Naissance, Mort & Résurrection : L’Histoire du boulevard Mohammed V à Casablanca

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NAISSANCE, MORT ET RÉSURRECTION : L’HISTOIRE DU BOULEVARD MOHAMMED V À CASABLANCA

TRAVAIL DE FIN D’ÉTUDE RÉALISÉ PAR : AIT OUHMANE Myriam PROMOTRICE : MADAME PUTTEMANS Marianne

ANNÉE ACADÉMIQUE : 2020-2021



A la mémoire de mon grand-père, qui a alimenté les récits de mon enfance d’histoires sur Casablanca, et qui rêvait de me voir devenir Architecte.

A la mémoire de Dounia Karim.



REMERCIEMENTS

A Mme Marianne PUTTEMANS, Pour m’avoir fait l’honneur d’accepter d’encadrer mon mémoire de fin d’études, pour votre grand soutien, pour votre disponibilité, pour avoir toujours su répondre à mes requêtes, et pour votre patience. Ce travail a largement bénéficié de votre expérience et de vos précieux conseils. Etant donné que j’ai également eu la chance de vous avoir en tant que professeur pour le cours d’option sur l’histoire de l’architecture, je souhaite vous remercier pour l’amour que vous portez à votre travail, et que vous infuser dans sa transmission, mais aussi pour l’intérêt que vous susciter auprès de vos étudiants. Il n’est donc que naturel, que ce soit à vous, que j’adresse mes premiers et sincères remerciements.

À M. Maurizio COHEN, Pour avoir accepté de juger mon travail. Votre présence en tant que membre du jury m’honore beaucoup. Compte tenu de votre large savoir sur les questions relatives à l’Architecture du XXème siècle, et pour avoir eu la chance de vous avoir comme professeur, je ne peux que me ravir de votre présence. A ce titre, sachez que je me réjouis d’ores et déjà, de vos retours. Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de ma reconnaissance.



À Mme Siham DADOUN, Que je tiens tout particulièrement à remercier pour avoir répondu à ma requête et pour faire partie de mon jury externe. Votre écoute et vos conseils m’ont guidé bon nombre de fois. Permettez-moi de saisir l’occasion pour vous témoigner de mon admiration envers votre compétence, votre sympathie, votre force, et vos qualités humaines.

À M. Hamid ANEDAM, En sa qualité de grand architecte, grand par ses compétences mais aussi par sa bonté intérieure. Je tiens à vous remercier pour votre aide, votre disponibilité, votre sens du partage, et votre sens de l’écoute. Votre apport dans ce travail m’a été d’une aide très précieuse, et je ne peux que vous en être reconnaissante. Merci encore.

À Mme. RABEH Khadija, Pour les précieuses informations qu’elle m’a apportées et qui ont grandement contribué à l’avancement de ce mémoire, et pour avoir toujours donné suite à mes questionnements et pour l’implication et l’intérêt suscités.



DÉDICACES À mon père, pour son support, pour avoir toujours cru en moi, et pour m’avoir permis de réaliser mes rêves. À ma mère, pour son amour, pour sa patience et pour ses innombrables sacrifices. A ma mère qui s’est toujours tenue derrière moi, et que j’aimerai pouvoir un jour, être à la hauteur de ses attentes. À Ghita, ma sœur de sang et d’âme, ma seconde moitié.

À Jeda, à mes tantes et à mes oncles, pour leur support continu et tout le mal qui se sont donnés pour que j’en sois là, et que je compte rendre fiers. A mes cousins et cousines que j’adore. À mon ami Patrick, que je ne saurai jamais assez remercier.

À la famille KARIM, ma deuxième famille, pour tous les moments de folie que l’on a passés ensemble et qui resteront à jamais graver dans ma mémoire. À Mme Fouzia NAGUIB, mon professeur de français, pour m’avoir fait aimer la langue de Molière, mais aussi pour sa personne, son soutien permanent, et sa grande bonté.

À Béatrice, à Chaimae, à Dounia et à Selma : A mes sœurs, pour leur amitié, pour leur présence dans mon quotidien, pour avoir inlassablement cru en moi, pour leur encouragement et leur support. À Ali, pour ses talents de photographe et pour l’avoir malmené à plusieurs reprises dans la tâche qui est mienne.

À M. BELLAMINE Abdellatif, pour son écoute et son sens du partage ; et à qui je promets à mon tour « qu’ils ne prendront pas le dessus ».

Aux familles BELGHAZI, BOUCHATTRI, et REGURAGUI que j’affectionne tout particulièrement. À Aicha EL YOUSSOUFFI (Ait Tata) pour son amour.



PREFACE « Peut-on sans risque dire d’une femme qu’elle est laide et sans attrait ? Il y’a toujours un détail, un rien qui peut charmer […] Doit-on ainsi parler de Casablanca ? Certainement. On peut l’aimer aussi en partant du même préjugé, avec ses défauts, son nom qui n’est qu’une promesse, son manque de jardins et de places ombragées où il fait bon se réunir entre amis à la terrasse d’un café, son absence de théâtre, de cinémas plus engageants, de bibliothèques, de beaux magasins trop peu nombreux, de vitrines rutilantes inexistantes, de beaux monuments…Elle n’est pas de celles sur lesquelles on se retourne tant leur passage vous a ébloui. »1

Casablanca, capitale économique du Maroc et la plus grande métropole d’Afrique, connaît un rayonnement international indéniable. Mais derrière ses airs de métropole branchée et ses métamorphoses continues traduisant son amour pour la nouveauté, Casablanca est une ville gommée par l’habitude et la routine, une ville dont l’histoire, pour une raison ou pour une autre, s’est vue oubliée… Je fais allusion à un temps où Casablanca était comparable au Paris des années folles ou au New-York des 50’s, à une terre de rêve où l’on se ruait de tout le Maroc et de toute l’Europe pour accéder aux conforts de la vie moderne. En tant que native de Casablanca -et comme bon nombre de Casablancais2- j’en ignorais moimême son histoire. Le fait d’entamer des études d’architecture m’a, pour ainsi dire, ouvert les yeux à tous ses trésors, qui s’étaient toujours tenus là, mais que la poussière et les traces du temps ont démystifié. J’ai ainsi appris à m’attarder davantage devant les façades de ses bâtiments en tentant de cerner toute l’histoire qu’ils tentent tant bien que mal- pour ceux encore debout aujourd’hui- de nous transmettre, et que seuls les nostalgiques de son âge d’or, quelques passionnés de photographies, quelques curieux ou un œil aiguisé semblent discerner. C’est cet attachement à son histoire qui m’a d’ailleurs, poussée à entamer ce travail de recherche. Cet attachement a eu raison du désamour que j’éprouvais pour cette ville chaotique qui est la mienne, sentiment partagé par le reste des Casablancais, tant il se fait ressentir. Pour prendre le cas du boulevard Mohammed V, il s’agit d’un réel anachronisme dans cette ville qui se renouvelle constamment aux couleurs des nouvelles tendances. Cela dit, son passé glorieux semble aujourd’hui bien lointain comme en témoigne son état. Cette dégradation ne concerne pas uniquement ses bâtiments ou ses espaces publics, mais touche également « la mémoire collective » des Casablancais…

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Note de Jean François Zevaco pour Jean Michel Zurfluh, dans : ZURFLUH, Jean.Michel, Casablanca, Éditions SODEN, Roubaix, 1958, p6. 2 Note au lecteur : Je m’appuie ici sur les nombreux avis et témoignages recueillis pour ce travail (famille, proches, interviews sur place…) qui s’accordent tous sur le fait que l’histoire de la ville reste bien souvent méconnue.



TABLE DES MATIÈRES REMERCIEMENTS ………………………………………………………………………………………. DÉDICACES

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TABLE DES MATIÈRES ……………….……………………………………………………………………. INTRODUCTION PRÉSENTATIVE & PROBLÉMATIQUE LIÉE AU MÉMOIRE

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BIBLIOGRAPHIE COMMENTÉE (ETAT DE LA QUESTION)

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DÉMARCHE MÉTHODIQUE …….…...…………………………………………………………………. Page 10 I- MISE EN CONTEXTE 1- CASABLANCA : PRÉSENTATION & CONTEXTE GÉNÉRAL

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2- MISE EN CONTEXTE HISTORIQUE : ANFA

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3- L’ÉVOLUTION D’UNE VILLE -Casablanca à l’aube du XXème siècle : un embryon de ville

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-Le plan d’extension de Tardif 1912

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-Le plan Prost : Le frein à l’anarchie

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II- LE BOULEVARD DE LA GARE

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1- DES NÉGOCIATIONS À L’ORIGINE DU BOULEVARD

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2- SITUATION & DESCRIPTION URBANISTIQUE

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-L’urbanisme

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-La circulation dans le boulevard

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-Carte du boulevard de la gare

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3- LES CHAMPS-ELYSÉES CASABLANCAIS

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4- UN PANORAMA DE LA VIE À L’ÂGE D’OR DU BOULEVARD DE LA GARE

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5- AS TIME GOES BY : TÉMOIGNAGES D’UN TEMPS

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III- LE BOULEVARD MOHAMMED V UN NOUVEL AIR À L’AUBE DE L’INDÉPENDANCE

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IV-L ’évolution du boulevard au fil du temps

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UNE DÉGRADATION APPARENTE

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2- PRESCRIPTIONS DES SDAUS

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3- LE PROJET TRAMWAY ET DE RÉHABILITATION DU BOULEVARD MOHAMMED V 3-1-Présentation générale du projet tramway

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3-2-La réhabilitation du boulevard Mohammed V

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-Avant tramway

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-Après tramway

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4- DES CHANGEMENTS À L’ÉCHELLE DE LA VILLE OPÉRANT UN IMPACT SUR LE BOULEVARD 5- PALIMPSESTE DE L’ÉVOLUTION DU BOULEVARD

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VI- LE BOULEVARD AUJOURD’HUI 1- UNE RÉTROSPECTIVE DU BOULEVARD

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2- UN CATALOGUE DE VARIÉTÉS ARCHITECTURALES

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2-1- L'immeuble Art-Déco

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-Généralités

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-Les façades

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2-2- Une intégration au contexte marocain : le néo-marocain

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2-3-Les éléments de décor

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2-4- Les ferronneries

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2-5- Les intérieurs d’immeuble

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2-6- Outre l’Art-Déco…

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3- L’ÉTAT DES LIEUX 3-1- L’Etat des bâtiments

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- Une dégradation apparente

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- Une situation pour le peu inquiétante…

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4-

3-2- Des marchands ambulants devenus fixes

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3-3- Un boulevard pour piétons mais pas que…

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3-4- Insalubrité, incivisme, et autres…

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3-5- Le mobilier urbain

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3-6- Jour et nuit : des ambiances contrastées

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3-7- Le marché central

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TÉMOIGNAGES

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4-1-Témoignages

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4-2-Questionnaire

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5- LE POURQUOI DU COMMENT

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5-1-De la responsabilité des individus dans le dessin du portrait actuel du boulevard Page 128 5-2-Le rapport au patrimoine

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-Autour de la question du patrimoine -Un patrimoine colonial…mais aussi marocain

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-Une vision élitiste du patrimoine

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5-3-Au sujet du patrimoine culturel VII- L’ÉVEIL DES CONSCIENCES

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UNE MOBILISATION DE PLUS EN PLUS PRÉSENTE ENVERS LE PATRIMOINE

VIII-QUEL FUTUR POUR LE BOULEVARD ? DES ACTIONS ENTREPRISES À CELLES EN COURS

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1- LES ACTEURS DE LA PROTECTION ET DE LA VALORISATION DU PATRIMOINE Page 140 2- LES OUTILS DE LA PROTECTION DU PATRIMOINE 2-1- l'Inventaire National des Sites et Monuments Historiques

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2-2-Inventaire de l’agence urbaine des bâtiments à valeur patrimoniale dans la région de Casablanca

Page 114 2-3-Actions des acteurs de la sphère semi-publique

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VIII- CONCLUSION

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IX- BIBLIOGRAPHIE

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INTRODUCTION PRÉSENTATIVE & PROBLÉMATIQUE LIÉE AU MÉMOIRE « Une ville est plus qu’un lieu dans l’espace, c’est un drame dans le temps. »3

Le boulevard Mohammed V -ou de son ancienne appellation, boulevard de la gare4- naît sous l’aire du protectorat français d’un souci de moderniser la ville en la dotant d’une nouvelle artère, et de véhiculer l’image d’une France moderne et bienfaisante. A l’époque5, la ville de Casablanca est divisée, comme le veut la méthode Prost6, en quatre zones distinctes : la zone indigène, la zone industrielle, la zone de plaisance et la zone centre, dite, « ville Française ». Le boulevard de la gare constitue dès lors, l’artère principale de cette dernière et s’impose comme une nouvelle adresse de luxe, de glamour et de savoir-vivre à l’européenne. Son architecture et ses équipements à la pointe, hissent la ville de Casablanca au rang des grandes métropoles mondiales et en font une destination très prisée. Qualifiée de « laboratoire à ciel ouvert »7, Casablanca suscite l’intérêt de nombreux chercheurs, urbanistes et architectes, aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale. Elle est d’ailleurs l’une de ces villes où l’urbanisme s’exprime d’abord et avant tout par son architecture, présente dans tous les domaines d’activités. Cela dit, délaissé depuis trop longtemps aujourd’hui, ce pan de l’Histoire Casablancaise -mais aussi celle de l’Architecture et de l’Urbanisme de manière plus générale8- n’est plus que

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GEDDES Patrick, Civics as applied sociology, 1904, reedition de MELLER Helene, The ideal City, Leicester University Press, Leicester, 1975, p75. 4 Dès l’indépendance du Maroc en 1956, plusieurs noms de rues portant ceux de personnalités Françaises ou relatifs à la colonisation Française sont remplacées. Ainsi, le « boulevard de la gare », véritable symbole de la colonisation est rebaptisé « Boulevard Mohammed V » en hommage au roi, et en symbole de reprise du pouvoir. 5 Dès 1914, année où laquelle Henri Prost entame le dessin de son plan d’urbanisme pour Casablanca. 6 Henri Prost est un architecte et urbanistique Français. Il dirige les services d’architecture du protectorat sous la direction du Maréchal Lyautey. Plus d’informations relatives au travail de Prost seront apportées au chapitre I-3. 7 Expression souvent employée dans les médias et reprise dans les articles d’architecture, encore aujourd’hui, qualificative de la ville du 20ème siècle. Elle souligne le fait que Casablanca soit devenue un terrain d’expérimentation pour plusieurs jeunes architectes de l’époque (Marius Boyer à Alexandre Courtois, d’Edmond Brion, Georges Candilis) qui s’essayent à de nouvelles méthodes de constructions A titre d’exemple, les frères Perret construisent en 1912, des immeubles aux formes audacieuses, en employant pour la première fois le béton armé, d’où leur surnom « les pères du béton ». 8 Plusieurs études et ouvrages spécialisés se sont attardés sur l’histoire du boulevard, et de son architecture ArtDéco témoignant du génie inventif de l’époque qui a tant suscité l’intérêt des architectes et urbanistes de différents horizons. Plus de détails seront apportés ultérieurement dans ce travail.

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l’ombre de lui-même, et n’est que très peu (pour ne pas dire rarement) fréquenté par les Casaouis9. Le présent travail de mémoire tentera en un premier lieu, de retracer l’histoire de la ville et de son boulevard iconique, de sa conception, et de son évolution dans le temps dans une première tentative de cerner les raisons de sa dégradation. En un deuxième temps, le travail portera sur une analyse descriptive de la situation actuelle du Boulevard10 afin d’en saisir l’étendue de sa dégradation, malgré les actions de certains acteurs de la société civile ayant récemment émergés, et la longue liste de travaux mis en place par les autorités pour sa revalorisation (réaménagement et remise à niveau des voiries, piétonisation du Boulevard, création d’une ligne de tramway, mise en place de nouveaux mobiliers urbains, éclairage public…). Enfin, le mémoire aura pour but de comprendre la raison des échecs consécutifs à ces stratégies, non pas en se limitant à une simple critique de ces dernières, mais tentera d’en décortiquer le disfonctionnement. Dès lors, il sera question de proposer une nouvelle approche et des solutions pour remédier à la dégradation du boulevard Mohammed V, qui faisait jadis, la fierté de ses riverains et de ses visiteurs.

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Appellation désignant les habitants de Casablanca en dialecte marocain. Noter l’utilisation de la lettre capitale : L’utilisation seule du mot « boulevard » en première lettre capitale fera désormais référence au Boulevard Mohammed V. 10

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BIBLIOGRAPHIE COMMENTÉE (ETAT DE LA QUESTION) Le sujet que nous abordons se situe au carrefour entre histoire, architecture, urbanisme et sociologie. Ainsi, les recherches en l’état de l’art permettent de définir plusieurs familles d'ouvrages. Dans la bibliographie générale de ce mémoire, se situe en un premier temps, les livres d’Histoire, relatifs à celle de la ville de Casablanca, du Maroc et /ou celle du nord du Maghreb de manière plus générale. D’autres ouvrages, comme le livre de Gwendolyn Wright11, les écrits de Pascal Garret12 (sous la direction d’Hélène Vacher) ou encore celui de Gaëlle Gillot dans Dire les villes nouvelles13, traitent de l’urbanisme et de l’architecture des villes coloniales du Maghreb, en se rapportant à Casablanca dans plusieurs chapitres. Les politiques d’urbanisation des villes coloniales ainsi que leur contexte d’émergence y sont abordés de manière concise et détaillée. Ces ouvrages constituent d’ailleurs, des écrits de référence en la matière, et ont servi de solide support pour la rédaction de plusieurs articles où ils sont mentionnés. Ainsi, le chapitre « Casablanca confrontée à l'État colonisateur, aux colons et aux élites locales : essai de micro-histoire de la construction d'une ville moderne14 », analyse les stratégies urbaines employées lors des réalisations des grands projets urbains de l’époque, notamment le percement du tracé de la voie du boulevard Mohammed V et du marché central. L’étude de leurs conditions de mises en œuvre, des techniques employées et une microanalyse détaillée du parcellaire, sont autant d’approches utilisées dans l’analyse de ces projets. D’autres ouvrages à l’image de « Casablanca et la France : mémoires croisées XIXème-XXème siècles »15 ou « Histoire de Casablanca, des 11

WRIGHT, Gwendolyn, The Politics of Design in French Colonial Urbanism. The University of Chicago Press, Chicago, 1991. 12 VACHER, Hélène, Villes coloniales aux XIXe-XXe siècles : D’un sujet d’action à un objet d’histoire (Algérie, Maroc, Liban et Iran). Ed. Maisonneuve et Larose, Paris, 2005, pp 1-41. 13 GILLOT, Gaëlle, « La ville nouvelle coloniale au Maroc : moderne, salubre, verte, vaste », dans : LEIMDORFER, François (dir.), Dire les villes nouvelles, Editions de la Maison des sciences de l’homme, Paris, Collection Les mots de la ville, 2014, pp.71-96. 14 VACHER, Hélène, Villes coloniales aux XIXe-XXe siècles : D’un sujet d’action à un objet d’histoire (Algérie, Maroc, Liban et Iran). Ed. Maisonneuve et Larose, Paris, 2005, pp 27-39. 15 PIERRE, Jean-Luc, Casablanca et la France : mémoires croisées XIXème-XXème siècles, La croisée des chemins, Casablanca, 2004.

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origines à 1952 : témoignages et chuchotements »16, constituent une approche beaucoup plus historique du sujet dans sa vision la plus large, en se penchant plus spécifiquement sur la période allant de l’avènement du protectorat Français au Maroc, à son indépendance. Dans un second temps, on retrouve des ouvrages traitant de la ville de Casablanca de manière plus particulière et qui se rapporte essentiellement à son architecture, à son urbanisme et à son histoire. Les ouvrages de ce type se comptent sur les doigts d’une main. Notons le livre de photographies de Jean-Michel Zurfluh17 sur l’architecture de la ville qui parut en 1985, constitue le premier ouvrage du genre à attirer l’attention du public sur le patrimoine de la ville blanche. Jean-Louis Cohen18 le mentionne dans une de ses conférences19 en le décrivant comme « Le premier livre sur le patrimoine de Casablanca, avec des photos un peu tordues, qui donnent le vertige, mais qui ont incité les casablancais à lever la tête et à découvrir que c’est une ville qui se regarde du trottoir vers le ciel » Ouvrage à succès, il se fait aujourd’hui rare puisqu’il n’est définitivement plus disponible depuis sa réédition en 2009 par la maison Eddif où il adoptera le nom de « Casablanca, portrait d’une ville Art-déco20 ». Il ne constitue à ce titre, ni l’exposé d’une théorie de l’architecture, ni une analyse d’un style. Il s’agit plutôt d’un recueil de photographies où ces dernières accaparent non sans minutie et avec beaucoup de justesse, le détail de l’architecture de la ville et de ses façades.

Pour reprendre les mots de son éditeur A.Retnani, « Il constitue une tentative de saisir l’esprit des édifices de Casablanca et de révéler la richesse des détails architecturaux, si souvent ignorés par les passants, submergés par leur occupations quotidiennes ».

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CHASTEL Robert, Histoire de Casablanca, des origines à 1952 : témoignages et chuchotements, Editions Chastel, Rabat, 2006. 17 ZURFLUH, Jean-Michel, Casablanca, éditions SODEN, Roubaix, 1985. 18 Se référer au paragraphe suivant 19 Centre Culturel français de Casablanca, Conférence sur le patrimoine architectural de Casablanca, conférence de COHEN Jean-Louis, OUALALOU Tarik (Oualalou+Choi), OUALALOU Bernard et NEIGER Emmanuel [en ligne], https://www.youtube.com/watch?v=qS9utjasjZ0, vidéo mise en ligne le 22 octobre 2018. 20 ZURFLUH Jean-Michel, Casablanca : Portrait d’une ville Art-Déco, Eddif Maroc, Casablanca, 2009.

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L’ouvrage incontournable sur Casablanca21 reste sans aucun doute, celui de Jean-Louis Cohen22 et de Monique Eleb23, ouvrage le plus complet jamais écrit sur Casablanca, et bible du sujet. Sa bibliographie est des plus impressionnantes, résultat de neuf ans de recherches pour sa première édition parue en 1998. Le livre comprend une bibliographie de près de 330 ouvrages, 400 articles périodiques, 21 films et documentaires, une trentaine de sources orales, une biographie condensée des architectes actifs à Casablanca…etc. Les auteurs ont fourni un travail notoire de répertoire, notamment dans l’identification des bâtiments et de leur(s) architecte(s) qui jusqu’alors négligés, avaient fini par perdre leur nom. Le travail iconographique est remarquable avec une documentation très riche, bien fournie, d’une très grande pertinence et d’une qualité graphique sans défaut. Elle est le fruit de recherches dans les archives marocaines, françaises et américaines, et se retrouve dans des cartes, des plans, des dessins d'architectes et des photographies d’époque. Les chapitres se succèdent au fil de l’histoire, par ordre chronologique des évènements historiques qui ont fabriqué la ville, s’étalant de ses prémices datant du 18ème siècle -où la ville n’était encore qu’un port négligé jusqu’à devenir la métropole grouillante qu’elle est aujourd’hui, amalgame d’une culture méditerranéenne, française, juive, et espagnole24. Ainsi, en plus de son évolution historique, l’ouvrage retrace une quadruple évolution : urbanistique, architecturale, politique et sociale. Sa première publication en 1998 a constitué une véritable onde de choc qui a éveillé les consciences quant à l’existence d’un patrimoine architectural totalement ignoré et à sa préservation. Le livre a également eu un impact incontestable sur les politiques patrimoniales locales, et nationales sur une plus grande échelle. Il a notamment conduit à l'élaboration des politiques

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COHEN Jean Louis, ELEB Monique., Casablanca : Mythes et figures d’une aventure urbaine, Editions Hazan, Paris, 1998. 22 Architecte historien et commissaire d'exposition il est professeur à l'institute of fine arts De New York et au Collège de France. Il a mis sur pied de 1948 à 2003 la cité de l'architecture et du patrimoine. Spécialiste de l'architecture et de l'urbanisme du 20e siècle en Europe et aux États-Unis il a réalisé une multitude d'expositions de par le monde. 23 Psychologue, sociologue titulaire d'une HDR en lettres et professeur honoraire à l'Ecole Nationale Supérieure d'Architecture Paris-Malaquais, Monique Eleb est chercheur au sein du laboratoire architecture, culture, société qu'elle a dirigé de 1990 à 2012. Spécialiste de l'architecture domestique et des modes de vie, elle a réalisé les expositions « vu de l'Intérieur ». 1945-2012 et Casablanca naissance d'une ville moderne en sol africain. 24 L’ouvrage présente les différentes typologies de tissus urbains et de bâtiments aux influences diverses : musulmanes (médinas, les habbous cité ouvrière, habitat adapté aux musulmans…), coloniales (française et espagnole, plans d’urbanisme, centre-ville…), juive (mellah…), qui se conjuguent pour créer des espaces urbains et un tissu social très diversifiés, une ville multiculturelle aux influences plurielles.

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contemporaines de préservation des édifices et à la naissance d'un mouvement associatif à l’image de l’association Casamémoire25.

Le récent ouvrage de Nicolas Alexandre et d’Emmanuel Neiger paru en 2019 a beaucoup fait parler de lui. Il constitue comme son nom l’indique, une « grammaire » de l’urbanisme et de l’architecture, une sorte d’Abécédaire listé et illustré de tous les éléments composant l’architecture de la ville et façonnant son urbanisme. Ainsi, il n’expose pas de théorie architecturale relative à Casablanca où aux problèmes auxquels son patrimoine ou son centre historique font face, si ce n’est quelques brefs passages, où ils sont mentionnés de manière très radicale et non sans une certaine prise de distance. 26

On pourra comparer l’ouvrage à une version plus récente de celui de Jean-Michel Zurfluh27, plus poussée au niveau du travail de classification des typologies et au niveau des écritures et des détails d’architecture. Le livre présente davantage d’illustrations que de textes. Ces derniers se limitent aux descriptions des images et à des paragraphes, courts et concis. La simplicité du langage employé, loin de toute technicité en fait un outil de vulgarisation architecturale pour le public non spécialisé et/ou n’ayant pas encore pris connaissance/conscience de la valeur du patrimoine Casablancais. Pour son écrasante partie, l’ouvrage trace le portrait d’une ville modèle, aux façades blanches et où le détail des éléments d’architecture est parfaitement préservé. Les photographies ne laissent à aucun moment, entrevoir l’état de dégradation que subit le patrimoine casablancais. Elle n’est abordée qu’en conclusion de l’ouvrage de manière très générale, illustrée par quelques photographies seulement. Pour un lecteur étranger à Casablanca, l’ouvrage ne présente que la face enjolivée de la ville, et nie presque totalement son côté délabré qui est le plus perceptible. Dans ce sens, on a l’impression de remonter le temps au moment de la création de la ville : Le livre se détache du présent, il devient une figure d’anachronisme, d’autant plus appuyée par le fait de sa récente sortie.

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Casamémoire est une association marocaine à but non lucratif de sauvegarde du patrimoine architectural du XXème siècle. Elle s'articule autour de valeurs comme la préservation de la spécificité de Casablanca, la valorisation de son patrimoine architectural, le tourisme culturel et de la mémoire collective. Elle voit le jour suite à l'apparition de l'ouvrage Casablanca de Jean-Louis Cohen et de Monique Eleb, et suite à la destruction de la villa Mokri de l’architecte Marius Boyer qui a fait couler beaucoup d'encre. 26 ALEXANDRE Nicolas, NEIGER Emmanuel, coll. TOULIER Bernard, Lire Casablanca : une grammaire d’urbanisme et d’architecture, Senso Unico Editions, Mohammedia, 2019. 27 ZURFLUH Jean-Michel, Casablanca : Portrait d’une ville Art-Déco, Eddif Maroc, Casablanca, 2009.

