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prologue Le Cantique des cantiques, attribué à Salomon

Le Cantique des cantiques, attribué à Salomon

Le crépuscule approchait lorsque la jeune femme est arrivée à la résidence privée de Achija, le secrétaire personnel du roi Salomon. Elle a frappé à la porte. En attendant, elle respirait le délicieux parfum des deux jasmins en fleurs qui ornaient l’entrée dans de grands pots. Enfin, un jeune domestique, pieds nus, a ouvert la porte. – Je voudrais voir Achija, a-t-elle dit au garçon. Je sais qu’il ne m’attend pas, mais ça ne prendra qu’une minute. – Quel est votre nom? a-t-il demandé. – Dites-lui que Shirel est ici pour le voir. – Qui êtes-vous, et de quelle famille venez-vous? a-t-il demandé. –Il suffira de lui dire que Shirel souhaite le voir. Il saura qui je suis.

Le garçon s’est retourné vivement et a disparu dans un couloir où il s’est enfoncé jusqu’à ce que le bruit de ses pas ne se fassent plus entendre. Quelques minutes plus tard, un homme mince et âgé, au visage ridé, aux longs cheveux gris filasse et à la barbe grise taillée, est apparu dans l’embrasure de la porte. – Eh bien, c’est donc toi Shirel! a-t-il dit avec un léger rire. Il y a longtemps que je ne t’ai vue. Qu’est-ce qui t’amène à Jérusalem et ici, dans ma maison, à cette heure-ci? – Bonjour Achija, a-t-elle répondu. C’est bon de vous revoir. Mon mari et moi sommes arrivés hier à Jérusalem. J’ai pensé qu’il serait

trop difficile de vous voir au palais pendant la journée, aussi j’ai préféré venir en soirée chez vous en espérant pouvoir vous y trouver. Veuillez bien me pardonner de ne pas avoir pris de rendez-vous. – Il n’y a rien de mal à ça, a dit le vieil homme. Quel est le but de votre visite? –Nous sommes venus offrir notre sacrifice pour la Pâque qui a lieu dans quatre jours, puis nous resterons les trois jours suivants pour la fête des Semaines pour offrir les prémices de nos récoltes. Les parents de mon mari étant âgés et en mauvaise santé, nous devrons rentrer chez nous aussitôt après les célébrations. Mais durant notre séjour ici, je voudrais vraiment voir le roi. Mon but en venant chez vous ce soir était de voir si vous pouviez prévoir un moment pour que je puisse le rencontrer.

Achija a froncé les sourcils. –Avec la Pâque, la ville se remplit de pèlerins et d’adorateurs, et la liste de visiteurs cherchant à obtenir une audience auprès du roi est très longue; avec un délai aussi court, je crains que cela ne soit pas possible. Vous savez que le roi est un homme très, très occupé. –Je sais qu’il l’est, a-t-elle répondu d’un ton implorant. Mais alors promettez-moi juste une chose: faites-lui seulement savoir que je suis ici, c’est tout. Je laisse le reste entre les mains de Dieu. – Très bien, Shirel, a concédé le vieil homme, c’est tout ce que je peux faire. Je vous souhaite bonne chance. Shalom, et bonne nuit.

Le lendemain matin, selon sa coutume, Achija s’est assis avec le roi pour discuter de son emploi du temps, en faisant de son mieux pour ignorer l’humeur orageuse du souverain. – Votre programme est plutôt chargé aujourd’hui, a-t-il dit. Les marins envoyés par le roi Hiram de Tyr, qui apportent de l’or et des pierres précieuses d’Ophir, sont arrivés. Ils souhaitent vous voir. Les marchands que vous avez envoyés en Égypte et en Cilicie pour acheter des chevaux sont rentrés et attendent depuis plusieurs jours ici à Jérusalem pour vous faire un rapport. Ben-Hur, votre député de la montagne d’Éphraïm, est aussi ici pour vous voir. – Y a-t-il quelqu’un d’autre? a crié le roi.

