La petite renarde rusée de Janacek

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LA PETITE RENARDE RUSÉE OPÉRA DE LEOŠ JANÁČEK NOUVELLE ADAPTATION D’ALEXANDER KRAMPE

Dossier réalisé avec la collaboration du Service Animation et Jeune Public de l’Opéra National de Paris (Agnès de Jacquelot) et de Sébastien Bouvier, enseignant missionné à l’Opéra de Lille. Service des relations avec les publics > groupes @opera-lille.fr, Avril 2009

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SOMMAIRE

Préparer votre venue à l’Opéra

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LA PETITE RENARDE RUSÉE • Résumé • Synopsis • Leoš Janáček et Alexander Krampe • Guide d’écoute • Extraits de la nouvelle de Rudolf Těsnohlídek

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UNE NOUVELLE PRODUCTION DE LA PETITE RENARDE RUSÉE À L’OPÉRA DE LILLE • Equipe artistique et distribution • Notes de mise en scène • La fabrication des masques

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POUR ALLER PLUS LOIN Autour de l’opéra La Petite Renarde : • Pistes pédagogiques • Les animaux dans la musique • Mots croisés « Petite Renarde »

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Plus généralement sur l’opéra : • La Voix à l’opéra • Qui fait quoi à l’opéra ? • L’Opéra de Lille, un lieu, une histoire

ANNEXES • Les instruments de l’orchestre

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PRÉPARER VOTRE VENUE

Ce dossier vous aidera à préparer votre venue avec les élèves. L’équipe de l’Opéra de Lille est à votre disposition pour toute information complémentaire et pour vous aider dans votre approche pédagogique. Si le temps vous manque, manque nous vous conseillons, prioritairement, de : - lire la fiche résumé et le synopsis détaillé - faire une écoute des extraits représentatifs de l’opéra (guide d’écoute)

Recommandations Le spectacle débute à l’heure précise. Il est donc impératif d’arriver au moins 20 minutes à l’avance, les portes sont fermées dès le début du spectacle. Il est demandé aux enseignants de veiller à ce que les élèves ne sortent pas de la salle en cours de spectacle et demeurent silencieux afin de ne pas gêner les chanteurs ni les spectateurs. Il est interdit de manger et de boire dans la salle, de prendre des photos ou d’enregistrer. Les téléphones portables doivent être éteints. Nous rappelons aux enseignants et accompagnateurs accompagnateurs que les élèves demeurent sous leur entière responsabilité pendant toute leur présence à l’Opéra et nous vous remercions de bien vouloir faire preuve d’autorité si nécessaire. Durée du spectacle : 1h Opéra chanté en tchèque et en français (non surtitré)

Témoignages L’équipe de l’Opéra souhaite vivement que les élèves puissent rendre compte de leur venue, de leurs impressions… à travers toute forme de témoignages (écrits, photographies, productions musicales). N’hésitez pas à nous les faire parvenir.

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RÉSUMÉ La Petite Renarde rusée (Příhody lišky Bystroušky en tchèque) est un opéra en trois actes du compositeur tchèque Leŏs Leŏs Janáče Janáček ček (1854-1928). Son livret est inspiré d’un roman de Rudolf Tesnohlídek sur le thème de la chasse, initialement publié sous forme de bande dessinée. L’opéra a été représenté la première fois et créé au Théâtre national de Brno le 6 novembre 1924.. Conceptrice de spectacles lyriques originaux, Charlotte Nessi propose ici une nouvelle version de cet opéra dans une adaptation musicale d’Alexander Krampe pour douze instrumentistes. L’histoire : Un garde-chasse capture dans la forêt une jeune renarde et la ramène chez lui pour en faire un animal domestique. Mais la petite renarde, maltraitée par les enfants et le chien, ne tarde pas à retrouver son instinct sauvage et chasseur. Elle s’échappe et s’enfuit dans les bois où elle fait la connaissance d’un blaireau qu’elle déloge de son terrier puis d’un renard dont elle tombe amoureuse. Ils se marient et vivent heureux avec leurs cinq petits renardeaux jusqu'au jour où la renarde tombe sous les balles d'un chasseur.

Les personnages et leur voix : La Renarde (Bystrouska)

Dans la partition originale :

Interprété par :

soprano

Elena Poesina, soprano

Le Garde-chasse (Revirnik)

baryton

Jacques Calatayud, baryton

Le Renard (Lisak)

soprano

Maja Pavlovska, soprano

Le Coq (Kohout)

soprano

Maja Pavlovska, soprano

Le Blaireau (Jezevec)

basse

Nicolas Rouault, baryton

La Femme du forestier (Pani Revirnikova) alto

Jennifer Tani, mezzo

La Chouette (Sova)

alto

Jennifer Tani, mezzo

Le Pic-vert (Datel)

alto

Jennifer Tani, mezzo

Lapak Le Chien

mezzo

Marc Valero, ténor

Les Renardeaux voix d’enfants (soprano) Frantík, Pepík, enfants de la maison

Chanteurs du Choeur de Sotto Voce

Poules (soprano), crapaud (soprano enfant), moustique (ténor) et autres animaux de la forêt… Certains personnages de la version originale –curé, instituteur,aubergiste– sont absents dans l’adaptation de Krampe. Dans cette version, les animaux chantent en tchèque et les hommes en français.

L’orchestre : L’adaptation musicale de Krampe propose une version de chambre pour 12 instrumentistes solistes Quintette à cordes : violon 1, violon 2, alto, violoncelle, contrebasse Instruments à vent : flûte traversière, piccolo, hautbois, clarinette, cor, basson, accordéon Percussions : vibraphone, xylophone, grosse caisse symphonique, caisse claire, sirène électrique à

pédale, crécelle, triangle, guiro sur pied, woodblocks, cymbales

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SYNOPSIS Acte I Dans la forêt, un aprèsaprès-midi ensoleillé d’été - Comment Bystrouška, la petite renarde, fut attrapée… Le garde-chasse dont l’arrivée trouble la vie des bêtes de la forêt, décide de se reposer au pied d’un arbre en attendant que l’orage passe. Quand, tout à coup, un petit renardeau se retrouve nez à nez avec lui. C’est Bystrouška, la petite renarde, qui tente en vain de s’enfuir mais l’homme la capture et la ramène chez lui. Une fin d'aprèsd'après-midi d'automne - Dans Dans la cour de la maison forestière Bystrouška a grandi. Installée chez le garde-chasse, elle doit se défendre contre les avances du chien et les mauvais traitements des deux enfants de la maison, Frantík et Pepík. Comme elle les a mordus, le gardechasse l’attache. La nuit tombe et elle se lamente sur son sort. Le lendemain, à l’aube, alors que la femme du garde-chasse jette un peu de nourriture aux poules, Bystrouška les attire en lançant un appel à la révolte, sans succès. Écœurée par leur attitude, elle feint de s’enterrer vivante. Le coq, intrigué, s’approche tout près…, si près que la renarde bondit et l’égorge, ainsi que toutes les poules les unes après les autres. La femme du forestier a beau crier, le mal est fait, mais la renarde a compris ce qui l’attend : elle casse son attache et s’enfuit dans la forêt.

Acte II L’hiver approche - La petite renarde et le blaireau dans la forêt Libre dans la forêt, Bystrouška rencontre un blaireau qu’elle expulse sans pitié de son terrier et s’y installe. Le printemps printemps arrive - Les amours de la la petite renarde et du renard La renarde fait la connaissance d’un superbe renard. Dans un récit à sa façon, elle lui raconte sa vie, son éducation, sa captivité dans la maison du garde-chasse et sa fuite. Ils tombent amoureux l’un de l’autre, ce qui provoque des commérages parmi les oiseaux. Elle se trouve vite dans l’obligation de se marier et le mariage est ainsi célébré avec tous les animaux de la forêt.

Acte III C’est l’été… - La mort de la petite renarde Le garde-chasse rêve qu’il s’est transformé en braconnier pour attraper la petite renarde. Il dresse un piège et s’éloigne. Bystrouška et son mari de renard avec leurs enfants s’en amusent beaucoup. Mais attention, le garde-chasse revient. La famille Renard le nargue, le fait tomber, lui vole ses victuailles dans sa besace. Le garde-chasse furieux, prend son fusil et tire. Les petits renardeaux détalent… Seule la petite renarde Bystrouška agonisante, reste à terre et meurt. Sous le choc, le garde-chasse se souvient… Emu par la beauté qui l’entoure, il décide de se reposer. Quand tout à coup, un petit renardeau se retrouve nez à nez avec lui. Et quand il cherche à l’attraper, il tombe sur un petit crapaud qui lui dit : « Ce n’était pas moi, c’était mon grand-père, il m’a beaucoup parlé de vous… ». Ainsi va la vie, le temps et les saisons qui passent.... Extrait du programme de l’Opéra de Paris

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LEOŠ JANÁČEK et ALEXANDER KRAMPE Leoš Leoš Janáč Janáček áček est né le 3 juillet 1854 à Hukvaldy (en actuelle Moravie, République Tchèque). Il est le neuvième d’une famille de treize enfants. Son père, instituteur, l’envoie à Brno étudier la musique dans un monastère. Remarqué pour ses prestations dans le chœur du monastère, il poursuit ses études à l'école d'orgue à Prague, puis aux conservatoires de Leipzig et de Vienne. Il rencontre, en 1874, Antonín Dvořák à Prague, et c’est le début d'une longue amitié. Dvořák critiquera à titre amical ses premières compositions et influencera durablement Leoš Janáček par sa manière de composer en épousant les intonations de la langue parlée. En 1881, il retourne à Brno pour se consacrer à l'éducation de la musique. Il explore le folklore moldave et différents dialectes, s’inspire des coutumes de son pays natal et des bruits de la nature, qui marqueront l’ensemble de son œuvre. Il compose alors son opéra Jenůfa (1904), qui lui apportera une certaine reconnaissance, en partie grâce à ses qualités remarquables de dramaturge et d’homme de théâtre. Il fonde à Brno un Conservatoire d'orgue qu'il dirigera jusqu'en 1920. C’est dans cette même ville que La Petite Renarde rusée sera créée en 1924.

Cette version de La Petite Renarde rusée est une adaptation musicale d’Alexander Krampe. Né en 1967 à Graz, Alexander Krampe commence sa formation musicale au conservatoire Léopold Mozart d’Augsbourg. Après avoir étudié le piano avec Radu Toescu et Michael Endres, il devient, à partir de 1990, chanteur de jazz. Il travaille entre autres avec Horst Jankowski, Peter Herbolzheimer, Larry Porter et Peter Tuscher. En 1991, il intègre l’orchestre allemand de jazz des jeunes dirigé par Peter Herbolzheimer. Par la suite, il étudie la philosophie à l’université de Munich. Depuis 1998, il travaille comme arrangeurcompositeur. Il est directeur artistique de la « Komm » (Opéra de chambre) à Munich, ainsi que des événements de jazz et de musique classique à la « Schrannenhalle » à Munich.

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GUIDE D’ÉCOUTE Pour ce guide d’écoute la version choisie est celle dirigée par Sir Charles Mackerras, Mackerras, DECCA (2008) avec l’orchestre Philharmonique de Vienne et le Chœur de l'Opéra National de Vienne, Lucia Popp (Renarde), Dalibor Jedlicka (garde-chasse), Eva Zigmundová (femme du garde-chasse),

Prélude

CD1 piste 1

Ce prélude orchestral plante le décor d’une nature (une forêt en été) ; il prépare l’auditeur à l’histoire qui va suivre et développe des couleurs instrumentales naïves et scintillantes. Janáček rend hommage ici aux paysages de sa Moravie natale. Le compositeur met l’accent sur des motifs musicaux très caractéristiques qui lui permettent de structurer son discours de manière claire ; c’est par un jeu incessant de contrastes de timbres, de phrasé (écriture en legato et en détaché des cordes). L’ensemble suit le plan suivant : Motif A : phrasé legato, alternance rapide entre deux notes dans le registre medium, se terminant sur une mélodie descendante. Il illustre la forêt mystérieuse. Motif B : phrasé détaché, motif tournoyant aux cordes. Les pizzicati des violons suggèrent le jacassement d’oiseaux et le vol saccadé d’insectes. Ces deux motifs alternent en subissant des modifications (A sera joué dans l’aigu, B sera tronqué). A 1’06’’ tout l’orchestre se fera entendre dans une nuance forte sur un motif dérivé de A. Puis, c’est un retour au calme qui conduit à 1’41’’ vers un motif tournoyant C joué par la flûte traversière qui évoque la danse de la libellule. A 1’46’’ un motif syncopé D sera exécuté aux cordes, ce motif se superposera à C. A 2’39’’ le tempo ralentit et le motif A est réexposé. Il alterne à nouveau avec B. A 3’10’’ en guise de conclusion, les timbales se joindront au motif syncopé D. Avec les élèves : Repérez les différents éléments musicaux qui constituent ce prélude : - Les familles instrumentales de l’orchestre (cordes, bois) - Les motifs liés, détachés, syncopés. - Après une première écoute, imaginez la scène, le décor : où cela se passe-t-il ? À quelle saison ?, Quels animaux entendez-vous ?....

Acte I–– « Kmotřenka…. Kmotřenka…. » les animaux de la fôret, la renarde et le garde-chasse

CD1 piste 3 et 4(>1’26)

Ce premier tableau met en scène les différents animaux de la forêt. Le grillon et la sauterelle dialoguent : la mise en musique du texte est syllabique et le rythme irrégulier. L’ensemble est souligné par les pizzicatos des cordes et le trille des violons évoquant la légèreté du grésillement des insectes. Le moustique éméché (pour avoir bu le sang de ses victimes ?) entre en scène au son d’une valse : ses paroles sont énoncées de manière irrégulière : « Sakva, sakva, sakulajda… ». Puis le jeune crapaud au croassement immuable (« breteke ») tente d’attraper le moustique. Ce dernier lui répond de manière virulente et réussit à s’échapper. Arrive la jeune renarde qui découvre le monde qui l’entoure. Sur un ton plaintif elle questionne sa mère. Ses interventions sont brèves et s’appuient sur un intervalle de tierce puis de sixte. L’accompagnement construit sur un motif de quatre mesures est assez répétitif. Toutefois, le tempo s’accélère, et les deux notes jouées rapidement dans l’aigu créent une nouvelle tension et annoncent l’arrivée du Garde-chasse qui s’apprête à capturer la renarde. Dossier pédagogique La Petite Renarde rusée Opéra de Lille, avril 2009 |7


Cvrecek Kmotrenka zakoncertovala si také ?

Le Grillon Ma commère serait-elle d’accord pour un petit concert ?

Kobylka Jennebude-li kmotrickovi vadit, Ze si potrpim na starodávné trýle.

La Sauterelle A condition que mon compère n’ait rien contre ma prédilection pour les trilles à l’ancienne.

Komár Sakva, sakva, sakulajda !

Le Moustique (éméché) Cré nom, cré nom, cré nom de nom de nom !

Skokánek Brekete !

Le Jeune crapaud (cherchant à attraper le moustique) Coâ !

Komár Sakva, Zavriju !

Le Moustique Tu vas la fermer, Cré nom de nom ! (il s’envole)

Skokánek Brekete !

Le Jeune crapaud Coâ !

Komár Kdes byl Kdyz hrmelo ?

Le Moustique Où étais-tu ? Pendant que grondait le tonnerre ?

Bystrouska Mami ! Mami, co je to ? Co je to ? Ji se to ?

La Renarde (contemplant le jeune crapaud) Maman ! Maman, qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce que c’est ?* Est-ce que ça se mange ?

