service d’Urgence pour la Paix de l’ONU (SUPNO) – un ONU 911 permanent – pour assurer des réponses rapides et fiables à des crises explosives.

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H. Peter Langille Pendant cinquante ans, les Gouvernements canadiens qui se sont succédé ont accordé la plus haute priorité à la prévention des conflits armés. Au cœur de la politique étrangère et de défense du Canada, il y a toujours eu une Organisation des Nations Unies plus forte et plus efficace. Malheureusement, le Canada et l’ONU ont en commun un problème important. Il leur manque à tous les deux des instruments adéquats pour éviter les conflits et protéger les civils. Les fonctionnaires de l’ONU continuent à rappeler que l’ONU n’a ni force ni service qui lui appartiennent pour mener des opérations de paix. L’Organisation doit s’en remettre aux États membres pour organiser et fournir des ressources et du personnel national, dans le cadre d’un prêt négocié ou sur la base de remboursements des frais engagés; c’est un arrangement bien plus lent et moins fiable qu’une station de pompiers volontaires. Il semble que bien peu de choses aient changé depuis les années 50. À l’époque, le lauréat du Prix Nobel de la Paix Lester Pearson nous avertissait clairement : « Le fait très regrettable est que nous nous préparons à la guerre comme des géants précoces et pour la paix comme des pygmées retardés.» Son message a été répété l’été dernier quand le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a lancé un avertissement à propos des dépenses militaires massives en période d’austérité, dans un article intitulé « Le monde est surarmé et la paix est sous-financée » Bien entendu, il y a des options. Un rapport de l’ONU, en 2004, a fait des propositions à cet égard. Le document « Un monde plus sûr : notre responsabilité partagée » a fait cette recommandation à plusieurs reprises : « les États développés devraient faire davantage pour transformer leurs forces

existantes en contingents adaptés aux opérations de paix ». Les Forces canadiennes pourraient être transformées pour apporter une contribution utile. Comme le Canada a été largement absent de la nouvelle génération d’opérations de plus en plus complexes de l’ONU depuis 1997, des préparations adéquates seront nécessaires. Mais le Canada possède déjà du matériel et des unités dont l’ONU a désespérément besoin, notamment des avions et des hélicoptères de transport, des forces spéciales et des quartiers généraux de mission faciles à déployer, de même que de l’équipement de surveillance et d’observation. Comme l’ONU a demandé des partenariats multinationaux au niveau d’une brigade, le Canada pourrait aussi aider à reconstituer la Brigade multinationale d’intervention rapide des forces en attente (BIRFA), un mécanisme considéré, à un certain moment, comme le plus avancé qui soit disponible à l’ONU pour le maintien de la paix. Assez curieusement, en dépit de l’absence de menace militaire directe contre le Canada, le gouvernement de Stephen Harper préfère mettre l’accent sur la guerre traditionnelle. Fondée sur une crainte de l‘avenir, la « Stratégie de Défense : le Canada d’abord » offre une liste militaro-industrielle de 490 milliards de dollars pour des systèmes d’armement des plus modernes. À raison de 5,000 $ pour chaque habitant, n’est-il pas temps d’envisager des priorités et options de politiques plus appropriées, afin de contrer cette espèce de politique du pire, conçue d’après la vision d’un monde poussé à la guerre? Nous avons besoin d’un nouvel agenda pour la paix. À ce jour, la communauté internationale a été hésitante à prendre les mesures nécessaires pour éviter les conflits armés, protéger les civils et pour réduire les dépenses militaires massives. Ce n’est pas que les Gouvernements ne


savent pas ce qui est nécessaire. Dès 1961, des fonctionnaires au Département d’État américain le disaient : Il y a une corrélation directe entre la réduction des armements nationaux d’un côté et le renforcement de la machinerie et des institutions internationales de maintien de la paix, de l’autre. Les nations sont peu susceptibles de réduire leurs moyens d’autoprotection en l’absence d’autres moyens de protéger leurs intérêts légitimes. Cela ne peut s’accomplir que par le renforcement progressif des Nations Unies et la création d’une force de paix de l’ONU pour imposer la paix alors que se développe le processus du désarmement. Les Gouvernements canadiens antérieurs y étaient favorables. Suite au génocide ruandais, le Canada avait informé l’Assemblée générale de l’ONU que nous répondrions avec une étude en profondeur sur la création d’une force d’intervention rapide de l’ONU. Bien que les événements subséquents aient mené à une réduction de l’ampleur de la planification, l’étude est néanmoins devenue un document d’orientation pour un groupe multinational de vingt-huit États membres de l’ONU, « les Amis du déploiement rapide » que le Canada a co-présidé de 1995 à 1997. Une idée particulièrement prometteuse est issue de cette expérience, à savoir, celle d’une unité d’intervention rapide de maintien de la paix de l’ONU. Actuellement dénommé « Service d’Urgence pour la Paix des Nations Unies (SUPNO - UNEPS) – au fond, un 911 de l’ONU – l’idée est de créer un « groupe de première intervention » que l’on peut déployer rapidement pour aider à éviter un conflit armé, protéger des civils, assurer l’amorce rapide d’opérations exigeantes et prendre en compte les besoins humains dans les secteurs de conflit armé. Les dix principes de base sous-tendant la proposition d’un SUPNO sont les suivants : groupe permanent; formation intégrée à l’ONU; groupe hautement entraîné et bien équipé; prêt pour un déploiement immédiat par l’autorisation du

Conseil de Sécurité de l’ONU; multidimensionnel (civils, police et militaire); multifonctionnel (capable d’exécuter des mandats diversifiés avec des aptitudes particulières pour des crises environnementales, humanitaires, de santé et de sécurité); composé de 16,000 personnes engagées (professionnels recrutés, choisis, formés et employés par l’ONU); conçu pour assurer une représentation régionale et équitable pour les sexes ; groupe situé dans une base désignée de l’ONU, avec un quartier général opérationnel et deux missions mobiles; d’une force suffisante pour opérer en milieu à haut risque; et en complément des arrangements onusiens et régionaux existants. Outre la prestation d’une formation militaire pour décourager une agression et préserver la sécurité, il devrait y avoir des effectifs de police suffisants pour rétablir l’ordre et l’état de droit, de même qu’une gamme d’équipes de civils pour fournir les services essentiels. Dix ans plus tôt, plusieurs organisations de la société civile ont entamé une vaste discussion sur le SUPNO. Une conférence à Cuenca, en Espagne, avec des représentants de divers secteurs du Nord et du Sud, a permis de parvenir à un consensus à l’effet que le concept du SUPNO était plus attirant qu’une force ou une armée; l’argument y fut beaucoup plus convainquant que dans les propositions antérieures; le modèle beaucoup plus approprié pour des opérations complexes et, le tout combiné, représentant une meilleure chance de réussite politique. Manifestement, un service d’urgence de l’ONU offrirait une plus grande légitimité à l’échelle mondiale que des réponses régionales opérant en dehors de leurs zones respectives. Le Canada pourrait de nouveau prendre le leadership dans l’élaboration de plans plus détaillés pour un SUPNO et aider à susciter un appui dans le monde pour ce concept. Les idées ne fonctionnent pas si nous n’y travaillons pas. Et édifier un monde meilleur et plus sûr correspond à la vraie tradition canadienne.

Le Dr. H. Peter Langille est chercheur invité au Centre for Global Studies de l’Université de Victoria. Il a été un des premiers récipiendaires du Prix d’excellence à vie Hanna Newcombe du Mouvement fédéraliste mondial – Canada pour ses nombreuses contributions à l’appui d’opérations de la paix de l’ONU plus efficaces.

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L’intérêt bien compris du Canada et les Nations Unies Résumé Si l’une des responsabilités premières d’un Gouvernement est de protéger ses intérêts dans le monde, l’indifférence du Gouvernement canadien actuel à l’égard des institutions internationales, tout particulièrement les Nations Unies, est difficile à comprendre. Dans un monde universalisé avec une pléthore de risques économiques, d’incertitudes politiques et de sécurité, d’effets interdépendants entre les dommages environnementaux et les problèmes de santé accompagnés de crises humanitaires et des besoins de développement pressants, il est devenu pratiquement impossible pour n’importe quel Gouvernement « d’y aller seul ». C’est au sein des divers organismes de l’ONU – politique, sécurité, environnement, développement, et action humanitaire – que la communauté internationale peut le mieux mettre au point les interventions nécessaires pour s’attaquer aux problèmes mondiaux complexes. Quand « l’ONU » ne peut se mettre d’accord sur un programme d’action, c’est que les États membres de l’Organisation ne peuvent pas ou ne veulent pas se mettre d’accord. Le Canada, doit dès lors, prendre ses responsabilités comme État membre.

