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Photos DR / Chantal Thomass


Le comeback de la

éminité

Ces dernières années, le marché du prêt-à-porter s’est largement féminisé. La working girl des années 1980/90 a fait place à une femme qui s’assume pleinement. Résultat, la robe et les talons hauts sortent de l’armoire et réalisent un retour en force. Au premier rang de ce revirement de tendance : les grandes chaînes. Elles ont largement profité du mouvement pour asseoir leur puissance dans l’Hexagone. Quant à l’accessoire, il est devenu en quelques années un élément incontournable dans la garde-robe féminine. Analyse d’un marché en pleine mutation. dossier réalisé par Diane Leprince

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ne page est tournée. La working girl a raccroché ses gants aux vestiaires. Le combat n’a plus lieu d’être. Ça y est ! Les hommes ont enfin compris qu’elle était capable d’assumer des responsabilités. Libérée, la femme des années 2000 a tombé le masque. Plus sûre d’elle et de ses envies, elle ne se cache plus derrière son tailleur et ses ambitions professionnelles. Après des décennies de lutte, elle a quasiment réussi son pari : devenir l’égal de l’homme dans le monde du travail. Mais à quel prix ? Dans les années 1980, la rage au ventre, elle a gommé toute trace de sa féminité en se forgeant une image assez dure. Pour être reconnue en tant que femme active, il fallait obligatoirement avoir toute la panoplie : tailleur sombre, chignon et attaché-case. Et la sensualité au vestiaire ! Dans les années 90, la mode féminine se veut streetwear, dans une ambiance baggy/baskets empruntée au monde du sport. Mais un revirement de situation s’opère au début des années 2000. Comme-ci le changement de millénaire avait remis de l’ordre dans les esprits et dans les codes vestimentaires. Alors, aujourd’hui, qu’est-ce qui différencie les femmes des hommes ? Plus grandchose... L’apparence constitue le seul moyen de

s’affirmer de nouveau en tant que femme. Par conséquent, la mode s’est emparée de cette envie. Les créateurs ont dessiné des silhouettes plus féminines dotées de robes, de blouses, de bottes... Les matières ont évolué : on est passé du lycra au cashmere. L’objectif de tout ce changement : donner de la douceur et de la sensualité à une femme qui souhaite juste être elle-même.

Luxe, féminité et glamour

Au cours des dix dernières années, les codes vestimentaires ont été bouleversés. L’aire du streetwear inspiré du monde du sport a laissé place à l’univers du luxe. En clair, la robe a succédé au baggy ! Hedi Sliman est certainement l’instigateur de cette évolution. Le directeur artistique de Dior homme a en effet été le premier à introduire les codes du streetwear dans le monde du luxe, qui s’en est servi pour se donner une image un peu moins élitiste. Du coup, cet univers a commencé à faire rêver le consommateur. Les chaînes telles que H&M, Zara et Mango se sont engouffrées dans cette nouvelle tendance. Leur ambition : rendre accessible la mode des podiums. Et c’est un véritable succès ! Les femmes peuvent enfin s’habiller comme les mannequins des défilés. La force des chaînes étrangè-

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L’accessoire clé

A l’heure actuelle, toutes les femmes ont plus ou moins le même style. En démocratisant la mode, les chaînes l’ont aussi uniformisée. Du coup, pour se différencier des autres, la femme mise sur l’accessoire. C’est pourquoi, depuis quelques années, il devient un élément incontournable dans la garderobe féminine. Les chaussures, les sacs et les bijoux permettent à la femme d’exprimer encore plus sa féminité. Il faut dire qu’ils possèdent tous les caractéristiques qu’elle recherche. Exemple : les babies ont des talons. Les sacs sont travaillés dans des matières très sensuelles comme le cuir. Et les bijoux se portent à même la peau. Les marques ont d’ailleurs senti le vent venir. Elles sont de plus en plus nombreuses à proposer à leurs clientes une collection d’accessoires. Et ça marche ! Comptoir des cotonniers voit cette part dans ses ventes doubler chaque année. Les petites bottines Avalon de cette enseigne ont d’ailleurs connu un franc succès cet hiver. Choisir un vêtement ou un accessoire résulte de la même démarche, celle de vouloir s’affirmer en tant que femme. Mais l’accessoire permet aussi d’accéder à un certain groupe social. Si une femme porte une robe Zara avec des chaussures Marc Jacobs et le sac coordonné, elle atteindra automatiquement l’univers du luxe et la classe sociale qui y est rattachée. En peu de temps, les accessoires sont devenus les attributs du « paraître luxe ».

