Les Chemins de Mémoire

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Dominique Erster

Août 2022


Dans le Haut-Bugey, l’Histoire nous a transmis de nombreux et successifs signes de son passage, . Ces jalons répartis au fil du temps et des époques marquent de leur empreinte indélébile l’ensemble de ces lieux, lieux de vie, lieux de travail, lieux de prière également, lieux de combat malheureusement et aussi lieux de mort… À l’heure ou certains échafaudent en catimini des projets d’implantations d’usines éoliennes, nous ne pouvons laisser sombrer dans l’oubli et l’indifférence générale ces exceptionnels legs de la nature et de l’Histoire. Nous ne pouvons avaliser cette forme d’amnésie sournoise qui peut prendre ses racines dans la cécité des uns voire l’indifférence des autres.

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de Lé chaud

Comb e

Comb e

de Fér irand

Entre Nantua et Brénod sur les Cartes de Cassini

Meyriat

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L’Abbaye de Nantua et la Chartreuse de Meyriat

Les origines de l’abbaye de Nantua remontent au VII e siècle, les prieurs étant les seigneurs de la Terre de Nantua. C’est entre la terre des bénédictins et Brénod qu’en 1116 Ponce du Balmey créé La chartreuse de Meyriat. Comme dans la plupart des chartreuses, un « désert », vaste possession de prairies, de forêts, entourait l’édifice religieux proprement dit. Outre la recherche de quiétude, sa jouissance permettait aux moines de vivre en autarcie dans leur domaine. Au fil du temps, l’acquisition de ces dépendances a entrainé de nombreux conflits entre les habitants de Brénod, les moines de l’abbaye de Nantua et les chartreux de Meyriat. Le domaine de 200 hectares de champs, prés, pâturages et forêts à ses débuts, atteignait près de 2000 hectares à la Révolution. Sources: La chartreuse de Meyriat – Histhoiria n°9 Meyriat, les plus beaux sites du Bugey – Delphine Arène La chartreuse de Meyrat – Secondi et Donzel avec les élèves de Vieu d’Izenave https://www.dreffia.com/le-territoire/la-chartreuse-de-meyriat/

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Le mouvement monastique s’implante dans les montagnes du Bugey (à l’est du département actuel de l’Ain) à partir des années 1100 avec le concours de grandes familles savoyardes et des ducs de Savoie.

Emprise du domaine de Meyriat ou « désert » entre Brénod et Nantua (liseré jaune). Ndlr. Le Chevril situé à l’ouest de Rivoire intégrait également le domaine Sources : Jacques Dubois – Journal des savants 1971

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L’État-Major des Maquis de l’Ain et la Mission interalliée L’ensemble des montagnes du Haut-Bugey a participé activement aux combats pour la libération de notre pays. Plusieurs lieux de mémoire rappellent à tous, ainsi qu’aux nouvelles générations, l’engagement total de ces « combattants de l’ombre ». Des sentiers de mémoire (voir ci-contre) ont été organisés pour transmettre et préserver cette mémoire. Paradoxalement, les combes de Férirand et de Léchaud ne figurent dans aucun topo-guide, ni ne comportent sur place une moindre plaque voire une seule petite indication mentionnant le rôle de ces lieux presque complètement oubliés de notre Histoire. Nous allons voir pourtant que leur rôle a été primordial et déterminant pour les aides alliées et la Libération finale de notre territoire. Ressources : Les Maquis de l’Ain – Colonel Romans-Petit La formation des Maquis de l’Ain – Yves Martin Histoire de la Résistance armée dans l’Ain – Patrick Veyret Journal de route du maquis de l’Ain – Gaston Gambier - Augé Parsifal, un chirugien anglais dans les Maquis de l’Ain – Geoffrey Parker Les vagabonds de l’honneur – Pierre G.Jeanjacquot

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Théatre d’actions des Maquis de l’Ain

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Deux combes chargées d’histoire Combes séculaires façonnées par le génie des moines, les deux combes jumelles, Férirand et Léchaud, prennent naissance au nord de Brénod. Elles s’étirent de part et d’autre de la forêt de Pré Goyet au nord du Montoux entre la forêt des Moussières, à l’est et la forêt d’Orcet et celle de Combe Noire sur la partie ouest. Les deux combes se rejoignent au golet à la Borne pour cesser leur course à Colliard à presque 984 mètres d’altitude, soit 450 m au-dessus du village des Neyrolles. La combe de Férirand C’est à l’est de la Chartreuse de Meyriat que la première combe prend naissance au dessus des étangs Marron. Lesdits étangs, alimentés par les différentes sources et exsurgences de la combe se déversaient à leur tour dans le bief du Valey. Il répondait ainsi aux besoins en eau de la chartreuse, tout en permettant l’élevage de ressources piscicoles comme de faire tourner des scieries situées en contrebas.