– Oui, il y en a d’autres, a répondu Achija. La liste est longue. Il y a quelques dignitaires, dont certains que vous connaissez, d’autres que vous n’avez jamais rencontrés. Certains attendent depuis des semaines, voire des mois, de vous rencontrer. Je pourrais en caser un ou deux dans votre emploi du temps; ils pourraient être ici dans l’heure. Et puis il y a Shirel. – Shirel? Elle est ici? Quand est-elle arrivée? Est-elle venue seule? a dit le roi Salomon en se redressant sur son fauteuil, presque comme quelqu’un qui vient d’être réveillé d’un profond sommeil en entendant de bonnes nouvelles. – Oui, elle est ici. Elle est arrivée à Jérusalem il y a deux jours avec son mari et est venue me voir hier soir. Elle a dit qu’elle voulait vous voir. – Allez la chercher immédiatement, elle et son mari, a dit le roi, et libérez mon emploi du temps de tous les autres rendez-vous. Ce jour leur est consacré. – Mais, mon roi, les autres attendent... – Assez! a dit Salomon en levant la voix. Allez me la chercher maintenant!

Achija s’est excusé. Il a convoqué un de ses assistants et lui a donné des instructions pour qu’il se rende rapidement auprès de Shirel et son mari. «Amenez-les dans l’antichambre de la salle du trône, où le roi les rencontrera en privé», a-t-il dit au préposé.

Plus tard ce matin-là, le préposé a escorté le couple jusqu’à la porte de l’antichambre. Shirel était une jolie jeune femme d’une trentaine d’années. Elle avait de longs cheveux noirs et était habillée de façon sobre et modeste. Son mari, à peine plus âgé, était grand, au teint mat, et portait une courte barbe. Il semblait quelque peu nerveux et fort impressionné par la splendeur du palais.

«Le roi est à l’intérieur et vous attend, a dit le préposé en poussant l’imposante porte en cèdre. Vous pouvez entrer.»

Le couple est entré dans la pièce spacieuse. Le roi était assis dans un grand et somptueux fauteuil recouvert d’un tissu brodé d’un bleu riche et profond et soutenu par des pieds sculptés en ivoire. Shirel a souri

et s’est inclinée devant le roi, tout comme son époux. Interrompant leur salut et le protocole, le roi Salomon s’est levé précipitamment, a traversé la pièce à grands pas pour rejoindre Shirel qu’il a enlacée d’une chaleureuse accolade. À plusieurs reprises, il l’a embrassée sur la joue en la serrant dans ses bras. Puis, se détachant d’elle, les yeux remplis de larmes, il a dit:

–Shirel, c’est tellement bon de vous voir! Vous ne pouvez pas imaginer quel rayon de soleil vous avez apporté dans le quotidien sombre et tumultueux de l’homme que je suis devenu, quand j’ai entendu que vous étiez là. Vous êtes magnifiques tous les deux. – Je suis aussi très heureuse de vous voir, mon roi, a dit Shirel avec un sourire éclatant. –Cela fait presque dix ans, a déclaré Salomon. À quoi dois-je attribuer le privilège de cette visite?

Elle a hoché la tête.

– Mon mari et moi sommes venus à Jérusalem pour offrir un sacrifice au Dieu d’Israël et célébrer la Pâque. J’avais également le désir ardent de vous voir et de savoir comment vous allez. Mais je dois admettre qu’il y a une autre raison à ma venue, et c’est peut-être la raison la plus profonde de ma visite. Cela fait si longtemps que je n’ai pas vu la Sulamite que j’ai même commencé à l’oublier, aussi j’osais espérer que vous pourriez me parler d’elle, et me raconter des histoires pour raviver mes précieux souvenirs à son sujet.

Les larmes aux yeux, le roi a acquiescé. – Je comprends, a-t-il dit.

Puis, faisant un geste en direction des confortables fauteuils placés à côté du sien, il a ajouté: – Je vous en prie, asseyez-vous. Quand j’ai appris que vous étiez ici, je m’attendais à ce que notre conversation porte sur la Sulamite, mon amour. Sachant cela, je suis allé immédiatement dans ma chambre pour chercher quelque chose qui, je le sais, aura une grande signification pour vous. Mais tout d’abord, je dois vous faire une confession.

La vie pour moi ces dernières années a été bien difficile. En fait, mon esprit est aujourd’hui troublé et rempli de désillusion. Vous avez pu contempler le vaste royaume sur lequel je règne, ainsi que mes stocks d’or, d’argent et d’objets précieux. Vous avez pu constater ma puissance militaire, les équipements de mes armées et de ma flotte navale. Vous avez pu aussi observer les grands monuments dont j’ai ordonné la construction. Mais sincèrement, Shirel, en vérité tout cela n’est que vanité et poursuite du vent.

