A H O D : E L L I A R DE
Rapport sur les évolutions des accords ADPIC et l’accès aux médicaments
Contribution de Médecins Sans Frontières en vue de la 5e Conférence ministérielle de l’OMC, Cancún 2003
Introduction
« 4. Nous convenons que l’Accord sur les ADPIC n’empêche pas et ne devrait pas empêcher les Membres de prendre des mesures pour protéger la santé publique. En conséquence, tout en réitérant notre attachement à l’Accord sur les ADPIC, nous affirmons que ledit accord peut et devrait être interprété et mis en œuvre d’une manière qui appuie le droit des Membres de l’OMC de protéger la santé publique et, en particulier, de promouvoir l’accès de tous aux médicaments. »
Eric Miller
A l’occasion de la Conférence ministérielle 2001 de l’OMC, qui s’est tenue à Doha, au Qatar, les Membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ont adopté une « Déclaration sur l’Accord sur les ADPIC et la santé publique ». Cet accord sans précédent reconnaît clairement la primauté de l’accès aux médicaments sur les intérêts commerciaux. La Déclaration de Doha confirme certaines des flexibilités clés de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) et encourage les pays à interpréter ce traité d’une manière qui protège la santé publique et favorise l’accès de tous aux médicaments. L’élément central de la Déclaration est le suivant :
Ces personnes vivant avec le VIH/SIDA ont bénéficié d’une thérapie antirétrovirale à base de génériques à la clinique MSF de Khayelitsha, en Afrique du Sud. Elles fêtent ici le deuxième anniversaire du programme thérapeutique.
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Depuis, certains Membres s’en sont pris à l’esprit et aux buts de la Déclaration pour tenter de faire passer les intérêts de leurs industries pharmaceutiques avant la santé des populations les plus démunies de la planète. D’autres Membres, au contraire, ont engagé des mesures visant à promouvoir et protéger la santé de leurs populations, comme le préconise la Déclaration de Doha. Dans ce rapport publié en vue de la 5e Conférence ministérielle de l’OMC, qui se déroulera à Cancún, au Mexique, Médecins Sans Frontières (MSF) évalue les progrès et les reculs enregistrés dans la mise en œuvre de la Déclaration de Doha, et définit les prochaines étapes que les Membres devraient franchir pour satisfaire aux obligations qui leur incombent depuis Doha afin de « promouvoir l’accès de tous aux médicaments ». Voir les recommandations en dernière page.
Négociations de mauvaise foi:
l’histoire du Paragraphe 6 restrictions par pays compromettront les économies d’échelle dans la production, et les Membres devront notifier chaque licence obligatoire au Conseil des ADPIC de l’OMC. Globalement, le « texte Motta » rendrait la production de génériques quasi irréalisable au-delà de 2005, quand les principaux pays producteurs devront mettre en œuvre intégralement l’Accord sur les ADPIC. Au bout du compte, l’accès à des versions financièrement abordables de nouveaux médicaments serait réduite comme peau de chagrin, car les pays en développement n’auraient plus que très peu de possibilités de contourner les prix élevés et les monopoles de longue durée des grands laboratoires. Même s’il n’a pas été adopté en décembre 2002, le « texte Motta » reste, hélas, la principale « solution » avancée par les Membres. Une meilleure réponse serait d’autoriser la production pour l’exportation en tant qu’exception limitée aux droits des brevets, ce qui était l’option prônée par l’OMS et soutenue par des experts en propriété intellectuelle ainsi que par MSF. En permettant une concurrence accrue, cette solution pourrait faire baisser les prix à des niveaux rendant les médicaments plus abordables. L’expérience réalisée avec les antirétroviraux (ARV) et d’autres médicaments a amplement démontré que les prix baissent en proportion de la concurrence.
Ces dernières années ont bien montré – et tout particulièrement dans les débats sur le problème du « Paragraphe 6 » – que la Déclaration de Doha doit être activement mise en œuvre et défendue si l’on veut qu’elle ait quelque effet. Le Paragraphe 6 de la Déclaration avait donné pour instruction au Conseil des ADPIC de trouver une « solution rapide » avant la fin de l’année 2002, de telle sorte que les pays ne disposant pas de capacités de production dans le secteur pharmaceutique puissent recourir à des licences obligatoires afin d’importer des génériques si nécessaire. Mais les Etats-Unis, l’Union européenne, le Canada, la Suisse et le Japon, violant l’esprit de Doha, ont négocié farouchement au Conseil des ADPIC faisant obstacle à toute proposition de solution, en introduisant des procédures compliquées et/ou des limitations inutiles. La solution qui a failli être adoptée (sous la pression du calendrier), appelée « texte du 16 décembre » ou « texte Motta », est extrêmement lourde, mais aussi économiquement risquée et absurde. Ainsi, le « texte Motta » oblige le pays importateur comme le pays exportateur à émettre des licences obligatoires (dans le cas où le médicament est protégé par un brevet dans les deux pays); chaque pays doit faire savoir s’il dispose ou non de capacités de production suffisantes; les
Cambodge: une entrée équivoque à l’OMC
* Article 136 de la loi cambodgienne sur les brevets, les certificats de modèles d’utilité et les dessins industriels.