(la petite renarde entre en courant)

(le crapaud saute et atterit sur le nez du garde-chasse endormi) Revírník Set sacra pes. Potvora studená

Le GardeGarde-chasse Sacré nom d’un chien ! Froid petit monstre !

(il aperçoit la petite renarde. Il essaie de la capturer) Toz ty tak ? Kujone !

C’est donc toi ? Canaille !

Bystrouska Mami, mami !

La Renarde Maman, maman !

Revírník Cha, cha, cha, cha ! Podrzime si te hezky.

Le GardeGarde-chasse Ha, ha, ha ha ! Là, je te tiens !

Avec les élèves : - Ecoutez les sons de différents insectes, et notez les sons qu’ils produisent. Soulignez ces onomatopées par une musique inventée. - De quelle manière le compositeur caractérise-t-il les différents animaux ? - Comment l’orchestre souligne-t-il les sentiments de la Renarde et du Garde-Chasse ? - En vous appuyant sur le texte, imaginez la mise en scène de ce passage.

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Acte I––La Renarde : « Held’te, sestry…. »

CD1 piste 11

Bystrouška a grandi. Le Garde-chasse l’a attachée car elle a mordu ses enfants. Elle attire les poules en lançant un appel à la révolte. La Renarde, devenue adulte tient maintenant un discours tout à fait différent. Le ton est maintenant plus affirmé et la Renarde développe des idées féministes. L’orchestre joue dans une nuance forte, souligne les propos par des ostinatos, et la mélodie vocale s’appuie sur des motifs répétés.

Bystrouska Hled’te, sestry jakého mate vudce ! Chce vás pro svoje choutky ; Za to bere zold od cloveka. Druzicky ! Sestricky ! Odstrante staré rády ! Stvorte nový svet, Kde budete rovným dilem Sdilet radosti a stesti !

La Renarde (qui s’adresse aux poules) Regardez, mes sœurs, le chef que vous avez ! Il vous garde pour ses convoitises Et touche pour cela une solde de la main de l’homme. Mes compagnes ! Mes sœurs ! Abolissez les règles anciennes ! Créez un monde nouveau, Où vous partgerez équitablement Vos joies et vos bonheurs !

Slípky Bez kohóta ? Bez kohóta ?

Les Poules Sans le coq ? Sans le coq ?

Bystrouska Nac vám treba kohouta ? Nejlepsi zrnko sezobe sám, A do ceho se mu nechce, Na to si vás zavolá. …

La Renarde A quoi vous sert-il, le coq ? Le meilleur grain, c’est lui qui le picore, Et pour tout ce qui le rebute, C’est vous qu’il appelle. …

Avec les élèves : - Comparez cet extrait avec l’extrait précédent (CD1 plage 4). Comment le compositeur traduit-il musicalement les deux âges de la Renarde ? La voix de la Renarde a-t-elle changé ? Quels changements se sont opérés chez elle (devenue adulte, révoltée…)? pourquoi ? - Analysez les paroles de la renarde, à quoi vous fait penser ce texte ? (discours de propagande, propos féministes, attitudes humaines de la renarde). Quelle est la réaction des poules ? - Ce passage, comme l’ensemble de l’œuvre, pose la question de la distinction entre l’homme et l’animal. En étudiant le texte du livret, essayez de distinguer dans chaque personnage les caractéristiques relevant du monde humain et du monde animal.

Acte II––La Renarde

CD1 piste 18

«Kradla jsem !... »

La renarde a rencontré un beau renard ; elle lui raconte son histoire. Bystrouska

La Renarde (s’adressant au renard après lui avoir dit

qu’elle a grandi avec les humains) Krala jsem ! Jednou Jeste mráz mme ted’ prebihá Chytli mne ! Ale liska se umi bránit ! A také se ubráni.

Or je me suis mise à voler ! Une fois J’en ai encore des frissons Je me suis fait attraper ! Mais une renarde sait se défendre, Et elle se défend avec succès ! Dossier pédagogique La Petite Renarde rusée Opéra de Lille, avril 2009 |9


Unim aspon jazyk vyplazit ! No, domlátili mne. Kus ohánky jsem ztratila. Myslivec sliboval : “Ani se neptéte, jak já ju dobiju ! Az padne, Vypárám i ten, hltan mlsné A ty budes mit, zeno, Kozesinu jak hrabenka » Nestydis se, dedo, Svíre térat ? Esli uderis znovu Postavim se ti ! Co ses tak lakomé Ze jde ti o kósek vzanca. Más tu vsheo dost A já nicehoz nic. Zebrat nésu zvyklá Toz sem si kosek vzala. Chces, uder ! Pak aji ty… A uderil ! Tyrane ! Tu más, cos chcel. A zakolibal se jak podt’ até strom. Zdrahla jsem. A s tech dob jsem zvire. Les byl cernejsi nez sama noc A mne bylo volno !

Je sais au moins tirer la langue ! Enfin, ils m’ont donné une telle volée de coups Que j’y ai laissé un bout de queue. Le chasseur promettait : « Vous allez voir comment je vais l’achever ! Quand elle sera tombée, J’extirperai ce gosier gourmand, Et toi, femme, tu auras Une vraie fourrure de comtesse ». Et moi : tu n’as pas honte, pépé, De maltriater un animal ? Si tu frappes encore Je saurai te tenir tête ! Es-tu donc si pingre Que chaque bouchée compte pour toi ? Ici tu as tout en abondance Et moi, je n’ai rien de rien. Je n’ai pas coutume de mendier, J’ai donc dérobé un petit morceau. Frappe, si tu veux ! Mais à ton tour… Or il m’a frappée ! Et moi : Tyran ! Vlan ! Tu l’auras voulu ! Il a chancelé comme un arbre abattu. Et j’ai pris le large. Depuis je suis un animal sauvage. La forêt était plus sombre que la nuit noire Et je m’y suis sentie en liberté !

Avec les élèves : - Ecoutez cet air de la renarde en suivant la traduction française. Cela permettra aux enfants de mieux comprendre cette scène lors de la représentation et d’y être plus attentif (car chanté en tchèque). - Que pensez-vous de la version qu’elle donne de son histoire au renard ?

Acte II––Duo amoureux renarde/renard

CD1 piste 19 à partir de 1’20

Dans cet extrait, la Renarde rusée tente de séduire le Renard (qui porte le nom de Pelage Doré). Le tempo andante, l’accompagnement de style romantique confié principalement aux cordes et les larges intervalles de la mélodie vocale soulignent l’intention de la Renarde. La répétition de la phrase « Qu’est-ce que j’ai de si beau ?» se mêle au jeu théâtral proposé par les nombreuses didascalies. Peu après, les mélodies et les voix (tous deux ont une voix de soprano) des deux personnages se mêlent sur les paroles : « Ô pensées étranges et délicieuses » et « Qu’elle est mignonne ». Bystrouska Jsem-li opravdu tak krásná ! Co je na mne tak krásného ? Co je na mne tak krásného ? Co je na mne tak krásného ?

La Renarde (au renard qui s’est éloigné) Suis-je vraiment si belle ? (couchée sur le dos) Qu’est-ce que j’ai de si beau ? (se roulant dans le sable) Qu’est-ce que j’ai de si beau ? (caressant sa robe) Qu’est-ce que j’ai de si beau ? (le renard revient dissimulé

Trochu jsem prece k svetu ! Ty divné a carokrásné myslenky !

Enfin, je suis assez présentable. O pensées étranges et délicieuses !

dans les buissons)

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Lisák Hezounká je, hezounká ! Nesmin si ji nechat prebat !

Le Renard Renard Qu’elle est mignonne, mignonne ! Il faut que je veille à ne pas me faire doubler !

Bystrouska Jsem-li opravdu tak krásná ? Muj synecku zlatý !

La Renarde Renarde Suis-je vraiment si belle ? (en aparté) Oh, mon cher garçon doré !

Lisák Ruku libám.

Le Renard Renard (s’avançant timidement) Mes hommages

Bystrouska Kdybys vedel, Jak jsem se do tebe zamilovala ?

La Renarde Renarde Si tu savais A quel point je suis tombée amoureuse de toi !

Lisák Ruku libám.

Le Renard Renard (présentant à la Renarde un lapin) Mes hommages

Avec les élèves : - Comparez cette scène avec d’autres duos amoureux (par exemple « La ci darem la mano » de Don Giovanni de Mozart).

Acte II––Prélude

CD2 piste 1 (> 1’00)

Le prélude de ce troisième acte est marqué par une nouvelle intensité dramatique : c’est la mort de Bystrouska qui va constituer l’évènement principal de cette dernière partie et le compositeur emploie les couleurs particulièrement sombres de l’orchestre dans un motif en partie chromatique et au phrasé très marqué joué par la clarinette basse et les cordes graves.

Comme dans le prélude initial, c’est la juxtaposition des motifs qui permet au discours d’évoluer. Le début porte l’ensemble par un crescendo général qui crée une très grande tension. Avec les élèves : - Comparez ce prélude avec le prélude initial. Quelles sont les principales différences ? - Imaginez une mise en scène de ce passage (décor, personnages, lumières).

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Acte II––Chœur des renardeaux

CD2 piste 2

La chanson des renardeaux, interprétée par un chœur d’enfants, possède un caractère populaire (référence à des comptines enfantines) : un tempo rapide, de nombreux accents, une mélodie conjointe, des phrases courtes construites sur des motifs répétés, que l’on peut facilement mémoriser :

Cette mélodie est encadrée initialement par une ritournelle de l’orchestre, qui sert d’introduction et de conclusion à la chanson. L’accompagnement orchestral est dominé par les cordes dont l’écriture s’appuie sur un jeu percussif (pizzicato). Au second plan, les bois soulignent les traits rapides des cordes. Liscicky Bézi liska k Táboru, nese pytel bramboru jezek za ni pospichá, ze ji pytel rozpichá. Bézi liska k Táboru, nese pytel zazvoru bez zajicku, bez za ni, pober ji to koreni.

Les Renardeaux Renardeaux La renarde court vers la ville de Tabor Un sac de pommes de terre portant. Un hérisson presse le pas derrière elle, Disant qu’il va percer le sac avec ses piquants. La renarde court vers la ville de Tabor Un sac de gingembre portant. Cours petit lièvre, Cours derrière elle, Chipe-lui toutes ces épices.

(en courant, ils s’approchent du lièvre)

Avec les élèves : - En quoi cet extrait peut-il faire penser à de la musique populaire ? - On pourra faire chanter les élèves sur ce thème avec les paroles originales en tchèque (pour s’imprégner de la musicalité de cette langue) ou en adaptant la traduction française.

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EXTRAITS DE LA NOUVELLE DE RUDOLF TĚSNOHLÍDEK C’est à partir de la nouvelle de Rudolf Těsnohlídek, parue dans le journal « Lidové Noviny », avec des illustrations de Stanislav Lolek, que Janáček a écrit le livret de La Petite Renarde rusée. Comment Bystrouška Bystrouška, rouška, la petite renarde, fut attrapée Des songes bigarrés traversaient en désordre la tête du forestier. Il grimpait des sommets, dévalait des précipices, et son errance le menait jusqu'au pôle nord. Brrr... Il y faisait un froid ! Il en avait le nez comme un glaçon. La morsure du gel le tira de sa torpeur, il ouvrit les yeux, et, sans tout à fait comprendre ce qui lui arrivait, considéra la grenouille. « Nom d’un chien ! cria-t-il d’une voix de tonnerre, tes jambes sont aussi froides que celles de ma femme ! Tu n’as pas honte de grimper ainsi sur le nez des gens ? Tu veux donc me faire attraper le rhume ! Attends un peu, espèce de vessie bariolée, je vais t’apprendre ! » Il se mit sur son séant et fit un geste pour saisir la grenouille, qui s’enfuit à grands bonds. Le garde forestier ne savait pas très bien s’il rêvait encore, et semblait ne pas comprendre ce qui se passait. Il s’assit, regarda tout autour de lui, se demandant quel était cet endroit où il se trouvait et comment il avait bien pu y arriver. « Ah oui, j’y suis ! se rappela-t-il, c’est ce curé de malheur qui m’a entraîné chez Pásek. Lui et l’instituteur, ils étaient soûls comme des cochons, et ils m’ont retenu jusqu’au petit matin. Ah, les saligauds ! Le curé, lui, c’est sûrement pas sa bonne qui osera lui passer un savon ; quant au maître d’école, la seule chose chez lui qui ressemble à une femme, c’est sa contrebasse. Mais moi, ça va être ma fête. Ma vieille doit être en train d’arpenter la maison en hurlant que des braconniers m’ont fait la peau. Qui sait si elle n’a pas déjà envoyé les gendarmes à ma recherche. Bartoš mon vieux, creuse-toi la cervelle pour trouver un moyen de sortir de ce pétrin, au lieu de rester là à te vautrer dans les pissenlits. Ouf ! Une gueule de bois comme ça, ça pèse lourd sur les épaules. Allons, courage, va falloir porter ce fardeau jusqu’au bout. » Il examina ses vêtements avec attention, et, s’étant assuré que son manteau n’avait pas été mis à mal par cette escapade à travers les fourrés, il commença à grimper tout doucement la colline que baignait la lumière du bon Dieu. Le soleil était déjà bien haut; il ne devait pas être loin de midi, et ses rayons perçaient les ramures épaisses, lorsque le forestier, soudain, remarqua sur le sol une sente fraîchement battue. « Ça par exemple, s’écria-t-il tout joyeux, un sentier que je ne connaissais pas. Je voudrais bien savoir quelle espèce de gibier passe par là. Allons voir de plus près. » Non loin de là, sur le coteau qui surplombe le Vallon Noir, toute une smala de renards était en train de se prélasser après le déjeuner. Maman renarde s’était assoupie, parce que Finoreille, sa petite dernière, avait pleuré toute la nuit, et ne lui avait pas laissé fermer l’œil une minute. La petite faisait ses dents, ce qui, pour les bébés, est toujours un moment difficile. Finoreille à présent s’était calmée, mais elle refusait pourtant d’aller jouer avec ses frères et sœurs, et demeurait blottie dans la fourrure maternelle comme dans un jupon. « Maman, maman, babilla-t-elle, venez voir, qu’est-ce que c’est ? » Museau-Noir, Panache, Coussinette, toute la petite famille abandonna d’un coup le jeu qui les captivait, et vint se rassembler autour de l’étrange créature qui semblait tombée parmi eux comme du ciel, et qui se tenait là, hors d’haleine, les yeux exorbités, comme si elle eût couru un marathon. Finoreille approcha son museau. « Hou, que c’est froid ! cria-t-elle. — C’est nu comme un caillou ! s’exclama Coussinette au comble de la surprise. — Et sa queue ? s’étonna Panache, est-ce qu’il l’a oubliée à la maison ? — Oh ! maman, s’il vous plaît, demanda Finoreille d’une voix cajoleuse, est-ce que ça se mange ?» La vieille renarde ne répondit pas. Elle se félicitait de l’arrivée inopinée de la grenouille. Les enfants s’en amuseraient, tandis qu’elle pourrait dormir au moins quelques instants. Les jeunes renardeaux firent un cercle autour de l’animal, et une vive discussion s’engagea pour savoir de quelle manière on jouerait avec cette étonnante créature. Ils étaient tellement emportés dans le feu de leurs chamailleries enfantines, et leur mère dormait si bien, que nul ne fit attention au bruissement suspect qui agita les broussailles. Au-dessus des feuillages apparut la face carnassière d’un humain. Le garde forestier contempla un instant le jeu des Dossier pédagogique La Petite Renarde rusée Opéra de Lille, avril 2009 |13