Alors que Shirel écoutait, le visage empli de compassion, Salomon a marqué une pause puis a continué: – Voyez-vous, dans ma jeunesse, j’avais l’intention d’acquérir la sagesse et la connaissance, mais plus tard, j’ai aussi connu la déraison et la folie. J’ai construit des palais luxueux, j’ai planté des vignes et élaboré des jardins des plus sophistiqués. J’ai aménagé des étangs et les ai remplis de poissons des plus exotiques. Et j’ai aussi connu des femmes; des courtisanes innombrables ont réchauffé mon lit. Je ne me suis privé d’aucun plaisir. Mais j’ai appris que l’on ne peut pas se satisfaire d’or, d’argent, de possessions ou même de plaisir. J’en suis même venu à mépriser ma vie et le fruit de mon travail. –Mais, mon roi, a protesté Shirel, vous avez été grandement utilisé par le Tout-Puissant. Vous avez construit le temple et le palais. Vous avez écrit tant de proverbes et composé tant de chants. Vos écrits ont servi de lumière pour guider de très nombreuses âmes dans la vérité et apporter la joie dans les cœurs.

Salomon a secoué la tête. La tristesse se lisait de façon indéniable sur son visage. – Oui, 3 000 proverbes, et mes chants sont au nombre de 1 005. Mais aujourd’hui, aucun chant ne résonne en moi, la musique s’est arrêtée. Pourtant, vous avez raison, Dieu est bon. C’est la conclusion à laquelle je suis parvenu: quand tout a été dit et entendu, craindre Dieu et garder ses commandements, voilà ce qui compte et qui est juste et bon pour chaque être humain. Or à présent, quand je regarde en arrière et examine ma vie, je vois que j’ai échoué dans la gestion de ce que Dieu m’a confié. Mais assez parlé de moi! Je ne cherche pas votre pitié, et

vous n’êtes pas venue ici pour écouter les confessions d’un roi. Vous êtes venue pour entendre parler de la Sulamite.

En disant cela, il a tendu la main vers une table à côté de lui. Sur cette table, près d’une chandelle et d’un grand vase d’albâtre, était posé un parchemin roulé de façon serrée et entouré par une fine lanière de cuir noir. Il l’a pris et l’a regardé un instant avant de le tendre à Shirel.

– Votre mari sait-il beaucoup de choses sur elle? a-t-il demandé. – Pas plus que ce que je lui ai dit; comme vous le savez, il ne l’a connue que brièvement, a-t-elle répondu.

Le roi s’est alors penché vers le mari de Shirel et, avec le regard le plus aimable et le plus attentionné qui soit, il lui a dit: – Mon fils, écoutez mes paroles. Prenez ce que je vais vous dire comme les paroles de quelqu’un qui a vu beaucoup de choses dans la vie et qui a reçu beaucoup de sagesse de la part du Seigneur. Profitez de la vie avec la femme que vous aimez pendant tous les jours fugaces que Dieu vous a donnés sous le soleil, car telle est votre récompense dans la vie. – Je vous remercie pour vos sages conseils, a dit le mari de Shirel. – Qu’est-ce que vous m’avez donné, mon roi? demanda Shirel. – Ouvrez-le, a répondu le roi.

Shirel a rapidement détaché la fine lanière de cuir qui maintenait le parchemin étroitement enroulé. Elle a regardé le long morceau de papyrus sur lequel apparaissait l’écriture soignée d’un texte. – C’est un chant! a-t-elle dit, en regardant le roi. – Ce n’est pas juste un chant, a-t-il répondu, c’est un chant très spécial. – Un chant d’amour? a-t-elle demandé. – En effet, a-t-il dit avec un sourire. Il s’agit de notre amour... de l’amour entre la Sulamite et moi. Ce n’est pas son histoire, c’est la mienne. C’est un chant qui raconte comment je l’ai aimée d’un amour qui est né dans mon cœur par la flamme même de Dieu, et comment je l’ai attirée à moi. Dans ce chant, vous découvrirez comment la Sulamite a grandi en amour, comment elle a mûri, et comment elle m’a répondu.