L’icône crée du lien

Dans un marché de plus en plus dense où il faut jouer des coudes, le marketing est très important. La féminisation accrue du prêt-à-porter a entraîné l’utilisation d’icônes de la mode, du cinéma et de la musique par les marques. Des sœurs Cruz pour Mango, à Lily Alen pour New look en passant par Madonna pour H&M, toutes ces stars dopent les ventes. Plusieurs explications existent. Les icônes ont un côté luxe que ne possèdent pas forcément les mannequins. Elles expriment des sentiments et des valeurs. Elles ne possèdent pas la perfection des modèles, ce qui peut rassurer la consommatrice. Et puis, la mode devient de plus en plus « people ». C’est-à-dire que les femmes veulent ressembler aux stars qui apparaissent dans les magazines. Dans ces conditions, l’icône joue un rôle essentiel dans la relation client/enseigne, puisqu’elle sert de lien entre les deux acteurs. Actuellement, utiliser des icônes demeure très vendeur. Les consommatrices apprécient ce concept. Reste à savoir pour combien de temps encore... Car comme le dit le proverbe : souvent femme varie !

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Les lolitas contre-attaquent ! Elles ont à peine 20 ans et déambulent déjà sur des talons hauts, magazine de mode en mains. Ces « bébés modeuses » décodent aussi bien les dernières tendances que leurs aînées. A peine sortie de la puberté, elles n’hésitent pas à s’assumer comme de vraies jeunes femmes. Gros plan sur une nouvelle génération de fashion victimes. 17h heures, sortie d’un lycée parisien. En deux minutes, une nuée de petites « modeuses » se retrouvent sur le trottoir. A y regarder de plus près, elles n’ont rien à envier à leurs aînées. Elles portent, même, mieux le slim et le legging que certaines trentenaires. Comment expliquer que cette génération succombe elle aussi à la féminisation ? Plusieurs explications sont possibles. Il est vrai que dans les cours de lycées, le jean/basket a longtemps fait la loi. Pratique, cette tenue a séduit de nombreuses générations d’étudiants. Et puis, il y a deux ans, la robe et son complice le legging, ont commis le hold-up de la décennie. Sans ménagement, ils ont relégué au fond de l’armoire « l’uniforme lycéen » des vingt cinq dernières années. Il faut dire aussi, que depuis quelque temps le jean avait pris ses aises côté prix. Deux cents euros pour un denim, ce n’est évidemment pas à la portée de toutes les bourses, encore moins si elles sont étudiantes. Le jean est devenu un produit de luxe. Les « bébés modeuses » ont donc dû porter leurs envies sur des vêtements moins onéreux. Une robe et un legging acheté chez H&M coûtent moitié moins cher qu’un jean made in Italie. Alors forcément, les comptes sont vite faits !

Des consommateurs choyés

Les jeanneurs ont d’ailleurs largement senti ce changement. Ils l’ont même anticipé. C’est pourquoi ces dernières années, ils ont décidé d’élargir leur offre. Le but : proposer une gamme de vêtements à prix plus abordable et continuer de séduire

les jeunes ! Car l’enjeu est là. Les 15-25 ans représentent un marché très important. Leur pouvoir d’achat demeure élevé, malgré le fait qu’ils ne travaillent pas ou peu. A cet âge, vivre encore chez papa-maman a du bon et permet de dépenser sans trop compter. Alors, pourquoi se couper d’une cible composée de consommateurs de demain ?... Les jeanneurs ont donc commencé par dessiner des petits tops. Et puis de fil en aiguille, des robes ont fait leur apparition dans leurs collections. Le tout à des prix plus abordables que le denim ! Cinq ans auparavant, cette nouvelle offre de produits ne paraissait même pas envisageable. Aujourd’hui, elle fait vivre les marques de jeans.

Strass et paillettes.