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Combes de Férirand et de Léchaud

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Les étangs Marron

Au nord des étangs, Pré de Joux ouvre la combe sur une vaste praille dont la perspective s’ouvre jusqu’au Signal des Monts d’Ain qui contemple Nantua et se mire dans son lac. Pré de Joux

Cinq fermes isolées s’égrenaient tout au long de la combe de Férirand. Elle tire son nom mot régional foran, qui désigne un lieu retiré, éloigné, qui vient lui-même de l’ancien français feur, for, fors, fuers et du latin foris qui signifie hors, dehors. d‘où le nom de la grange du Fort qui s’est substitué au nom initial de Férirand. 14


Fermes de la combe de Férirand

Grange de Pré / Praz Guy Le camp Michel

Grange du Fort ou Férirand Mission Interalliée Commandement des Maquis de l’Ain

Grange Neuve

Grange Brison

Pré de Joux

Fermes brûlées le 6 février 1944

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La Combe de Férirand Pré de Joux a miraculeusement échappé de peu aux sentences exécutoires des armées allemandes. Sous la gestion monastique, l’ensemble du domaine était destiné à la fourniture en céréales et en foin de la chartreuse. Les nombreuses granges et dépendances offraient des capacités de stockage et permettaient l’entretien des animaux nécessaires à l’exploitation.

Jusqu’à la Révolution, les moines étaient propriétaires des fermes, elles étaient mises en abergeage auprès d’un fermier qui devait leur payer une dîme en nature tout en entretenant le domaine.

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De récents travaux sur une des maisons (cfr. photo à droite) ont permis de découvrir, sous un épais crépi, une très ancienne ouverture en ogive de forme gothique. Il est fort possible que les moines convers aient dédié ici un lieu de prière au sein du domaine. Dans un des murs de la ferme, on a retrouvé un bénitier en forme de coquille Saint-Jacques (voir p. 16). Faisait-il partie de ses ornements religieux ou plus certainement un de ceux de la chartreuse de Meyriat ?

Plus au nord, seule la Grange Neuve (ci-dessous) a échappé aux plaquettes de phosphore de la Luftwaffe, ce qui n’est pas le cas de des autres granges, Brison, le Fort et Praz Guy (carte p.15).

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C’est à la fin novembre 43 que les Maquis sont venus s’implanter dans cette combe. Le défilé d’Oyonnax du 11 novembre avait déjà montré la capacité d’organisation et d’action des armées des forêts. Le choix de ce nouveau site présentait de nombreux atouts. Il était à l’écart des sentiers battus et offrait de nombreux accès directs et à couvert entre Nantua et Brénod, au centre de triage de la ferme du Mont, aux autres camps du plateau de Retord comme au reste des mouvements de résistance (Haut-Bugey, Jura et Savoie). En ces lieux, se trouvaient réunis, le commandement des Maquis de l’Ain, la Mission interalliée et le Camp Michel, ce dernier étant en charge de la protection de l’ensemble du dispositif. En février 1944, l’opération Korporal démarre (voir p.19). Première des trois opérations militaires allemandes, elle met un terme à cette organisation spécifique (p..20) et réduira ces trois fermes en cendres (p. 15)

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Opération « KORPORAL » Visant à éradiquer les Maquis de l’Ain l’opération est décidée à Lyon en présence de Klaus Barbie. L’état de siège est signifié au préfet de l’Ain par le major Kreiss von Kressenstein le 5 février 1944 à 6h30. Dès l’aube, des camions déversent leurs troupes. Automitrailleuses, motos, camions investissent la région, le Bugey est en état de siège ! Les troupes alpines de la Gebirgsjäger et les Sicherungsbataillone sévissent dans les montagnes appuyées par les feuersturm (bombes incendiaires au phosphore) de la Luftwaffe basée à Ambérieu-en-Bugey.