J’ai décrit certains de nos moments intimes, mais les ai revêtus de la parure de la poésie. – Pourquoi avez-vous écrit cela? a-t-elle demandé, en levant les yeux des mots du parchemin. – Je ne voulais pas qu’une seule goutte de l’amour sacré que nous partagions soit perdue. J’ai écrit avec l’espoir que notre chant sera chanté par tous les amoureux, et qu’ils en arrivent à connaître la joie que j’ai connue. –Il a l’air si personnel. Que voulez-vous que j’en fasse? a demandé Shirel. – J’aimerais que vous le lisiez. – Ici, maintenant? a-t-elle répondu. – Oui. Je veux aussi réentendre l’histoire. Je ne m’en lasse pas.

Shirel a regardé un instant son mari, puis a de nouveau posé les yeux sur le parchemin. Un silence sacré enveloppait la pièce alors qu’ils étaient assis tous les trois.

Le roi a penché la tête en arrière sur son fauteuil, a croisé ses mains sur son ventre, et a fermé les yeux. Sa bouche a dessiné un léger sourire. – Prenez votre temps, a-t-il chuchoté doucement, lisez-le comme si c’était une prière offerte sur l’autel même de Dieu.

Shirel a pris une profonde inspiration, puis, lentement, elle a commencé à lire:

– Qu’il m’embrasse des baisers de sa bouche! . . .

Interpréter le Cantique des cantiques

Le Cantique des cantiques (ou Cantique de Salomon, comme il est aussi appelé parfois) est un trésor spirituel enfoui parmi les pages des Écritures. Il contient certaines des révélations les plus précieuses et les plus profondes au sujet de l’amour de Dieu pour son peuple.

Il y a quatre façons fondamentales de considérer le Cantique des cantiques. D’un point de vue purement humain, il peut être perçu comme un livre portant sur le caractère sacré de l’amour humain entre un homme et une femme. En fait, il s’agit de l’un des deux seuls livres de la Bible – l’autre étant le Livre d’Esther – où le mot «Dieu» n’apparaît jamais, à l’exception d’une brève référence au chapitre 8 dans la formulation «la flamme de l’Éternel». Il peut ainsi être apprécié en dehors de toute signification spirituelle, uniquement pour sa description sensible et sensuelle de la relation entre deux personnes amoureuses l’une de l’autre.

Mais si le Cantique des cantiques a été inclus dans l’ensemble des textes de la Bible et que «toute l’Écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice, afin que l’homme de Dieu soit formé et équipé pour toute œuvre bonne» (2 Timothée 3.16), c’est que quelque chose d’unique venant du cœur de Dieu est révélé dans ses pages.

Ainsi, l’une des façons de considérer ce livre est de déceler que Dieu a non seulement fait en sorte que des relations sensuelles et amoureuses s’établissent entre un homme et une femme, mais aussi qu’il

les approuve, les cautionne et même s’en réjouit si elles sont vécues dans un cadre approprié. Si nous regardons attentivement le texte, même si le nom de Dieu n’est pas mentionné dans ce livre, nous nous apercevons néanmoins que sa présence se manifeste sous la forme d’un observateur non identifié. Débordant de joie, cet observateur encourage les amoureux dans leurs moments les plus intimes, comme dans le passage où l’on peut lire: «Mangez, amis, enivrez-vous d’amour» (Cantique des cantiques 5.1).

Une deuxième façon de considérer ce livre est celle des chercheurs et exégètes juifs qui y voient une histoire allégorique des relations entre Jéhovah et Israël. Dans l’Ancien Testament, Dieu est souvent appelé l’époux d’Israël: «En effet, ton époux, c’est celui qui t’a faite, et son nom est l’Éternel, le maître de l’univers; celui qui te rachète, c’est le Saint d’Israël, et on l’appelle Dieu de toute la terre» (Ésaïe 54.5).

Pour les chrétiens du Nouveau Testament, le Cantique des cantiques est souvent interprété comme l’histoire de l’amour de Christ pour ses enfants, pour son épouse qui est l’Église.

Enfin, la quatrième façon est de considérer le Cantique des cantiques de manière plus personnelle: c’est un message d’amour que Dieu adresse à ses enfants au niveau individuel, c’est-à-dire à chacun d’entre nous personnellement. C’est là l’approche adoptée dans ce livre.