Les « bébés modeuses » sont une génération de jeunes femmes élévées à la Starac. Cela se traduit par des rêves de célébrités. Et surtout par une envie de ressembler aux « people » des magazines! Alors autant dire que le jean/basket ne fait plus recette ... A cet âge, la recherche identitaire demeure très forte. Ces jeunes femmes souhaitent s’habiller comme leurs idoles. Et ce n’est pas un hasard, si les mannequins ont laissé leurs places aux icônes. Les « bébés modeuses » affectionnent les actrices et les chanteuses. Quand New Look fait appel à Lily Allen pour dessiner une collection de robes, l’enseigne pense en premier lieu à elles. Car, rien n’est trop glamour pour séduire les consommatrices adultes de demain....

La féminisation du prêt-à-porter va-t-elle durer ?

Avec sa robe et son legging, la femme n’a plus l’allure d’un garçon manqué. Elle dégage énormément de sensualité. Elle se fait belle pour son entourage, son homme, mais aussi pour elle-même. D’après les spécialistes, cette tendance n’est pas prête de faiblir. La femme des années 2000 a décidé de s’occuper d’elle. Elle prend plaisir à s’habiller. Elle joue avec les vêtements. Elle s’exprime enfin ! Seulement voilà, elle n’a plus l’intention de se laisser enfermer dans un rôle. Elle est multiple et compte bien le faire savoir ! C’est pourquoi, on ne pourra bientôt plus parler de genres. Un jour, la femme veut être sport chic, le lendemain rock etc...Dans son armoire, elle garde précieusement son tshirt loose, le top des jours où elle n’a pas envie de grand-chose. Et puis, sur un coup de tête, elle peut très bien ressortir son jean et ses baskets. Le tout assorti à sa blouse hype et à son inséparable sac over-size. Alors dans ces conditions, la tendance de féminisation du prêt-à-porter ne risque pas grand-chose... A part, peut-être, les réinterprétations !

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res a été de réinterpréter rapidement la tendance des maisons de haute couture et de proposer des modèles à des prix très bas. Elles ont bousculé le marché français du prêt-à-porter. Cela a entraîné des modifications majeures. Tout d’abord, la mode s’est internationalisée. De Paris à Milan en passant par Londres, les femmes portent les mêmes vêtements. Le luxe a amené beaucoup de féminité dans les coupes et les matières. Les chaînes ont donc suivi cette tendance en proposant une offre de plus en plus glamour. Les marques ont dû, elles aussi, évoluer et créer des modèles plus en phase avec les aspirations des clientes. Pour se différencier des chaînes, la plupart sont montées en gamme, comme Diabless, en proposant des finitions et des coupes très étudiées.



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L’androgynie reste actuelle : la mode n’a plus de genre

Quel grand courant avez-vous remarqué dans la mode féminine ? La mode féminine aujourd’hui est beaucoup plus riche qu’il y a quelques saisons, avec des marques au positionnement style et prix très varié. Les consommatrices ont changé : elles passent d’une marque à une autre et d’une gamme de prix à une autre. Elles ne sont plus fidèles aux marques. Le total look griffé a presque disparu. La place des accessoires est également à noter : ce sont eux qui permettent de styler une silhouette.

plus présentes vont donner naissance à une tendance qui puise son inspiration dans la nature et dans le design minimaliste avec des coupes fluides et épurées, des couleurs neutres, très naturelles. Les beiges remplacent les gris. On pourra retrouver ce design minimaliste dans un style un peu plus structuré et futuriste, plutôt inspiré de l’architecture. D’autres tendances plus sophistiquées vont également voir le jour. Elles tendent à intégrer de l’imaginaire dans le quotidien et donc dans les vêtements : une tendance basée sur le paradoxe avec la confrontation d’un style edwardien très précieux et un esprit tribal primitif. Le style cabaret des années 1920 sera aussi très présent, avec des vêtements associés à l’univers du costume et dans un esprit androgyne glamour.

Quel est votre constat au niveau sociologique ? La recherche de sens va motiver les comportements des consommateurs. Les différentes crises économiques et sociales, les souffrances infligées à la Terre, les inégalités croissantes sont à l’origine d’une véritable prise de conscience de la part des sociétés. Le développement durable qui obnubile la planète devient un développement désirable.