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Au cœur de cette combe isolée, retirée, éloignée, les deux granges du Fort / Férirand et celle de Praz Guy (ou Pré Guy) ainsi que la grange Brison et la Grange Neuve abritent pendant plusieurs semaines une organisation maquisarde inédite.

Le PC à la ferme abandonnée Le transfert du PC des maquis de l’Ain est décidé avec ROMANS (Henri Romans-Petit) à l’automne 43, le choix se porte alors sur la grange du Fort. En l’absence de ROMANS, en mission en Haute-Savoie, c’est CHABOT (Henri Girousse) qui assume en second le commandement des maquis de l’Ain, de l’Armée Secrète (AS) et du Groupement Sud. Un véritable État-Major clandestin s’installe dans cette ferme. Il centralise les opérations militaires et les renseignements. Il assure avec MAXIME (André Lamblot), surnommé le Grand Jules par ROMANS, la réception des agents de liaison et les résistants du Noyautage des Administrations Publiques (NAP). 20


C’est également une école de cadre des maquis. BENOIT (Jean Decomble), qui pendra la responsabilité du secteur de Châtillonsur-Chalaronne en Dombes, est formé ici à la guérilla. AUGÉ (Gaston Gambier), devenu l’adjoint de CHABOT, y a fait ses classes. En 1943, deux jours avant noël, AUGÉ est affecté à la grange du Fort. Dans son livre, il explique qu’on y étudie l’armement anglais et le maniement des explosifs. Avec ses autres collègues maquisards, ils vivent dans les fermes abandonnées de Férirand, Brison et Grange Neuve. Pour prévenir toute attaque inopinée, le secteur est, de jour comme de nuit, surveillé par des patrouilles. Ceux qui ne sont ni de garde ni en embuscade font de… l’instruction ! La mission interalliée s’installe au Fort À cette organisation originale, le PC se double d’un tête de pont des alliés au cœur même de la Résistance, c’est la Mission Interalliée (voir p.24). L’entente est parfaite entre son responsable XAVIER (Richard Harry Heslop) et ROMANS avec ses équipes. XAVIER confirme dans son livre leur vision commune sur la tactique de la guérilla et la mobilité absolue de l’armée des forêts : « La mobilité est votre force, leur répétâmes sans cesse Romans-Petit et moi. Nous leur enseignâmes que leur camp n'était pas un fort à défendre jusqu'au dernier homme. S'ils étaient attaqués, ils devaient s'éclipser dans les forêts ». 21


En janvier 1944, les émissions avec Londres reprennent ici. PAUL (Capitaine Owen Denis Johnson), officier américain qui opérait en Haute-Savoie émet en direct du site. Ses émissions qui s’effectuent à l’extérieur, sont protégées d’éventuelles détections de la Gestapo par des maquisards armés, ils bénéficient également de la complicité des gendarmes de Brénod. Les cendres de XAVIER et PAUL reposent aujourd’hui au monument d’Échallon qui rend hommage à l’aide des alliés aux Maquis de l'Ain et du Haut Jura en 43 / 44. Le dispositif allié est complété par ROCHESTER (Elisabeth Reynolds (ou Devereaux-Rochester), une angloaméricaine, agent de liaison de XAVIER. Comme ses deux autres collègues du SOE, elle dépend du Colonel Maurice Buckmaster, chef de la section française du Service Operations Executive. Tous les trois recevront la Légion d’Honneur, ainsi que la croix de Guerre pour ROCHESTER et XAVIER et la médaille de la Résistance pour PAUL. On peut retrouver ses souvenirs dans son livre Full moon to France.