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Carolyn McAskie, O.C. Si l’une des responsabilités premières d’un Gouvernement est de protéger ses intérêts dans le monde, l’indifférence du Gouvernement canadien actuel à l’égard des institutions internationales, tout particulièrement les Nations Unies, est difficile à comprendre. Dans un monde universalisé avec une pléthore de risques économiques, d’incertitudes politiques et de sécurité, d’impacts interconnectés entre les dommages environnementaux et les problèmes de santé accompagnés de crises humanitaires et des besoins de développement pressants, il est devenu pratiquement impossible pour n’importe quel Gouvernement « d’y aller seul ». La réputation internationale du Canada – aujourd’hui détruite – était fondée sur sa contribution de partenaire solide, conscient des grands enjeux et attaché à trouver des solutions pour le plus grand bien et pour le plus grand nombre. En reconnaissant que le bien commun était bon en soi et bon pour le Canada, nous avons été en mesure de faire en sorte que nos intérêts soient compris et protégés. Maintenant, les représentants canadiens auprès des institutions internationales reçoivent comme instruction de protéger les intérêts canadiens dans leur acception la plus étroite, tout en ignorant nos intérêts et responsabilités plus vastes à titre d’état membre de l’ONU. Les Nations Unies sont une entité à multiples facettes, qui remplit une gamme de fonctions par ses différentes composantes, réglementaires, humanitaires, développementales, responsables des droits de la personne, ou encore, ses fonctions les plus connues au titre de la paix et de la sécurité. Dans tous les cas, que ce soit au Conseil de Sécurité ou du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), ce sont les États membres qui décident et paient

pour les pots cassés. L’ONU n’est pas une entité en soi qui décide d’elle-même d’entreprendre ou non une action unilatérale. Quand « l’ONU » ne peut se mettre d’accord sur un programme d’action, c’est parce que les États membres de l’entité ne peuvent pas ou ne veulent pas se mettre d’accord. Le droit de veto suranné du Conseil de Sécurité ajoute au problème, mais ce sont les États membres qui n’ont pas été capables d’amender la formule. C’est dans le domaine de la paix et de la sécurité que la confusion est la plus grande, tant dans l’esprit du public que dans l’attitude délibérée du Gouvernement Harper. Quand le Canada vacillait de tous côtés avant d’accepter d’envoyer un avion de transport pour appuyer les Français au Mali, la plupart des médias canadiens ont ignoré les négociations entreprises par le Secrétariat de l’ONU avec toutes les parties au conflit, les organismes régionaux, les contributeurs de troupes éventuels, tout en travaillant à la préparation des élections et à d’autres tâches civiles en prévision d’une opération de maintien de la paix. C’est au sein des divers organismes de l’ONU – politique, sécurité, environnement, développement, et action humanitaire – que la communauté internationale peut le mieux mettre au point les interventions nécessaires pour s’attaquer au « baril de poudre » que constituent la pauvreté, la famine, la sécheresse, la dégradation environnementale, la mauvaise gouvernance, la négligence et l’infiltration terroriste dans la région du Sahel en Afrique. En matière de maintien de la paix, le Canada, toujours marqué par les souvenirs de la Bosnie, refuse de reconnaître les renversements de situation en des endroits comme le Timor Oriental, le Kosovo, le Liberia, la Sierra Leone, la Côte d’Ivoire, le Burundi et la Somalie, sous l’égide de missions des Nations Unies, ou encore les efforts requis pour gérer


des conflits en cours au Soudan et en RDC (qui accueillent moins de 20,000 soldats, alors qu’il y en avait 140,000 en Afghanistan). Le Secrétariat de l’ONU, qui supervise toutes ces activités, a un budget moindre que la ville d’Ottawa. L’ONU manque de fonds et de personnel et elle dépend de l’avis des Gouvernements, un rôle auquel refuse de participer aujourd’hui le Canada. Alexis de Tocqueville évoquait en 1835 « l’intérêt personnel bien compris ». Le Gouvernement canadien prêche l’intérêt personnel de façon étroite, limité à « ce qui est bon pour le Canada » mais l’intérêt personnel « bien compris » signifie avoir une appréciation des intérêts personnels des autres, à savoir, le bien commun, qui est en fait une condition préalable à son propre bien-être. Il ne s’agit pas nécessairement d’une perspective idéaliste mais d’une preuve

de pragmatisme. Il y va de l’intérêt du Canada, dépendants comme nous le sommes du commerce et de la mobilité internationale, d’aider à créer un monde pacifique, démocratique, plus équitable et plus stable. La « politique étrangère fondée sur des principes » du Gouvernement Harper, qui met étroitement l’accent sur le court terme et principalement sur des questions commerciales ou de politique interne, va de fait à l’encontre des intérêts du Canada à long terme. Donner la préférence à des groupes comme le G-20 ou l’OTAN peut être utile, mais cela ne dégage pas le Canada de ses responsabilités comme membre des Nations Unies. Autrement, non seulement nous abandonnons nos alliés en leur laissant porter tout le fardeau, mais nous perdons la chance d’influencer le cours des événements dans le monde d’une façon qui soit profitable pour nos intérêts.

Carolyn McAskie est Professionnelle en résidence auprès de l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa. Elle est Officier de l’Ordre du Canada et actuellement vice-président du Conseil du Centre Pearson. Mme McAskie a fait carrière à L’Agence canadienne de développement international et y a été sous-ministre adjointe (SMA) pour les affaires multilatérales, et SMA pour les programmes en Afrique. Elle a passé presqu’une décennie entière aux Nations Unies en tant que Secrétaire générale adjointe pour les Affaires humanitaires, comme RSSG auprès de la mission de l’ONU au Burundi et SGA pour la Consolidation de la Paix (présidant au lancement de la Commission de Consolidation de la Paix nouvellement créée aux Nations Unies). 25


L’ONU, ONU Femmes, et le Canada Résumé ONU Femmes est encore une très petite fille dans la famille des agences de l’ONU. Elle est née de la campagne internationale de sensibilisation et de promotion à la base par des femmes sur la Réforme de l’Architecture de l’Égalité des Sexes, la campagne connue sous le nom de GEAR pour réaliser un amalgame indispensable entre quatre organismes antérieurs et diffus de l’ONU souvent en opposition les uns avec les autres. En août dernier, plus de 50 chefs de file de la société civile ont rencontré ONU Femmes aux quartiers généraux à New York pour souligner que tous les questions liées aux femmes, y compris les droits à la santé sexuelle et procréative, doivent être comprises dans le cadre des droits de la personne. Pourquoi cet accent sur les droits à la santé sexuelle et procréative ? Et pourquoi les leaders en matière des droits des femmes se tournent vers l’ONU pour provoquer des changements positifs de telle sorte que les droits humains des femmes soient des droits « véritablement vécus » ? Les corps des femmes et des filles sont les pages du livre sur les droits des femmes; le contrôle et le pouvoir sont le thème central.

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Marilou McPhedran ONU Femmes est encore une très petite fille dans la famille des agences de l’ONU. Elle est née en 2007 d’une campagne de rayonnement à la base par des femmes. C’est un amalgame de quatre organismes antérieurs et diffus de l’ONU souvent en opposition les uns avec les autres. Elle cherche encore à s’installer dans sa niche, dans l’attente de la réalisation de promesses de financement. L’ancien ambassadeur Stephen Lewis avait fortement appuyé l’établissement de ONU Femmes, en partie en réponse à la promesse faite d’une inclusion réelle des organisations féminines de la société civile (au Canada, cela comprenait Voix des Femmes pour la Paix, la Fédération canadienne des Femmes diplômées des Universités, la YWCA, et bien d’autres). En août dernier, plus de 50 chefs de file de la société civile ont rencontré le nouveau directeur exécutif d’ONU Femmes aux quartiers généraux à New York pour souligner que tous les questions liées aux femmes, y compris les droits à la santé sexuelle et procréative, doivent être comprises dans le cadre des droits de la personne. Pourquoi cet accent sur les droits à la santé sexuelle et procréative ? Et pourquoi les leaders en matière des droits des femmes se tournent vers l’ONU pour provoquer des changements positifs de telle sorte que les droits humains des femmes soient des droits « véritablement vécus » ? Les corps des femmes et des filles sont au cœur des droits des femmes; le contrôle est un thème majeur. En tant qu’avocate et éducatrice en droits de la personne, j’ai suivi les sessions sur les droits de la femme à l’ONU depuis 1997, tant à New York qu’à Genève. Je prends souvent des étudiants avec moi pour leur montrer la realpolitik des procédures onusiennes – parce que tant que l’on ne les

observe pas soi-même, il est difficile d’apprécier les retards et les complexités du multilatéralisme dans la lutte pour les droits. Un exemple en a été le « protocole optionnel » qui permet à des gens de présenter des plaintes pour injustice au-delà des frontières de leurs pays respectifs. Cette disposition fit l’objet d’une négociation en 1998 dans le cadre du traité majeur sur les droits de la femme de l’ONU – CEDAW - (La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes). Je dirigeais la première étude d’impact de la CEDAW et nous étions assis en sessions de rédaction à huis clos sur cet ajout controversé. C’est là que j’ai vu avec qui les diplomates américains (sous le régime George W.Bush) s’asseyaient et votaient - des représentants constamment hostiles aux droits procréateurs des femmes, comme la Syrie et le Vatican. J’étais fière d’être canadienne parce qu’une bonne partie des plaidoyers efficaces et des amendements favorables aux femmes venaient de diplomates canadiens. Venons-en au mois de juin de cette année. Lors de la 23ème session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU à Genève, j’étais à la fois oratrice et observatrice lors des sessions de négociations sous l’égide de nos femmes diplomates canadiennes chevronnées. Elles maintenaient la tradition canadienne de parrainer des résolutions touchant à la violence faite aux femmes. Mais cette fois, je voyais les diplomates américains (sous le Président Obama) proposer un amendement crucial à la résolution canadienne sur les droits procréateurs des femmes. Et cette fois-ci, ce furent les gens du Premier ministre Harper qui dirent « non ». Action Canada pour la population et le développement (ACPD) – l’une de nos organisations de la société civile les plus efficaces dans le système onusien – a dénoncé les