petits renards, puis écarta les buissons qui lui faisaient obstacle, et se rua comme un fauve sur le premier renardeau qui lui tomba sous la main. Il enroula dans ses doigts, qui serraient comme une pince, la queue de la malheureuse Finoreille, tandis que maman renarde et ses quatre rescapés s’enfuyaient à toutes jambes au plus profond des forêts. Finoreille cependant se remettait de sa frayeur, et décida crânement de n’en rien laisser paraître. La pauvrette ne se figurait pas quelle âpre destinée l’attendait chez les hommes, et combien il lui faudrait traverser de jours de servitude, subir d’humiliations, avant de retrouver sa chère liberté, d’obtenir une juste revanche, et de connaître enfin le bonheur. Bartoš avait brutalement saisi la renarde par la peau du cou, comme on fait d’un jeune chien, et examinait sa proie d’un air triomphant. « Tu tombes à pic, vermine, voilà mon excuse toute trouvée. Je dirai à ma vieille que je traquais le renard, et que je n’ai pas pu rentrer plus tôt. Dommage que je n’aie pas attrapé toute la famille. Vous faites plus de ravages que les braconniers. Tu es couverte de puces, mais bah ! ça n’est pas si grave. Des puces, on en a tous, pauvres ou riches. Je te tiens, et je te tiens bien, et je vais t’emmener avec moi. Ah, ce sont les enfants qui seront contents ! » […] Dans la cour de la maison forestière Il y avait dans la basse-cour une telle cohue de poules, de poussins, de poulets, qui tous pépiaient, caquetaient à qui mieux mieux, qu’il était impossible que la femme du forestier en sût exactement le nombre. Mieux, elle-même ordonna un jour à une servante de tuer un coq devenu inutile : « De toute façon, cette bestiole n’est plus bonne à rien. » Eh bien, plus d’hésitations, Finoreille lui donnerait un coup de main. Un coq, ça fait du bruit, mais ça ne vole guère, et ça ne court pas vite. Finoreille se jeta aussitôt sur l’animal, et lui tordit le cou avec une telle violence que la tête alla voler loin du corps, dont il ne resta bientôt qu’un tas de plumes derrière la palissade. La renarde, contente d’elle, eut une pensée émue pour son vieux papa renard, le pauvre, qui devait quelquefois errer des journées entières avant de ramener un malheureux choucas pour toute la famille. Il n’y avait qu’une ombre à cette vie de pacha qu’elle menait à la maison forestière, mais une ombre de taille : c’était le jeune bipède, Pepík, le petit-fils du vieux Bartoš. Le gamin était constamment à ses trousses comme un épervier, et bien qu’il n’allât pas jusqu’à lui flanquer des coups de bec, il ne manquait pas une occasion de la pincer ou de lui tirer les moustaches. Il ne la laissait pas en paix une minute, la tirait brutalement d’une sieste délicieuse, et pire encore, il faisait parfois venir un autre mouflet de son espèce pour l’aider à tourmenter Finoreille. « Hé, Franta, je parie que tu ne sais même pas ce qu’on a à la maison. Vise un peu, une renarde, on a une renarde, ça t’en bouche un coin, non ? » Et bombant le torse devant son copain, il saisissait Finoreille par la peau du cou, malgré les grognements de la malheureuse, et la soulevait de terre pour que l’autre puisse l’examiner à son aise. « Qu’est-ce que ça peut me faire, rétorqua le gamin, elle est apprivoisée, elle ne mord pas. — Tu paries ? » ricana Pepík. La renarde jugea préférable d’ignorer ces paroles désobligeantes, mais se promit bien de se venger à la première occasion. Les vauriens eurent l’idée d’un jeu qui acheva de mettre Finoreille dans une rage épouvantable : Pepík la tenait, pendant que l’autre, avec un bâton, faisait des moulinets tout autour de son museau. Les deux gamins ne se tenaient plus de rire. Puis, les rôles ayant été changés, Pepík se montra plus inventif encore, et enfonça son bâton dans le nez de la renarde. Et alors, quelle bosse de rigolade, quand elle se mit à éternuer. Ils ne se lassaient plus de la taquiner. « Est-ce qu’ils me prennent pour un vulgaire clébard ? Par exemple, je ne m’appelle pas Trappeur, moi ! » rouspétait la renarde. « Tu entends comme elle grogne ! » jubilait Pepík ; et Franta lui donna encore un petit coup sur le museau. « Arrêtez, grondait Finoreille, ou vous allez le regretter ! » Dossier pédagogique La Petite Renarde rusée Opéra de Lille, avril 2009 |14


C’était maintenant au tour de Pepík de donner les coups de bâton. « Espèce de petit salopiau, arrête ça tout de suite, se mit-elle à hurler dans sa langue, fiche-moi la paix, tu m’entends ? » Mais il n’était pas question de lui ficher la paix ! « Attends, on va la chatouiller avec deux bâtons en même temps, suggéra Pepík. Regarde, elle devient dingue ! Hé, fais gaffe, on dirait qu’elle veut mordre. » Franta ne se le fit pas dire deux fois, et alla se mettre à l’abri derrière son copain. « Et maintenant, à l’attaque ! » lança Pepík. Finoreille avait le poil tout hérissé. Pourtant elle se dit qu’il valait mieux faire preuve de patience, et se contenta de montrer les dents en retroussant ses babines d’un air féroce. Pepík, dont grand-père et grandmère, à force de gâteries, avaient fait un vrai polisson, se mit à ricaner d’un air méchant, et cingla de son bâton les oreilles de la renarde. « Cette fois, c’en est trop, cria-t-elle, il va y avoir du sang ! » Elle bondit comme une flèche, et sans même songer à ce qu’elle faisait, saisit le gamin par la jambe. Bien sûr, elle voulait seulement lui faire un peu peur ; mais dans l’excès de sa colère, elle s’oublia, et alla planter toutes ses dents dans le gras du mollet. Pepík fut pris d’un tremblement qui agitait jusqu’à sa culotte ; il hurlait ; il appelait : « Aaaah ! Aaaah ! Ça fait mal ! Elle m’a emporté le mollet ! Grand-père, où êtes-vous ? Grand-mère, venez vite ! Elle va me manger. Franta, au secours! Aaaah ! Bououh ! » Mais Franta restait là comme un piquet, comme une souche – Pepík lui en voudrait toute sa vie –, attendant patiemment, plus patiemment sans doute que son camarade, que la renarde voulût bien lâcher prise. Celle-ci comprit tout de suite qu’elle était allée trop loin, et que ça allait chauffer pour elle. Elle desserra les mâchoires, et s’enfuit en courant chercher une cachette sûre. Les hurlements du gosse ne cessaient de la poursuivre, et plus elle prenait du large, plus elle accélérait sa course. Entre-temps, Franta s’était ressaisi. « Arrête de brailler, ordonna-t-il à Pepík, ou ton grand-père va venir te flanquer une dérouillée. Tu sais comment il est quand il se met en colère ; en plus, il nous a défendu d’embêter même le chien, et pourtant, tout ce qu’il sait faire, c’est de rester aplati comme une crêpe toute la sainte journée, cet animal ! Il va me chasser, et toi, tu vas prendre une de ces raclées ! » Pepík reconnut que son camarade n’avait pas tort ; il serra donc les dents, et imposa silence à sa douleur, tel un martyre de la sainte Église. Son copain se baissa, examina la plaie en connaisseur, et diagnostiqua : « Tu as un vache de trou dans le mollet, mais ça finira bien par guérir. Une veine, ta culotte n’est même pas déchirée. Viens, on va attraper cette sale bête et lui faire la peau. » Bien que Finoreille eût déjà atteint le portail, elle n’avait pas perdu un mot de cette déclaration de guerre. Certes, on se la coulait douce à la maison forestière, mais là, il n’y avait plus à hésiter. Lui faire la peau, merci, très peu pour elle, et là-bas, de l’autre côté, la forêt était belle, profonde, tout emplie du chant des oiseaux et du murmure pensif des vieux sapins. La renarde, tout à coup, fut prise d’une indicible nostalgie de ses bois silencieux, de sa maison natale, de sa liberté. Au diable les écuelles et les bols de lait, et en route pour les grands bois ! Elle se retourna, et s’en voulut de n’avoir pas mordu plus profondément : les deux vauriens l’avaient aperçue, et se dirigeaient vers elle en courant. Ils avaient sans doute deviné sa pensée, et n’avaient pas l’intention de la laisser s’échapper comme ça. « Attrapez-la ! » criaient-ils à leur entourage. Mais attraper une renarde qui s’enfuit vers la forêt ! Ce n’était pas l’affaire du coq, et des poules encore moins. Les hirondelles suivaient la course avec des petits cris de joie ; un gros bousier grimpa pour mieux voir sur le tas de fumier où il avait élu domicile à sa convenance, et manqua de tomber, tant il se tenait l’abdomen ; sur la cime d’un mélèze, une chouette aux yeux gonflés de sommeil se mit à crier que c’était une honte, qu’on ne laissait même pas les gens dormir tranquilles en plein jour ; un écureuil, un peu plus loin, expliquait que les renards n’étaient après tout pas si vilains que ça, et qu’ils savaient aussi, quand ils le voulaient, agiter leur queue avec élégance. […]

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Voilà la pauvre Finoreille attachée près de la niche, humiliée, mortifiée. Même Trappeur la regarde de haut. « Tu n’avais qu’à faire comme moi. Ne pas chercher à t’échapper, ne pas lécher les plats, et tu n’en serais pas là aujourd’hui. » Le coq convoque tout son harem en assemblée générale. Après quelques effets d’ergots et de plumes, il leur tient ce discours édifiant : « Voyez, voyez un peu comme l’humain est juste et sage. En vérité, sans lui, que serait le monde ? La demoiselle renard nous donnait la chasse, et voici maintenant qu’elle est attachée, et se désespère. Et pourquoi enchaînée ? Parce qu’elle ne pond pas, parce qu’elle ne reste pas tranquillement sur son nid à couver ses œufs. Travaillez, pondez, comptez sur mon aide, et les gens vous aimeront. » La femme du forestier parut satisfaite de ces paroles remplies de sagesse, puisqu’elle sortit aussitôt pour répandre devant les volailles un plein sac de grain. Ainsi vont les choses dans le monde des hommes. C’est la poule qui chante qui a fait l’œuf. Et c’est toujours celle qui chante le plus fort qui recevra le plus de grain en récompense. Finoreille était sur le point de pleurer de rage. Elle serra les dents pour s’empêcher de lâcher des jurons qui n’auraient eu aucun effet, s’étira au soleil, et, comme si la parade insultante du coq ne l’eût en rien concernée, elle sauta d’un bond sur le toit de la niche. Elle s’y pelotonna, rassemblant toutes ses forces pour contenir sa fureur ; sa tête bouillonnait de désirs de vengeance et de massacre. De plus, elle considérait avec répugnance ces pommes de terre à l’eau qu’on lui servait dans une écuelle sale. Les poules pendant ce temps, galvanisées par la harangue du coq, s’étaient rangées en file indienne, et entamaient une marche de protestation autour de la niche. L’une d’entre elles, une grand-mère pipelette, lançait à la renarde des regards moqueurs, et gloussait avec une joie mauvaise : « Crève, crève, crève. Bien fait ! » Finoreille la laissa tranquillement s’approcher ; elle la laissa gonfler son jabot en signe de mépris, tendre le cou et se hisser sur la pointe de ses pattes pour mieux voir ; alors elle fit un bond, saisit la poule à la gorge et l’entraîna dans la niche. Ce fut une débandade générale, au milieu de laquelle le coq se jeta ventre à terre, comme un vieux soldat cerné par la fusillade. Puis on n’entendit plus rien. Finoreille, se pourléchant, regardait autour d’elle d’un air de triomphe, comme si toute la basse-cour eût été sa propriété. Ah, qu’il était bon de se coucher avec le ventre plein, et bon de se réveiller de grand appétit. Certes, on ne peut pas dire des poules qu’elles soient des créatures douées d’une grande intelligence. Lorsque le Saint-Esprit vint apporter sa lumière au monde, il distribua ses dons jusqu’au dernier à l’humanité, laissant le reste de la création dans les ténèbres. Mais tout de même, ces poules-là n’étaient pas si stupides que d’aller une seconde fois picorer sous le nez de la renarde. Elles se tenaient désormais à l’écart de la niche, ignorant les gargouillements qui tiraillaient son estomac. Finoreille faisait pourtant tout ce qu’elle pouvait pour attirer leur attention. Elle essaya d’abord quelques pirouettes et divers mouvements d’acrobatie. Mais les poules ne lui accordaient qu’un coup d’œil indifférent, et continuaient à gratter dans le tas de fumier. Alors elle alla se planter sur le toit de la niche, et commença à haranguer la volaille. Elle parlait d’oppression, d’exploitation des masses, et de juste revanche ; pour finir, elle fit le serment de chasser les humains de la maison forestière, et de distribuer leurs terres aux plus nécessiteux. « Et qui nous nourrira ? demanda le coq indigné. Toi, peut-être ? — Approche, je vais te le dire à l’oreille. Il ne faut pas qu’ils nous entendent. Si nous parlions tout haut, ils nous flanqueraient des coups. — Parbleu, tu commences à me plaire ! enragea le coq. On joue les va-t’en-guerre, mais dans le fond, on mouille sa culotte ! — Poules ! Voyez un peu quel chef vous avez ! éclata la renarde. Un abominable égoïste, qui ne voit que ses ergots. Vous n’êtes là que pour satisfaire sa lubricité, et c’est pour ça qu’il accepte des pots-de-vin de la part des humains. Il faut revendiquer l’égalité des droits, il faut chasser l’usurpateur. Abolissez l’ancien régime ! Créez un monde nouveau pour une société nouvelle, où vous ferez œuvre commune pour assurer à chacun sa part de bien-être et de bonheur ! — Sans coq ? fit une demoiselle poule d’âge mur, qui avait toujours montré d’étranges inclinations. — Et qu’avez-vous à faire d’un coq ? ricana Finoreille. Le meilleur grain, il le garde pour lui tout seul ; et quand il n’a pas envie de se fatiguer au travail, c’est alors seulement qu’il se souvient que vous existez. Dossier pédagogique La Petite Renarde rusée Opéra de Lille, avril 2009 |16