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Serge Sibert / Cosmos
Le cas du Cambodge fournit un exemple éloquent du double langage pratiqué par certains pays riches autour de la Déclaration de Doha. Début 2003, le parlement cambodgien, faisant explicitement référence à la Déclaration de Doha, a adopté une nouvelle législation qui exclut jusqu’en 2016 les produits pharmaceutiques de la protection par brevet.* Si elle a tout d’abord été considérée comme un excellent exemple de mise en œuvre de la Déclaration de Doha, cette législation est apparemment compromise aujourd’hui, suite à des pourparlers qui se sont déroulés à huis clos à Genève dans le cadre des négociations sur l’entrée du Cambodge à l’OMC. Sous la pression des Etats-Unis, le Cambodge a manifestement accepté d’appliquer l’Accord sur les ADPIC en 2007. Il a par ailleurs lié l’enregistrement des médicaments au statut des brevets et accordé 5 années d’exclusivité sur les données pharmaceutiques – des mesures qui entraveront ou retarderont la disponibilité des génériques, et qui ne sont pas exigées par l’Accord sur les ADPIC (sur ces deux clauses, voir aussi: « Des contraintes supplémentaires », en page 4). Récemment sorti de longues années de guerre civile, le Cambodge est l’un des pays les plus pauvres de la planète: il fait partie du groupe des pays les moins avancés, avec un produit national brut (PNB) par personne de US$270, et il figure au 130e rang de l’indice de développement humain. MSF travaille au Cambodge depuis 1989 et y mène actuellement des projets de traitement du paludisme et du VIH/SIDA; sur le terrain, nous savons que les défis de santé publique auxquels doit faire face le Cambodge ne feront que s’aggraver si la protection de la propriété intellectuelle sur les médicaments est rendue encore plus stricte. Le cas de l’entrée du Cambodge dans l’OMC montre à quel point certains Membres se moquent des engagements qu’ils ont pris au titre de la Déclaration de Doha, mais crée aussi un dangereux précédent pour d’autres pays en développement désirant entrer à l’OMC.
M. Maum veille sur ses deux fils: Ham, 12 ans, souffrant d’une fièvre typhoïde, et Hoy, 7 ans, atteint d’un paludisme grave. Centre médical, Anlong Veng, Cambodge.
à importer des versions génériques de la ciprofloxacine comme alternative au médicament très chers de Bayer. Enfin, la proposition de restreindre la solution aux situations d’urgence est contraire à la fois au « texte Motta » lui-même et à la Déclaration de Doha, dont le paragraphe 5(b) confirme que « chaque Membre a le droit d’accorder des licences obligatoires et la liberté de déterminer les raisons pour lesquelles de telles licences sont accordées ». La restriction aux situations d’urgence implique qu’un pays devrait attendre qu’un problème de santé publique ait pris des proportions catastrophiques pour pouvoir agir. L’histoire du Paragraphe 6 démontre de façon éloquente comment certains Membres de l’OMC liés aux intérêts de l’industrie pharmaceutique tentent de revenir sur leurs engagements pris à Doha, et pourquoi la Déclaration doit être constamment défendue si l’on veut qu’elle ait un impact positif sur les conditions de vie des populations pauvres de la planète.**
Non contents des difficultés déjà posées par le « texte Motta », les pays riches se sont employés à le rendre encore plus inopérant en préconisant des restrictions supplémentaires, parmi lesquelles une liste déterminée de maladies, une limitation du nombre de pays autorisés à importer et une restriction aux situations d’urgence. Ces démarches ont été faites en toute mauvaise foi. Par exemple, la liste de maladies qui était proposée ne reposait pas sur des données rationnelles de santé publique: la plupart étaient des maladies pour lesquelles il n’existait pas de traitement médicamenteux ou pour lesquelles le traitement existant n’était de toute façon plus protégé par des brevets – autrement dit, des médicaments pour lesquels il n’y avait pas lieu d’émettre une licence obligatoire.* De plus, les efforts déployés pour restreindre la liste des pays autorisés à importer – s’ils avaient abouti – auraient exclu de vastes marchés (à forte prévalence de maladie) comme le Brésil, l’Afrique du Sud ou les Philippines. Pourtant afin de rendre la production de médicaments économiquement efficace et intéressante pour un fabricant de génériques, il est essentiel que ces marchés fassent partie du système. Lors de la psychose liée à l’anthrax, en 2001, même les Etats-Unis et le Canada (deux pays qui ont pourtant des capacités élevées de production de médicaments) ont cherché
* Pour une analyse complète de la liste de maladies et médicaments «agréés», voir: Mary Moran. «La Déclaration de Doha remise en question: une analyse de MSF sur les tentatives récentes de restreindre l’utilisation des licences obligatoires par les pays en développement à une liste déterminée de maladies». Mai 2003. <www.accessmed-msf.org> **Au moment de mettre sous presse, la question du Paragraphe 6 n’était toujours pas résolue.
Efforts isolés de mise en œuvre
Roosevelt, Guatemala.