blocages du Canada à propos de la résolution canadienne : « En raison de l’attitude constamment régressive du Canada, le texte final de la résolution a empêché de rendre opérationnels des mesures cruciales comme l’accès aux services essentiels de santé sexuelle et reproductive, comme la prestation d’éducation sexuelle aux adolescents, l’habilitation des filles, la réduction de la violence basée sur le sexe et la révision des lois qui criminalisent ou restreignent l’accès à l’avortement. Elle demande aux gouvernements de fournir l’accès à des services de soins de santé mais n’inclut pas les services de santé sexuelle et reproductive auxquels les survivants à de la violence sexuelle doivent avoir accès, comme l’avortement sans risque (dont une révision des lois qui restreignent l’accès à l’avortement en cas de grossesse résultant d’un viol), la prophylaxie post-exposition en cas d’infection au VIH, et le diagnostic et le traitement des infections sexuellement transmissibles. » La version affaiblie de la résolution canadienne a été finalement adoptée par le Conseil des droits de l’homme le 14 juin 2013 sous le titre « Accélérer les efforts pour éliminer toutes les formes de violence contre les femmes : empêcher les viols et les autres formes de violence sexuelle et prendre des mesures en conséquence. » Les États-Unis ont formellement exprimé leurs regrets devant le refus du Canada de faire référence aux services requis par les survivants à la violence sexuelle comme ce qui avait été mentionné dans les « conclusions agréées » en mars 2013 par la Commission de l’ONU sur le statut de la femme (CSF). Cela signifie que le gouvernement du Canada avait rejeté à Genève l’énoncé qu’il avait accepté à New-York et qui avait déjà été consacré par la CSF, le plus vaste organisme de l’ONU sur les droits de la femme. Ce n’est pas étonnant qu’un de mes étudiants

de 21 ans se soit exprimé récemment lors d’une conférence pour dénoncer les coupures dans l’architecture de l’égalité des sexes au Canada (de l’ordre de 40% de réduction) et exprimer sa frustration de « grandir » dans le Canada de Harper. Un dernier regard sur le Canada et l’ONU… En 2005, mes étudiants et moi avons été invités à livrer un document de stratégie pour l’équipe du Canada sur le sommet de la réforme de l’ONU par l’entremise de l’ambassadeur canadien à l’ONU à l’époque, Allan Rock. En 2009, j’ai eu la surprise de recevoir un appel me demandant d’écrire un document de stratégie pour un pays européen – surprise qu’un professeur canadien soit invité à rédiger un document sur les droits de la femme pour un autre pays. Ils m’ont alors expliqué que la présence réduite du Canada à l’appui des droits de la femme ouvrait une niche pour d‘autres pays qui voulaient faire leur marque mais ils voulaient la coopération d’un esprit canadien pour le projet, sachant que la personne ne ferait aucun travail sur les droits de la femme pour le gouvernement canadien. Références: 1. ONU Femmes, Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes. http://www.unwomen.org/fr 2. A/HRC/RES/23/25, Résolution du Conseil des Droits de l’homme de l’ONU, Intensification de l’action menée pour éliminer toutes les formes de violence à l’égard des femmes: prévenir et lutter contre le viol et les autres formes de violence sexuelle, 25 juin 2013. http://www.refworld. org/cgibin/texis/vtx/rwmain/opendocpdf.pdf?reldoc=y &docid=51d566744

Marilou McPhedran est une avocate des droits de la personne qui a été doyenne du Global College de l’Université de Winnipeg au cours de ses années de fondation de 2008 à 2012 et elle enseigne actuellement les droits de la personne au Collège. En 1997, Marilou a fondé le Projet international des droits des femmes (IWRP) lorsqu’elle était à l’Université York mais qui est maintenant basé au Centre for Global Studies de l’Université de Victoria. Elle dirige à l’heure actuelle l’Institut international des droits des femmes à l’Université de Winnipeg où elle enseigne.

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Le Canada, les droits de la personne et l’ONU Résumé On avait coutume de considérer le Canada comme le champion des droits de la personne et de l’état de droit au Canada, à l’ONU et dans le monde. Cette réputation permettait au Canada d’avoir une influence plus grande que ce que son rang l’aurait justifié dans la communauté internationale. Cette réputation a mené à des réalisations historiques : le Prix Nobel de la Paix pour le maintien de la paix, le Traité sur les Mines antipersonnel, la lutte menée par un Premier ministre conservateur, Brian Mulroney, contre l’apartheid, la doctrine de la Responsabilité de Protéger et le rôle clé joué par un fonctionnaire canadien des Affaires étrangères, Philippe Kirsch, dans la création de la Cour pénale internationale. Malheureusement, en ce 65ème anniversaire de la Déclaration universelle, la réputation du Canada pour ce qui est des droits de la personne et de l’état de droit est en rapide perte de vitesse, en partie parce que le monde commence à mieux connaître la façon dont le gouvernement conservateur de Stephen Harper dénature ces valeurs au pays, ce qui a des répercussions à l’ONU et dans le monde. Cet article donne les exemples les plus outrageants de la façon dont les Conservateurs ont sabordé la réputation du Canada.

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Errol P. Mendes En 2013, le gouvernement canadien aurait dû prendre la direction des célébrations du 65ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Cela aurait aussi dû être l’année au cours de laquelle nous aurions célébré le fait qu’un professeur de droit canadien, John Humphrey, en tant que chef de la division des droits de l’homme de l’ONU, a collaboré avec Eleanor Roosevelt pour produire l’avantprojet de la déclaration universelle, que la Première Dame des États-Unis appela « La Grande Charte du Monde ». Mais ce fut le silence total de la part du gouvernement Harper, tout comme lors du 30ème anniversaire de la Charte canadienne des droits et des libertés, la même année. La Charte est censée être la démonstration ultime de la façon dont nous respectons les droits de la Déclaration universelle. On avait coutume de considérer le Canada comme le champion des droits de la personne et de l’état de droit au pays, à l’ONU et dans le monde. Cette réputation permettait au Canada d’avoir une influence plus grande que ce que son rang aurait justifié dans la communauté internationale. Cette réputation a mené à des réalisations historiques : le Prix Nobel de la Paix pour le maintien de la paix, le Traité sur les Mines antipersonnel amorcé par Lloyd Axworthy, la lutte menée par un Premier ministre conservateur, Brian Mulroney, contre l’apartheid de même que sa contribution à la création de la Convention sur les Droits de l’Enfant, la création du G-20 par l’ancien Premier ministre Paul Martin, le rôle catalyseur en faveur de l’enchâssement de la doctrine de la Responsabilité de Protéger, sous l’égide du Premier ministre Chrétien et du ministre des Affaires étrangères Lloyd Axworthy, pilotée par la suite à l’ONU au Sommet mondial de 2005 par l’ancien ambassadeur du Canada Allan Rock, et

le rôle clé joué par un fonctionnaire canadien des Affaires étrangères, Philippe Kirsch, dans la création de la Cour pénale internationale, dont il est devenu ensuite le premier président. Malheureusement, en ce 65ème anniversaire de la Déclaration universelle, la réputation du Canada pour ce qui est des droits de la personne et de l’état de droit est en rapide perte de vitesse, en partie parce que le monde commence à mieux connaître la façon dont le gouvernement conservateur de Stephen Harper dénature ces valeurs au pays, ce qui a des répercussions à l’ONU et dans le monde. À titre d’exemples : 1. Refus de protéger le Canadien Omar Khadr, capturé comme enfant soldat à 15 ans, emprisonné sans application régulière de la loi à Guantamo Bay, avec abus de ses droits et complicité dans l’interrogatoire illégal du prisonnier et enfin retard indu dans son transfert au Canada. 2. Vic Toews, ministre de la Sécurité publique, émettant des directives aux autorités canadiennes selon laquelle elles pouvaient se fier aux informations obtenues par le Canada ou des agences étrangères par la torture et partager de telles informations avec d’autres états. Le désir de protéger des vies et des propriétés est supposé justifier cette violation outrancière de la Convention des Nations Unies contre la torture, à laquelle le Canada a souscrit. 3. Le refus de prendre des mesures efficaces contre la violence généralisée contre les femmes et les filles autochtones, plus de 600 femmes et filles ayant été portées disparues ou assassinées. 4. Déni de toute imputabilité pour le transfert des détenus afghans par des militaires canadiens à la police et agences de sécurité afghanes alors que des rapports de l’ONU