Le Cantique des cantiques fait partie des livres poétiques de la Bible. Comme le recueil des Psaumes, ce n’est pas un livre de doctrine. Il s’agit plutôt d’un chant, une sorte d’ode ou de cantique. Ce livre pouvant être interprété de façon symbolique, spirituelle ou allégorique, il ne convient pas de l’aborder de façon purement intellectuelle ou analytique, en le découpant en sections que l’on ordonnancerait comme un plan. C’est un livre qui doit plutôt être abordé avec le cœur: il doit être savouré, médité et lu comme une expérience vécue. L’intimité avec Dieu ne peut être que le résultat d’une relation individuelle et personnelle qui change profondément la vie de quiconque en fait l’expérience. Aussi, tout commentaire sur le Cantique des cantiques visant uniquement la sphère rationnelle et intellectuelle, sans tenir compte du cœur et de l’esprit, n’aurait que peu d’impact quant à la croissance spirituelle des lecteurs.

LE CARACTÈRE UNIQUE DE CE LIVRE

Deux éléments rendent ce commentaire du Cantique des cantiques unique.

Le premier est qu’il se présente comme une série de méditations s’étalant sur 30 jours. Contrairement à d’autres commentaires, celui-ci peut être utilisé comme une méditation quotidienne qui, associée à la prière, offre l’occasion, pour une période déterminée, d’aborder des extraits du Cantique des cantiques et d’en savourer la dimension spirituelle.

Chaque lecteur peut ainsi bénéficier d’un moment privilégié dans sa rencontre personnelle avec Dieu.

Le deuxième élément distinctif de ce livre est le récit fictif de la relation entre Salomon et la Sulamite, qui a été ajouté au texte original sur la base des éléments recueillis à partir du Cantique des cantiques lui-même et d’autres références bibliques et historiques. Par le jeu de leur dialogue et de leur interaction, nous tentons de donner chair aux vérités et principes spirituels contenus dans le Cantique des cantiques.

Une grande partie de la littérature chrétienne qui a marqué l’histoire et que l’on trouve aujourd’hui encore sur les étagères des librairies communique la vérité de Dieu sous forme de fiction, de récit. Écrit en 1678, le livre de John Bunyan, Le voyage du pèlerin, en est un bel exemple; il se présente comme un récit allégorique chrétien. Ce livre, jamais épuisé, a fait l’objet de plusieurs rééditions et est considéré comme l’un des ouvrages les plus remarquables de la littérature anglaise. Hinds’ Feet on High Places de Hannah Hurnard et Les Chroniques de Narnia de C. S. Lewis ne sont que deux autres exemples de fictions allégoriques qui ont touché le cœur de générations de chrétiens.

Il y a une raison à la qualité durable de ces œuvres. Jésus lui-même savait comment faire comprendre la vérité au mieux aux êtres humains que nous sommes. Il n’a pas donné de conférences basées sur une théologie systématique, mais il a expliqué à ses disciples ce qui le concernait dans toutes les Écritures de l’Ancien Testament, y compris le Cantique des cantiques (Luc 24.27). Au lieu de faire des conférences, il parlait

souvent en paraboles ou racontait des histoires qui donnaient chair à la vérité. De cette façon, il était (et est toujours) capable de parler directement au cœur et à l’esprit de ses disciples.

Dans ce livre, chacune des méditations quotidiennes du parcours de trente jours comprend une partie de l’Écriture, une histoire fictive qui interprète ce qui est dit dans cette partie, et un commentaire suivi d’une réflexion finale ou d’une prière. Voici ma suggestion pour aborder chaque section de ce parcours: lire lentement la méditation du jour, prier, méditer et être à l’écoute de ce que le Seigneur a à nous dire personnellement.

L’AUTEUR DU CANTIQUE DES CANTIQUES

Le Cantique des cantiques a été écrit par Salomon, le fils du roi David. Salomon était une source de sagesse et auteur de nombreux chants; on lui attribue 3 000 proverbes et 1 005 chants ou cantiques (1 Rois 4.29-34).

