Mémoire
de fin d’études
LA RECONVERSION DES FRICHES INDUSTRIELLES : Patrimoine, Modernité, et Renouvellement Urbain Le Matadero de Madrid et la Sucrière de Lyon
Manon LEMAIRE Directeur De Mémoire : Andrés MARTINEZ
- Cycle Master Janvier 2020
Mémoire de fin d’études - Cycle Master Janvier 2020
LA RECONVERSION DES FRICHES INDUSTRIELLES : Patrimoine, Modernité, et Renouvellement Urbain Le Matadero de Madrid et la Sucrière de Lyon
Manon LEMAIRE Directeur De Mémoire : Andrés MARTINEZ
MEMBRES DU JURY : 21 janvier 2020 Ilaria AGOSTINI : Architecte, docteur en architecture. Maître de conférence HDR en Architecture et Urbanisme à l’Université de Bologne Hélène GUERIN : Docteur en histoire de l’art contemporain. Maître de conférences associé en HCA à l’ENSAM Jean-Paul LAURENT : Architecte et ingénieur. Maître de conférences en STA à l’ENSAM Andrés MARTINEZ : Architecte et urbaniste, docteur en architecture. Maître de conférences en TPCAU à l’ENSAM
SOMMAIRE Introduction
11
I - Pourquoi la reconversion ? 1 - Les caractéristiques de l’architecture industrielle A - L’histoire de l’industrie en Europe B - Les différentes typologies architecturales du bâtiment industriel
17 17
2 - Du site industriel à la friche A - Les différentes causes de l’abandon des sites industriels en Europe B - Les friches industrielles : un nouveau patrimoine urbain
27
3 - La friche industrielle comme nouveau sujet d’étude A - Une grande diversité de programmes B - Les choix architecturaux et les types d’intervention
35
II - Le programme culturel au centre de la reconversion 1 - Le Matadero : de l’abattoir au centre de création contemporain A - Les abattoirs municipaux de Madrid : du début à la fin des activités B - Le projet Matadero Madrid : diversité des interventions culturelles
47 47
2 - L’entrepôt municipal des sucres devient la Sucrière A - L’histoire de l’entrepôt national des sucres de Lyon B - Le nouveau lieu d’accueil de la biennale d’art contemporain
59
3 - Les limites du programme culturel A - L’obsolescence d’un programme éphémère B - Un programme entre le public et le privé
67
III - La relation entre la reconversion et le projet urbain 1 - Le Matadero : projet au coeur d’un quartier naissant A - Le site industriel rattrapé par la ville B - La relation étroite avec avec le projet « Madrid Rio »
77 77
2 - La Sucrière, nouvelle dynamique pour la Confluence A - La Sucrière au coeur des politiques de renouvellement urbain B - Du quartier industriel au nouveau centre attractif
83
89
3 - Les échelles du projet
Conclusion
93
Bibliographie
94
Index des illustrations
96
Annexes
99
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier principalement mon directeur de mémoire, Andrés Martinez, pour m’avoir
guidée tout au long de mon travail de recherche et pour son soutien malgré les difficultés rencontrées. Je souhaite remercier également Hélène Guerin pour ses conseils et ses encouragements lors de ma soutenance blanche. Ce travail n’aurait pas été le même sans les échanges avec les autres étudiants de l’ENSAM. Je remercie également mes proches pour m’avoir accompagnée dans mes enquêtes de terrain et s’être intéressés à ce sujet qui me tenait à coeur.
AVANT-PROPOS
Le choix de mon sujet de recherche, même s’il m’a depuis le départ semblé être une évidence
de part ma sensibilité aux éléments architecturaux du passé et principalement aux espaces oubliés, est resté longtemps sujet de questionnements. Mes incertitudes ce sont avérées être l’objet même de ce travail qui a été pour moi l’occasion de dépasser mes aprioris et remettre en cause mes convictions. Ce mémoire est le résultat de va et vient entre mes recherches documentaires et mes explorations de chacun des sites. La confrontation entre les informations collectées et mon vécu lors des visites des lieux a engendré parfois des doutes, parfois des surprises, rendant l’exercice d’autant plus intéressant.
FIGURE 1.1 - Le Matadero à Madrid.
FIGURE 1.2 - Le Matadero à Madrid.
FIGURE 1.3 - Le Matadero à Madrid.
INTRODUCTION
Les villes d’aujourd’hui se construisent sur les traces des sociétés passées. L’UNESCO définit
le patrimoine culturel comme « dans son sens le plus large, à la fois un produit et un processus qui fournit aux sociétés un ensemble de ressources héritées du passé, créées dans le présent et mises à disposition pour le bénéfice des générations futures. (…), ces ressources constituent des « richesses fragiles » et nécessitent comme telles des politiques et des modèles de développement qui préservent et respectent la diversité et le caractère unique du patrimoine culturel, car une fois perdues, elles ne sont pas re-nouvelables. » Plus précisément liées au patrimoine culturel bâti, les notions de conservation et de protection sont importantes car ce patrimoine d’une autre époque n’est plus dans la plupart des cas, adapté aux modes de vie actuels. Se pose alors la question de l’usage de ces bâtiments. La conservation du patrimoine architectural du XVIIème siècle ou du XVIII semble incontestable. Mais en ce qui concerne le patrimoine industriel, se pose la question de l’intérêt de sa réhabilitation. Héritage de la révolution industrielle du XIXème siècle, il comprend tout un ensemble de constructions destinées à accueillir des unités de production. Il se compose dans la majorité des cas de grands espaces caractérisés par l’utilisation de la brique et du métal. La dimension esthétique de cette architecture est souvent reléguée au second plan, au profit des aspects fonctionnels et pragmatiques.
Dans les années 1970, de nombreuses friches industrielles apparaissent dans les villes.
Selon Saffache1, elles peuvent se définir comme des « surfaces laissées à l’abandon, non encore construites ou supportant des constructions insalubres, en milieu urbain ». Pour Dumesnil et Ouellet, ce sont d’« anciens sites industriels - usines ou terrains associés à des usines, tels des entrepôts ou des décharges - qui sont maintenant abandonnés ou sous - utilisés ». Les principales causes de ces fermetures sont la crise économique qui suit les Trente Glorieuses ainsi que le développement de la concurrence liée à la mondialisation. L’étalement important des villes à cette même période va obliger les entreprises à fermer ou délocaliser leur production, à l’origine implantée en périphérie, mais progressivement rattrapée par le bâti. Ces espaces représentent un enjeu réel pour les villes
1
BENALI, Kenza, « La reconversion des friches industrielles en quartiers durables », Cahiers de géographie du
Québec, Volume 56, Numéro 158, Septembre 2012, p. 297-312, (URL :https://www.erudit.org/fr/revues/cgq/2012-v56n158-cgq0478/1014548ar/). 11
FIGURE 2.1 - La Sucrière à Lyon.
FIGURE 2.2 - La Sucrière à Lyon.
FIGURE 2.3 - La Sucrière à Lyon.
d’aujourd’hui. En effet, ils font partie de l’histoire de la ville, de son développement et de sa culture. La conservation de ces lieux atypiques est souvent un sujet de désaccord, car en l’état, ils représentent un obstacle au développement de la ville. Mais ils constituent dans le même temps, une ressource foncière importante et leur démolition dans le but de reconstruire, occasionne inévitablement une perte de l’identité historique du quartier.
Lorsque les villes sont confrontées aux difficultés posées par l’étalement urbain, les politiques
locales tentent de trouver des solutions adaptées. Depuis les années 2000, les villes d’Europe ont adopté la « reconstruction de la ville sur elle-même » (Spector et Theys, 1999), en densifiant le bâti existant. Dynamique associée à celle du « développement durable et de la requalification urbaine »2. Ces deux approches mettent au premier plan les friches industrielles.
La reconversion, en opposition à la destruction, a pour objectif de préserver le passé du
bâtiment tout en lui offrant une deuxième vie (ces lieux appartiennent généralement aux mairies et leur reconversion dépend souvent de la volonté des collectivités locales à y créer de nouveaux espaces ou à un besoin de visibilité ). La notion de friche industrielle est une thématique qui selon moi doit être traitée comme un potentiel architectural à réhabiliter, de manière à reconnecter des quartiers oubliés à la ville moderne. Ce processus doit prendre en considération l’histoire et la culture associées au lieu et les interventions doivent mettre en avant les parties existantes du bâtiment. Il n’y a pas de règle en matière de reconversion et les interventions sont très variées, parfois conservatrices, parfois destructrices.
Cette dynamique de reconversion des sites industriels est un phénomène qui se développe
énormément depuis les années 2000. Les projets sont très divers, autant en terme de programme que de traitement de l’existant. Ce qui m’amène à m’interroger sur les différentes méthodes à adopter, ainsi que sur leurs conséquences sur le site en lui-même et sur son environnement.
Mes recherches sur le sujet m’ont permis de constater qu’une grande majorité de ces
sites reconvertis ont aujourd’hui une vocation culturelle. La raison de cette orientation pourrait être liée à la contrainte imposée par la structure du bâtiment industriel, offrant souvent de grands espaces. Il s’agit aussi dans beaucoup de cas de bâtiments publics appartenant à la ville ou aux collectivités locales, ce qui peut expliquer leur reconversion pour un usage destiné au grand public.
2
SMITH, Paul, « La reconversion des sites et des bâtiments industriels », In Situ [En ligne], 26 | 2015, mis en ligne
le 07 juillet 2015, consulté le 07 août 2019. 13
FIGURE 3.1 - L’Arsenal à Tarbes.
FIGURE 3.2 - Le Lieu Unique à Nantes.
FIGURE 3.3 - La Battersea Power Station.
Mes recherches m’ont amenée à penser que le choix d’un programme culturel, évènementiel ou associatif est à la fois une manière de faire vivre les lieux tout en limitant les interventions sur le bâtiment existant et ainsi de préserver une part de son histoire. Les programmes culturels qui étaient pour moi à priori un prétexte à la transformation, se voient justifiés à travers les démarches politiques, géographiques et sociales mises en place.
Je vais m’appuyer ici sur deux cas de reconversion, afin d’appréhender la relation étroite
entre la friche industrielle, le programme culturel et l’impact urbain. En premier lieu, il s’agira du Matadero situé à Madrid et qui à l’origine servait d’abattoirs. Aujourd’hui en partie reconverti, le nouveau programme accueille entre autres une bibliothèque, des salles d’exposition et un restaurant. Le deuxième site étudié est celui de la Sucrière à Lyon. Il s’inscrit dans un projet de réaménagement plus global, la Confluence. L’ancienne usine de sucre accueille désormais de nombreux évènements, notamment la Biennale d’art contemporain.
Ces deux anciens sites industriels ont des similitudes. Construits initialement à l’extérieur du
centre historique et en bord de fleuve, ils ont vu le développement des villes les rattraper. De plus, leur reconversion s’est inscrite dans un programme culturel. Il me semble intéressant de comprendre comment ces projets ont été mis en œuvre, grâce à quels acteurs et comment le passage d’un état de friche industrielle à un bâtiment aux usages nouveaux a influencé le quartier dans lequel chacun de ces projets s’intègre.
Parallèlement à ces deux analyses je m’appuierai sur d’autres projets afin d’établir une vision
plus global du sujet et d’en comprendre à la fois les complexités et les possibilités qui y sont attachées.
15
FIGURE 4 - La Manufacture royale de Tapisserie des Bobelins, Paris XIIIe arr.
I - POURQUOI LA RECONVERSION 1 - LES CARACTÉRISTIQUES DU SITE INDUSTRIEL
A - L’HISTOIRE DE L’INDUSTRIE EN EUROPE
L’industrie telle qu’on la connaît aujourd’hui est le résultat de mutations progressives des
systèmes de production. D’après l’ouvrage « l’archéologie industrielle » de Jacques PINARD, son origine peut être identifiée à la fin du moyen âge, avec une première évolution de la production qui initialement exclusivement manuelle est ensuite associée à de nouvelles techniques. « La première étape de modernisation intervint lorsque l’énergie humaine put être remplacée par une autre source d’énergie d’origine naturelle ou animale : il s’agissait de discipliner une force, donc de la maîtriser, pour la convertir en un mouvement régulier et constant, l’intervention d’une machine devenant alors nécessaire : c’est le principe de la roue à aubes ou des ailes du moulin captant la force d’un cours d’eau ou celle du vent (…) »3. Le développement de mécanismes divers permettant d’utiliser la force du vent, de l’eau ou des animaux à permis d’améliorer les conditions de travail des artisans et d’accroître leur productivité.
En France, l’apparition de bâtiments industriels quant à elle remonte seulement au XVIème
et XVIIème siècle. En effet, on voit apparaître les premières manufactures qui vont rassembler les ateliers et la main-d’oeuvre dans un espace de production. Ces sites vont se développer à l’écart des villes, dans des zones facilement aménageables et proches des cours d’eaux, principales sources d’énergie disponibles. Dirigés par la noblesse et bourgeoisie ces établissements sont très similaires aux constructions liées à cette classe sociale que sont les demeures seigneuriales. « Il s’agissait de maisons dessinées selon un plan géométrique en respectant une parfaite symétrie par rapport à un axe central, élevées avec des proportions harmonieuses, en pierre de taille, au moins pour les chaînes d’angles, les corniches et l’entourage des fenêtres, surmontées de grands toits de tuiles ou d’ardoises, avec des combles à la Mansart, et comportant des éléments de décoration sur leurs longues façades percées de nombreuses ouvertures comme dans les châteaux auxquels
3
PINARD, Jacques : « L’archéologie industrielle », Presses Universitaires de France 17
FIGURE 5 - La Gare Saint-Lazare de Claude Monet, 1877
ces manufactures ressemblaient parfois. »4 Le personnel, les écuries et le stockage des matières premières se trouvaient dans des annexes situées de part et d’autre du bâtiment principal.
Les siècles suivant, les premières grandes entreprises vont voir le jour, destinées principalement
à une production de luxe pour des échanges entre les pays européens. Elles vont s’implanter dans des bâtiments existants puis déménager en fonction de la croissance de la production. Avec le soutient de l’État, ces manufactures vont se développer et s’étendre au productions de produits du quotidien tels que les draps ou le papier. Le siècle des lumières et les prémices de la Révolution Industrielle telle que la définissent les historiens vont entrainer une réorganisation des sites de production de manière à rassembler les diverses étapes de fabrication.