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Autre support ayant servi de base pour la rédaction du présent travail est le numéro spécial portant sur Casablanca du magazine Version Homme28. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un « ouvrage » à proprement dit, ce numéro mérite toute sa place dans l'état de la question. Ce dernier retrace l’histoire de la ville de manière très synthétique, toutefois sans en omettre les détails les plus pertinents. Les pans de l’histoire qui y sont repris constituent des éléments clés de la compréhension de l’émergence du boulevard Mohammed V, auquel s’ajoute le style de rédaction qui s’adresse à un public très large, qu’il soit averti ou non des questions liées à l’architecture, à l’urbanisme et/ou à l’histoire. Les textes sont inlassablement appuyés par plusieurs témoignages et incluent plusieurs photographies d’époque qui permettent de dépeindre la vie et les ambiances au temps de l’âge d’or de la ville blanche et du Boulevard Mohammed V. Enfin, le numéro permet une lecture de Casablanca de manière essentielle et beaucoup plus fluide que celle d’un ouvrage académique.

De ce fait, les informations et les mentions utilisées dans ce travail ont principalement été recueillies d’ouvrages publiés, d’articles de presse, mais aussi soutirées de collectionneurs passionnés par l’histoire de la ville qui ont eu l’amabilité de témoigner de leur vécu et de leurs expériences au sein du boulevard Mohammed V et de partager des archives de leur collection personnelle (textes, photographies, cartes postales…). Le travail de recherche iconographique est essentiellement tiré de ces collections, en plus du recueil de photographies de Girod Robert29, datant du début du XXème siècle. Il a également été alimenté par des photographies personnelles, prises sur place lors des visites du site étudié. Les cartes historiques figurant dans ce travail proviennent quant à elles, d’archives françaises, plus précisément de la « bibliothèque numérique de la Bibliothèque nationale de France et de ses partenaires30 », qui présente également un large éventail de cartes postales et de photographies d’époque.

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« 1920-1970 : L’âge d’or de Casablanca », dans : Version Homme magazine (numéro spécial), n°103, novembre 2011, Casablanca. 29 GIROD Robert, Casablanca : mémoire en images, Editions Alan Sutton, Saint-Cyr-sur-Loire, 2004. 30 Gallica : Bibliothèque numérique de la Bibliothèque nationale de France et de ses partenaires, https://gallica.bnf.fr/accueil/fr/content/accueil-fr?mode=desktop.

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Cela dit, aucun ouvrage traitant plus spécifiquement du boulevard en question n’est à noter, si ce n’est quelques chapitres qui lui ont été consacrés dans des ouvrages se rapportant à une échelle plus grande qui est celle de la ville (dont ceux cités précédemment), et qui se limitent essentiellement à la description de son architecture, sans même aborder un début d’analyse de son tissu urbain ou des problématiques qu’elle engendre. Quant à l’état actuel du Boulevard, seuls des articles de presse ou des publications sur des blogs en ligne ou sur les réseaux sociaux s’y rapportent. Ces derniers sont souvent loin de l’objectivité et ne constituent pas toujours des sources fiables. Toutefois, deux blogs font exception pour le sérieux de leurs publications et la fiabilité de leur auteur, à noter « Casablanca histoire et architecture31 » et « papyrandonneur.wordpress32 » Cela dit, une brève mention du présent du Boulevard et des causes de son délabrement est abordée dans la préface de Cohen33 pour sa réédition de 2019, mais de manière très timide. Dans un troisième temps, une autre série d’articles scientifiques découlent de ce travail, et qui sont principalement attachés aux notions de patrimoine, de patrimonialisation et du rapport au patrimoine. Ces derniers s’instaurent dans une vision beaucoup plus anthropologique et sociétale du sujet du mémoire, et ont constitué un support indéniable pour traiter de la question, et apporter des éléments de réponses à la problématique posée. C’est à ce titre que se positionnent les écrits de Raffaele Cattedra34, qui y traite de manière approfondie, l’évolution de la perception du « patrimoine », en tant que tel, mais aussi en tant que terme. Elle y traite également de la constitution du fait patrimonial et de son paradoxe35 a bien des égards. Pascal Garret dans « A propos d’identité(s) marocaine(s) et du (faux) paradoxe de la patrimonialisation de l’héritage architectural issu de la colonisation à Casablanca » traite du sujet de manière différente. Pour l’auteur, il s’agit d’aborder deux prises d’idées différentes, mais qui restent toutefois complémentaires, dans ce qu’il qualifie d’« interférence » dans sa préface; et qui sont celles de la patrimonialisation de l’héritage colonial Casablancais et de la constitution d’une identité Casablancaise. L’auteur ne manque pas de sens critique et appuie ses propos sur l’évolution de la question patrimoniale à Casablanca depuis la fin du siècle précèdent, en n’omettant pas de citer la position des institutions gouvernementales (plan Pinceau, discours royal…etc.), et d’aborder les différentes démolitions d’édifices emblématiques à Casablanca, dans ce qui ressemble véritablement à un état de la question.

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Casablanca histoire et architecture, https://www.facebook.com/groups/140144899520054 Papyrandonneur’s blog pyrenees alpes atlas casa Maroc choses de la vie, https://papyrandonneur.wordpress.com/ 33 COHEN Jean Louis, ELEB Monique., Casablanca : Mythes et figures d’une aventure urbaine [1998], Editions Hazan, Paris, 2019 « édition revue et augmentée ». 34 CATTEDRA, Raffaele, « Casablanca : la réconciliation patrimoniale comme enjeu de l’identité urbaine » dans : Rives nord-méditerranéennes [En ligne], 16|2003. 35 Est abordé ici, « le processus paradoxal de la construction du fait patrimonial ». 32

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A ce sens, cet écrit se distingue de celui de Raffaele Cattedra dans le sens où la question de l’identité Casablancaise est fortement présente par rapport à celle de l’héritage et à la question de son affiliation.

En somme, il n’existe à l’heure actuelle, aucun travail écrit traitant spécifiquement du boulevard Mohammed V ou faisant l’objet d’une critique des interventions entamées sur ce dernier au cours de ces dix dernières années ou d’une quelconque tentative de remédier aux problématiques que posent sa dégradation et son réaménagement, aussi bien sur le plan social, urbanistique, qu’architectural. A ce titre, le mémoire vient se positionner comme un premier travail d’analyse et de critique qui, s’appuyant sur une compréhension du contexte historique et actuel, vient surligner les points marquants et manquants des stratégies mises en place qui se voulaient résolutives et en relever les causes de leur manquement. De ce fait, le travail ne se limitera pas à un simple constat de l’état de dégradation du Boulevard. D’autre part, il ne sera pas question de comparer les approches ou de proposer une alternative qui s’auto-proclamerait « idéale », mais plutôt d’esquisser des solutions possibles et réalisables de ce qui pourrait contribuer à la redéfinition du Boulevard, à lui conférer un nouveau statut et à éveiller les consciences, compte tenu du fait qu’il s’agit d’un travail de mémoire et que la complexité du sujet peut sans doute, amener à des années de réflexion avant de pouvoir remédier de manière concrète à la problématique de ce travail.

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DÉMARCHE MÉTHODIQUE La lecture de ce travail doit être perçue comme une histoire contée au fil fu temps, celle du boulevard Mohammed V en l’occurrence. De ce fait, elle s’effectue selon trois volets qui sont ceux du passé, du présent, et du futur ; et qui réfèrent également au nom du mémoire : « Naissance, Mort et Résurrection : l’histoire du boulevard Mohammed V à Casablanca ». Ainsi, le premier volet portera sur une présentation générale de la ville de Casablanca qui permettra de conférer au lecteur, les clés nécessaires à la compréhension de l’émergence du boulevard. L’évolution de ce dernier sera tracée au fil des chapitres, jusqu’à l’arrivée au deuxième volet de ce travail portant sur son état actuel. L’ensemble des changements qui y ont été apportés y seront repris, en plus des caractéristiques architecturales et urbanistiques spécifiques à ce dernier. Le troisième volet quant à lui permettra de rendre compte des différentes actions et stratégies qui attendent d’être entreprises par les autorités gouvernementales et acteurs de la sphère publique, pour une revalorisation de ce dernier. Ce chapitre permettra par la suite de traiter de sujets sociétaux en relation à la problématique posée, tel que le rapport au patrimoine et le rôle des autorités compétentes, dans une approche critique, ayant pour but de pointer les problèmes des actions entreprises, et de se positionner, en tant qu’architecte, mais aussi en tant qu’individu acteur, sur les mesures à prendre pour la revalorisation de ce patrimoine qu’est le boulevard Mohammed V. Pour ce faire, ce travail s’est beaucoup reposé sur de nombreuses visites sur terrain, qui m’ont permis de rentrer en contact direct avec les riverains et les usagers du boulevard, qui ont le plus souvent donné naissance à des rencontres insoupçonnées. En effet, en s’y rendant à différentes heures et à différents jours de la semaine, j’ai pu découvrir les différentes facettes de ce boulevard, analyser ses flux, ouvrir l’œil en prêtant attention aux détails, et trouver des réponses à plusieurs questions et s’en poser de nouvelles. Ce travail s’est également appuyé sur des rencontres effectuées avec des acteurs du domaine, à l’instar de l’association Casamémoire ayant pour but la promotion et la sauvegarde du patrimoine, Mme RABEH Khadija (architecte et membre active de l’association), M.Anedam Hamid (architecte natif de la ville de Casablanca), et M. CHARAF Mustafa (Membre des services d’urbanisme à Casablanca) entre autres… Les interview, micros-trottoirs, et les sondages ont également appuyés ce travail. Ces derniers ont permis de mieux alimenter les recherches relatives au volet du passé, mais aussi de mieux cerner l’état actuel du boulevard, à affirmer des hypothèses, et à questionner l'opinion publique quant aux différentes améliorations qui peuvent lui être apportées.

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Enfin, le présent travail, bien que s’instaurant dans la démarche d’un mémoire de fin d’études, constitue une première réflexion sur le sujet. Le but étant de le compléter dans le futur et de le traiter de manière beaucoup plus détaillée et de le projeter comme une première publication spécifique au boulevard Mohammed V et à toutes les problématiques que ce dernier relève.

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I- MISE EN CONTEXTE

Fig.01 : La ville de Casablanca et l’influence de son port sur l’Atlantique Source : POLLACCHI, Paul, Atlas colonial français. Colonies, Protectorats et pays sous-mandat /Commandant P. Pollacchi, Paris, 1929, planche 10, pp.96.

« L'évolution du Maroc se fait en fonction de Casablanca. La grande ville va être outillée pour réaliser l'idée qui l'a fait naître, c'est-à-dire pour devenir la porte d'entrée, l'entrepôt, la gare centrale du Maroc français. Casablanca est un des points essentiels du réseau routier […] Port de voyageurs, de courriers, Casablanca et unis par des lignes régulières à Marseille, Bordeaux, Gibraltar, Oran, Anvers. C’est un port d'escale pour l'Afrique Occidentale et le Congo. »36

36

CHARTON, Albert, Casablanca, dans : Annales de Géographie, tome 33, n°183, 1924. pp. 304.

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1- CASABLANCA : PRESENTATION & MISE EN CONTEXTE GENRERALE Position : 33° 35 Latitude Nord 7° 25 Longitude Ouest. Superficie : 219 Km2 Population : 3,5M d’hab.

Fig.02: Vue du ciel de la métropole Casablancaise. On y remarque la mosquée Hassan II, véritable emblème de la ville; ainsi que son port, symbole de son essor économique. Source : Google images

Située au Nord-Ouest du Maroc et longeant la côte Atlantique, Casablanca (‫ الدار البيضاء‬Ad-Dar Al Baida de son nom arabe) constitue un carrefour géographique et économique non sans importance et l’une des portes d’entrée principales vers l’Afrique. Elle est d’ailleurs la capitale économique du royaume. Casablanca est la ville la plus peuplée du pays avec pas moins de 3.5 millions d’habitants, et plus de 7,2 millions d’habitants37 pour la ville et sa région, qui en fait la plus grande ville à l’échelle du Maghreb.

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Chiffres tirés des estimations pour l’année 2018 apparus dans le rapport du Haut-Commissariat des Plans à la suite du dernier recensement effectué en 2014.

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Fig. 03 : Arrière-pays sur lequel Casablanca exerce son influence

Casablanca exerce une influence notoire sur un arrièrepays très large. Ce dernier comporte trois pôles principaux qui sont ceux de Rabat-Salé, Fès et Marrakech, dont les deux derniers se situent à égales distances de la métropole. Ces pôles constituent l’un des plus importants du royaume auquel s’ajoute celui de Tanger-Med38. La récente ligne à grande vitesse39 récemment mise en place pour relier ce dernier à la métropole constitue une première à l’échelle nationale et celle du continent40 . Cette liaison atteste de l’intérêt de Casablanca : elle vient souligner son rôle dans le réseau de transport national et vient confirmer d’avantage sa position de leader au sein de la machine économique du royaume. Fig.04 : Liaisons assurées par la LGV Tanger-Kénitra et réseaux ferroviaires complémentaires. Source : Site officiel de l’Office National des Chemins de Fer

38

Tanger Med est un complexe industrialo-portuaire marocain et hub logistique mondial, situé sur le Détroit de Gibraltar et classé premier port d’Afrique. 39 La LGV Tanger - Kénitra est une ligne à grande vitesse marocaine de 200 kilomètres, qui relie les grands pôles du royaume (Tanger, Casablanca, Rabat, Kénitra) en réduisant les temps des trajets de plus de la moitié. Inaugurée le 15 novembre 2018, elle rentre en service voyageurs le 26 novembre 2018. Le principal objectif du projet est de relier les deux pôles économiques constitués par les deux hubs maritimes marocains, le Port de Casablanca (Atlantique) et le Tanger Med (Méditerranée) ainsi que leurs zones d'activités adjacentes. Les liaisons ferroviaires sont désignées par la marque Al Boraq de l’ONCF (Office National des Chemins de Fer). 40 Le projet constitue la première liaison à grande vitesse d’Afrique.

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2-MISE EN CONTEXTE HISTORIQUE : ANFA « Présentée souvent comme une ville sans passé, contrairement aux villes impériales comme Fès ou Marrakech, Casablanca a pourtant été fondée mille ans avant Jésus-Christ. Casablanca s’est largement rattrapée, durant ce siècle, de son existence en dents de scie (…) Rarement des lieux eurent un destin si rapide influençant si fortement un pays »41

L’histoire des origines de Casablanca reste très floue42. Elle semble être fondée par les berbères Zenata, sous l’appellation d’Anfa, à laquelle plusieurs orthographes sont prêtées (Niffe, Anafé, Anife, Anafa, Nafé…). Il s’agit à l’époque d’une petite agglomération urbaine sans grand intérêt jusqu’en 1468, où elle se voit bombarder par les Portugais visant à mettre fin à la menace des pirates d’Anfa43 qui règnent sur la région. Dès lors, les habitants fuient la ville et Anfa tombe en ruine, état sur lequel elle restera pendant pas moins de trois siècles. « (…) Sans être très ancienne, elle approche probablement l'âge de Marrakech. Mais elle a eu le malheur de connaître un sommeil ou plutôt une interruption d’existence, un "non-être" qui a duré trois siècles, et cela précisément à l’époque où les rapports de l’Europe avec le Maroc devenaient plus suivis et les textes plus abondants. Du second tiers du XVe siècle au second tiers du XVIIIe siècle, Anfa n’est que ruine. »44 Ce n’est que vers 1770 que la ville renaît de ses cendres, à la suite de la conquête du sultan Sidi Ben Abdellah45 qui redresse ses murs et qui y implante de nouvelles structures. Anfa revoit donc le jour sous une nouvelle aire, celle de la dynastie Alaouite et sous une nouvelle appellation, « Dar-El-Beida » que nous lui connaissons aujourd’hui. Son nom viendrait, selon les légendes urbaines, d’une « maison blanche » (en arabe, Dar-ElBeida) qui permettait aux navigateurs de reconnaitre la ville, et dont la traduction espagnole

41

Rachid Al Andaloussi dans la préface de : ZURFLUH Jean-Michel, Casablanca: Portrait d’une ville Art-Déco, Eddif Maroc, Casablanca, 2009. 42 L’histoire des origines de la ville reste en effet très floue : Toute la documentation consultée reprend la même histoire, sans plus ni moins, avec des sources bien souvent absentes. On mentionne à titre d’exemple, les premiers écrits sur la ville de Casablanca sans dire de quels documents il s’agit. 43 Sous l’aire des Mérinides, Anfa acquiert de l’importance grâce à son port, sur lequel régnait les pirates d’Anfa. Il sera pris de cible par les Portugais vers 1468 dans le but de mettre fin à leur menace. Ils bombardent la ville et utilisent le port comme forteresse militaire à laquelle ils donneront plus tard, le nom de « Casablanca ». 44 A. Adam, 1968a, p. 7. Mentionné dans: CATTEDRA, Raffaele, L'invention patrimoniale de la médina de Casablanca : De la "ville indigène" au centre historique, Institut de recherche sur le Maghreb contemporain (éditeur), Tunis, 2004, mis en ligne le 08 septembre 2017, pp. 291-304, URL : https://books.openedition.org/irmc/1598?lang=fr. 45 Mohamed Ben Abdellah (dit, ultérieurement Mohammed III) est sultan alaouite de l’empire Chérifien. « Sidi Mohamed prenez donc la charge d'un pays désorganisé et profondément troublé, auquel il avait cependant essayé de redonner quelque raison de vivre avant même de devenir sultan. » Source : LE TOURNEAU, Roger, Le Maroc sous le règne de Sidi Mohammed ben Abdallah (1757-1790), dans: « Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée », n°1, 1966. pp. 113-133.

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« Casablanca » qui lui a été donné beaucoup plus tard au XIXème siècle est toujours d’usage aujourd’hui. Casablanca prospère au fil des successions des sultans Alaouites 46. La frise chronologique sur la page suivante (cf. fig. 05), tirée de « Lire Casablanca » illustre parfaitement cette succession. Cette frise présente les faits ayant marqué le développement de la ville. Celui-ci se fait « à travers deux chronologies » comme le mentionnent ses auteurs. Ce choix s’établit sur base du nom de la ville. La première se rapporte à la période « Anfa » et la seconde à celle de « Casablanca ». Cela dit, on remarque que la première chronologie, débute par la préhistoire et qu’elle est directement suivie par l’avènement des dynasties. Tout un chapitre de son histoire est passé sous silence (Maurétanie Tingitane, Occupation Zénète, …). C’est à se demander s’il s’agit d’une maladresse des auteurs ou alors d’une véritable volonté de flouter -voir, de denier- une partie d’un passé et de n’en conserver que le revers de la médaille… Le choix des mots employés -loin de toute objectivité- fait également allusion à cette volonté, comme peut en témoigner l’emploi du mot « l’hérésie » en début de l’ère Almoravides. Hormis les questions de nomenclature, la frise chronologique est extrêmement claire et synthétisée et reprend en plus de la succession des dirigeants du pays, les faits historiques ayant marqués le développement de la ville et l’évolution de son urbanisme.

46

Les Alaouites sont la sixième dynastie à avoir régné sur le Maroc, après les Idrissides, les Almoravides, les Almohades, les Mérinides et les Saadiens. Ils sont à la tête du pays au 17ème siècle et deviennent plus tard sultans du Maroc impérialiste. Les rois alaouites sont aujourd’hui toujours au pouvoir.

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Fig.05 : Casablanca, repères chronologiques Source : ALEXANDRE Nicolas, NEIGER Emmanuel, coll. TOULIER Bernard, Lire Casablanca : une grammaire d’urbanisme et d’architecture, Senso Unico Editions, Mohammedia, 2019, pp24-25.

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Le saviez-vous ? La dynastie almoravide constitue les débuts du règne des dynasties berbères originaires du Maroc. Avant celles-ci régnaient les dynasties dites « de l’aire islamique », qui puisent leur origine des grandes conquêtes arabo-musulmane et du système de « califa » entrepris à la suite de la mort du prophète Mohammed, (en 632) qui vise à désigner un dirigeant pour régner sur l’ensemble de l’état islamique et à le diriger selon les lois musulmanes. Ainsi, tous les sultans des différentes dynasties sont chefs de la religion du pays, encore jusqu’aujourd’hui où sa majesté le roi Mohammed VI, « commandeurs des croyants », perpétue de veiller à la transmission des valeurs religieuses de l’islam sunnite.

L’économie de la ville se développe autour de son commerce, grâce au florissement des activités de son port et à l’accroissement du trafic maritime résultant de l’augmentation de la demande européenne en laines et en céréales. Dès lors, le port de Casablanca se hisse au rang du premier port du royaume, la main d’œuvre afflue des quatre coins du royaume. La ville connaît alors, un développement démographique sans pareil. 1907 constitue un tournant dans l’histoire de la ville blanche. Elle est associée aux « Emeutes de Casablanca47 » qui marquent les débuts de l’installation des troupes Françaises dans la ville et les prémices du Protectorat48 français, signé plus tard en 1912.

Fig.06 : Le 5 août, le croiseur Galilée et le croiseur cuirassé Gloire au large bombardent la Casbah et débarquent des fusiliers marins. Source : GIROD Robert, Casablanca : mémoire en images, Editions Alan Sutton, Saint-Cyr-sur-Loire, 2004, p.20.

Fig.07 : Massacre au lendemain du bombardement.

Source : GIROD Robert, Casablanca : mémoire en images, Editions Alan Sutton, Saint-Cyr-sur-Loire, 2004, p.23.

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Désigne les affrontements survenus en 1907, qui ont opposé les soldats français aux guerriers des tribus chaouia, ayant pris le contrôle de la ville pour s’opposer à la colonisation française. L’attaque navale menée par les troupes françaises a entièrement rasé la ville de Casablanca et compte un lourd bilan de plusieurs milliers de morts. 48 Un protectorat, selon le dictionnaire Larousse est un « Régime juridique caractérisé par la protection qu'un État fort assure à un État faible en vertu d'une convention ou d'un acte unilatéral ». Ce régime de tutelle dit « Himaya » en arabe, a été instauré par la France sur le Maroc par la signature du traité franco-marocain de Fès de 1912 sous le règne du sultan Moulay Abd El Hafid. Il est resté d’application jusqu’à l’indépendance du Maroc en 1956, alors sous le règne du roi Mohammed V.

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3-L’EVOLUTION D’UNE VILLE

Casablanca à l’aube du XXème siècle : Un embryon de ville

Fig. 08. : Plan de la ville de Casablanca en 1900, dressé par F. Weisgerber 49. Source : Tiré de : ALEXANDRE Nicolas, NEIGER Emmanuel, coll. TOULIER Bernard, Lire Casablanca : une grammaire d’urbanisme et d’architecture, Senso Unico Editions, Mohammedia, 2019, pp.31.

49

Le docteur F. Weisgerber est médecin et écrivain français, auteur de l’ouvrage Casablanca et les Chaouïa en 1900, apparu en 1935.

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Il est à noter qu’au début du XXème siècle, Casablanca est une bourgade qui se limite principalement aux murailles de la médina. Suite au développement démographique que connaît la ville, elle commence petit-à-petit à s’étendre au-delà de ses murailles. Un début d’agglomération transparaît (Cf. fig. 08) au-delà de Bab50Marrakech (13) et Bab es Souk (14), essentiellement sous forme d’habitat précaire. Il est également à pointer, au-delà des murailles, la présence de jardins et de terres arables, signe d’une terre riche et fertile alimentée par les eaux de l’oued Bouskoura. A l’est, se dresse au-delà des dunes, le long de la plage, le cimetière musulman de Sidi Belyout, voué à disparaître dans les années qui suivent. (Cf. supra.) La ville connaît une fièvre spéculative sans précèdent, à la suite de l’arrivée de nombreux marocains et européens qui perçoivent la région comme un pays de cocagne. Très vite, il devient difficile de freiner cet accroissement qui se fait en tous sens en dehors des murs de la médina, et qui semble n’obéir à aucune réglementation prédéfinie ni à aucun contrôle des pouvoirs locaux. L’anarchie et le désordre sont les seuls principes dictant le développement de la ville.

« […] En 1914, la petite médina était noyée au milieu d’un mélange extraordinaire de constructions en tous genres, : fondouks51, cabanes en planches, villas, immeubles à cinq étages ; chaos indescriptible dépourvu, bien entendu, de toute viabilité. Une effrénée spéculation s’était jetée sur les terrains, certaines parcelles étaient revendues jusqu’à trois et quatre fois en quelques heures. Les spéculateurs lotissaient des surfaces considérables, au petit bonheur de la chance, chacun assignant à son lotissement le rôle de centre de cité future. » 52

50

Désigne une « porte » en arabe. Les médinas sont entourées par des murailles, percées par de grandes portes qui constituent les différentes entrées de la ville, nommées « Bab ». Chacune des portes a sa propre appellation, le plus souvent relative au lieu sur lesquels elles s’ouvrent ou aux activités qui s’y font. 51 Note au lecteur : Les fondouks -auxquels plusieurs orthographes sont attribuées- sont une sorte de caravansérail, ancêtre des hôtels. Ils se présentent généralement comme de petites structures hôtelières pour accueillir les commerçants et les personnes extérieures à la ville. On y logeait les hommes aux étages et les mules au rez-de-chaussée. Le terme est également utilisé pour désigner l’entrepôt d’un commerçant. 52 MARRAST J., VOIS Andrés (dir.), L’œuvre de Henri Prost : Architecture et urbanisme, Académie d’Architecture, Presses de l’Imprimerie du Compagnonnage, 15 octobre 1960, pp 62.

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Le plan d’extension de Tardif, 1912

Axes principaux

Grande ligne polygonale

« L’extension »

Fig.09 : Plan d’extension d’Albert Tardif, 1912

Ce plan est dressé en 1912 par l’ingénieur-géomètre Albert Tardif53, et permet de mesurer la croissance de la ville. Il définit plusieurs points qui visent à tracer de manière durable le développement de la ville, notamment grâce au système de voieries. Tardif dessine un boulevard circulaire -ou du moins, polygonal- long de sept kilomètres marquant l’emprise de la nouvelle ville. Ce dernier se développe sous une forme radioconcentrique qui s’articule autour du tissu de la médina. Comme son nom l’indique, le plan de Tardif ne constitue pas un plan d’urbanisme ou d’aménagement, mais bien un plan d’extension. Tardif met en avant les lignes directrices qui dicteront le développement de la ville. Pour ce faire, il accentue le dessin des lignes existantes qu’il prolonge. Il constitue ainsi l’esquisse du plan d’urbanisme sur lequel se développera la ville, au fur et à mesure de son urbanisation. Tardif définit également tout un réseau de voieries de part et d’autre de cette ligne courbe, invitant ainsi la ville, à se développer du coté de cette nouvelle extension.

53

Albert Tardif est ingénieur-géomètre français. Il est nommé à la commission municipale de Casablanca en 1919.

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Le PLAN PROST : Le frein à l’anarchie

« Henri Post restera à Casablanca ce que Haussmann est à Paris » Cerise Maréchaud 54

Henri Prost55 (Saint-Denis 1874- Paris 1959) est un architecte et urbaniste français. Il est également inspecteur général des bâtiments civils et palais nationaux de France. Après des études à l’Ecole Spéciale d’Architecture (dont il sera directeur de 1929 à 1959) et dans la section d’architecture de l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts, Prost fonde en 1911 avec ses confrères architectes, la Société Française des architectes-urbanistes, qui deviendra la Société française des urbanistes.56 Il exerce au Maroc de 1914 à 1922 où il établit, sous la direction du Maréchal Lyautey57, le tracé des villes de Casablanca, Rabat, Agadir, Fez, Marrakech, et Meknès. Henri Prost réalise les plans d’urbanisme de plusieurs villes à l’exemple de celui de la côte Varoise (1922), d’Istanbul (1936), d’Alger (1932) … et le projet d’aménagement de la Région Parisienne et de l’autoroute ouest (en 1928 collaboration avec Pierre Remaury et Jean Royer). Malgré des travaux peu théorisés, Henri Prost constitue une figure notoire de l’urbanisme français du XXème siècle.