Dans les Proverbes, Salomon aborde le thème de la sagesse et des récompenses qu’elle génère. Il traite aussi du contraste entre les justes et les méchants, et il donne des conseils à partir des leçons qu’il a luimême apprises dans la vie. Des 1005 chants ou cantiques que Salomon a écrits, un seul a été conservé, et comme il se doit, il a été appelé le Cantique des cantiques, ou «le meilleur des cantiques». C’est un chant sur l’amour. L’amour dure. L’amour n’échoue jamais, comme il l’est dit dans 1 Corinthiens 13:

L’amour ne meurt jamais. Les prophéties disparaîtront, les langues cesseront, la connaissance disparaîtra. En effet, nous connaissons partiellement et nous prophétisons partiellement (…) Maintenant donc ces trois choses restent: la foi, l’espérance, l’amour; mais la plus grande des trois, c’est l’amour. 1 Corinthiens 13.8-9, 13

Au sujet de la datation de ses écrits, il semble probable que Salomon ait écrit les Proverbes alors qu’il était dans la force de sa jeunesse. Nous pouvons déceler dans ces écrits une grande force de caractère et la défense de normes morales élevées. Mais la Bible nous dit que son

cœur s’est détourné du Seigneur et qu’il a fréquenté de nombreuses femmes étrangères. Il a eu 700 épouses et trois cents concubines, est tombé dans l’idolâtrie et a fini par être responsable de la division des royaumes d’Israël et de Juda. Malheureusement, en effet, Salomon n’a pas bien fini sa vie.

Le livre de l’Ecclésiaste a probablement été écrit alors qu’il était en plein âge mûr. Salomon avait alors goûté à tout ce que le monde avait à offrir. À cette période de sa vie, Salomon a perdu ses illusions et est arrivé à la conclusion que tout ce qui se trouvait sous le soleil n’était que vanité et qu’il avait couru après le vent.

Quant au Cantique des cantiques, il est difficile de dire quand il a été écrit. Il est hautement improbable que Salomon ait écrit ce chant, «le meilleur» de tous les chants d’amour, à l’âge mûr, au cours de sa période de désillusion et de confusion, alors qu’il était occupé à accumuler tant d’épouses et de concubines! Certains suggèrent qu’il a été écrit dans sa vieillesse. Après avoir vécu de nombreuses années et avoir beaucoup réfléchi, Salomon a été amené à comprendre tout à nouveau le véritable but de la vie. Ce but est de connaître Dieu et de connaître son amour, tel que représenté par l’amour que Salomon a reçu pour la Sulamite. D’autres encore croient qu’il a été écrit alors qu’il vivait dans la lumière de la sagesse que Dieu lui avait donnée à l’époque d’innocence d’un premier amour. Mais personne ne le sait avec certitude.

Si nous devions opter pour une période de rédaction, le pari le plus sûr serait que le Cantique des cantiques a été écrit tôt dans la vie de Salomon et est une description du premier amour. C’est la position qui a été adoptée dans ce livre.

QUI ÉTAIT LA JEUNE FILLE?

Beaucoup ont été curieux d’identifier la jeune fille, ou la «Sulamite» comme elle est appelée dans ce chant. Qui était cette femme mystérieuse?

La Bible ne fait référence qu’à deux reprises aux sept cents épouses de Salomon. La vie de Salomon est décrite dans 1Rois 2-11 et 2Chroniques 1-9. Dans ces passages, il y a plusieurs références à une femme en particulier: la fille du Pharaon. La seule autre femme spécifiquement

nommée est Naama, l’Ammonite, mentionnée dans 1 Rois 14.21, qui était la mère de Roboam, le fils malheureux de Salomon. Toutes deux auraient été mariées à Salomon dans les premières années de sa vie, à peu près à l’époque où il a commencé à régner comme roi. Certains chercheurs soutiennent que la Sulamite dans le Cantique des cantiques était la fille de Pharaon. D’autres ne sont pas d’accord, car la description de la jeune fille est celle d’une bergère de campagne peu fortunée, une image qui ne correspond pas du tout à celle d’une personne qui a grandi au milieu de la royauté et de la grandeur de la maison de Pharaon.

Une autre hypothèse est que la Sulamite aurait pu être Abishag, la belle jeune vierge qui fut amenée au roi David pour lui tenir chaud sur son lit de mort, mais avec laquelle il n’a pas eu de relations sexuelles (1 Rois 1.1-5). À peu près à cette époque, Adonija, le fils aîné de David, a tenté un coup d’État pour s’ériger en roi alors même que David était encore en vie. Mais David avait promis à Bath-Shéba que Salomon lui succéderait et hériterait du trône. Une fois Salomon installé comme roi, Adonija est venu voir Bath-Shéba et l’a priée de demander à Salomon de lui donner la main d’Abishag, mais Salomon a réagi de manière extrême et a fait exécuter son frère (1 Rois 2.19-25). Cela pourrait être une indication que Salomon avait également les yeux sur cette belle jeune fille, et qu’il s’agit de la Sulamite du Cantique des cantiques. Mais même cette interprétation n’est pas concluante.