— Tu vas tâter de mon bec! hurla le coq en fureur. Elle nous promet de chasser les humains pour mieux nous croquer, l’ogresse ! » Il fit un brusque volte-face pour couper court à la conversation, et les poules se dispersèrent parmi la basse-cour. « Non, plutôt que d’avoir affaire à de tels attardés, je préfère m’enterrer vivante », cria la renarde. Et en effet, elle se mit à creuser devant la niche un grand trou qui ressemblait à une fosse. La terre volait de tous les côtés. Elle creusait, creusait toujours, puis finit par disparaître complètement ; on ne voyait même plus le bout de sa queue. Les poules, peu à peu, étaient gagnées par la curiosité. Elles s’approchaient lentement, tournaient autour de la fosse, mais aucune n’était assez hardie pour aller y regarder de plus près. Alors elles se tournèrent vers le coq, en le traitant de tous les noms d’oiseaux, et le mirent au défi d’aller voir si la renarde était bien morte. Le coq ne put faire moins que de s’exécuter. Il déploya sa queue, tendit le cou, et se mit à chanter fièrement, pour montrer aux poules qu’il était un vrai chevalier sans peur et sans reproche. Il ne se doutait pas que ce chant du coq était son chant du cygne. Battant des ailes, il décrivit une courbe majestueuse et vint se poser tout juste au bord de la prétendue tombe. Finoreille gisait tout au fond, sans un battement de paupière. Le coq, embarrassé, gratta du bec sous son aile, et se retourna vers les poules pour leur annoncer que la renarde ne les tourmenterait plus. Et puis ce fut le noir. Le noir devant lui, le noir au-dessus de lui. Autour de sa tête les mâchoires de la renarde béaient comme un tombeau. Les poules n’entendirent qu’un ricanement sinistre, et s’enfuirent épouvantées vers le poulailler. À partir de ce jour, la gent volaille connut une diminution considérable de ses effectifs. Finoreille, elle, prenait de l’embonpoint, et finissait par préférer sa chaîne à la liberté. Elle ne redoutait rien plus que le moment où elle aurait englouti la dernière bouchée de la dernière poule. Le forestier passait son temps à installer de nouveaux pièges contre les fouines, mais ses pièges restaient toujours vides. Et pourtant, il n’y avait plus d’œufs. Sa femme se désolait, la bassecour était déserte, on aurait dit un cimetière. Un matin, comme elle allait donner le grain aux volailles, elle aperçut une poule esseulée, orpheline : c’était la dernière. Les plumes de sa tête se hérissaient de peur, elle se tenait sur une patte, et caquetait tristement un dernier adieu à ce monde si beau. Vivre sans amour n’était plus vivre ; alors, elle avait pris la résolution de se livrer à Finoreille, et de la prier de mettre fin une fois pour toutes à son calvaire. […] La petite renarde et le blaireau dans la forêt La forêt était profonde, sombre, mystérieuse. C’est ainsi du moins qu’elle apparaît à beaucoup de gens (aux poètes et aux peintres surtout), s’ils y pénètrent seuls. Ils se laissent gagner par un sentiment de tristesse, et parfois, par une peur étrange, une de celles que nous éprouvons dans notre enfance : la peur de rien. Bien sûr, pour ceux qui y pénètrent à deux, c’est d’une autre peur qu’il s’agit : la peur d’être dérangés. Les vieux se souviennent avec plaisir, même s’ils s’en défendent, du bon temps où ils étaient amoureux, et des moments heureux dans la solitude des bois. Finoreille avait peur, une peur toute humaine. « Où aller ? se demandait-elle. Je ne connais pas le chemin. Je ne sais pas quoi faire. Je suis triste. Pourquoi suis-je seule ? Si j’avais au moins un petit bout de toit sur ma tête ! » Elle avait perdu son espièglerie d’autrefois. Les souvenirs du bon vieux temps lui serraient le cœur. Même ce lourdaud de Trappeur lui manquait. Ah, s’il n’y avait pas eu la fourche ni la cravache ! Là-bas, dans la niche, il ne pleuvait jamais, et l’écuelle était toujours remplie. « Pauvre idiote ! » s’accusait-elle ; et, toute emplie de colère contre elle-même, elle se fouettait de sa queue. Pour un renard, se perdre dans la forêt ! Puis la lumière éclata au-dessus de sa tête : elle était entrée dans une clairière à ciel ouvert, et son angoisse tomba d’un coup. Elle n’était plus seule. Sur un petit monticule, au milieu des troncs abattus et des souches, se tenait une créature, animale semblait-il, que la renarde ne connaissait pas, et qui attira tout de Dossier pédagogique La Petite Renarde rusée Opéra de Lille, avril 2009 |17


suite son attention. Ce curieux personnage émergeait à mi-corps d’un trou qui devait être son domicile. Tout, dans sa posture, semblait soigneusement étudié, car de son allure, du moindre de ses poils, de ses yeux tournés vers le ciel, de son museau dédaigneusement pincé, et de l’air important dont il agitait ses pattes, se dégageait une impression de supériorité dont il écrasait l’entourage. Finoreille, médusée, alla se tapir dans un fourré. « Qu’est-ce que c’est que ce m’as-tu-vu ? » se demanda-t-elle. C’était monsieur le Blaireau, propriétaire, célibataire endurci, et ancien fonctionnaire impérial à l’administration des forêts. Il était vêtu d’une manière stricte, qui affichait son mépris pour les caprices de la mode. Son habit couleur de cendre ne se distinguait certes pas par l’élégance de la coupe, mais il n’en était que plus confortable, taillé aux justes mesures de sa silhouette imposante, et surtout de son ventre monumental, héritage d’une existence de fins gueuletons et de gâteries en tous genres. Bien que retiré de ses fonctions et vivant désormais en solitaire, il avait conservé, par tradition familiale, d’épais favoris qui achevaient de donner à son visage un air aristocratique. Depuis longtemps déjà, il avait dit adieu à la société, à ses convenances et à ses prétendus raffinements qui ne lui inspiraient plus que du dégoût. La raison en était une malheureuse histoire d’amour. Bien des années auparavant, il s’était passionnément épris d’une superbe loutre du Vallon Noir. Cette jeune demoiselle venait d’une excellente famille, qui ne mettait rien au-dessus de la propreté, se lavait tous les jours, se nettoyait soigneusement les ongles, ne supportait pas la moindre trace de terre entre les doigts, et surtout, surtout, considérait qu’une maison impeccable et bien rangée était le but suprême d’une existence. Toute la famille s’habillait avec un grand luxe, et la preuve, c’est que même chez les humains, une dame ne fera pas la fine bouche devant un manchon de loutre, et que les bonnets taillés dans la fourrure de cet animal ne se voient de nos jours que sur la tête des riches propriétaires. Le blaireau faisait à la loutre une cour assidue. Il aimait sa démarche souple et assurée, sa queue qui dessinait dans l’air l’esquisse d’un sourire; il admirait qu’elle ne voulût pas manger n’importe quoi, mais seulement du poisson. Il sentait qu’il perdait la tête, qu’il allait faire des folies, qui sait même, écrire des vers ! Mais comme sa famille lui avait laissé en héritage, outre une allure aristocratique et des biens considérables, une non moins considérable absence d’esprit, il ne faisait pas le moindre effort pour donner à sa passion amoureuse une forme quelque peu élevée. Son goût à lui était la mesure de toutes ses attentions : il comblait la demoiselle des limaces les plus grasses, des plus savoureux mulots, de ceux qui ont élu domicile dans les bosquets de noisetiers, et dont la chair est la plus tendre et la plus délicate ; parfois, grattant le sol, il se mettait pour elle en quête de larves de hanneton, une vraie friandise qui fond sur la langue comme les gaufres de Karlsbad. Pendant les premiers temps, la loutre se montra sensible à ses prévenances ; mais un beau jour, elle eut la visite d’un de ses cousins, un jeune homme de bonnes manières, et officier de carrière de surcroît. Alors, sans le moindre détour, elle alla dire au blaireau qu’il n’était qu’un vieil imbécile. À partir de ce jour, il fit vœu de célibat. Il continuait à attraper des mulots, des oiseaux, des limaces, mais les gardait pour lui. Par souci de son estomac, il devint fort habile chasseur, si bien qu’il accumula très vite dans son terrier une considérable réserve de nourriture. Lorsque la guerre éclata, il put ainsi ouvrir une importante chaîne d’alimentation, dont la réputation s’étendait très loin à la ronde. Il engraissait, son ventre s’arrondissait à vue d’œil, et quand l’hiver approchait, et qu’il avait consommé ou vendu toutes ses réserves, il s’endormait paresseusement pendant des mois, en attendant les beaux jours. Parce qu’il avait troqué certaines marchandises contre une grande quantité de tabac, il s’adonnait au plaisir de la pipe, et du matin au soir, il se prélassait sur son lit, tirant de grandes bouffées paresseuses. Ce jour-là justement, le jour où Finoreille avait pris la clé des champs pour retourner aux bois de son enfance, il venait pour la première fois de mettre le nez hors de son trou. Il avait scruté le ciel, avait observé le vol des moustiques, des libellules et autres papillons, et en avait conclu que le baromètre allait sûrement descendre, et qu’on n’allait pas tarder à essuyer une bonne saucée. D’ailleurs, ses cors au pied lui en donnaient confirmation. Il avait donc décidé de sortir afin de régler au plus vite une commission impérieuse et intime, de peur d’être ensuite surpris par la pluie. Cela fait, il rentrait se mettre à l’abri. Mais Finoreille restait sur sa faim. Comme elle ignorait tout des mœurs et des usages des gens de la forêt, du comportement qu’il convenait d’avoir à l’égard des oiseaux, des reptiles et autres animaux, habituée qu’elle était aux manières grossières des hommes, elle s’approcha tout doucement du terrier, et colla son museau à la lucarne pour voir ce qui se passait à l’intérieur, comme eût fait un humain curieux des affaires des autres. Elle avait souvent vu Špaček, le garde-chasse, coller ainsi son nez à la fenêtre de la chambre d’Andula, la servante, lorsque la jeune fille s’épouillait. La renarde resta le museau grand ouvert Dossier pédagogique La Petite Renarde rusée Opéra de Lille, avril 2009 |18


d’étonnement, en découvrant une chambre somptueuse, au milieu de laquelle monsieur le propriétaire se prélassait sur un lit d’apparat, tirant des ronds de fumée d’une longue pipe. Elle ne put retenir un cri d’admiration. « Qui est-ce qui fait tout ce bruit ? demanda le blaireau, en se tournant sur l’autre flanc. — C’est moi, monsieur, répondit poliment la renarde. — Comment, gueuse, sac à puces ! Je vais t’apprendre, moi, à fourrer ton sale nez chez les gens ! » s’emporta le blaireau, oubliant toute dignité. Finoreille se mit à rire : « Hé hé, cause toujours, gros père ! Ta langue est aussi paresseuse que toi, regarde, tu dégoulines de sueur en disant ces vilains mots. Voyez-moi ça, monsieur le propriétaire ! Il se prélasse sur son grand lit, il a une maison qui pourrait en contenir trois, et il me traite de tous les noms, moi, une pauvre créature, parce que je n’ai fait que regarder. Il est vautré comme une vache dans son pré, le gros plein de soupe, et ça voudrait me donner la chasse. Eh bien, chiche ! — Je t’apprendrai à espionner les gens. Allez, ouste, fiche le camp ! Ou j’appelle le commissaire qui te fera mettre en prison ! — Prison mon cul ! » répondit vertement la renarde, et elle leva sa queue d’un air de mépris. C’en était trop. Le blaireau, perdant son flegme naturel, saisit un balai et fit pleuvoir une grêle de coups sur l’échine de la renarde. La douleur la tenaillait jusqu’aux oreilles. De peur, elle fit un bond en arrière, et comble de malchance, alla tomber sur un bouquet de chardons qui l’égratigna jusqu’au sang. Alors, elle serra les dents de rage et, se plantant face au blaireau, elle lui lâcha une bordée d’injures, dont l’éloquence eût fait pâlir d’envie n’importe quelle poissarde du marché aux légumes de Brno : « Fumier, puanteur, brute épaisse, Landru ! Qu’est-ce que je t’ai fait pour que tu m’assassines ? Est-ce que je suis venue te déranger chez toi, trou de balle, pour que tu me transformes en carpette ? La forêt n’est pas assez grande sans doute, et monsieur ne permet pas qu’on s’approche même de loin de ses fenêtres crasseuses ! Moi aussi, je pourrais te traîner en justice, mais qui voudrait s’embarrasser de toi ! Tu n’en vaux vraiment pas la peine ! Mais je te dis une chose : tu n’en as pas fini avec moi. Je vais me plaindre de ce pas à la commission des logements. Peut-être bien qu’ils t’apprendront à te la couler douce dans ton sale plumard plein de puces ! Quand ils t’auront flanqué dehors, tu verras, tu verras ce que c’est que de n’avoir pas un toit sur la tête, pauvre crétin ! » Mais le blaireau n’écoutait déjà plus que d’une oreille. Il avait sommeil. « Bah, laissons-la crier, se dit-il, avec les femmes, inutile de discuter, mieux vaut se taire », et il ralluma sa pipe qui s’était éteinte pendant l’altercation. La renarde cependant ne décolérait pas, et cherchait un moyen de passer sa fureur sur le grincheux. Songeant au luxueux appartement, et se disant qu’il n’était pas la peine de perdre du temps à traîner de bureau en bureau pour obtenir la saisie du terrier, elle décida de passer à l’action directe. « Avec les riches, la lutte est inégale. L’argent a toujours le dernier mot. Celui-là ne serait sans doute plus propriétaire depuis longtemps, s’il n’avait pas graissé la patte à quelque gratte-papier. » Le bruit de la querelle avait attiré le voisinage. Le martinet, sautillant sur les branches d’un frêne, criait à qui voulait l’entendre, avec un rire sarcastique, que le blaireau était une belle crapule ; on disait qu’il s’en était mis plein les poches au marché noir, et maintenant qu’il avait fait son beurre, il ne se prenait pas pour n’importe qui. Mais avant la guerre, il n’avait même pas une culotte. Alors ce n’était pas lui, tout de même, qui allait se permettre de maltraiter une pauvre jeune fille, parce que la malheureuse osait s’arrêter devant sa porte. Finoreille écoutait avec fierté ces manifestations de sympathie. Elle eut alors l’idée de manifester elle aussi, d’une façon plus personnelle, son mépris et sa colère à l’encontre du malotru. Ayant tourné son postérieur vers l’entrée du terrier, elle leva la jambe, et se mit à bombarder l’occupant. « Tiens, vieux trognon, voilà pour ton noble crâne. Et si tu n’en as pas assez, tiens, en voilà encore. Regarde, tu peux en faire des réserves, et tu revendras tout ça après. Tu vois ce que j’en fais, de ta jolie Dossier pédagogique La Petite Renarde rusée Opéra de Lille, avril 2009 |19