54

Maréchaud, Cerise, « Architectes français à Casablanca, laboratoire de la modernité », dans rfi, 2008, Paris, URL : http://www1.rfi.fr/francefr/articles/100/article_65072.asp . 55 Les informations constituant la bibliographie sont essentiellement tirées des écrits de Casamémoire, de l’ouvrage « L’œuvre d’Henri Prost : Architecture et urbanisme » et de l’article « L’œuvre d’un architecteurbaniste : Henri Prost » du journal Le Monde (Voir en Bibliographie) 56 Il faut noter que l’urbanisme à l’époque est une science nouvelle. Le mot est encore méconnu, peu utilisé et soulève plusieurs questionnements. Selon les écrits de Gaëlle Gillot dans La ville nouvelle coloniale au Maroc : moderne, salubre, verte, vaste, le mot serait mentionné pour la première en français en 1910, dans un article de Paul Clerger dans le Bulletin de la Société géographique de Neuchâtel (Bardet, 1972 : 19). 57 De son nom complet- Hubert Lyautey (1854-1934). Après une formation militaire à l’école de guerre, Lyautey exerce la plupart de sa carrière en dehors des terres françaises. En 1912, il devient le premier résident général de France au Maroc auprès du sultan, qui se place sous le protectorat Français. Il y crée sa réputation de grand stratège et d’administrateur en démontrant une connaissance parfaite de la région et crée les premières structures du Maroc moderne. Il est nommé Maréchal de France, en 1921. On retient de Lyautey la noblesse de sa personne, et son attachement au respect des mœurs, de la religion de l’islam et de la personne du sultan.

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Contrairement aux autres villes marocaines (dites villes nouvelles, à l’image d’Agadir) où les autorités du protectorat ont eu le « champs libre » pour tracer les grandes lignes directrices des plans d’urbanisme ; Casablanca est un « coup parti », lancé dans la folie des spéculations immobilières dépourvues de toute logique de faire. « […] les constructions s'élèvent n'importe où, selon l'intérêt ou la fantaisie des propriétaires, sans que personne manifeste le moindre souci, non seulement de l'esthétique, mais même des règles élémentaires de l'hygiène et de la circulation… »58

Il faut savoir que jusqu’en 1907, Casablanca est dépourvue de tout service d’hygiène ou de voierie. La médiocrité de la situation sanitaire se fait clairement ressentir, aggravée par la propagation de maladies, comme la peste, et d’infections vénériennes -appuyées par la prostitution dont des foyers commencent à apparaître, comme l’exemple du quartier Bousbir59. « Il y avait […] dans toutes les maisons de la médina des puits dont l'eau était polluée par des infiltrations des latrines. Il y avait bien un réseau d'égouts, mais en 1907 il était obstrué depuis longtemps et à peu près inutile faute d'entretien. Les ordures n'étaient pas enlevées […] L'oued Bouskoura traversait le soûq après avoir longé les abattoirs […] et y charriait tous les détritus récoltés le long de son cours. »60

C’est dans ce contexte marqué par l’urgence de l’intervention, que Lyautey confie à Prost la tâche de proposer un tracé pour la ville, en le nommant « directeur du Service d’Architecture et des Plans de la ville ». Ainsi, Prost est contraint de rattraper, tant bien que mal, la ville déjà lancée dans une course folle. Il se sert du plan d’Albert Tardif comme base de travail, et présente ainsi en 1915, son premier plan d’aménagement pour Casablanca, sous forme de plan semi-radioconcentrique. Henry Prost s’inspire des expériences allemandes et américaines en matière de zoning, de l’occupation des sols, des gabarits, des alignements, et des remembrements61.

58

Adam, André, Histoire de Casablanca (des origines à 1914), Editions Ophrys, Aix-En-Provence, 1963, pp. 155156. 59 Le Bousbir est réputé pour être un haut lieu de prostitution à Casablanca au début du XXème siècle, une maison clause à ciel ouvert. Ce dernier se situe du côté de Bab Marrakech près de la médina et accueillait aussi bien les marocains « indigènes » que les étrangers. 60 ADAM André, Histoire de Casablanca (des origines à 1914), Editions Ophrys, Aix-En-Provence, 1963, pp 156. 61 En référence, notamment, aux travaux de Léon Jaussely pour la conception du plan d’urbanisme de la ville de Barcelone. Jaussely s’inspire du modèle Allemand pour le tracé des voieries et pour le modèle de zoning, qui confère une fonction prédominante pour chaque quartier tout en y admettant d’autres usages possibles ; en opposition au modèle Américain qui prône une définition absolue des zones. Jaussely s’inspire également sur le modèle des parcs américains (espaces libres, connectés et formant un réseau) qui influencent bien d’autres, à l’image de Jean-Nicolas Forestier (urbaniste et paysagers français), qui ne manquera pas de rappeler ces principes à Henri Prost. Voir : Fernandez Águeda Beatriz, « Léon Jaussely et le plan de liaisons de Barcelone – Vers un urbanisme scientifique », dans : Inventer le Grand Paris. Relectures des travaux de la Commission d’extension de Paris. Rapport et concours 1911-1919. Actes du colloque des 5 et 6 décembre 2013, Cité de l’Architecture et du Patrimoine, Paris, Bordeaux, éditions Biére, 2016, pp. 333-354.

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Ces solutions feront de Casablanca, une référence urbanistique pour la France, puisqu’elles y sont d’abord testées avant d’être réalisées sur les terres françaises.

Fig.10 : Plan Prost Source : COHEN Jean Louis, ELEB Monique., Casablanca : Mythes et figures d’une aventure urbaine, Editions Hazan, Paris, 1998, p.48.

Dans son plan de zonage, Prost divise la ville en plusieurs zones, auxquelles il attribue des fonctions spécifiques à chacune d’entre elles : A l’ouest, sont regroupés les quartiers de plaisance, dévolus aux loisirs et aux espaces verts. A l’est, la ville est dédiée à l’industrie. Le commerce est les quartiers d’habitations occupent toute la partie centre dans ce qui est appelé « la ville européenne » et qui s’articule autour de la place de France (actuellement place des Nations Unies). La médina est maintenue selon la volonté de Lyautey de respecter les anciennes villes du Maroc, et une nouvelle « ville indigène » est alors crée à l’extérieur du périmètre de la ville européenne, afin de répondre au besoin croissant de logement pour la population marocaine, de freiner l’extension de l’ancienne médina et de maintenir une séparation entre « la ville européenne » et « la ville indigène ». (…)62

62

Le plan Prost expose plusieurs principes, cela dit, nous nous sommes contentés de n’exposer que les principes phares de son travail, qui serviront d’outils de compréhension au sujet du présent travail.

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« Nous avons estimé qu'il fallait faire non des villes européennes, mais des villes nouvelles en dehors et à côté des villes indigènes. Nous voulions au contraire, éviter d'envahir ces villes, de les déformer, de les dénaturer…63 » Bien que cette citation de Prost semble innocente de premier abord, elle est néanmoins une formulation habile, dissimulant un véritable apartheid mis en place par Lyautey et les services du protectorat. Déjà, dans la majorité des textes d’histoire -et compte tenu du contexte historique64-, le terme « indigène » enveloppe une connotation péjorative, synonyme à une non-civilisation. D’autre part, la volonté de Lyautey est clairement de séparer la population marocaine « indigène » des français, dans un souci d’hygiène et de bien-être, comme cité au paragraphe précédent et dans les citations qui suivent.

« Le respect des cultures indigènes et le sentiment d'une supériorité européenne […] L'espace urbain, les transports publics (la quatrième classe dans l'autobus, le train) révèlent un « apartheid » diffus qui provient autant d'une demande citadine marocaine que d'une volonté du pouvoir colonial. […] La psychose de l'indigène est véhiculée même par la propagande du service de santé en cette époque pasteurienne qui invente le microbe et qui le voit partout, surtout chez l'autre. »65

« La ville nouvelle de Casablanca est considérée comme sauvée du risque d’invasion que les indigènes faisaient peser sur elle, à la fois par leurs baraques, mais aussi par leurs activités économiques et les mobilités afférentes. »66

« J’avais des amis musulmans, juifs mais pas d’européens. Ça ne se mélangeait pas tant que ça »67

63

PROST, Henry, La vie urbaine, n°.18, 1933, cité par : LAVENDEN, P, Histoire de l’urbanisme, Epoque Contemporaine, Henri Laurens éditeur, Paris, 1952. 64

Il faut noter que le rapport au racisme n’est pas le même que celui que l’on a aujourd’hui, et que certains comportements ou appellations qui peuvent sembler à l’heure actuelle offensifs prenait une forme de banalité à l’époque et n’étaient souvent pas perçues comme tels. 65 Tiré de : PIERRE Jean-Luc, « Une lecture de l’espace urbain : Casablanca », dans : DOREL-FERRE, Gracia (directrice de publication), Le Bulletin de Liaison des Professeurs d'Histoire-Géographie de l'académie de Reims, N°24, juin 2001. 66 Tiré de : GILLOT, Gaëlle, « La ville nouvelle coloniale au Maroc : moderne, salubre, verte, vaste », dans : LEIMDORFER, François (dir.), Dire les villes nouvelles, Editions de la Maison des sciences de l’homme, Paris, Collection Les mots de la ville, 2014, pp.15. 67 « 1920-1970 : L’âge d’or de Casablanca », dans : Version Homme magazine (numéro spécial), n°103, novembre 2011, Casablanca, pp.97.

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Habitat européen Port Zone villa Habitat « indigène »

Artères reliant au centre (Actuelle place Mohammed V)

Boulevards dessinant des demi-cercles radioconcentriques

Fig.11 : Principes directeurs du plan Prost

Ainsi, Casablanca se développe en éventail (dans une sorte de demi-cercle allongé), dont le centre est défini par l’ancienne Médina, la place de France, et le port. Des parallèles dessinent l’étendu de la ville, reliées entre elles par des transversales qui convergent vers le port. Les grands axes urbains structurant la ville sont ainsi définis : le boulevard du 4e Zouaves (actuel Boulevard Houphouët Boigny) reliant la place de France (place commerciale) au port ; le boulevard du général Amade (actuel Boulevard Hassan II), axe séparant la zone villa (à l’ouest) de la zone immeuble (à l’est), auquel se greffent les équipements administratifs; et le boulevard de la gare (actuel Boulevard Mohammed V), axe commercial reliant la place de France (Actuelle place des Nations Unies) à la nouvelle gare à l’est et à la zone industrielle de manière plus générale.

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II- LE BOULEVARD DE LA GARE

« Le boulevard de la gare sera la grande voie de la cité du commerce, de l’échange et du transit. Ce sera l’épine dorsale de la ville commerciale » M.C.Favrot68

Fig.12 : Le boulevard de la gare. Source : Collection personnelle de M. Abdellah NAGUIB

68

Ancien représentant des intérêts français au Maroc, mentionné dans :Bensaberdans, Bouchra, « Le boulevard Mohammed V à Casablanca : la plus jolie promenade de notre enfance » dans : La gazette du Maroc, URL : https://dafina.net/gazette/article/le-boulevard-mohammed-v-casablanca-la-plus-jolie-promenade-denotre-enfance, janvier 2019.

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1- DES NEGOCIATIONS À L’ORIGINE DU BOULEVARD Destiné à devenir l’un des axes majeurs de la ville69 (comme le veut le plan Prost), le boulevard de la gare devient le sujet de toutes les spéculations, convoité tant par sa valeur marchande que pour son emplacement stratégique. L’urgence est à la réalisation de ces grands axes structurants qui nécessitent une restructuration des parcelles déjà bâties pour la réalisation des voieries prévues. C’est dans ce contexte que naissent les « associations syndicales de propriétaires urbains70 ». Ces dernières sont instituées par le dahir71 de novembre 191772 pour l’exécution du plan Prost. Les premières à voir le jour à Casablanca sont celles du quartier de la TSF73 et du boulevard de la gare. Dès la constitution de l’association syndicale, les transactions immobilières et constructions ont été gelées, en l’attente de l’homologation des parcelles, de manière à ne pas impacter les zones sensibles du plan de Prost. Cette décision a été acceptée par les propriétaires « à la condition que [l’association] fasse vite l'application du Plan Prost et qu'elle facilite aux propriétaires la reprise des affaires74 », condition ayant tout intérêt à accélérer le processus, au plus grand profit des propriétaires mêmes pour la reprise des transactions, qu’à celui des autorités publiques. L’autonomie accordée aux propriétaires permit de répartir les parcelles de manière efficace avec l’accord de tous et dans un délai des plus courts. De plus, le système d’évaluation des parcelles ne tient plus compte des spéculations du marché, mais prend en compte une série de paramètres beaucoup moins aléatoires, comme leur proximité au

69

La percée du boulevard figure parmi les grandes voieries dessinées par le plan Prost, au côté des boulevards de la Liberté et celui de l'Aviation. Ces axes, qualifiés de "grandes voies d'un intérêt général indiscutable" requièrent l’urgence de réalisation par la commission municipale. Repris dans plusieurs ouvrages, notamment dans les écrits de Pascal Garret (Cf. Bibliographie). 70 Les associations syndicales de propriétaires urbains sont constituées par l'adhésion de la majorité des propriétaires. Une commission est alors élue et procède aux opérations de redistribution et de réalisation de facto du plan de remembrement par le biais d'une mise en commun de tous les terrains concernés. Cette commission met à la disposition immédiate des services municipaux les emprises des voies projetées (ici, celle du plan Prost). Elle assure aussi la redistribution des parcelles entre propriétaires au plus près des limites intérieures en tenant compte de la valeur des propriétés avant l'opération, mais également des plus-values attendues qui résulteront de la création de rues ou de places et affecteront le nouveau parcellaire. Source : Pascal, Garret. « Casablanca confrontée à l’Etat colonisateur, aux colons et aux élites locales : essai de micro histoire de la construction d’une ville moderne », dans : Hélène VACHER, La ville coloniale au XXe siècle: d’un sujet d’action à un objet d’histoire, Mainsonneuve et Larose, 2005, pp.27-39. 71 Terme arabe pour désigner un décret royal. 72 Le principe des associations syndicales de propriétaires urbains est inscrit dans le dahir de novembre 1917. Il précise les attributions du plan afin de redistribuer les parcelles au sein de périmètres définis. Il vient par ailleurs, compléter le dahir "relatif aux alignements, plans d'aménagement et d'extension des villes, servitudes et taxes de voirie" d'avril 1914, et celui d’Août 1914 pour "l'expropriation pour cause d'utilité publique et l'occupation temporaire ». Sources : Ecrits de Pascal Garret (Cf. Bibliographie). 73 Acronyme pour l'antenne de Télégraphie Sans Fil (TSF) installée dans le quartier et qui lui doit son appellation. 74 Lettre de G. Buan à M. Bigot, Chef du Service d'Application du Plan Prost, datée du 19 janvier 1917 (BGA, carton A 1379, "Contrôle des Municipalités, Bureau Administratif des Plans de Ville, Expropriations, échanges et achats de terrains, Casablanca, 1916-1919").

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marché central ou à la place de France75, les dimensions de la parcelle et sa constructibilité. Ainsi, le tracé du boulevard de la gare s’est surtout contenté d’un remembrement de parcelles plutôt que d’une transformation profonde du tissu existant, comme il est déterminé dans la figure ci-suit.

« On se contente de remanier les limites des propriétés de façon à ne pas déplacer sensiblement leur position. Elles ont pivoté sur place et ont pris des formes bâtissables par rapport à la nouvelle voirie. Toute discussion au sujet de la valeur commerciale relative des terrains avant et après redistribution est ainsi volontairement supprimée. »76

Fig.13 : Etat du parcellaire du boulevard de la gare avant et après redistribution. Source : H. de la Casinière, Les municipalités marocaines. Leur développement. Leur législation, Imprimerie de la Vigie Marocaine, Casablanca, 1924.

75

Véritable cœur de la « ville européenne ». On la retrouve dans certains textes, sur les anciennes photographies et cartes postales sous l’appellation de place du Sokko. 76 Note de l'Inspecteur des Municipalités (signature illisible) à M. de Tarde, datée du 25 juin 1918 (BGA, carton D 235…), tiré de : Pascal, Garret, « Casablanca confrontée à l’Etat colonisateur, aux colons et aux élites locales : essai de micro histoire de la construction d’une ville moderne », dans : Hélène VACHER, La ville coloniale au XXe siècle: d’un sujet d’action à un objet d’histoire, Maisonneuve et Larose, 2005, pp.27-39.

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2- SITUATION & DESCRIPTION URBANISTIQUE L’Urbanisme La ville se déploie en éventail autour du port et de la place de France qui constituent son centre. Ils en divergent trois grands boulevards qui constituent ses principales artères, à savoir l’avenue Amade, le boulevard d'Anfa et le boulevard de la gare. Ce dernier par sa servitude et son tracé quasi rectiligne, constitue un axe structurant de la ville, reliant la place de France -point de départ de « la ville européenne » et cœur commercial de la ville blancheà la nouvelle gare située au sud-est (actuelle gare de Casa-voyageurs), qui doit d’ailleurs son nom au boulevard. Long de trois kilomètres, il est le prolongement de la ville européenne et permet de faciliter l’accès aux transports tant pour la population française installée dans la ville, qui par la traversée du boulevard bénéficie d’un accès direct à la gare, que pour les Marocains qui l’empruntent de manière épisodique pour se rendre à leur occupation ou qui y travaillent comme commerçants ou comme gardiens.

Fig.14 : Le boulevard de la gare, reliant la place de France à la gare. Source : Plan de H. Ealet (géomètre), 1934, Bibliothèque Nationale de France.

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Sur le plan urbanistique, le découpage parcellaire du boulevard -où se nouent les enjeux fonciers et où se manifestent les initiatives privées et publiques- se présente sous forme de larges parcelles aux proportions permettant d’accueillir des immeubles dotés de cour intérieure et d’une large devanture face à la rue permettant l’expression du génie créatif des architectes. Comme stipulent les indications d’Henry Prost, les constructions bordant le boulevard de la gare sur toute sa longueur, se présentent sous forme d’immeuble sur arcades. Ces dernières, par leur largeur et leur hauteur monumentale, viennent souligner la linéarité du boulevard. Elles offrent un espace de promenade couvert tout le long du boulevard et abritent les rez-de-chaussée commerciaux. La voie se compose une double chaussée, comprenant chacune une large voie carrossable et une voie de stationnement. Les deux chaussées sont séparées par un terre-plein central planté d’arbres à feuillage permanent. La voie garde les mêmes dimensions tout le long du boulevard, à l’exception du tronçon dessiné par le marché central, où elle prend des proportions plus larges et où le terreplein central est planté de palmiers (Cf. fig.15).

Fig.15 : Différence de traitement de la voie au niveau du marché central : la voie est plus large et le terre-plein central diffère. Source : Collection personnelle de Abdellah Naguib

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Fig.16 : Fin du boulevard de la gare : Ouverture sur la gare Casablanca-Voyageurs. Source : Ibid.

Au niveau de la gare, point marquant la fin du boulevard, ce dernier s’élargit également dans une sorte de théâtralisation, pour offrir une plus large perspective sur la gare qui prend place au centre de son axe. Cependant cette théâtralisation n’est pas ressentie au niveau du bâtiment en question. En effet bien qu’elle ait eu une place de première importance dans le dessin du plan de la ville, la gare de Casablanca-Voyageurs ne prend pas les dimensions monumentales auxquelles on aurait pu s’y attendre. Elle se présente sous la forme d’un parallélépipède épuré au style Art-Déco, légèrement en recul par rapport au volume central. Ce dernier est un parallélépipède plus imposant par sa hauteur, percé de trois ouvertures et coiffé par une corniche en tuiles vertes, auquel vient se greffer le volume d’une tour surplombée par un chapiteau en tuiles vertes également, qui se situe sur l’axe du boulevard. Toutefois, une vingtaine d’années plus tard, le dessin de la voie du boulevard de la gare a été modifié de manière à élargir les voies (Cf. fig.18) et à pouvoir répondre au flux croissant en termes de mobilité, surtout avec l’accroissement de la popularité de l’automobile, favorisée par le protectorat dès le début du siècle et devenue largement répandue vers les années 50. Ainsi, les terre-pleins centraux plantés ont été supprimés, à l’exception de celui au niveau du marché central.

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Fig.17 : Début du boulevard de la gare, vue vers le marché central (Années 30).L’immeuble ElGaloui se distingue clairement par son le dessin de sa façade. Source: Ibid.

Fig.18: Vue diffèrente du même lieu. (Années 50). On devine les niches hectagonales de l’immeuble ElGlaoui. Source: Ibid.

Les deux photographies ci-dessus constituent deux prises différentes du même endroit. La première date des années 30, tandis que la seconde date des années 50. La suppression du terre-plein central est évidente. On peut également constater sur la seconde photo, la présence de câbles électriques, appartenant au réseau de trolley-bus77.

77

Cf. chapitre suivant.

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La circulation dans le boulevard

Prisé de tous, le boulevard de la gare est le lieu de tous les rendez-vous78 ! Par conséquent, la circulation y est fortement dense ! Au temps de l’auto, automobiles et calèches y circulent à longueur de journée, car si à une époque le temps était aux chemins de fer, il est désormais à l’automobile : "Il est vrai que le chemin de fer, dont plusieurs voies secondaires empruntent encore les rues de la ville au milieu des années 1920, cesse rapidement d'être le mode de transport selon lequel s'organise la ville nouvelle. Dès lors l'automobile le supplante (...)" 79

Il s’agit alors des prémices de l’automobile qui constituera une figure, mais aussi un facteur de modernité et dont l’influence, au-delà de son impact sur l’urbanisme, touchera également aux modes de vie et à l’architecture de la ville80. Pour revenir au boulevard de la gare, les véhicules circulent à un rythme effréné, dans une cacophonie infernale au rythme des rues embouteillées. Il faut noter cependant, que les calèches et les automobiles sont des moyens de transports empruntés par une classe sociale aisée. Les classes sociales plus modestes s’y rendait quant à elle en transport en commun, en vélos ou en mobylettes. D’autres privilégient la marche à pied : Il faut dire que c’est le moyen de déplacement le plus répandu (encore de nos jours) chez les Marocains. D’ailleurs, le boulevard fourmille de monde : les piétons déambulent dans tous les sens à longueur de journée, aussi bien sous l’ombre des arcades que sur une partie des voies carrossables, pour dire du dynamisme que connaît alors le boulevard (Cf. fig. 19 et 20). Certaines séquences de films d’époques mentionnés dans les sources audio-visuelles de la bibliographie de ce travail, reprennent des images du boulevard de la gare et permettent de se faire une image des lieux et de mieux se rendre compte de la circulation et de l’ambiance qui s’y fait.

78

Cf. page 57 COHEN Jean Louis, ELEB Monique., Casablanca : Mythes et figures d’une aventure urbaine, Editions Hazan, Paris, 1998, pp.240. 80 On voit alors apparaître plusieurs garages qui se présentent de par leur architecture comme de véritables monuments, surtout dans les artères principales de la ville, à l’exemple des garages Citroën, Volvo, L’Auto-Hall de la maison Ford, … On voit aussi apparaître d’autre structures, toujours à l’effigie de l’automobile comme les stations-services (Station SMPP…etc.), et des bâtiments entiers comme l’immeuble Shell. 79

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Fig. 19 : Vue du boulevard de la gare en 1948 (à droite : le marché central ; à gauche : l’hôtel Lincoln) On note la rue animée par la circulation, aussi bien automobile que piétonne, sous les arcades. Noter également la présence de cyclistes ; le vélo étant un mode de déplacement très utilisé Source: Ibid.

Fig. 20 : La circulation au boulevard de la gare (A droite : L’hôtel Bessonneau; à gauche : le marché central) Source: Ibid.

Le réseau de transport en commun est assuré par les accubus ; des bus électriques fonctionnant par le biais d’accumulateur et mis en service dès 1931, et gérés par la Compagnie des Tramways et Autobus de Casablanca 81. (Cf. fig. 21) Ils seront remplacés, une vingtaine d’années plus tard, par des Trolley bus, ancêtre des tramways modernes. Moins couteux et plus performants que les accubus, ils sont mis en service dès 1953, moyennant perches et câbles électriques pour leur fonctionnement. (Cf. fig. 22)

81

La Compagnie des Tramways et autobus de Casablanca (TAC) est une société anonyme Marocaine, fondée le 19 décembre 1919, pour une durée de 60ans. Elle a commencé à fonctionner le 1er mars 1920 au moyen d’un premier groupe d’autobus qui ont été envoyés à Casablanca en attendant que les circonstances permettent l’établissement du réseau de rails. Source : « Compagnie des Tramways et Autobus de Casablanca », dans : les entreprises coloniales françaises, mis en ligne : 23 octobre 2015.

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Fig.21 : Accubus, carrosserie Wagner Source : BENKHADRA, Reda, « Tramways du Maroc : une histoire hors du commun », dans : O-Maroc, 2014.

Fig.22 : Trolley bus circulant le long du boulevard de la gare en 1926. On reconnaît à droite le café des négociants, et à gauche l’office économique. Source : Delcampe

La ligne desservant le boulevard de la gare est la ligne n°1 allant de la place de France au quartier Roches Noires, et dont l’itinéraire marque les arrêts de la Place de France, le boulevard de la Gare, la bourse, le Marché Central, place Albert 1er, place Cuny, rue Eugène Lendrat, l’église des Roches Noires, et le boulevard de Gergoire82. Les trolley bus cessent de circuler en 1962.

82

BENKHADRA, Reda. « Tramways du Maroc : une histoire hors du commun », dans : O-Maroc, 2014.

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Carte du boulevard de la gare Cette section s’articule autour de deux documents, repris en annexe de ce travail (Voir document annexe1et 2), visant à fournir une description du boulevard de manière synthétique, à l’image d’une carte postale : Le premier présente une brève description du contexte spatial du boulevard de la gare. Le second document (Cf. fig.23) reprend quant à lui, les bâtiments emblématiques du boulevard de la gare, ceux suscitant le plus grand intérêt de ses visiteurs et de ses promeneurs, et servant de points de repère, à l’échelle de la ville Européenne.

Fig.22 : Délimitations et repères du boulevard de la gare. Fig.23 : Eléments de repère au sein du boulevard de la gare

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3- LES CHAMPS-ÉLYSÉES CASABLANCAIS :

Fig. 25: Photographies: Aperçu de ambiance du boulevard et de apparat des promeneurs Source: “Les Belles Photos des annees 50 et 60 Prises sur le Boulevard de la Gare a Casablanca”, dans: Darnna. URL: http://www.darnna.com/phorum/read.php?3,15599,page=1

Haut lieu de socialisation et d’activités, le boulevard de la gare est surtout le genre d’endroit où l’on peut aussi bien acheter sa nouvelle vaisselle de table, sa baguette de pain, son journal, sa montre à quartz, les derniers modèles de robes en vogue importées depuis Paris ; ou encore siroter une boisson à la terrasse d’un café, en regardant la foule qui flâne sous les arcades dans ses allures de défilés. Le boulevard de la gare constitue alors une adresse de luxe, de raffinement, et de savoir-vivre à l’Européenne. La tenue vestimentaire y a d’ailleurs toute son importance : on ne peut y être, qu’apprêté de sa plus belle tenue, non sans un certain apparat. « (…) les vêtements, les coiffures, la coquetterie de ces dames ... et les hommes qui relevaient les manches de leur chemise, juste entre le coude et le poignet ! je n'ai jamais vu ça en France à la même période. » Marie-Jose

Les plus grands magasins s’y situent, proposant différents produits, tous offrant les dernières tendances à la pointe de la mode et de la technologie, n’ayant rien à envier aux plus prestigieuses boutiques des Champs-Elysées. 40


Des concours de vitrines y prennent place pour déterminer le magasin à la devanture la plus originale, dans un effort des commerçants pour animer le boulevard. C’est aussi le lieu pour se prendre en photos : le centre-ville compte plusieurs photographes, chacun son trottoir attitré, réputés pour leur photo à la volée que les passants ne manquent pas d’aller chercher.