Quelles sont les grandes tendances au niveau de l’habillement pour les jeunes actives ? Est-ce la fin du tailleur ? Les jeunes actives sont aujourd’hui très au faîte de la mode et le tailleur est de plus en plus remplacé par des tenues différentes, tout aussi sophistiquées, mais plus féminines avec notamment la réapparition de la robe ou des mailles fines associées à des pantalons fluides et des jupes. Cependant, le tailleur reste une pièce emblématique de la garde-robe et la saison prochaine il revient en force avec de nouvelles formes : la veste est marquée à la taille, le pantalon est large, fluide avec la taille remontée et la jupe est crayon. L’androgynie reste actuelle : la mode n’a plus de genre.

Quelles vont être les tendances pour la mode féminine hiver 2008-09 ? La mode féminine va se tourner vers des tendances qui font appel à cette recherche de sens. Ainsi, les préoccupations écologiques de plus en

Comment s’est installée cette vague de féminisation de la mode ? La vague de féminisation de la mode a commencé avec la réapparition de la robe depuis maintenant deux saisons. Elle est désormais un best seller

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dans toutes les collections. Mais c’est également et surtout grâce une certaine démocratisation de la mode. Des enseignes comme, New Look, Mango et Zara et de nouvelles marques moyen de gamme comme Sandro, Maje, Manoush ont permis à la femme de sortir des basiques et du tailleur pour tester de nouvelles tenues, plus créatives et féminines. Quel est le produit phare de la mode féminine hiver 2008-09 ? Quel produit réactualisé sera au top de la tendance dans les mois à venir ? Il n’y a pas un, mais des produits phare. On peut parler des formes boîte type Courrèges qui vont revenir sur le devant de la scène ou des vêtements très inspirés des costumes d’homme comme la redingote et le tailleur smoking. De plus en plus de marques font appel à des actrices pour les représenter. Qu’apportent-t-elles de plus qu’un mannequin ? Aujourd’hui, le consommateur a de plus en plus envie d’être rassuré. Un simple mannequin, un beau visage et un corps parfait ne suffisent plus pour faire rêver. Les actrices ont cette particularité d’incarner une multitude de personnalités différentes, de porter en elles des émotions, les consommatrices s’identifient donc plus facilement à ces femmes, qu’elles ont vues, à travers des films ou des magazines, dans une vie quotidienne, fictive ou non. La femme d’aujourd’hui recherche des caractères, plus des icônes. Propos recueillis par Diane Leprince

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Pierre François Le Louët, PDG de l’agence de style Nelly Rodi, décode les nouveaux courants qui influencent la mode féminine.


Les tendances mode à venir vues par Amandine Bouchaud, styliste du département femme de Carlin International. Quel grand courant avez-vous remarqué dans la mode féminine ? On remarque plusieurs courants de mode complémentaires. Il y a le style strict wear réinventé qui reprend les codes des années 1940 avec une silhouette longiligne et résolument city. La tendance babydoll ose la démesure avec des volants ou des volumes bouffants pour une féminité aérienne. Un look sport adouci par les couleurs peau et les matières détournées s’impose aussi. Et puis, on note le retour d’un look army associé à des codes ethniques.

Illustrations DR / Carlin international

Quel est votre constat au niveau sociologique ? La féminisation ne se limite plus seulement aux domaines de la mode, elle irradie les pubs, expos et hôtels. Internet mise sur la sensualité comme l’Amora Academy [un parc d’attraction du sexe] à Londres. Les hôtels Amour et Réflexion à Paris et Bangkok offrent des pauses amoureuses sans être dérangé. En Europe, 40 % des célibataires utilisent Internet pour trouver l’âme sœur. Sur Second Life, les avatars sont résolument plus sexy que dans la vraie vie. Il y a une réelle envie de plaire et de séduire pour trouver l’amour. Quelles vont être les tendances pour la mode féminine hiver 2008-09 ? Pour l’hiver 2008-09, les grandes tendances vont miser sur la séduction romanesque avec des motifs « fer forgé » et des matières patinées, des associations masculin/féminin pour un look nonchalant et pretty dans un style pensionnaire. Un thème résolument grungy luxueux sera incontournable. Les matières haut de gamme sont torturées, un camouflage des temps modernes pour une séductrice plus urbaine.