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Jean Carlos Tomasi
Malgré de multiples tentatives visant à affaiblir la Déclaration Bien que certains médicaments soient protégés par des brevets de Doha, certains pays ont pourtant tenté, ces deux dernières dans certains de ces pays, les gouvernements n’ont pas voulu années, de tirer parti des flexibilités offertes par celle-ci. Ainsi, que cet obstacle légal empêche la conclusion des négociations, le Cameroun a pu accéder à des ARV au meilleur prix sur le ce qui leur permet de réaliser une économie annuelle estimée marché international, son Ministère de la santé ayant autorisé globalement à US$120 millions. (Voir aussi à ce sujet: « Rabais l’importation de versions génériques de médicaments brevetés consentis par les grandes sociétés pharmaceutiques », en page à un moment où ils étaient disponibles à des prix inférieurs à 7.) ceux des produits originaux. En conséquence, l’agence En trouvant les moyens de surmonter les obstacles liés aux nationale camerounaise d’approvisionnement paie environ brevets, le Cameroun, le Malawi et les pays d’Amérique latine US$277 par personne et par an (ppa) sa combinaison agissent en conformité avec le principe clé de la Déclaration de thérapeutique de première ligne – l’un des prix les plus bas sur Doha, selon lequel l’Accord sur les ADPIC doit être « interprété le marché mondial. De même, au Malawi, il est possible et mis en œuvre d’une manière qui appuie le droit des d’acheter une combinaison d’ARV génériques de première ligne Membres de l’OMC de protéger la santé publique. » pour quelque US$288 ppa. Faisant partie du groupe des pays les moins avancés, le Malawi est dispensé jusqu’en 2016 de * La Communauté andine (Pérou, Bolivie, Colombie, Equateur, Venezuela) ainsi que le Chili, faire respecter ou de délivrer des brevets pharmaceutiques. l’Argentine, le Mexique, le Paraguay et l’Uruguay. Par ailleurs, en associant des fabricants de génériques aux négociations sur les prix, dix pays d’Amérique latine* ont été en mesure de fixer pour les ARV des prix plafonds très inférieurs aux prix pratiqués dans ces pays. A l’exception des laboratoires d’Abbott, aucun fabricant de médicaments sous brevets n’était disposé à faire des offres régionales pour les produits demandés – insistant au contraire pour que chaque pays négocie avec chaque fabricant, produit par produit, dans le cadre de l’initiative « Accélérer l’accès à la prise en charge du VIH/SIDA ». Dès lors, les prix de référence régionaux ont été en grande partie déterminés par les offres des fabricants de génériques. En conséquence, les gouvernements de ces dix pays latinoaméricains économiseront jusqu’à 93% du prix pour une trithérapie de première ligne Marlene vit avec le VIH/SIDA et a accès à un traitement aux ARV. Pharmacie de l’Hôpital (les prix ont baissé de $5000 à $365 ppa).
Des contraintes supplémentaires : les dispositions en matière de propriété intellectuelle non exigées par l’Accord ADPIC être enregistrées durant cette période, même en l’absence de brevets. Si un médicament n’est pas enregistré dans un pays, il ne peut pas y être utilisé légalement.
De nombreux pays en développement accordent des protections sur la propriété intellectuelle non exigées par l’Accord sur les ADPIC – il s’agit des dispositions dites « ADPIC plus». De telles mesures, souvent mises en œuvre dans le contexte de l’assistance technique, peuvent être tout à fait préjudiciables à la population (voir à ce sujet : « ‘Assistance’ technique », en page 5). Trois dispositions de ce type que l’on recontre de plus en plus souvent sont analysées ci-dessous : explications des raisons pour lesquelles elles sont dangereuses pour la santé publique.
c. Lien entre le statut des brevets et l’approbation par l’agence du médicament Rien, dans l’Accord sur les ADPIC, n’oblige une agence du médicament à refuser l’enregistrement d’un générique parce qu’une tierce partie détient un brevet sur le produit ou un brevet lié à ce produit. Les questions relatives à la validité des brevets sont totalement distinctes de celles relatives à l’homologation des médicaments, c’est-à-dire aux questions relatives à leur sécurité, à leur efficacité et à leur qualité. Une agence du médicament n’a généralement pas les compétences requises pour décider si un brevet est valable ou s’il est l’objet d’une contrefaçon.
a. Criminalisation du non-respect des brevets La question de la contrefaçon de marque et du piratage est différente de la contrefaçon de brevets. Les faux médicaments ou les médicaments contrefaits peuvent ne pas contenir du tout d’ingrédients actifs, et même être nocifs. L’Accord sur les ADPIC dispose que la contrefaçon de marque et le piratage doivent être traités comme des délits, et ce sont généralement les autorités, telles la police, qui sont alors responsables de les réprimer.* En revanche, l’Accord sur les ADPIC n’impose pas de traiter la contrefaçon d’un brevet comme un délit – il exige seulement que le titulaire du brevet soit en mesure d’intenter une action en justice contre l’auteur de la contrefaçon.** Si des personnes n’ont pas les moyens d’acheter la version brevetée d’un médicament d’importance vitale, elles peuvent essayer d’importer ou d’utiliser une version générique moins chère; le titulaire du brevet peut alors choisir de les poursuivre afin de faire cesser la fourniture du médicament générique. Malheureusement, des dispositions légales criminalisant la contrefaçon de brevets sont actuellement proposées au Nigeria et en Ouganda. Elles pourraient déboucher sur l’envoi de médecins et de patients en prison au motif qu’ils ont tenté d’avoir accès à des médicaments financièrement abordables. De telles dispositions sont dures, extrêmes et non exigées par l’Accord sur les ADPIC.