maison ? Des... des... Sauf votre respect ! Et quand tu nettoieras tout ça, n’oublie pas de mettre des gants, pour ne pas en avoir sous les ongles. Ils sont trop soignés pour ça ! » La renarde exultait en accomplissant sa vengeance. Dans son terrier, le blaireau faisait grise mine. Il ôta ses manchettes, et, en bras de chemise, s’attaqua à la repoussante besogne. « Attention, souffle bien sur tous les morceaux. Ils sont tout chauds et tu pourrais te brûler. Mais c’est parfait, parfait, je suis sûre qu’à Brno, on t’embaucherait aussitôt comme ramasseur de crottes. Tout va bien, tu n’as pas d’ampoules ? » Et le blaireau travaillait sans relâche, tellement que la sueur l’aveuglait, et qu’un point douloureux lui compressait les côtes. Toute sa dignité était partie d’un coup. « Ah, la canaille ! L’infâme, la répugnante canaille ! maugréait-il, elle menace de me dénoncer, elle m’insulte, et pour comble de tout, elle fait de ma maison — qu’on me passe le mot – des latrines publiques ! Je vais attendre un peu qu’elle s’en aille, et puis je barricade ma fenêtre. » Il évacua patiemment jusqu’au dernier vestige de l’ignoble vengeance, s’installa de nouveau sur son lit, bourra sa pipe, et se mit à réfléchir. Pourquoi diable n’avait-il pas quitté plus tôt cette bicoque ? Il aurait pu se faire construire une belle villa au pied de l’érable, sur le coteau ensoleillé d’où l’on voit serpenter la rivière à travers le vallon, et d’où l’on peut suivre le tracé du sentier qui va de la lisière du bois jusqu’au point d’eau. Il en avait assez de vivre comme un ermite. À certaines heures, ce sentier devenait un lieu de promenade très animé, surtout les soirs d’été, lorsqu’il s’éclairait des magiques flambeaux des lucioles. On y voyait souvent un vieux dix-cors se promener en compagnie d’une jeune biche – jamais la même. Il avait les manières élégantes et le vice raffiné d’un vieil acteur à la retraite. De jeunes fouines amoureuses s’y donnaient parfois rendez-vous. Un vilain putois, qui sentait à lui seul plus fort que toute une distillerie, et dont le grand plaisir était de se rouler dans les endroits les plus dégoûtants, venait de temps en temps y chercher la bagarre, ou mendier, et se vengeait d’être justement éconduit en lâchant des vents qui empoisonnaient l’air. On y voyait aussi de jeunes gandins à longues oreilles qui venaient faire admirer les couleurs vives de leur nouvelle fourrure, taillée à la dernière mode, tandis que le hamster, insatiable grigou et glouton impénitent, hissait péniblement sa récolte au sommet de la colline, les joues gonflées à craquer de graines et de racines. « Et si je me mettais en ménage, après tout ? » lança le blaireau, qui, perdu dans ses réflexions, ne s’était pas aperçu qu’il parlait à voix haute. « Un peu de féminité, peut-être, ça ne serait pas si mal. » « J’en connais une qui rêve de toi ! fit une voix moqueuse au-dessus de lui. Tu es aussi bête que tu as les poches pleines, mon gros. Tiens, t’en voilà de la féminité, pour te prouver ma reconnaissance. Le blaireau eut à peine le temps de dire ouf, qu’il était déjà trempé de la tête aux pieds. Il en avait pourtant connu, des averses ; mais ce n’était rien à côté de celle-là. Sidéré, il leva les yeux, et aperçut Finoreille dans une posture plutôt délicate — ainsi que font deux commères de Líseň au plus fort de leur querelle. Ça, ça dépassait tout. Il parvint de justesse à sauver sa pipe du déluge. S’il avait eu un revolver, il lui aurait troué la peau sur-le-champ, à cette délinquante. Un miracle s’il n’avait pas succombé à une attaque, tant la colère l’étouffait. Profondément blessé dans sa dignité et son sens moral, il se leva, jeta un œil désolé tout autour de sa chambrette chérie, et cracha énergiquement. Il y en avait plein ses pantoufles, et sa réserve de nourriture était bel et bien fichue. Il brandit un poing menaçant en direction de la fenêtre, puis il prit son élan pour sauter hors du terrier et flanquer à la renarde la correction qu’elle méritait. Mais il se ravisa soudain. Ce genre de battue à travers bois ne lui rendrait pas son honneur; au contraire, le voisinage ne manquerait pas de l’accuser de harcèlement et de brutalités ; et ce serait fini de sa réputation, et de la dignité d’un nom qu’il avait hérité fièrement de ses ancêtres. « Je déménage », décida-t-il tout à coup. Il essuya les larmes qui coulaient en abondance de ses yeux, rassembla ses affaires dont il fit un paquet, parcourut d’un dernier regard ces murs où il avait vécu, et sortit. Sur le seuil, il s’arrêta désemparé, ne sachant où aller. Finoreille, au sommet du talus, pelotonnée sous un buisson de genièvre, ne se tenait plus de rire. Le blaireau se contenta de secouer la tête, en signe de dédain. Oui, oui, sur le coteau qui domine le vallon, il serait mieux, bien mieux ; là-bas, ce genre de racaille n’ose pas s’aventurer, là-bas il aurait la paix, et d’ici à l’automne, il aurait terminé les travaux. Il leva le nez fièrement, et jugeant que la renarde ne valait même pas un regard de mépris, il s’enfonça Dossier pédagogique La Petite Renarde rusée Opéra de Lille, avril 2009 |20


bravement dans la forêt profonde. Finoreille attendit qu’il eût complètement disparu dans les broussailles. Puis elle se dirigea vers le terrier désert. Elle y entassa quelques herbes sèches, passa un bon coup de balai, agita sa queue en signe de triomphe, et, après avoir entonné un chant de joie, elle se jeta sur la couche douillette. Pour la première fois, elle savourait les délices de la propriété privée. Le matin même, elle avait dû fuir les humains, et avait bien failli mourir de désespoir ; et maintenant, elle était là, seule maîtresse dans sa maison, et la forêt entière était son terrain de chasse. Sous les grands mélèzes, il y a tant de lapins qui se cachent, tant de colombes qui nichent dans les rochers. En un mot, partout l’abondance. « Ne crains rien, Finoreille, tu verras comme il fait bon vivre. » En moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire, elle dormait comme un coq en pâte. Et cette fois, elle dormait chez elle. […] Les amours de la petite renarde et du renard Les saules, lourds de chatons, plongeaient dans la rivière comme une cascade d’or liquide. Tout le jour ils exhalaient un parfum doux-amer qui montait à la tête, et les abeilles s’engouffraient dans le feuillage du matin jusqu’au couchant ; le soir venu, on eût dit qu’ils ne voulaient pas s’endormir, et leurs branches chargées de cette floraison contemplaient longtemps encore la tiède obscurité. Même la nuit ne semblait pas pressée de recouvrir la terre ; au moment de se mettre en route au-dessus des forêts et des cimes vers les vallées, elle avait l’air d’un jardinier s’apprêtant à refermer une serre pleine de fleurs en boutons, et qui ne peut s’y résoudre de peur de perdre un dernier rayon de soleil chaud. Alors elle s’avançait vers les vallons silencieux, rencontrant au passage des biches craintives, s’épanchait plus bas dans les champs, puis allait presser sa joue contre les maisons des hommes, faisant luire la lampe et rassemblant la famille autour de la table. À sa suite la lune bondissait au-dessus des grands pins. Elle était pleine, large, claire, et dans sa lumière flottaient les ombres bleues des bouleaux et des ormes. De là-bas, derrière les villages, parvenait un chant. Des garçons qui s’en allaient retrouver les filles. Et la lune s’arrêta un moment, penchant sa tête et se souvenant du temps où ses rayons n’avaient pas perdu leur ardeur, et où elle aussi se hâtait dans le ciel pour retrouver son amant, brûlante comme un soleil et le sang battant ses artères. La terre était endormie ; mais tout ce qu’il y a de bon et de beau en ce monde restait en éveil. Le bonheur et l’amour veillaient ; veillait aussi le chagrin silencieux, comme l’éternel courant qui fait tourner la roue de notre destinée et transforme ses grains durs en un tendre pain. Un merle, vivante étoile noire, alla se poser sur un rameau d’épine-vinette. Il avait traversé l’hiver en solitaire, et maintenant que dans les champs fleurissaient les violettes, et les clochettes bleues sur les coteaux, son cœur se serrait d’un désir inconnu. Étourdi, enivré, il se mit à siffler sa chanson toute simple, faite de notes dorées comme les chatons des saules et des noisetiers, où passait un peu de la pourpre des pommiers en fleurs et la blancheur pure des cerisiers alignés à perte de vue, une chanson parlant de la tiédeur du nid et du doux murmure des branches. Et la chanson s’écoulait de sa gorge comme des gouttelettes de sang. Quel humain pourrait chanter ainsi ? Et voici que parmi les branches apparaît une ombre craintive. Sa future compagne s’approche, pleine du désir de se serrer contre lui, du désir de le rendre heureux et d’être heureuse à son tour. Il ne voit pas, il n’entend pas ; mais ce n’est plus seulement sa propre joie qu’il chante, non, il chante la joie de tout ce que le printemps a touché. Quand il aura réveillé tous les autres, quand ce coin de terre rajeunie sortira de son sommeil, alors il pourra s’arrêter, alors il la verra, elle. Quelle est cette métamorphose qui opère en nous en ces moments-là ? Sans le savoir, nous devenons frères et sœurs de ces troncs ranimés par la sève, et leurs feuilles d’un vert doré ont la fragilité de nos rêves. Par un soir comme celui-là, Finoreille errait par le vallon, se dirigeant vers la rivière. Elle voulait tremper ses pattes et sa tête dans l’eau fraîche, car elle n’avait cessé de se sentir souffrante depuis le jour où elle s’était prise au piège du forestier. Elle avait depuis longtemps fait son deuil du petit bout de sa queue, la plaie avait guéri, mais elle ne parvenait pas à se défaire de cette étrange fièvre que la brise annonciatrice du printemps avait éveillée en elle. Elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait, car elle n’avait encore jamais connu de vrai printemps, et ignorait comment les hommes, qui dans ces occasions pondent de longs poèmes qui ne parlent Dossier pédagogique La Petite Renarde rusée Opéra de Lille, avril 2009 |21


que d’eux, appellent cette maladie des renardes. Mais tandis que les humains succombent sous le poids de l’amour, les renardes ont seulement des chaleurs. Bien des fois elle avait erré, en proie à ce malaise. Bien des fois elle s’était étendue sur un rocher chauffé par le soleil, avait pressé son ventre contre la pierre brûlante, posé son museau sur ses pattes, et soupiré, soupiré à en avoir le poil tout hérissé et la gorge serrée comme dans un nœud. Quand elle se fut baignée dans la rivière, elle se sentit soulagée comme une jeune fille dont les yeux sont rougis à force de pleurer. Et elle se remit tout entière aux mains de la destinée. Elle se félicitait d’avoir perdu du poids, d’avoir laissé tomber sa gloutonnerie égoïste d’autrefois, de sentir qu’elle devenait un animal accompli. Ah, s’il y avait eu au moins quelqu’un à qui elle eût pu confier ses chagrins ! Perdue dans de telles pensées, sourde et aveugle à tout ce qui l’entourait, elle gravit un tertre isolé, non loin de sa tanière. Elle n’était pas venue là depuis une semaine environ, et pendant ce temps-là, la prairie s’était faite toute belle, elle s’était couverte de pulmonaires, de fumeterres et des premières primevères. Elle s’arrêta un instant, et promena sur les bois alentour un regard plein de mélancolie. Soudain, un craquement se fit entendre dans le fourré. Finoreille ne bougea pas. Même si le forestier Bartoš en personne avait surgi des buissons, même s’il avait pointé sur elle le canon de son fusil, elle n’aurait pas bronché. Mais elle commença à trembler de tout son corps : dans les ténèbres épaisses du fourré, luisaient deux yeux de braise. « Dieu du Ciel, qu’il est beau ! » soupira Finoreille. Et elle se retourna vers l’apparition. C’était un renard vigoureux, bien fait de sa personne, tel qu’elle n’en avait même jamais rêvé. Au bout de son museau d’un modelé aristocratique, pointait une exquise moustache, et un ruban de couleur claire passait entre ses oreilles. Il s’avançait d’une démarche juvénile et distinguée, balançant négligemment sa queue à gauche et à droite, comme une badine du dernier chic. On voyait bien à sa fourrure épaisse qu’il connaissait déjà le monde, et qu’il n’était pas un de ces jeunes blancsbecs tout juste échappés du terrier de maman. Finoreille sentit la rougeur gagner son museau et ses joues, et elle s’apprêtait à disparaître dans les broussailles quand le renard lui adressa la parole d’une suave voix de baryton. « Vous ai-je fait peur, mademoiselle ? — Oh noooon, répondit-elle d’une voix traînante. — Il doit y avoir quelques nichées, ici », reprit-il pour la tirer d’embarras, et pour bien lui montrer qu’il ne la soupçonnait pas de quelque vagabondage inconvenant dont le printemps eût été la cause. « Hé !... approuva-t-elle timidement. — Mais les oiseaux en ce moment ne sont pas légion. — C’est-à-dire... Je connais fort bien cet endroit, j’habite tout près d’ici. Je suis simplement sortie pour prendre un peu l’air, car j’avais horriblement mal à la tête. — Alors permettez-moi, je vous prie, de vous raccompagner chez vous. En cette période les chasseurs rôdent dans les bois, et à rester ainsi perdu dans ses pensées, avec une migraine qui plus est, on peut facilement avoir des ennuis. — Si ce n’est pas abuser de votre gentillesse, bredouilla Finoreille dans un chuchotement. — Bien sûr, si madame votre mère n’y voit pas d’inconvénient, ajouta-t-il en hâte. — Oh noooon, s’empressa-t-elle de répondre. Il y a bien longtemps que j’ai mon indépendance. J’ai mon chez moi, c’est un héritage de mon oncle blaireau. » Le renard regarda Finoreille avec une expression indescriptible d’admiration et de ravissement. Il était fort surpris qu’une si jeune personne fût déjà indépendante, et de surcroît propriétaire. Elle était de toute évidence naïve à bien des égards, inexpérimentée, ignorante des choses du monde et de la société, car elle se dandinait avec une pudeur touchante de jeune fille, ne sachant que faire de ses quatre pattes. Son regard s’arrêta sur le bout de la queue mutilée, et il se réjouit en son cœur : et en plus courageuse, et bien élevée avec ça. Ne pouvant dissimuler son admiration, il demanda, plein d’égards : « Vous pratiquez aussi le sport, mademoiselle ? — Oh, et comment ! répondit-elle avec un sourire charmant. Vous devriez voir comment je sais grimper. Mais devant des messieurs, cela ne se fait pas. Dans le cellier de la maison forestière, j’étais comme chez moi pour apprendre à grimper. — De la maison forestière! » s’exclama-t-il émerveillé ; et il s’inclina respectueusement. « Oui, j’ai grandi là-bas. Il y a un petit quelque chose d’humain dans mon éducation. » Le renard en laissa retomber sa queue de stupéfaction. Dossier pédagogique La Petite Renarde rusée Opéra de Lille, avril 2009 |22