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et d’autres ont révélé que ces institutions torturaient ces détenus, en violation du droit humanitaire international. Le gouvernement a empêché la Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire et un comité parlementaire de faire enquête aux plus hauts niveaux du Gouvernement canadien pour établir la preuve du risque grave de torture. Dépôt d’un projet de loi draconien sur les réfugiés (C-31) dont les dispositions au titre du contrôle de la détention et le traitement discriminatoire de ceux qui arrivent au Canada par des voies irrégulières seront probablement jugées en violation de la Charte canadienne des Droits et Libertés, de la Convention de l’ONU sur les réfugiés et la Convention sur les Droits de l’Enfant, dont le Premier ministre conservateur Brian Mulroney s’était fait le champion. Pour des motifs idéologiques, coupures du financement ou menace de perte de statut d’organisme charitable pour des organisations soupçonnées de promouvoir la protection de groupes ou des questions auxquels le gouvernement était opposé. Refus d’instituer un mécanisme efficace ou un organe de surveillance pour enquêter sur les allégations de complicité dans des abus à l’encontre des droits de la personne par les industries canadiennes d’extraction minière dans le monde, suite à des allégations sérieuses de ce type de complicité en différentes parties d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine. Un projet de Loi canadien (S-10) pour mettre en œuvre le Traité interdisant les armes à sous-munitions, qui mine-

rait la possibilité de réaliser les objectifs fondamentaux du traité. Le projet de loi ouvre la porte à des opérations militaires conjointes avec des parties non-étatiques qui permettraient aux forces canadiennes de diriger, autoriser, ou même utiliser des armes à sous-munitions. Heureusement, le projet S-10 est mort au Feuilleton avant la fin de la dernière session du Parlement. Toutefois, cet exemple à lui seul démontre combien le Canada a perdu sa place de champion des droits de la personne par rapport au leadership mondial dont il a fait preuve sur les mines anti-personnel, conduisant à la Convention d’Ottawa sur ces mines. 9. La minorisation des autres bastions du Canada au titre des droits de la personne et le refus d’y apporter une contribution additionnelle, dont, notamment, la doctrine de la Responsabilité de protéger et la tradition canadienne en maintien de la paix. Quand les conservateurs de Harper cherchent à montrer au monde leur appui à la promotion des droits de la personne et de l’État de droit à l’ONU, c’est presque toujours en fonction d’une stratégie instrumentalisée pour renforcer des objectifs politiques électoraux et autres considérations internes. Le monde ne s’y est pas trompé, comme l’a démontré l’échec embarrassant lors du vote pour obtenir un siège au Conseil de Sécurité de l’ONU. Un héritage aussi remarquable, accumulé par plusieurs générations de Canadiens et de Gouvernements de différentes obédiences politiques ne peut pas être perdu si rapidement, durant presqu’un seul mandat du gouvernement.

Errol Mendes est professeur de droit constitutionnel, de droits de la personne et de droit international à l‘Université d’Ottawa. En 2009, il a été professionnel invité à la Cour pénale internationale et il est actuellement chercheur invité à la Harvard Law School.

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Le rôle du Canada dans l’interdiction des armes nucléaires Résumé Le Canada devrait mettre en œuvre la motion adoptée à l’unanimité par le Sénat et la Chambre des Communes invitant le Gouvernement a appuyer le Plan en cinq points pour le désarmement nucléaire mis de l’avant par le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, dont l’essentiel est une Convention sur les armes nucléaires ou un ensemble d’instruments pour éliminer les armes nucléaires. L’Initiative des puissances moyennes est prête à organiser une réunion à Ottawa des pays partageant le même point de vue pour travailler à l’élaboration d’une interdiction totale. De nombreux parlementaire et environ 700 membres de l’Ordre du Canada appuient cette initiative.

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Douglas Roche, O.C. Quand l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI - Stockholm International Peace Research Institute) a rapporté dans son annuaire de 2013 que les états possesseurs d’armes nucléaires « semblent décidés à conserver leurs arsenaux nucléaires indéfiniment », la crise du régime de non-prolifération a été révélée de façon brutale. Bien que toute l’attention internationale se soit portée sur le programme nucléaire iranien et les tests nucléaires de la Corée du Nord, le cœur du problème des armes nucléaires demeure le refus des cinq membres permanents du Conseil de Sécurité d’entamer des négociations globales en vue d’éliminer les 17,000 armes nucléaires recensées dans le monde. En dépit de coupes dans les systèmes superflus, les arsenaux nucléaires ont été normalisés et font partie intégrale des systèmes de sécurité. Au cours de la prochaine décennie, les principales puissances nucléaires – la Russie, les États-Unis, les Royaume-Uni, la France et la Chine – auront dépensé mille milliards de dollars pour moderniser ces systèmes nucléaires. Leur planification est manifestement conçue en fonction d’un monde où les armes nucléaires demeureront une clé de voûte et non en vue de leur élimination. Le blocage au sujet du désarmement nucléaire est tellement grave que l’Assemblée générale des Nations Unies a convoqué une rencontre de haut niveau, le 26 septembre, pour débloquer l’impasse. Quelle sera la position du Canada lors de cette réunion extraordinaire? Pendant de nombreuses années, le Gouvernement canadien a adopté une approche « des petits pas » à l’égard des différentes composantes de la non-prolifération, comme

l’interdiction de la production de matières fissiles et le traité d’interdiction complète des essais nucléaires. Ni l’un ni l’autre n’a été réalisé. Il y a cinq ans, le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, a présenté un plan en cinq points sur les armes nucléaires, invitant à travailler à l’élaboration d’une Convention sur ces armes ou un cadre d’instruments qui aboutiraient à leur interdiction totale. Si la démarche du Secrétaire général avait porté fruit, la réunion du 26 septembre n’aurait pas été nécessaire. Un grand nombre d’États veulent mettre fin à la démarche « routinière » eu égard au désarmement nucléaire. Ils ont émis une déclaration attirant l’attention sur les « conséquences catastrophiques » du recours aux armes nucléaires. Ils ont voté aux Nations Unies en faveur de la négociation d’une Convention sur ces armes. Le refus du Canada de s’associer à cette démarche progressiste est révoltante. Il y a trois ans, le Rassemblement des Canadiens pour une Convention sur les Armes nucléaires a été créé avec l’appui de membres de l’Ordre du Canada qui ont demandé au Gouvernement canadien d’appuyer le plan de Ban Kimoon de lancer des négociations mondiales sur les armes nucléaires. Le nombre de membres de l’Ordre du Canada signataires a atteint environ 700. Leur démarche a conduit à une résolution adoptée à l‘unanimité tant par le Sénat que par la Chambre des Communes. La motion invitait le Gouvernement à soutenir l’initiative du Secrétaire général et à lancer une initiative diplomatique à l’échelle de la Planète en faveur du désarmement nucléaire. Par la suite, deux forums parlementaires ont eu lieu sur la colline du Parlement où des membres de tous les partis politiques ont exprimé le souhait de voir le Gouvernement canadien accueillir une réunion de Gouvernements partageant la même vision afin de poursuivre le travail préparatoire


pour une interdiction totale des armes nucléaires. On a rappelé que ce type de geste du Gouvernement canadien avait conduit à la Convention de 1997 sur l’interdiction des mines antipersonnel. L’initiative des puissances moyennes, consortium de huit organisations de la société civile spécialisées en matière de désarmement nucléaire, propose d’organiser une réunion de ce genre à Ottawa, comme le gouvernement allemand l’avait fait plus tôt cette année à Berlin. Qu’est-ce qui empêche le gouvernement d’agir ? Deux anciens Premiers ministres m’ont dit que l’OTAN était le principal obstacle à tout travail de fond sur le désarmement nucléaire. L’OTAN vit une ambiguïté profonde. D’un côté, l’Alliance affirme que la possession d’armes nucléaires fournit « la garantie suprême » pour la sécurité de ses 26 États-membres. De l’autre, les membres de l’OTAN réaffirment à la fois leur engagement envers le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) qui a pour objectif le désarmement nucléaire, et leur dépendance à l’égard de ces armes. Les politiques manquent totalement de cohérence.

Le Canada devrait se joindre à l’Allemagne et plusieurs autres membres de l’OTAN qui veulent changer cette adhésion aux politiques de la Guerre froide. Il est impératif de raviver la voix du Canada en faveur de progrès réels dans l’entreprise du désarmement nucléaire. En rassemblant sur la colline parlementaire des représentants de pays partageant les mêmes objectifs, on fournirait une réponse de qualité aux valeureux Canadiens qui souhaitent une avancée. Le message à la communauté mondiale serait clair : les armes nucléaires doivent être reléguées aux oubliettes de l’histoire. Il est grand temps pour le Canada de mettre en œuvre l’engagement pris lors de la Conférence des parties chargée de l’examen du Traité en 2010 : « Tous les États doivent consacrer des efforts exceptionnels pour établir le cadre permettant de créer et de maintenir un monde exempt d’armes nucléaires »

L’honorable Douglas Roche, O.C., est un écrivain, parlementaire et diplomate qui s’est spécialisé tout au long de sa carrière de 40 ans au service de l’État dans le domaine de la paix et de la sécurité humaine. M. Roche a été sénateur, député, ambassadeur du Canada pour le désarmement et professeur invité à l’Université d’Alberta. Il a été élu président de la Commission du désarmement des Nations Unies lors de la 43ème Assemblée générale en 1988. En 2009, il a reçu le Prix de reconnaissance pour services exceptionnels de l’Association canadienne des anciens parlementaires pour avoir « promu le bien être humain, les droits de la personne et la démocratie parlementaire au Canada et à l’étranger ». En 2012, le Bureau international de la Paix a proposé sa nomination pour le Prix Nobel de la Paix. 31


Résumé En 2015, les leaders mondiaux se réuniront, sous l’égide des Nations Unies, afin de définir un nouveau cadre pour le développement mondial qui succèdera aux Objectifs du millénaire pour le développement. Ce cadre, nous l’espérons, ne laissera personne pour compte, que ce soit au Canada ou au Cameroun. Le 25 septembre, les Gouvernements se rassembleront à New York pour décider quelle est la meilleure façon d’y arriver. L’établissement d’un partenariat mondial, qui facilitera la gestion de la mise en œuvre de ces objectifs internationaux, est un élément-clé du cadre de travail pour l’après 2015. Ce partenariat devra veiller à ce que les partenariats équitables, la participation significative et la responsabilité partagée soient au cœur de ses actions. Les Gouvernements ne peuvent y arriver seuls. La société civile, ainsi que d’autres acteurs du développement, doivent également être de la partie. Des processus mondiaux plus inclusifs sont possibles. Le Forum de haut niveau sur l’efficacité de l’aide (HLF4) qui eut lieu en 2011 à Busan, et qui a conduit à la création du Partenariat mondial pour la coopération efficace en matière de développement (GPEDC), est un exemple concret de comment on peut y arriver.