« Je dois dire que les gens aimaient se faire photographier et même, se préparer un peu dans cette attente. […] le petit coin du passage Glaoui, entre la rue de l'Horloge et le boulevard de la Gare, ou on venait retirer les photos. […] Les clients venaient montrer leur petit carton, on extrayait leur photo et si elle donnait satisfaction, on l'achetait. » Sylvain

Fig. 26 : Carton de commande pour photos chez Néofilm. Source : Ibid.

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4- UN PANORAMA DE LA VIE AU TEMPS DE L’ÂGE D’OR DU BOULEVARD DE LA GARE Ce n’est qu’à partir des années 30, et véritablement vers les années 50 que Casablanca, et plus particulièrement le boulevard de la gare, bat son plein. Construite initialement pour accueillir les européens, la « ville européenne » accueille petit à petit des marocains à partir des années 30. C’est là que s’épanouit la petite bourgeoisie marocaine et la première génération d’émigrés européens venus s’installer au Maroc, perçu alors comme un nouvel Eldorado pour les affaires. On voit dès lors, se développer une série de cafés, de glaciers, de boutiques chics, et de cinémas qui n’ont rien à envier aux plus prestigieuses adresses européennes et américaines de l’époque. Les cafés, glaciers, et brasseries sont prisés de tous, aussi bien pour la qualité de leur service, que pour leur design intérieur nouveau et novateur, ou encore pour leur terrasse à l’ombre des stores -pour ceux situés au début du boulevard, place de France- ou des arcades des immeubles qui les abritent. Las Delicias (devenu Alcazar), le Roi de la Bière, le Café des négociants, le café de France (autrefois le Café Glacier), le Maxims’s (au-dessus de l’hôtel Lincoln) … autant d’adresses réputées parmi tant d’autres, et qui résonnent encore aux oreilles de certains aujourd’hui. Bellamine Abdellatif, bouquiniste, et collectionneur épris de l’histoire de la ville et de son boulevard iconique, évoque comment « on était bien » dans les cafés du centre-ville : « (…) Le Roi de la Bière était également un café très réputé ! Le garçon était impeccable, costume noir et tablier blanc ; son pantalon était tellement bien repassé qu’on apercevait les plis de son pantalon. Les plateaux, les seaux, les pinces à glaçons, ainsi que les siphons d’eau de zestes étaient tout en argent ! » Il faut dire qu’avec l’avènement de l’éclairage public, les activités nocturnes se multiplient. La vie sociale se pratique davantage de nuit et les événements durent jusqu’à des heures tardives... « Les rues embouteillées par une circulation intense sont dominées par de hauts immeubles qui mis à part quelques luxueux appartements abritent surtout des bureaux des études d'avocat des cabinets médicaux et des ateliers d'élégance. Ce quartier, qui est aussi celui des grands cafés et des grands cinémas reste animé très tard dans la nuit par une foule de promeneurs. »83

Le soir venu, les bars et les cafés se transforment en pistes de danse, accueillant de grands événements musicaux, des chanteurs et des célébrités venus des quatre coins du monde pour s’y produire et faire la fête, au plus grand bonheur de la classe huppée. C’est la fièvre des fêtes à Casablanca, une fièvre véritablement comparable à celle des Années Folles parisiennes ou encore à celle des 50’s New-Yorkaises. Il faut dire que les Casablancais sont épris de fêtes : 83

FERNAND, Joly, « Casablanca. Eléments pour une étude de géographie urbaine » dans: Cahiers d'outre-mer, n° 2 – 1ère année, Avril-juin 1948, pp.138.

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« Les gens se levaient le matin en se demandant quelle fête il y avait le soir. Le dimanche, ils allaient à des thés dansants où ils amenaient les gosses. Nulle part au monde les gens n’ont vécu comme à Casablanca dans les années 50. » 84

Si les bistrots et les soirées mouvementées font vibrer Casablanca qui fait désormais échos à l’échelle mondiale, ils n’en inspirent pas moins l’industrie cinématographique qui bat son plein. Ainsi, et au-delà de son histoire, le film Casablanca85 paru en 1942, rend bien compte de l’univers autour duquel s’articule la vie nocturne dans la ville dont il porte le nom : l’heure est au chant, à la musique, aux loisirs, à la fête, à l’insouciance ! « Si Casablanca a inspiré le cinéma, le cinéma a été une grande source d’inspiration des Casablancais »86

Fig. 27 : Soirée dansante au Roi de la bière. Postée par Georgio le 17oct 2006 sur http://www.darnna.com/

En effet, le début du siècle connaît l’ouverture de salles de cinémas un peu partout, perçues comme de véritables palais de la culture, aussi bien par leur programme que par leur architecture et leurs équipements de pointe, qui ponctuent désormais fortement les rues du centre-ville. On compte Le Colisée, le Majestic, le cinéma Vox sur la place de France, l’Empire et l’ABC, tous deux sur le boulevard de la gare à quelques adresses de distance87, Le Rialto au coin de la rue perpendiculaire au boulevard …etc. Autant de salles de cinéma parmi tant d’autres…

Fig. 28 : Sam, interprété par Arthur "Dooley" Wilson ; à son côté Rick, interprété par Humphrey Bogart, dans le film Casablanca, chantant « Knock on Wood ».

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Patrick Suissa, dans : « 1920-1970 : L’âge d’or de Casablanca », dans : Version Homme magazine (numéro spécial), n°103, novembre 2011, Casablanca, pp.64. 85 Paru en 1942, Casablanca est un film Américain réalisé par Michael Curtiz, et mettant en vedette Humphrey Bogart, Ingrid Bergman, Paul Henreid et Claude Rains. Les faits prennent place pendant la seconde guerre mondiale, à Casablanca alors contrôlée par le gouvernement de Vichy. Le film met en exergue l’histoire d’amour entre Rick, gérant du café dont il a donné le nom, et Ilsa, jeune femme mariée à une figure de la résistance et éprise de Rick, interprétée par Igrid Bergmann. L’histoire est surtout celle de la dualité entre l’amour et la vertu, de faire ce qui semble juste, en choisissant d’écouter ou d’ignorer ses sentiments. 86 Ibid., pp.97 87 L’ABC et l’Empire sont construits un peu plus tard que les autres, après 1945. Ils sont situés respectivement au 39 et au 43 boulevard de la gare.

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Fig. 29 : Entrée du cinéma ABC On notera sa devanture iconique avec l’intégration de l’Abécédaire arabe dans celui français, visible en second plan Source : Google images

Fig. 30 : 1957 : Ambiance de nuit le long du boulevard de la gare. Les automobiles sont nombreuses et les rues éclairées par les lanternes murales, les luminaires au plafond des arcades, les devantures des magasins ainsi que les enseignes aux façades. On notera notamment celles de l’ABC et de l’Empire. Source : Casa nostalgie&histoire (groupe Facebook)- post du 17fevrier2020. https://web.facebook.com/groups/137749 8222267459/posts/3385699654780629

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A noter également, le témoignage de Hassan Belkady pour le magazine Version Homme88, Docteur mais aussi exploitant de salles de cinéma et dont les parents ont géré nombres de salles après l’indépendance du Maroc, dont le cinéma ABC :

« Le cinéma réunissait les casablancais. Tous les enfants enjambaient leur vélo le dimanche matin pour aller voir des films tels que ceux de Hercul, Tarzan ou des westerns, etc. c'est donc toute une jeunesse qui a été marquée par ces films là je me souviens que ma mère nous a envoyé à l'âge de dix, 11 ans en costume et en cravate au cinéma l’ABC pour assister à des séances de films. C’était comme assister à une véritable cérémonie car en entrant dans la salle, on était frappé par l'ambiance feutrée et chic qui y régnait. Il y avait là de belles ouvreuses, pour la plupart françaises. (…) Entre le parfum des femmes, les manteaux de fourrure, les tenues distinguées, il y avait quelque chose de véritablement magique dans cette salle. C’était comme aller au théâtre. Durant cette époque, l'ABC était la seule salle à proposer la mythique série de documentaires « Connaissances du monde ». On avait droit, en même temps à la projection de diapositives ou de bobines 16 millimètres, à la présence en personne dans la salle de l'explorateur qui nous présentait le sujet de son documentaire et, à la fin de la séance, nous dédicaçait le livre titré dudit documentaire. C’était le rêve. Voir à l'époque un sujet sur les îles des Bahamas au Maroc c'était carrément inconcevable. Surtout que durant la projection l'explorateur lui-même faisait la voix-off en s'accompagnant de tout un tas de sons qu'il provoquait en appuyant sur le bouton play de son magnétoscope. Tous les bruitages les cris d'animaux et des effets sonores étaient joués en direct. Tout cela semble difficile à croire aujourd'hui ! »

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« 1920-1970 : L’âge d’or de Casablanca », dans : Version Homme magazine (numéro spécial), n°103, novembre 2011, Casablanca, pp.97.

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5- AS TIME GOES BY… TÉMOIGNAGES D’UN TEMPS C’est dans les nombreux récits de mon grand-père que mon intérêt pour le boulevard Mohammed V a formé ses premiers bourgeons. C’est non sans beaucoup de détails qu’il se lançait dans ses récits sans fin, tout aussi passionnant les uns que les autres et qui éveillait l’imaginaire de la petite fille que j’étais, et qui n’a jamais eu l’occasion de s’y rendre en sa compagnie. Ses récits ont pendant longtemps animé mon imaginaire avant de pouvoir m’y rendre en personne et de découvrir une image parfaitement opposée de ce que mon grand-père me contait, et qu’il m’aurait sans doute été difficile de deviner. J’ai eu l’occasion pendant mon travail d’analyse de venir à l’encontre de plusieurs personnes et d’écouter leurs nombreux récits sur le boulevard Mohammed V, ou du moins, de ce qu’il en était à une certaine époque. Les témoignages relèvent de la mémoire collective et constituent une source d’informations non négligeable...

« Les témoignages (…) sont forcément subjectifs et sans doute enjolivés comme le sont

souvent les souvenirs d’enfance. N’empêche que leurs « réalités » finissent par former une vérité, celle d’une ville de tous les possibles où la pauvreté n’était qu’une étape transitoire, d’une modernité inouïe, où l’on travaillait extrêmement dur mais où on s’amusait tout autant. »89 Les prises de paroles qui vont suivre ne représentent qu’une sélection des témoignages recueillis lors de mon enquête90 et appartiennent à des personnes dont la tranche d’âge est supérieure à la cinquantaine et qui sont particulièrement familiers au boulevard par le fait qu’ils l’ont beaucoup fréquenté. Ces personnes font soit partie de mon entourage, soit des personnes que j’ai eu l’occasion de rencontrer sur le boulevard même ; qui y exercent en tant que commerçants depuis plusieurs années ou que j’ai surpris à flâner le long du boulevard en promeneurs nostalgiques d’une époque.

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Dans : « 1920-1970 : L’âge d’or de Casablanca », dans : Version Homme magazine (numéro spécial), n°103, novembre 2011, Casablanca, pp.35. 90 Dans le respect de l’ordre chronologique duquel découle ce travail, il ne sera mentionné ici que les témoignages relatifs au boulevard avant l’indépendance du Maroc, à savoir du temps où le boulevard était connu sous l’appellation du boulevard de la gare, et des quelques années qui ont suivi son changement d’appellation.

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III- LE BOULEVARD MOHAMMED V UN NOUVEL AIR À L’AUBE DE L’INDÉPENDANCE

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Fig. 31 : Photographie d’inauguration du boulevard Mohammed V par sa Majesté le sultan et son salut au drapeau Chérifien. Source : Agence intercontinentale, Photothèque du centre de la culture judéo-marocaine, Casablanca, 1956. Source: Agence intercontinentale, Photothèque du centre de la culture judéo-marocaine, Casablanca, 1956. Fig. 32 : Extrait de journal annonçant l’inauguration du boulevard Mohammed V par feu Sa Majesté. Photo de J. Bonnin, Journal et date inconnus, Collection personnelle de Naguib Abdellah. Source: Photo de J. Bonnin, Journal et date inconnus, Collection personnelle de Naguib Abdellah. Fig. 33 : Photographie personnelle : plaque indicatrice du boulevard Mohammed V, en inscription verte sur fond rouge, selon le désir de feu Sa Majesté le roi Mohammed V.

A la suite de l’indépendance du pays en 1956, une série de boulevards, d’avenues, de places et de rues se voient substituer leur nom d’origine. En effet le choix des noms est loin d’être anodin : Si la toponymie des rues relève des intentions des pouvoirs publics, elle souligne surtout une volonté subtile et non innocente de s’approprier les lieux. Ainsi, la toponymie jusque-là utilisée est une toponymie dite « coloniale », empruntant ses noms à des régions et/ou des villes françaises, ou portant le nom de généraux et de personnalités françaises de l’époque. Cette toponymie se voit substituer. Les différentes artères du boulevard prennent désormais des noms associés à des événements ou à des figures relatives au mouvement de la résistance ou au nationalisme marocain, et marquant une véritable intention de réappropriation des lieux.

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Une liste complète des dénominations initiales et actuelles est reprise dans l’ouvrage de JeanLouis Cohen et de Monique Eleb91.

Le boulevard de la gare bien sûr n’en est pas épargné, car bien que son nom n’ait pas de connotation particulière et qu’il se rapporte fortement à sa situation dans la ville, il constitue toutefois l’artère principale de l’« ancienne ville européenne » et de ce fait, un symbole fort de la colonisation. Ainsi, dès son retour d’exil92, le Roi Mohammed V s’y rend pour son inauguration. Il donnera son nom au boulevard, qui portera désormais l’appellation du « boulevard Mohammed V ». Une séance spéciale s’est déroulée au préalable de la visite du sultan en commission municipale, afin de fixer le modèle des plaques indicatrices, portant, au souhait du sultan, les couleurs du drapeau national (Cf. fig. 32 & 33). La place de France deviendra quant à elle, place des Nations Unies.

« L’inauguration du Boulevard Mohammed V au cœur de la ville où réside une majorité d’étrangers est certes symbolique, mais cet hommage ne peut heurter quiconque car son ancien nom de Boulevard de la Gare n’avait qu’un sens topographique ».93

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COHEN Jean Louis, ELEB Monique., Casablanca : Mythes et figures d’une aventure urbaine, Editions Hazan, Paris, 1998, pp.477. 92 Les autorités du protectorat français déportent le souverain Sidi Mohammed Ben Youssef, le 20 août 1953, d’abord à Ajaccio en Corse et ensuite à Antsirabe à Madagascar pour un exil qui durera 817jours. L’exil prendra fin le 16novembre 1956 où le souverain, redevenu Mohammed V, sultan du Maroc retrouve son trône à Rabat après plus de deux ans d’absence. 93

PIERRE Jean-Luc, « Un Etat de droit », dans : Maroc Soir, 17-02-2006, p.17. 52


IV- L’ÉVOLUTION URBANISTIQUE DU BOULEVARD AU FIL DU TEMPS

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1- DE NOUVELLES ALLURES BIEN DIFFÉRENTES… Après l’indépendance, plusieurs français ont regagné la France. Par conséquent, « la ville Européenne » se désemplit petit à petit de ses habitants d’origine, laissant place à de plus en plus de Marocains qui se sont mis à occuper les lieux. Au fil des ans, le boulevard s’est fortement dégradé, aussi bien au niveau architectural que spatial : ce dernier est devenu malfamé, ses bâtiments salis, dégradés et abandonnés pour certains, les SDFs devenant de plus en plus nombreux ; et sa réputation s’en est fortement entachée. Nous reviendrons plus en détails dans les chapitres qui suivent, sur l’état de dégradation du boulevard. En bref, le boulevard Mohammed V n’est plus que la pâle figure de son passé. La question du boulevard Mohammed V et de sa revalorisation a souvent été abordée sur la table de négociations des politiques locales et a été mentionnée plusieurs fois sur les documents officiels…

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2- PRESCIPTIONS DES SDAUS Les Schémas Directeurs d’Aménagement Urbain94 (SDAU) ont depuis 1984 avec le SDAU Pinceau, prévu une série d’actions visant à améliorer l’image du boulevard et de son périmètre, ainsi qu’à leur restructuration. Ainsi, ce dernier proposait la réalisation de 17 actions majeures dont la restructuration de la place des Nations Unies et de la réhabilitation de l’Ancienne Medina95. L’étude du SDAU de 200896 ainsi que le SDAU de 201097 présentent une vision beaucoup plus vaste et ambitieuse du développement sur une durée s’étalant sur vingt ans et un impact à l’échelle nationale. Il prévoir entre autres, la réalisation du projet de tramway de Casablanca né de l’étude du Plan de Déplacement Urbain, réalisée par la Région en 2004. Nous reviendrons plus en détail sur le projet tramway dans le chapitre qui suit. Concernant les prescriptions relatives au boulevard Mohammed V, les deux documents abordent la « mise en valeur du patrimoine » par la requalification du centre historique, sa redynamisation, ou encore la piétonisation du boulevard dans le cadre du projet tramway. Dans le cadre VI-1-a du rapport du SDAU de 201098 relatif aux actions programmées sur le tissu urbain existant, on peut ainsi lire qu’est prévue la « préservation et valorisation du quartier art-déco ». Cela dit, aucun complément d’information n’y est apporté quant à sa concrétisation ou aux stratégies prévues cet effet. Pour résumer, il existe d’une part, depuis plusieurs années une série de recommandations relatives à la protection du patrimoine et de sa valorisation mais qui ne sont mentionnées que de manière très abrégée, entretenant le flou au sujet de leur mise en place. D’autre part, il existe certains plans d’action plus spécifiques mais qui tardent à se concrétiser et qui attendent encore aujourd’hui de voir le jour. Nous nous attarderons davantage dessus dans les chapitres ultérieurs (Cf. page 159).

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Il existe au Maroc, 4 principaux types de documents qui dictent la planification urbaine et l’aménagement du territoire, à noter les Schémas Directeur d'Aménagement Urbain (SDAU), le plan de zonage, le plan d’aménagement, et les arrêtés d’alignement. Une intention particulière sera portée aux SDAUs. Il s’agit d’un ensemble d’outils graphiques accompagnés d’un rapport justificatif du plan d’aménagement. 95 Agence Urbaine de Casablanca, SDAU de 1984, URL : https://auc.ma/gestion-planification-urbaine/schemadirecteur-damenagement-urbain/sdau-de-1984/# 96 Schéma Directeur d’Aménagement Urbain de la région du Grand Casablanca, file:///D:/ULB/MEMOIRE/schema%20directeur%20damenagement%20urbain%20du%20grand%20casablanca. pdf. 97 Agence Urbaine de Casablanca, SDAU de 2010, URL : https://auc.ma/gestion-planification-urbaine/schemadirecteur-damenagement-urbain/sdau-2010/ 98 URL, SDAU APPROUVE PAR DECRET N 2.09.669 DU 14 MOHARREM 1431 (30 DECEMBRE 2009) BO N 5806 DU 21 JANVIER 2010, pp10.

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3-LE PROJET TRAMWAY ET DE RÉABILITATION DU BOULEVARD MOHAMMED V 3-1-Présentation générale du projet tramway Afin de répondre aux besoins croissants en mobilité urbaine engendrés par le développement continue de la métropole économique, la région de Casablanca a mis en place en 2004, une étude pour le Plan de Déplacement Urbain (PDU)99. Adopté en 2007, ce dernier est appuyé par le Plan de Développement Stratégique de Casablanca 20152020 (PDGC)100 et affirme la volonté des pouvoirs publics pour l’amélioration du secteur de la mobilité urbaine et des transports en communs qui fait tache à la ville. C’est dans ce contexte que le projet du Tramway de Casablanca voit le jour. Ce dernier est un projet de Casa Transports101, géré et maintenu par la RATP Dev Casablanca102. La maitrise d’œuvre du projet a été confiée au groupe SYSTRA103. Les questions d’alimentation et d’équipements de signalisation ont, quant à elles, été prêtées au groupe Alstom104, dont la mission couvre l’ensemble des lignes du projet (quatre lignes) et qui s’occupe également de fournir l’ensemble du matériel roulant, à savoir en l’occurrence, les voitures de type Citadis, circulant actuellement à Casablanca. Un budget total de 6,4 milliards de dirhams (≈590 millions d’euros) a été alloué au projet dont les travaux ont démarré en mai 2009 et dont l’inauguration de la première ligne a eu lieu en décembre 2012. Le projet comprend quatre lignes, dont deux opérationnelles aujourd’hui, les lignes T1 et T2 dont le tracé est repris sur le plan ci-suit, tandis que les lignes T3 et T4 sont toujours en cours de réalisation.

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Plus de détails sur le site de Casa Transports, URL : https://casatransport.ma/pages/voir/1-plan-desdeplacements-urbains. 100 Plus d’informations sur: https://casaevents.ma/plan-de-developpement/. 101 Selon Wikipédia, Casa Transports S.A est une SDL (société de développement local) crée en 2009. Son secteur d’intervention touche l'aménagement des ouvrages routiers, la réorganisation de la circulation et la gestion du réseau de transport en commun de Casablanca (notamment son tramway et son réseau d'autobus). La société est aussi le maitre d‘ouvrage du projet Tramway de la ville. URL : https://casatransport.ma/pages/voir/1-societe-de-developpement-local# 102 La RATP Dev Casablanca est une filiale de la RATP Dev. Elle a la charge de la gestion, de l’exploitation et de la maintenance du réseau de transport en commun à Casablanca, à savoir la gestion de quatre lignes de tramway et deux lignes de bus à haut niveau de service. URL : https://www.ratpdev.com/fr/references/maroccasablanca-tramway 103 Systra est un groupe international spécialisé dans la maitrise d’œuvre dans le domaine des transports en commun, à savoir les réseaux ferroviaires et celui des transports urbains. URL : https://www.systra.com/inauguration-de-la-seconde-ligne-de-tramway-de-casablanca/ 104 Alstrom est une multinationale française spécialisée dans l’apport de solutions dans le secteur des transports, pour les propriétaires de matériels roulants et d’infrastructures sur rail (tram, train, métros). Pour plus d’informations sur le projet tramway de Casablanca : https://www.alstom.com/press-releasesnews/2020/11/alstom-deliver-66-additional-citadis-trams-casablanca-morocco

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Fig. 34 : Tracé des lignes du tramway T1 (en orange) & T2 (en jaune) Source : CASA Transports S.A

Nous nous intéresserons plus particulièrement à la ligne T1 pour notre cas d’étude. D’une longueur de 23,5 km, elle relie les périphéries sud-ouest et est de la ville, à savoir le quartier Hay Hassani à celui de Sidi Moumen, par le biais de 48 stations ; en transitant par le centre-ville et en longeant tout le boulevard Mohammed V. Il est à noter que le projet tramway ne vise pas uniquement l’amélioration de la circulation et celle des transports en commun, mais qu’il vise également la requalification des axes qu’il emprunte, et dont il transforme ainsi grandement l’image.

Fig. 35 : Tramway sur la ligne T1 sur le tronçon du boulevard Mohammed V. Source : Google images

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3-2- La réhabilitation du boulevard Mohammed V

Nous aborderons dans ce qui suit, la description du boulevard. Cette dernière portera principalement sur les différents aménagements effectués sur le domaine public pour la réalisation du tramway, aussi bien au niveau de la chaussée et du tracé de la voie, qu’à celui des équipements urbains. L’analyse qui va suivre ne portera pas sur l’ensemble du boulevard, mais seulement sur une partie, allant de la place des Nations Unies au point d’intersection du boulevard Mohammed V avec le boulevard de la Résistance. Afin de faciliter la compréhension de l’analyse, nous diviserons le boulevard en deux tronçons : Le premier s’étend de la place des Nations Unies à l’intersection du boulevard Mohammed V avec la rue Chaouia. Le second prend départ de la fin du premier tronçon et se prolonge jusqu’au point d’intersection du boulevard avec le boulevard de la Résistance.

Fig. 36 : Définition des tronçons d’étude.

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Situation avant le tramway Sur le premier tronçon du boulevard, la route est composée d’une double chaussée, comprenant chacune deux voies carrossables et une allée de stationnement. (Cf. fig. 37)

Fig. 37 : Photo au niveau de la première section du boulevard, 2009 Source : Photographie de Didier Hinz

Le deuxième tronçon au niveau du Marché Central est quant à lui plus large. Il est composé de quatre voies carrossables bidirectionnelles bordées de deux allées de stationnement de part et d’autre ; séparées par un terreplein central, planté de palmiers centenaires datant de la création du boulevard. (Cf. fig. 38) Passé le marché central, la voie reprend ses proportions initiales tel que sur le premier tronçon.

Des vidéos “amateur” uploadées sur

Fig. 38 : Photo du boulevard Mohammed V (face au Marché central), 2001 Source : Publiée par Said Malout, sur : Casablanca nostalgie et histoire (groupe fb.)

« On étouffait dans l’indifférence la plus totale, noyés dans le flux des voitures et leur cacophonie infernale » Robert, 85ans, Français d’origine installé à Casablanca

YouTube, reprises dans la bibliographie de ce travail, font défiler des séquences du boulevard et permettent de se faire une idée de ce qu’il en était avant l’avènement du tramway. On en relève une circulation dense, particulièrement aux heures de pointe. Elle est majoritairement due au fait qu’il soit une artère importante assurant différentes liaisons à l’échelle de la ville -et qu’il soit ainsi très praticable- ; auxquels s’ajoutent les incivilités commises par les conducteurs. La circulation a pour conséquence, une pollution notoire de l’air, dont les particules ont grandement affecté les façades des immeubles, désormais noircies. A cela s’ajoute des nuisances sonores considérables, créant une situation d’inconfort aussi bien pour les riverains que pour les personnes pratiquant le boulevard. 59


De plus, l’éclairage public fait défaut au boulevard : les lampes murales et les lampadaires datent de la période du protectorat et sont depuis, restés inchangés. Outre l’éclairage peu performant, la plupart des ampoules sont soit cassées, soit brulées.

Situation après le tramway Fig. 39 : Coupe schématique du boulevard avant le tramway. Source : GHAZI-SNOUSSI, Samy, La requalification du boulevard Mohammed V à la suite de la mise en place d’une ligne de tramway, (Faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal, Projet terminal de l’unité URB 3519, Sous la direction de Marie Lessard, Mai 2015).

Fig. 40 : Coupe schématique du boulevard après le tramway. Source : Ibid.

Fig. 41 : Collage personnel : Le retour du « tramway » sur le boulevard Mohammed V.

L’avènement du tramway a légèrement modifié le profil de la voie. Bien que les proportions de la voierie soient restées inchangées, les voies carrossables ont quant à elles été réduites à une bande unique pour chaque chaussée, et les allées de stationnement supprimées. Assez anecdotique, l’avènement du tramway prend des airs de déjà-vu, en rappelant la présence des trolley-bus d’antan sur le boulevard (Cf. Fig. 41) Autre changement ayant été opéré au niveau de la voierie est la piétonisation partielle du boulevard, allant de la place des Nations-Unies, à la rue Abdellah El Médiouni, au niveau de l’intersection de la rue Ahmed Faris

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et du boulevard Mohammed V, et qui marque le retour de la présence de l’automobile. Bien que l’accès à ce niveau soit strictement réservé aux piétons, il reste néanmoins possible pour certains véhicules d’emprunter ce tronçon à l’instar des véhicules prioritaires (Ambulance, pompiers…etc.) ou de petits camions et camionnettes assurant la livraison aux commerces du boulevard.

Fig. 42 : Le tramway dessert désormais le boulevard Mohammed V

Fig. 43 : Le piétonnier du boulevard Photo du boulevard.

Source : Photographie personnelle

Source : Photographie personnelle, prise un dimanche matin à 7heures.