« Pardonnez-moi si je vous retiens... — Du tout, du tout », répliqua Finoreille. Il s’inclina de nouveau, posa sa patte gauche sur sa poitrine, et dit avec ravissement : « Échine-d’or, le renard à la fourrure frisée, du Ravin Profond. — Enchantée, monsieur. Finoreille, ex-pensionnaire de la Maison du Lac. » Elle lui tendit l’extrémité de sa patte droite. Échine-d’or la baisa avec ferveur, puis, marchant côte à côte, tous deux prirent le chemin du terrier de la renarde. Le cœur d’Échine-d’or sonnait comme une volée de cloches, et sa tête était sur le point d’éclater. Il sentait qu’il venait de rencontrer le plus grand bonheur de sa vie. Ils étaient tous deux tellement bouleversés que de tout le trajet, aucun ne fut capable de dire une parole sensée. Quand ils furent arrivés au logis de Finoreille, ils s’arrêtèrent désemparés ; que faire maintenant, et comment ? Échine-d’or considéra qu’il ne serait pas convenable, après une si longue marche, d’importuner plus longtemps par sa conversation une dame qui, sans doute, souhaitait prendre un peu de repos, faire un brin de toilette ou satisfaire à d’autres besoins. Et il s’apprêta à prendre congé. Il ne pouvait cependant pas se résoudre à partir sans quelques mots d’adieu, encore moins à la quitter sans emporter une petite étincelle d’espoir. Affectant un air indifférent, et lissant sa moustache d’un geste viril, il demanda avec une discrétion et une courtoisie extrêmes : « Me tiendriez-vous rigueur, mademoiselle, si je vous rendais visite une autre fois ? — Mais pas le moins du monde », répliqua Finoreille. Et elle se mit à rougir. — « Allez-vous souvent au pré ? — Tous les jours. C’est ma promenade favorite après le dîner, entre minuit et une heure. Les promenades sont mon seul plaisir. Je n’ai pas d’amies, pas de connaissances dans le voisinage, et ceux de la maison forestière me font grise mine. Alors je vais seule. Le croiriez-vous, que je me promène exclusivement seule ? Je ne permets à personne de m’accompagner. Je tiens trop à mon indépendance. — Vous êtes l’idéal absolu de la jeune fille moderne, observa Échine-d’or. Vous fumez peut-être, aussi ? — Pas encore. — Mais peut-être aimez-vous le lapin, mademoiselle ? — Oh, j’en raffole ! » Il savait pour aujourd’hui tout ce qu’il voulait savoir. Un court instant, il se trouva de nouveau embarrassé : comment prendre congé, pour ne pas se montrer inutilement froid et emprunté, sans paraître toutefois importun, ou d’une familiarité déplacée. « Je vous baise la main », dit-il enfin, considérant qu’il s’agissait là d’une expression formelle et figurée, et que les mots n’étaient que des mots. Ne pouvant imaginer, par trop de respect, que Finoreille était toute disposée à lui faire des adieux de franche camaraderie, il se contenta de presser contre ses lèvres l’extrémité de sa queue, quand elle la lui offrait tout entière. Il y avait bien longtemps que Finoreille n’avait pas mis autant de soins à sa toilette d’avant le coucher. L’heure d’aller dormir était passée depuis longtemps pour elle, le soleil brillait déjà, mais elle n’avait pas sommeil. Elle se roula dans le sable, lissa un poil de sa fourrure après l’autre, extirpa les gratterons qui s’étaient fichés sous sa gorge, ce qui ne fut pas une mince affaire, et alors seulement elle se mit au lit. Mais impossible de fermer l’œil. Elle était étendue sur le dos, la queue dressée, les pattes en avant. « Suis-je vraiment jolie ? se demanda-t-elle. Qu’ai-je donc de joli ? » Elle était contrariée qu’il lui eût donné un baiser à l’endroit précis qui portait la morsure du piège du forestier. D’une patte tremblante, elle caressa doucement sa poitrine, et s’allongea de nouveau. Mais rien à faire. Elle s’assit, examina tout son corps avec curiosité, prit la mesure exacte de ses hanches, et sourit de contentement : « Je ne suis pas si vilaine, après tout. » Elle s’abandonna à un sommeil heureux. Mais tout à coup, elle rouvrit les yeux. D’étranges imaginations la tourmentaient. Dieu sait comment se mêlaient dans sa tête des pensées si merveilleusement belles et si affreuses à la fois. Les larmes lui vinrent aux yeux tant elle en éprouvait de honte. Elle s’était même surprise à allonger les lèvres dans son sommeil, comme si — quelle horreur ! — elle avait voulu embrasser quelqu’un. Elle déterra quelques pierres, et se mit à prier avec ferveur, comme maman renarde le lui avait appris. Et elle récita autant de Notre Père qu’il y avait de cailloux. Enfin elle s’apaisa, et s’endormit du plus chaste des sommeils. Dossier pédagogique La Petite Renarde rusée Opéra de Lille, avril 2009 |23


[…] Un mariage chez les animaux Nos amoureux décidèrent que Finoreille, après le mariage, irait s’installer avec Échine-d’or dans sa tanière du Val Creux ; près de la maison forestière, en effet, la petite famille serait en perpétuel danger. Les préparatifs du mariage se firent dans la plus grande précipitation, exactement comme il en est chez les humains. Échine-d’or fit le tour des parents, lança les invitations, et comme tout jeune marié qui se respecte accumula un bon nombre de bêtises. Il lui semblait parfois qu’il allait devenir fou, et quand il s’en plaignait à sa chère Finoreille, elle le consolait en souriant : « Tu vois, mon adoré, le vieux forestier disait toujours que je deviendrais idiote ; il n’avait pas tout à fait raison : car des idiots, il y en a deux. » La cérémonie fut grandiose, tellement grandiose que nous ne tenterons pas même de la décrire ; du reste, une bonne moitié de mes lecteurs, sur le chemin qui traverse cette vallée de larmes, aura sans doute déjà fait l’expérience des douceurs et des douleurs dont s’accompagne toujours un mariage. Et puis, tout ce qui se déroula ce jour-là fut abondamment colporté par les moineaux, commenté par la chouette, la pie, le hérisson, les lièvres, les mulots, bref, par toute la gent à plumes ou à poils que la curiosité fit sortir du logis. Même un mariage forestier n’échappe pas aux badauds. Le festin fut royal. Un chœur mixte de merles, grives, pinsons et rouges-gorges l’accompagna d’un bout à l’autre. On ne manqua pas non plus de faire sauter force bouchons, ce qui n’empêcha pas les deux tourtereaux de rester jusqu’au bout dans un état de relative clairvoyance. Seule, une vieille vache de cousine éloignée persista dans ses mauvais sentiments, et envoya aux jeunes mariés une missive au vitriol. Un jour qu’il faisait chaud, le forestier Bartos, sur les traces d’un animal, trouva la tanière déserte. Il s’en frotta les mains. Il alla raconter sa découverte chez Pásek, et, assis dans le petit jardin de la taverne, il pensa de nouveau au manchon en peau de Finoreille qu’il avait promis à sa femme. Cette fois, il tiendrait sa promesse. Quant à l’instituteur, il lui réserverait sans faute la langue séchée de la renarde, qui possède comme chacun sait le pouvoir de rendre invisible. « Ça sera bien pour toi, mon joli maître d’école, quand tu iras de nouveau faire ta cour aux tournesols. — Ça non, plus jamais, répondit mélancoliquement l’instituteur, mademoiselle Terynka se marie tout juste aujourd’hui. » Le garde forestier regarda son ami avec étonnement, mais il ne put voir son visage ; l’instituteur s’était soudain tourné vers la clôture, et, sa main en visière, il fixait un point au-delà du jardin. Tout était silencieux, la taverne était presque déserte. Un chien dormait sur le terrain du jeu de quilles, des peintres travaillaient dans la chambre des patrons, le père Pásek était à Brno, madame était trop occupée pour faire la causette, et le curé évidemment était à la messe de mariage. « Ça manque de latin », fit remarquer le forestier après un moment de silence. Il bâilla, fit tinter son verre avec une pièce de monnaie, paya, et se leva. « Déjà ? Où allez-vous comme ça ? » demanda l’instituteur avec étonnement ; et sa voix était tremblante d’émotion, comme à la fin d’une chanson triste. « Où je vais ? Direction la forêt et puis la maison. J’ai pas emmené mon petit Trappeur avec moi, aujourd’hui. Ses pattes lui font mal, et de temps en temps il reste couché. Il est comme ça depuis qu’il s’est pris dans ce piège, l’hiver dernier. Et puis il est vieux, mon petit maître d’école, lui aussi il est vieux, comme nous. Ainsi va le monde. Hier on faisait encore des tas de bêtises, et aujourd’hui on n’a plus que l’envie de se poser quelque part et de ne plus bouger. » Dossier pédagogique La Petite Renarde rusée Opéra de Lille, avril 2009 |24


Il serra la main de son camarade ; l’instant d’après, il s’était déjà enfoncé dans les seigles que le vent faisait onduler, en direction du Vallon Noir. Arrivé à la dernière clôture, il s’arrêta un instant et hocha la tête. L’instituteur, qui ne l’avait pas quitté des yeux, secoua aussi la sienne, tellement que ses cheveux en furent tout ébouriffés. « J’espère qu’il n’a rien remarqué, murmura-t-il en rougissant. — Sacré nom d’un chien ! grommelait au même moment le garde forestier. Il est sec comme un bois mort, et il trouve quand même le moyen d’y aller de sa petite larme. Bah, t’en fais pas, mon vieux, c’est mieux comme ça. Qu’est-ce que tu ferais d’une femme maintenant ? La musique sonnerait un peu faux. » Des écheveaux de vapeurs tièdes flottaient légèrement sur la vallée. Une ondée matinale avait arrosé la campagne, mais à présent, le soleil brillait de nouveau, la réchauffant joyeusement. Sur la mousse et sur les brunes aiguilles de sapin, luisaient çà et là des gouttes de rosée aux couleurs de l’arc-en-ciel. Le garde forestier flaira avidement l’odeur épaisse qui montait à ses narines à l’entrée du bois de charmes. « Ils ne vont pas tarder à pousser », se dit-il tout réjoui, et quittant le sentier, il monta tout droit sur la colline. « Tiens, qu’est-ce que je disais ! » s’écria-t-il soudain à voix haute. Un écureuil, qui batifolait quelque part dans les cimes, s’arrêta, curieux. « Tout joli, tout pimpant comme un petit soldat ! Et sa frimousse brune comme celle d’une jeune fille ! » Et la joie au cœur, il caressa du bout des doigts un jeune cèpe vigoureux. Léger était son pas, légère la cueillette, légers les souvenirs qui traversaient son esprit. Était-ce un conte ou la réalité ? Combien d’années avaient passé depuis que deux jeunes gens étaient venus ici, elle gracieuse comme un tendre sapin, et lui fort comme un chêne ? Ce jour-là aussi, ils avaient cueilli des champignons, et ils avaient dû en piétiner plus encore, car l’amour les empêchait de bien voir autour d’eux. Mais des baisers, ah oui, des baisers, ils en avaient cueilli ! « C’était le lendemain de nos noces, murmura le forestier. Le lendemain de nos noces ! Oh mon Dieu, est-ce alors que Tu m’as éclairé de ta lumière ? Quand m’as-Tu fait plus sage ? Alors, ou maintenant ? » Il avait atteint le sommet de la colline. Là, fleurissait un buisson tout frisé où se mêlaient aubépines, boules-de-neige, et cornouillers ; au beau milieu, un gazon vert, moelleux comme un oreiller vaporeux sur lequel on aurait brodé : « Fais de beaux rêves. » Le forestier écarquilla les yeux à la vue de cette herbe tendre ; il s’assit, posa son fusil sur ses genoux, et se perdit dans ses pensées. « S’il n’y avait pas ces mouches, on s’endormirait dans la minute », fit-il, sans parvenir à s’arracher à sa rêverie. Et il s’allongea. « Encore une chance qu’elles soient là pour vous empêcher de dormir. Je serais fichu d’arriver encore en retard. » Et moins d’une minute après, il dormait à poings fermés. Il eut un rêve étrange, mais qui lui sembla plus réel que la réalité. Il vit s’ouvrir devant ses yeux le feuillage mordoré des taillis, il vit se déchirer le rideau des branchages ; puis apparut une étroite clairière, et sur un vieil alisier orné d’une image sainte, un pic-vert agite ses pattes dans une ouverture du tronc ; au pied de l’arbre, une foule de renards assemblés deux par deux ; au-dessus de leurs têtes, un nuage d’oisillons s’égosillant en chœur, et tout autour, des groupes d’animaux divers, grands et petits. « Un mariage ! soupira-t-il en rêve. Ça, par exemple, ils font ça comme les humains. Quel monde ! Mais tout de même, ces cerfs auraient pu laisser leurs cornes au vestiaire. » Puis il vit l’assemblée en train de festoyer ; il vit les langues se délier, et se lier de nouvelles amours, tout comme chez les humains. Il eut même envie de crier : « Fiche-lui la paix ! » à un renard déluré qui, à la barbe des parents, tentait d’entraîner une jeune renarde à la taille de guêpe dans un fossé voisin. Les visions succédaient aux visions dans un tourbillon de couleurs, et le forestier ne pouvait en détacher ses yeux, ses yeux qui ne cherchaient qu’elle, elle encore et toujours : Finoreille. « Hé ! La voilà ! » s’écria-t-il soudain. Elle n’était pas seule : une ribambelle de petits renards l’entourait. Il y avait là Panache, Coussinette, et Petite-Échine-d’or, le portrait craché de son père ; il y avait même, déjà capricieuse et gâtée, une minuscule Finoreille, semblable à celle qu’il avait capturée naguère. « Attends un peu que je t’attrape, pensa-t-il, comme j’ai attrapé ta mère. Mais je t’élèverai un peu mieux, cette fois, pour qu’on n’écrive plus d’histoires sur nous dans des journaux ou des romans ! » Dossier pédagogique La Petite Renarde rusée Opéra de Lille, avril 2009 |25


Il se redressa, tendit les bras, mais ses mains claquèrent dans le vide. Il comprit qu’il ne rêvait plus, qu’il était éveillé, qu’il faisait déjà sombre, et qu’il était toujours assis sur ce tapis de gazon moelleux. Une petite grenouille verte fila sous son nez, tremblante de peur. « Hé, toi, espèce de glaçon répugnant, d’où sors-tu, nom de Dieu ? — C’é-c’é-c’é-c’était pa-pa-pa-pas moi, c’é-c’é-c’é-c’était m-m-m-mon pa-pa-pa-py. Il m’a beaucoup pa-pa-pa-parlé de v-v-v-vous », bredouilla la grenouille. Et les yeux exorbités de frayeur, elle disparut dans les fourrés. Et c’est ainsi que se termine notre petite histoire. Comment elle s’est terminée dans la réalité, je ne saurais vous le dire avec certitude. Je laisse à nos chères lectrices le soin de l’imaginer elles-mêmes. Je dis « nos chères lectrices » parce que nos chers auteurs d’autrefois avaient coutume d’écrire en ces termes galants et pleins de courtoisie, même si leurs lectrices ne leur étaient pas chères du tout. C’était une charmante habitude, et si je renoue avec elle, au moins pour prendre congé, cela ne peut de toute façon faire de mal à personne. Ainsi donc, chères lectrices, quand vous secouerez au grand air vos manchons et vos étoles pour les protéger des mites ravageuses, prenez, je vous en prie, la peine d’examiner le petit bout de la queue. S’il manque, ou si c’est un autre qu’on a cousu à sa place, dites-vous que peut-être vous tenez en vos mains tout ce qui reste de Finoreille, la petite renarde rusée.