* Art. 61 de l’Accord sur les ADPIC ** Arts 28, 41 et ss. de l’Accord sur les ADPIC *** Art. 39.3 de l’Accord sur les ADPIC
Hors de l’enceinte de l’OMC: des accords bilatéraux et régionaux dangereux Les Etats-Unis cherchent à conclure un certain nombre d’accords commerciaux régionaux ou bilatéraux qui, de fait, affaiblissent voire annulent complètement la Déclaration de Doha. Des négociations visant à renforcer la protection par brevets sont en cours dans des régions où le fardeau des maladies est lourd. L’exemple le plus frappant est probablement celui de l’Accord sur la Zone de Libre Echange des Amériques (ZLEA), qui englobe 34 pays de l’hémisphère occidental et concerne 800 millions de personnes. Parmi les mesures proposées : la limitation des circonstances dans lesquelles des licences obligatoires sur les produits pharmaceutiques peuvent être délivrées, l’allongement de la durée des brevets au-delà des 20 ans prévus par l’Accord sur les ADPIC, l’interdiction d’exporter des médicaments produits sous licence obligatoire, des restrictions au régime d’importation parallèle et des droits exclusifs sur les données des essais pharmaceutiques qui retarderaient l’introduction de génériques même en l’absence de brevets. (Voir aussi à ce sujet « des contraintes supplémentaires » sur cette page.) La ZLEA – voulue comme un modèle pour d’autres accords – augmenterait les obligations en matière de propriété intellectuelle déjà prévues par l’Accord sur les ADPIC et fermerait la porte à certaines des flexibilités clés conçues pour protéger la santé publique. En plus de la ZLEA, les Etats-Unis négocient actuellement des accords de libre échange avec cinq pays d’Amérique centrale (Costa Rica, Salvador, Guatemala, Honduras et Nicaragua au sein du CAFTA), la République dominicaine, la Southern African Customs Union (Botswana, Lesotho, Namibie, Afrique du Sud et Swaziland), le Maroc, Bahreïn et l’Australie. En exerçant une pression sur ces pays pour qu’ils adoptent des dispositions « ADPIC plus », les Etats-Unis reviennent sur leur parole et contreviennent aux engagements qu’ils ont pris au titre de la Déclaration de Doha deux ans plus tôt.
b. Droits exclusifs sur les données non divulguées (ou « exclusivité des données ») Pour enregistrer un nouveau médicament auprès d’une agence du médicament, un requérant doit démontrer que son médicament est sûr, efficace et de qualité. Le tout premier requérant devra présenter des données sur les essais cliniques pour prouver que le médicament est efficace, entre autres choses. Pour les versions génériques subséquentes du médicament, il suffit habituellement de démontrer qu’elles sont équivalentes à la version originale. L’Accord sur les ADPIC exige une certaine protection des données non divulguées relatives aux essais pharmaceutiques initiaux, par exemple contre une « utilisation commerciale déloyale ».** Mais cette protection contre l’« utilisation commerciale déloyale » peut revêtir de nombreuses formes. Les Etats-Unis et certains pays européens ont décidé de prévoir une telle protection en accordant une exclusivité sur ces données de 5 à 10 ans. Toutefois, l’Accord sur les ADPIC n’impose pas l’octroi de tels droits exclusifs sur les données. Néanmoins, le Guatemala a récemment accordé une exclusivité des données de 5 ans, et des mesures similaires sont maintenant proposées en Ouganda, au Cambodge et dans les pays de la ZLEA (Zone de libre échange des Amériques). Si ces propositions sont acceptées, les versions génériques abordables ne pourront pas
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par l’OMPI ne prenait pas en compte les flexibilités de l’Accord sur les ADPIC et de la Déclaration de Doha. En fait, MSF s’est aperçu que l’OMPI n’avait pas encore dûment informé le Cambodge des possibilités offertes par la Déclaration de Doha, et le gouvernement cambodgien ne savait pas à ce moment-là qu’il n’était pas obligé de délivrer ou de faire respecter les brevets sur les produits pharmaceutiques avant 2016.** (En 2003, le Cambodge a prévu le délai de transition de 2016, mais l’adhésion du pays à l’OMC pourrait remettre cette décision en question. Sur le cas du Cambodge, voir aussi en page 2.) En outre, certains Membres, tout en déclarant publiquement leur soutien à la Déclaration de Doha, s’emploient à saper cette même Déclaration par des programme d’aide bilatéraux conduisant des pays à mettre en œuvre des politiques préjudiciables ne leur apportant que peu d’avantages, si ce n’est aucun. Ainsi, le Wall Street Journal a rapporté que l’agence américaine du développement international (US Agency for International Development, USAID) avait fourni un financement au Département américain du commerce en vue de prodiguer une assistance technique au Nigeria pour la révision de sa législation sur les brevets. Le projet de nouvelle législation est beaucoup plus strict que l’Accord sur les ADPIC et comporte des mesures telles que la criminalisation de la contrefaçon de brevets, qui sont de nature à dissuader les Nigérians de chercher à avoir accès à des médicaments génériques financièrement abordables.*** De même, l’Ouganda, lors du processus de révision de sa législation sur les brevets, a été conseillé par un expert rémunéré par USAID pour adopter des dispositions qui ne sont pas exigées par l’Accord sur les ADPIC et qui entraveront la concurrence des génériques. Par exemple, le projet de nouvelle législation fixe des restrictions supplémentaires à l’utilisation des licences obligatoires, accorde une protection par brevets pour de nouvelles utilisations de produits antérieurement brevetés, et criminalise la contrefaçon des brevets. De telles dispositions ont de quoi susciter l’étonnement, car elles protègent les intérêts des sociétés pharmaceutiques américaines tout en n’apportant aucun avantage aux Ougandais en termes de santé publique. Faisant partie du groupe des pays les moins avancés, l’Ouganda n’est pas tenu de délivrer, ni de faire respecter les brevets sur des produits pharmaceutiques avant au moins 2016. (Sur la criminalisation de la contrefaçon de brevets, voir aussi: « des contraintes supplémentaires », en page 4.) Contrairement à sa finalité, l’assistance technique est souvent dangereuse. Une mise en œuvre efficace de la Déclaration de Doha dans les pays en développement implique une assistance technique « équilibrée, transparente et impartiale », comme l’a affirmé dernièrement l’Union européenne. MSF salue l’engagement public de l’Union européenne à « prendre en compte intégralement la Déclaration de Doha dans sa politique commerciale, tout particulièrement en ce qui concerne l’assistance technique pour la mise en œuvre de l’Accord sur les ADPIC », et appuie l’invitation lancée par l’Union européenne à « tous les fournisseurs d’assistance technique, en particulier les organisations multilatérales, pour qu’ils adhèrent à cet engagement ».****
« Assistance » technique : un exemple de mauvaise pratique ?
