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Évoluer|La métamorphose des anciennes Forges de Clabecq

Forges de Clabecq

La reconversion du site des anciennes Forges de Clabecq a-t-elle évolué en quatre ans ? Retour sur les moments forts de cette mutation, la situation actuelle et les grands chantiers à venir.

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Texte : Karima Haoudy - Photo : Duferco Wallonie

Vingt ans après la fermeture des Forges de Clabecq, Espace-vie fait escale dans le site qui a été le creuset, dès le milieu du 18 e siècle, d’une aventure industrielle et sociale, exceptionnelle. De la colossale friche qui s’étend sur près de 80 hectares, il ne reste qu’un chancre. Sous le titre « La lente mutation des Forges de Clabecq », nous appréhendions les rouages complexes de la fabrique de la reconversion avec l’intervention d’acteurs multiples : commune, Région wallonne, in BW et Duferco Wallonie, propriétaire du site. Deux chantiers préliminaires ont conditionné la mise en œuvre de la reconversion : les aménagements du contournement nord et de l’entrée de ville. Des infrastructures qui garantissent la pérennité de la réaffectation d’un site qui comprendra notamment, selon le Master Plan (2013), près de 2 500 logements. Autant dire l’importance de la hausse démographique, estimée à 10%, sur l’équilibre local et supra-local que ce projet représente. De ce dessein envisagé dès 2016, se dessinent des questions qui sont toujours d’actualité : comment assurer une connexion entre le centre de Tubize et la nouvelle entité, véritable « ville dans la ville»?

Série (5/6) L’impact des nouveaux quartiers d’envergure sur leur commune

La lente mutation des Forges de Clabecq

Le renouveau tubizien passe par la réhabilitation des Forges de Clabecq. Près de 2 500 logements qui auront d’indéniables conséquences sur le devenir de la commune. La reconversion prend toutefois du retard. Mais c’est pour mieux anticiper les multiples impacts qui en découleront.

Les stigmates du lourd passé industriel des Forges de Clabecq (Tubize) ont laissé place à un paysage de morne plaine. Démolition de hauts fourneaux et dépollution sont passées par là ces dernières années. Mais la longue et importante reconstruction n’a, quant à elle, pas encore débuté. Tubize attend maintenant depuis près de vingt ans la reconversion de l’énorme chancre de 87 hectares qui a suivi la faillite des Forges prononcée en décembre 1996. Duferco Développement a racheté le site dans la foulée, imaginant y aménager un nouveau quartier d’envergure. Rien n’est encore toutefois sorti de terre. Un retard dicté par de lourdes procédures administratives. Le contournement Nord sur la bonne voie La situation s’est quelque peu éclaircie ces derniers mois : un master plan, voté en mai 2013, balise désormais le devenir de la zone alors qu’une première demande de permis d’urbanisme pour aménager 200 logements (40 maisons, 160 appartements) à l’ouest du site (avec ouverture de voiries) a été introduite fin 2015 par le promoteur. La commune ne s’est pas encore prononcée sur le sujet, au grand dam de Duferco. Il faut dire qu’on est aujourd’hui bien loin des projections initiales qui voyaient les premiers résidents emménager cette année… Et le changement de majorité communale en 2012 a, il est vrai, quelque peu retardé le projet. Les grandes orientations n’étant plus partagées par le monde politique. Pour rappel, le master plan est le fruit d’une longue concertation citoyenne menée à travers des ateliers urbains. En est ressorti un projet commun qui prévoit l’aménagement d’un nouveau boulevard urbain, de 2000 à 2500 logements (dont 200 maisons individuelles), de bureaux (entre 30000 et 70000m²), de 14 à 16 ha de zones dédiées à l’activité économique, de 1 à 2 ha d’équipements communautaires (école, crèche…) ainsi que de commerces et services au rezde-chaussée des immeubles. Des espaces verts sont aussi prévus. Le dossier a longtemps été tributaire du déblocage de deux éléments d’infrastructures : l’aménagement du contournement nord de Tubize et l’aménagement de l’entrée de ville. Le premier, dans les tiroirs de la Région wallonne depuis dix ans, doit permettre de relier la sortie du ring à HautIttre, à l’autoroute A8 à Saintes. Il vient d’être débloqué puisqu’il figure dans le Plan Routes 2016-2019 du ministre Prévot. Ce contournement bénéficiera d’un financement de 11 millions d’euros. « Une très bonne nouvelle car il est indispensable à la reconversion du site des anciennes Forges de Clabecq », précise Olivier Waleffe, directeur de Duferco Développement. Des précisions doivent encore être apportées sur le tracé choisi. L’objectif de départ étant de désengorger les centres de Tubize et « Notre objectif n’est pas de déforcer le centre de Tubize. Il doit rester attractif. Car il n’y aurait rien de pire qu’une zone abandonnée à proximité des Forges. »

de Braine-le-Château. Pour ce qui est des aménagements de l’entrée de ville – la suppression du passage à niveau de la rue de la Déportation –, un contrat de partenariat a été signé avec l’IBW pour la réalisation des travaux. « Nous sommes aujourd’hui dans une situation d’attente de délivrance de permis, lance Olivier Waleffe. Nous es