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La société civile, le Canada et les Nations Unies: des partenariats pour l’avenir Julia Sanchez En 2015, les leaders mondiaux se rassembleront sous l’égide des Nations Unies afin de mettre sur pied un nouveau cadre de travail sur le développement, qui succèdera aux Objectifs du millénaire pour le développement. Un cadre qui, espérons-le, ne laissera personne derrière, tant au Canada qu’au Cameroun. Le 25 septembre prochain, divers gouvernements se réuniront à New York afin de déterminer la meilleure façon d’atteindre cet objectif. Le cadre de travail post-2015, comme il est appelé, abordera des problématiques et des enjeux qui perdurent depuis longtemps, à savoir la pauvreté et la famine, l’inégalité, la paix et les conflits, l’adaptation aux changements climatiques ainsi que la stabilité financière et économique mondiale. Il s’agit d’un agenda ambitieux, qui vise à inciter d’autres pays à se doter des institutions ouvertes, efficaces et responsables nécessaires aux échelles nationale et internationale pour le bien-être du monde post-2015. Au cours de la dernière année, les Nations Unies ont organisé une série de consultations régionales, mondiales et thématiques afin d’alimenter et d’influencer l’agenda post2015. Cela a permis aux populations les plus touchées par la pauvreté et l’exclusion de s’exprimer et de mettre leur poids dans les discussions portant sur l’élimination de la pauvreté et la diminution de l’inégalité. C’est un bon départ, mais la consultation suffit-elle? Un élément central au succès de tout cadre de travail post-2015 consiste à l’établissement d’un partenariat global, qui facilitera sa mise en œuvre. Les gouvernements ne suffiront pas afin de mener à bien une telle tâche. Si les États

membres des Nations Unies sont les seuls responsables de la mise en œuvre du cadre de travail post-2015, on manquerait à la vision démocratique qui est essentielle au maintien d’un appui durable pour l’agenda post-2015. La société civile – toute entité autre que le gouvernement ou le secteur privé – doit aussi être présente. Une société civile forte et autonome a toujours été l’une des pierres angulaires de démocraties efficaces, stables et participatives, et c’est tout aussi vrai au niveau mondial. Il est possible d’envisager des processus mondiaux plus inclusifs. Le Forum de haut niveau sur l’efficacité de l’aide (HLF4) tenu en 2011 à Busan et ayant conduit à la création du Partenariat mondial pour une coopération efficace au service du développement (GPEDC), en est un exemple concret. Les processus qui ont mené à Busan, incluant la mise sur pied d’un Groupe de travail informel sur l’efficacité de l’aide, ont permis de créer un espace précieux de dialogue pour les nombreux intervenants et de favoriser une prise de décision fondée sur le consensus quant à l’objectif de l’agenda de Busan, aux résultats attendus de la rencontre et au processus de suivi continu. Tout au long du processus, des représentants de la société civile, du parlement, des municipalités et du secteur privé étaient présents et participaient aux négociations aux côtés des gouvernements et des institutions internationales. C’était l’aube d’une nouvelle ère en matière de coopération internationale pour le développement. Cette leçon ne doit pas être oubliée au cours du processus post-2015. Il est clair que l’étendue et la portée des défis auxquels nous faisons face exigent une réponse adaptée de la part de l’ensemble des acteurs du développement.


En prévision de 2015, il y a trois éléments que les États membres comme le Canada peuvent recommander aux Nations Unies, afin d’assurer une participation soutenue de la société civile pour l’atteinte de ces objectifs : 1) La promotion d’un processus inclusif et durable pour les multiples intervenants au service du développement mondial, au-delà de 2015. Cela signifie promouvoir l’inclusion des organisations de la société civile dans toute structure de partenariat mondial à venir, selon le précédent établi à Busan. Cela sous-entend aussi de promouvoir un espace pour les organisations et les populations afin d’exprimer leurs craintes et leurs besoins en matière de plans nationaux de développement post-2015, d’influencer et de transformer les politiques, de participer à des processus politiques et de demander des comptes aux décideurs. La démocratie représentative doit céder sa place à la démocratie participative. 2) L’élimination, dans tout partenariat mondial à venir, des obstacles à la participation de la population et de la société civile dans les processus démocratiques nationaux et mondiaux. Dans de nombreux pays, le domaine public est un espace contesté et réservé aux gouvernements souhaitant en détenir le monopole, limitant ainsi les bienfaits qui pourraient ressortir d’une plus grande inclusion. Selon l’entente établie à Busan, il y a des droits et des libertés politiques de base que le Canada doit promouvoir (liberté d’opinion, d’expression, d’association et de réunion) créant ainsi un cadre favorable à la société civile afin de réaliser son plein potentiel. Le Canada doit aussi s’assurer que les autres gouvernements respectent ces droits et libertés. 3) Enfin, la création de conditions favorables à des partenariats et collaborations solides entre les acteurs du développement, y compris le gouvernement, à l’échelle mondiale. Cela requiert d’ouvrir l’espace politique non seulement au secteur privé, mais également à d’autres

acteurs, notamment la société civile. Après tout, ce sont les politiques établies par un processus démocratique, plutôt que gouvernemental, qui mènent au développement et au progrès humain. Notre monde a besoin d’un agenda mondial en 2015 qui mènera à de réelles transformations. Pour ce faire, cet agenda doit se fonder sur un partenariat équitable, une participation significative et une responsabilité partagée. Aux Nations Unies, le Canada doit donner son plein appui à un nouveau cadre de travail ambitieux et reflétant l’importance des défis que connaît le monde à l’heure actuelle. Lectures complémentaires : Tomlinson, Brian (June 2012) “CSOs on the Road from Accra to Busan – CSO Initiative to Strengthen Development Effectiveness”, BetterAid, Ibon Books: Phillippines. http:// cso-effectiveness.org/IMG/pdf/csos_on_the_road_ from_accra_to_busan_final.pdf Forum for Democratic Global Governance (Spring 2013) “The Future We Need: Civil Society Democratizing the United Nations”, http://fimforum.org/ custom-content/uploads/2013/05/ Forum-proceeding-report.pdf Task Team on CSO Development Effectiveness and Enabling Environment (August 2013), “Enabling a Transformative Multi-stakeholder Post-2015 Development Agenda”, http://www.csopartnership.org/ index.php/task-team-on-cso-de-and-the-ee OECD (2012) “Partnering with Civil Society: 12 Lessons From DAC Peer Reviews”, OECD publications: Paris. http://www.oecd.org/dac/peerreviews/12%20Lessons%20Partnering%20 with%20Civil%20Society.pdf

Julia Sanchez est la présidentedirectrice générale du CCCI (Conseil canadien pour la coopération internationale) depuis août 2011. Elle est arrivée au CCCI après 18 années d’expérience dans des postes de gestion du développement international de haut niveau, dont 13 ans passés dans les pays en développement. Avant de se joindre au CCCI, elle était la directrice de campagnes régionale et nationale pour la Campagne mondiale sur l’action pour le climat. Elle a également été à l’emploi du Centre d’études et de coopération internationale (CECI) pendant 14 ans, l’une des plus grandes et plus anciennes organisations de développement international au Canada.

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Les Nations Unies et l’aide humanitaire Résumé Globalement, plus de la moitié de l’aide d’urgence est gérée par des agences de l’ONU, principalement le Programme alimentaire mondial et l’UNHCR. Les Gouvernements ont une très faible capacité de distribution de l’aide et la contribution des ONG, tout en étant importante, n’en demeure pas moins inégale et peu coordonnée. Les agences de l’ONU agissent comme point central pour les donateurs; elles servent à la coordination, la gestion et la distribution sur la ligne de front. Elles sont souvent les premières sur le terrain et les dernières à partir et souvent le seul mécanisme valable de distribution de l’aide humanitaire dans le contexte de certaines des urgences les plus tragiques au monde. Cela reste insuffisant. Le défi pour les États membres de l’ONU, y compris le Canada, est de trouver des façons de renforcer et d’améliorer la tâche herculéenne de répondre aux besoins humanitaires.