Remco Bohle
Pour pouvoir faire face à leurs problèmes urgents de santé publique, de nombreux pays en développement sont tributaires d’une mise en œuvre aussi efficace que possible des mesures de sauvegarde de l’Accord sur les ADPIC et de la Déclaration de Doha, et l’assistance technique est un important moyen d’y parvenir. Malheureusement, certains pays reçoivent une assistance technique inadéquate et dangereuse de la part d’acteurs multilatéraux ou bilatéraux, reflétant davantage les intérêts du pourvoyeur de l’assistance que ceux du bénéficiaire. Un exemple frappant est celui de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), une agence de l’ONU qui a passé un accord avec l’OMC pour fournir une assistance juridique et technique aux Membres de cette dernière. L’OMPI a été très lente à prendre en compte la Déclaration de Doha dans ses activités. Cette lenteur reflète peut-être la contradiction inévitable qui existe entre le mandat de l’OMPI, qui est de « promouvoir la protection de la propriété intellectuelle dans le monde entier »,* et sa mission consistant à fournir aux Membres les moins avancés et aux Membres en développement une assistance technique pour la mise en œuvre de l’Accord sur les ADPIC. Préserver la santé publique nécessite un système de propriété intellectuelle différencié, adapté aux conditions locales et aux différents niveaux de développement économique – et pas simplement une protection renforcée en matière de propriété intellectuelle. Au moment où le Cambodge se préparait à rejoindre l’OMC, MSF a découvert, en mars 2002, que le projet de loi cambodgienne sur les brevets soumis au gouvernement
*Article 3 de la Convention instituant l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (1967). ** Pour de plus amples informations sur les dysfonctionnements de l’assistance technique fournie par l’OMPI, voir: MSF, Consumer Project on Technology, Oxfam International and Health Action International. «Conference Report: Implementation of the Doha Declaration on the TRIPS Agreement and Public Health. Technical Assistance – How to Get it Right.» Mars 2002. <www.accessmed-msf.org> *** Michael Schroeder. «Drug Patents Draw Scrutiny as Bush Makes African Visit.» The Wall Street Journal. 9 juillet 2003. **** OMC. La mise en œuvre de la Déclaration de Doha sur l’Accord sur les ADPIC et la santé publique. Communication des Communautés européennes et de leurs Etats Membres. 24 juin 2003. (IP/C/W/402)
Cette jeune fille attend des médicaments dans le cadre d’un programme antipaludique de MSF axé sur le dépistage et le traitement d’enfants de moins de cinq ans et de femmes enceintes. Delta du Niger, Nigeria.
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Serge Sibert / Cosmos
L’Accord sur les ADPIC n’est pas à la hauteur des besoins en R&D L’arrangement conclu dans le cadre des ADPIC – obtenir des pays en développement une protection accrue en matière de propriété intellectuelle en échange d’un accroissement de la R&D – n’est pas respecté. L’Accord sur les ADPIC ne stimule pas et ne stimulera pas la R&D sur les maladies qui touchent essentiellement les pays en développement, car la logique qui sous-tend cet accord est pour l’essentiel erronée. Il est amplement démontré que la R&D menée par le secteur privé est motivée par la dimension du marché potentiel et non par les niveaux de protection en matière de propriété intellectuelle. Les populations des pays pauvres ne représentent pas un marché suffisant pour générer une R&D qui réponde à leurs besoins. On constate qu’au niveau mondial, 90% de la R&D menée dans le domaine de la santé est consacrée à des affections qui touchent 10% de la population mondiale. Sur les 1 393 nouveaux médicaments homologués entre 1975 et 1999, 16 seulement (soit 1%) ont été mis au point spécifiquement pour traiter les maladies tropicales et la tuberculose. Les données fournies par onze grandes sociétés pharmaceutiques ayant répondu
Ce jeune garçon est examiné pour une leishmaniose par une équipe de MSF. Aucun nouveau médicament contre la leishmaniose n’a été mis au point depuis les années 1930. Pérou.