La piétonisation du boulevard démontre la volonté des pouvoirs publics de requalifier les axes majeurs empruntés par le tramway. Outre l’amélioration de l’accessibilité piétonne, elle vise également à la mise en évidence du patrimoine architectural, d’une part, par le tracé de la ligne du tramway et des arrêts qu’elle dessert au niveau du boulevard. Ils permettent au voyageur à bord de longer l’ensemble du boulevard et de se confronter aux bâtis par le biais de l’observation depuis le confort de la voiture, ou de manière directe en choisissant de descendre aux arrêts desservis. Cette piétonisation s’instaure dans une logique allant en contre-courant de celles tant louées par les services d’aménagement public et de l’urbanisme à la seconde moitié du siècle précédent. Ces dernières prônaient le « tout-voiture », une vision où la voiture a pendant longtemps dicté les prescriptions de l’aménagement des villes, dans ce qui ressemble véritablement à une sacralisation de l’automobile, et où cette dernière s’est vue attribuée des dimensions disproportionnées105, non sans une certaine prévision pour le futur. Cette vision de l’époque s’inverse aujourd’hui : la voiture est écartée des centres-villes, ou du moins, leur accès en est fortement limité, et la place est désormais à la piétonnisation. S’en est devenu une tendance, qui conquit de plus en plus de métropoles mondiales (Londres, Paris, Genève, Montpellier, Madrid …etc.) à l‘instar du projet de piétonisation de Ponteverda en Espagne, des voies sur les Berges de Seine et de la piétonnisation du Trocadero à Paris pour 2024, et la piétonisation du centre de Bruxelles entre autres…

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Afin de mieux illustrer le propos, nous prendrons à titre d’exemple les travaux de transformations du réseau routier Bruxellois dans les années 50, marqués par la construction de nombreux viaducs dans une prévision de l’augmentation du trafic routier pour l’exposition universelle de 58, à une échelle -pour le moins qu’on puisse dire- de la démesure. Aujourd’hui, ces derniers ont été pour la plupart détruits.

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Au-delà de l’aspect écologique, la piétonnisation séduit par son caractère spatial et économique, offrant des espaces plus généreux et plus sécurisés de promenades qui en résulte un boost de l’activité commerciale, surtout au profit des petits commerces. Casablanca n’en est pas exclue : Depuis plusieurs années, la ville vit au rythme effréné des chantiers qui touchent au réaménagement de ses axes majeures. Ainsi, les chaussées ont été réaménagées au profit des piétonniers qui se sont vus élargis, plantés, et équipés, pour dire de l’importance croissante du piétonnier106 dans une ville où la voiture a pendant longtemps tenue une place prédominante. D’autre part, les nouveaux équipements apportés par le tramway participent également à la revalorisation du boulevard, que ça soit par le biais des revêtements du sol, du mobilier urbain ou encore de l’éclairage public, qui modifient sensiblement le caractère du boulevard. En effet, en termes d’équipements et de mobiliers urbains, outre ceux propres aux arrêts de tram, des bancs et des poubelles ont été mis en place le long de l’axe, placés à intervalle régulier de six mètres et faisant face au tram. Ce type d’équipements manquait cruellement au boulevard et se tiennent en partie responsable de son délabrement. Ils profitent aujourd’hui à ses usagers pour leur plus grand confort. L’éclairage public, quant à lui, a grandement contribué à l’amélioration de la visibilité du quartier, surtout de nuit, renforçant ainsi le sentiment de sécurité, aussi bien chez les riverains que chez les personnes empruntant le boulevard à des heures tardives. Ainsi, de nouvelles lanternes murales ont été installées sur les façades face à la rue (Cf. fig.46), remplaçant les lanternes murales à double tête en fer forgé (Cf. fig.44), noircies et peu performantes et dont celles qui subsistent encore aujourd’hui ont été nettoyées, bien que leur éclairage n’ait pas été restauré.

Fig. 44 : Lampe murale à double lanterne datant de la création du boulevard

Fig. 45 : Lanterne suspendue au niveau des arcades.

Fig. 46 : Nouvelles lanternes murales mises en place

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Le réaménagement de certaines places et squares ne sont pas à exclure à l’instar de la rue Oussama Ibnou Zaid (ex. rue du Jura) au Maarif, le boulevard Prince Moulay Abdellah, les nouvelles promenades Maritimes…etc. Il y a énormément à dire au sujet de la piétonisation à Casablanca et dans le reste des métropoles mondiales, au point d’en faire un sujet de mémoire. Le but ici est de présenter une vision d’ensemble de la stratégie de piétonnisation et de ses projets les plus significatifs, afin de mieux saisir son intérêt dans notre cas d’étude.

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Au niveau des arcades, l’éclairage est assuré par les vitrines des commerces et des anciennes lanternes pendues au plafond des arcades datant des années 20 (Cf. fig. 45), qui n’ont pas été remplacées et qui restent tout de même peu performantes.

En définitive, l’avènement du tramway et la piétonisation du boulevard a sensiblement modifié le boulevard. En plus de toutes les améliorations apportées citées précédemment, cela a grandement contribué à la réduction de la pollution sonore et de la pollution de l’air, au plus grand bonheur des riverains, en plus d’apporter plus de confort aux usagers qui se retrouvaient noyés dans un tintamarre infernal, limités à la largeur des arcades et qui peuvent aujourd’hui pleinement profiter de l’espace de la voierie pour apprécier l’étendu du patrimoine architectural que le boulevard tend à leur présenter.

« L’avènement du tramway est l'une des rares modifications de Casablanca qui l'ont améliorée : pendant mon enfance et adolescence je faisais ce boulevard jusqu'à quatre fois par jour et on y respirait à peine à cause de la circulation. Maintenant il est plus calme et l'air y est plus propre. » Rita, 40ans

Fig. 47 : Vue du boulevard au soir.

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4- DES CHANGEMENTS DANS LA VILLE OPÉRANT UN IMPACT SUR LE BOULEVARD Outre le projet tramway, d’autres interventions à plus grande échelle modifient indirectement le visage du boulevard. Ces interventions touchent au réaménagement d’équipements structurant de la ville et à la réalisation de nouveaux projets d’aménagement urbain. On notera à titre d’exemple, le réaménagement des gares de Casablanca-Voyageurs et de Casa-port, la réhabilitation de la coupole Zevaco107, la réalisation de nouvelles infrastructures urbaines à l’image de la trémie Al-Mouahidine, le projet Casablanca Marina qui s’impose comme le nouveau centre d’affaire et de tourisme... Pour conclure, ce type de projet n’impacte pas le boulevard de manière directe. Ces projets ont plutôt tendance à modifier sensiblement la mobilité urbaine au niveau des flux de circulation. Ils visent également à façonner une nouvelle image à l’urbanité en créant de nouvelles micro-centralités au sein de la ville, qui ont tendance à décongestionner les anciens centres. Pour le cas du boulevard, cette décongestion avec le développement de quartiers nouveaux comme celui du Maarif et des tours Twin-Center, a entrainé la création d’une nouvelle centralité rassemblant les fonctions et les commerces ayant suscité un grand intérêt auprès de la population et entrainer l’abandon progressif du boulevard.

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Plus connue sous l’appellation de Al-Kora Al Ardiya (globe terrestre), elle a été conçue par l’architecte JeanFrançois Zevaco. Située sur la place des Nations-Unies, elle est classé monument historique et constitue une figure emblématique populaire de la ville. Elle est au centre d’un projet visant à son réaménagement, réalisé dans le cadre du cadre du Plan de Développement du Grand Casablanca 2015-2020.

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5- PALIMPSESTE DE L’ÉVOLUTION DU BOULEVARD Le document relatif à cette section est repris en annexe (Cf. Annexe 3). Il s’agit ici de saisir le tissu urbain qui constitue le boulevard dans le but de faciliter la compréhension des éléments qui le composent et de mieux cerner son évolution. Déjà, le choix du terme « tissus urbain » n’est pas anodin : Il permet de mieux rendre compte de la matière qui compose le plan, de son substrat, et d’en oublier l’ensemble. Ainsi, il a été décidé de travailler le tissu urbain sous forme de couches/strates, de manière à en découdre de son évolution historique. Ce travail en couches, ou du moins, en superposition de couches est appelé ici « palimpseste ». Afin de mieux saisir ce qu’il en est, la lecture du tissus urbain définissant le boulevard Mohammed V est représenté sous forme de strates, dont chacune reprend le dessin d’un élément particulier façonnant le plan. L’organisation du palimpseste permet une double lecture : -Lecture Horizontale : Le tissu urbain est découpé en trois éléments à savoir, le réseau de voieries (Voies), le découpage parcellaire (parcelles), et les constructions (éléments bâtis). Il en résulte de leur lecture horizontale, une superposition des trois différentes couches qui constituent alors le tissu urbain. Cette lecture permet en fait de mettre en évidence les caractères autour desquels s’articule l’évolution de ville et d’en saisir sa structure, tout en assurant une vision cohérente de l’ensemble. -Lecture verticale : Elle permet une lecture individuelle de chacune des composants du tissus urbain cités précédemment et de leur évolution au fil du temps. Il s’agit de se rendre réellement compte des variations qui ont été opérées sur les éléments du tissu et qui impacte directement la forme de son plan. En d’autres termes, il s’agit d’un outil de compréhension essentiel, permettant une lecture à la fois spatiale et temporelle du tissu urbain et qui rend compte, par l’outil du dessin des changements opérés sur chacun des éléments le composant de manière à saisir les dates clés de leur évolution, de souligner des questionnements relatifs à des facteurs sociaux, économiques, mais aussi de mobilité, et de comprendre l’impact de chaque couche -ou celle ayant le plus d’impact-, sur la manière dont le tissu urbain se présente.

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VI- LE BOULEVARD AUJOURD’HUI

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Avant d’aborder cette partie du mémoire, il est à porter à l’attention du lecteur que le travail d’analyse ne portera pas sur l’ensemble du boulevard Mohammed V. Il portera en l’occurrence sur le tronçon allant de la place des Nations Unies à l’intersection du boulevard Mohammed V avec celui de la résistance. En d’autres termes, la partie du boulevard Mohammed V allant de ce dernier point à la place faisant face à la gare de Casablanca-Voyageurs ne sera pas traité. Ce choix relève de la différence des problématiques spatiales et architecturales que posent ces deux tronçons, et qui sont d’autant plus importantes et pertinentes au niveau du tronçon qu’il a été décidé de traiter.

Fig. 49 : Définition du tronçon concerné par l’étude. En rouge, le tronçon à l’étude, et en gris, le tronçon non étudié

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1-UNE RETROSPECTIVE DU BOULEVARD Il faut dire que, spatialement, malgré l’avènement du tramway, le boulevard Mohammed V n’a pas tellement changé : ses lieux et ses bâtiments sont toujours reconnaissables, et définissent aujourd’hui encore, des points de repères. A ce titre, ce chapitre se positionne comme une rétrospective du boulevard, tentant de cerner son évolution par le biais d’un comparatif entre des photographies d’époque et d’autres actuelles.

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2- UN CATALOGUE DE VARIÉTÉS ARCHITECTURALES Ce chapitre constitue une promenade dans le boulevard, en quête des détails d’architecture composant les façades de ses bâtiments. Il ne s’agit nullement d’en décortiquer tous les éléments dans une approche académique alliant description et analyse architecturale. Il est plutôt question d’inviter le lecteur-promeneur à lever les yeux vers le ciel, de zoomer sur les façades et d’en saisir les détails qui les façonnent et qui ne sont pas toujours perceptible du premier coup d’œil. Enfin, il s’agit de surligner la richesse architecturale du boulevard de la gare et du génie créatif des architectes du siècle précèdent, qui se sont exercés à Casablanca à allier fonctionnalité, esthétique et formes épurées… Depuis la place des Nations Unies, en tournant dos à la Medina, l’entrée vers le boulevard se présente comme une large ouverture, suivie d’un renvoi vers la gauche, non sans une certaine forme qui rappelle les entrées en chicane des maisons traditionnelles à cour intérieure. Ce n’est qu’après ce détour que le boulevard Mohammed V se présente sous toute sa linéarité.

Fig.66 : Début du boulevard Mohammed V depuis la place des Nations-Unies

2-1- L’immeuble Art-Déco Généralités

Le premier immeuble remarquable à se dresser devant le promeneur est l’immeuble El Glaoui. Sa monumentalité réside dans le traitement de l’angle, en pan coupé formant une encoignure, non sans une certaine asymétrie, qui peut échapper au premier abord à un œil non aiguisé. A cela s’ajoute le traitement de la galerie du dernier étage en moucharabiehs, soutenues par d’épaisses colonnades en marbre regroupant le second et le troisième étage de l’immeuble. Fig. 67 : Edifié en 1927, et œuvre des architectes Marius Boyer et Jean Balois, El Galoui s’impose véritablement comme l’un des immeubles les plus emblématiques du boulevard.

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Fig. 68 : Détail de la galerie du dernier étage.

Son imposition sur le boulevard est d’autant plus accentuée par le traitement des entrées d’immeubles et du passage qu’il abrite, marqué par une élévation par rapport au reste de l’édifice et un couronnement très prononcé, aussi bien par leur proportion que par leur matérialité. Comme pour le reste des immeubles du boulevard, les façades présentent deux niveaux de lectures possibles, horizontales et verticales, qu’il est important de cerner. Horizontalement, les éléments d’architecture composant la façade diffèrent selon les niveaux. Ils varient selon le type d’ouvertures, la taille des baies, les balcons, les porte-à-faux…etc. Verticalement, les variations horizontales sont ponctuées par le rythme régulier des travées verticales et des mises en avant ou en retrait des volumes, dont le jeu renforce le caractère symétrique du bâtiment. La quasi-totalité des immeubles du boulevard Mohammed V répondent à la même écriture architecturale, celle du style Art-Déco108. Ce dernier se caractérise par une géométrie simple, symétrique et des lignes épurées. L’Art-Déco prône un retour à l’ordre « classique ». Il s’inspire de la régularité du constructivisme109 et du mouvement Bauhaus110, sans toutefois en emprunter leurs masses imposantes et leur austérité. Nonobstant, l’Art-Déco n’exclut pas les éléments de décor, où contrairement à l’Art Nouveau111 duquel il s’inspire pour les motifs- et à l’architecture classique, ne jouent plus aucun rôle structural et deviennent des éléments purement décoratifs, toutefois stylisés et qui se veulent loin de toute opulence. 108

Abréviation d’« Arts décoratifs », tirant son nom de l'Exposition Internationale des Arts Décoratifs et Industriels Modernes de Paris (1925), l’Art-Déco puise ses origines dans les années 10. Ce courant d’architecture prend diverses formes selon les régions mais se base cependant sur les mêmes principes fondateurs. Ses caractéristiques seront présentées plus en détail au fil de la lecture. 109 Le constructivisme est un mouvement des Arts et de l’Architecture, développé pendant les années 20 en Union Soviétique. Ce dernier prône des formes purement abstraites, cubistes et tridimensionnelles, où les structures apparentes façonnent souvent la forme des œuvres complétement dénudées d’ornements. Bien que les années 30 aient marqué la fin de ce courant, il a nonobstant fortement marqué les réalisations architecturales lui ayant succédées. 110 Le Bahaus désigne par extension, un mouvement ayant fortement impacté le champ de l’architecture et du design et dont les figures emblématiques sont entre autres, Walter Gropius et Mies Van de Rohe entres autres. Né en 1919, le mouvement prône l’union des Arts et des Techniques, dans ce qui ressemble au mouvement Arts&Crafts en Amérique. Encore d’influence aujourd’hui dans le monde de l’Art et du Design, le Bahaus est souvent considéré comme étant à l’origine du modernisme. 111 L’Art Nouveau constitue un tournant important de l’histoire des Arts et de l’Architecture. En architecture, les bâtiments sont perçus comme des œuvres d’art total : les motifs décoratifs sont fortement présents optant pour des formes abstraites et stylisées, puisant leur inspiration de la nature. Le travail des ornements touche aussi bien aux mosaïques, au verre, à la pierre, au bois, et aux ferronneries, forte caractéristique du courant. L’Art Nouveau connaît un essor sans pareil avec des figures comme Victor Horta, Henry Van de Velde, Paul Hankar et Antonio Gaudi entre autres.

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Au niveau du boulevard Mohammed V, tous les bâtiments sont de type immeuble sur colonnes, et les rez-de-chaussée en arcade (Cf. fig.69) constituent un espace de promenade accueillant les commerces et les terrasses des cafés. Les années 20 à Casablanca marquent l’apparition des premiers passages couverts. Considérés comme des lieux de promenade privilégiés, ces derniers marquent fortement l’Europe du 19ème siècle, où elles se présentent Fig.69 : Vue au niveau des arcades sous forme de galeries couvertes, où se côtoient galeries d’art, commerces divers et cafés. Les passages forment des liaisons entre deux rues, généralement celles du centre-ville fort animé, en créant ainsi des raccourcis. Malgré leur déclin en Europe vers la fin du 19ème siècle au profit des grands magasins qui font alors leur apparition, les passages sont très en vogue à Casablanca. Cela est sûrement dû au fait qu’ils répondent parfaitement au contexte marocain, rappelant l’allure des kissariats112. Ainsi, rien que sur la première partie113 du boulevard Mohammed V, existent quatre passages (Cf. fig.70).

Fig. 70-71 : Situation des passages au sein du boulevard Mohammed V

1) Passage Glaoui, Immeuble El Glaoui. 2) Passage du Grand Socco, Immeuble du Grand bon marché. 3) Passage Sumica, Immeuble du Grand bon marché. 4) Passage La Fraternelle

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Issu du dialecte marocain, pluriel de Kissaria. Ce terme désigne les galeries marchandes couvertes et fortement animées. Ces dernières se rapprochent fortement des ruelles couvertes des souks et médinas traditionnelles (à l’instar de celle de Rabat), mais avec des allures plus modernes. 113 En référence ici au tronçon allant du début du boulevard, place des Nations-Unies, au point d’intersection du boulevard Mohammed V avec celui de Hassan Seghir.

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Fig.73 :

Fig.72 :

Le premier est le passage Glaoui, en référence au nom de l’immeuble qui l’abrite. Il permet la liaison entre le boulevard Mohammed V et la rue Allal Ben Abdellah. Le plafond du passage est rythmé par un jeu de formes, tantôt des lignes courbes ornementés de motifs géométriques et percés de puits de lumière, tantôt des rotondes où la lumière pénètre de sa base de manière prismatique. A quelques mètres plus en avant se tient le passage du Grand Socco, abrité par l’immeuble du Grand bon marché, œuvre des architectes Auguste Cadet, Edmond Brion et Marcel Desmet, construit en 1932. Le passage assure la liaison entre le boulevard et la place du 16 novembre. Il constitue une entité unique avec le passage Sumica, qui débouche quant à lui sur l’avenue Houmane El Fetouaki. Ces deux derniers adoptent un langage architectural plus moderne en comparaison avec le passage Glaoui : Les murs sont entièrement marbrés, le style est Art-Déco et la lumière pénètre de manière généreuse par le biais de la verrière longeant ses plafonds.

Fig.74 :

Fig.75 :

Fig.76:

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Un peu plus loin sur le boulevard, se situe le passage La Fraternelle, dont les lettres restées accrochées à son mur d’entrée du côté du boulevard, n’auraient sans doute jamais laissé deviner son nom à un non-arabophone. (Cf. fig.77) Le passage assure la liaison entre le boulevard Mohammed V et la rue Mohammed Diouri, et se différencie des trois exemples précédant par le fait qu’il ne prenne pas l’apparence d’une galerie couverte. Il s’affiche davantage comme une cour intérieure, autour de laquelle s’articule huit immeubles. Cette dernière est remarquable par ses proportions et son aspect circulaire, qui en fait presque oublier le volume imposant des bâtiments qui l’entourent. Ces derniers abritent au rez-de-chaussée plusieurs commerces.

Fig.78 : Le passage, faisant office de cour intérieure. Fig.79 : Entée du passage

Fig. 77 : Un passage dont le nom est pour le moins, difficile à saisir…

En plus des passages, le boulevard accueille également des galeries commerciales. Ces dernières sont différentes des passages, dans le sens où elles se présentent davantage comme des espaces couverts situés en intérieur d’îlot et débouchant sur un cul-de-sac, comportant quelques magasins et desservant les entrées d’immeubles. Des puits de lumière assurent l’éclairage naturel des galeries. Cela dit, ces dernières sont toutefois sans grand intérêt architectural.

Les façades Les façades des immeubles Art-Déco obéissent toutes au même dessin : Les sous-bassement surlignent la hauteur monumentale du rez-de-chaussée en marquant le début des étages. Comme il a été mentionné précédemment, les niveaux ne se sont pas répétitifs et se distinguent les uns des autres par la disposition et la taille des éléments d’architecture les composant. Le dernier niveau laisse le plus souvent place à des loggias. Ces dernières se présentent sous forme de galeries couvertes, d’espace ouvert vers l’extérieur, munis d’un garde-corps unique et de murs clôturant l’espace sur les côtés. Elles sont soit intégrées au volume du bâtiment (Comme le présente le cas de l’immeuble El Glaoui, voir supra.), en porte à faux (cf. fig.81) ou en encorbellement, soutenues par une structure (cf. fig.82). 81


Fig. 81 :

Fig. 80 : Fig. 82 :

Autre particularité des façades du boulevard sont les balcons. Ils se présentent sous formes diverses : en oriel, intégrés au volume de la façade, en surplomb sur la façade, en enfilade… Il est à noter qu’au sein d’une même façade, les balcons peuvent adopter plusieurs formes qui varient selon les différents niveaux composant l’immeuble. Fig. 83 : Fig. 84 : Les balcons prennent des formes différentes en fonction des niveaux. Ci-contre une image de la façade de l’immeuble situé au n°40 du boulevard : Au premier niveau, le balcon est filant, composé d’un seul garde-corps qui longe la façade sur toute sa largeur. Aux niveaux suivants, les balcons se présentent sous forme de garde-corps plaqué au volume des oriels. Au quatrième niveau, le volume de la façade est légèrement en retrait. L’espace vide qui en résulte désigne la largeur du balcon dont le garde-corps bâti constitue la prolongation des oriels.

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Autre caractéristique des immeubles Art-Déco est le rejet des angles. Ces derniers sont soit coupés (Cf. fig.86), soit arrondis formant une encoignure (Cf. fig.87). Ainsi, les balcons en angle sont très présents sur le boulevard, mais aussi dans les anciens quartiers du centre-ville de Casablanca.

Fig.85 : L’angle de l’immeuble situé au croisement du boulevard et de la rue Mokhtar Soussi est en pan coupé. On note également la présence de lignes courbes, conférant plus de légèreté au traitement de la façade.

Fig87 : Immeuble au n°95 L’angle de l’immeuble est ici arrondi. Le geste en est presque imperceptible et confère une légèreté à la masse, malgré son couronnement très prononcé.

Fig.86 : Immeuble de la Société Générale Dans son implantation sur la rue, l’angle de la façade est en pan coupé. La linéarité du pan est clairement ressentie par rapport à la figure précédente où le traitement de la façade est beaucoup moins rigoureux.

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2-2- Une intégration au contexte spatial : Le néo-marocain Le boulevard se présente comme un laboratoire d’architecture à ciel ouvert, où les architectes s’exercent à essayer de nouvelles techniques et à montrer l’étendue de leur savoir-faire en prenant des paris de plus en plus ambitieux. L’heure est à l’innovation ; et bien que l’Art-Déco soit un courant contemporain ayant tout juste émergé, les architectes n’ont cessé d’essayer de l’intégrer au contexte Marocain en y incorporant des éléments de l’architecture néo-mauresque. Ainsi, on voit apparaître sur certains bâtiments, -surtout sur les bâtiments publics, à l’image de la poste de la bourse, ou encore du marché central- des azuléjos/zelliges114, l’emploi de tuiles vertes, de motifs et ornements inspirés de l’architecture traditionnelle marocaine qui empruntent leur forme aux baies et autres ouvertures sur les façades, l’emploi de pierre sculptée, l’utilisation d’arcs outrepassés…etc. On parle ici véritablement d’incorporation, dans le sens où formes marocaines se mêlent aux formes d’origine Européennes, formant un tout homogène. Toujours dans le pluralisme décoratif qu’offre les façades ; certains architectes et historiens de l’art tendent à penser que cette architecture « marocaine » qui se voulait innovante, à contrario ne serait pas le résultat d’une hybridation d’une architecture Européenne et Marocaine, mais que cette dernière serait plutôt à la source d’un courant novateur de l’époque, celui de l’Art-Déco.

« L'évolution de l'architecture nouvelle peut se résumer de la façon suivante : au début pastiche d’art musulman, grands murs blancs avec des motifs soi-disant arabes, du faux marocain. […] Cependant le Marechal Lyautey établit les « plans de ville », s’entoure d'une pléiade d'architectes, et gratifie le Maroc d’un ensemble de bâtiments publics où de véritables artistes ont pu affirmer leur talent. L’exemple est suivi, on crée un style nouveau, adapté au milieu qui se libère peu à peu des formes arabes pour arriver à des formes très simples, originales et fort séduisantes. La naissance d'une architecture nouvelle au Maroc a sensiblement précédé un mouvement analogue qui s'est manifesté en France en 1925 à l'Exposition des Arts Décoratifs. »115

Fig.88 : Emploi de zellige pour l’ornement des colonnes des arcades.

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Morceaux de carreaux de faïence, dont l’assemblage forme une mosaïque. Ces derniers sont caractéristiques à l’architecture mauresque et sont employés pour l’ornementation des murs, des colonnes ou de fontaines. 115 Henri Descamps, 1930, dans : COHEN Jean Louis, ELEB Monique., Casablanca : Mythes et figures d’une aventure urbaine [1998], Editions Hazan, Paris, 2019 « édition revue et augmentée », pp.149.

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Fig.89 : Immeuble de l’office Maroc Soir et Matin du Sahara. L’architecture est néo-mauresque. On note l’emploi de tuiles vertes, aussi bien sur les auvents que sur le couronnement de la façade en coin. On remarque aussi l’ornement de la façade en stuc traditionnel de couleur jaune, que l’on retrouve également au niveau de l’entablement.

Fig.90 : Immeuble El Glaoui Fig.91 & 92 : Immeuble Maret Ici, deux parfaits exemples de l’intégration de l’architecture néo-mauresque à des édifices ArtDéco par l’ajout d’azuléjos. Cette dernière est d’autant plus accentuée qu’elle se manifeste sur les couronnements de façade. Autre remarque qu’il est important de noter est la prise en compte des questions climatiques dans le dessin de la façade, notamment par la présence d’auvent constituant des protections solaires (recouverts de tuiles vertes sur l’immeuble Maret).

Fig.93: Marché central La construction rappelle celle du quartier des Habbous où les formes et le vocabulaire appartiennent à l’architecture islamique.

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Fig.94 : Immeuble de la Société Générale (1919) -Ensemble de figures constituant des zooms sur les éléments d’architectures néomauresques composant les façades du bâtiments (Moucharabiehs, tuiles, arcs outrepassés, travail de stucs…)

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2-3-Les éléments de décor Les façades du boulevard constituent une véritable vitrine, où s’exhibent le savoir-faire des architectes et des maitres artisans qui les assistent dans leur tâche. Il suffit de lever les yeux l’espace d’un instant, pour se rendre compte de la richesse des ornements des façades du boulevard. Même en regardant du pied d’un immeuble, ces dernières sont perceptibles au niveau des sous-faces des dalles des balcons.