Ce que nous pouvons affirmer avec certitude, cependant, c’est que Salomon et la jeune fille sont des «figures» ou des «types» de l’Ancien Testament qui nous parlent de Christ et de sa relation avec son épouse, l’Église, ou avec un croyant individuel. Tous les «types» de l’Ancien Testament ont leurs limites dans les parallèles qu’ils décrivent: Adam était un type de Jésus-Christ (Romains 5.14) mais il a péché, entraînant la chute de toute la race humaine. Moïse était un type de Christ (1 Corinthiens 10.1-6), mais sa désobéissance à la voix de Dieu vers la fin de sa vie l’a empêché d’entrer dans la Terre promise.

Bien sûr, Salomon avait ses faiblesses et commettait des péchés, mais Dieu l’a quand même utilisé comme «figure» ou «type» pour nous aider à comprendre plusieurs choses. Dans ce chant d’amour, Dieu

utilise Salomon comme un exemple de la manière dont notre roi céleste, Dieu lui-même, nous courtise, gagne notre cœur et nous attire à lui.

La jeune fille est un type de chacun de nous, les croyants, et nous pouvons apprendre par son exemple en quoi consiste le fait de répondre à l’amour du Seigneur.

Si notre curiosité intellectuelle exige toujours une réponse quant à l’identité de la Sulamite, considérons ceci: il est tout à fait concevable que Dieu, délibérément, n’ait pas révélé son identité. Dans l’Épître de Paul aux Éphésiens, Adam et Ève sont utilisés comme des exemples de la relation entre mari et femme. Paul conclut: «ce mystère est grand, et je dis cela par rapport au Christ et à l’Église» (Éphésiens 5.32). Dans cette optique, il semble compréhensible que Dieu ait choisi également de laisser dans le mystère l’identité de la Sulamite, afin qu’elle constitue véritablement un «type» de l’Église.

Dans la sagesse de Dieu, la personne historique, qui qu’elle ait pu être, avec toutes ses fautes et tous ses problèmes, ne se mettra pas en travers de notre chemin et ne deviendra pas une distraction pour nous.

Au contraire, nous pouvons voir la jeune fille du Cantique des cantiques comme un exemple pur de la façon de grandir et de mûrir dans notre amour pour le Seigneur. Son identité est un mystère, et donc, au fur et à mesure que nous lisons son histoire, il devient beaucoup plus facile de comprendre que la jeune fille dont il est question dans le Cantique des cantiques pourrait être chacun et chacune d’entre nous!

LES TROIS ÉTAPES DE L’AMOUR

Peut-être plus que n’importe quel autre livre de la Bible, le Cantique des cantiques contient un message qui couvre l’ensemble de la vie chrétienne. Il révèle les différentes étapes qu’un croyant traverse tout au long du chemin de la maturité spirituelle. À partir d’un amour naissant, notre amour pour le Seigneur grandit progressivement pour finalement se déployer en un amour mature. Ce chant relate la tendre histoire d’un monarque et d’une jeune fille, d’un roi et de sa ravissante épouse. C’est un livre qui révèle l’amour passionné, intense et jaloux que Dieu a pour chacun d’entre nous!

Nous avons divisé ce livre en trois parties correspondant à chaque étape de l’amour. Chaque section comprend un verset particulier qui caractérise l’étape de la relation amoureuse entre la Sulamite et son époux.

La première étape est l’amour naissant ou le premier amour. L’expression caractérisant cette phase est au chapitre 2, au verset 16: «Mon bien-aimé est à moi, et je suis à lui.» Cette période de la vie de la jeune fille est une période de révélation et de découverte. Elle voit beaucoup de choses nouvelles au sujet de son époux, mais elles ne sont pas encore devenues siennes, elle n’en a pas encore fait l’expérience. Au cours de la première étape, la jeune fille se concentre sur elle-même.

La deuxième étape est celle de l’amour qui grandit. Le verset qui marque cette phase est au chapitre 6, verset 3: «Je suis à mon bien-aimé et mon bien-aimé est à moi.» Pendant cette période, la jeune fille apprend à céder et à s’abandonner au roi et à ses façons de faire. À ce stade, l’accent est porté sur lui d’abord et sur elle ensuite. Comme Jean le Baptiste l’a dit de Christ, «il faut qu’il augmente et que je diminue» (Jean 3.30).