La fin du XVIIIème et le début du XIXème siècle marquent une avancée majeure avec l’arrivée
au Royaume-Uni de la machine à vapeur, lancée par le développement des mines d’extraction du charbon. Cette nouvelle invention va permettre le développement de nouveaux modes de transport plus rapides et l’expansion de nombreuses industries telles que le textile. En parallèle, l’utilisation de nouveaux matériaux révolutionnent la construction, d’abord la fonte puis le fer et plus tard l’acier. Cette Révolution Industrielle va avoir pour conséquence une véritable métamorphose du paysage industriel européen. La machine à vapeur va modifier l’aménagement des usines par le besoin d’un local contenant la chaudière et le générateur de vapeur, ainsi que l’apparition de la cheminée aujourd’hui symbole de l’architecture industrielle. Le plan qui va rapidement se répandre, est un quadrilatère avec une cours centrale contenant la chaudière pour les plus grandes usines, et pour les plus petites une cheminée à l’extrémité du bâtiment. Par la suite, la multiplication des sites et la croissance de la production ont engendré de nouvelles transformations architecturales. La pierre est rapidement remplacée par des briques ou des parpaings et le bois laisse place à la fonte et le fer. Le bâtiment industriel adopte une esthétique plus austère et rationnelle. Les sheds sont mis en place pour apporter de la lumière dans ces vastes surfaces. Le XXème siècle voit se développer une véritable identité de l’architecture industrielle avec le béton armé, les poutrelles en acier et le verre. Ce sont toutes ces étapes qui ont menées à l’architecture industrielle que nous connaissons aujourd’hui, intégrant des espaces fonctionnels à l’écart des villes, à proximité des axes de circulation et dont les formes s’adaptent au type de production qu’ils accueillent.
4 Ibid. 19
FIGURE 6.1 - Carte postale des grands moulins de Pantin.
FIGURE 6.2 - Les grands moulins de Pantin façade et coupe.
FIGURE 6.3 - Les grands moulins de Pantin nouveaux locaux d’un groupe bancaire.
B - LES DIFFÉRENTES TYPOLOGIES ARCHITECTURALES DU BÂTIMENT INDUSTRIEL
La mutation progressive des moyens de production a engendré des transformations
architecturales et progressivement, le bâtiment industriel a adapté sa forme à ses contraintes spécifiques, généralement d’ordre technique et économique. Ainsi, différentes typologies d’architectures industrielles vont voir le jour pour répondre à des besoins variés. La caractéristique commune de tous ces édifices étant la robustesse de la structure. Dans « Reconversions. L’architecture industrielle réinventée », Emmanuelle Real propose une analyse des typologies de l’architecture industrielle classées en trois catégories : l’architecture industrielle fonctionnelle, l’architecture industrielle rationnelle et l’architecture industrielle de prestige5.
Lorsqu’elle parle d’architecture industrielle fonctionnelle, il s’agit d’une structure de l’espace
qui s’adapte à des besoins de production spécifiques à sa fonction. Elle comprend donc une multitude de typologies. Les usines de textiles font partie de cette catégorie. Il s’agit de grands bâtiments monoblocs, comprenant plusieurs niveaux et ouverts en façade de façon à bénéficier d’un apport de lumière sur les grands plateaux. L’arrivée de la machine à vapeur n’a pas changé la morphologie de ces lieux, elle a seulement nécessité l’installation d’annexes pour accueillir la cheminée et la salle des machines. Un exemple de cette typologie architecturale est l’usine Le Blan à Lille, une ancienne filature de lin transformée en logements sociaux.
Les entrepôts portuaires, eux, sont composés d’espaces de stockage de marchandises et
sont situés en bord de voies fluviales. Ces bâtiments à étages nécessitent une structure résistante au poids et sont pour la plupart construits en maçonnerie de brique associée à une ossature en bois ou en métal, puis progressivement vers le début du XXème siècle, ces matériaux seront remplacés par le béton armé comme nous le verrons par la suite avec l’ancien entrepôt des sucres de Lyon devenu la Sucrière.
Un dernier exemple intéressant est celui des grands moulins dont la production se fait de
haut en bas. Un étage entier est associé à chaque étape de transformation du grain. Ces bâtiments nécessitent donc de grands volumes verticaux. En Seine-Saint-Denis, sur les rives du canal de
5
REAL, Emmanuelle : « Reconversions. L’architecture industrielle réinventée », In Situ [En ligne], 26 | 2015, consulté
le 6 novembre 2019. (URL : http://journals.openedition.org/ insitu/11745 ; DOI : 10.4000/insitu.11745), page 14. 21
FIGURE 7.1 - L’ancienne halle de stockage de la SNCF.
FIGURE 7.2 - Plan et coupes de l’ancienne halle de la SNCF.
FIGURE 7.3 - La Halle Pajol reconverti par l’agence Jourda architectes .
l’Ourcq, les trois tours des grands moulins de Pantin sont un symbole du Grand Paris du XIXème siècle. Le moulin sur huit niveaux est reconstruit en 1923 par l’architecte Eugène Haug suivant le modèle alsacien6 « le moulin, le silo à grains, le beffroi château d’eau d’une hauteur de 47 mètres puis la chaufferie équipée de la puissante chaudière Babcock & Wilcox, chargée de produire l’électricité. Le transbordeur, l’un des éléments les plus originaux, est conçu pour charger les sacs de farine sur les péniches. Ce projet, déjà Chaudière Babcock & Wilcox gigantesque pour l’époque, s’ancre dans le mouvement architectural régionaliste : ossature en béton armé, maçonnerie en brique blonde du nord et haut de comble à pans brisés. »7. Son activité prend fin en 2001, les architectes Reichen et Robert sont à l’origine de la transformation et de l’extension de ce site qui accueille aujourd’hui le siège social d’une banque8.
Les grandes halles et les sheds sont des espaces rationalisés conçus dans le but de répondre
à des besoins variés. Les premières vont apparaitre au XIXème siècle avec l’arrivée des lignes de chemin de fer et le besoin de grands espaces pour abriter les locomotives. « La solution est apportée par un ingénieur français, Camille Polonceau, qui met au point un système de couvrement ingénieux associant des tirants articulés en fer et des éléments en fonte. »9. Les Sheds font leur apparition au début du XIXème siècle en Angleterre et se généralisent en Europe, cinquante ans plus tard avec la baisse du coût du verre. Il s’agit le plus souvent de grandes surfaces en rez de chaussée avec un plan libre permettant diverses activités. La toiture en shed permet un éclairage de la surface intérieure grâce à une pente opaque et une plus petite vitrée principalement orientée au nord. La Halle Pajol est un exemple de ce type d’architecture, l’ancien espace de stockage de la SNCF à Paris a été entièrement réaménagé par l’agence Jourda architectes et seule la structure métallique en Sheds a été conservée. Le lieu est aujourd’hui un espace multifonctionnel comprenant des bureaux, un parc et une auberge de jeunesse.
6
Inventaire national des moulins de France, Grands Moulins de Pantin, (URL : https://fdmf.fr/moulins-de-france/
liste-moulin/france/ile-de-france/seine-saint-denis/grands-moulins-de-pantin/) 7
BNP Paribas Archives & Histoire Groupe, « Grands Moulins, Pantin », 2016, page 5, (URL : https://histoire.
bnpparibas/wp-content/uploads/10-Moulins-de-Pantin-VF.pdf) 8
RAMBERT, Françis, « Un bâtiment combien de vie ? La transformation comme acte de création », page 145.
9
REAL, Emmanuelle : Op. Cit, page 22. 23
FIGURE 8.1 - La centrale éléctrique de Bankside avant sa reconversion.
FIGURE 8.2 - La centrale éléctrique de Bankside avant sa reconversion.
La troisième catégorie, très similaire aux deux premières dans son organisation intérieure,
se distingue toutefois par un traitement spécial en façade. Il s’agit de l’architecture industrielle de prestige. Les manufactures royales apparaissent au XVIIème siècle. Elles sont un symbole du pouvoir de la royauté et les plus grands architectes sont mobilisés pour faire de ces lieux, de véritables œuvres d’art, au même titre que les grands palais. Au XIXème siècle, l’industrie s’impose comme source principale du pouvoir économique et de nombreux bâtiments vont être dessinés de façon à mettre en avant la puissance du détenteur. Il s’agit des châteaux de l’industrie dont les différents traitements des façades tranchent avec la rationalisation des espaces intérieurs.
Le siècle suivant, la seconde révolution industrielle impose la puissance de l’énergie
électrique et les centrales électriques en sont le symbole. C’est le cas de l’ancienne centrale électrique de Bankside à Londres. L’immense édifice datant de 1950 est aujourd’hui connu comme étant la célèbre Tate Modern Gallery, dont la particularité est d’offrir un libre accès aux visiteurs afin de mettre l’art et la culture à la portée de tous. Les architectes Herzog & de Meuron ont conservé la façade monolithique symbole de cette nouvelle révolution industrielle. La même époque voit également se développer les usines modernes, lieux de nouvelles méthodes de production avec le travail à la chaîne.
Même si elle prend diverses formes pour répondre à des besoins variés, l’architecture
industrielle est très caractérisée et reconnaissable par ses grands plateaux à la trame réglée, ses cheminées et l’utilisation de matériaux tels que la brique, le béton et l’acier.
25
FIGURE 9 - Friche de l’Arsenal à Tarbes.
2 - DU SITE INDUSTRIEL À LA FRICHE
A - LES DIFFÉRENTES CAUSES DE L’ABANDON DES SITES INDUSTRIELS EN EUROPE
Les ruines de la révolution industrielle sont l’illustration d’un changement de société.
Chaque époque connaît des mœurs et des besoins qui lui sont propres et auxquels est associé un ensemble d’infrastructures. Lorsque les besoins changent ou que les évolutions techniques rendent les méthodes traditionnelles obsolètes, les infrastructures qui leur sont associées se retrouvent à l’abandon. Si ces bâtiments ne connaissent pas une deuxième fonction ou une évolution, ils passent rapidement à l’état de ruine. La friche industrielle est la conséquence de cet arrêt de l’activité.
En Europe, la désindustrialisation débute en 197010. Après les deux révolutions industrielles
qui ont fait de l’Europe le leader de l’industrie mondiale, celle-ci va entraîner un changement de société important. L’industrie est reléguée au second plan et laisse la place au secteur tertiaire. Les pays tels que la Chine, l’Inde, la Russie ou le Brésil vont peu à peu conquérir les secteurs industriels au dépend des pays Européens pour qui les coûts de production représentent un frein en matière de compétitivité à l’échelle mondiale. Face à la mondialisation, les entreprises qui veulent s’adapter aux nouvelles contraintes vont devoir mettre en place des processus de modernisation et par conséquent abandonner le site d’origine pour de nouveaux locaux mieux adaptés. Celles qui ne sauront pas évoluer devront fermer leurs portes ou délocaliser leur activité dans des pays où les coûts de production sont réduits. L’Europe connaît également un effondrement des grands secteurs industriels que sont les bassins miniers, la sidérurgie ou encore les usines textiles. En parallèle, la croissance des villes et l’étalement urbain crée des conflits entre les nouvelles zones urbaines et les industries autrefois placées en périphérie. Peu à peu, de nombreux bâtiments industriels sont laissés à l’abandon et leurs situations dans les villes vont faire apparaître des zones inoccupées.
En France, la désindustrialisation est associée à la fin des trente glorieuses, période de
grande prospérité durant laquelle se développe une consommation de masse grâce à la hausse du pouvoir d’achat. Les entreprises se multiplient rapidement puis la crise économique qui lui succède occasionne alors la fermeture d’un grand nombre d’entre elles.
10
DAUMALIN, Xavier, MIOCHE, Philippe, « La désindustrialisation au regard de l’histoire » 2013, (URL : https://
journals.openedition.org/rives/4471) 27
FIGURE 10.1 - Maquette de la biscuiterie LU durant sa période d’activité.
FIGURE 10.2 - La biscuiterie LU durant sa période d’activité.
FIGURE 10.3 - La biscuiterie LU aujourd’hui.
En 1980, le nombre de friches industrielles est tel que l’état doit mettre en place une
politique d’aménagement du territoire. « En 1985, le rapport Lacaze sur « les grandes friches industrielles », commandé par la délégation interministérielle à l’Aménagement du territoire et à l’attractivité régionale (DATAR), dresse un état des lieux alarmant. Près de 20 000 hectares de friches industrielles sont recensés sur l’ensemble du territoire, dont 10 000 dans le Nord-Pas-deCalais, 3 000 en Lorraine, 1 000 en Île-de-France, 450 en Rhône-Alpes et autant en Normandie. »11. L’ampleur du phénomène oblige les différents états et les communes à prendre des décisions pour la gestion de ces infrastructures laissées à l’abandon. Une solution évidente consiste en la démolition. Cependant, elle signifie renoncer à une partie de l’histoire du pays.
À Nantes, à proximité immédiate du château, la biscuiterie LU12 fondée en1886 par les
pâtissiers Lefèvre-Utile s’installe au bord de la Loire. Dès 1878 l’activité se développe et de grands espaces sont nécessaires pour la mécanisation de la production. La zone est alors propice à l’installation des nouveaux locaux. Après la première guerre mondiale, l’usine va de nouveau devoir se moderniser pour faire face à une concurrence dont la production est déjà équipée des dernières technologies. Le site est alors insuffisant et l’usine LU va s’installer à l’écart de la ville. Plusieurs phases de démolition vont toucher les anciens locaux dont la destruction d’une des deux tours et la décapitation de la deuxième. Quand les démarches de réutilisation du lieu commencent, il ne reste plus de l’ancienne usine que l’extension Ferdinand-Favre. Aujourd’hui, même si une moitié du site a été restaurée et réaménagée, le passé du lieu n’est plus visible qu’en partie et le paysage urbain ne permet pas d’appréhender l’ampleur de ce qu’a été cette industrie.