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De gauche à droite et de haut en bas : Fig. 95 : Immeuble au n°58 Fig. 96 : Immeuble du Grand Bon Marché : Les dessous des balcons sont ornés d’un motif de figures géométriques qui en devient presque un patron pour le bâtiment. Fig. 97 : Ibid. On remarque une couronne en plâtre qui trône sur l’entablement de la façade Fig. 98 : Le dessin de la sous-face du couronnement est simple et reprend des sphères insérées dans des géométries carrées. Ces dernières soulignent la présence des tuiles vertes du dessus. Fig. 99 : La console de l’immeuble Vaccum Oil est très élaborée, avec ses représentations inspirées du végétal. Fig. 100 : Immeuble au n°47

En effet, le travail des artisans est fortement présent, que ce soit au niveau ferronneries, du travail des plâtres et différents stucs ornant les façades, des sculptures, des morceaux de faïences…etc. On distingue ainsi deux types d’ornements : D’une part, les ornements appartenant à un langage architectural « Européen », reprenant un vocabulaire néo-classique, et dont les formes du décor prennent différentes inspirations. Ce style architectural s’apparente à celui de l’éclectisme116. La flore est y fortement présente, affirmant un rapprochement à l’art-nouveau mais qui est toutefois plus épuré au niveau des formes. Un véritable catalogue d’ornements est apparent sur les façades, où l’on distingue des frises et des guirlandes de fleurs et de feuilles, des fleurs en bouton, des grappes de fruits stylisés, des pommes de pins…etc. On retrouve également une série de sculptures inspirées d’objets divers (corbeilles de fruits, pots, coquillages…etc.).

De gauche à droite et de haut en bas : Fig. 101 : Immeuble au n°58 Pot agrémenté de fleurs en boutons, posé sur une tablette et niché au sein d’une voute en plein cintre. Des éléments floraux viennent aussi se positionner en dessous de la tablette Fig. 102 : Immeuble Maret Décor en pleur ornant le bord des ouvertures. Fig. 103 : Ibid. Fig. 104 : Immeuble Gallinari Les motifs floraux ornent les linteaux des fenêtres ainsi que les consoles des balcons. Fig. 105 : Immeuble Maret Deux énormes consoles ornées de pommes de pin constituent le prolongement de la façade. Fig. 106 : Immeuble Vacuum Oil : Pot orné sur une balustrade de balcon. Fig. 107 : Immeuble de la Compagnie Générale Transatlantique. Le décor ici est assez spécial. Contrairement au cas de figures précédents qui reprennent des éléments floraux, ce cas de figure s’inspire du monde maritime avec des coquillages ornant la console et un encore à son pied. Fig. 108 : Ibid. Détail de la console. Fig. 109 : Pied de console orné d’un bouquet de fruits. Immeuble Vacuum Oil.

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En architecture, l’éclectisme désigne une tendance qui se situe vers la fin du 19ème siècle et début du 20ème, visant à mêler des éléments de différents styles architecturaux au sein d’un même édifice.

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Outre la flore, le décor emprunte également ses motifs à la faune ou à des figures anthropomorphes, inspirées de la mythologies grecque.

Fig. 110 : Immeuble Gallinari (n°95) Centré sur le fronton semi-circulaire orné de fruits, de feuilles et de roses, la figure de Dionysos, reconnaissable par sa couronne de vignes et l’arrangement des feuilles aux allures du thyrse. Fig. 111 : Rue Allal Ben Abdellah, perpendiculaire au boulevard Mohammed V Masque humain couronnant la porte d’un immeuble. Fig. 112 : Immeuble aux numéros 67-73 On distingue tout le long de la façade, ornant les consoles de balcons, des figures pouvant être associées à celle du dieu Pan ou encore à celle d’un satyre. Une frise de grappes et de feuilles de vignes longe le dessous des balcons.

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D’autre part, on retrouve des ornements issus de l’architecture traditionnelle marocaine dite « mauresque ». Ces derniers se basent sur le travail des géométries et des motifs, que l’on retrouve sur les stucs des façades, les entablements, les fenêtres, les zelliges, et les moucharabiehs entre autres…

Fig. 113 :

Fig. 114 :

Fig. 115 :

Fig. 116 :

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2-4- Les ferronneries Bien que l’Art-Déco prône se détacher de l’ornementation, jugée trop opulente vis-à-vis de l’Art nouveau auquel il s’oppose, elle a néanmoins toute son importance dans l’art-déco, où elle se manifeste surtout par les ferronneries qui requièrent une attention particulière. Ces dernières ne jouent pas de rôle structurel : elles constituent plutôt des éléments décoratifs venant souligner la composition de la façade. Elles sont apparentes au niveau des garde-corps des balcons, des portes d’entrée, des grilles, des impostes et des cages d’ascenseurs entre autres… Les lignes sont légères, les géométries simples, et la spirale est fortement présente, caractéristique de ce style.

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Lecture en colonnes, de haut en bas et de gauche à droite. Fig. 117 : Immeuble Gallinari (n°95) Fig. 118 : Porte d’immeuble au n°63 Fig. 119 : Ibid. détail de l’imposte Fig. 120 : Grilles en ferronneries des fenêtres de l’immeuble de la Société Générale. Fig. 121 : Détails des ferronneries au niveau d’un des balcons de l’immeuble Maret Fig. 122 : Ibid. Fig. 123 : Ibid. Les motifs décoratifs se prolongent en courbes, en épousant la forme du mur. Fig. 124 : Immeuble du Grand Bon Marché Fig. 125 : Immeuble n°204 Fig. 126 : Immeuble Maret

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Fig. 127 : Immeuble Ferrara Fig. 128 : Immeuble au n°103 Fig. 129 : Immeuble au n°115 Fig. 130 : Immeuble au n°73 Fig. 131 : Porte d’entrée d’un ilot d’immeuble. Les ornementations font partie intégrante de la porte. Cette dernière se présente comme une seule et unique pièce. Il n y’a pas d’autre matérialité qui rentre en jeu à l’exemple du verre, comme c’est le cas pour les autres exemples.

On remarquera dans plusieurs exemples que les portes ne disposent plus de leur plaque de verre qui viennent se positionner à leur dos. Laissées ainsi, les portes ne résument plus qu’aux motifs de leurs ferronneries, par lesquels les vues se prolongent vers l’intérieur des bâtiments : on en oublie presque la limite entre l’espace public et l’espace privé. Etant donné le fait que les entrées d’immeubles soient protégées par le plafond des arcades, et compte tenu de la douceur du climat Casablancais par rapport au climat Parisien, les entrées d’immeuble en sont moins exposées aux intempéries. Dès lors, elles deviennent de véritables portes en ferronneries où ces dernières ne se contentent plus de leur rôle ornemental, mais participent au dessin de l’entrée. 94


2-5- Les intérieurs d’immeubles

Immeuble Maret au n°208 : Fig. 132 : Mezzanine du hall d’entrée Fig. 133 : Volée de marche menant aux étages. On remarque la variété des revêtements et des matérialités utilisées (fer forgé, bois, marbres, carreaux). Fig. 134 : Cage d’ascenseur Fig. 135 : Hall d’entrée, mosaïque d’azuléjos. Fig. 136 : Intégration de carrés colorés pour ornementer les marbres. Immeuble El-Glaoui Fig. 137 : Cage d’ascenseur Fig. 138 : Photographie en contreplongée des différents paliers depuis la cage d’ascenseur

Fig. 139 : Le même catalogue de matériau est en vigueur : les revêtements sont en marbres et les mains courantes en fer forgé. Fig. 140 : Entrée d’immeuble desservie par le passage Gallinari.

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Si l’architecture du boulevard est majoritairement Art-Déco, elle ne s’arrête pas pour autant aux façades, et s’invite jusqu’aux intérieurs d’immeubles. Passé la porte d’entrée, généralement sculptée en bois de cèdre ou en fer forgé, du même style (Voir Supra.), le hall d’entrée se présente en un large espace, souvent en double hauteur, accueillant ou non, une mezzanine, et qui lui confère une certaine monumentalité. Cette dernière est d’autant renforcée par le jeu de marche instauré par les escaliers, qui en un premier temps, par l’intermédiaire de quelques marches, mènent vers un premier palier, où sont souvent disposées les boites à lettres. S’en suit une seconde volée de marches menant au palier accueillant la cage d’ascenseur, avant de pouvoir emprunter la volée de marches qui mène aux étages. Les cages d’ascenseurs sont en fer forgé et se présentent sous une variété de formes au sein du boulevard. Les grilles et les garde-corps aux différents étages se présentent tantôt sous de formes simples sans prétention aucune ou en simples grillages, tantôt prenant des formes plus élaborées avec des géométries stylisées. Autre élément marquant le hall d’entrée est la noblesse des matériaux utilisés. Le hall est entièrement revêtu de marbre. Ce dernier ne s’arrête pas au niveau du sol mais continue jusqu’au niveau des mains courantes. Les couleurs sont neutres comprenant essentiellement du noir, du blanc, et du beige. D’autre part, existent des immeubles dont les halls ne sont pas toujours aussi prestigieux mais sont tout autant monumentaux par la variété des carreaux utilisés et une palette de couleurs plus large comprenant des teintes plus variées et plus chatoyantes. On notera à titre d’exemple, l’immeuble Maret où une fois avoir franchi la porte d’entrée, une variété de carreaux décore le sol. Le mur quant à lui et décoré de haut en bas d’une mosaïque de carreaux de faïences. (Cf. fig. 135) Les revêtements du hall d’entrée diffèrent de ceux utilisés au niveau des étages. Le revêtement des volées d’escaliers est quant à lui entièrement en marbre.

Fig. 141 : Détail au sol de l’immeuble Maret

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2-6- Outre l’Art-Déco…

Avec toutes les particularités vues précédemment, il est évident que les immeubles du boulevard sont loin de tous avoir la même valeur architecturale. La différence se ressent au niveau du travail des volumes, de la richesse des ornementations et dans leur stylisation, du dessin global de la façade, des éléments techniques de l’immeuble constituant des équipements de pointe pour l’époque (Ascenseur, vide-ordures, coursives, apport de lumière naturelle…etc.). Toutefois, c’est dans cette différence que réside la véritable richesse du boulevard. Pour reprendre les propos de Stéphanie Labadie117 :

« Les immeubles Art déco ne sont pas tous d’égale valeur architecturale mais ils sont si nombreux qu’ils forment un ensemble urbain homogène et impressionnant. Ils montrent à quel point, Casablanca a été une cité nouvelle, moderne, tournée vers l’avenir et construite en quelques décennies seulement ».118

Fig. 142 : Immeuble Maret. Son style et sa façade toute en courbes contraste clairement avec les immeubles adjacents.

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Stéphanie Labadie est journaliste et chroniqueuse ayant travaillé pendant plus de seize ans en collaboration avec France Culture, France Inter, RFI et Arte radio dans la réalisation d’interviews, de chroniques et de reportages de par le monde. 118 Labadie Stéphanie, « Casablanca fleuron de l’Art déco », dans : Rfi, URL : http://voyage.blogs.rfi.fr/article/2013/04/04/casablanca-fleuron-de-l-art-deco.html, 2013.

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Fig. 143 : Immeuble Gallinari Malgré sa sobriété et la simplicité des géométries employées, le bâtiment s’impose par son angle arrondi et son fronton ornementé.

Fig. 144 : Immeuble au n°58. Le promeneur y marque un arrêt pour contempler sa façade plus en détails. Son architecture rappelle l’architecture Vénitienne de la Renaissance.

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Pour résumer, il est évident qu’avec toute la richesse architecturale que le boulevard a à présenter, le style architectural dominant soit l’Art-Déco. Toutefois, d’autres styles se marient à ce dernier au sein du boulevard. Nous avons pu en observer certains dans les exemples cités précédemment. On retrouve entre autres, de l’architecture « néo-mauresque », également appelé « néo-marocain » ou encore « colonial ». Née des directives du Maréchal Lyautey pour une architecture qui se veuille adaptée à son contexte d’insertion, ce style prône un retour au vocabulaire de l’architecture marocaine traditionnelle, toutefois non sans la liberté des architectes qui la façonne selon leur vision, à l’instar de Marius Boyer119. Si les bâtiments administratifs et certains édifices tels que le bâtiment de la poste, celui de la Vigie marocaine ou encore l’immeuble Bessonneau (ex. hôtel Lincoln) prônent fièrement ce style, d’autres bâtiments ne font qu’en emprunter certaines caractéristiques dans un style qui ressemble vraisemblablement à une invention Casablancaise, une architecture qu’on pourrait qualifier d’« artsdéco néo-marocain ». Cela dit, on retrouve face au marché central, en coin, jouxtant le petit Bessonneau120, un immeuble à l’allure particulière. Ce dernier en voulant s’intégrer au tissu du boulevard, constitue une pauvre imitation de son style architecturale. En effet, ce dernier remplace l’immeuble Piot Templier détruit en 2011 auquel il emprunte plusieurs éléments dont la forme du rez-de-chaussée avec ses percées, la forme de ses piliers et de ses ouvertures ovales.

Fig. 145 : Le petit Bessonneau

Fig. 146 : Immeuble Piot Templier Source : https://bensalahmounir.wordpress.com/2011/07/21/lettreouverte-aux-casablancais-l%E2%80%99immeuble-piot-templier/

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Marius Boyer (Marseille 1855- Casablanca 1947) est un architecte de nationalité française. Il a surtout exercé au Maroc, où il réalise une série de bâtiments (immeuble à ilots, bâtiments administratifs, villas…). Son architecture est reconnue pour l’emprunt d’éléments du vocabulaire néo-mauresque, mais aussi pour sa capacité à apporter des solutions novatrices à l’époque. On compte parmi ses réalisations les plus remarquables : l’immeuble Assayag, l’Hôtel d’Anfa, le cinéma Vox (plus grand cinéma d’Afrique du début du XXème siècle), le bâtiment de la Banque du Maroc, et l’immeuble El Glaoui entres autres… 120 Aile secondaire de l’immeuble Bessonneau située à droite du bâtiment et composée de deux étages.

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Fig. 148

Fig. 147-150 : Immeuble remplaçant Piot Templier et zoom sur les éléments architecturaux le composant. Fig. 149 Fig. 150

Si on parle d’emprunt, le mot juste à employer devrait vraisemblablement être « plagiat ». En effet, la nouvelle construction reprend également des éléments du bâtiment voisin à noter : les consoles doubles arrondies des balcons, les doubles colonnettes de sa loggia et les tuiles qui la surplombent. Cela dit, on ne peut pas réellement parler de loggia pour le nouvel immeuble : en plus du fait qu’elle s’étende sur deux niveaux, elle constitue plutôt un auvent encadrant la façade… Hormis la question de plagiat, l’immeuble d’ensemble à une allure contemporaine : volume cubique, murs immaculés de blancs et sans reliefs, et où les éléments d’architecture comme les balcons semblent être des éléments « rajoutées » à la façade. Il est dans ce cas, difficile de parler d’architecture Art-déco ou néo-mauresque, bien que l’inspiration s’en ressente…

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Outre ces trois styles (on considère ici l’assimilation des deux styles Art-déco et néo-mauresque comme un style à part entière), le modernisme se mêle également au boulevard. On notera à titre d’exemple l’immeuble du Crédit du Maroc (ex. Crédit Lyonnais) qui rappelle par son uniformité, The Wainwright Building, conçu par Louis Sullivan.

Fig. 151 : Immeuble du crédit du Maroc Source : Photo personnelle Fig. 152 : The Wainwright Building Source : https://www.flickr.com/photos/brulelaker/41885120942

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3- L’ÉTAT DES LIEUX Si de nombreuses modifications ont été apportées sur le boulevard dans le but de le sauver de la dégradation dont il est sujet, il n’en a pas été épargné pour autant … En effet, avant même le projet de réhabilitation du boulevard Mohammed V et de la mise en marche du tramway, beaucoup s’opposaient au projet, n’étant pas très convaincus que les solutions proposées résoudraient le problème de manière définitive, et qu’il pourrait même à contrario, empirer la situation. En un deuxième temps, les travaux s’étant étalés sur plusieurs années ont entrainé une fermeture provisoire du boulevard, entravant l’accès aux différents commerces et rendant la chaussée inaccessible pour les automobilistes pendant une bonne partie des travaux. A sa réouverture, la chaussée n’offrait plus de stationnement possible, décourageant ainsi les personnes dont la voiture constitue le principal mode de déplacement, de se rendre aux commerces. Par conséquent, les commerçants ont vu leur chiffre d’affaires sensiblement diminuer et plusieurs se sont vu contraints de mettre la clé sous le paillasson. Aujourd’hui, neuf ans après la fin des travaux et la mise en marche du tramway, l’état du boulevard présente plusieurs problèmes, et il ne faut pas plus de quelques minutes sur les lieux pour s’en apercevoir...

3-1- L’état des bâtiments Une dégradation apparente Fig. 152-153 : Nid de pigeon au sein d’un trou du soubassement d’un immeuble.

Fig. 155 : Dans ce cas de figure, l’entablement a perdu les volumes demi-sphériques qui l’ornaient de tout son long.

Fig. 154 : Rouille apparente au niveau du portail d’entrée.

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Fig. 156 : Effondrement partiel de la plaque de marbre faisant office de marche d’entrée.

Fig. 157 : Plusieurs bâtiments abandonnés trônent sur le boulevard. Le présent exemple se situe au niveau du rondpoint Shell

Fig. 158 : Effritement des plâtres des consoles.

Fig. 159 : Ensemble montrant la dégradation des colonnes des immeubles.

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Si les figures présentées au chapitre précédent reflètent la richesse architecturale du boulevard, elles n’en reflètent pas pour autant l’état de dégradation de certains de ses bâtiments. Cette section dresse un constat assez global de l’état de détérioration de ces derniers, sans pour autant s’attarder sur ses causes qui seront abordées de manière détaillée ultérieurement (Cf. page 145). Il faut cependant noter que le degré de dégradation diffère d’un bâtiment à l’autre et qu’ils ne présentent pas la même gravité. De ce qui est visible depuis la chaussée, la dégradation touche principalement les façades, à noter les différents revêtements servant d’ornements ou de revêtements aux colonnes des arcades, les plâtres, et les portes d’entrées121. Cependant, d’autres cas de figure sont nombreux à présenter des cas plus inquiétants de dégradation, où le bâtiment s’effrite au point où la structure en devient apparente. Pour l’ensemble de ces cas, les propriétaires d’immeubles au côté de leur habitants sont tenus comme principaux responsables de leur dégradation.

Etat de dégradation avancée, Immeuble Maret Fig. 160 : Les colonnades au niveau du couronnement de l’immeuble présente un état de dégradation avancée, menaçant l’effondrement du volume supporté. Fig. 161 : Toit- les tuiles vertes qui bordent le bâtiment sont pour la grande majorité cassées, et ordures et mauvaises herbes jonchent les lieux. Fig. 162 : L’effritement du bâtiment est tel que la structure en devient apparente par endroits.

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Note au lecteur : Concernant les portes en ferronneries, la plupart sont dépourvues de leur support en verre et ne reste que le cadre des ouvrants en fonte. De plus, certaines présente des traces de rouilles évidentes, résultant d’un manque d’entretien.

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Une situation pour le peu inquiétante… Non entretenus et sans réelle implication des autorités concernées, les bâtiments ont été pendant longtemps laissés à leur propre sort. Au fil des années, certains se sont effrités. Plusieurs cas ont été relevés. Le plus récent remonte au mois de mars de cette même année où les briques de parement d’un immeuble, situé au début de la rue Azilal rencontrant le boulevard Mohammed V au niveau du rondpoint Shell122, se sont écroulées au beau milieu de la nuit. L’incident n’a heureusement fait aucune victime, cependant, les dégâts auraient pu être beaucoup plus graves.

Fig. 163 : Effondrement du 08 mars 2021

Fig. 164

Fig. 165

Il ne s’agit pas là du premier incident de ce genre. Ces derniers sont souvent le résultat d’un manque d’entretien évident, qui en plus de grandement dégrader les bâtiments, fait courir d’énormes risques à leur habitant et aux usages de l’espace public. Si ce genre d’incidents est de gravité relativement « minime », d’autres incidents ont des récupérations beaucoup plus considérables et à plus grande échelle. Je fais ici allusion au cas de l’immeuble Bessoneau, plus connu sous l’appellation de l’hôtel Lincoln. Construit en 1917 par Hubert Bride face au marché central, il constitue avec ce dernier l’un des plus anciens bâtiments de la ville nouvelle. Abandonné depuis plus de 25ans et n’ayant fait l’objet d’aucune rénovation, le bâtiment s’effrite chaque année un peu plus. En effet, au fil des ans, le bâtiment s’est effondré à plusieurs reprises : Une première fois en 1989 qui a entraîné son évacuation et fait deux morts. Il s’en est suivi un second effondrement en 2004 qui a entraîné une autre victime. Mais la chute du Bessonneau ne s’est malheureusement pas arrêté à ce point. En 2015, c’est tout le troisième étage qui s’effondre, faisant cette fois-ci un mort et deux blessés, tous des sans-abris qui squattaient le bâtiment. 122

Son appellation lui vient de l’immeuble Shell de Marius Boyer donnant sur le rond-point en question.

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Le dernier incident en date remonte au mois de décembre 2020, où suite à de fortes intempéries, une autre partie de la façade s’est écroulée, entrainant la chute des échafaudages maintenant le bâtiment depuis plus dix ans. Les débris se sont renversés sur la voie du tramway et ont entrainés de fortes perturbations au niveau de la circulation de la ligne T1. La situation s’est avérée très problématique, surtout pour une métropole comme Casablanca où la question de la mobilité constitue un point noir et qui ne dispose à l’heure actuelle que de deux lignes de tram fonctionnelles et pour le moins fortement empruntées. Compte tenu de la cadence des trams dans le boulevard Mohammed V, il relève du miracle que ce dernier effondrement n’ait pas engendré de conséquences déplorables, surtout au niveau humain.

Fig. 166 : Effondrement des échafaudages du Bessonneau et arrêt de la circulation du tramway. Source : https://www.leconomiste.com/diap orama/casablanca-risque-deffondrement-de-l-hotel-lincoln

Aujourd’hui, l’immeuble Bessonneau n’est plus que l’ombre de lui-même. Seuls certains parements subsistent tant bien que mal, laissant deviner les bribes d’un passé glorieux, dissimulés derrière des façades d’échafaudages (Cf. fig. 167 et 168). A ce sujet, un travail remarquable a été effectué par Youssef Oueld El Hachemi, étudiant de la faculté d’architecture La Cambre Horta dans le cadre de son mémoire de fin d’études123. Ce dernier constitue une hypothèse de restitution de l’état originel du Bessonneau, appuyée par des recherches sur l’histoire du bâtiment et des recherches sur terrain, combinés aux techniques de photogrammétrie124. Malgré l’annonce de plusieurs plans de sauvegarde pour sa rénovation, dont le dernier retenu est celui du groupe REALITES en collaboration avec le cabinet d’architecture Oualalou et CHOI (Se référer au paragraphe VII, chapitre 2-3), les travaux tardent à démarrer…

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OUELD EL HACHEMI, Youssef, Immeuble Bessonneau à Casablanca : Hypothèse de restitution de l’état originel, (ULB, Faculté d’architecture La Cambre-Horta, Mémoire de fin d’études sous la direction de David Lo Buglio et Denis Derycke, 2015). 124 « Le principe de la photogrammétrie est d’assembler un important volume d’images représentant différents angles de vue, de manière à restituer un nuage de points qui reconstitue le volume de manière fidèle et précise. », URL : https://anabf.org/pierredangle/magazine/revolution-numrique-quels-usages-pour-larchitecture.

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Fig. 167 & 168 : Etat actuel du bâtiment

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3-2- Des marchands ambulants devenus fixes Au fil des années, les marchands ambulants se sont multipliés sur le boulevard Mohammed V. En effet, ils se font de plus en plus nombreux à s’installer sous les arcades, dès l’ouverture des premiers commerces et jusqu’aux premières prémices de la nuit. S’ils se faisaient discrets à leur arrivée, ils imposent aujourd’hui leur présence en occupant une majeure partie de l’espace public, à l’ombre des arcades et protégés des intempéries. Au fil de la journée, les étalages se répandent et présentent des produits hétéroclites, différents d’un marchand à l’autre, qui vont du prêt-à-porter, aux produits de luxe (parfums, fragrances de bois parfumés…), en passant par les produits de beauté, les produits électroniques… et bien d’autres produits de contrefaçon qu’il serait dérisoire de tous les citer. D’autre part, ces marchands dits « ambulants » sont devenus fixes : Chacun connaît son emplacement et les limites de son étalement, qu’il vient reprendre le lendemain, dans ce qui ressemble à un commun accord avec les autres commerçants « ambulants ».

Fig. 169 : Occupation illégale de l’espace public depuis plusieurs années face à l’ancien cinéma Empire. Il n’est plus possible au promeneur d’emprunter ce tronçon de l’arcade, cette dernière étant occupée de tout son large.

De plus, certains ne prennent même plus la peine de nettoyer ou de débarrasser l’espace public en fin de journée : il suffit de tout mettre dans des cartons que l’on empile, que l’on recouvre de planches et qu’on laisse là pour y revenir au matin et tout désemballer de nouveau. Mieux encore, d’autres se servent des anciens boitiers métalliques accrochés aux colonnes des arcades (autrefois le prolongement des vitrines des magasins, s’affichant comme de véritables panneaux publicitaires) comme des étagères personnalisées pour y exposer leurs marchandises au jour, et y la stocker au soir, sécurisant le tout par un cadenas qu’il suffit de réouvrir au matin, comme on ouvrirait la porte de son magasin.

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Ces vendeurs constituent une concurrence illégale et déloyale aux commerçants du boulevard. En effet, ils usent de l’espace face aux magasins pour exposer leurs produits. Défigurant l’image des devantures des magasins, celle de l’espace public et exonérés de toutes taxes quelles qu’elles soient, ils exposent très souvent le même type de produits que ceux proposés par les commerçants auxquels ils font face, au plus grand désarroi de ces derniers. Au-delà de l’illégalité de la pratique, ces étalages constituent une obstruction à l’espace public et entravent grandement le passage le long des arcades.

Fig. 170-171-172 : Obstruction et défiguration de l’espace public

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3-3- Un boulevard pour piétons mais pas que…

Le piétonnier du boulevard se veut un espace de promenade où piétons sont invités à déambuler aussi bien sous l’ombre des arcades qu’à ciel ouvert au côté des cyclistes. Cela dit, la réalité en est autre : plusieurs automobilistes et motos empruntent le tronçon piéton du boulevard. Se promener est devenu un jeu d’esquive auquel se mêlent les piétons à contre-cœur, d’une part entre les voitures, les motocyclistes roulant à vive allure et les vols à l’arrachée ; et d’autre part, entre les marchands ambulants qui occupent l’espace des arcades en le rendant quasi-impraticable par endroits. (Voir supra.) En effet, car bien que le piétonnier permette l’accès aux véhicules prioritaires et utilitaires, il n’y a aucune limite tangible pour limiter l’accès par effraction aux automobilistes ; bien qu’il existe des moyens de le faire, à l’image des poteaux amovibles/rétractables, employés un peu partout dans le monde. Fig. 173 : Véhicule en pleine infraction, empruntant le piétonnier. Aucun panneau, aucun signe, aucune barrière ; seule la différence du traitement au sol laisse deviner le début du piétonnier.

Fig. 174 : Délimitation du piétonnier par un léger rehaussement au niveau des rues perpendiculaires au boulevard.

Pour limiter l’accès depuis les voies perpendiculaires au boulevard, le niveau de ce dernier a été réhaussé. Ainsi, il y’a une marche d’une quinzaine de centimètres de hauteur pour marquer la rupture avec le piétonnier. (Cf. fig. 174) Cela dit, certains automobilistes sans souci de moralité et loin de s’inquiéter pour leur propre voiture, « chevauchent » ces dernières afin d’emprunter la chaussée piétonne comme raccourci. 111


Les incivilités commises par ces derniers (stationnement dans l’espace des arcades, emprunt du piétonnier) ont conduit à la déformation des infrastructures viaires et de certains trottoirs, comme il est constatable sur les figures ci-dessous.

Fig. 175 –176 & 177 : Photos personnelles Déformation des structures viaires résultants des incivilités commises par les automobilistes.

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3-4- Malpropreté, Insalubrité & autres… Outre les problèmes cités précédemment, le boulevard pose également celui de son insalubrité. Entre les trottoirs crasseux, les déchets cumulés en tas, et les odeurs nauséabondes par endroit, le moins que l’on puisse dire d’une promenade en ces lieux est qu’elle soit agréable. Cela est d’autant plus constaté au niveau des arcades d’immeubles abandonnés, spécialement au-delà de la chaussé piétonne ou au niveau des ruelles qui lui sont perpendiculaires ; et qui contrastent fortement avec le reste du boulevard par son aspect crasseux, où certains tronçons se sont transformés en véritables urinoirs à ciel ouvert.