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espace-vie l juillet 2010 l n° 203 5 Le paysage des Forges de Clabecq est en constante mutation. Vous pouvez découvrir (et comparer) la situation actuelle avec le projet futur en couverture. © Duferco Dees. Ux Ca ! > Christian Radelet, Fonctionnaire délégué « 87 ha, c'est une ville nouvelle ! » interview > Cette reconversion va-t-elle bouleverser les équilibres à Tubize ? C’est évident. Aménager 87 ha, c’est comme se lancer dans la réalisation d’une ville nouvelle. Il y a donc le risque de déplacer certains équilibres. Un travail a déjà été réalisé pour définir des zones d’emploi, de services publics, d’équipements, etc. Il faut maintenant s’atteler à créer des liens entre le centre actuel de Tubize et les Forges de Clabecq. > Le grand défi n’est-il pas de répondre à la hausse démographique en termes d’équipements ? Oui. Nous avons bloqué le dossier tant que nous n’avions pas de solutions en termes de mobilité pour le contournement nord. C’est maintenant le cas. Aucun tracé n’avait jamais été défini. Nous disposons désormais d’un tracé à taille humaine qui permettra de relier les voiries existantes. Mais le grand défi est de créer crèches, écoles ou maisons de repos dans les prochaines années, pour répondre à l’afflux de nouveaux habitants. Ce qui n’a pas été fait ces quinze dernières années. Les précédents Collèges communaux ont donné la Ville aux promoteurs, qui n’aménageaient pas suffisamment l’espace public. C’est fini. .> Pourquoi la Ville ne s’est-elle toujours pas prononcée sur la demande de permis déposée par Duferco fin 2015 ? Car nous souhaitions avoir nos apaisements en matière d’infrastructures. Une réponse sera donnée sur ce permis dans le courant du mois de septembre. > Referiez-vous l’important travail citoyen et collaboratif qui a été réalisé dans le cadre du Master plan ? C’était une belle réussite. Cela a permis de développer une autre vision que celle des architectes et des ingénieurs. Ce travail a permis de jeter des ponts entre Tubize et Clabecq. > Vous êtes repris dans la liste des Quartiers nouveaux... Nous sommes emberlificotés dans une série d’imbroglios administratifs. Le dossier est très compliqué. Nous serons dorénavant prioritaires à la Région. Tout le monde aura un œil sur nous. C’est important. > Propos recueillis par X. A. pérons pouvoir lancer les premiers travaux à l’automne. Près de 17 millions d’euros ont déjà été investis par Duferco dans les infrastructures et la dépollution. Il est temps de passer à la vitesse supérieure. Heureusement que Duferco est un groupe d’une certaine taille bénéficiant d’une assise solide car nous arrivons au bout de nos fonds propres. » Les premières constructions pourraient être terminées d’ici deux ans, soit fin 2018. On retrouvera d’ici quinze ans près de 2000 à 2500 logements. Le chiffre sera affiné en fonction du succès de la commercialisation des appartements. « La densité sera plus forte le long du canal. Cette zone pourra déjà être développée parallèlement à la première demande de permis. » Maintenir un centre-ville fort et attractif Quid des conséquences d’un projet d’une telle envergure sur une entité de 25 000 habitants ? Elles seront multiples. Une hausse de 10% de la population tout d’abord, ce qui aura des impacts en termes de services et d’équipements à créer (crèches, écoles, équipements sportifs, etc.). Une population nouvelle au pouvoir d’achat plus élevé. Et un centre d’attractivité qui devrait se déplacer vers cette nouvelle zone. « Mais notre objectif n’est vraiment pas de déforcer le centre de Tubize, précise Olivier Waleffe. Nous sommes d’avis que notre projet ne réussira qu’en maintenant un centre-ville fort. Il n’y a aucun intérêt à créer une concurrence et affaiblir le centre. Au contraire même. Car il n’y aurait rien de pire qu’une zone abandonnée à quelques centaines de mètres des Forges de Clabecq. L’objectif est de permettre une liaison entre les différents quartiers dans un esprit de mixité sociale et générationnelle. » Une reconversion de cette envergure est inédite en Brabant wallon et rare en Wallonie. Les têtes pensantes de Duferco ont donc beaucoup voyagé pour s’inspirer de reconversions d’anciens sites industriels à l’étranger. « Nous avons notamment été à Belval au Luxembourg, dans la Ruhr, en Flandre. Mais c’est vraiment de la presqu’île de Nantes que nous nous sommes le plus inspirés. Cette reconversion se rapproche davantage de celle qui nous concerne. Nous avons en fait pris le meilleur d’un peu partout pour réaliser un projet unique. » > Xavier Attout Découvrez aussi le cycle de conférences dans le cadre de Tubize bouge (voir page 16) Michel Januth est bourgmestre de Tubize depuis 2012.