à un questionnaire d’enquête en 2001 ont fait état d’investissements minimaux dans la R&D sur les maladies qui touchent essentiellement les populations pauvres – autrement dit, l’apparition de nouveaux médicaments contre ces maladies n’est pas pour demain. A moins qu’une solution de substitution ne soit trouvée à ce problème de R&D, cette grave lacune remet en question la légitimité même du traité.
Des mythes récurrents
car dans ce cas les procédures imposées par l’Accord sur les ADPIC sont moins lourdes. Mais la Déclaration de Doha dispose clairement que « chaque Membre a le droit d’accorder des licences obligatoires et la liberté de déterminer les raisons pour lesquelles de telles licences sont accordées » (paragraphe 5b, l’italique a été ajouté).
a. Mythe: les ARV ne sont pas brevetés en Afrique. Selon un mythe tenace, les ARV ne seraient pas brevetés à grande échelle en Afrique et, par conséquent, les brevets n’empêcheraient pas l’accès aux médicaments contre le SIDA. Ce mythe a son origine dans un article controversé publié en 2001 dans le Journal of the American Medical Association. Il a persisté, notamment parce qu’il est généreusement cité par les groupes de pression de l’industrie pharmaceutique.* Or, comme l’ont fait remarquer des scientifiques et des ONG travaillant dans le traitement du SIDA, les données présentées dans l’article en question ne résistent pas à l’épreuve des faits. Par exemple, la combinaison antirétrovirale la plus utilisée en Afrique était à l’époque brevetée dans 37 des 53 pays du continent. De surcroît, la plupart des médicaments non brevetés ne sont guère utilisables dans des contextes de faibles ressources. Une étude menée par une équipe de juristes de MSF sur les brevets en vigueur au Kenya, au Malawi, en Afrique du Sud, en Ouganda, en Zambie, au Zimbabwe et dans les 16 Etats membres de l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (une organisation des pays africains francophones) a mis en évidence l’existence de brevets sur les antirétroviraux dans tous ces pays.** De plus, en Afrique du Sud, pays où près de 5 millions de personnes vivent avec le VIH/SIDA et qui représente la moitié du marché pharmaceutique africain, 13 des 15 traitements aux antirétroviraux sont protégés par des brevets. Chacun des brevets en vigueur constitue effectivement ou potentiellement un obstacle à l’accès à un médicament essentiel, obstacle qui devrait être reconnu comme tel et surmonté.
c. Mythe: la crise de l’accès aux médicaments ne concerne que les ARV. Malheureusement, la crise de l’accès aux médicaments porte non seulement sur les ARV contre le SIDA, mais sur un large éventail de médicaments contre les nombreuses maladies endémiques qui affectent les populations des pays en développement, telles que les infections respiratoires aiguës, les diarrhées, les maladies sexuellement transmissibles et la tuberculose. Toutefois, la plupart des données disponibles sur les brevets et les prix concernent les ARV, entre autres parce que l’attention des milieux politiques est attirée par l’impact catastrophique de l’épidémie de SIDA. Un virus dont on parle moins est celui de l’hépatite C, qui touche 170 millions de personnes dans le monde et cause des hépatites aiguës et des maladies chroniques du foie comme la cirrhose et le cancer du foie. Le coût du traitement (une association d’interféron et de ribavirine) s’élève à environ US$30’000 par patient et par an. De tels prix sont évidemment inabordables pour les pays en développement. Le prix élevé des nouveaux médicaments peut également bloquer la recherche : par exemple, le coût élevé de la nouvelle classe d’antibiotiques à la quinolone a empêché qu’une recherche suffisante soit menée pour voir si ces médicaments pourraient être utilisés pour diminuer la durée du traitement de la tuberculose, qui s’étale à l’heure actuelle sur 6 à 8 mois. Dès lors, les ARV ne sont que la partie visible de l’iceberg dans la crise de l’accès aux médicaments. Mais ce que démontre le cas des ARV, c’est qu’il sera de plus en plus nécessaire de tirer parti des flexibilités permises par l’Accord sur les ADPIC et de la Déclaration de Doha à mesure que de nouveaux médicaments et de nouvelles menaces pour la santé publique feront leur apparition.
b. Mythe: les licences obligatoires sont réservées aux urgences nationales.*** Les autorités peuvent émettre des licences obligatoires pour différentes raisons, et notamment – mais pas seulement – pour faire face aux urgences de santé publique. Par exemple, le gouvernement des Etats-Unis émet fréquemment des licences obligatoires pour neutraliser les abus de nature anti-concurentielle. Cependant, il existe une idée très répandue selon laquelle les licences obligatoires seraient réservées aux situations d’urgence – un mythe que certains Membres se sont employés à faire perdurer en restreignant la solution au Paragraphe 6 « aux cas d’urgence nationale ou à d’autres situations d’urgence extrême ». Il peut être plus facile d’accorder une licence obligatoire dans des situations d’urgence,
*A. Attaran, L. Gillespie-White. «Do patents for antiretroviral drugs constrain access to AIDS treatment in Africa?» JAMA, 2001, vol. 286, No.1 5 pp. 1886-1892. **Pascale Boulet, Christopher Garrison, Ellen ‘t Hoen. «Drug patents under the spotlight: Sharing practical knowledge about pharmaceutical patents». Médecins Sans Frontières, mai 2003. *** Les licences obligatoires permettent la production ou l’importation d’un médicament générique sans l’assentiment du détenteur du brevet (bien que celui-ci reçoive une compensation adéquate). Sauvegarde clé de l’Accord sur les ADPIC, le système des licences obligatoires est aussi l’un des principaux outils existants pour élaborer des politiques assurant la concurrence par les génériques.