Fig. 178-179-1801-181-182 & 183 : Photos affichant l’insalubrité du boulevard.

Ce constat remet sur la table la question de l’absence des toilettes publiques au sein du paysage urbain. Cette dernière constitue un sujet épineux au niveau de la métropole, qui en est quasi dépourvue. Bien que certaines structures sous-terraines existent du temps du protectorat, elles sont interdites d’accès depuis plusieurs années à cause de leur salubrité résultant d’un manque d’entretien évident.

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Fig. 184-185-186 : Cumul de déchets à différents points du boulevard

Si les figures présentées affichant les cumuls des déchets sur la voie publique peuvent conduire à remettre en question le rôle de l’entreprise en charge de la collecte des ordures ménagères à Casablanca, elle n’en est pas pour autant tenue responsable. En effet, il faut savoir qu’au Maroc, le système de collecte des ordures ménagères est loin de ressembler à celui en Belgique : les déchets ne sont pas triés au niveau des ménages et leur collecte ne se fait pas de manière hebdomadaire mais de manière journalière. Ainsi, au niveau du boulevard, les déchets sont récupérés tous les jours depuis les bacs à ordures qui prônent la chaussée et qui sont utilisés aussi bien par les habitants qui y déversent que par les commerçants et certains restaurateurs et snacks.

La responsabilité du cumul des déchets sur le boulevard Mohammed V (et une fois de plus, ceux de la ville en général) ne relève donc pas des services concernés, mais bien du système de collecte instauré par les pouvoirs publics, auquel s’ajoute le manque d’effort citoyen. De plus, il faut savoir que des techniciens de surfaces sont présents chaque matin à s’adonner à leur tâche (Cf. fig. 187). A en juger l’état du boulevard, il est pourtant difficile d’y croire… Fig. 187 : Présence de technicien de surface un matin de jour de semaine (Photo personnelle)

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La crasse ne s’arrête malheureusement pas au niveau de la rue mais s’invite aussi bien des fois au niveau des passages (Cf. fig. 188). La responsabilité incombe ici à la population et soulève d’autres questions primordiales qui sont celles de l’éducation et de l’absence du sens de la citoyenneté. Un autre sujet épineux…

Fig. 188 : Crasse à l’intérieur du passage du Grand-Socco

La question de la propreté est étroitement liée à celle de la pollution visuelle125. Elle est d’autant plus accentuée par les affiches publicitaires, placardés tout le long des murs et des colonnes du boulevard dans ce qui vraisemblablement, s’apparente à un affichage sauvage ; en plus des tags présents par endroits qui détériorent fortement l’aspect du boulevard.

Fig. 189-190-191 : Quelques aspects de pollution visuelle

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Le terme désigne l’ensemble des dégradations visuelles que peut subir un territoire, impactant son milieu et le cadre de vie.

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3-5- Le mobilier urbain

Fig. 192 : Jardinières taguées et dégradées. Il est important de préciser que ces dernières ne remplissent pas le rôle pour lequel elles ont été conçues étant donné qu’elles n’ont jamais été plantées. Fig. 193 : Appropriation du mobilier urbain.

Bien que le projet de réhabilitation ait prévu l’équipement en mobiliers urbains qui, jusqu’alors étaient complétement absents du boulevard, ces derniers présentent toutefois plusieurs problèmes. En un premier temps, concernant la gestion des déchets, les poubelles prévues restent insuffisantes et très espacées les unes des autres. En un second temps, les assises prévues ne sont ni adaptées aux besoins des riverains, ni à l’architecture du boulevard. En effet, les banc mis en place sont des bancs de type DEA126 : au-delà de leurs dimensions relativement petites, ils se présentent sur le site du fournisseur comme des éléments prenant place au sein d’ensembles comprenant des méridiennes, des chaises, et des fauteuils ; et non comme des pièces de mobilier uniques (d’où leur dimensionnement). De plus, ces derniers correspondent davantage en termes de style aux mobiliers et structures conçues pour le tramway et non à l’image du boulevard dans lequel ils s’implantent. Outre les assises et les poubelles, le projet inclut également la mise en place de jardinières. Il est à noter que ces dernières n’ont à ce jour, jamais été plantées. Quelques temps après leur installation, leur état s’est vite dégradé à la suite d’une utilisation non appropriée (jardinières transformées en poubelle), au vandalisme (déplacement des jardinières, tags…etc.), mais aussi à l’appropriation du mobilier urbain par certains cafés du boulevard (cf. figure 193)

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Banc modèle DEA réalisé par MobilConcepts. La fiche technique du banc est consultable sur : https://metalco.fr/les-collections/dea

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3-6- Jours et nuits : des ambiances contrastées

Fig. 194 : Ambiance au boulevard un jour de semaine à 21heures.

Fig. 195 : Ampoule brulées et/ou cassées (Image prise à 20h30)

Aux dernières lueurs de la journée, le boulevard commence à se désamplifier petit à petit. Selon le constat de nos nombreuses visites sur place127, il n’y a déjà plus qu’une poignée de personnes qui y circulent aux alentours de 21heures. Il faut dire que la question de l’éclairage public fait également défaut au boulevard : Entre les lampes cassées, les ampoules brulées ou inexistantes, des allées entières ne bénéficient pas d’éclairage nocturne qui reste peu performant et n’invitant pas à la promenade. Cela a pour conséquences de contribuer au renforcement du sentiment d’insécurité et l’augmentation de fléaux sociaux tels que les SDFs, l’insalubrité ou la prostitution...etc. A ce sujet, la prostitution est caractéristique des nuits au boulevard Mohammed V. En parallèle que les lieux se désemplissent au soir, on voit apparaître devant les devantures d’immeubles abandonnés, dans les galeries communes à certains immeubles abritant leur entrée et quelques magasins abandonnés, ou à l’ombre des ampoules de lampadaires cassées ; des personnes qui n’étaient jusqu’alors pas présentes sur le boulevard. Au fil des heures, les arcades se remplissent de filles de joie, à faire les cent pas sous les arcades des immeubles en l’attente de clients. Il faut dire que le boulevard Mohammed V est depuis longtemps taché par sa réputation de prostitution de « bon marché », une activité qui tient bon malgré les nombreuses patrouilles des services sécuritaires.

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Les déplacements sur site ont été effectués plusieurs fois à différents jours de la semaine afin d’avoir une image plus proche de la réalité quant aux flux, aux déplacements, et aux comportements des personnes.

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« Le centre-ville historique et ses multiples cafés sont les endroits du business de la chair. A la terrasse des cafés, une clientèle normale vient s’attabler. Pour le reste et à l’étage, ce sont des lieux de marchandage pour des passes (...) les débats se déroulent en majorité dans des appartement à proximité du café. » 128

Fig. 196 : Collage personnel Ambiance nocturne au boulevard ou un nouveau Bousbir.

Fig. 197 : Collage personnel Les galeries communes à des immeubles abandonnés constituent des lieux de débauche.

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MIDECH, Jaouad, « Prostitution : de 15 à 10 000 DH la passe et un système qui profite à beaucoup de gens », dans : La vie éco, URL : https://www.lavieeco.com/societe/prostitution-de-15-a-10-000-dh-la-passe-etun-systeme-qui-profite-a-beaucoup-de-gens-21712/, 2012.

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3-7- Le marché central Le marché central est l’un des éléments du boulevard n’ayant pas changé en ayant gardé sa forme et son plan d’origine. De plus, une série de travaux ont été entrepris afin de le réhabiliter.

« Dans le cadre de la réhabilitation du marché central, en accord avec le conseil municipal, plusieurs opérations ont été menées. Elles touchent principalement à la mise d’enduits, à la mise en place du réseau d’eau potable, à la gestion des eaux usées et la mise en place de l’azuléjos (…) Des hottes d’aération ont également été mises en place pour les trente petites restaurations et cafés que comptent aujourd’hui le marché central. Il n’y aura toutefois pas de changements majeurs de manière à ce que le marché central de 2021 soit identique à celui des années 10. » Abdellah Akkouri, Président de l’association des commerçants du Marché Central Les travaux s’inscrivent dans le cadre du projet de Réhabilitation et Valorisation du Marché Central, visant à l’amélioration du quartier Art-Déco, lancé par la commune de Casablanca et la société Casa Aménagement pour un budget de 15millions de Dirhams. Les travaux ayant été entamés il y’a plus d’un an, sont toujours en cours à ce jour. Il est à porter à l’attention du lecteur que le projet prévoyait initialement, en plus des travaux de réhabilitation, la requalification du marché central en lieu de restauration gastronomique. Ce dernier a été annulé suite aux nombreuses réclamations des commerçants du marché, mais aussi suite à plusieurs avis négatifs apparus en masse sur les réseaux sociaux. Le projet a d’ailleurs changé d’intitulé sur le site de Casa Aménagement en passant de «la création d’un marché gastronomique répondant aux normes internationales, dans le cadre de la requalification et la mise en valeur du quartier art déco de Casablanca » à la « Réhabilitation et Valorisation du Marché Central »129. Le marché central accueille actuellement plusieurs commerces, proposant différents produits de consommation (fruits & légumes, épices, noix, miel, boucheries, fleurs, marché à poissons, maroquinerie…etc.) et une trentaine de cafés et d’échoppes proposant de la petite restauration sur place sur base des produits du marché et selon l’envie du client. Cela dit, les teneurs de ces échoppes ne sont pas qualifiés pour cette mission. En effet, ces derniers ne disposent pas de main d’œuvre qualifiée. Outre le rapport à l’hygiène qui laisse à désirer chez la majorité des restaurateurs, ces derniers ne présentent que très peu d’intérêt à l’esthétique de leur échoppe : tables, chaises et stores ne présentent aucune homogénéité et sans égard aucun à l’esthétique. De plus, chaque échoppe propose une devanture différente de celle de son voisin. En se rendant sur place, le manque d’uniformité est frappant. De plus, dès avoir franchi le premier pas sur le marché, les teneurs des échoppes se précipitent en quête de potentiels clients, en interpellant les passants à tout va. En questionnant les personnes 129

Casa Aménagement, Réhabilitation et Valorisation du Marché Central, URL : http://www.casaamenagement.ma/fr/nos-projets/marche-central.

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présentes sur place, tous sont d’accord sur le fait que les restaurateurs, dans leur manière d’aborder les passants, sont très invasifs et rendent l’expérience du marché central peu agréable. D’autre part, la plupart des personnes interrogées relève également le problème de stationnement aux abords du marché, qui reste insuffisant pour la clientèle, qui s’y rend majoritairement en voiture. Cela dit, malgré l’ensemble des problèmes relevés, le marché central constitue le principal centre d’activité du boulevard Mohammed V et un de ses lieux les plus emblématiques qui continue de susciter un certain intérêt auprès des Casablancais, étant donné qu’il s’agit de l’un des tous premiers marchés de l’époque coloniale, toujours en activité aujourd’hui. Un arrêt de tramway dessert le marché central, dont la station porte le même nom.

Fig. 198 : Devanture du marché central (Photo personnelle)

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4- ENQUÊTE ET TÉMOIGNAGES Ce chapitre met la lumière sur la perception des personnes interrogées vis-à-vis du boulevard Mohammed V. Les réponses et les prises de paroles récoltées se présentent sous deux formes distinctes, qui varient selon le profil des personnes interrogées et l’intention recherchée derrière les questions qui leurs ont été posées. D’une part, une première partie se présente sous forme de témoignages. Ces derniers sont, entre autres, ceux des personnes vues précédemment à la section 6 du chapitre II qui ont connu le boulevard du temps de son ancienne appellation, ou l’ont fréquenté à leur plus jeune âge. Le présent travail se voulant une lecture de l’évolution du boulevard au fil du temps, les réponses rapportées cette fois-ci pointent essentiellement l’avis des personnes par rapport à sa situation actuelle, tout en essayant de tracer des parallèles avec son passé. Toutefois, il faut noter que ces témoignages, étant des récits de vécus personnels, sont souvent loin de l’objectivité, et présentent un grain de nostalgie. La seconde approche quant à elle consiste en la réalisation d’une enquête. Cette dernière a été effectuée sous forme d’un questionnaire, repris à l’annexe 4 en fin de ce travail. Le but est de dresser un profil de l'état actuel du boulevard et de ses divers usagers, et de valider des hypothèses quant aux raisons de leur fréquentation. Elle vise entre autres à affirmer des hypothèses quant au délaissement dont le boulevard a été sujet pendant nombreuses années et de questionner l'opinion public quant aux différentes améliorations qui peuvent lui être apportées. En d’autres termes, il s’agit d’évaluer de manière plus concrète -et on ne peut plus objective par la nature des questions- l’état du boulevard et du ressenti de ses usagers.

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4-1- Témoignages Bellamine Abdellatif (Bouquiniste au Marché Central) « L’état du marché central est impeccable, surtout suite à sa réhabilitation…cela dit, on peut bien changer tout ce qui est matériel, il est extrêmement dur de changer les mentalités ! »

Ibrahim, 58ans Marchand de fruits au marché central, local tenu depuis deux générations (reprise en 1983) - « Le boulevard n’a pas tellement changé ! Ce qui a vraiment bousculé les choses en plus du tramway, c’est l’hôtel Lincoln ! Si le problème de l’hôtel est réglé, le boulevard retrouvera alors sa splendeur ! » - « En tant que commerçants, notre plus grand souci c’est le stationnement ! Cela a beaucoup impacté l’activité commerciale. Le parking à l’arrière du marché est insuffisant ! »

Ahmed, 52ans (Directeur d’une société de jardinage) -“L’avènement de nouveaux commerces dans des quartiers comme le Maarif et l’aménagement du nouveau Ain Diab ont constitué de nouveaux centres d’intérêt pour la population qui a commencé à négliger petit à petit le boulevard.” -“Aujourd’hui, il y’a énormément de vols à l’arrachée, de saleté, d’alcooliques et de prostituées. (...) Voir l’état de l’hôtel Lincoln me fond le cœur ! “

Brahim (78 ans) et Rabiaa, (Couple de retraités) - « L’architecture y est magnifique ! Un régal pour les yeux ! » - « Les choses ne sont plus ce qu’elles étaient. Avec l’avènement du tramway et la piétonisation du boulevard, il n’y a plus de places de stationnement…cela a tué toute l’activité commerciale. Plus rien ne s’y fait à part quelques échoppes sans beaucoup d’intérêt… Le boulevard est MORT ! Il faudrait prévoir quelque chose pour le faire renaître de ses cendres. »

Abdelhak (67ans) & Fatma (64ans) (Propriétaires du salon de coiffure Novelty) - « Les tramways ont remplacés les anciens trolley bus. Les arbres ont été retirés…mais je trouve que l’état du boulevard est encore très bien. » - « La mentalité a beaucoup changé ! Mais ça n’a pas touché que le boulevard Mohammed V, c’est tout le Maroc ! L’éducation et les mentalités ne sont plus les mêmes…après tout, il s’agit d’une autre génération. »

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4-2- Résultats du questionnaire Dans l’analyse des résultats qui va suivre, seuls les plus questions les plus pertinentes seront analysées, de manière à tracer des parallèles avec tous les points qui ont été abordés précédemment. Le reste des réponses a toutefois alimenté ce travail, bien que de manière indirecte mais ne sera simplement pas traité en détails ici. Concernant le profil des personnes interrogées, une chose intéressante est à constater : Bien qu’ils constituent un faible échantillon en ne représentant que 5% des personnes interrogées, les étrangers (non Marocains), auxquels se rajoutent les Marocains n’habitant pas Casablanca, ont tous répondu être familiers au boulevard ; tandis que près de 27% des Casablancais affirment n’être que peu familiers, ou pas du tout familiers au boulevard.

Fig. 199

Fig. 200

Concernant la question relative aux moyens de transports préconisés pour se rendre au boulevard, le tramway et la voiture se livrent un coude à coude à la tête des pourcentages, loin derrière les autres moyens tels que la marche, les taxis, les vélos, ou encore le bus qui est le moyen de transport le moins préconisé.

Ces informations peuvent relever deux points essentiels : Tout d’abord, cela souligne le succès de la première ligne du projet tramway, appuyée par nos observations sur terrain où nous avons pu constater fréquentation forte au niveau des rames des trams. D’autre part, ces résultats montrent que malgré l’avènement du tramway, la voiture continue de constituer un moyen de transport privilégié pour beaucoup. Cela nous renvoie également au problème de stationnement abordé précédemment, qui se confirme davantage par les réponses à la question n°10, où 39% des personnes interrogés affirment rencontrer des problèmes de stationnement. 123


Fig. 201

Sur les temps de fréquentation, seul 2.4% des personnes affirment se rendre au boulevard de nuit, contre 18.3% le soir, 35.4% en après-midi, tandis que la majorité à près de 44% s’y rendent en matinée. Plusieurs hypothèses peuvent être tirées de ces résultats.

En un premier temps, nous aborderons la plus grande tranche, celle du matin. En analysant plus en détail le profil des personnes ayant choisis cette réponse-ci, tous s’y rende au matin pour rejoindre leur lieu de travail ou d’étude130, ou pour se promener.

D’autre part, le pourcentage des fréquentations au soir et de nuit viennent confirmer les précédents propos quant aux questions de l’ambiance nocturne, du manque d’éclairage public et de la sécurité au sein du boulevard.

Fig. 202

Ces hypothèses sont d’autant plus appuyées par les réponses relatives à la question sécuritaire (Voir ci-contre). De plus, les réponses individuelles qui s’y rapportent s’accordent toutes sur la mal fréquentation du boulevard au soir, comme en témoignent les exemples suivants :

Fig. 203

130

Il faut noter que plusieurs écoles et instituts privés se situent au sein du boulevard Mohammed V. Ces dernières occupent les immeubles du boulevard sur tout un étage.

124


Concernant la question relative au points négatifs du boulevard, liés aux différents aspects de sa dégradation, le diagramme semble parler de lui-même :

Fig. 204

En réponse à la question de savoir ce qui est le plus apprécié au niveau du boulevard, « l’architecture » constitue la plus grande part des réponses avec près de 62% des réponses, derrière 18.3% pour la proximité du boulevard à la Médina, et 17% pour la diversité des commerces et des services. Les résultats peuvent être interprétés en considérant que l’architecture du boulevard suscite beaucoup d’intérêt, d’où l’importance de l’entretien et de la rénovation de certains bâtiments.

Fig. 205

Il faut toutefois garder à l’esprit que le boulevard présente aussi un centre d’intérêt économique et commercial. A ce sujet, la réponse à l’avant-dernière question de l’enquête peut sembler tout à fait sordide : En effet, à la question « Projetez-vous un projet à vocation culturelle au boulevard ? », la majorité des réponses sont négatives.

125


Fig. 206

Ceci pourrait être expliqué par le fait qu’étant donné l’importance du boulevard en tant que lieu de shopping relativement bonmarché, il en presque devenu un Hub commercial. L’image de centre-commercial qui lui est attribuée, lui est donc difficilement dissociable. En d’autres termes, il serait difficile d’envisager un autre type d’équipement au boulevard.

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5- LE POURQUOI DU COMMENT L’état des lieux qui a été dressé sous-entend plusieurs questions, dont celle de savoir quelles sont les causes et principaux facteurs derrière l’image actuelle du boulevard Mohammed V. S’il y’a un constat évident à faire, c’est bien la différence flagrante de la classe sociale fréquentant le boulevard autrefois, et celle qui le fréquente aujourd’hui. Celui qu’on nommait à un temps « le petit Paris », voyait défiler le long de sa chaussée toute la bourgeoisie marocaine, à laquelle se mélangeait la classe moyenne qui s’endimanchait pour pouvoir répondre aux critères de luxe de cette dernière. Aujourd’hui, en plus de commerçants, les personnes qui défilent sur le boulevard sont majoritairement originaires d’une classe sociale populaire. La présence de cette dernière peut se justifier par la proximité du boulevard à l’Ancienne Medina (±300m). Au départ des résidents étrangers du boulevard, à la suite de l’indépendance du Maroc, il a été au tour des Marocains de séjourner sur le lieu qu’ils n’occupaient alors, que de manière épisodique.

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5-1- De la responsabilité des individus dans le dessin du portrait actuel du boulevard Aujourd’hui encore, c’est encore une classe sociale moyenne à pauvre qui occupe les appartements. On peut démarrer de ce point-ci pour expliquer le délabrement des immeubles du boulevard. En effet, les occupants sont majoritairement locataires, ne versant pas de cotisations aux charges au syndic de copropriété de l’immeuble. Les loyers étant faibles, les syndics de copropriété bien souvent absents de la gestion de l’immeuble, et compte tenu des coûts élevés d’entretien et de maintien du bâtiment, les travaux ne peuvent naturellement pas être réalisés. Cela explique le fait que les ascenseurs dans les bâtiments du centre n’aient pas été entretenus et qu’ils soient, par conséquent, hors d’état de marche. Cela expliquerait également le fait que certaines façades du boulevard ne présentent pas d’uniformité au niveau de la peinture : certains bâtiments présentent des couches de peintures différentes où seuls certains étages ou parties d’étage ont été repeints, et non la totalité de la façade (Cf. fig.207 et fig.208) Pour cause, les travaux d’entretien n’étant plus pris en charge par le syndic de copropriété, certains habitants entreprennent les travaux de peinture de leur propre initiative, en peignant le morceau de façade qui correspond à l’appartement qui leur est propre.

Fig. 207 : Fig. 208 :

Une autre constatation relevée lors des visites sur terrain, ne touche pas uniquement le boulevard Mohammed V mais l’ensemble de la métropole Casablancaise. Il s’agit de modifications - apportées une fois de plus par les habitants- qui touchent de manière directe le volume du bâtiment, dans le but de conférer plus d’espace aux logements. Il s’agit par exemple de fermer les balcons pour les intégrer au volume des appartements et ainsi conférer à ces derniers de plus grandes superficies. Si dans certains cas, ces changements s’affichent de manière discrète ; dans d’autres -et qui sont plusieurs- modifient sensiblement l’aspect du bâtiment. Ils donnent naissance entre autres à ce qu’on pourrait qualifier de « bâtiments patchworks ». L’allusion est ici faite aux différentes modifications apportées de manière claire et visible depuis la chaussée, toutes différentes les unes des autres en termes de formes, de matérialités, voir même de

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concept, soulignant l’expression purement individuelle de chaque habitant dont l’ensemble défigure l’aspect originel de la façade, sans -pour le moins qu’on puisse dire- manquer d’originalité… La figure ci-après en représente un exemple clair. Comme il a été mentionné précédemment, ces travaux sont l’œuvre d’initiatives individuelles : En d’autres termes, aucune demande d’autorisation n’a été introduite auprès des services d’urbanisme des communes (pour autant qu’ils en existent) et aucune autorisation n’a été délivrée. Cela soulève le fait de savoir s’il existe à Casablanca, des textes clairs qui réglementent l’aspect des façades ; ou s’il s’agit, dans le cas contraire, d’un outrepassement des lois qui impliquerait par conséquent le manque d’engagement et de supervision des autorités impliquées…

Fig. 209 : Plusieurs éléments détériorent l’aspect extérieur du bâtiment : peinture non uniformisée, contradiction de styles par l’ajout ou transformation de certaines baies, transformation totale du dernier niveau qui prend désormais des allures d’étage. La nature des matériaux à faible attrait esthétique (plaques en polycarbonate, tôle ondulée, brique de parements apparente…) ainsi que la différence dans traitement des volumes ajoutés font tâche au bâtiment.

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5-2- Le rapport au patrimoine Autour de la question du patrimoine… Avant de s’attarder sur le « rapport au patrimoine », il est important de définir d’abord, la notion de patrimoine. Dans le dictionnaire, selon LeRobert131, le patrimoine constitue les « Biens de famille, bien hérités de ses parents ; ce qui est considéré comme une propriété transmise par les ancêtres. Le patrimoine culturel d’un pays: œuvres, monuments, traditions. Entretenir sauvegarder le patrimoine. » En arabe, le patrimoine est désigné par le mot « turâth », qui peut être traduit littéralement par « tradition ». Son appellation englobe une assimilation évidente à la culture, à l’histoire, et aux héritages qui participent à définir clairement les questions de l’identité. Le terme suggèrerait donc la notion de transmission, qui s’instaure dans une continuité dans le temps. Il renfermerait ainsi par défaut, une valeur sentimentale, d’appropriation ou encore, d’appartenance. Cela dit, il est difficile aujourd’hui de cerner la définition du terme, étant donné l’élargissement sémantique que ce dernier connaît, et qui ne se limite plus à la simple transmission de biens matériels en bon père de famille : On aborde aujourd’hui la notion de patrimoine immatériel, une vision beaucoup plus anthropologique que celle qui la limitait auparavant, et qui était jusqu’alors, purement humaniste. Pour revenir à notre sujet, il me semble important de répondre à la question de savoir si l’on peut qualifier le boulevard Mohammed de patrimoine ? Les définitions qui viennent d’être prêtées au terme lui sont difficilement applicables : En d’autres termes, il est compliqué de percevoir le boulevard comme patrimoine ; et ce, pour bien des aspects. En un premier temps, -et de manière beaucoup plus générale- la ville de Casablanca a pendant longtemps été considérée comme une ville sans véritable histoire, une ville moderne, née du ressort de son activité portuaire et des événements qui ont tourné autour de son port. Casablanca a de nombreuses fois été décrite comme « une ville sans culture et sans citadins, ville sans âme, ville d’émeutes à l’occasion, qui s’est faite par l’argent et les métiers de l’industrie […] C’est la capitale économique, où tout passe vite et laisse peu de traces. »132 Cependant, ce genre de propos est à mon sens, diffamatoire… Avec tout ce qui a été présenté au chapitre premier de ce travail, Casablanca est une ville dans les lieux sont chargés d’histoire, et bien que le flou en entoure encore plusieurs pans, il s’agit selon moi, de facettes dissimulées qui reste encore à découvrir. Pour appuyer mes propos, plusieurs fouilles archéologiques ont vu le jour au cours des dernières décennies, et les sites de Casablanca sont aujourd’hui mondialement connus133.