Quel est le produit phare de la mode féminine hiver 2008-09 ? Quel produit réactualisé sera le must de la tendance dans les mois à venir ? Le prêt-à-porter est naturellement voué à puiser dans le passé pour se réinventer, reconstruire des nouveaux univers et réinterpréter des codes en les associant ou en les détournant. Pour l’hiver prochain, on peut miser sur les chaussettes hautes associées aux low ou ankle boots. Elles allongent la silhouette. La jupe évasée souple reprend sa place dans la garde-robe en détrônant la robe. On remarque que de plus en plus de marques font appel à des actrices pour les représenter. Qu’apportent-elles de plus qu’un mannequin ? Les marques font de plus en plus appel à des actrices pour les représenter car elles apportent de la crédibilité à leurs enseignes. Les femmes ont plus de facilité à s’identifier à une actrice qui montre des sentiments (colère, amour, tristesse, joie) et possède des défauts. Elle reste malgré tout glamour, alors qu’une mannequin va leur sembler trop maigre, trop jeune, trop belle.

La féminisation ne se limite plus seulement aux domaines de la mode, elle irradie les pubs, expos et hôtels

Propos recueillis par Diane Leprince

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La lingerie est le prolongement du raffinement véritable besoin de se retrouver. Longtemps elle a mis de côté son image, pendant la période féministe, où elle devait prouver son intelligence et ses capacités professionnelles. Aujourd’hui, elle souhaite être féminine et n’aspire qu’à une chose : montrer sa différence !

Quel est votre univers ? Mon univers est très féminin, raffiné et sophistiqué. J’exprime cela autant dans mes collections que dans mes boutiques. D’ailleurs, ces dernières sont de véritables boudoirs où les femmes se retrouvent face à elles-mêmes. La lingerie permet aussi cela : pouvoir être celle que l’on veut ! Quelle est votre cible ? Le marché de la lingerie est un peu différent de celui du prêt-à-porter. Au niveau de la cible, nous touchons des personnes de tout âge. Après c’est une histoire de goûts et d’état d’esprit ! Certaines femmes aiment la lingerie de 16 à 70 ans. D’autres n’y prêtent pas attention. En fait, la lingerie est le prolongement du raffinement. Donc, cela dépend vraiment de chacune. Certaines font attention à elles et à leurs corps, d’autres pas. La lingerie est un moyen de mise en valeur, de séduction. Les femmes qui viennent dans mes boutiques aiment avant tout se sentir belles. Après, selon leur âge et leurs envies, elles seront attirées par tel ou tel modèle.

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Comment arrivez-vous à séduire une clientèle jeune ? L’image que véhicule la marque les attire. Mais j’ai créé une ligne de papeterie que les jeunes filles adorent. Elles apprécient les couleurs et l’univers glamour que cette collection dégage. Et puis, elle est en vente un peu partout, ce qui permet de toucher plus de monde. J’ai dessiné cette ligne parce que cela me plaît. C’est aussi un moyen de me rapprocher d’une cible jeune. Quel est le moteur de la féminisation du prêt-à-porter ? Dans la mode, il y a des cycles. Dans les années 1980, les femmes voulaient des épaules très marquées, avec des costumes d’homme. Ensuite, il y a eu une période japonaise très noire, très minimaliste. Je pense qu’en ce moment, les femmes comme les hommes, sont de plus en plus attentifs à leurs corps. D’ailleurs, on ne parle plus que de power plate, de relooking et de produits de beauté miracle. Et ce n’est pas un hasard ! La femme a un