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Ian Smillie Quand survient une crise humanitaire, les pays donateurs s’efforcent de trouver les modalités les plus rapides et les plus efficaces pour acheminer de l’aide. Bien que le Canadien moyen ne le sache probablement pas - étant donné la tendance inévitable du ministre de la Coopération à tout enjoliver, le mépris du Gouvernement pour les Nations Unies et les campagnes de financement acharnées des ONG – la destination préférée des fonds humanitaires prodigués par le Gouvernement canadien est celle des Nations Unies. C’est en fait le canal privilégié par les principaux pays donateurs du monde. Les Gouvernements et les donateurs privés sont les principales sources de financement humanitaire. Dans un cas typique de crise, environ 10% des fonds proviendront de la Croix-Rouge ou par son intermédiaire et 25% via les ONG. Mais la part majeure, habituellement plus de la moitié, passe par les agences des Nations Unies, notamment le Programme alimentaire mondial et l’Agence des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR). Plusieurs raisons l’expliquent. D’abord, à part l’utilisation occasionnelle de matériel militaire pour livrer les secours, la plupart des pays donateurs, y compris les Canada, n’ont aucune capacité de livraison sur le terrain. Quelqu’un d’autre doit le faire. Les Gouvernements locaux peuvent parfois en assurer une partie mais les urgences, par la nature de choses, sollicitent les capacités locales jusqu’au point de rupture. Les ONG peuvent en faire une partie, comme en témoigne l’appui que leur donnent leurs Gouvernements, mais elles ont aussi leurs limites. Et à travers tout cela, il faut une solide coordination. Sous l’égide du Bureau de la coordination des Affaires humanitaires (OCHA), des agences de l’ONU servent de

point central pour les donateurs; elles servent à la coordination, la gestion et la distribution sur la ligne de front. L’OCHA a créé ReliefWeb, la principale source en ligne pour de l’information fiable et mise à jour sur les crises et désastres dans le monde. L’OCHA a aussi créé l’IRIN, une agence d’information respectée spécialisée dans les questions humanitaires. Les agences de l’ONU sonnent l’alerte et fournissent la recherche à long terme nécessaire pour soutenir les saines pratiques. Elles rappellent aux pays donateurs « les urgences oubliées » qui n’apparaissent plus sur les écrans radars; elles sont souvent les premières à arriver sur le terrain et les dernières à le quitter; elles sont fréquemment le seul mécanisme fiable de distribution de l’aide dans certains des endroits les plus dangereux de la terre. L’effort de l’ONU est colossal. Cette année, l’UNHCR s’occupe de quelque 35 millions de personnes déplacées, leur prodiguant abri, protection, aide juridique, soins de santé et aliments. Pour ce faire, l’agence compte 7,600 agents répartis dans 125 pays différents. En 2013, le Programme alimentaire mondial fournit de l’aide à près de 3 millions de personnes rien qu’au Darfour. Et d’autres agences des Nations Unies jouent un rôle important : l’UNICEF, le PNUD, l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture, l’Organisation mondiale de la Santé et le Programme des Nations Unies pour les Établissements humains. Face à des urgences massives et brutales – tremblements de terre, inondations et ouragans – les pays donateurs peuvent être lents à réagir. Pour les victimes, toutefois, chaque heure compte et même les plus courts délais peuvent faire la différence entre la vie et la mort de dizaines de milliers de personnes. Le système onusien a créé des mécanismes de financement commun généraux et spécifiques qui per-


mettent d’agir rapidement pendant que les ressources plus considérables des pays donateurs sont mobilisées. Ces fonds sont également utiles pour les urgences plus complexes et de plus longue durée lorsqu’une occasion se présente de traverser les lignes des rebelles ou de faire passer de l’aide lors d’une levée fortuite d’un blocus. Les agences de l’ONU ont une bonne réputation, de la crédibilité et de l’influence. Grâce à ses bureaux politiques et ses opérations de maintien de la paix, l’ONU peut aller en des endroits inaccessibles à d’autres et y agir comme aucun autre organisme ne le peut. On critique parfois l’ONU pour des carences dans la coordination, comme en Haïti, où la situation est devenue un véritable cauchemar après le tremblement de terre de 2010. La coordination fonctionne mieux, toutefois, quand les gens sur le terrain le veulent eux-mêmes et quand la situation politique est claire. Haïti était dans la confusion à cause de la présence militaire américaine et des innombrables ONG qui s’entassaient les unes sur les autres pour accaparer une part du gâteau. Ailleurs, l’ONU est le héros méconnu de douzaines de désastres – au Timor oriental et en Sierra Leone par exemple ou encore, aujourd’hui, à la frontière syrienne.

Héros méconnu, bien entendu, n’est pas l’expression exacte pour ceux qui ont dû passer à travers des situations faites de chaos, de famine et de violence et qui n’ont presque jamais la moitié des ressources nécessaires à leur disposition. À l’été 2013, l’appel de fonds de l’ONU pour la Syrie couvrait environ 37% des besoins. Aujourd’hui, il y a plus de deux millions de Syriens dans des camps de réfugiés. L’ONU, bien entendu, est la créature des États membres et elle est aussi bonne ou mauvaise que ce que lui permettent ses agents de financement, ses conseils d’administration et ses gestionnaires. La réponse humanitaire du monde peut laisser beaucoup à désirer en termes de promptitude, de coordination et d’efficacité, mais les Nations Unies sont à créditer du fait que l’aide humanitaire est meilleure de nos jours qu’elle ne l’a jamais été au cours du demi-siècle passé. Le défi pour les États membres, y compris le Canada, est de trouver des façons de renforcer et d’améliorer la tâche herculéenne de répondre aux besoins humanitaires.

Ian Smillie a vécu et travaillé en Sierra Leone, au Nigéria, et au Bengladesh. C’est le fondateur de l’ONG canadienne Inter Pares; il a été directeur exécutif de SUCO. Il a travaillé aux Universités Tufts et Tulane et comme consultant en développement auprès de nombreuses organisations canadiennes, américaines et européennes. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages dont The Charity of Nations: Humanitarian Action in a Calculating World (2004, avec Larry Minear), Freedom from Want (2009) et Blood on the Stone: Greed, Corruption and War in the Global Diamond Trade (2010). Ian Smillie a participé à la création du Processus de Kimberley et il préside la Diamond Development Initiative.

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Repenser les Nations Unies Résumé Le Canada doit aider le monde à repenser les Nations Unis dans le but d’établir des institutions de gouvernance globale qui soient légitimes et compétentes. Ceci devrait devenir un programme prioritaire du Ministère des Affaires Étrangère, en collaboration avec d’autres pays partenaires. Ce programme doit être fondé sur l’opinion publique et l’appui des associations de la société civile. L’objectif en est à développer des politiques, appuyés par le public, pour créer des organisations internationales qui soient capables de prendre des décisions qui font autorité sur des défis globaux tels que le changement climatique, le terrorisme et les crises financières. De telles institutions globales seront conformes aux techniques de gouvernance démocratique moderne tels le fédéralisme constitutionnel, les élections, le libéralisme, l’autorité de la loi, et la gouvernance décentralisée.

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John E. Trent Le gouvernement Harper soutient que les Nations Unies ne sont pas suffisamment efficaces. Qu’est-ce que le gouvernement canadien devrait faire à cet égard ? La réponse des Conservateurs a été de dévaloriser l’ONU et de se retirer d’activités multilatérales. Plutôt que de faire la moue, le Canada devrait aider le monde à repenser les Nations Unies. Repenser les Nations Unies devrait devenir un programme central du ministère des Affaires étrangères. Mais cela ne doit pas dépendre du caprice d’un ministre. Le ministère devrait amorcer un processus quasi-constitutionnel avec l’intention ferme d’encourager les autres pays partageant les mêmes préoccupations à emboiter le pas. Nous avons besoin d’un processus jouissant de l’appui du public pour offrir des politiques légitimées aux ministères des Affaires étrangères. Nous pouvons apprendre des exercices de « démocratie délibérative » sur la façon d’être à la fois efficace et inclusif. Ce processus d’assemblées démocratiques a été mis au point au cours des deux dernières décennies pour être à la fois éducatives et participatives et de faire en sorte que le public informé puisse apporter sa contribution à l’élaboration de politiques. Le mandat est de parvenir à une analyse critique commune sur : les problèmes du monde, un ensemble d’objectifs et de valeurs pour la gouvernance mondiale, de nouvelles institutions mondiales éventuelles, et un chemin critique pour y arriver – accompagné d’un programme de rayonnement, d’éducation et de communication. Qu’est ce qui va mal dans le monde? Le monde fait face aux défis du changement climatique, à l’écart entre riches et pauvres, au terrorisme, à la pollution, au réchauffement de la planète, aux souffrances des femmes