Rudolf Rudolf Těsnohlídek, La Petite Renarde rusée, traduit du tchèque par Michel Chasteau, Librairie Arthème Fayard, 2006 (extrait du dossier de l’Opéra de Paris)

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LA PRODUCTION ÉQUIPE ARTISTIQUE ET DISTRIBUTION Direction musicale Denis Comtet Mise en scène Charlotte Nessi Scénographie et lumières Gérard Champlon Images Samuel Hercule et Mike Guermyet Costumes Jérôme Kaplan assisté de Céline Marin Masques Pascale Dufay Direction des études musicales et linguistiques Irène Kudela Chef de chant Morgane Fauchois Direction vocale des enfants et jeunes solistes Scott Alan Prouty Avec Elena Poesina La Renarde Jacques Calatayud Le Forestier Maja Pavlovska Le Renard, Le Coq Nicolas Rouault Le Blaireau Jennifer Tani La Femme du Forestier, La Chouette, Le Pic vert vert Marc Valero Le Chien Pauline Cescau, Anaïs Gonzalez, Rafaela Jirkovsky, Pauline Lazayres, Sixtine Le Borgne Les Poules, Le chœur des animaux Wassim Abdelkader, Merwan Benmansour, Camille Chopin, Baptiste Coutant, Louis Eltabet, Idriss Khaloufi, Quentin Leclech, Jean Paré, Théo Perzo, Aurélien Rauss (Chœur d’enfants Sotto Voce) Frantík, Pepík, Les Renardeaux, Les animaux de la forêt (en alternance) Orchestre Benjamin Fabre et Catherine Jacquet, violons Maria Mosconi, alto Thibaut Leroy,, violoncelle Nathanaël Malnoury, contrebasse Pierre Simon Chevry, flûte/ flûte/ piccolo Nicolas Bens,, hautbois Nicolas Fargeix, clarinette Vincent Le Goupil, basson Takénori Nemoto / Camille Lebrequier, cor Stéphane Puc, accordéon David Joignaux, percussions

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NOTES DE MISE EN SCÈNE DE CHARLOTTE NESSI « Une version adaptée de l’opéra de Janáček qui, sous couvert d’une fable enfantine décrivant les péripéties de l’histoire d’une petite renarde, se révèle être un conte philosophique sur le rapport entre les animaux et les hommes, la nature, l’amour, la liberté, le cycle de la vie et de la mort, le temps qui passe... Une petite renarde dans des paysages à perte de vue où la musique s’engouffre… Petite renarde et grands espaces… Une impression insolite de changements d’échelle qui rythment l’écoute de cette partition : zoom intimiste sur les animaux et immensité de la nature à la fois, dans un jeu d’ombre et de lumière. Imaginer dans cette œuvre portée par le cycle des quatre saisons, le cycle de la vie, laisser de la place au rêve, à la contemplation, au mystère... Enfin, donner vie aux animaux sans les ridiculiser à vouloir les imiter ou les stéréotyper. Une mise en scène qui tenterait de donner à voir tout cela dans un univers autour de la création d’images pour mieux entendre la musique et découvrir ce qu’elle raconte.... » … « Si le conte est nostalgique, il est également porteur de cette joie ineffable que peut donner le sentiment d’être vivant. Certes, on ne fait que passer, même si l’on traverse cette nature un peu plus lentement parfois que la myriade d’êtres bourdonnants qui l’animent. Mais c’est précisément ce décalage qui donne la mesure du temps humain. Ici les animaux parlent leur propre langue, s’appuyant sur les onomatopées et les sonorités de la langue tchèque, et les humains, dans une traduction française subtilement respectueuse des sonorités originelles, due au savoirentendre de Irène Kudela ». C. Nessi

Croquis du costume de la Petite Renarde

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L’Ensemble Justiniana / Charlotte Nessi Bien campé sur ses bases franc-comtoises, épaulé par des soutiens fidèles, l’Ensemble Justiniana s’intéresse à de nouvelles formes de production. Avec une équipe à géométrie variable, il tente de renouveler l’approche du répertoire lyrique et de produire des œuvres nouvelles ouvertes à différentes formes d’expression musicale. À la recherche d’un nouveau public, l’Ensemble Justiniana va à sa rencontre, le forme et l’intègre dans ses productions. Comme l’indique son cahier des charges, « chaque spectacle proposé par l’Ensemble Justiniana est "un objet unique" mêlant artistes professionnels et amateurs. Après une formation spécifique inscrite dans le cadre même du projet, ces derniers approchent la scène avec les mêmes exigences et les mêmes considérations que les professionnels. » Indépendamment de son propre parcours de metteur en scène, Charlotte Nessi, avec l’Ensemble Justiniana, invente et imagine des projets de toutes sortes : en 1986, Celui qui dit oui de K. Weill et B. Brecht, puis, en 1993, deux autres opéras didactiques de B. Brecht, K. Weill et P. Hindemith voient le jour : Vol au-dessus de l’océan et L’Importance d’être d’accord. Souhaitant privilégier les projets pluriculturels, l’Ensemble Justiniana se lance en 1989 dans l’aventure de Quichotte, opéra jazz qui met en relation l’écrivain français J.-L. Lagarce et le compositeur britannique M. Westbrook. Au début 2000, Les Marimbas de l’exil, opéra franco-mexicain, texte de P. Serrano et musique de L. Le Masne, est créé à l’Opéra de Besançon puis au Festival du Centre historique de Mexico. La piste de la création lyrique est également exploitée avec, en 1987, Journal d’un usager de l’espace I, sur le texte de G. Perec Espèces d’espaces (musique d’A. Litolff) en Franche-Comté et au Théâtre de la Bastille, puis, en 1999, Journal d'un usager de l'espace II sur une partition de D. Lockwood, créé à l'Amphithéâtre de l'Opéra Bastille, et enfin Choc, lyrique de chocolat de Philippe Mion, monté avec Île-de-France Opéra et Ballet. Un véritable travail sur le terrain conduit à la création de La Petite Sirène (livret de M. Yourcenar, musique de D. Probst) dans une usine désaffectée du Jura, puis à celle de La Guerre des boutons (livret de Louis Pergaud, musique de Philippe Servain). Parallèlement, des œuvres du répertoire sont montées régulièrement. La Compagnie s’attache à développer un Centre d’art lyrique junior et monte Guys and Dolls, comédie musicale de Frank Loesser, La Princesse au petit pois, West Side Story de Leonard Bernstein présenté au Théâtre Edwige-Feuillère de Vesoul et récemment The Golden Vanity, opéra de Britten pour voix d’enfants. La Compagnie s’intéresse également à la promotion des spectacles lyriques et chorégraphiques dédiés aux tout petits avec la création en 2005 de On devine la mer tout près, de P. Mion. Depuis 2000, l’Ensemble Justiniana et l’ADDIM de la Haute-Saône ont mis en place une collection « La voix d’enfants dans les musiques d’aujourd’hui » et proposent des résidences à des compositeurs pour créer des œuvres avec voix d’enfants. À l’été 2000, Quichotte, un voyage à travers le temps…, opéra itinérant dans les villages, est créé dans le cadre du Festival international de musique de Besançon-Franche-Comté et du Festival d'Île-de-France, suivi par Hansel et Gretel d’E. Humperdinck, opéra promenade en 2002/2003, Le Château de Barbe-Bleue de B. Bartók, balade et tragédie nuptiale, créée dans les châteaux de Franche-Comté et d’Île-de-France en 2004, Cendrillon, Cenerentola, Cinderella… en 2005/2006 et par Carmen, opéra-promenade en 2008/2009. Actuellement un réseau de 70 villages accueille ces productions en Franche-Comté. De la création de Brundibár de Hans Krása en 1997 à Der Mond de Carl Orff sur un texte de Grimm et Aventures et Nouvelles Aventures de Ligeti en 2007, l’Ensemble Justiniana, en association avec la région Franche-Comté, travaille régulièrement à l’Opéra national de Paris. Depuis 1998, l’Ensemble est Compagnie nationale de théâtre lyrique et musical.

Denis Comtet Denis Comtet obtient un Premier prix d’orgue et un Premier prix d’accompagnement à l’unanimité au CNSM de Paris. Il étudie également la direction d’orchestre avec B. Aprea à Rome. Passionné par la polyphonie, il est chef associé du Chœur de chambre Accentus jusqu’en 2005, puis chef de chœur du Concert d’Astrée. Il collabore avec le Chœur de chambre de Namur et le SWR Vocalensemble de Stuttgart - avec lequel il a notamment dirigé en 2008 la première mondiale de Hybris de A.Holsky en ouverture du festival de Schwetzingen - et est invité à diriger de nombreux orchestres tels que celui de l’Opéra de Rouen, le Brighton Youth Orchestra, le Philharmoniker Staatsorchester-Halle ou l’Orchestre national de Lille. Avec l’Ensemble Justiniana, il dirige Aventures, Nouvelles Aventures de Ligeti, Le Château de Barbe-Bleue de Bartók, et Der Mond de C. Orff. La saison prochaine, il débutera au Staatstheater Stuttgart ainsi qu’au festival international de Donaueschingen.

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LA FABRICATION DES MASQUES Exemple de masque réalisé par l’atelier décoration sur costumes de l’Opéra National de Paris LE BLAIREAU

On prend une empreinte en élastomère du visage de l’interprète qui portera le masque. De cette empreinte, on effectue un tirage en plâtre qui sera la réplique exacte du visage. Sur cette tête, on modèle la forme du masque avec de la terre.

On effectue ensuite un tirage avec le matériau choisi.

Ici le masque est d’abord peint aux couleurs de la fourrure qui va l’habiller, et ensuite recouvert de fourrure :

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POUR ALLER PLUS LOIN…

QUELQUES PISTES PÉDAGOGIQUES FRANÇAIS . Faire une lecture commentée du texte original de Rudolf Tĕsnohlídek (extraits dans ce dossier : cf. p ) . Étudier d’autres textes sur le renard et le rapport hommes / aninaux : -Max Bolliger, Klaus Ensikat(illustrations), Renard & renard, La joie de lire, 2002 -Henri Bosco, Georges Lemoine (illustrations), Le renard dans l’île, Gallimard, 2000 -Claude Boujon, Bon appétit Monsieur Renard, École des loisirs, 1996 -G.L. Leclerc Buffon, Discours sur la nature des animaux « des animaux et des hommes , Rivages/ Poche, 2003 -Roald Dahl, Jill Bennett (illustrations), Fantastique Maître Renard, Gallimard, 1977 -Emmanuel Do Linh San, Le blaireau d’Eurasie, Delachaux et Niestlé, coll Les Sentiers du naturaliste, 2006 -Paul François, Beuville (illustrations), Trois tours de renard, Père Castor-Flammarion, 1960 -Olga Lecaye, Léo Corbeau et Gaspard Renard, École des loisirs, 2004 -Jean-Steve Meia, Le renard, Delachaux et Niestlé, coll Les Sentiers du naturaliste, 2003 -Jean Muzi, Gérard Franquin (illustrations), Dix-neuf fables de renard, Père Castor-Flammarion, 1983 -Roman de Renart, Librio, 2003 -Keizaburo Tejima, Le rêve du renard, École des loisirs, 1988 -Rudolf Těsnohlídek, La Petite Renarde rusée, traduit du tchèque par Michel Chasteau, Librairie Arthème Fayard, 2006 -Helen Ward, Le Coq et le Renard, Gautier-Languereau, 2003 -Chris Wormell, Le Coq et le Renard, Circonflexe, 2007

(bibliographie non exhaustive proposée par l’Opéra de Paris)

ARTS PLASTIQUES . Imaginez le costume des animaux présents dans l’opéra. . Fabriquez des masques ou des éléments qui pourront te transformer en animal. (cf. p 26) . Imaginez une bande dessinée (à l’image de celle qui illustrait le texte original) THÉÂTRE . Demander aux élèves de se « mettre dans la peau » d’un renardeau, d’adopter ses attitudes. . Jouez la scène du garde-chasse et de la renarde. MUSIQUE . Demandez aux élèves d’imiter ou illustrer - par quelques moyens que ce soit (voix, instrument) - le croassement d’une grenouille, le chant d’un oiseau, le chant du coq et le caquètement de poules ou encore le vol d’une libellule ou d’un moustique après avoir piqué un humain… . faire écouter des musiques d’autres compositeurs (cf. p 28/29). HISTOIRE / GÉOGRAPHIE . Situez la République Tchèque et la Moravie. Etudiez leur histoire. La République tchèque (en tchèque : Česká republika), parfois appelée Tchèquie, est un pays d'Europe centrale, entouré par la Pologne, l’Allemagne, l’Autriche et la Slovaquie. Regroupant les régions historiques de Bohême, de Moravie, la République tchèque est née le 1er janvier 1969 de la fédéralisation de la Tchécoslovaquie. Elle est indépendante depuis le 1er janvier 1993 à l'occasion de la scission de la République fédérale tchèque et slovaque (Révolution de velours). La République tchèque fait partie de l’Union européenne depuis le 1er mai 2004. Prague est la capitale du pays (Brno est la capitale de la région Moravie du Sud). La monnaie est la couronne tchèque.

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POUR ALLER PLUS LOIN…

LES ANIMAUX DANS LA MUSIQUE Depuis des siècles, voix et instruments rivalisent de virtuosité pour suggérer la présence d'animaux ou imiter leur cri ou leur chant. Au-delà de l'imitation, c'est parfois l'animal lui-même qui concurrence les instruments, son chant authentique étant introduit dans l'œuvre. XVIe SIÈCLE JANEQUIN, Clément (vers 14851485-1558) L’un des plus célèbres compositeurs de chansons descriptives à quatre voix sur les oiseaux (Le Chant des oiseaux, Le Chant de l’alouette, Le Chant du rossignol), la chasse (« Gentils veneurs, allez en queste au buisson »).

XVIIe SIÈCLE BANCHIERI, Adriano (1568(1568-1634) Ce moine de Bologne est l’auteur de comédies madrigalesques et d’un Festin où il met en scène des animaux.

XVIIIe SIÈCLE BODIN de BOISMORTIER, Joseph (1689(1689-1755) Apprécié pour ses cantates et ses motets, il a également laissé des pièces de clavecin, dont une Puce très... piquante. COUPERIN, François (1668(1668-1733) Avec Rameau, il est l’un des plus grands musiciens du XVIIIe siècle. Ses 240 pièces pour clavecin comportent plusieurs évocations animalières : Les Abeilles, Le Moucheron, Les Papillons, L’Anguille, Le Gazouillement, Les Fauvettes plaintives, La Linotte effarouchée, Le Rossignol en amour, Le Rossignol vainqueur. HAYDN, Joseph (1732(1732-1809) Ce grand musicien du classicisme viennois peuple de chants et de cris d’animaux deux de ses oratorios, La Création et Les Saisons. Ses quatuors (« de l’alouette ») et ses symphonies (« La chasse », « L’ours », « La poule ») portent des titres suggestifs. RAMEAU, JeanJean-Philippe (1683(1683-1764) Il est l’auteur de pièces pour clavecin dont La Poule et Le Rappel des oiseaux. VIVALDI, Antonio (1678(1678-1741) Compositeur vénitien, auteur de plus de 400 concertos, dont Les Quatre Saisons, Le Chardonneret, Le Coucou.

XIXe SIÈCLE BEETHOVEN, Ludwig van (1770(1770-1827) Véritable hymne à la nature, la Pastorale (1808) est la sixième de ses neuf symphonies. SAINTSAINT-SAËNS, Camille (1835(1835-1921) Son Carnaval des animaux (1886) a fait le tour du monde, tout comme son poème symphonique La Danse macabre (1874 ; imitation du chant du coq, à l’extrême fin). WAGNER, Richard (1813(1813-1883) Son drame lyrique Siegfried (1857) contient les « Murmures de la forêt », avec son chant de l’oiseau.

XXe SIÈCLE MESSIAEN, Olivier (1908(1908-1992) À l’exception de deux partitions, toute la musique de ce compositeur, pédagogue et ornithologue français, est imprégnée des chants d’oiseaux du monde entier. Ces chants se mêlent à des rythmes hindous et à une écriture musicale qui fait d’abord appel aux « modes à transposition limitée », puis au sérialisme.

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POULENC, Francis (1899(1899-1963) Membre du « Groupe des Six », il mit en musique des poèmes du Bestiaire (1919) de Guillaume Apollinaire. Dans son ballet Les Animaux modèles (1942), il humanise les bêtes des Fables de La Fontaine (le Lion amoureux est un mauvais garçon, Combat de deux coqs). PROKOFIEV, Serge (1891(1891-1953) Il a composé entre autre le célèbre Pierre et le Loup (1936) e t Le Vilain Petit Canard (1914), d’après Andersen. RAVEL, Maurice (1875(1875-1937) Son amour de la nature se traduit dans de nombreuses compositions : Miroirs pour piano (« Noctuelles », « Oiseaux tristes », 1905), les cinq mélodies des Histoires naturelles (1906), Ma mère l’Oye (« Petit Poucet », avec ses chants d’oiseaux, « La Belle et la Bête », le « Jardin féerique », 1908), le ballet Daphnis et Chloé (chants d’oiseaux dans le « Lever du jour », 1911), L’Enfant et les Sortilèges (1925). ROUSSEL, ROUSSEL, Albert (1869(1869-1937) Le Festin de l’araignée (1912) est une des œuvres les plus populaires de ce musicien. STRAVINSKY, Igor (1882(1882-1971) Compositeur d’origine russe, il est l’auteur des célèbres ballets L’Oiseau de feu (1910), Petrouchka (1911), Le Sacre du printemps (1913), Renard (1917), Les Noces (1923), de la légende lyrique Le Rossignol (1914).