Quel est le secret de votre réussite ? J’ai toujours réalisé des choses différentes des autres. Je fonctionne plus à l’instinct qu’aux tendances. Les trois quarts des gens créent d’après ce que les bureaux de style ont pressenti. Ils ne prennent pas de risques. Par conséquent, il y a une sorte d’uniformisation. Moi, je travaille selon mes envies et mon instinct. Forcément, c’est plus original. Il y a de la fantaisie dans mes modèles. D’autre part, cela vient aussi de l’image que dégage la marque. Lorsque je crée une ligne de papeterie, je mets autant de moi que lorsque je dessine de la lingerie. Tout ce que je fais est en en accord avec l’univers de ma marque. Et puis, le secret, c’est aussi des années de travail. Vos tendances pour l’hiver prochain ? J’ai dessiné des modèles un peu moins frou-frou, avec des drapés années 1930. J’ai créé une ligne plutôt rock-and-roll avec des clous. Je mise aussi beaucoup sur le retour de la grande culotte. Des culottes montantes un peu gaines. Et le body va revenir en force. En fait, on abandonne de plus en plus le string. D’ailleurs, cela suit la mode du prêt-àporter avec la fin du pantalon taille basse. Il y aura aussi une ligne en dentelle noire qui je reconduis toujours. D’autre part, j’essaie d’innover au niveau des matières. Pour l’hiver prochain, je vais lancer une nouvelle mousseline, très légère. Elle est aussi douce que la mousseline de soie. Mais elle comporte du stretch et, surtout, on peut la laver. Propos recueillis par Diane Leprince

Photos DR / Chantal Thomas

Chantal Thomass est une référence en matière de lingerie. Depuis près de quarante ans, la créatrice influence les tendances et émoustille les sens. Ses dessous ont conquis le monde entier en jouant la carte de la fantaisie et du glamour. Rencontre avec une figure de la mode française qui prend plaisir à sublimer la femme.

Comment la lingerie s’inscrit-elle également dans cette tendance ? Pour moi, la lingerie est un accessoire comme les chaussures. Je l’ai d’ailleurs toujours rapprochée de la mode. Quand j’ai commencé, la lingerie ne faisait pas partie de la garde-robe. À l’époque, c’était un élément fonctionnel, rien de plus. Pour ma part, j’ai toujours pensé la lingerie comme la mode. D’ailleurs, j’ai toujours fait deux collections par an, hiver et été, à une période où personne n’y songeait. Maintenant, les femmes viennent acheter leur lingerie comme elles choisissent leurs vêtements. La parure est devenue une évidence. Et puis, elles osent davantage mettre en avant leur féminité. En dix ans, on peut même parler de changement de comportement au niveau de la consommation de lingerie. Le marché a vraiment évolué. Les femmes sont devenues accros à la lingerie. Il faut dire que les collections sont plus riches et comportent d’avantage de fantaisie. Et cela tente plus les clientes.


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La société actuelle veut une femme féminine

Quel est votre univers ? Vos sources d’inspiration ? L’inspiration est un peu un alibi. Je pense avoir un style avec un alphabet que j’ai créé. Mon terrain de chasse, c’est vraiment la femme ! J’essaie de trouver son essence à chaque collection. Je ne veux pas la déguiser. Je tente de dessiner des lignes sensuelles mais pas « oversexuelles ». Mon cheval de bataille : sortir des clichés que l’on peut lui coller ! Avez-vous remarqué une évolution du marché du prêt-à-porter ? La femme devient de plus en plus glamour. C’est certainement lié à l’évolution de la société, car la femme est passée par différentes phases. On sort d’un féminisme forcené. Il y a eu un ras-le-bol du

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Quel est le moteur de cette féminisation et la place de l’accessoire dans cette tendance ? Je pense qu’il y a deux facteurs. Tout d’abord, la femme d’aujourd’hui essaie d’avoir tous les attributs d’une femme glamour. Ainsi, notre sac est un sac de filles avec des matières, des formes bien à nous. Il n’est plus question de besace d’homme. Les chaussures ont des talons de plus en plus dingues. D’autre part, l’explosion des chaînistes a joué un grand rôle dans cette tendance. On peut s’habiller « mode » pour pas grand-chose. Par conséquent, la différenciation du style se fera par l’accessoire. Il est d’ailleurs l’attribut du succès. La petite robe H&M ou Mango, que tout le monde possède, se personnalise avec le port d’un sac et d’une paire de chaussures griffés. Et puis aujourd’hui, l’accessoire permet d’accéder à un groupe social. Cette féminisation du marché du prêt-àporter va-t-elle durer ? La femme est multiple ! Un jour, elle veut être l’amante. Le lendemain, elle aspire à être la copine, puis la maîtresse. Donc, suivant l’humeur et la période, elle souhaite ressembler à quelqu’un d’autre ou à une part d’elle-même. En ce moment, la société a envie d’une femme féminine. Mais il est possible que la femme masculine fasse son grand