et des enfants, aux migrations massives, aux épidémies, aux crises financières, aux états fragilisés, etc. Mais chacun de ces défis a un dénominateur commun : le monde est incapable de prendre des décisions fermes et légitimes qui rallieront respect et exécution. La réforme de l’ONU est le problème commun auquel nous devrions tous nous attacher. Mais pourquoi l’ONU est-elle incapable de prendre les grandes décisions urgentes? En un mot, à cause de la souveraineté – la conviction que chaque état a le droit de faire ce qu’il veut sans craindre des interventions étrangères dans ses affaires intérieures. Chaque problème institutionnel découle de ce concept de la souveraineté, énoncé pour la première fois dans le cadre de la paix de Westphalie en 1648. Les affaires mondiales demeurent dominées par un concept européen vieux de trois siècles et demi. Les blocages aux Nations Unies sont liés à des notions dépassées de souveraineté et de nationalisme. L’existence du Conseil de Sécurité et du droit de veto fondé sur la loi du plus fort – et non de la communauté – selon laquelle les puissants de ce monde devraient être ceux qui tranchent. Les caucus régionaux des états souverains exigent une représentation égale dans toutes les questions impliquant les Nations Unies y compris les droits de la personne. La bureaucratie à l’ONU reste corrompue tant que le recrutement sera fondé sur des quotas nationaux. Les politiques nationales demeurent définies par des présidents, des premiers ministres et des cabinets agissant comme des monarques. Il y a fort peu de contrôles démocratiques. Il reste un long chemin à parcourir de la souveraineté à la coopération. À quoi ressembleraient des institutions mondiales efficaces ? Premièrement, nous devrions démocratiser les organisations internationales en incluant des assemblées populaires


côte-à-côte avec les organes étatiques décisionnels. Nous pouvons travailler à limiter et éventuellement éliminer le recours au veto. Un plus grand recours à la Cour internationale de Justice est à encourager. Il faut faire en sorte que ses décisions soient contraignantes pour les gouvernements. Le recrutement à l’ONU devrait être basé sur la compétence et l’intégrité. Des critères pour le recours à la Responsabilité de Protéger devraient être institués. Deuxièmement, nous devrions emprunter le modèle des petits pas de l’Union européenne pour créer des institutions fonctionnelles communes, un cadre juridique, des droits et des institutions supranationaux, en leur assurant la pérennité par des votes pondérés en fonction de la population, des intérêts spécifiques, du poids économique et de la participation souveraine. Une première étape consisterait à ouvrir notre politique étrangère à la participation et à des contrôles démocratiques. Il s’agit là de techniques pour nous sevrer progressivement d’une adhésion aveugle à des autorités souveraines nationales. Troisièmement, les principes et les valeurs sont fondamentaux. À la crainte de créer un dictateur mondial doit se substituer la certitude qu’aucun d’entre nous n’accepterait une gouvernance mondiale qui ne refléterait pas toutes les techniques de la gestion étatique démocratique que nous avons élaborées au cours des deux cents dernières années. Parmi ces principes et concepts, il y a la division et le contrôle des pouvoirs et la promotion des droits et de l’égalité par l’entremise d’institutions constitutionnelles démocratiques, des élections, le fédéralisme, le libéralisme, l’état de droit, la police locale et la gouvernance décentralisée. Comment le Canada peut-il faire avancer le monde en ce sens ? Le Canada peut contribuer à créer un réseau et une communauté de pratique qui met au premier plan de ses valeurs la coopération et la gouvernance mondiale. Si nous nous

concertons, comme proposé au départ, nous arriverons à élaborer un plan d’action. La réforme ne sera pas facile. S’y opposeront tous ceux qui ont un intérêt à la guerre plutôt qu’à la paix, ceux qui ne se sentent en sécurité que si leur vision nationaliste étroite perdure, ceux qui sont opposés à « la loi de la foule ignare ». Je suis convaincu qu’ils seront déboutés par ceux qui sont suffisamment sages pour reconnaitre que soit le monde apprendra à s’autogouverner soit qu’il s’autodétruira. Lectures additionnelles: Jacques Attali (2011). Demain, qui gouvernera le monde? Paris, Fayard Paul Heinbecker & Patricia Goff (2005). Irrelevant or Indispensable: the United Nations in the 21st Century, Waterloo, Ontario, Wildrid Laurier University Press. W. Andy Knight (ed.)(2005). Adapting the United Nations to a Postmodern Era: Lessons Learned, Houndmills U.K, Palgrave MacMillan Ross Smyth (2006). One World or None: How Canadians Can Take the Lead to Abolish War and Democratize the UN, Montreal, Price-Patterson John E. Trent (2013). “The need for rethinking the United Nations: modernizing through civil society”, in Bob Reinalda ed., Routledge Handbook of International Organization, Abingdon, Routledge. Thomas G Weiss (2013) Global Governance: A “Philadelphia Moment”, www.oneearthfoundation.org and Global Governance: Why? What? Whither? Cambridge, Policy Press. James A. Yunker (2011). The Idea of World Government: From Ancient Times to the Twenty-First Century, Abingdon, Routledge.

Professeur depuis 1971 et ancien directeur au Département de science politique à l’Université, il est devenu Chercheur au Centre d’études sur la Gouvernance à l’Université d’Ottawa. Ses publications comprennent : Modernization of the United Nations System: Civil Society’s Role in Moving from International Relations to Global Governance, (Barbara Budrich Publishers, Upladen, Germany, 2007). Il fut Secrétaire général de l’Association internationale de science politique (AISP) de 1976 à 1988, Président de la Société québécoise de science politique en 1995-96, et viceprésident fondateur du Conseil universitaire sur les Nations Unies (1988-91).

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Résumé Le monde est à un point critique alors que le moment est venu de formuler le programme de développement post2015 qui succédera aux Objectifs de développement du Millénaire de l’ONU de l’An 2000. Comme par le passé, le Gouvernement du Canada peut s’engager dans cette concertation mondiale, en offrant leadership et investissement dans le processus de décision mondial. Pour apporter une contribution stratégique, le Canada devrait : 1) reconnaître la capacité de l’ONU dans ce dialogue important destiné à mener à un changement à l’échelle du monde – et renoncer à dénigrer l’ONU comme simple lieu de bavardage; 2) être chef de file en matière d’innovation dans le domaine du développement par des partenariats privés /publics; 3) être chef de file dans les secteurs de la mitigation et l’adaptation du changement climatique – à l’instar de bon nombre de nos provinces – de façon à changer d’orientation et mettre l’accent sur l’innovation; 4) en collaboration avec des leaders de la société civile et d’universitaires, investir dans une démarche du Gouvernement dans son ensemble pour le développement et la mise en œuvre du nouveau programme de développement.

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Que fait le Canada pour aider à établir le programme de développement international pour les deux prochaines décennies ? Kathryn White Lorsqu’ils ont été formulés il y a presque 15 ans, les Objectifs de Développement du Millénaire (ODM) avaient pour but principal de fournir des repères concrets et mesurables pour orienter les agences des Nations Unies et autres dans leur travail en vue d’éliminer la pauvreté, promouvoir l’égalité des sexes et assurer un développement durable. Le monde est à un point critique puisque le moment est venu d’influencer le programme de développement international pour les deux prochaines décennies dans ce qu’on appelle le programme de développement post-2015. C’est le moment idéal pour le Gouvernement du Canada de se manifester comme dans le passé, de participer à cette conversation mondiale et de fournir leadership et engagement dans ce processus de décision mondial. Un engagement dans ce contexte signifie fournir un capital intellectuel au service d’une initiative pour bâtir un monde meilleur et contribuer à l’œuvre des Nations Unies pour le meilleur. Cet engagement appelle aussi un investissement financier. Partant du rapport du Groupe de personnalités à haut niveau (GPHN) mis sur pied par le Secrétaire général de l’ONU, les mois à venir verront une myriade de rapports et d’activités pour élaborer « la voie de l’avenir ». L’objectif du GPHN était de concevoir et de formuler une vision nouvelle de la croissance et de la prospérité durable ainsi que des mécanismes pour la réaliser. Le rapport très solide et très ambitieux remis au Secrétaire général de l’ONU à la fin mai décrit ses priorités pour le développement post-2015 sous forme de cinq grandes réorientations transformatrices :

– Ne laisser personne de côté, – Placer le développement durable au cœur des débats, – Transformer les économies pour créer des emplois et favoriser un mode de croissance inclusif, – Construire la paix et créer des institutions efficaces transparentes et responsables pour tous, – Créer un nouveau partenariat mondial. Parallèlement au travail du GPHN, un groupe de membres de l’Assemblée générale s’est concentré sur les Objectifs du développement durable (ODD). Une préoccupation sceptique – ou peut-être raisonnable – voulait que cette double démarche suscite des conflits dans la course à qui serait l’arbitre du développement à l’avenir. En fait, c’est un chevauchement solide et unifié que l’on retrouve dans le premier rapport du groupe de travail sur les ODD et le rapport du GPHN. Ce dernier doit émettre ses recommandations finales dès l’an prochain. Pour étayer ces deux rapports, la campagne du Millénaire du Programme des Nations Unies pour le Développement a organisé une enquête/dialogue en ligne. Cette initiative intitulée MY World, pour un monde meilleur, fournit une contribution remarquablement constante avec un accent sur les points de vue du Sud et alimente de façon unique la conversation mondiale. On constate un appui généralisé pour un cadre de développement unique des Nations Unies post-2015 qui comprendrait un groupe unique d’objectifs – des objectifs universellement applicables à tous les pays mais adaptables aux réalités et différentes priorités nationales. La question se pose quant à la place du Canada dans cette initiative ambitieuse et fondamentale et, point tout aussi


important, de savoir où le Canada pourrait y apporter du solide et une contribution stratégique. D’abord, le Canada doit renoncer à dépeindre les Nations Unies comme un simple lieu de bavardage. Comme le savent ceux qui ont travaillé dans les ‘tranchées’ diplomatiques à long terme, c’est le dialogue qui conduit à des normes, des normes on passe à la pratique puis de la pratique à la prospérité et à la paix. Une partie de cette fonction normative est une occasion pour le Canada de montrer le chemin quant à la manière dont les pays développés prennent en compte ces objectifs, les réalisent et en font rapport. Il y aura de la résistance de la part des pays développés quant au besoin de planifier l’atteinte des objectifs. Toutefois, si nous voulons égaliser les chances à l’échelle mondiale, un engagement dès le départ en faveur de la réduction de la pauvreté, de l’augmentation de la représentation des femmes et du développement durable chez nous sera la clé pour bâtir la confiance dans le reste du monde. Deuxièmement, le Gouvernement a une occasion unique de tirer parti de son engagement en tant que novateur dans le domaine des partenariats privés/publics en matière de développement. Comme une partie intégrale du prochain ensemble d’objectifs sera basé sur la transparence, l’innovation et le financement durable, le Gouvernement canadien pourrait investir dans la prestation d’indicateurs clés, l’observation et l’évaluation de ces partenariats et des risques éventuels de l’engagement du secteur privé dans le développement concret. Le Canada peut s’inspirer de ses expériences récentes en matière de développement avec le secteur privé pour diriger des consultations en vue d’établir un cadre équilibré et les niveaux de coordination que la communauté internationale peut mettre en pratique en allant de l’avant.