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En janvier 1944, un autre personnage clé, va permettre l’armement des maquis de l’Ain. Il s’agit de PATTERSON (Ernest Henry Van Maurik), officier d'état-major auprès du général Colin GUBBINS patron du SOE. Alors qu’il part prendre la responsabilité de l'antenne des services spéciaux anglais à Berne, il est parachuté à Izernore. En charge de la résistance française et italienne, il en profite pour rendre visite aux maquis sur Retord. Il est réceptionné la nuit du 7 au 8 janvier par XAVIER, ROMANS (Henri Romans-Petit), Julien et Marius ROCHE et JACQUES (Paul DEBAT). Sa toute première visite est pour le PC départemental du Fort à Brénod, après une longue marche dans la neige, il découvre la ferme du Fort. Il est accueilli par les maquisards au son de la Marseillaise et d’une version incertaine du God Save the King. Ils arborent également un drapeau tricolore ainsi qu’une copie maison de l’Union Jack. Il passe une dizaine de Jours dans les camps et se fait l‘avocat des maquis de l'Ain.. Dans un rapport du 28 janvier 1944, sont présentées les conclusions de l'entretien qui a donné suite entre CHURCHILL et François d'ASTIER. Lord SELBORNE (conseiller de George VI) rapporte : « Le Premier ministre a décidé de fournir un gros effort pour l'armement des maquis, laissant en deuxième priorité les opérations normales par le SOE ». 23


La mission Interalliée - MUSC Mission exploratoire des services secrets franco-britannique menée à partir de septembre 1943 réunissant le Bureau central de renseignements et d‘action (BCRA) et le Special Operations Executive (SOE). Elle consiste à évaluer la situation et le potentiel des maquis de l'Ain et de la Haute-Savoie, l'importance de leurs effectifs, leur niveau d'instruction et leurs besoins en armement et en ravitaillement. En septembre, une première mission est conduite par XAVIER, CANTINIER (Jean-Pierre Ronsenthal) et BELLEROCHE (Henri Jaboulay, responsable maquis de la région R1). La nécessité d’aider et d’armer les maquis ressort, elle remonte directement à Londres, Winston Churchill et de Gaulle. Une deuxième mission plus opérationnelle démarre ensuite à la grange du Fort. Elle intègre, au sein du circuit SOE «Marksman» dirigé par XAVIER, son bras droit PAUL, officier US, de l’Office of Strategic Services (OSS), opérateur radio ainsi que son agent de liaison ROCHESTER. Le rôle de cette mission dirigée par XAVIER est essentiel, elle obtient, armes, explosifs et différentes aides nécessaires aux maquis. Outre la légion d'honneur et la croix de guerre décernées par la France, il reçoit directement des mains du roi George VI la «Distinguished Service Order». 24


Le Camp Michel à Praz Guy Le camp Michel parachève l’ensemble. Il porte le nom de son chef, MICHEL (Georges Béna), ci-dessus en uniforme de l’armée de l’air. C’est en décembre 43 que le commandant ROMANS (Henri RomansPetit), chef des Maquis de l’Ain l’a nommé responsable du camp. Il est épaulé par PROSPER (Prosper Mignot), PIERRE (Pierre-G Jeanjacquot), MARCEL (Roger Lutrin), décédé au Monthoux le 5 février 1944, ROBERT (Paul Pauget), GABY (George Goyard), GOYO (André Julliard) et ROGER (Degoutte). ROMANS, devenu le colonel Romans-Petit à la Libération, signe une préface élogieuse de l’homme dans le livre PARSIFAL de Geoffrey Parker : « Un camp devenu rapidement exemplaire à tous égards. Chaque matin, après le lever des couleurs, dissimulées sous les arbres bien sûr, il imposait à tous, sans aucune exception, des exercices de gymnastique, le torse nu, même par grand froid et en montagne. Son ascendant sur ses hommes s’est affirmé à tous avec un rare bonheur dans les assauts nombreux subis par son unité, dans toutes ses actions offensives. » 25


Les 80 maquisards du camp MICHEL ont pour mission la sécurité du PC départemental comme de la mission interalliée. JO (Georges Bondue), un Envoi des couleurs à Praz Guy (Photo Marcault) ancien chef des corps francs, a la charge de l’instruction théorique et pratique des hommes. Elle comprend aussi bien des techniques de sabotages que des exercices de tirs, ceux-ci sont régulièrement effectués dans les ruines des fermes de Mallebronde situées au nord du camp dans la forêt de Combe Noire. Pour sa part, GOYO monte, avec l’appui de soldats russes, une SES (section d’éclaireurs skieurs) pour initier les maquisards au ski. La vie dure du camp est néanmoins ponctuée par des moments forts de convivialité. Le jour de Noël 43, JACQUES, chef du SAP (section atterrissage et parachutage) apporte à Praz Guy des cadeaux et dons anonymes collectés dans les villes et villages, de précieux cadeaux de « ceux d’en bas » à Maquisards à Praz Guy « ceux des bois ». 26