05 espace-vie l septembre 2016 l n° 264

Une vision à long terme

Depuis 2016, il y a eu un chantier décisif : celui de la mise en place d’une Société d’économie mixte (SEM) qui sera officielle dans le courant des semaines à venir. Cet organe rassemble des partenaires publics (Ville de Tubize, etc.) et privés (Duferco Wallonie, les investisseurs et promoteurs français Samfi-Invest et DCI, etc.) associés à la genèse du projet. Elle pourra s’ouvrir à d’autres acteurs du Brabant wallon et d’ailleurs. Ses objectifs ? Assurer un développement pérenne et équilibré des nouveaux quartiers avec le reste du maillage tubizien. Une création inédite dans le paysage wallon. En France, des structures analogues ont déjà été mises en place, notamment pour superviser le renouvellement d’anciennes enclaves industrielles (cf. l’Union à Roubaix). La SEM veillera à ce que des synergies pérennes puissent être développées entre Tubize, Clabecq et les communes environnantes, dans différents domaines (commercial, mobilité, etc.).

Des ateliers urbains à ciel ouvert

Depuis 2016, les idées se mettent en forme. La première avancée majeure réside dans l’assainissement du site, qui est presque (soit à 98%) en voie de finalisation. Pour mesurer concrètement l’évolution, il faut parcourir le quartier Les Coteaux qui, situé dans la continuité du quartier de la Bruyère, propose essentiellement du résidentiel. Près de 200 logements sont déjà sortis de terre. Les premiers habitants sont attendus d’ici avril 2020. Avec une visée urbanistique plus affirmée, le Quartier des Confluents a obtenu son permis en septembre 2019. Sur près de 12 hectares, il est prévu de greffer aux logements d’autres fonctionnalités tels que des commerces de proximité, un outlet mall, des espaces réservés aux loisirs dont la possibilité de redécouvrir le canal, une résidence service, une maison médicale, une crèche, des espaces verts, un projet inédit d’agriculture urbaine. Une partie de l’emprise du quartier sera affectée au projet de reconfiguration de l’entrée de ville. « Nous voulons créer un véritable quartier de vie bâti sur le principe de la mixité, fonctionnelle, générationnelle et sociale » précise Michel Januth.

Le levier de la mobilité

Bien qu’ils ne soient pas déterminés par le processus de reconversion, le contournement nord et l’aménagement d’un boulevard urbain sont depuis 2016 sur la bonne voie. « Ces infrastructures étaient essentielles au développement de Tubize », précise Olivier Waleffe, administrateurdélégué de Duferco Wallonie. Le contournement, géré par le SPW Mobilité, est sur le chemin de l’obtention du permis. Autre chantier : la suppression du passage à niveau, remplacé par un ouvrage de franchissement intégré au nouveau boulevard d’entrée de ville. Ces infrastructures permettront d’apaiser la circulation dans le centre de Tubize et répondront également aux besoins de mobilité générés par la densification et les nouvelles fonctionnalités. Aussi, un maillage viaire veillera à assurer une circulation fluide entre les nouveaux quartiers et le centre de Tubize tout en répondant aux enjeux de la transition écologique. « La création de quartiers aboutis et mixtes permet de réduire les déplacements, rappelle Olivier Waleffe. Certes, pas de les éviter. Mais, plus densifiés seront nos quartiers, plus le transport en commun pourra s’y développer. »

Nous voulons créer un véritable quartier de vie bâti sur le principe de la mixité, fonctionnelle, générationnelle et sociale. Michel Januth, bourgmestre de Tubize

Un rempart à la gentrification

Si le projet de reconversion se dessine progressivement, demeure la question de l’accessibilité économique des logements au sein de ces nouveaux quartiers, qui prennent racine sur des territoires autrefois façonnés – activité industrielle y contribuant – par une mixité sociale et culturelle. Question d’une acuité forte, dans cette partie de l’Ouest du Brabant wallon traversée par des disparités socioéconomiques profondes. Cette préoccupation est notamment prise en compte par la mise à disposition de 10 % de logements publics et, comme le souligne Michel Januth, bourgmestre de Tubize, « nous devons être attentifs à la composition du tissu sociologique de la population de Tubize pour assurer, notamment aux jeunes ménages tubiziens en quête d’un logement, un ancrage local ». Un ancrage nécessaire dans un territoire en pleine mutation.

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