11
REAL, Emmanuelle, Op. Cit., p1
12
DELGADILLO MORALES, Dalila, « La reconversion du patrimoine industriel nantais : un enjeu d’actualité pour la
métropole ». Architecture, aménagement de l’espace. 2017. Dumas-01655721 29
FIGURE 11 - Album « Animals » des Pink Floyd sorti en 1977
B - LES FRICHES INDUSTRIELLES, NOUVEAU PATRIMOINE URBAIN
En 1977, la sortie de l’album « Animals » des Pink Floyd immortalise la centrale électrique de
Battersea à Londres, présente sur la couverture. Les quatre cheminées deviennent alors un symbole de l’industrie londonienne utilisé par de nombreux artistes. La première partie est construite en 1930 par l’architecte Giles Gilbert Scott, la centrale à charbon sera complétée par sa deuxième moitié en 1950. Quand l’activité prend fin en 1930, ce lieu unique va devenir le théâtre de divers évènements culturels (festivals, concerts, tournages de film, etc.). Bien que de nombreux bâtiments datant de la révolution industrielle soient aujourd’hui hors d’usage, ils restent les témoins de l’évolution rapide de nos sociétés. La réhabilitation de la centrale électrique de Battersea est prévue pour 2020, elle se verra offrir une nouvelle vie au même titre que la centrale de Bankside au bord de la Tamise devenue le Tate Modern dans les années 2000. Nous reviendrons sur ces transformations en cours par la suite.
La conséquence de la fin de l’industrie en Europe est l’apparition de nombreuses friches
dans le paysage urbain. La première intuition est celle de la démolition, l’espace ainsi libéré est végétalisé puis vendu pour de nouvelles constructions immobilières. Ce renouveau est un moyen de tourner la page sur une industrie dont l’image collective est plutôt négative. Mais cela signifie aussi une perte des symboles de l’histoire de l’état. Une sélection est alors nécessaire car tous les anciens bâtiments ne peuvent être conservés, notamment quand il s’agit d’industries lourdes situées à l’écart des villes. Pour les plus petites infrastructures, la reconversion est une solution qui s’impose, car elle permet de conserver l’identité du site tout en lui apportant des usages propres à l’évolution des sociétés. Toutefois, la pollution laissée sur les sites peut représenter un frein à la réutilisation de ces bâtiments. Les terrains laissés à l’abandon peuvent avoir des effets néfastes pour l’environnement, et les coûts liés à la décontamination des sols sont souvent importants. La question se pose alors de savoir qui va les prendre en charge.
La notion de patrimoine concernant les anciennes infrastructures industrielles apparaît
d’abord en Grande-Bretagne et dans le nord de l’Europe. Elle se répand ensuite en France avec plus de réserve. Face à la destruction de véritables symboles de l’industrie, des démarches d’opposition
31
seront entreprises par les défenseurs de ce nouveau patrimoine. Ainsi, le CILAC13 apparaît en 1979, il s’agit de la première association pour la préservation du patrimoine.
C’est dans les années qui suivent que le ministère de la Culture instaurera des mesures de
conservation du patrimoine industriel et d’aménagement de ces territoires. En 1983, André Chastel participe à la mise en place de l’intégration des bâtiments industriels dans l’inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France. Une équipe est charchée de commencer progressivement le recensement des sites industriels en France et par la suite d’effectuer un tri sur ce qui doit être conservé. Le rapport Lacaze14 de 1985 sur les friches industrielles indique une méthode à adopter qui doit être propre à chaque bâtiment, à son positionnement sur le territoire et à son potentiel de développement. Suite à cette nouvelle considération, plusieurs édifices vont être classés au titre de monuments historiques. Là où l’on commence à voir les friches industrielles comme des richesses de notre patrimoine, le classement ne suffit pas et il faut pour pouvoir les conserver en leur donner un nouvel usage. « Protéger est une chose. Animer, faire vivre, supporter les charges d’entretien et de fonctionnement en est une autre »15.
13
Le CILAC - Comité d’information et de liaison pour l’archéologie, l’étude et la mise en valeur du patrimoine
industriel. 14
LUCCHINI, Françoise, « La mise en culture des friches industrielles », Presses Universitaires de Rouen et du
Havre, page 8. 15
Rapport du préfet Loiseau « Une politique pour le patrimoine industriel » dans REAL, Emmanuelle : Op. Cit,
page 4. 33
FIGURE 12 - Le Lleialat Santsenca à Barcelone.
3 - LA FRICHE INDUSTRIELLE : UN NOUVEAU SUJET D’ÉTUDE POUR LES ARCHITECTES
A - UNE GRANDE DIVERSITÉ DE PROGRAMMES
Depuis les premiers projets de reconversion dans les années 1970, une multitude d’usines, d’entrepôts et autres bâtiments industriels ont connu des transformations pour pouvoir accueillir de nouvelles fonctions. Ces dernières sont très diverses mais certains programmes sont davantage privilégiés.
Les écrits introduisant le colloque de Belfort se basent sur deux constats : « la reconversion
de sites industriels ne saurait être une fin en soi, mais simplement le passage obligé et nécessaire à la conservation pérenne des édifices ou des paysages qui constituent, à nos yeux, le patrimoine de l’industrie. »16. L’acte de reconversion ne serait alors qu’un prétexte à la transmission de l’histoire industrielle. Si l’on accepte pour l’instant cette première idée, la suivante serait : « Peu importe, finalement, le nouvel usage des lieux : qu’il soit logements, bureaux, bibliothèques, universités, commerces ou pourquoi pas garages d’automobiles ou discothèques, seul compte à nos yeux de savoir si la nécessaire et imparable transformation architectonique laisse subsister ou non et transparaitre ou non le sens que possédait le lieu durant sa première vie, initialement. »17.
La question du sens semble donc importante mais totalement dissociée du programme
choisi, le sens étant ici l’histoire du bâti et la façon dont celle-ci est transmise. En revanche, les transformations qui touchent un bâtiment industriel lors de sa reconversion ne peuvent être minimisées. Les choix architecturaux et les contraintes liées au programme peuvent aussi bien être respectueux de l’existant que destructeurs. L’auteur poursuit son discours sur la question du sens de la reconversion en précisant que l’architecte comme le maître d’oeuvre sont chargés de transmettre l’histoire du lieu dans leurs décisions. Mais avant d’opter pour une stratégie architecturale, il faut choisir une fonction pour le futur bâtiment. Ainsi, ce qui nous intéresse ici est de connaître l’impact du choix du programme sur la reconversion. Pourquoi un programme plutôt qu’un autre, quelles
16
ANDRÉ, Bernard, (secrétaire général du CILAC, « Regard critique sur trente ans de reconversion », L’archéolo-
gie industrielle en France n°60, page 9 17
Ibid, page 9 35
FIGURE 13 - Savonnerie Heymans à Bruxelles.
FIGURE 14 - École d’architecture de Paris Val de Seine.
conséquences sur le bâtiment et sur ses alentours. À travers quelques exemples de reconversion, on peut saisir la relation entre le programme et l’ancien bâtiment.
Parmi les erreurs d’urbanisme observées au XXème siècle et soulevées dans plusieurs ouvrages,
on note que l’étalement des villes a entrainé la destruction de nombreux espaces naturels et un aménagement des villes par la dispersion des zones d’activités. Les problématiques actuelles vont dans le sens d’un nouveau principe d’urbanisation durable basé sur la « reconstruction de la ville sur elle-même » (Spector et Theys, 1999) en densifiant le bâti existant. Cette tendance va voir se développer des quartiers durables construits dans d’anciennes friches industrielles, mouvement d’abord lancé en Europe du Nord puis qui va se développer dans toute l’Europe et en Amérique du Nord. Aujourd’hui, le logement n’est pas le programme le plus plébiscité, mais plusieurs projets semblent intéressants à étudier.
Sur les traces de l’ancienne savonnerie Heymans en Belgique, un quartier de quarante deux
logements sociaux a été construit en 2005. Le projet a été mené par l’agence d’architecture «MDW Architectes» qui a allié conservation de l’histoire du lieu avec modernité et confort de vie. Les transformations ont été importantes dans cette reconversion ou la majeure partie du site actuel est constituée d’éléments nouveaux. Seuls les éléments marquants et identitaires du site historique ont été conservés tels que la grande cheminée et le mur d’enceinte.
L’article de Kenza Benali intitulé «la reconversion des friches industrielles en quartiers
durables», de 2012, expose un des problèmes majeurs lié à ce type de reconversion qu’est le phénomène de repli sur soi et de ségrégation. Le site n’étant accessible qu’à une catégorie de population, ici une population aisée. En effet, ces nouveaux projets durables bénéficient de qualités environnementales et d’une exposition médiatique qui rendent le coût des logements élevé. Cette problématique semble cependant concerner la création de logements en général. Elle concerne moins la reconversion de friches industrielles à proprement parler.
Toujours dans cette nouvelle dynamique urbaine de création d’une unité dans la ville, les
politiques urbaines vont chercher à rassembler diverses fonctions de manière à créer une cohérence urbaine. Ainsi, de nombreux projets ont été menés pour ramener des fonctions, autrefois mises à l’écart, au cœur de la ville. Pour répondre à cet objectif, des projets vont être mis en œuvre comme par exemple la transformation de l’ancienne usine d’air comprimé de la Sudac construite en 1891 par l’architecte Frédéric Borel. Elle accueille aujourd’hui l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris Val de Seine. Les locaux existants ne suffisaient pas à accueillir les deux 37
FIGURE 15.1 - Vue extérieure du Lieu Unique à Nantes.
FIGURE 15.2 - Vue intérieure de la salle d’exposition du Lieu Unique à Nantes.
FIGURE 15.3 - Vue extérieure du Lieu Unique à Nantes.
mille étudiants de l’école, une extension a donc été réalisée. Le nouveau bâtiment comporte les salles de cours et les amphithéâtres, tandis que l’ancienne halle abrite la bibliothèque ainsi que des espaces d’exposition. Les deux édifices, issus de deux époques se font face et sont reliés par deux passerelles. La haute cheminée d’origine a été conservée. L’ensemble de la construction donne à cet espace une monumentalité assumée. Ici encore, les interventions sont importantes pour pouvoir accueillir un programme aux contraintes exigeantes. C’est le cas des facultés, des écoles ou encore des bureaux dont le quotidien des occupants nécessite des aménagements spécifiques.
Les complexes culturels, évènementiels et associatifs sont nettement plus nombreux que les
programmes précédents. Ce sont ces derniers qui vont nous intéresser plus particulièrement par la suite. Ils sont très divers et laissent à l’architecte une plus grande liberté. Ce type d’aménagement nécessite de grands espaces, de la modularité et les contraintes y sont nettement moins importantes que pour les cas précédents. Ils sont pour cela propices à investir un ancien bâtiment industriel répondant aux mêmes caractéristiques. L’avantage également de ces programmes réside dans l’importance de leur médiatisation. En effet, pour qu’un bâtiment culturel fonctionne, il faut qu’il attire une grande population. Ainsi, le bâtiment culturel devient le moteur de nouvelles dynamiques au sein d’un quartier.
Le Lieu Unique installé dans la partie conservée de la Biscuiterie LU à Nantes est devenu
un espace de restauration et d’exposition. Ce nouvel usage est respectueux du bâtiment d’origine, dont la façade extérieure a été agrémentée d’une signalétique nouvelle qui invite les passants à venir découvrir le lieu. Une fois à l’intérieur, on constate que les murs et la structure d’origine sont bien présents et que les aménagements sont modestes, dans un style moderne et industriel faisant écho au passé de l’usine. Les différents espaces occupés par le restaurant, la boutique, et la grande salle d’exposition, sont aménagés de manière différente conformément aux contraintes de chacun de ces programmes mais avec la même homogénéité liée au traitement brut de l’existant. La grande salle d’exposition incurvée est laissée libre et dépourvue d’aménagements autres que ses poteaux et sa toiture en Sheds apparants. Elle permet d’accueillir les œuvres surdimensionnées d’artistes variés. Par exemple, lors de ma visite, l’exposition « Blueman on tour » de l’architecte suisse Andrés Kuenzy occupait une grande partie de l’espace disponible. Des vidéos et des diaporamas de photos aux formats panoramiques étaient projetés sur les murs bruts du bâtiment et dans un immense chapiteau installé pour l’occasion. Ces images présentaient l’homme bleu, un personnage atypique, une figure muette, dénuée de genre, de religion ou d’identité qui a parcouru le monde 39
pour aller à la rencontre de l’homme dans toute sa diversité et sa simplicité. Des contacts sans échanges de paroles, juste des regards parfois furtifs et quelques mains tendues sont immortalisés sur des clichés hauts en couleurs.
Je retiens de cette expérience dans le Lieu Unique de Nantes, une nouvelle compréhension
de l’aspect culturel qui motive ces reconversions de bâtiments industriels. Car au delà de recréer un dynamisme dans un lieu laissé à l’abandon, ces nouveaux espaces sont générateurs de contacts humains, d’échanges et de partages. Ces lieux modestes et chargés d’histoire vivent grâce aux interactions de ses protagonistes, artistes, visiteurs, habitués, administrateurs et exploitants.
Les deux reconversions sur lesquelles s’appuie ma recherche sont également des
reconversions de bâtiments industriels en bâtiments culturels.
Chaque programme qui s’installe dans un bâtiment industriel, le transforme pour répondre à
ses nouveaux besoins. Les logements ainsi que les bureaux ou écoles demandent des modifications importantes et nécessitent généralement d’associer l’ancien à de nouveaux bâtiments. Les lieux culturels quant à eux offrent une plus grande liberté à l’architecte et ainsi la possibilité de préserver le site historique.
41
FIGURE 16.1 - Vue extérieure du Caixa Forum.
FIGURE 16.2 - Salle d’exposition du Caixa Forum.
FIGURE 16.3 - Escalier d’entrée du Caixa Forum.