La troisième étape est l’amour mature. Le verset distinctif de cette section est au chapitre 7, verset 10: «Je suis à mon bien-aimé et il me désire.» C’est l’étape du repos, de l’union et de la fécondité. À ce stade, la jeune fille a atteint la maturité spirituelle. Elle a fait alliance avec le roi. Maintenant, tout tourne autour de lui et de son désir pour elle. Elle ne voit que son amour. Elle lui fait confiance. Elle est à l’aise avec lui. Elle ne fait plus qu’un avec lui autant dans son caractère que dans son objectif de vie.

LA LEÇON DU CANTIQUE DES CANTIQUES

Indépendamment de la date de rédaction du Cantique des cantiques, qu’il ait été écrit pendant ou après la composition par Salomon de 3000 proverbes et de plus de 1 000 chants, et quelle que soit l’identité de la jeune fille, la conclusion reste la même. Si Salomon, l’homme dont la sagesse surpasse tous les hommes, a pris conscience que la meilleure et la plus grande chose dans la vie est l’amour, alors quelle leçon

pouvons-nous personnellement tirer de cela? Comment cela devrait-il influencer la façon dont nous mesurons nos propres progrès dans notre vie chrétienne? Quels sont les points de repère qui nous permettent de savoir que nous grandissons dans le Seigneur? Mesurons-nous notre progrès dans notre marche avec le Seigneur par notre compréhension de la Parole de Dieu? Est-ce que nous le mesurons par le nombre d’années consécutives où nous avons lu la Bible en un an? Le mesurons-nous par le nombre de versets bibliques que nous avons mémorisés ou par le nombre de personnes que nous avons amenées à la foi en Jésus-Christ? Toutes ces mesures peuvent être utiles, mais la véritable mesure de notre croissance dans le Seigneur ne devrait-elle pas être fondée sur la profondeur de notre connaissance et de notre compréhension de son amour pour nous et, en retour, de notre amour pour lui?

L’apôtre Jean a exprimé cette pensée dans ses écrits. Après avoir été un disciple de Christ pendant près de quarante ans, il a écrit ce qui suit:

Or nous, nous avons connu l’amour que Dieu a pour nous et nous y avons cru. Dieu est amour et celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui. C’est en cela que l’amour est parfait en nous, de sorte que nous aurons de l’assurance le jour du jugement parce que nous sommes dans ce monde tels que lui, il est. Il n’y a pas de peur dans l’amour; au contraire, l’amour parfait chasse la peur, car la peur implique une punition. Celui qui éprouve de la peur n’est pas parfait dans l’amour. Quant à nous, nous [l’]aimons parce qu’il nous a aimés le premier. 1 Jean 4.16-19

Non seulement Jean savait que Dieu l’aimait, mais il avait fini par le croire.

L’apôtre Paul l’a exprimé d’une autre manière: En effet, j’ai l’assurance que ni la mort ni la vie, ni les anges ni les dominations, ni le présent ni l’avenir, ni les puissances, ni la hauteur, ni la profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ notre Seigneur. Romains 8.38-39

En tant que disciples de Christ, peut-être savons-nous que Dieu nous aime, mais sommes-nous parvenus à le croire vraiment? En sommes-nous convaincus? Même l’apôtre Jean, qui a suivi le Seigneur lorsqu’il était sur terre, et l’apôtre Paul, qui a enduré tant de persécutions et de souffrances, ont eu besoin d’être convaincus maintes et maintes fois de l’amour indéfectible de Christ avant d’y croire vraiment et de le vivre à partir de cette compréhension.

Quelle que soit l’étape où nous sommes de notre cheminement avec le Seigneur, que nous soyons un nouveau croyant ou un chrétien chevronné, ce livre a été écrit dans l’espoir que notre Époux céleste l’utilisera pour toucher chacun de nous, nous mettre au défi et nous attirer par son amour dans une relation plus profonde avec lui.

Puisse la réalité spirituelle de l’amour dépeint entre la jeune fille sulamite et le roi Salomon être la nôtre, alors que nous apprenons à connaître plus profondément l’amour que le Seigneur Jésus, notre roi céleste, a pour chacun de nous, et à le vivre. «Or, il y a ici plus que Salomon» (Luc 11.31).

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