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Rabais consentis par les grandes sociétés pharmaceutiques:
une alternative viable?
Pays à revenus intermédiaires: si les fabricants de médicaments sous brevets ont reçu des louanges pour avoir offert des rabais sur les ARV aux pays les moins avancés, la plupart n’ont aucune politique publique de prix à l’égard des pays en développement à revenus intermédiaires. Les prix peuvent donc grimper en flèche au-delà du niveau abordable pour de nombreux pays où le fardeau des maladies est lourd. Par exemple, Abbott propose une combinaison d’ARV (lopinavir/ritonavir) pour $500 ppa à tous les pays africains et à tous les pays les moins avancés, mais fait payer $4336 ppa le même médicament à dix pays d’Amérique latine avec lesquels cette société a récemment conclu des accords. Que le PNB d’un pays soit de $200 ou $2000 par personne, il sera extrêmement difficile pour les personnes à revenus moyens de s’offrir un médicament à ce prix-là. Au Pérou, où le PNB par habitant est de $2000, environ 2% seulement de la population touchée par le VIH a accès à un traitement aux ARV. Merck et Roche sont les deux seuls grands fabricants de médicaments originaux à avoir annoncé des politiques de prix pour les pays à revenus intermédiaires. Toutefois, les prix qu’ils proposent demeurent supérieurs à ceux pratiqués par les fabricants de génériques. Les pays d’Amérique latine mentionnés plus haut ont réussi à obtenir, de la part des fabricants de génériques, des offres qui étaient en moyenne 38% inférieures aux prix auxquels Merck et Roche auraient accepté de les vendre.
La concurrence des génériques est-elle encore nécessaire lorsque les fabricants des produits originaux vendent ceux-ci aux pays en développement à prix réduits ? L’expérience de ces dernières années montre indéniablement que la réponse est « oui». Sur trois aspects au moins, le système des prix volontairement différenciés a été défaillant: les prix, les pays à revenus intermédiaires et les médicaments non destinés au traitement du SIDA:
Les prix: il a fallu une somme énorme d’efforts sociaux et politiques concertés (sans parler de la pression concurrentielle exercée par les génériques) pour convaincre les fabricants de médicaments sous brevets d’adopter le principe de la vente des ARV dans les pays en développement à des prix réduits – une pratique dite des « prix échelonnés ou différenciés ». Quel en a été le résultat ? Si quelques fabricants vendent leurs médicaments à des prix compétitifs, la plupart des prix des médicaments originaux restent considérablement supérieurs à ceux des versions génériques. Par exemple, le prix le plus avantageux sur le plan international de la névirapine de Boehringer Ingelheim, un médicament utilisé dans de nombreuses thérapies de première ligne, est de $438 ppa, tandis qu’une version générique (dont la qualité a été préqualifiée par l’OMS) ne coûte que $166 ppa – soit 38% du prix réduit de l’original. De plus, le prix de l’original est assorti de restrictions: Boehringer limite son offre aux pays classés à « bas revenus» par la Banque mondiale, ainsi qu’aux pays d’Afrique sub-saharienne, et facture donc des prix majorés dans d’autres pays en développement; en revanche, Ranbaxy, un fabricant générique, n’a pas de restrictions spécifiques aux pays en ce qui concerne les prix. La structure des prix et des restrictions est également la même pour la plupart des autres ARV. Le seul facteur qui exerce une action véritablement efficace, systématique et fiable sur les prix des médicaments est la concurrence des génériques et non les rabais librement consentis. C’est pourquoi il est si important que les Membres de l’OMC trouvent les moyens de préserver la dynamique de la concurrence par les génériques. (Voir le graphique ci-dessous.)
Médicaments non destinés au traitement du SIDA: pour de nombreux médicaments dont ont cruellement besoin les pays en développement, il n’existe pas de système de prix différencié. Le cas de la thérapie associant l’interféron et la ribavirine contre l’hépatite C, qui coûte $30’000 par patient et par année, n’est qu’un exemple parmi d’autres. (Pour de plus amples informations sur l’hépatite, voir: « Des mythes récurrents», en page 6.) Les expériences faites à ce jour au sujet des rabais librement consentis sur les ARV donnent à penser que les maladies doivent atteindre des proportions endémiques et alerter l’opinion publique mondiale pour que les fabricants de médicaments sous brevets proposent leurs produits à des prix différentiés. Les rabais volontairement consentis constituent un moyen inacceptable et précaire de répondre aux besoins de santé publique.