B - LES CHOIX ARCHITECTURAUX ET LES TYPES D’INTERVENTION
On a pu constater que la destination choisie pour les programmes de reconversion a un impact
sur le bâtiment existant. Les choix des différents acteurs va également influencer l’orientation des projets. Il existe en effet une multitude de possibilités d’intervention sur le bâti existant. Certaines sont conservatrices, d’autres plus destructrices. Comment définir alors une bonne reconversion ? Cela demeure une question de point de vue. Paul Smith dans «La reconversion des sites et des bâtiments industriels» expose ce qui, selon lui, fait une bonne reconversion en tenant compte de chacun de ses acteurs. « Pour l’ami du patrimoine industriel, la réussite d’une opération relèverait de considérations comme le choix du programme approprié à la morphologie des bâtiments reconvertis, le respect des matériaux de ces bâtiments ou encore à l’intégration dans l’opération d’un espace consacré à l’interprétation de l’histoire du site. Pour un architecte, la réussite peut être une question d’équilibre et d’harmonie entre le bâti neuf et le déjà-là ; pour un aménageur, l’impact positif de l’opération sur son environnement urbain ; pour un promoteur, l’économie globale de l’opération, comprenant le cachet supplémentaire qu’apporte un patrimoine préservé ; pour un élu, les retombées médiatiques et la contribution à l’image et à l’attractivité de sa ville ; pour un usager, un environnement agréable à voir et à vivre... »18
La question de l’usage ayant été abordée précédemment, étudions celle de la transformation
physique du bâtiment. Même si les notions de coût et d’influence médiatique, ont ici aussi leur importance, la question de la préservation du bâtiment d’origine est le sujet prédominant. Nous allons donc opposer ce que l’on appellera une intervention lourde, dans laquelle les éléments nouveaux supplantent ceux d’origine, à une intervention légère, plus conservatrice.
Dans le premier cas de figure, le bâtiment initial est agrémenté par l’apport d’une architecture
moderne, intégrant de nouvelles formes, de nouveaux matériaux et de nouvelles techniques. L’influence ou la renommée du lieu dépend alors de sa modernité ou de la renommée de son architecte. L’identité du bâtiment d’origine, quant à elle, peut disparaître au profit du nouveau projet. En 2008, a été inauguré le Caixa Forum de Madrid. Cette ancienne centrale électrique, idéalement située en centre ville et à proximité du musée du Prado, du musée Thyssen et du musée Reina Sofia, est rachetée en 2001 par la banque catalane La Caixa, dans le but d’être transformée
18
SMITH, Paul, Op. Cit. 43
FIGURE 17.1 - Faรงade du centre culturel Lleialtat Sansenca.
FIGURE 17.2 - Espace mezzanine du Lleialtat Sentsenca.
FIGURE 17.3 - Salle de danse du Lleialtat Sentsenca.
en centre socioculturel. Le projet de reconversion a été confié au cabinet d’architectes Herzog & De Meuron. De l’ancien bâtiment, seule la façade a été conservée. Les architectes ont fait disparaître la base de l’ancien édifice pour créer une grande place couverte et donner une impression de flottement. La partie rajoutée au-dessus de la façade d’origine reflète les bâtiments environnants, elle est composée d’une double peau faite de panneaux de quatre-vingts par quatre-vingts. Cette peau est percée au niveau des ouvertures, de manière à laisser passer la lumière naturelle et créer des jeux de lumière autant à l’intérieur qu’à l’extérieur du bâtiment. Ceci est un exemple de ce type d’intervention, qui peut prendre diverses formes et être plus ou moins respectueuse du bâtiment initial.
Dans le cadre d’une intervention légère, le bâtiment d’origine est mis en avant et complété
par des éléments nouveaux. Les traces du bâtiment originel sont préservées sur l’ensemble du nouvel édifice. C’est notamment le cas dans le centre culturel Lleilaltat Santsenca à Barcelone. Reconvertie en 2017 par l’agence HArchitectes, l’ancienne coopérative ouvrière a conservé sa façade presque à l’identique. A l’intérieur de l’édifice, les éléments nouveaux viennent mettre en exergue les anciens murs toujours bien visibles. L’ensemble harmonieux entre la modernité et la brutalité de l’ancien donne au lieu un caractère unique. Le bâtiment allie à la fois des qualités énergétiques et le respect de l’histoire du site.
Il y a plusieurs échelles à ce type de transformation et les projets varient selon la volonté de
préserver et partager le passé du lieu. Les deux cas d’étude que j’ai choisi d’exposer présentent ce type de reconversion intégrant des transformations plus ou moins importantes.
45
FIGURE 18.1 - Vue générale de 1918, depuis le fleuve.
FIGURE 18.2 - Vue générale de 1918, depuis la Nave 9.
FIGURE 18.3 - Vue intérieure de la Nave 13 ou 14
II - LE PROGRAMME CULTUREL 1 - LE MATADERO, DE L’ABATTOIR AU CENTRE DE CRÉATION CONTEMPORAIN
A - LES ABATTOIRS MUNICIPAUX DE MADRID : DU DÉBUT LA FIN DE L’ACTIVITÉ
En Europe comme au nord des Etats-Unis, la fin du XIXe siècle marque de nombreux
changements dans les pratiques industrielles et l’abattage du bétail suscite de nombreuses préoccupations. La plupart des grandes villes planifient la créations d’abattoirs généraux de manière à répondre aux nouvelles réglementations en therme d’hygiène. La population madrilène est passée de 271 254 habitants en 1857 à 840 889 en 190719. Face à cette augmentation, les deux principaux abattoirs de Madrid, el Matadero del Rastro et el Matadero de la Puerta de Toledo deviennent insuffisants. La « corporación madrilena » se voit dans l’obligation de programmer la création d’un nouvel abattoir pouvant nourrir toute la ville. Le concours est lancé en janvier 1899, il sera remporté en juillet par l’architecte Joaquin Saldana. Le projet est laissé en suspens plusieurs années mais quand en 1904 la « Instruccion General de Sanidad » impose la création ou la restructuration d’abattoirs pour toutes les villes de plus de 10 000 habitants, la ville de Madrid lance une commission chargée de la planification du nouveau site. Celle-ci est composée de Joaquin Saldana, Francisco Andrés Octavio et Alberto Albinana. Elle prévoit la création d’un nouveau marché au bétail ainsi que de nouveaux abattoirs respectant une certaine proximité. Le projet définitif est confié à l’architecte municipal Luis Bellido. Il va s’inspirer pour les nouveaux abattoirs de Madrid de ce qu’il a vu lors de ses voyages en Europe et notamment à Cologne. En découle un plan constitué de grandes halles séparées par des rues et des places. La frontière entre le marché et les abattoirs est bien marquée. À l’intérieur du site, un système de rail permet un déplacement simplifié et frigorifique des produits. Le projet est accepté en 1908 et la construction est attribuée à l’ingénieur J.E. Ribera.
Les travaux des nouveaux abattoirs de Madrid commencent en 1911 et prendront fin
seulement en février 1918, ralentis par des contraintes budgétaires. L’activité ne se met en place qu’entre octobre 1924 et juin 1925. Les différentes halles voient le jour progressivement répondant
19
« Memoria histórica para el proyecto de rehabilitación del antiguo Matadero Municipal de Madrid », Fundación
COAM - Colegio Oficial Arquitectos de Madrid, page 20. 47
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FIGURE 19 - Redessin du plan original des abattoirs gĂŠnĂŠraux de Madrid
à chaque fois à un besoin précis.
Les Naves 15 et 16 sont les pavillons destinés à l’étalage, l’exposition et la vente du bétail.
Les deux halles sont identiques. Les Naves 13 et 14 sont les lieux d’abattage des bovins. Elles se présentent comme deux halles conçues sur le même modèle, plus petites que les deux premières mais avec un système de ventilation permettant de répondre aux normes d’hygiène. Les Naves 10, 11 et 12 sont quant à elles dédiées à l’abattage respectivement des veaux, des ovins et des porcins. De dimensions variées cette fois-ci, les trois halles s’adaptent à l’animal. La Nave 17 est un grand ensemble tout en longueur, au nord du site. Il rassemble les zones frigorifiques, garages et espaces de services pour les employés du Matadero. La construction s’est faite en deux temps. Entre 1914 et 1920, la zone frigorifique, le garage et les espaces des employés. Puis entre 1920 et 1924, une extension accueillant la casa de calderas et la grande cheminée. Une nouvelle annexe sera implantée plus tard.
Dès 1970, l’activité du Matadero commence à ralentir. Elle prendra fin définitivement
en 1973 mais connait déjà avant ça quelques transformations. La création du nouveau marché le Mercamadrid va provoquer l’abandon du marché général au nord du site puis peu à peu la fermeture de l’abattoir. La Casa del Reloj connaît la première transformation en devenant le siège du conseil municipal d’Arganzuela. En 1976, ce dernier demande la démolition du site des abattoirs, le report de la mise en oeuvre de travaux sur la zone entrainant des nuisances olfactives, des problèmes d’hygiène et de pollution du site. « Consideramos que esta medida seria totalmente desfavorable para la zona, dada la gran necesidad de disponer, con la mayor urgencia, de zonas verdes, instalaciones deportivas y centros educativos, como se tiene proyectado hacer en los terrenos que hoy ocupa el Matadero »20. Leur volonté est déjà de faire de ce site un espace ludique et culturel. Les travaux de transformation de la partie nord avancent, la halle du marché devient une serre en 1991 et cinq ans après les abattoirs ferment définitivement leurs portes. Le maire de Madrid, Alvarez del Manzano prévoit la création d’un grand complexe culturel mais rencontre des difficultés pour trouver des volontaires pour occuper les lieux. L’architecte Guillermo Costa lance
20
GEORGIEVA KOSTOVA, Gabriela : « El Matadero municipal de Madrid, evoluciono y actuaciones », page 17,
d’après : “Los vecinos de Arganzuela piden la demolición del matadero”. El País, 23 de octubre de 1976. Traduction : Nous considérons que cette mesure sera défavorable pour ce site, face à la grande nécessité de disposer rapidement d’espaces verts, d’installations sportives, de centres éducatifs, comme il a été prévu de faire sur le site qu’occupe actuellement les abattoirs. 49
donc la réhabilitation des halles principales sans connaître encore leurs futures fonctions. Avant les premières grandes interventions en 2004, le projet Matadero Madrid fait l’objet d’une étude spécifique avec tout d’abord une étude des plans par l’Ecole technique Supérieure d’Architecture de Madrid et historique par la COAM (Service d’Histoire de l’Ordre Officiel des Architectes de Madrid). Ensuite la création d’un « Plan Spécial de protection du Matadero et de son enceinte »21 détermine une intention à l’échelle du site et les possibles interventions ou démolitions sur chacun des bâtiments.
21
BATZAN LACASA, Carlos (Coordinateur général de la Culture et des Arts de la Mairie de Madrid, responsable
de la création du projet Matadero Madrid), « Matadero Madrid. Le projet d’un centre de création contemporaine », ESAIL-LAB - Rethinking Space, Ecole Supérieure d’Architecture Intérieure de Lyon, page 10. 51
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FIGURE 20 - Redessin du plan actuel du Matadero Madrid
B - LE PROJET MATADERO MADRID : LA DIVERSITÉ DES INTERVENTIONS CULTURELLES
Les premiers travaux de rénovation des anciens abattoirs de Madrid commencent en 2005.
Le nouveau centre dédié à la création contemporaine est dirigé par le secteur des Arts de la mairie de Madrid. Le Matadero a aujourd’hui dix de ses anciens bâtiments reconvertis. Chacun d’entre eux a su trouver une nouvelle fonction en lien avec la culture, l’art, la musique, le cinéma ou la littérature. Les interventions y sont variées, mais chacun des architectes étant intervenu sur une partie du site ayant pour objectif la préservation du caractère du lieu, les nouveaux espaces créés sont très différents tout en bénéficiant d’une identité commune.
Le premier projet qui a vu le jour au Matadero s’intitule Intermediae y Vestibulo, lancé par
l’architecte Arturo Franco en 2007 dans la Nave 17 accompagné de l’architecte Fabrice Van Teslaar et de l’architecte d’intérieur Diego Castellanos. L’Intermediae est un espace de 2 700 mètres carrés divisé en plusieurs parties dont certaines sont modulables. Les espaces réhabilités ont connu une intervention légère et conservatrice de l’aspect brut du lieu. Les murs et les poteaux sont laissés tels qu’ils étaient, une nouvelle cloison en panneaux de verre et de métal délimite le nouvel espace intérieur. Les matériaux sont bruts avec très peu de transformation en usine pour donner au lieu un aspect non terminé assumé.
Un second projet va venir occuper un espace attenant, c’est l’Abierto y Obras. Il s’agit là de
l’ancienne chambre froide des abattoirs. Le lieu n’a connu aucune intervention architecturale mais il est la scène de plusieurs oeuvres de lumières. L’espace de 881 mètres carrés est divisé en cinq zones par des rangées de neuf piliers en béton armé chacune. Les piliers de la nef centrale sont surmontés de neuf arcs qui soutiennent une voûte en brique. Le lieu a subi un incendie dans les années 1990 dont les traces sont aujourd’hui encore visibles.
Installée dans la Nave 17 depuis novembre 2007, la Central de Diseño est un lieu tourné
autour du design graphique. Il accueille régulièrement des expositions, des festivals, des ateliers et comporte une salle de classe, des bureaux et un entrepôt de stockage. Les transformations opérées dans cet espace en forme de L sont faites avec l’ajout de matériaux recyclés. Des panneaux en polycarbonate amovibles séparent le lieu de l’extérieur, tout en lui apportant une grande luminosité. Le sol, lui, est constitué de panneaux en pare-chocs industriels recyclés. L’architecte qui a mené les transformations est José Antonio Garcia Roldan. 53
FIGURE 21.1 - Le Matadero : Intermediae
FIGURE 21.2 - Le Matadero : Abierto y Obras
FIGURE 21.3 - Le Matadero : Central de diseno
Dans la continuité, les Nave 11 et 12 sont issues de la collaboration du metteur en scène
Mario Gas, des scénographes Jean Guy Lecat et Francisco Fontanals ainsi que de l’architecte Emilio Esteras. Devenues les Naves Del Espagnol, elles constituent aujourd’hui un immense ensemble scénique de 5 900 mètres carrés, dédié au théâtre contemporain. Le polycarbonate et les structures d’échafaudage composent en grande partie cet espace modulable. Entre 2009 et 2010, un espace de réception né de l’intervention de l’architecte Justo Benito vient compléter ce lieu.