D’après l’étude de Christian Goubault Goubault,, Les animaux dans la musique : modèles ou concurrents ? © SCÉRÉN – CNDP, 1999, Textes et documents pour la classe, n° 775, 1er mai 1999, p.6-48 : ill.,poster.-Bibliogr. Lire aussi le texte en ligne de C. Goubault >> http://www.cndp.fr/revueTDC/775-41204.htm

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POUR ALLER PLUS LOIN….

MOTS CROISÉS « PETITE RENARDE » 1

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Horizontalement : 1. Ville où fut créé l’opéra en 1924 - 2. La Petite renarde le déloge de son terrier pour s’y installer. – 3. Nom de la metteur en scène -5. Maman tchèque -6. Instrument de prédilection du compositeur et dont il fonde une école - 8. Tessiture de la Renarde - 9. Nom de famille du compositeur -11. Instrument qui suggère le vol de la libellule -12. Prénom du compositeur -15. Coassement de la grenouille tchèque Verticalement : 1. Voix du garde-chasse (sa tessiture) ; lieu où commence l’histoire -3. Elle se pose sur le nez du garde-chasse endormi -5. La langue chantée dans cet opéra - 7. Le nom de la Renarde (traduction en tchèque du mot) -9. Grand compositeur tchèque né 13 ans avant celui de la Petite Renarde et grand ami de celui-ci -11. Région natale du compositeur -13. Elles se font dévorées par la Renarde.

Solution : B

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POUR ALLER PLUS LOIN…

LA VOIX À L’OPÉRA Chaque voix est unique, la classification vocale est donc artificielle. On a cependant éprouvé le besoin de définir les voix en prenant compte différents facteurs : l’étendue dans laquelle elle peut se mouvoir (sa tessiture), son timbre, sa puissance, le type de répertoire abordé (le baryton Verdi par exemple). À l’opéra, chaque voix correspond à un type de personnage. La classification des voix : On distingue généralement trois types de voix pour les femmes et trois pour les hommes :

+ grave

+ aigu

femme homme

Contralto Basse

Baryton

Ténor

Mezzo-Soprano

Soprano

Contre-ténor

La soprano est la voix féminine la plus élevée, la basse est la voix masculine la plus grave. La voix d’enfant correspond le plus souvent à une voix de soprano.

La tessiture est l’étendue ordinaire des notes qu’une voix peut couvrir sans difficulté. Le timbre de la la voix : C’est la couleur de la voix, ce qui permet de l’identifier. Ce timbre est lié aux harmoniques émises par le chanteur, qui sont liés à sa morphologie et à sa technique : le corps agit comme une caisse de résonance et les résonateurs peuvent être modifiés lors de l’émission du son. Le chœur : C’est un ensemble de chanteurs qui interviennent à certains moments dans un opéra. Un chœur mixte est généralement formé de soprani, d'alti, de ténors et de basses.

La puissance de la voix : Elle définit le maximum d’intensité qu’atteint la voix dans ses extrêmes : - voix d’opéra : 120 dB - voix d’opéra-comique 100 à 110 dB - voix d’opérette : 90 à 100 dB - voix ordinaire : au dessous de 80 dB (voix des chanteurs de variété ou de comédie musicale)

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QUI FAIT QUOI À L’OPÉRA ? Associez le métier à la description de son travail et, en vous référant à l’équipe artistique de cette production, mettez des noms en dessous de chaque métier.

Le compositeur

Il/Elle écrit l’histoire, les textes qui

seront chantés dans l’opéra.

Le costumier

Il/Elle est responsable de ce qui se passe sur scène. Il/Elle conçoit, avec son équipe, la scénographie et dirige le jeu des chanteurs (les mouvements…).

Le musicien

Il/Elle interprète un personnage de

l’opéra. Le chanteur

Il/Elle invente la musique d’après un

thème ou une histoire (le livret) et écrit la partition. Le librettiste

Le metteur en scène

Il/Elle crée les décors du spectacle.

Il/Elle dessine et conçoit les costumes.

Le scénographe (décorateur)

Il/Elle joue d’un instrument, interprète

la musique du compositeur. Il/Elle fait partie de l’orchestre.

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L’OPÉRA DE LILLE, UN LIEU, UNE HISTOIRE HISTORIQUE Après l’incendie, en 1903, de l’ancien théâtre construit en 1788 au cœur de la ville, la municipalité lance en 1907 un concours pour la construction d’un nouvel édifice. Le règlement met alors l’accent sur la prévention de l’incendie et recommande notamment de porter attention à la largeur et à la commodité des dégagements et des escaliers à tous les étages. Le projet lauréat de l’architecte Louis-Marie Cordonnier (1854-1940) a respecté cette consigne qui permet au bâtiment de bénéficier aujourd’hui de volumes exceptionnellement vastes dans tous ses espaces publics (zones d’accueil, foyer, déambulatoires,…). Le gros-œuvre du chantier s’est achevé en 1914, mais les travaux de finition n’ont pu être menés à leur terme à cause de la guerre. Les Allemands ont d’ailleurs très vite investi le lieu qu’ils ont meublé et équipé avec les sièges et le matériel d’un autre théâtre lillois, Le Sébastopol. En près de quatre années d’occupation, une centaine de spectacles et de concerts y ont été présentés en faisant la part belle à Wagner, Mozart, Strauss, Beethoven. Après cette occupation germanique et une période de remise en état, le « Grand Théâtre » comme on l’appelait à l’époque a pu donner sa « première française » en 1923. En 1998, la Ville de Lille se trouve dans l’obligation de fermer l’opéra pour des raisons de sécurité. Un chantier de rénovation est mené par les architectes Patrice Neirinck et Pierre Louis Carlier de 2000 à 2003. L’Opéra de Lille a ouvert à nouveaux ses portes au public en décembre 2003 à l’occasion de Lille 2004 Capitale européenne de la culture.

LA FAÇADE Précédée d’un vaste perron et d’une volée de marches en pierre de Soignies, la façade est un symbole de l’identité lilloise. De composition néoclassique, elle fait preuve d’éclectisme en termes d’éléments architectoniques et décoratifs. Elle adopte le parti de composition du Palais Garnier, mais avec une morphologie générale différente. En pierre calcaire, très lumineuse, cette façade déploie trois strates architecturales (travées), qui correspondent à trois styles de parements. Le premier étage, étage noble, est rythmé par trois larges baies cintrées, conçues pour inonder de lumière le grand foyer. Ces baies participent pleinement à l’allure néoclassique et à l’élégance de l’édifice. Louis-Marie Cordonnier fournit l’intégralité des plans et dessins nécessaires à l’ornementation de la façade. Il accorda la réalisation (et non la conception) du motif du fronton, illustrant la Glorification des Arts, à un artiste de la région lilloise : HippolyteJules Lefebvre. Se détachant de la rigueur générale du bâtiment, le groupe sculpté s’articule autour d’Apollon, le Dieu des Oracles, des Arts et de la Lumière. Neufs muses l’accompagnent, réunissant ainsi autour de l’allégorie du vent Zéphir, la poésie, la musique, la comédie, la tragédie et d’autres arts lyriques ou scientifiques. Les deux reliefs allégoriques de l’étage noble (dessins de Cordonnier là encore), se répondent. À gauche, du sculpteur Alphonse-Amédée Cordonnier, une jeune femme tenant une lyre, représente La Musique. Des bambins jouent du tambourin et de la guitare. À droite, le sculpteur Hector Lemaire, a symbolisé La Tragédie. Les putti représentent des masques de théâtre et l’allégorie féminine, dramatique et animée, brandit une épée, environnée de serpents et d’éclairs. Dossier pédagogique La Petite Renarde rusée Opéra de Lille, avril 2009 |37


LE HALL D’HONNEUR L’entrée est rythmée par les marches d’escalier du perron depuis la place du théâtre et s’effectue par trois sas largement dimensionnés. Le visiteur pénètre dans le vestibule qui lui offre immédiatement une vue sur l’escalier d’honneur menant au parterre et aux galeries des étages. Introduction progressive au lyrisme du lieu, le vestibule met en scène deux statues réalisées en stuc de pierre. À droite, « L’Idylle », de Jules Dechin, et en écho, « La Poésie » du sculpteur Charles Caby.

LES GRANDS ESCALIERS Avec un programme d’aménagement et de décoration très riche, les escaliers instaurent un détachement volontaire avec l’environnement urbain et le lexique architectural encore réservé au vestibule. Propices à une « représentation sociale » (défilé des classes sociales du début du XXe siècle par exemple), les grands escaliers sont une cellule à valeur indicative, qui annonce le faste du lieu. Afin d’augmenter la capacité d’accueil de la salle, Cordonnier a privilégié une volée axiale droite, puis deux montées symétriques divergentes. Une voûte à caissons remarquables, d’inspiration renaissance italienne, repose sur une série de colonnes en marbre cipolin. L’architecte chargea le sculpteur-stucateur André Laoust du décor des baies qui surplombent les escaliers et ferment l’espace entre le grand foyer et les galeries. Louis Allard est quant à lui auteur, d’après les esquisses de Cordonnier, des deux vases monumentaux (plâtre peint et doré), disposés sur les paliers d’arrivée (et initialement prévus pour le grand foyer).

LE GRAND FOYER Le grand foyer a été voulu par Louis-Marie Cordonnier comme un véritable vaisseau, qui s’allonge sur toute la façade de l’Opéra. L’espace, très élégant, fait preuve de dimensions exceptionnelles, au regard de celles rencontrées dans d’autres lieux théâtraux. Les volumes intérieurs, particulièrement vastes, sont le cadre d’une effervescence et de la déambulation du public lors des entractes, et continue à émerveiller le public par sa richesse ornementale. L’espace est éclairé par cinq grandes baies dont trois jumelées du côté de la place. Le décor du plafond et les deux tableaux ovales représentant La Musique et La Danse sont l’œuvre du peintre Georges Picard. En parallèle, les quatre grands groupes sculptés ont été réalisés par GeorgesArmand Vérez, et forment un ensemble cohérent avec le programme d’ornementation, qui développe le thème des arts. Chaque mercredi à 18H, des concerts d’une heure sont organisés dans le Foyer. Récitals, concerts jeune public, musique du monde… au tarif de 8 et 5 €.

LA GRANDE SALLE Si les plans aquarellés de Cordonnier privilégiaient la couleur bleue, la volonté de reproduire une salle à l’italienne (un des derniers exemples construits en France) a fait opter l’ensemble des acteurs du chantier de l’époque pour le rouge et or, plus conventionnel. La salle est couverte d’une coupole. Elle comprend six loges d’avant scène, une fosse d’orchestre, un large parterre et quatre balcons (quatre galeries). Le décor est particulièrement abondant. Les écoinçons comportent plusieurs groupes sculptés : La Danse, la Musique, la Tragédie et la Comédie. 38


De part et d’autre des loges d’avant-scène, quatre cariatides portent les galeries supérieures. Elles représentent les quatre saisons. Un groupe sculpté, au thème similaire de celui de la façade, est dédié à la Glorification des Arts, et affiche sa devise en latin : « Ad alta per artes ». Huit médaillons peints alternent avec des figures mythologiques (éphèbes sculptés). C’est Edgar Boutry qui réalisa l’ensemble de ce décor sculpté tandis que Georges Dilly et Victor Lhomme furent chargés conjointement de la réalisation des huit médaillons de la coupole. Ces peintures marouflées (toile de lin appliquée aux plâtres) ne présentent qu’un camaïeu de brun avec quelques rehauts de bleu.

Les travaux de rénovation et la construction de nouveaux espaces (2000 à 2003) En mai 1998, la Ville de Lille se trouve dans l’obligation de fermer l’Opéra et de mettre un terme à la saison en cours. Cette fermeture est provoquée par l’analyse des dispositifs de sécurité du bâtiment qui se révèlent être défectueux ; une mise en conformité de l’édifice face au feu apparaît alors nécessaire, tant au niveau de la scène que de la salle et de l’architecture alvéolaire qui l’entoure. Les acteurs du chantier définissent alors trois objectifs majeurs pour les travaux de modernisation et de mise en conformité de l’Opéra de Lille. Le premier est d’aboutir, en respectant évidemment l’édifice, à une mise aux normes satisfaisante et répondant aux réglementations existantes, en particulier dans le domaine de la sécurité des personnes. Le deuxième vise à améliorer les conditions d’accueil des productions lyriques, chorégraphiques et des concerts dans le cadre d’un théâtre à l’italienne tout en préservant l’œuvre de Louis-Marie Cordonnier dont la configuration, les contraintes et l’histoire induisent une organisation spatiale classique. Il s’agit enfin de valoriser l’Opéra de Lille comme lieu de production et d’accueil de grands spectacles lyriques et chorégraphiques en métropole lilloise, en France et en Europe.

Les travaux de rénovation menés par les architectes Patrice Neirinck et Pierre-Louis Carlier ont été l’occasion de construire, au dernier étage du bâtiment, une nouvelle salle de répétition. Le toit de l’Opéra a été surélevé pour offrir un grand volume à cet espace de travail qui est également accessible au public. Cette salle dont les dimensions sont environ de 15x14 mètres peut en effet accueillir 100 personnes à l’occasion de répétitions publiques ou de présentations de spectacles et de concerts.

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L’OPERA, UN LIEU, UN BATIMENT ET UN VOCABULAIRE

Le hall d’honneur = l’entrée principale Les grands escaliers mènent les spectateurs à la salle La grande salle = là où se passe le spectacle Le grand foyer = là où les spectateurs se retrouvent après le spectacle et à l’entracte Les coulisses = là où les artistes se préparent (se maquillent, mettent leurs costumes, se concentrent) Les studios de répétition = là où les artistes répètent, travaillent, s’échauffent avant le spectacle La régie = là où les techniciens règlent la lumière, le son… diffusés sur la scène

Côté salle (Dans la grande salle, il y a d’un côté, les spectateurs) : - Les fauteuils des spectateurs sont répartis sur le parterre (ou Orchestre) et les 4 galeries (ou balcons), 1138 places au total - La quatrième galerie s’appelle « le Paradis » (parce que la plus proche du ciel) ou encore « le Poulailler » (parce que c’est l’endroit où se trouvait à l’époque le « peuple » qui était perché et caquetait comme des poules) - Les loges (celles du Parterre étant appelé aussi baignoires) - La loge retardataire (située en fond de Parterre) - La régie (située en 2e galerie)

Côté scène (De l’autre côté, les artistes) : - La fosse d’orchestre (là où sont placés les musiciens pendant les opéras, en dessous de la scène ; seul le chef d’orchestre voit la scène et il dirige les chanteurs) - L’avant-scène ou proscenium (la partie de la scène la plus proche du public) - La scène ou le plateau (là où les artistes jouent, chantent et dansent) (le lointain - l’avant-scène ou face / Jardin - Cour) - Les coulisses - le rideau de fer et le rideau de scène séparent la scène et la salle. Le rideau de fer sert de coupe feu.

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L'orchestre de la version de Krampe de La Petite Renarde rusée est composé d'une flûte traversière, d'un piccolo, d'un hautbois, d'une clarinette, d'un basson, d'un cor, d'un accordéon, d'un violon, d'un violon alto, d'un violoncelle et d'une contrebasse et de percussions.

Dossier pédagogique La Petite Renarde rusée Opéra de Lille, avril 2009 |41


L'orchestre de La Petite Renarde rusée est composé d'instruments à percussion : Vibraphone 4 octaves, xylophone, grosse caisse symphonique, caisse claire, sirène électrique, crécelle, triangle sur pied, guiro sur pied, 2 woodblocks, 1 cymbale suspendue, 1 paire de cymbales frappées.

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