Les effets de la compétition avec les médicaments génériques Exemple de tri-thérapie pour le Sida : prix les plus bas par patient et par an [stavudine (d4T) + lamivudine (3TC) + névirapine (NVP)]. La compétition avec les médicaments génériques s’est révélée être l’un des moyens les plus efficaces pour faire baisser le prix des traitements. Au cours de ces deux dernières années, les compagnies détentrices de brevets ont ainsi souvent revu leurs offres de prix sur la base de ceux proposés par les compagnies génériques. Produits brevetés
Mai 2000 à avril 2003
Génériques
12000US$ Produits brevetés $10439 10000US$ 8000US$ 6000US$ 4000US$
Brésil $2767 Produits brevetés $931
2000US$
Produits brevetés $727
Cipla $800
0
Cipla $350 Mai 00
Juin
Sept
Nov
Jan 01
Hetero $201
Aurobindo $209 Mar
Mai
Juillet 01
Sept
Nov
7
Jan 02
Mar
Mai
Juillet 02
Sept
Nov
Jan03
Mar
Avril03
MSF appuie les efforts des pays en développement pour mettre en œuvre la Déclaration de Doha: MSF soutient les pays en développement dans leurs efforts visant à mettre en œuvre la Déclaration de Doha, et les exhorte à saisir les occasions qui se présentent actuellement. La marge de manœuvre politique existe désormais pour que les brevets ne soient jamais un obstacle à l’acquisition ou à la production de versions génériques des médicaments dont ils ont besoin. Mais si certains pays ont pris des mesures courageuses pour défendre la santé de leur population, cela en dépit de la pression exercée par les pays riches, la plupart n’ont encore rien fait. La mise en œuvre de la Déclaration de Doha est loin d’être achevée, et beaucoup de choses peuvent être encore entreprises par les pays pour s’assurer les meilleures garanties possibles en matière de prix des médicaments essentiels. En conséquence, MSF demande aux Membres de l’OMC de:
Mettre en œuvre La Déclaration de Doha ■ Adapter la législation nationale sur les brevets, si nécessaire, afin de tirer pleinement parti des flexibilités offertes par l’Accord sur les ADPIC et la Déclaration de Doha. ■ Les pays les moins avancés ne doivent ni faire respecter les brevets existants, ni délivrer de nouveaux brevets sur les produits pharmaceutiques avant au moins 2016. Ces pays disposent de la flexibilité maximale pour ne pas tenir compte des règles relatives aux brevets et à la protection des données, et sont encouragés à agir dans ce sens en vue de protéger la santé publique. ■ Les organisations internationales et les Membres de l’OMC doivent fournir aux pays en développement une assistance technique pour la mise en œuvre de la Déclaration de Doha qui soit « équilibrée, transparente et impartiale», comme l’a affirmé dernièrement l’Union européenne.*
Soutenir Doha ■ MSF appelle les Membres à rejeter le « texte Motta» et toute autre solution par trop restrictive au Paragraphe 6 (voir page 6). ■ MSF exhorte l’OMC à autoriser la production pour l’exportation de nouveaux médicaments essentiels en tant qu’exception limitée aux droits des brevets, comme le recommandent à la fois l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et des experts en propriété intellectuelle (PI). ■ MSF appelle les Membres à Mejeter toute disposition en matière de propriété intellectuelle qui soit plus stricte que l’Accord sur les ADPIC (dispositions « ADPIC plus »), et à faire de la Déclaration de Doha l’exigence maximale en matière de protection de la propriété intellectuelle pour tous les accords commerciaux bilatéraux et régionaux. En particulier, MSF demande que les clauses relatives à la propriété intellectuelles soient supprimées de l’Accord sur la Zone de Libre Echange des Amériques (ZLEA).. ■ MSF demande aux Membres d’associer des spécialistes de la santé à toutes les négociations portant sur la protection de la propriété intellectuelle, car leur contribution est cruciale dans des négociations dont les implications sont aussi lourdes pour la santé.
Au-delà de Doha ■ Dans le cadre de la problématique « ADPIC et accès aux médicaments », MSF demande aux Membres d’examiner d’autres questions, au-delà de celles abordées dans la Déclaration de Doha. En particulier:
■ Comment assurer la production de versions financièrement abordables de nouveaux médicaments après 2005, une fois que l’Accord sur les ADPIC sera pleinement mis en oeuvre? Le défi actuel consistant à surmonter les prix élevés des antirétroviraux pour le traitement du SIDA donne un avant-goût inquiétant des problèmes d’accès qui nous attendent pour tous les nouveaux médicaments. ■ Comment générer une R&D qui réponde aux besoins de santé des populations pauvres ? La réalité montre que, contrairement à ce qui avait été promis, l’Accord sur les ADPIC ne stimule pas et ne stimulera pas la R&D sur les maladies qui touchent essentiellement les pays en développement. * OMS. La mise en œuvre de la Déclaration de Doha sur l’Accord sur les ADPIC et la santé publique. Communication des Communautés européennes et de leurs Etats membres. 24 juin 2003. (IP/C/W/402).
Pour de plus amples informations : MSF-Luxembourg 68, rue de Gasperich L-1617 Luxembourg Tél. +352 33 25 15 Fax +352 33 51 33 www.msf.lu
Campagne pour l’accès aux médicaments essentiels Médecins Sans Frontières (MSF) Rue du Lac 12, CP 6090, 1211 Genève, Suisse Tél: +41 22 849 8405 Fax: +41 22 849 8404 Email: access@geneva.msf.org www.accessmed-msf.org
Médecins Sans Frontières (MSF) est une organisation humanitaire indépendante dont la vocation est l’assistance médicale aux victimes de conflits armés, d’épidémies et de catastrophes, qu’elles soient d’origine naturelle ou humaine. Fondée en 1971, l’organisation travaille actuellement dans plus de 80 pays. MSF a reçu le Prix Nobel de la Paix en 1999. Design/Artwork: Twenty 3 Crows Ltd +44 (0) 1848 200401