En 2010, Arturo Franco est chargé d’une nouvelle reconversion, El Taller y Oficina de
Coordination, un espace comportant des salles de formation et de production artistique ainsi que des bureaux et des salles de réunion. Ce nouveau projet est bioclimatique grâce à l’utilisation de tuiles récupérées qui apportent confort thermique et acoustique. La structure des espaces existants a été conservée.
La Nave 16 est un espace de plus de 4 000 mètres carrés, transformé en 2011 par les
architectes Alejandro Virseda, José Ignacio Carnicero et Ignacio Vila Almazan. Il s’agit d’un lieu polyvalent pouvant accueillir un grand évènement ou plusieurs petits, comme par exemple des projections, des expositions, des concerts et des conférences. Cette espace peut être divisé en cinq salles par un système de panneaux en acier. Cet équipement également disposé aux ouvertures permet de gérer la quantité de lumière rentrant dans le lieu ainsi que le rapport de la salle avec son environnement extérieur.
La même année, les architectes José Maria Churtichaga et Cavetana de la Quadra Salcedo
ont transformé un espace de 2 688 mètres carrés en cinéma. La Cineteca comporte deux salles de cinéma, un plateau de tournage, des archives, une cantine et une terrasse. La structure des espaces existants est conservée dans cette reconversion.
Simultanément, la Nave de Musica est inaugurée. Le projet de Maria Langarita et Victor
Navarro est un lieu de création musicale. L’espace de la Nave 15 a été aménagé comme un parc à l’intérieur de la structure existante. Les volumes, disposés comme un matrioska, comportent un studio d’enregistrement, des salles de répétitions, une salle de réunion, une cafétéria et des bureaux. Les matériaux utilisés sont recyclables et le projet est totalement réversible.
La « Casa del lector » de Anton Garcia Abril voit le jour en 2012. Les Naves 13 et 14
sont rassemblées pour créer ce nouvel espace dédié à la lecture, l’information, la recherche et l’expérimentation. Les poutres en béton précontraint forment un pont entre les deux structures. Les 8 000 mètres carrés abritent des salles de formation, une bibliothèque, un espace de consultation, 55
FIGURE 22.1 - Le Matadero : Nave del Espanol
FIGURE 22.2 - Le Matadero : Cineteca
FIGURE 22.3 - Le Matadero : Factoria Cultural
des ateliers, des postes de radio, une salle d’exposition et un auditorium.
En 2014, la « Factoria Cultural » vient compléter la Nave 17. L’intervention de Rosina Gomez
Baeza et Lucia Ybarra fait de ce lieu une pépinière d’entreprises22. Comme pour la plupart des espaces du Matadero, les murs et le plafond sont conservés dans leur état d’origine, une structure en bois venant s’installer dans la pièce pour créer des sous espaces.
Tous ces espaces ont été aménagés par des architectes différents donnant à chacun une
singularité tout en gardant pour fil conducteur les traces du bâtiment d’origine. Les façades extérieures quant à elles ont été rénovées avant les premières interventions et font l’homogénéité du lieu habillées d’enseignes lumineuses présentant les principaux points d’intérêts.
22
BAZTAN LACASA, Carlos, Op. Cit., page 16. 57
FIGURE 23.1 - Photgraphies de l’intérieur de la Sucrière en 1934.
FIGURE 23.2 - Photographie depuis le fleuve.
FIGURE 23.3 - Photographie aérienne de la Confluence en 1934.
FIGURE 23.4 - Photographie aérienne de la Sucrière en 1955.
2 - L’ENTREPÔT MUNICIPAL DES SUCRES DEVIENT LA SUCRIÈRE
A - L’histoire de l’entrepôt national des sucres de Lyon
A Lyon, ville aux multiples centres en fonction des époques, Antoine-Michel Perrache initie
au XVIIIème siècle un projet ambitieux de transformation de la presqu’île au confluent du Rhône et de la Saône. Cet espace marécageux alors inexploitable a pour vocation de s’imposer dans les siècles suivants comme un nouveau cœur de ville. Les travaux sont considérables et le projet trouve difficilement des soutiens financiers. Quand l’intervention de l’ingénieur se termine, le site à presque doublé et le nord de la presqu’île s’urbanise.
En 1823, le gouvernement royal vote la loi de rétrocession à la ville, des espaces sud de la
presqu’île Perrache. Avant ça, le confluent du Rhône et de la Saône est un lieu insalubre mais dont la partie nord a déjà connu une première phase d’aménagement. En 1827, la première ligne de chemin de fer reliant Lyon et Saint-Etienne traverse la presqu’île et autour d’elle vont s’organiser de nouvelles voiries et parcelles destinées à un usage industriel. « Seconde ligne de chemin de fer française et première du point de vue de sa longueur, celle-ci concourra au désenclavement du bassin houiller de la Loire, à la réduction corrélative du coût des matières premières et à la structuration d’un nouveau territoire économique régional. »23. L’objectif pour la ville est de diversifier son économie essentiellement basée sur le commerce de la soie. Dans les années qui suivent, le quartier va accueillir divers sites tels que des abattoirs, prisons ou usine à gaz, mais son activité tourne principalement autour de la voie de chemin de fer et le développement de la machine à vapeur. Le début du XXème siècle va voir apparaître le port Rambaud, aménagement de la rive gauche en espace public destiné à la Chambre de Commerce et d’industrie de Lyon. Ce nouvel espace sera majoritairement dédié au transit et au stockage.
C’est en 1925 que la Chambre de Commerce fait construire le grand entrepôt en béton sur
les rives de la Saône. L’activité du bâtiment alors nommé « Entrepôt réel des sucres indigènes » commence dès 1928. Le bâtiment de cent mètres de long construit sur pilotis possède un rez de chaussée surélevé pour faciliter les chargements. Des fenêtres avec balcons fixes ou mobiles sur la
23
MOIROUX, Françoise, « De mémoire de presqu’île... Perrache XVIIIe - XXe », Lyon Confluence, janvier 2002,
page 8. 59
Espace 1960 Niveau Expositions
Mezzanine 1930
Espace 1930
FIGURE 24 - Plan de la Sucrière aprés transformation.
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façade ouest permettent le chargement direct à l’étage. Avec l’accroissement de son activité, une première extension sera construite en 1960 et suivie par la construction des trois silos en 1976.
Le bâtiment le plus ancien suit une trame de neuf séries de colonnes nort-sud et quatre est-
ouest avec une cloison divisant l’espace en deux dans ce même sens. Le toit terrasse en dalles de ciment et gravier accueil le pont roulant permettant de relier les entonnoirs aux silos. L’extension, quant à elle, abrite les bureaux et les vestiaires ainsi que les appartements du gardien à l’étage. Sa structure est identique à celle du bâtiment ancien dans le sens est-ouest mais comporte seulement cinq travées nord-sud. Les piliers porteurs ne sont cependant pas les mêmes ici : ils sont carrés à angles abattus. Des ouvertures horizontales laissent entrer la lumière dans cette partie de l’édifice. En 1993, l’entrepôt ferme ses portes et restera longtemps inoccupé comme de nombreux bâtiments présents sur le site industriel.
B - LE NOUVEAU LIEU D’ACCUEIL DE LA BIENNALE D’ART CONTEMPORAIN
En 2003, la Biennale d’art contemporain installée dans la halle Tony Garnier depuis 1991,
cherche un nouveau lieu d’accueil. Le choix de la Sucrière, bien que complexe par les délais très courts pour la réalisation des travaux, semble une solution intéressante à la fois pour la Biennale et pour le bâtiment déjà pressenti comme sujet de transformation par les Voies navigables de France. La Biennale de Lyon est une manifestation qui associe la Biennale d’art contemporain et la Biennale de danse. Ces deux évènements sont importants pour la ville et accueillent chaque année respectivement 168 000 et 85 000 personnes.
Le partenariat est lancé et la biennale est en quelque sorte un test de ré-appropriation du
quartier nécessaire pour lui apporter une notoriété suffisante et y installer une nouvelle activité. Sylvie Burgat, Directrice Générale de la Biennale de Lyon exprime cette volonté, « avant de construire des logements et des programmes définitifs sur ce site, laissez-nous le temps de venir y faire quelque chose, notre passage valorisera le lieu et lui donnera une identité. »24. Une fois la décision prise, il a fallu très vite organiser les travaux pour rendre le lieu accessible au public. L’architecte William Vassal prend en charge le projet qui au départ se limite à une mise aux normes
24
BURGAT, Sylvie, « La Sucrière, une reconversion urbaine », Traits urbains, page 28. 61
Niveau Expositions
Espace 1960
Espace 1930
FIGURE 25 - Schéma d’aménagement de la Sucrière aprés transformation.
FIGURE 26 - Façade de la Sucrière durant les Biennales d’art contemporain : 2005 - Michael LIN ; 2007 - Josh SMITH ; 2009 - Eko NUGROHO ; 2011 - Bernardo ORTIZ ; 2013 - Paulo NIMER PJOTA ; 2015 - Anthea HAMILTON ; 2017 - Marco GODINHO.
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Mezzanine 1930
d’un musée. L’architecte voit plus loin, il a déjà compris tout le potentiel de ce lieu et l’importance de son passé industriel. Il va prendre deux décisions importantes. La première est de créer l’accès des visiteurs au niveau des silos et du côté de la Saône, silos qui ne faisaient alors pas partie du programme, l’entrée devant se faire au nord. Il veut également que les visiteurs arrivent sur le site par bateau pour redonner au bâtiment son rapport au fleuve historique. Il ajoutera également les balcons en porte à faux sur la façade donnant sur l’eau et sur celle du côté de la voie ferrée, des escaliers de secours hélicoïdales. La façade va conserver son état initial jusqu’à la Biennale de 2005 à partir de laquelle, lors de chaque édition, un artiste se verra confier le dessin de la façade (En 2005 Michael Lin, en 2007 Josh Smith, en 2009 Eko Nugroho, en 2011 Bernardo Ortiz). L’architecte a très rapidement compris les enjeux de cette transformation, « Ici, c’est un ancien port, d’anciens bassins de stockage, les fenêtres des bâtiments sont en quinconce pour des raisons utilitaires. C’est un lieu qui marque l’histoire. Je voulais conserver cela. », « Il faut savoir désobéir de façon intelligente, et seulement afin que ce soit au service de l’utilisateur »25.
Le 18 septembre 2003, la Biennale d’art contemporain intitulée « C’est arrivé demain » ouvre
ses portes. L’évènement rencontre un véritable succès et accueille 140 000 personnes. Le projet de la Sucrière va entraîner le réaménagement des docks et s’accompagner de nouveaux projets de réhabilitations et de constructions avec toujours comme ligne de conduite l’art et la culture. « Le port Rambaud offrira à ses visiteurs une mixité de fonctions préfigurées par la Biennale ». Cette phase comprend 8 hectares de terres en bord de Saône dont les Voies navigables de France sont propriétaires, y compris les Douanes et les Salins.
Suite à la première phase de transformation et à l’arrivée de nouveaux projets dans le
quartier de la Confluence, la Sucrière est en 2011, un peu vide. Occupée seulement quatre mois tous les deux ans à l’occasion de la Biennale d’Art Contemporain ou lors de quelques évènements éphémères tels que les Nuits sonores, l’ancien entrepôt des sucres doit se transformer pour accueillir un plus large panel d’activités. Pour ça, le groupe GL Events va devenir le deuxième propriétaire de la Sucrière. Une fois les objectifs définis, les travaux débutent sous la direction de William Vassal. Les transformations sont plus importantes lors de cette seconde intervention. Au premier étage, l’architecte va créer un espace d’exposition sur deux niveaux en ouvrant le sol du 1er étage sur quatorze mètres de large et quarante deux mètres de long. Ainsi, la Sucrière pourra accueillir des
25
VASSAL, William, « « La Sucrière, une reconversion urbaine », Traits urbains, page 31 et 33. 63
FIGURE 27.1 - La Sucrière depuis la terrasse en toiture.
FIGURE 27.2 - Intérieur de la Sucrière durant la première Biennale d’architecture.
FIGURE 27.3 - Intérieur de la Sucrière, exposition dans la partie en double hauteur.
expositions plus conséquentes ainsi que des concerts ou des défilés. En élargissant les possibilités d’occupations culturelles, on garantit une utilisation du site tout au long de l’année. Le deuxième étage lui, va accueillir des espaces de bureaux dont les qualités spatiales sont accentuées par les grandes loggias ouvertes sur la Saône. De plus, ouvert en soirée les week-end, un club installé sur la toiture de la Sucrière accueille divers évènements musicaux et culturels.
Toutes les nouvelles transformations ont pour objectif de faire vivre le site toute l’année
même si cela passe par une privatisation des lieux, « L’idée d’y organiser de l’évènementiel et du culturel ne suffisait donc pas, il fallait l’animer par une activité régulière. D’où l’idée d’y installer des bureaux et un club sur le toit ». Le site d’origine n’en a pas pour autant perdu son charme. L’intervention de l’architecte se fait avec beaucoup de considération et de respect pour le bâtiment d’origine, au cœur de cette nouvelle dynamique culturelle est créatrice.
65
FIGURE 28.1 - Le Matadero : Nave de Musica Ă son ouverture.
FIGURE 28.2 - Le Matadero : Nave de Musica en janvier 2019.
FIGURE 28.3 - Le Matadero : Nave de Musica en janvier 2019.
3 - LES LIMITES DU PROGRAMME CULTUREL
A - L’OBSOLESCENCE DU PROGRAMME ÉPHÉMÈRE
La reconversion du Matadero de Madrid a fait l’objet de plusieurs interventions avec des
programmes et des architectures variées dont certaines parties connaissent aujourd’hui beaucoup de succès. Deux de ces projets mis en comparaison permettent d’appréhender les enjeux des reconversions culturelles dans un site industriel. En effet les Nave 15 et Nave 16 font partie des plus récents, ce sont deux halles identiques mais qui ont connu des transformations très différentes avec des programmes et des architectes différents. Or à l’heure actuelle, la première se trouve de nouveau laissée à l’abandon tandis que la seconde à récemment réussi à faire évoluer son activité.
