Algérie face aux migrations de crise Dr. Musette Mohamed Saïb Directeur de Recherche, CREAD, Alger – mars 2013 Les phénomènes relevant des « migrations de crise » ne sont pas nouveaux. Lors d’une crise (politique, économique, sociétale), la mobilité des populations augmente de densité tant à l’intérieur du pays (les déplacements forcés) ou vers l’étranger ( à la recherche d’une protection internationale). Ces deux cas de figure relèvent jusqu’ici des situations connues par le HCR qui tente d’apporter l’aide humanitaire nécessaire. La crise mondiale actuelle, financière et économique, n’épargne pas les migrants. Le SG des NU, dans son discours pour marquer l’Année Internationale des Migrants 2012, note que les migrants deviennent des « bouc-émissaires » à tous les problèmes vécus. A cette dimension désormais classique, des nouvelles formes de « migrations de crise » ont fait surface ces dernières années. Les crises multiformes enregistrées au niveau des pays de l’Afrique du Nord (Tunisie, Egypte, Libye, Yémen, Syrie…) ont provoque des mouvements de populations qui échappent aux configurations antérieures des crises. La simultanéité et/ou l’enchainement de ces crises ont provoqué des flux migratoires dans tous les sens. Les effets sur l’Algérie méritent qu’on s’y attarde. Car en situation de crise, tous les accords bilatéraux deviennent caduques, les mécanismes étatiques ne plus opérationnels. Les réponses algériennes sont doubles – vis-à-vis de ses ressortissants à l’étranger et à l’égard des populations étrangères qui s’orientent vers l’Algérie. L’urgence des situations a conduit l’Algérie à mobiliser tous les moyens disponibles pour rapatrier ses ressortissants face aux risques sécuritaires. Cet élan de solidarité n’est pas exclusif à nos ressortissants mais aussi à d’autres nationalités. Dans le même élan, l’Algérie ne pouvait ne pas accueillir les étrangers à la recherche d’une protection internationale. Le dispositif de la lutte contre les migrations irrégulières ne pouvait être appliquées dans toute sa rigueur. Une certaine flexibilité est nécessaire. Le traitement humain des migrants est devenu prioritaire, sans pour autant délaissé totalement les mesures sécuritaires. Selon les données diffusées par le Ministère de l’intérieur : si entre 2007 et 2011, plus de 40 000 personnes ont été refoulées du sol algérien, nous avons actuellement près de 60 000 étrangers en situation irrégulière en Algérie – dont 25 000 subsahariens (pour la plupart des Maliens), 17 000 syriens et 15 000 libyens. De même, il est à relever la présence des migrants originaires d’Algérie parmi les maliens. Il y a lieu de souligner qu’ils sont plus de 8 000 algériens, rapatriés de la Libye – ils ont tous perdu. Quel est le profil de ces migrants de « retour forcé » vers l’Algérie ou des migrants au « départ forcé » de leur pays d’accueil ? Il est forcement complexe et méritent une prise en charge appropriée.
A ces nouvelles formes de migrations de crise, une nouvelle forme de gestion est nécessaire. La solidarité nationale est ainsi convoquée pour nos ressortissants et la solidarité internationale pour les étrangers en quête d’une protection internationale.