retour d’ici quelque temps. En mode, il ne faut pas dire jamais ! Sur quelles tendances misez-vous pour l’hiver 2008-09 ? Moi, je ne suis pas tendance. J’essaie de prendre de la hauteur et de ne pas coller à la mode du moment. Souvent mes collections rejoignent quand même ce qui se fait sur le marché. Mais elles gardent leur singularité. Pour l’hiver prochain, je continue les low boots que je fais depuis 2001. Mais je vais aussi décolleter très haut le pied avec des formes entre la chaussure richelieu et la low boots. Et puis, il y a vraiment aussi cette tendance de sandales l’hiver et je proposerai quelques modèles. Les saisons sont de moins en mois marquées dans la mode. Et puis on peut mettre des chaussettes ! Que pensez-vous de la distribution des créateurs ? En général, le créateur a de moins en moins la cote. Nous sommes supplantés par les dinosaures de la mode tels que Marc Jacobs et Louis Vuitton. Ces derniers proposent des gammes très larges. Les détaillants investissent donc difficilement sur des marques qui ne font pas de publicité, même si elles sont connues. Cependant, il y a des marchés plus faciles comme le Japon et les États-Unis. La France connaît une période difficile. Les boutiques ne veulent pas prendre de risques. Elles préfèrent les grosses machines avec une solidité financière affirmée. Bien sûr, cela évolue avec la notoriété! Mais ce n’est pas encore gagné. De toute façon, les magasins français ont un peu baissé les bras. Il y a de moins en moins de boutiques créateurs multimarques. Et les créateurs français y sont de moins en moins présents aussi. Ils n’ont pas le vent en poupe. À l’heure actuelle, les Anglais et les Belges sont très prisés. Les détaillants préfèrent aller chercher un créateur anglais complètement obscur qu’un créateur français tout aussi obscur. Et franchement, cela ne nous aide pas ! Propos recueillis par Diane Leprince

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Tombée dans la marmite quand elle était petite, la créatrice Karine Arabian apporte fraîcheur et féminité au marché du prêt-à-porter. Cette fille de tailleur et petitefille de bottier sublime les pieds avec originalité et glamour. Rencontre avec une femme aux multiples envies.

« jean basket ». Du coup, nous redevenons des femmes avec une apparence sexy. Il y a un véritable désir de ne pas ressembler à un garçon. La mode androgyne, c’est fini ! Il faut dire que ce n’est pas si évident que cela, d’être une femme aujourd’hui. Nous devons travailler, s’occuper des enfants. Beaucoup de choses reposent sur nos épaules. Alors, pour contrebalancer toutes ces responsabilités et pour démontrer notre féminité, nous mettons des talons et portons des jupes. Cela nous rassure. Car aujourd’hui, qu’est ce qui nous différencie des hommes ? Plus grand-chose... Par conséquent, être une femme passe par l’apparence !


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Photos DR / Karine Arabian


ST1LEINTÉGRALE En treize ans d’existence, Comptoir des Cotonniers s’est imposé comme un poids lourds du prêt-à-porter féminin. Sa campagne publicitaire « mère et fille » est une réussite. Avec une croissance régulière d’environ 35 % par an depuis cinq ans, la marque s’offre une place de choix sur le marché très dense de l’habillement. Entretien avec Marianne Romestain, directrice générale de Comptoir des Cotonniers.