La Nave 15 est, en 2011, le lieu attribué au passage du festival nomade de la Red Bull
Music Academy. A cette occasion, les architectes Langarita-Navarro imaginent un projet totalement réversible qui vient s’insérer dans la grande halle sans en modifier la structure existante. La halle devient un jardin couvert, où la végétation slalome autour de petits pavillons en bois abritant les différents usages. Le lieu depuis appelé la Nave de musica est un espace dédié à la création musicale avec des salles d’enregistrement, des espaces de travail, de conférence, de radio ainsi qu’une scène positionnée dans cette surface à la fois ouverte et couverte. Les nouveaux programmes définissent les formes des volumes à l’intérieur de la halle ainsi qu’une matérialité répondant à des besoins acoustiques. Ce principe d’une architecture dans l’architecture garantit la réversibilité de l’intervention. Il répond au sujet d’un évènement éphémère avec la volonté de faire durer son utilisation tout en envisageant la possibilité de rendre à la Nave 15 son état d’origine. A l’heure actuelle, la halle est fermée au public, le lieu n’est plus utilisé et n’est plus entretenu non plus. Le programme peut-être trop ciblé, n’a pas su perdurer dans le temps, ou les interventions trop légères n’étaient peut-être pas adaptées à une utilisation sur le long terme.
La Nave 16 quant à elle est un projet réalisé par l’agence Virseda & Vila Architectos. Ici, le
programme consistait en la réalisation d’une salle d’exposition et le travail sur le bâtiment d’origine était plus important. Les structures métalliques ont été refaites, les ouvertures fermées par des vitres et des panneaux noirs qui permettent de gérer la lumière. Un système de cloisonnement a été également mis en place, permettant de gérer l’espace selon les besoins des différents évènements que ce nouveau bâtiment est en capacité d’accueillir. Il peut ainsi tout aussi bien recevoir une 67
FIGURE 29.1 - Le Matadero : Nave 16 Ă son ouverture.
FIGURE 29.2 - Le Matadero : Centro de residencias artisticas en 2017.
FIGURE 29.3 - Le Matadero : Centro de residencias artisticas en 2017.
grande exposition que plusieurs petites dans trois salles distinctes. En créant un espace fermé et modulable, les architectes lui ont permis d’être durable dans le temps. En 2017, la Nave 16 change de nom et devient Centro de residencias artisticas. La volonté étant de renforcer dans cet espace polyvalent, l’accueil d’artistes, le processus de création artistique et les échanges entre les acteurs locaux et internationaux. Ainsi, 89 créateurs, musiciens, commissaires ou encore étudiants se partageront les 5 000 m2 de la Nave 16, afin de promouvoir la création contemporaine sous toutes ces formes.
En 2012, la Nave de Musica et la Nave 16 ont été finalistes du prix FAD d’architecture. Le jury
a souligné : « la inteligencia colectiva, la unidad que le viene inferida por la arquitectura industrial preexistente, y que con un mínimo de protagonismo exterior de las nuevas intervenciones, en el interior resuelve con rigor y autenticidad las diversas necesidades del extenso programa del centro, buscando no sólo mantener los espacios arquitectónicos y formas estructurales, sino también el carácter, la atmósfera y sobre todo el irrepetible paso del tiempo »26. Les deux projets qui ont toutes les qualités d’une reconversion à la fois respectueuse du bâtiment d’origine et adaptée au nouveau programme, ont connu une évolution très différente.
Le premier a été fermé, une fois l’évènement qui l’a lancé terminé tandis que le second, par
les transformations plus importantes ou un programme plus vaste a su perdurer dans le temps et évoluer pour être occupé tout au long de l’année. Le Matadero est un lieu qui aujourd’hui encore n’est pas totalement transformé et dont une partie des espaces est toujours inoccupée. Ce site en perpétuel changement, s’adapte aux besoins et envies de ses occupants. La Nave 16 a su trouver de nouveaux usagers pour faire perdurer ses installations. La Nave 15 sera probablement dans les années a venir le sujet de nouvelles interventions architecturales de manière à connaître une nouvelle vie. Le programme retenu a autant d’influence que les choix architecturaux sur le futur du lieu. C’est pourquoi une architecture remarquable se voulant respectueuse du site et réversible, ne suffit pas en elle-même, et si le lieu n’est plus occupé, il peut vite revenir à l’état de friche. « Un architecte, à un certain âge, commence à penser : qu’est-ce qui fait durer une structure, estce que c’est l’épaisseur du mur, l’énergie séductrice d’un bâtiment ou, disons, l’amour des gens
26
« La arquitectura Matadero Madrid », (URL : http://www.mataderomadrid.org/v2/prensa/d/1/la-arquitectura-
matadero2.pdf ), page 2. 69
FIGURE 30.1 - Le Matadero : Cinéma de l’Arsenal à Tarbes.
FIGURE 30.2 - Le Matadero : Bowling de l’Arsenal à Tarbes.
FIGURE 30.3 - Friche de l’Arsenal à Tarbes.
pour ce bâtiment ? Il faut que les gens aiment un bâtiment. Et quand les gens aiment ou acceptent un bâtiment, il survit, et il survit dans la mesure où il possède ce potentiel transformateur. »27. L’obsolescence d’un espace architectural est-elle liée à la modularité et à la réversibilité ou alors au simple fait que la cible n’est plus la bonne et que le lieu doit pouvoir s’adapter à de nouveaux usagers.
B - UN PROGRAMME ENTRE LE PUBLIC ET LE PRIVÉ
Les étapes de transformation de la Sucrière à Lyon nous ont montré qu’un évènement peut
être le moteur d’une réutilisation de friches industrielles, mais que cela ne suffit pas à faire vivre le site de par son caractère éphémère. A la manière de la Nave de Musica au Matadero, la Sucrière aurait pu voir son activité prendre fin cette année avec le départ de la Biennale d’art contemporain vers les anciennes usines Fagor. Cependant, la volonté de voir le lieu occupé toute l’année a motivé des transformations plus importantes et pour les financer, la nécessité de faire appel à une entreprise privée. L’entreprise GL Events est maintenant en charge de la programmation culturelle du site et des espaces de bureaux sont créés pour rendre le lieu rentable.
Pour les petites villes, il n’est pas rare de vendre les locaux à des groupes privés
d’évènementiels ou de loisirs une fois les travaux effectués. C’est le cas du quartier de l’Arsenal à Tarbes. Ce grand complexe a été durant la seconde guerre mondiale une usine d’armement. Très ancré dans la mémoire collective de la commune, il était important pour le maire et le conseil municipal de trouver à ce lieu une nouvelle fonction. Le conseil municipal acquière le site en 2007 et commence les travaux une fois les lieux libérés de leurs équipements. La première intervention étant la démolition du mur d’enceinte, symbole d’un lieu replié sur lui même qui s’ouvre enfin au public. Dernières traces d’un passé ouvrier, le site est aujourd’hui un espace dédié à la jeunesse de Tarbes ou les grandes enseignes de loisirs ce sont ré-appropriées les lieux. Une partie du site a été vendue à des groupes privés mais la mairie garde la main sur le projet global et sur une partie des aménagements. Le nouveau pôle d’activité comprend un cinéma, des restaurants, un bowling, une
27
HERZOG, Jacques, propos recueillis par Francis Rambert à Paris, le 17 février 2012, « Un bâtiment, combien de
vies ? La transformation comme acte de création », page 99. 71
FIGURE 31.1 - La Tate Modern Gallery, Londres.
FIGURE 31.2 - IntĂŠrieur de la Tate Modern Gallery, Londres.
FIGURE 31.3 - Extension de la Tate Modern Gallery, Londres.
salle de « laser game » et une discothèque. Une grande partie des locaux reste encore à utiliser et demeure à l’état de friche. C’est notamment le cas de la plus grande halle dont l’immense structure va nécessiter une intervention et un choix de programme plus complexe et ambitieux. Ce lieu emblématique est certes très apprécié par les habitants de Tarbes et de ses alentours mais il participe à l’abandon du centre-ville historique de la même manière que les centres commerciaux qui s’installent en périphérie de la plupart de ces petites villes. Le problème ne venant pas de la reconversion en tant que telle mais d’un mode de vie différent de celui des grandes villes où les habitants se déplacent majoritairement en voiture et sont à la recherche de grands espaces pouvant leur apporter tous les services d’un centre-ville sans les contraintes qui lui sont associés.
Quand il s’agit d’un site de grande ampleur et dont la notoriété est déjà bien établie, la vente
du site à des investisseurs privés aboutit à des projets à visée plus commerciale que culturelle. Les deux exemples de reconversions d’industries londoniennes à grande échelle que sont les centrales électriques de bankside devenue le Tate Modern et de Battersea en cours de reconstruction illustrent parfaitement les deux positionnements publics et privés. En effet, la première est une galerie financée par l’institution « English Partnership » devenue « Homes and Communities Agency » en 200828 et subventionnée par des fonds publics. Cette nouvelle antenne des musées créé par Henry Tate est gratuite au public pour permettre à tous d’accéder aux œuvres internationales. Seules des expositions éphémères sont payantes ainsi que les services de restauration proposés sur le site. Les dons sont encouragés pour faire perdurer l’activité de ce musée londonien.
Le deuxième édifice de Gilbert Scott a quant à lui été vendu aux investisseurs privés
malaisiens, « SP Setia », « Sime Darby Property » et « Employees Provident Fund » pour la somme de treize milliards de dollars29. Le projet à l’échelle du bâtiment intègre un immense centre commercial regroupant des grandes enseignes du monde entier, des espaces culturels, une plateforme ouverte au public offrant une vue inédite sur Londres mais également un hôtel de luxe
28
Informations issues du site internet d’information des services du gouvernement du Royaume Unis, (URL :
https://www.gov.uk/government/organisations/english-partnerships) 29
« Reconvertir les friches industrielles et urbaines, de la transformation réussie des sites à la mutation des
territoires », ADI, Le Moniteur, page 196. 73
FIGURE 32.1 - Perspective du projet pour l’intérieur de la Battersea Power Station.
FIGURE 32.2 - Coupe des nouveau programmes de la Battersea Power Station
FIGURE 32.3 - Perspective extérieure de la Battersea Power Station.
et des logements d’exception ainsi que des bureaux prenant la forme de grands open-spaces30. Le projet de l’agence d’architecture WilkinsonEyre se veut être mélange entre ancien et modernité. Le bâtiment de Gilbert Scott doit rester présent dans l’intégralité du site. Un projet ambitieux à l’échelle de l’ancienne centrale mais qui même s’il sera ouvert au public a pour principale cible une population extrêmement favorisée, les enjeux principaux étant que la notoriété du site et la richesse des nouveaux aménagements soient bénéfiques aux investisseurs. L’impact de ce projet sur le plan économique est immense pour la ville, car il génère la création de 1 700 emplois et « devrait contribuer à l’économie britannique à hauteur de quinze milliards de livres durant les vingt premières années »31.
Ces deux exemples de transformation confrontés au Matadero et à la Sucrière offrent une
vision différente de la reconversion dont l’enjeu commercial est beaucoup plus présent et dans laquelle la préservation du lieu et son rapport au visiteur est moins motivée par la transmission d’un héritage que par un rapport client-entreprise.
30
Informations issues du site internet des architectes Wilkinsoneyre, (URL : https://www.wilkinsoneyre.com/pro-
jects/battersea-power-station) 31 «Reconvertir les friches industrielles et urbaines, de la transformation réussie des sites à la mutation des territoires», ADI, Le Moniteur, page 196 75
FIGURE 33.1 - Vue aérienne du Matadero en 1927, deux ans après la fin de la construction des abattoirs.
FIGURE 33.2 - Vue aérienne du Matadero en 1975,
FIGURE 33.3 - Vue aérienne du Matadero en 2004, un an avant les premiers travaux d’aménagement du Matadero.
III - LA RECONVERSION ET LE PROJET URBAIN 1 - LE MATADERO, PROJET AU COEUR D’UN QUARTIER NAISSANT
A - LE SITE INDUSTRIEL RATTRAPÉ PAR LA VILLE
L’histoire de la construction des nouveaux abattoirs de Madrid est liée à l’accroissement de
la population madrilène et donc au besoin d’accroître la production tout en répondant à des normes d’hygiènes de plus en plus rigoureuses. L’emplacement du nouveau site est donc volontairement choisi à l’écart des espaces construits de la ville, au bord de la rivière Manzanares et à proximité de la gare de chemin de fer Delicias. L’espace devait être suffisant pour accueillir à la fois les nouveaux abattoirs et le marché au bétail. Du début des travaux en 1911 à la fermeture du site en 1976, le territoire qui l’entoure a connu une profonde mutation. À l’origine situés en périphérie, les abattoirs sont peu à peu rattrapés par la ville qui grandit et s’étale. Les anciens quartiers pavillonnaires se densifient et de nouveaux quartiers de logements apparaissent progressivement. En 1976, les abattoirs deviennent un vrai problème pour les habitants et les nouvelles activités à proximité.
Quand les premières interventions du futur centre culturel débutent, les grands ensembles
d’habitations ont re-dessiné un nouvel espace urbain. Le Matadero est donc un parfait exemple de reconversion dans un nouveau quartier créé en retrait du cœur historique. Les transformations sont progressives et adaptées aux besoins du quartier. A l’heure actuelle, deux bâtiments sont en cours de planification. Les expériences passées n’ont pas toutes perduré, mais celles qui apportent un plus au quartier, c’est le cas de la Casa Del Lector, connaîssent une fréquentation régulière tout au long de l’année. Les expositions temporaires et divers évènements littéraires ou cinématographiques qui s’y déroulent, attirent même une population extérieure au quartier. Le site est très bien desservi par les différents modes de transports urbains (métro et bus à proximité, accès direct aux véhicules de tourisme) et un service de location de vélos est proposé aux visiteurs. Par cette reconversion, le quartier connaît une nouvelle notoriété qui crée un dynamisme et permet son développement.