Troisièmement, le Gouvernement a reçu de nombreux prix de « Fossile de l’Année » de la part de militants du changement climatique à des conférences de l’ONU sur le sujet. Pourtant, au niveau provincial, partout au pays, il existe un véritable leadership d’opinion sur la taxe carbone, sur la reconnaissance des coûts liés au changement climatique et sur l’innovation. Éloignons-nous un peu de la pensée fossilisée et mettons-nous sur la carte du développement mondial en démontrant comment un pays qui pourrait bénéficier du changement climatique pourrait faire profiter d’autres pays qui subiront des dommages irréparables pour les mêmes raisons. Enfin, le Canada possède une superbe équipe de diplomates, de juristes, de spécialistes de l’environnement et des finances publiques. Le Canada dispose aussi de leaders engagés au sein de la société civile et du monde universitaire à qui une vie au service d’un monde meilleur a donné beaucoup d’expérience et d’idées. Mettons-les tous au travail – soulignant l’engagement du Canada à développer et à mettre en œuvre le programme de développement global post-2015 sous la forme d’une contribution du Gouvernement dans son ensemble – assurant la coordination, la discipline et le leadership qu’ils méritent. Le Canada a beaucoup à offrir alors que nous prenons conscience de notre bonne fortune dans un monde affligé par la pauvreté, les inégalités et l’injustice. L’établissement d’un programme de développement mondial pour les décennies à venir est le moment pour le Gouvernement de faire sa marque : montrer que l’idéologie de l’égalité est universelle. Le moment de s’y mettre est maintenant.

Kathryn White est la présidente et directrice générale de l’Association canadienne pour les Nations Unies. Au cours des 25 années antérieures, elle a assuré la direction de Black and White Inc., une firme de consultants établie à Ottawa qui se spécialise dans la recherche sur les politiques, la mobilisation des citoyens et l’éducation et qui intègre la gestion des risques et la perception du risque dans les solutions et initiatives qu’elle met en œuvre. Elle a été reconnue pour son leadership dans divers domaines, notamment les programmes pour jeunes à risque, le changement climatique, l’intervention en cas de désastre et de crise et l’atténuation des impacts, la responsabilité sociale des entreprises, le maintien de la paix internationale et la résolution des conflits. Elle est actuellement présidente du Comité exécutif de la Fédération mondiale des Associations pour les Nations Unies (FMANU). 39


PNUD Programme des Nations Unies pour le développement

Le système des Nations Unies

�� FENU Fonds d’équipement des Nations Unies �� VNU Volontaires des Nations Unies

PNUE Programme des Nations Unies pour l’environnement

Programmes et fonds

Organes principaux Assemblée générale

Conseil de sécurité Conseil économique et social

Cour internationale de Justice

NOTES : et l’UNIDIR font uniquement rapport à l’Assemblée générale.

2 L’AIEA fait rapport au Conseil de

sécurité et à l’Assemblée générale.

3 L’OMC n’a pas obligation de faire

4 Organisations

autonomes qui travaillent avec l’ONU et qui coopèrent entre elles dans le cadre du Conseil économique et social au niveau intergouvernemental et du Conseil des chefs de secrétariat pour la coordination au niveau intersecrétariat. Les organisations sont listées selon l’ordre de leur création en tant qu’institutions spécialisées.

5 Le Conseil de tutelle a suspendu ses activités le 1er novembre 1994, suite à l’indépendance des Palaos, dernier territoire sous tutelle des Nations Unies, le 1er octobre 1994.

Ce tableau n’est pas un document officiel des Nations Unies et ne prétend pas être exhaustif.

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UNRWA1 Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient

Comités permanents et organes ad hoc

HCR Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés

Instituts de recherche et de formation

Commission du désarmement

ECSNU École des cadres du système des Nations Unies ONU-Femmes Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes UNICRI Institut interrégional de recherche des Nations Unies sur la criminalité et la justice ONU-HABITAT Programme des Nations Unies pour

Commission du droit international Conseil des droits de l’homme

les établissements humains (PNUEH)

Grandes commissions et autres comités de session

UNIDIR1 Institut des Nations Unies pour la recherche sur le désarmement

PAM Programme alimentaire mondial

Autres organismes ONUSIDA Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida SPIC Stratégie internationale de prévention des catastrophes des Nations Unies UNOPS Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets

Organisations apparentées AIEA2 Agence internationale de l’énergie atomique CPOTICE Commission préparatoire de l’Organisation du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires OIAC Organisation pour l’interdiction des armes chimiques

Comité d’état-major Comités contre le terrorisme

Opérations de maintien de la paix et missions politiques

Comités des sanctions (ad hoc)

Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR)

Comités permanents et organes ad hoc

Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY)

Commissions techniques Condition de la femme Développement durable Développement social Forum des Nations Unies sur les forêts Population et développement Prévention du crime et justice pénale Science et technique au service du développement Statistique Stupéfiants

Organe consultatif subsidiaire Commission de consolidation de la paix des Nations Unies

CEE Commission économique pour l’Europe CEPALC Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes

Autres organes Comité chargé des organisations non gouvernementales Comité des politiques de développement Comités de session et comités permanents, groupes d’experts, organes ad hoc et apparentés Comités d’experts de l’administration publique

CESAO Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale

Groupe d’experts des Nations Unies sur les noms géographiques

CESAP Commission économique et sociale pour l’Asie et le Pacifique

Instance permanente sur les questions autochtones

Départements et bureaux

Institutions spécialisées4

OACI Organisation de l’aviation civile internationale FAO Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture OMI Organisation maritime internationale UNESCO Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture UIT Union internationale des télécommunications OMS Organisation mondiale de la Santé Groupe de la Banque mondiale

UPU Union postale universelle

�� BIRD Banque internationale pour la reconstruction et le développement

OMM Organisation météorologique mondiale

�� IDA Association internationale de développement

OMPI Organisation mondiale de la propriété intellectuelle

�� SFI Société financière internationale �� AMGI Agence multilatérale de garantie des investissements �� CIRDI Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements

DAM Département de l’appui aux missions

DSS Département de la sûreté et de la sécurité

EOSG Cabinet du Secrétaire général

DAP Département des affaires politiques

BAJ Bureau des affaires juridiques

DG Département de la gestion

HCDH Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme

BCAH Bureau de la coordination des affaires humanitaires

DGACM Département de l’Assemblée générale et de la gestion des conférences

BSCI Bureau des services de contrôle interne

DOMP Département des opérations de maintien de la paix

ONUV Office des Nations Unies à Vienne

DPI Département de l’information

OSAA Bureau du Conseiller spécial pour l’Afrique

DAES Département des affaires économiques et sociales

FMI Fonds monétaire international

OIT Organisation internationale du Travail

Commissions régionales CEA Commission économique pour l’Afrique

OMC3 Organisation mondiale du commerce

ONUG Office des Nations Unies à Genève ONUN Office des Nations Unies à Nairobi

FIDA Fonds international de développement agricole ONUDI Organisation des Nations Unies pour le développement industriel OMT Organisation mondiale du tourisme

OSRSG/CAAC Bureau du Représentant spécial du Secrétaire général pour le sort des enfants en temps de conflit armé UNODA Bureau des affaires de désarmement UN-OHRLLS Bureau du Haut-Représentant pour les pays les moins avancés, les pays en développement sans litoral et les petits États insulaires en développement

DPI/2470 rev.2—11-36065—Octobre 2011

rapport à l’Assemblée générale, mais elle contribue à titre spécial à ses travaux et à ceux du Conseil économique et social, notamment en ce qui concerne les finances et les questions de développement.

�� ITC Centre du commerce international (CNUCED/OMC)

UNU Université des Nations Unies

Département de l’information

1 L’UNRWA

UNODC Office des Nations Unies contre la drogue et le crime

UNRISD Institut de recherche des Nations Unies pour le développement social

Publié par les Nations Unies

Conseil de tutelle5

CNUCED Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement

FNUAP Fonds des Nations Unies pour la population

Organes subsidiaires

Organes subsidiaires

Secrétariat

UNICEF Fonds des Nations Unies pour l’enfance

UNITAR Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche


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