« Mobility is your strenght » * C’est le 3 février 1944, deux jours avant le démarrage de l’opération Korporal (p.19) que le PC et la mission sont déplacés à la hâte au Mollard de l’Orge, une autre ferme sur Brénod en limite de Vieud’Izenave. Puis, la ferme attaquée, ils se replient successivement sur Lantenay, Machurieux, la ferme de la Montagne, la grange de la Faysse pour s’installer avec le garage à la ferme de Balinces dans la Dombes. Ultérieurement, le PC occupera le château de Voërle sur Izernore. * « La mobilité est votre force » martelait ROMANS à ses troupes, propos rapportés par le colonel anglais XAVIER (Richard Heslop) dans son livre.

Stèle du combat du 5 février 1944 au Monthoux au sud de la combe de Férirand à Brénod. Lieu ou sont tombés Roger LUTRIN, Pierre DESMARES, Germain CHEVROLET du Camp MICHEL protégeant le départ de leurs collègues.

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La Combe de Léchaud Le patrimoine naturel de la combe de Léchaud est tout aussi exceptionnel que celui de sa sœur jumelle la combe de Férirand. Ses paysages vernaculaires, ses nombreux crêts cernés de bois, sa forêt séculaire et son réseau hydrologique fragile en font un paradis reconnu de la Biodiversité. Quant à son patrimoine architectural, malgré de très rudes combats, les perquisitions, arrestations et déportations, il n’a pas eu à subir les lourdes exactions commises dans sa combe jumelle par les armées d’occupation. Nous voulons, au travers des pages qui suivent, vous brosser succinctement, du nord de Brénod au sud des Neyrolles, granges après granges, toutes les richesses incroyablement préservées ou en cours de restauration, certaines seront données à la Fondation du Patrimoine. 28


La combe de Léchaud nait au nord de la ferme de la Leschère, entre le Monthoux à l’ouest et Macconod à l’est. Ce très ancien village, aujourd’hui rattaché à Brénod, était sous l’autorité des moines de Meyriat, ils disposaient ici de leurs propres carrières de pierre. Lors de la deuxième guerre mondiale, c’était un des garages des maquis. Cette combe a hérité des anciens glaciers jurassiens un ensemble unique de fondrières, tourbières, zones humides, marais et sources qui permettent de nourrir le haut bassin de l’Albarine. Au fil de son parcours, toutes ses ressources aquifères viennent l’alimenter.

Voici une carte pour mieux vous repérer : (https:// www.google.com/maps/d/viewer?hl=fr&mid=1Dg6HdOfiGXzqWPJ34C4EcLn5rA0&ll =46.10263811778032%2C5.646601841832988&z=13 29 )


Les différentes granges et fermes s’étirent vers le nord, tout au long de la combe, de la Léchère jusqu’à Colliard. La première ferme, le Cernay, se situe sur la partie est de la combe. Elle domine l’Albarine et la ferme de Gruent. L’ensemble du tènement immobilier est imposant. C’était à l'origine un poste de douanes. Il a été entièrement restauré. En février 1944, la ferme, marquée d’un croix rouge sur la carte des allemands a été perquisitionnée, les deux hommes valides ont été arrêtés et déportés. Des deux fermes de Gruent, il n’en reste qu’une. Édifiée en 1631, elle est en cours de restauration et surplombe le frêle cours naissant de l’Albarine.

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En remontant, la Grange Berthet représente une sorte de petit village au-dessous de la forêt des Moussières, vaste forêt séculaire des comtes de Savoie. Un chemin permet d’y accéder, il s’ouvre sur placette. Un grand bac en pierre, taillé d’une seule pièce, délivre une eau claire et limpide de la montagne. Tout autour, la microbourgade s’organise comme une grande, avec quelques habitations, son dreffia, son four, ses écuries, ses granges et autres dépendances.

La grange Berthet sous la neige en photo et en aquarelle de Frank Ritzen

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Avec la ferme de l’Étanche, on retrouve toute l'ingénierie hydrologique des moines. Son nom vient de la création d’un retenue d’eau et l’étanchéification de l’ouvrage. Il permettait de réguler le cours de l’Albarine. Cet ouvrage imposant recèle quelques pièces remarquables hérités de la chartreuse.