77
FIGURE 34.1 - Vue aérienne de 2004, un an avant les premiers travaux d’aménagement du Matadero.
FIGURE 34.2 - Vue aérienne de 2006, un après les premiers aménagements du Matadero, Madrid Rio en cours.
FIGURE 34.3 - Vue aérienne de 2017, le Matadero et le Madrid Rio au stade actuel.
B - RELATION ÉTROITE AVEC LE PROJET MADRID RIO
Le Conseil de Madrid lance en 2003 un projet urbain de grande ampleur32, le Madrid Rio
qui prévoit le passage de la route qui longeait la rivière Manzanares en souterrain sur environ 8 kilomètres de manière à libérer les rives. Le projet de réaménagement des berges propose une grande promenade s’étendant sur près de 10 kilomètres. Il consiste en la création de 145 hectares de parcs végétalisés traversant la ville et reliant les grands parcs au nord, dont le Casa de Campo, ancienne réserve de chasse de la royauté, le Parque del Oeste et les jardins du Palais Royal, à ceux au sud, le Manzanares Sur et le Tierno Galvan. Ce nouveau corridor vert est un élément de liaison entre le centre ville et l’Arganzuela ainsi que les trois districts frontaliers que sont Latina, Carabanchel et Usera.
Il est aménagé de façon à offrir aux habitants de ces quartiers, un cadre de vie agréable,
tout en profitant de nombreux espaces verts et d’équipements divers. Ce projet colossal accueille une nouvelle végétation composée de plus de trente trois mille arbres et quatre cent soixante mille arbustes33, et comprend la création ou rénovation de trente deux ponts facilitant le passage d’une rive à l’autre.
En plus de relier les différents services dont dispose déjà le quartier, cet aménagement
urbain propose aux habitants, des équipements sportifs comme un skate parc, un mur d’escalade, des terrains de football, de tennis et la possibilité de pratiquer du canoë-Kayak sur la rivière. D’autres équipements en rapport à l’eau sont installés dont des plages urbaines, des fontaines et miroirs d’eau. Les enfants bénéficient de terrains de jeux et des cafés et terrasses accueillent tous les passants le temps d’une pause. Les cheminements sont variés et slaloment entre les espaces verts et les activités.
Au moment du lancement du Madrid Rio, le Matadero n’a pas encore accueilli ses premières
installations. Les deux projets vont se faire en parallèle et lorsque le Madrid Rio est inauguré en 2011, de nombreuses halles du Matadero Madrid ont vu le jour et les dernières seront réalisées
32
PORRAS-ISLA Fernando (Architecte), « Matadero Madrid. Le projet d’un centre de création contemporaine »,
ESAIL-LAB - Rethinking Space, Ecole Supérieure d’Architecture Intérieure de Lyon, page 21. 33
MALSCH, Edouard, « Madrid Rio : quand les madrilènes redécouvrent leur rivière », 2011, (URL : https://www.
urbanews.fr/2011/06/09/14199-madrid-rio-quand-les-madrilenes-redecouvrent-leur-riviere/) 79
FIGURE 35 - Plan général du projet Madrid Rio.
entre la fin de l’année et l’année suivante. Le projet du Madrid Rio apporte au Matadero un nouvel espace public avec une ouverture sur la rivière Manzanares ainsi qu’une connexion avec tout le quartier et notamment avec la rive opposée où c’est construit le centre commercial Plaza Rio 2 et le parc Arganzuela au nord.
Les deux projets sont pensés en relation l’un avec l’autre. Ce ne sont pas de simples projets
attenants s’apportant un plus l’un à l’autre, mais plutôt le fruit d’une pensée plus globale résultant du travail d’une équipe d’architectes ayant travaillé sur les deux projets simultanément. En effet, les architectes qui ont réalisé les nouveaux espaces extérieurs du Matadero Madrid, Plaza y Calle Matadero ont également participé au projet Madrid Rio.
C’est en 2011, une fois les rives aménagées, que les architectes Ginés Garrido, Carlos
Rubio et Fernando Porras se voient confier le réaménagement des extérieurs du Matadero. Ce projet d’investissement des espaces extérieurs fait la liaison entre les différentes halles et les quatre entrées du site, la Plaza de Legazpi à l’Est, le Paseo de la Chopera au Nord, la Junte de Arganzuela à l’Ouest et le Madrid Rio au Sud. Cette dernière liaison est aménagée pour permettre facilement le passage d’un projet à l’autre.
Les espaces réaménagés que forment l’actuelle Plaza y Calle Matadero sont une continuité
du parc et permettent l’accueil de divers évènements en plein air. La Plaza Matadero abrite depuis 2012 l’Escaravox, deux éléments destinés à accueillir des manifestations artistiques et récréatives. Ces scènes de plein air facilement déplaçables ont été réalisées à partir de structure d’irrigation.
Au delà de la reconversion du Matadero, c’est tout un quartier qui s’est transformé en
quelques années en changeant considérablement le cadre de vie des habitants. La longue promenade du Madrid Rio, la disparition de l’autoroute et la création du centre commercial sont autant de changements qui poussent les habitants à investir leur quartier et qui attirent également une population extérieure, autant Madrilène qu’espagnole ou étrangère. Si l’on revient au site en lui même, la diversité des programmes culturels fait que chacun y trouve un intérêt, que ce soit à travers le cinéma, le design, le théâtre ou la littérature. Les nombreux espaces de travail présents offrent à tous un cadre propice à l’étude, mais également au partage. Les anciens abattoirs continuent de se transformer pour répondre aux besoins et aux envies de ses voisins. Mais gardons à l’esprit que l’objectif premier de ce type de transformation est la renommée du lieu.
81
FIGURE 36.1 - Vue aérienne de la Confluence en 2003.
FIGURE 36.2 - Vue aérienne de la Confluence en 2019.
2 - LA SUCRIÈRE, NOUVELLE DYNAMIQUE POUR LA CONFLUENCE
A - LA SUCRIÈRE AU COEUR DES POLITIQUES DE RENOUVELLEMENT URBAIN
En 2003, quand commencent les travaux de la Sucrière pour l’accueil de la Biennale d’Art
Contemporain, il ne s’agit que d’un premier pas pour la création de la nouvelle Confluence. Dès le départ, la presqu’île laissée à l’abandon depuis la fermeture de ses usines est la cible de nouveaux projets d’aménagement du territoire Lyonnais. Ce lieu étant passé de l’état de marécages inoccupés à un secteur industriel au cœur d’une nouvelle économie, avant de revenir à l’état de friche, occupe une position centrale dans la ville d’aujourd’hui et constitue une ressource foncière non négligeable. Cependant, même si le maire et les Voies navigables de France (VNF) appréhendent le potentiel de ce site, les lyonnais en ont une perception bien différente. Il faut alors, avant de commencer à aménager ce territoire oublié, voire rejeté, lui créer une image positive dans la pensée collective. C’est grâce à l’évènement culturel de la Sucrière que va se produire la ré-appropriation de la presqu’île. Si la Biennale d’art contemporain a motivé les premières transformations de la Sucrière, c’est tout un quartier qui a vu le jour les années qui ont suivies. Une fois la notoriété du lieu révélée par cet évènement, les politiques d’aménagement se mettent en place. Le quartier qui va voir le jour est prévu comme un espace mixte, mêlant programmes culturels, commerciaux, bureaux et logements.
L’aménagement du port Rambaud est le résultat du partenariat entre les Voies navigables
de France et la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC). Ces deux investisseurs publics et privés forment la filiale Rhône Saône Développement, chargée de la gestion de ce projet de grande ampleur sous la direction de François Bordry, son Président.
B - DU QUARTIER INDUSTRIEL AU NOUVEAU CENTRE ATTRACTIF
La Sucrière nous propose une deuxième illustration d’un phénomène de dynamisation d’un
quartier autour d’une reconversion. Elle est le moteur de la Confluence, symbole de la période industrielle de la presqu’île. C’est aussi un pôle attractif à travers les divers évènements qu’elle accueille. Le projet global de la Confluence est la transformation des 150 hectares qui séparent 83
FIGURE 37.1 - Photographie de la Sucrière depuis la Saône.
FIGURE 37.2 - Pavillon 52.
FIGURE 37.3 - Le Siège d’Euronews par Jakob & Mc Farlane.
la Gare Perrache de la pointe de la presqu’île, la friche industrielle entre le Rhône et la Saône. Traversé par l’autoroute ainsi que par une voie ferrée, le lieu était totalement replié sur lui-même. Il est aujourd’hui un pôle dynamique en relation avec le centre historique. De nombreux projets architecturaux sont venus s’implanter autour et continueront d’apporter à ce lieu marqué par son passé industriel, dynamisme, innovation et modernité.
Les éléments les plus marquants sont le centre commercial Lyon Confluence ouvert en
2012 et le musée des Confluences, musée d’histoire naturelle, d’anthropologie, des sociétés et des civilisations, ouvert en 2014 et entièrement designé par l’agence d’architecture autrichienne Coop Himmelb(l)au. La Sucrière s’est également vue entourée de projets contemporains tels que le Cube Orange et le Siège d’Euronews de Jakob & Mac Farlane ou l’Entrepôt des Douanes, une reconversion de l’agence parisienne Wilmotte & Associés. Au nord de la presqu’île, derrière le centre Lyon Confluence, de nombreux architectes sont venus implanter des projets tous différents créant un espace d’une grande diversité architecturale.
Au-delà du site en lui-même, les travaux de la Sucrière ont engendré d’importantes mutations
à l’échelle du quartier. Les docks, autrefois laissés à l’abandon, sont après plusieurs années de travaux un lieu dynamique. Ces transformations ont permis d’accueillir sur la presqu’île de nouvelles populations qu’elles soient touristiques ou résidentes. Mais cette dynamique a eu un effet sur les anciens occupants de la presqu’île.
Les anciens docks étaient, avant leur mutation, le lieu de vie des habitants des bateaux
logements. L’objectif n’était pas de pénaliser les familles présentes sur ce lieu, mais de leur apporter un meilleur cadre de vie. Henri Nave est un architecte ayant installé sa famille sur l’un de ces bateaux en 2000. D’après lui : « Quand on s’est installé là, il y avait encore les Salins du Midi, quelques trains de marchandises, mais dans l’ensemble il n’y avait rien. Puis, il y a eu ce fameux arrêté du maire, interdisant la prostitution en centre-ville, et les camionnettes ont commencé à arriver. C’est vrai que l’ambiance a un peu changé »34. À partir de 2003, les travaux de réaménagement ont commencé dans le quartier. Le quotidien de ces familles a été bousculé. Henri Nave précise : « Il y a des moments où l’on ne savait plus si on pourrait rester là »35. Au delà de la période d’incertitude
34
NAVE, Henry, « La Sucrière, une reconversion urbaine », Traits urbains, page 56.
35
Ibid, page 59. 85
liée aux travaux sur les docks, les apports des Voies navigables de France en matière de confort et de sécurité sur les lieux ont fait tripler le montant des droits d’anneau sur les berges. Seules les familles pouvant accepter ce changement ont pu continuer d’y installer leur bateau. Après les nombreux chantiers, c’est l’afflux de touristes qui est venu perturber le quotidien des habitants. Il a fallu réapprendre à vivre dans ce nouvel environnement. Les habitants restent un élément important de la vie du site pour ne pas en faire uniquement un lieu de passage mais aussi un lieu de vie et d’échange. La problématique engendrée par les nouveaux aménagements est le coût de la vie dans un lieu qui par ses transformations et sa nouvelle notoriété peut s’avérer trop important pour créer une réelle mixité dans le quartier. C’est une question déjà soulevée précédemment, dans le cadre de l’utilisation des friches pour y installer des logements. De par son son caractère unique, le bâtiment industriel réinventé peut rapidement devenir un lieu de prestige occupé par une catégorie de population favorisée.
87
FIGURE 38.1 - Musée Can Framis, vue générale.
FIGURE 38.2 - Musée Can Framis, exposition extérieure.
FIGURE 38.3 - Musée Can Framis, exposition extérieure.
3 - LES ÉCHELLES DU PROJET
« L’image d’une friche industrielle dans le secteur urbain n’est guère flatteuse. Elle porte en
elle les stigmates de la désolation d’un lieu matériellement abandonné mais pas encore suffisamment, puisqu’il reste visible. Par ailleurs, c’est une fonctionnalité, un lieu de vie qui est maintenant éteint, non seulement à l’intérieur même de la friche, mais également dans les interactions qu’entrainaient l’existence de ce lieu de production avec l’environnement humain, urbain, social, avec la rue, le quartier, la ville même. »36. La friche est alors une barrière aux échanges à l’intérieur du quartier. Les deux exemples précédents permettent de constater que leur utilisation à des fins culturels est un moyen d’inverser se phénomène en se positionnant comme une continuité de l’espace urbain. Il s’agit en tout cas d’un objectif à atteindre pour les architectes et les collectivités en charge de ces projets.
La Sucrière et le Matadero sont deux exemples de reconversions intégrées dans un projet
urbain global à l’échelle du quartier. Une grande partie de ces projets sont motivés par des changements urbains et une volonté politique d’aménagement du territoire. L’industrie a marqué les villes et sa disparition a laissé des zones de friches et des dents creuses, espaces devenant au fil du temps insalubres. Cependant, le potentiel de ces espaces est immense et les restes de l’industrie ont une réelle valeur culturelle et architecturale.
A Barcelone, l’ancien quartier industriel de Poblenou est aujourd’hui au cœur d’un projet de
réaménagement et de densification. L’objectif de la ville est de faire de ce quartier à la morphologie variable de part les diverses entreprises autrefois installées, un espace tourné autour de la recherche, de la culture et du commerce. C’est dans ce contexte que la reconversion d’une ancienne zone d’usine crée le musée Can Framis. Il fait partie du projet global de dynamisation mené par la mairie de Barcelone, le programme 22@. Les deux anciens bâtiments se caractérisent principalement par leur emplacement. Antérieurs au plan Cerda, ils sont disposés un mètre et demi en dessous de la route. Le projet consiste à réutiliser les deux éléments existants et de les relier par un nouveau. Le nouvel ensemble créé, est pourvu d’une cour pavée d’anciennes pierres qui fait office d’entrée principale. Autour, un jardin composé de chemins et d’arbres veut apporter un espace de tranquillité à l’écart de la ville.