Quel est votre positionnement ? Nous nous adressons à des femmes qui sont dans le plaisir de la mode. Le mot de plaisir n’est pas anodin. Les femmes que l’on souhaite toucher ont envie de jouer avec la tendance à leur manière. Elles sont bien dans leur peau et assument leur féminité. Elles prennent plaisir à essayer des vêtements et à les porter. Notre positionnement est très lié au concept « mère et fille » dont résultent deux éléments fondamentaux : l’accessibilité et la proximité. Nous ne sommes pas une marque arrogante qui va vous expliquer ce que vous devez mettre. Mais nous vous proposons des choses. À vous de jouer avec... Comptoir des Cotonniers n’est pas la marque du diktat, mais celle du plaisir. La femme demeure leader dans ses choix et ses envies. Votre politique de distribution ? Là aussi, nous jouons sur la proximité, l’authenticité et la convivialité. Nous aimons les petites boutiques d’environ 70 m2, où il n’y a que nous. Dans ces boutiques, nous disposons d’un véritable contact avec les équipes de ventes. Et puis, la convivialité est là. Les femmes sont entre elles. Elles parlent de vêtements et elles en essayent. Avoir des boutiques en nom propre, c’est vraiment un format authentique dans lequel nous proposons nos produits, mais pas seulement. L’esprit de marque y demeure très présent. Le concept de nos boutiques reste fidèle à notre univers. Pas de clinquant, que du naturel ! À l’heure actuelle, nous sommes présents dans onze pays dont la France. Nous allons continuer notre développement. Au début de l’année, nous nous installerons aux Etats-Unis, puis nous ouvri-

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rons notre première boutique en Suisse au printemps. D’après vous, quel est le moteur de la féminisation du marché du prêt-à-porter femme ? Nous sommes dans des années de plaisir. La femme a envie d’être belle. La séduction semble différente de celle des années 1950/60 où il fallait plaire aux hommes uniquement. Aujourd’hui la femme cherche à être belle pour ses copines, pour ses enfants et pour elle-même. Ce plaisir de séduire ne se retrouve pas seulement dans la relation homme/femme. Depuis quelque temps, le vêtement est vécu comme un véritable amusement. La notion de jeu est très présente. Un jour, on adopte un look un peu masculin. Le lendemain, on joue les vamps.

De collection en collection, vous proposez de plus en plus d’accessoires. Pour quelle raison ? L’accessoire est un vêtement à part entière. Choisir un manteau, un sac ou des chaussures relève de la même démarche. On exprime son style. Petit à petit, toutes les marques font de l’accessoire. Chez Comptoir des Cotonniers, la styliste va dessiner un pantalon, une blouse, un sac et des chaussures. Nous voulons un esprit qui se décline sur toute la silhouette. Cela nous permet d’avoir une vraie logique. Et ça marche. La part des accessoires dans nos ventes double d’année en année. Comment devient-on une marque avec autant de succès que Comptoir des Cotonniers ? Je pense qu’il faut accepter d’être différent et soimême. Sur un marché aussi dense que celui du prêt-à-porter, on doit prendre des risques. Quand Comptoir des Cotonniers a commencé sa campagne « mère et fille », beaucoup ont trouvé le concept suicidaire. Mais l’idée est restée car elle paraissait authentique et fidèle à la marque. Nous avons souvent parié sur des concepts reflétant l’esprit de la marque même s’ils n’étaient pas dans la tendance du moment. Et cette volonté de rester nous-même a toujours payé. La tendance est aux icônes pour représenter les marques. Allez-vous la suivre ? Très régulièrement, des gens nous conseillent de prendre une mère célèbre et sa fille pour nos campagnes. Je pense effectivement que si l’on faisait cela, ce serait un carton. Sauf, que ce n’est pas nous. Cette tendance est en totale contradiction avec nos valeurs de proximité et d’authenticité. C’est très vendeur, très efficace. Mais cela ne représente pas notre esprit. Propos recueillis par Diane Leprince

Chez Comptoir des Cotonniers, la femme demeure leader dans ses choix et ses envies

Photos DR

Quel est votre univers ? L’univers de Comptoir des Cotonniers s’articule autour de deux éléments clés : la mode et les femmes. Nous avons le souci du détail, des coupes et des couleurs. Nous sommes pleinement inscrits dans la tendance. Mais en parallèle, il y a un univers « mère et fille », avec toutes les valeurs qui peuvent en découler comme, par exemple, la chaleur humaine, le naturel, la convivialité et l’authenticité. C’est vraiment un univers de mode pour l’univers des femmes.

Est-ce que cela va durer ? Je dirai que beaucoup de tendances s’ajoutent les unes aux autres. La mode tourne de plus en plus vite, car la femme s’amuse beaucoup. Une saison, elle porte un slim. Six mois plus tard, elle passe aux pattes d’ef. Nous sommes dans un jeu où le prêtà-porter très féminin alterne avec une tendance enfantine puis revient à une mode plus masculine. Cette féminisation va durer, mais avec des variations.


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