Chardons sur une tablette de cheminée ci-dessus et motif floral sur un linteau de porte ci-contre.

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Le Golet Ravaud est une ferme monastique typique, telle une immense pierre de jais enchâssée au cœur de la combe, elle tutoie fièrement le Signal des Monts d’Ain au-dessus de Nantua. Mesurant 20 mètres sur 30, sa toiture d'ardoise est soutenue par une magnifique et imposante charpente que borde un long dreffia. Elle abrite une grange dont les dimensions sont à la hauteur des récoltes et fenaisons anciennes. De nombreuses écuries au rez-de-chaussée viennent étayer l’ensemble.

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Créée à l’aube du siècle dernier, la Fruitière de la combe de Léchaud permettait de transformer le lait des vaches des deux combes pour y produire du fromage de Comté. Le bâtiment restauré se situe en-dessous du Golet Ravaud. En remontant dans la combe, une autre ferme monastique nous attend, la grange Rougemont ou grange Rouge. C’est au pied de cette ferme remarquable que l’on localise la source de l’Albarine qui, lors des grosses fontes des neiges surgit avec fracas de la Cascade de Charabotte pour s’assagir dans la vallée et se jeter dans la rivière d’Ain à l’est d’Ambérieu-en-Bugey. De fait, c’est tout l’ensemble de la combe, depuis Colliard, que sources, marais et tourbières participent au réseau hydrologique et nourrit cette rivière.

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Les tourbières de la combe de Léchaud Les tourbières font partie d’un vaste et complexe réseau hydrologique dans la combe de Léchaud. Au total, elles occupent près de 10 % de la surface de la combe. La plus étendue de ces tourbières, la tourbière de Rougemont, s'étend sur plus de vingt hectares. Tout au long de la combe et du cours de l’Albarine (voir p.35), se succèdent tourbières, marais, zones humides et étangs. Le

Conservatoire

des

Espaces

Naturels

(https:// www.cen-rhonealpes.fr/wp-content/uploads/2013/11/PDGS_lechaud.pdf)

en charge de la préservation des différents sites en a recensé toute l’extraordinaire Biodiversité. Plusieurs Espaces Naturels Sensibles (ENS) sont classés et méritent l’attention de tous, paysans, promeneurs comme habitants.

- La tourbière de Colliard https:// inpn.mnhn.fr/zone/znieff/820030698.pdf - La tourbière de la Béroude https:// inpn.mnhn.fr/zone/znieff/820030699.pdf - La tourbière de Rougemont https:// inpn.mnhn.fr/zone/znieff/820030704.pdf

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Au-dessus de la grange de Rougemont, deux fermes, plus récentes, se répartissent de chaque côté de la combe. À l’ouest, la grange Perrier et en face, dans une petite clairière adossée à la forêt des Moussières, la grange Chanut. Nous avons atteint la limite nord de Brénod.

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Vient ensuite la ferme de la Tour. Nous sommes au nord de la combe de Léchaud, sur la commune des Neyrolles. L’édifice, en cours de restauration, était située sur la Terre de Nantua, elle faisait partie des dépendances monastiques de l’abbaye. La limite territoriale entre chartreux et clunisiens d’alors n’est plus aujourd’hui qu’une simple limite communale.

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Mais, n’oublions pas dans notre parcours ces quelques fermes qui ont déserté la combe. Ainsi, sur la partie ouest de la combe, les fermes de l’Ouille qui faisaient face à la grange Perrier. Son étymologie évoque les ovins (vieux français ouaille, oeille, latin ovicula, ovis). Brebis et Moutons devaient offrir aux moines et convers une diversification de leurs mets tout en leur procurant la laine pour les couvertures et leurs vêtements. Sur la partie neyrollande plus au nord, il ne reste que les fermes de la Tour et Colliard. En effet, sur le chemin qui mène à Nantua, les fermes de Mallebronde se sont abosées sous les sapins de Combe Noire. La Béroude, comme une ile au milieu de sa tourbière (voir p.99), l’eau a miné ses fondations en pierre. C’est le feu qui a eu raison de la grange Bernardin qui a accueilli ici un poste de douane. Enfin, la Frasse, ou plutôt Sous la Frasse située sous le Golet du même nom est retourné à la terre, 39


Voici Colliard, c’est tout à la fois, une ferme, un col, un bief et une tourbière. Elle est située à 450 mètres au dessus des Neyrolles et aux confins de la commune. Pour l’identifier et la distinguer, on parlait du plateau de Colliard. La route en lacet qui permettait de rejoindre directement le village est aujourd’hui coupée. Au-dessus de la ferme, la vue sur le lac de Nantua et les montagnes est magnifique !