36
LUCCHINI, Françoise, op. cit. page 84. 89
FIGURE 39.1 - Maquette du projet de la Battersea Power Station.
FIGURE 39.2 - Master plan du projet de la Battersea Power Station.
FIGURE 39.3 - Photographie de la Battersea Power Station en travaux.
Ici, il s’agit d’un quartier industriel composé d’une multitude de petites infrastructures nécessitant d’être retravaillées pour s’adapter aux besoins de la ville d’aujourd’hui.
A une autre échelle, les deux cent hectares de la centrale à charbon de Battersea à Londres
sont en cours d’aménagement depuis 2014. Les espaces au sol autour du bâtiment de Gilbert Scott ont été vendus et un grand quartier en plusieurs phases se construit avec des projets de divers architectes tels que les agences Norman Foster et Frank Gehry. L’ensemble étant géré par les promoteurs « Battersea Power Station Development Company ». La friche ayant accueilli divers évènements culturels dans ce lieu atypique est en train de devenir un quartier branché pour une population favorisée. Les nouvelles résidences à l’architecture moderne entourent l’édifice historique et par leur hauteur similaire ôtent à ce dernier sa monumentalité. L’objectif de se projet étant de créer dans ce lieu immense, un quartier à échelle humaine avec toutes les activités nécessaires à portée de main, qu’il s’agisse de logements, bureaux, commerces. Le risque étant de voir se développer un quartier réservé à une population au revenu très élevé de par le coût des nouveaux logements et qui se repli sur lui-même en ne proposant que des commerces et restaurants accessibles seulement à cette population. Les travaux de la Battersea ne sont pas encore achevés que ce sentiment se dégage déjà du lieu agréable pour se balader, mais soutenu par une stratégie marketing omniprésente et où les services proposés semblent hors de portée du plus grand nombre. La notoriété du site suffira peut-être à attirer une population plus mixte venant des quartiers alentours ou étrangère. Les intentions des promoteurs semblent encore loin des notions de transmission et de partage propres aux reconversions culturelles des sites industriels.
Ce dernier exemple me semble intéressant à mettre en relation avec celui de la Sucrière
puisqu’à une échelle différente les deux reconversions ont été le prétexte à la création d’un nouveau quartier à l’architecture moderne. Le projet global de la Confluence étant un peu différent puisque l’intervention d’investisseurs privés et la création d’un centre commercial, de logements et de bureaux de qualité n’enlève en rien au site son influence culturelle présente avec la Sucrière mais aussi le musée de la Confluence et la promenade du quai Rambaud. Le Matadero quant à lui est un espace associatif ouvert au public et en relation avec le projet urbain Madrid Rio, lui permettant d’attirer une population venant des quartiers voisins. C’est un lieu de partage, un lieu d’échange qui s’ouvre à la ville et à ses habitants.
91
CONCLUSION
Les friches industrielles sont un enjeu majeur du XIXème siècle, puisque omniprésentes dans
nos villes. Elles peuvent se présenter à la fois comme un obstacle au développement de certains quartiers, lieux parfois insalubres ou d’insécurité, mais aussi comme un patrimoine architectural à conserver et une ressource à exploiter. Dans une optique de renouvellement urbain et de développement de la ville sur la ville en opposition à l’étalement urbain, la reconversion s’impose pour offrir à ces lieux chargés d’histoire un nouvel usage adapté aux sociétés actuelles.
Aujourd’hui, un grand nombre d’anciens sites industriels ont été le sujet de ces transformations
et dans la plupart des cas le choix du programme culturel est retenu. En effet, la morphologie et les contraintes limitées de ce type de programme lui permettent de s’insérer parfaitement dans un bâtiment industriel tout en mettant en avant ses caractéristiques propres. Ce programme est d’autant plus important pour ces lieux qu’il induit la notion de partage, de culture et de transmission. Le bâtiment s’offrant comme une œuvre à part entière donnée au visiteur afin de lui faire apprécier et comprendre une part de son histoire. Les choix de l’architecte sur l’existant sont essentiels puisqu’ils sont l’outil de cette transmission et peuvent aussi bien le mettre en exergue que le faire disparaître.
Le choix d’une reconversion n’est jamais anodin, il est lié à sa place dans le territoire et
aux enjeux urbains qui en découlent. Le positionnement historique en périphérie de la ville et l’étalement urbain placent les friches au coeur de zones à développer. L’utilisation de ces bâtiments devient alors un moyen de dynamisation et de promotion de ces espaces oubliés. Les stratégies sont diverses et l’équilibre entre la conservation d’un site historique et la dynamisation d’un quartier par le nouveau programme et les aménagements qui l’entourent et important à trouver. J’ai choisi de centrer mon mémoire sur le Matadero Madrid et la Sucrière de Lyon Confluence puisqu’ils répondent selon moi à cet équilibre entre la friche industrielle, le programme culturel et le projet urbain.
93
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95
INDEX DES ILLUSTRATIONS Page de couverture : Photographie, Manon LEMAIRE Figures 1.1, 1.2, 1.3 : Photographie, Manon LEMAIRE. Figures 2.1, 2.2, 2.3 : Photographie, Manon LEMAIRE. Figures 3.1, 3.2, 3.3 : Photographie, Manon LEMAIRE. Figure 4 : PINARD Jacques, L’archéologie industrielle, Puf. Figure 5 : www.monde-diplomatique.fr Figure 6.1 : aufildelourcq.org Figure 6.2 : «Les grands moulins de Pantin, l’usine et la ville», édition Lieux Dits Figure 6.3 : wienerberger.fr Figure 7.1 : timeout.fr Figure 7.2 : wikipédia.org Figure 7.3 : jourda-architectes.com Figure 8.1 : greaten.com Figure 8.2 : laboitevert.fr Figure 9 : Photographie, Manon LEMAIRE. Figure 10.1 : publication de la Cité-U Nantes Figure 10.2 : lebonbon.fr Figure 10.3 : Photographie, Manon LEMAIRE. Figure 11 : discogs.com Figure 12 : Photographie, Manon LEMAIRE. Figure 13 : wbarchitectures.be Figure 14 : paris-valdeseine.archi.fr Figures 15.1, 15.2, 15.3 : Photographie, Manon LEMAIRE. Figures 16.1, 16.2, 16.3 : Photographie, Manon LEMAIRE. Figures 17.1, 17.2, 17.3 : Photographie, Manon LEMAIRE. Figures 18.1, 18.2, 18.3 : « Memoria historica del antiguo Matadero Municipal de Madrid ». Figure 19 : Redessin depuis les plans issues de « Memoria historica del antiguo Matadero Municipal de Madrid »
Figure 20 : Redessin depuis les plans issues des sites des différentes agences d’architectures ayant travaillées à la reconversion du Matadero. Figure 21.1 : plataformaarquitectura.cl Figure 21.2 : mataderomadrid.org Figure 21.3 : dimad.org Figure 22.1 : naves.mataderomadrid.org Figure 22.2 : cinetecamadrid.com Figure 22.3 : archdaily Figures 23.1, 23.2, 23.3, 23.4 : /www2.culture.gouv. fr Figure 24 : Redessin depuis les plans de l’agence Zarchitectes Figure 25 : Redessin depuis les plans de l’agence Zarchitectes Figure 26 : 2005.labiennaledelyon.com ; la Biennale de Lyon sur twitter ; madame.lefigaro.fr ; tenva.wordpress.com ; leprogres.fr ; lasucrière-lyon.com ; hervebize.com ; Figure 27.1 : z-architecture.fr Figure 27.2 : Photographie, Manon LEMAIRE. Figure 27.3 : leprogres.fr Figure 28.1 : archdaily Figures 28.2, 28.3 : Photographie, Manon LEMAIRE. Figure 29.1 : archdaily Figure 29.2, 29.3 : flickr.com Figures 30.1, 30.2, 30.3 : Photographie, Manon LEMAIRE. Figures 31.1, 31.2, 31.3 : Photographie, Manon LEMAIRE. Figures 32.1, 32.2, 32.3 : wilkinsoneyre.com Figures 33.1, 33.2, 33.3 : idem.madrid.org/visor/ Figures 34.1, 34.2, 34.3 : idem.madrid.org/visor/ Figure 35 : arquitectes.cat Figures 36.1, 36.2 : remonterletemps.ign.fr Figure 37.1 : z-architecture.fr Figures 37.2, 37.3 : Photographie, Manon LEMAIRE. Figure 38.1, 38.2, 38.3 : Photographie, Manon LEMAIRE. Figure 39.1 : Maquette présente au pavillon de promotion de la Battersea Power Station, 97
photographie, Manon LEMAIRE. Figure 39.2 : batterseapowerstation.co.uk Figure 39.3 : Photographie, Manon LEMAIRE.
ANNEXES INDEX DES ANNEXES : Le Matadero : FIGURE 40.1 - Vue aérienne du Matadero en 1930 (CECAF). FIGURE 40.2 - Vue aérienne du Matadero en 1961 (CECAF). FIGURE 41.1 - Façade principale. FIGURE 41.2 - Coupe transversale. FIGURE 41.3 - Façade latérale. FIGURE 41.4 - Coupe longitudinale. FIGURE 42.1 - Photgraphie du Matadero en 1918 FIGURE 42.2 - Photographie du Matadero en 2019. FIGURE 42.3 - Photographie du Matadero en 2019. FIGURE 42.4 - Photographie du Matadero en 2006. La Sucrière : FIGURE 43.1 - Plan masse de l’entrepôt municipal des sucres en 1975. FIGURE 43.2 - Plan et coupe des silos de l’entrepôt municipal des sucres en 1975. Documents généraux : FIGURE 44 - Tableau d’analyse des reconvertions étudiées. FIGURES 45 - Communication de la Battersea Power Station. FIGURES 46 - Exposition Blueman au Lieu Unique. FIGURES 47 - Les bâtiments industriels dans les médias.
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LE MATADERO
FIGURE 40.1 - Vue aérienne du Matadero en 1930 (CECAF).
FIGURE 40.2 - Vue aérienne du Matadero en 1961 (CECAF).
FIGURE 41.1 - Façade principale.
FIGURE 41.2 - Coupe transversale.
FIGURE 41.3 - Façade latérale.
FIGURE 41.4 - Coupe longitudinale.
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FIGURE 42.1 - Photgraphie du Matadero en 1918
FIGURE 42.2 - Photographie du Matadero en 2019.
FIGURE 42.3 - Photographie du Matadero en 2019.
FIGURE 42.4 - Photographie du Matadero en 2006.
LA SUCRIÈRE
FIGURE 43.1 - Plan masse de l’entrepôt municipal des sucres en 1975.
FIGURE 43.2 - Plan et coupe des silos de l’entrepôt municipal des sucres en 1975.
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Lyon
Londres
Londres
Nantes
Tarbes
Barcelone
Barcelone
Madrid
Paris
Paris
Bruxelles
Paris
La Sucrière
La Tate Modern
La Battersea
Le Lieu Unique
L’Arsenal
Le Lleialtat Sentsanca
Le musée Can Framis
Le Caixa Forum
La Halle Pajol
Les Grands Moulins de Pantin
La Savonnerie Heymans
École d’architecture Paris Val de Seine
1891
1869
1923
1926
1899
XVIIIe siècle
1928
1870
1895
1933
1891
1925
1918
Année de la construction
FIGURE 44 - Tableau d’analyse des reconvertions étudiées.
Madrid
Le Matadero
Localisation
Guy Le Bus et Joseph Leclaire
Eugène Haug
Josep Alemany i Juvé
Auguste Bluysen (tours)
Giles Gilbert Scott
Giles Gilbert Scott
Luis Bellido
Architecte du bâtiment d’origine
Usine d’air comprimé
Savonnerie
Grands Moulins
Stockage SNCF
Centrale électrique
Usine de textile
Coopérative ouvrière
Usine d’armement
Biscuiterie
Centrale électrique
Centrale électrique
Entrepôt des sucres
Abattoirs
Programme d’origine
École d’architecture
Logements sociaux
Bureaux
Mixtes
Centre socioculturel
Musée
Centre culturel
Pôle de loisirs
Restaurant et salle d’exposition
Mixtes
Galerie d’art contemporain
Centre culturel
Centre culturel
Nouveau programme
Frédéric Borel
MDW Architectes
Reichen et Robert & Associés
Jourda architectes
Herzog & De Meuron
Jordi Badia (BAAS)
Harchitectes
Patrick Bouchain
Wilkinsoneyre
Herzog & De Meuron
William Vassal et Zarchitectes
Divers
Architectes de la reconversion
2007
2005
2009
2013
2008
2009
2017
2007
2000
En cours
2000
2003
À partir de 2005
Année de la reconversion
Non
Non
Non
Non
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Visité
DOCUMENTS GÉNÉRAUX
FIGURES 45 : Le projet de reconversion du Battersea à Londres est très soutenu par de grandes opérations de marketing et campagnes publicitaires. L’objectif étant d’accroître la notoriété du lieu et d’encourager les investisseurs à se positionner sur des projets d’acquisition de logements, ou de promouvoir les services hauts de gamme qui y seront offerts aux londoniens et à l’international. Voici deux exemples de dépliants récupérés lors de mon passage dans le bureau d’étude où une présentation détaillée et illustrée du projet est accessible au public. Des maquettes ont également été réalisées et permettent de se projeter dans le futur bâtiment reconverti.
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FIGURES 46 : Quelques éléments d’illustration de l’exposition « BLUEMAN on tour » au Lieu Unique de Nantes. L’entrée est libre permettant aux passants ou aux personnes qui sont venues se restaurer sur place, d’aller y faire un tour par simple curiosité.
FIGURES 47 : Des bâtiments industriels mis en vedette sur des pochettes de disques ou dans des publicités. Ces immenses architectures et leurs cheminées ont souvent été une source de fierté et d’inspiration pour les créatifs.
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