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Une terre d’artistes et de poètes Cet environnement libre et sauvage a inspiré et inspire encore de nombreux peintres, artistes et poètes. La romancière George Sand, en visite à Meyriat, a trouvé le site : admirablement choisi pour une vie éternellement uniforme et pour des hommes voués au culte de l’idée unique et absolue. Delphine Arène, journaliste et écrivain, « chantre du Retord » a vanté la combe de Léchaud ou l’Albarine y nait comme une fée, dans un paysage enchanté où miroite la soie des linaigrettes, où papillonnent les ailes des narcisses, où s’ouvrent au soleil, et dorées comme lui, les trolles. L’aquarelliste Yvonne Récamier y a trouvé de nombreuses sources d’inspiration, Jean Goupil, fondateur du Syndicat d’Initiative à Nantua, et photographe du Haut-Bugey a pu exercer ses talents en noir et blanc.

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Plus récemment, deux films ont été tournés dans cette région du Haut-Bugey. C’est en partie sur le site exceptionnel de la combe de Léchaud que Luc Jacquet a pu réaliser de nombreux plans du film « Le Renard et l’Enfant ». Un matin d'automne, au détour d'un chemin une petite fille aperçoit un renard. Fascinée au point d'oublier toute peur, elle ose s'approcher. Pour un instant, les barrières qui séparent l'enfant et l'animal s'effacent. C'est le début de la plus étonnante et de la plus fabuleuse des amitiés. Grâce au renard, la petite fille va découvrir une nature secrète et sauvage. Commence alors une aventure qui changera sa vie, sa vision et la nôtre... Plusieurs scènes du film documentaire « Les Saisons » réalisé par Jacques Perrin et Jacques Cluzaud ont été prises dans la combe de Léchaud et sur Retord. Les Saisons est une épopée sensible et inédite qui relate la longue et tumultueuse histoire commune qui lie l’homme aux animaux. 42


Nous voici arrivés au terme de ces chemins de mémoire, ils nous ont conduit de combes en fermes au travers de ce patrimoine historique et naturel considérable. Différents artistes, peintres et poètes ont immortalisé cette terre. Notre démarche consiste à remettre en perspective les éléments de cette histoire très riche dont nous disposons, de l’extraordinaire capital naturel dont nous avons hérité et des conséquences irréversibles d’ éventuelles implantations d’usines éoliennes. Nous ne voulons, ni remettre en cause la nécessité de trouver de nouvelles sources d’énergie, ni nous opposer, par principe, à ce qui peut se faire près de chez moi (not in my back yard). Nous pensons avant tout à la préservation de notre patrimoine historique et naturel !

« L'avenir, c'est aussi la mémoire ! »

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Rendu visuel d’implantation


d’éoliennes à l’est de Nantua

(https://sites.google.com/.../parc-%C3.../impact-visuel)


Remerciements à : Martine Varenne pour ses photographies, Christian Buiron et François Récamier pour leurs aides et conseils, les associations Histhoiria et ProBugey, les Amis du Musée de la Résistance et de !a Déportation – Nantua, les Fermes de Retord Ressources WEB - Maquis / Résistance https://www.maquisdelain.org http://www.museedelaresistanceenligne.org https://www.tracesofwar.com https://www.ordredelaliberation.fr https://www.memorialgenweb.org/ brenod-et-la-seconde-guerre-mondiale_pdf https://issuu.com/lesfermesderetord/docs/f__rirand Ressources WEB - Histoire locale / Haut-Bugey / Ain https://patrimoine-des-pays-de-l-ain.fr/ https://www.archives.ain.fr http://histhoiria.org/ https://www.brenod.com/le-village/histoire-des-fermes/ https://www.fermes2retord.com/

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