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DRIVAUD Marie-hélène (direction éditoriale), LE ROBERT, [1997], Sejer-Dictionnaires Le Robert, Paris, 2005 « édition revue et augmentée ». 132 CATTEDRA, Raffaele, « Casablanca : la réconciliation patrimoniale comme enjeu de l’identité urbaine » dans : Rives nord-méditerranéennes [En ligne], 16|2003, pp.2. 133 Casablanca a connu au fil des dernières décennies une série importantes de travaux et de fouilles archéologiques. Les recherches ont permis de retrouver plusieurs pièces et fragments d’os datant de plus de

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« Peu de villes au monde peuvent s’enorgueillir de telles racines : oubliée la vision réductrice d’un Casablanca moderne sans passé dont l’origine se perd aujourd’hui bien au-delà de la brume des légendes et nous révèlent quelques moments de la vie quotidienne des premières humanités. » 134 Ainsi, Casablanca, ville qui est pendant longtemps tombée dans l’oubli, est injustement comparée aux des villes impériales comme Rabat, Fès, Marrakech ou Meknès. Par conséquent, la valeur historique de son patrimoine a pendant longtemps été sous-cotée. En un deuxième temps, la perception du boulevard Mohammed V en tant que patrimoine -ou pas- est fortement liée à la sensibilité au patrimoine et au rapport des casablancais à ce dernier. Le boulevard Mohammed V, ex. boulevard de la gare, également désigné par l’expression du « Petit Paris », de « ville moderne », « ville européenne » ou encore « ville coloniale » ; autant d’appellations loin d’être innocentes et en opposition à la « médina », à la « ville indigène », à la « ville réservée aux musulmans » suggérant le sous-classement et l’insalubrité de cette dernière. Ces termes soulignent dès lors, une mise à distance et un détachement voulus et évident. D’ailleurs, ces appellations du boulevard ont pendant longtemps été conservés dans le vocabulaire architectural, où son architecture, plusieurs années après l’indépendance du Maroc est restée qualifiée d’architecture coloniale, un terme encore d’usage par plusieurs personnes135 aujourd’hui. Comme ne manque pas de le souligner Pascal Garret136, on voit remplacer cet attribut au colonialisme pour la première fois dans les écrits, dans la préface de Ahmed Hariri dans l’ouvrage de Jean-Michel Zurfluh137, que je reprends ci-suit : « Aujourd'hui, les préoccupations du futur immédiat ne doivent pas nous détourner de la fragilité et de la dégradation du tissu urbain dans le centre et les médinas de Casablanca. C'est à ce titre qu'il faut entretenir, sauvegarder et rénover les lieux historiques afin d'en perpétuer le sens. » Bien qu’elle soit alors très discrète, la formulation du « centre » remplace celles relatives à la colonisation. L’adjectif « colonial » est volontairement omis : Il s’agit là de « la première formulation explicite de reconnaissance d'un héritage architectural issu de la colonisation à Casablanca138». La reconnaissance d’un héritage… D’un héritage qui n’était pas propre aux marocains et qu’ils ont dû s’approprier. Cela induit la prise en charge d’une mémoire non-marocaine, d’une mémoire de l’autre, une mémoire française sans doute… une mémoire à autrui… 200.00ans qui se sont vus publiées dans la presse scientifique internationale. Les sites les plus emblématiques sont ceux de l’ancienne carrière de Sidi Abderrahmane et le site « Thomas I ». 134 RAYNAL Jean-Paul, SBIHI-ALAOUI Fatima-Zohra, EL-HAJRAOUI Abdeljalil, et COPPENS, Yves (préfacier), « Casablanca, patrimoine multiple, conservatoire unique », dans : MAROC, terre d’origines, ArchéoLogis/CDERAD (éditeur), Goudet, 1999, pp.13. 135 Note au lecteur : Cette désignation est revenue à plusieurs reprises dans nombres d’écrits et a été utilisée à maintes reprises pour qualifier le boulevard Mohammed V, lors des interviews qui m’ont été donné de faire, aussi bien avec des architectes que des personnes sans réelle connaissance architecturale. Chez ces dernières, il y’a un détachement très clair avec l’architecture du boulevard et du mal à cerner ses caractéristiques. 136 GARRET, Pascal, A propos d’identité(s) marocaine(s) et du (faux) paradoxe de la patrimonialisation de l’héritage architectural issu de la colonisation à Casablanca… , Colloque "Fabrication, gestion et pratiques des territoires”, Ecole d’Architecture de Paris-Val de Seine, Nanterre, Décembre 2003, pp.5-6. 137 ZURFLUH Jean-Michel, Casablanca, éditions SODEN, Roubaix, 1985, pp.7. 138 GARRET, Pascal, (ibid.), pp.6.

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Il s’agit là d’un paradoxe dans la définition du patrimoine, car bien qu’il ne constitue pas de réelle contradiction avec son sens premier, celui de l’héritage d’un passé, il n’est plus associé dans le présent cas à la figure paternelle du terme, bien qu’elle ne soit que sous-entendue dans la définition. Ces réflexions nous renverraient donc à un « processus paradoxal de la construction du fait patrimonial »139, expression empruntée à Raffaela Cattedra bien qu’elle ne soit pas utilisée ici au même escient140. Bien que son utilisation ait été élargie et qu’elle est aujourd’hui, souvent présente dans les politiques publiques et les médias en tous genre, il faut savoir que l’emploi du mot « patrimoine » est relativement récent. En effet, le terme a pendant longtemps été absent du vocabulaire « marocain » si on l’on puit ainsi le formuler. A ce sujet, Raffaela Cattedra présente un corpus des éditions du « guide bleu du Maroc », où elle n’oublie pas de souligner l’absence du mot « patrimoine » dans l’ensemble des éditions qu’elle a analysées : « […] dans l’économie de ces textes, il nous faut remarquer l’absence éloquente d’un mot, et pas n’importe lequel : le mot Patrimoine… »141

139

ATTEDRA, Raffaele, « Casablanca : la réconciliation patrimoniale comme enjeu de l’identité urbaine » dans : Rives nord-méditerranéennes [En ligne], 16|2003, pp.3. 140 La référence de l’auteur est ici utilisée à contre sens. L’auteur se reflète à un processus constaté dans les pays du Maghreb, au Maroc en l’occurrence où le paradoxe s’explique par le fait que la France a un certain moment pris en charge la mémoire du Maroc, en préservant la culture locale au maximum, à l’image des tissus traditionnels des Médinas. 141 Ibid., pp.5.

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Un patrimoine colonial…mais aussi marocain Au-delà de la valeur architecturale des bâtiments du boulevard et de sa valeur urbanistique, qui par leurs nombreuses caractéristiques, lui confèreraient le caractère de patrimoine, on en oublie souvent la valeur historique à laquelle il se rattache, en plus de celle de la colonisation, et qui prend beaucoup plus de sens d’un point de vue « marocain ». Le boulevard Mohammed V est aussi un symbole d’une appropriation marocaine, une appellation non innocente d’un boulevard ayant emprunté son nom à celui d’un souverain, d’un roi libérateur et une figure - sans doute la plus emblématique de toutes - de l’indépendance du Maroc et de la libération d’un peuple. Paradoxalement, peu de monde l’entendent de cette oreille… S’en est même anecdotique du point de vue où presque personne ne semble prêter attention à l’appellation actuelle du boulevard ou à sa véritable symbolique, plus qu’elle n’est liée à son passé « colonial ». A ce titre, une seule personne de la totalité des personnes interrogées pour ce travail a abordé le sujet, non sans afficher avec beaucoup de fierté, l’histoire de l’indépendance du pays avec un patriotisme sans faille. C’est ce qui a -pour ainsi dire- éveillé ma conscience quant à ce point. Lors d’une réunion rassemblant les commerçants du boulevard à Chambre de commerce d'industrie et de services de Casablanca Settat, c’est en larmes que monsieur Simohammed Allaoui, tailleur installé sur le boulevard depuis 1968 s’est attristé sur le sort de ce dernier :

« Mohammed V fut un très bon roi, la figure de l’indépendance… Il doit sans doute se retourner dans sa tombe : Comment diable le boulevard à son effigie a-t-il pu se retrouver dans ce malheureux état ? Quelle malheureuse erreur a-t-il pu commettre pour qu’on néglige son boulevard à ce point ? Les Marocains n’ont-ils donc point de reconnaissance ? Où est passé leur patriotisme qui a longtemps fait leur louange ? […] On ne devrait pas seulement parler de la dégradation du bâti, mais aussi celle de la mémoire, de la symbolique du lieu ! »

Fig. 210 : Conférence de presse tenue avec M. Simohammed Allaoui lors d’une récente réunion à la chambre des commerces.

Fig. 211 : M. Allaoui enn larmes en plein discours sur l’état du boulevard Mohammed V.

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Une vision élitiste du patrimoine Pour conclure ce volet sur le rapport au patrimoine, il est important de souligner le fait que ce dernier n’est pas le même pour tout le monde. Des réponses recueillies chez une population jeune (-35ans) et d’une classe sociale relativement populaire, les mêmes reviennent. Elles sont souvent du type « l’état actuel du boulevard est catastrophique » ou « il faut faire quelque chose pour le rendre encore mieux » ou encore « je pense que c’était mieux avant, il faut que les autorités s’activent un peu plus » … mais dès que la question de savoir ce qui est caractéristique au boulevard Mohammed V se pose, les réponses sont marquées d’un arrêt qui s’en suit un « Vous savez, son architecture et son patrimoine ! ». On se rend bien compte au fil des interviews que les réponses aux questions sont le plus souvent constituées de phrases bateaux. Lorsqu’on aborde les questions de l’architecture et du patrimoine plus en détails, les réponses se font plus rares. En bref, il existe aujourd’hui à Casablanca, une absence de curiosité et de culture architecturale. En ce qui concerne le boulevard Mohammed V, beaucoup en ignorent l’histoire, le passé et les caractéristiques urbanistiques et architecturales dans leur ensemble. La conscience architecturale se limite principalement à des personnes d’un certain calibre intellectuel, issues d’une élite sociale, politique, et économique. On en revient une fois de plus, aux questions de la sensibilisation au patrimoine et de l’éducation, non seulement architecturale, mais au sens le plus large du terme, qui conduirait à l’acquisition d’une certaine forme de culture, d’éveiller les curiosités mais aussi de corriger plusieurs gestes irresponsables du quotidien et qui détériore fortement le boulevard (Déchets et non emploi des poubelles, uriner sur la voie publique…). De plus, il existe également un écartement vis-à-vis de la question patrimoniale. En effet, le citoyen populaire casablancais ne se sent pas concerné par cette dernière, il y’a même une certaine forme de fatalisme dans l’acceptation de l’état actuel du boulevard… Or, il n’y a rien de semblable au destin ; et si le niveau des populations se mesure par le développement de leur économie, de leur infrastructure et de leur éducation, elle se mesure également par leur capacité à prendre soin de leur mémoire et de leur patrimoine.

134


5-3- Au sujet du patrimoine culturel Outre les immeubles d’habitations et les bâtiments publics, le patrimoine touche également au monde des Arts et de la culture, notamment aux cinémas. A quelques dizaines de mètres seulement et clairement visible depuis le boulevard Mohammed V, le cinéma Rialto trône sur l’angle de l’intersection de la rue Bouchaib avec la rue Mohammed El Quorri. Il s’agit du seul cinéma dans le périmètre du boulevard encore en état. A ce titre, le Rialto a été mis sous location par ses propriétaires. Il est désormais exploité par la compagnie Mbc5142 qui utilise l’ancien cinéma pour le tournage de pièces de théâtres et d’émissions télévisées. Les cinémas Empire et ABC ont quant à eux, connu un tout autre sort : il n’en est plus rien de l’ambiance qui y régnait autrefois, dissimulés derrière des rideaux fermés depuis belle lurette. Aux allures très discrètes, seules leur enseigne inchangée laisse deviner leur éventuelle présence ; d’une part, l’ABC par son enseigne stylisée intégrant l’abécédaire français à celui arabe et l’Empire par sa bobine de film défilant le large de la façade.

Fig. 212 : Le cinéma-théâtre Rialto Fig. 213 : L’ancien ABC et cinéma Empire

Leur fermeture ne constitue pas des cas particuliers, bien au contraire. Elle s’insère dans la décadence qu’a connue l’industrie cinématographique à la fin du 20ème siècle, suite à l’essor du contenu multimédia et de nouvelles technologies. Cette dernière a été marquée par la fermeture et la démolition de nombreux théâtres, halls-cinémas et salle de spectacles à travers l’Europe, à l’instar d’adresses iconiques à Paris comme le cinéma Vendôme, le Météore, et l’ABC entres autres…

142

MBC5 et une chaine de télévision arabe, filiale du groupe MBC Group et qui s’adresse particulièrement aux pays du Maghreb.

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Le Maroc n’en échappe malheureusement pas : Suite à une baisse conséquente des fréquentations, les propriétaires de plusieurs enseignes du septième art se voient contraints de fermer les portes de leur établissement, ou de les mettre en vente. L’avènement du « tout numérique » n’arrange pas les choses et menace les salles cinémas toujours en activité aujourd’hui.

« Depuis la fin des années 1990 […] je me suis rendu compte que diriger de nos jours une salle de cinéma était une autre paire de manches. En plus d'avoir à maîtriser les tenants et aboutissants de l'exploitation des salles, il faut lutter contre l'inexorable chute de fréquentation et faire face à des recettes d'exploitation qui se réduisent comme peau de chagrin. J’ai donc dû vendre des salles de cinéma et en rénover d'autres en les dotant notamment du Dolby Digital et de meilleures infrastructures. (…) Alors que jusqu'aux années 1970, il y avait 280 salles de cinéma qui attiraient quelque 50 millions de spectateurs par an, nous sommes tombés aujourd’hui à moins de 40 salles dans tout le pays pour une audience d'un peu moins de 4 millions » Docteur Hassan-Belkady Exploitant de salles de cinéma

Heureusement pour l’ABC et l’Empire, ces deux derniers sont inscrits sur la liste du patrimoine immobilier143. La question de leur disparition ne se pose plus, toutefois celle de leur réaffectation subsiste. A l’heure actuelle, leur futur est toujours dans le flou…

143

Le texte d'inscription relatif à l’ABC est l’arrêté n° 3113.13 du 03 Moharram 1435 (7 novembre 2013). B.O. n° 6211 du 9 Décembre 2013. L’Empire est inscrit suivant l’arrêté n°745.14 du 10 Joumada I 1435(12 mars 2014). B.O. n°6252 du 1 mai 2014.

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VII- L’ÉVEIL DES CONSCIENCES : UNE MOBILISATION DE PLUS EN PLUS PRÉSENTE ENVERS LE PATRIMOINE

? Sur le boulevard Mohammed V, peu de regards se portent sur ses bâtiments. Quelques rares personnes prennent le temps de s’arrêter un court instant, le temps de se confronter à leurs détails et à l’histoire que ces bâtiments, -dont certains tiennent n’ont pas moins d’un siècle- tentent tant bien que mal de conter au promeneur.

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Il faut dire que le boulevard suscite beaucoup l’intérêt des touristes et des étrangers, qui sont nombreux à défiler munis de leur caméra ou encore lors de visite guidée, souvent organisée par Casamémoire, que ce soit de manière occasionnelle ou lors des journées du patrimoine. Il faut d’ailleurs rappeler que l’intérêt pour le boulevard Mohammed V n’a réellement été éveillé qu’après la publication en 1998, de Casablanca144 ouvrage à l’échos mondial, de JeanLouis Cohen et de Monique Eleb. Il est important de souligner le fait que la prise en conscience de la valeur patrimoniale du bâti de la ville était jusqu’à cette date, complétement absente chez les Marocains, à l’exception -une fois de plus- d’une minorité intellectuelle. A ce sujet, le boulevard Mohammed V n’est pas le seul concerné : Au Maroc, l’alerte quant aux questions patrimoniales et la prise en charge du patrimoine marocain sont le plus souvent lancées par des étrangers qui n’hésitent pas à faire l’acquisition d’anciennes constructions et à œuvrer pour leur reconversion qui leur confère un fort cachet patrimonial -et très souvent touristique-, comme c’est le cas de plusieurs Riads145 et Kasbahs146 du Maroc. De ces observations quelque peu saugrenues, découlent plusieurs questions qu’il est intelligible de poser : s’agit-il d’une méconnaissance de son propre patrimoine ? D’une négligence ? Un manque d’initiatives ? Une particularité au rapport au passé ? Une affiliation à « l’autre » qui sait mieux ? Ou alors peut-être une répercussion du fait de la proximité ? Aujourd’hui cependant, les choses commencent à bouger. Depuis la création de l’association Casamémoire en 1995, les Casablancais se font de plus en plus nombreux à se dresser un peu plus au-devant de la scène, pour parler et défendre de leur patrimoine. On notera à ce propos, le texte de loi de 2008 sur les aires protégées, qui donne le droit aux associations de travailler conjointement avec l’Etat, le but étant de prendre en considération l’opinion de la société civile, qui est ici, une manière de déterminer le rôle de cette dernière dans les actions de patrimonialisation. La mobilisation envers le patrimoine se fait de plus en plus présente, mais au-delà du travail des associations, des architectes, de la presse et des autres intervenants et représentant du corps de l’architecture et du patrimoine, une prise de conscience commence à se former chez les individus, qui est d’autant plus remarquable sur les réseaux sociaux, avec la création de plusieurs contenus multimédia sur différentes plateformes (à l’instar de YouTube), mais aussi de pages ayant comme sujet l’histoire et le patrimoine de la ville blanche. Un parfait exemple de cette mobilisation citoyenne qui commence à se mouvoir est la publication très récente sous le titre du « Livre noir de la ville blanche », œuvre collective citoyenne ayant vu le jour sur les réseaux sociaux, signé du nom « Save Casablanca », et qui dénonce les maux de la ville et ses nuisances en tous genres.

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COHEN Jean Louis, ELEB Monique., Casablanca : Mythes et figures d’une aventure urbaine, Editions Hazan, Paris, 1998. 145 Terme désignant les maisons traditionnelles des tissus des médinas. Elles se présentent comme des bâtiments à patio ou à jardin ouvert. 146 Terme désignant les citadelles traditionnelles, souvent fortifiées, et à l’origine des fortifications militaires. Ces dernières sont généralement très présentes au sud du Maroc.

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VIII- QUEL FUTUR PRÉVU POUR LE BOULEVARD ? DES ACTIONS ENTREPRISES À CELLES EN COURS Si l’urgence d’intervention sur la situation du boulevard Mohammed V se fait expressément ressentir, et après plusieurs années marquées par l’absence de projets concrets relatifs au volet du patrimoine, les autorités ont mis en place au cours de ces dernières années, une série d’interventions visant à une restructuration du centre-ville historique.

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1-LES ACTEURS DE LA PROTECTION ET DE LA VALORISATION DU PATRIMOINE Avant de s’attarder plus en détail sur le sujet, il est important de cerner d’abord, les stratégies existantes à ce jour pour la protection et la valorisation du patrimoine à Casablanca. Plusieurs acteurs prennent part à ces stratégies, à savoir : D’une part, les institutions publiques, à l’exemple de l’Agence Urbaine de Casablanca (AUC), les ministères d’Etat, et les communes entres autres… D’autre part figurent également des acteurs semi-privés, communément appelées des sociétés de développement local (SDL), qui existent en tant que sociétés anonymes, à l’instar de Casa Aménagement ou Casa Patrimoine. Enfin, il existe des acteurs privés. Le terme regroupe tous les membres de la société civile, à savoir les architectes, les urbanistes, les chercheurs et les associations de défense du patrimoine, aux côtés des propriétaires. Leur rôle est loin d’être négligeable car il relève principalement de l’initiative et de la mobilisation citoyenne, de laquelle découle les actions de sensibilisation, de valorisation, ou dans le cas d’un manque d’implication, d’une dégradation du patrimoine. Le schéma ci-suit, reprend de manière synthétique et claire, le rôle et les interventions des différents acteurs venant d’être cités.

Fig. 214 : Patrimoine Casablancais : préservation et valorisation. Proposition de schéma théorique résumant le rôle des acteurs. Source : ALEXANDRE Nicolas, NEIGER Emmanuel, coll. TOULIER Bernard, Lire Casablanca : une grammaire d’urbanisme et d’architecture, Senso Unico Editions, Mohammedia, 2019, pp.459.

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2- LES OUTILS DE LA PROTECTION DU PATRIMOINE 2-1- L'Inventaire National des Sites et Monuments Historiques L’inventaire National des Sites et Monuments Historiques147 regroupent l’ensemble des bâtiments à valeur patrimoniale au sein du périmètre national et qui donne suite aux textes de loi 22-80 de 1980, relatifs à la conservation des monuments historiques et des sites et de leur inscription. L’inscription des bâtiments dans l’inventaire suscite le dépôt d’une demande d’inscription, qui relève de la société civile et qui se voit adressée au ministère de la Culture. Dans ce volet, le rôle de Casmémoire est notoire, dans le sens où l’association a réussi à inscrire plus de cent bâtiments au sein de l’inventaire, dont le premier inscrit fut l’hôtel Lincoln en 2000148. Sur l’ensemble du territoire Casablancais aujourd’hui, figurent plus de 105 édifices inscrits dans l’inventaire de l’architecture et de l’urbanisme, contre un seul seulement « classé » monument historique149. Ces inscriptions sur la liste du patrimoine national constituent une première étape de protection des édifices, qui vise à protéger les biens avant leur éventuel classement. Il s’agit donc d’une mesure préventive.

2-2- Inventaire de l’agence urbaine des bâtiments à valeur patrimoniale dans la région de Casablanca Si le rôle de la société civile a été souligné à plusieurs reprises, il faut savoir que de plus en plus d’efforts émergent des autorités responsables, liées à la sphère publique. Ainsi, l’AUC (Agence Urbaine de Casablanca) avec l’aide de plusieurs experts ont récemment dressé un inventaire dans un souci de préservation du patrimoine de la ville de Casablanca, organisé selon trois échelles différentes qui sont celles du quartier, de l’espace public, et des unités bâties. Ce travail vise ainsi, à proposer les bâtiments inventoriés à l’inscription.

147

Consultable en ligne sur : http://www.idpc.ma/ Selon l’arrêté n°411.00 du 7 doulhijja 1420(14 mars 2000). B.O. n°4795 du 15 mai 2000. 149 Le seul édifice inscrit sur la liste du patrimoine est celui de l’Enceinte du Sour Jdid, au niveau de l’ancienne médina. 148

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La démarche s’instaure également dans les efforts de l’AUC pour lutter contre la spéculation foncière, qui continue de gagner du terrain avec des démolitions de bâtiments à haute valeur patrimoniale, comme le récent cas de la villa Mauvillier150, ayant suscité un déferlement de colère sur les réseaux sociaux. Fig. 214 Villa Mauvillier, exemple de l’emprise de spéculations foncières sur les causes patrimoniales, récemment démolie pour la construction d’un immeuble.

L’AUC a pourtant annoncé en 2018, le début d’un travail sur un plan de sauvegarde et de valorisation du patrimoine architectural, urbain et paysager de l’arrondissement de Sidi Belyout, cependant, ce dernier n’a pas connu de suite... Il faut toutefois porter à l’attention que si ce plan de sauvegarde venait à voir le jour, il n’aurait pas de véritable valeur juridique, puisque le seul document pouvant être opposable à un juge est un Plan d’Aménagement (PA). « (…) Les villas situées dans une zone immeuble, elle-même délimitée dans le cadre d’un plan d’aménagement, peuvent donc tout à fait être démolies. C’est le cas des villas qui ont été détruites : elles sont inscrites dans le plan d’aménagement en tant que zone immeuble » Rachid Haouch, Urbaniste, paysagiste et vice-président du Conseil national des architectes Pour ne pas reproduire les erreurs du passé, l’ensemble du le périmètre de Sidi Belyout a été inscrit dans l'Inventaire National des Sites et Monuments Historiques. Tout projet au niveau de ce secteur nécessite l'avis du ministère de la Culture. On constate que l’AUC, sur le nouveau projet de Plan d’Aménagement151 (Cf. figure 215) pour la commune de Sidi-Belyout, détermine à présent des ilots entiers de protection du patrimoine en plus des bâtiments à conserver pour leur valeur patrimoniale et des parcelles à valoriser au

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La villa est située au croisement du boulevard d’Anfa et du boulevard Zerktouni. Son style Art-Déco typique des années 20 est l’œuvre de son architecte Gustave Cottet qui la dessine en 1932. Le bâtiment a été démoli, bien que ce dernier fasse l’objet d’un dossier de sauvegarde, en cours de réalisation par l’Agence Urbaine de Casablanca. 151 Il ne s’agit nullement d’un PA homologué, mais d’un projet de PA, encore en cours d’études.

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sien d’un ilot de protection du patrimoine. Ce P.A sera également appuyé par un plan de sauvegarde et des chartes réglementaires concernant les bâtiments à valeur patrimoniale. Les bâtiments répertoriés sont classés en catégories : -Catégorie A : Bâtiments à inscrire, à restaurer et dans le cas où il faut entrer en contact avec le propriétaire pour leur préservation de manière intégrale. -Catégorie B : Il s’agit ici de bâtiments ne nécessitant pas l’inscription, mais dont la préservation de leurs caractéristiques se révèle toutefois nécessaire et peut entrainer certains travaux. Toutefois, dans l’approche de l’AUC, il semble que la prise en charge du patrimoine s’effectue via un traitement individuel des bâtiments. Or, le boulevard Mohammed V en l’occurrence, devrait être perçu à mon sens, comme un ensemble homogène : Bien qu’il soit façonné de bâtiments aux caractéristiques diverses qui peuvent être considérées comme des pièces architecturales, elles s’insèrent au sein d’un tissus cohérent par ses prescriptions urbanistiques, mais aussi par sa temporalité. Le traitement du boulevard comme une unité architecturale et urbanistique permettrait de se poser les véritables questions quant à sa remise en valeur et à son intégration au sein du tissus urbain Casablancais à une plus grande échelle…

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Fig. 215 : Projet de Plan d’Aménagement pour la commune de Sidi-Belyout

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2-3- Actions des acteurs de la sphère semi-publique Le principal acteur travaillant aux cotés des autorités publiques pour la préservation et la revalorisation du patrimoine est la société de développement local Casa Patrimoine. Cette dernière a été crée en 2015 à l’initiative des collectivités locales, afin de les assister dans leurs tâches relatives au patrimoine, architectural, culturel, naturel et celui attaché aux biens communaux ; en plus d’assurer la coordination entre les différents acteurs. Avec très peu de projets à son actif, dont plusieurs sont restés en stand-by152 depuis plusieurs années, ou confiés à la SDL Casa Aménagement -comme ce fut le cas du marché central-, son existence en avait presque était oubliée. Cependant, la SDL a annoncé la reprise de ses projets. Le dernier en date est celui du lancement du Plan de revitalisation du centre-ville historique de Casablanca. Ce dernier s’articule autour de quatre projets phares. Le premier consiste en l’identification de points à caractère touristique au sein du boulevard afin de mettre en place un circuit touristique, défini par un schéma directeur en cours d’étude. Le projet prévoit en un second temps, l’organisation d’un circuit au sein du boulevard par la mise en lumière de pas moins de vingt-huit bâtiments. Le projet prévoit également un ravalement des façades du boulevard Mohammed V, en accordant toutefois la priorité aux façades prenant part au futur circuit touristique. Le dernier point du projet prévoit une mise à niveau des quatres passages historiques de la métropole, notamment les passages Sumica et Galoui en ce qui concerne le boulevard. Si toutes les actions annoncées se révèlent très prometteuses, il reste néanmoins la question de l’hôtel Lincoln autour de laquelle planent encore quelques doutes. Sa réhabilitation a été attribuée au cabinet d’architecture O+C (Oualalou+Choi), et au groupe REALITES qui prévoit sa reconstitution pour un projet abritant un hôtel quatre étoiles, en plus de commerces, de bureaux, d’un restaurant, d’une piscine et d’un rooftop153. La première livraison du projet étant estimée pour 2022 et compte tenu de l’avancement des travaux -qui n’en est nulle part-, la date devra sans doute être repoussée. De plus, les communications quant au projet reste très avares de propos.

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Certains projets ont été annoncé dès l’initiation du projet Tramway en 2012 mais sans voir de suite. Ils sont depuis, restés en attente. 153 Pour de plus amples informations sur le projet, consulter l’URL : https://anabf.org/pierredangle/dossiers/construire-dans-l-existant/rehabilitation-de-lhotel-lincoln-acasablanca-de-l-espoir-la-renaissance

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Fig. 215 : Projet de réhabilitation de l’hôtel Lincoln, annoncé par O+C (Oualalou+Choi), et au groupe REALITES. Fig. 216 : Etat actuel de l’hôtel Lincoln

Figure emblématique du boulevard Mohammed V et de sa question patrimoniale, le Bessonneau constitue également la figure de sa négligence. Les annonces successives de sa réhabilitation par les autorités se sont faites nombreuses, et le présent projet de réhabilitation s’est beaucoup fait attendre et suscite beaucoup d’intérêt, cependant, compte tenu du train que prennent les choses, du bâtiment qui continue de s’effriter et de travaux qui tardent à démarrer, l’espoir pour le projet s’imprègne d’un goût de déjà-vu, parfois, se dissipe154, et dans d’autres cas, persiste…

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Le constat est que, plusieurs personnes interviewées au sujet de l’hôtel Lincoln avouent avoir perdu l’espoir de le voir renaître de ses cendres et attendre de le voir enterré.

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CONCLUSION A la lumière de cette étude, l’urgence de l’intervention est fortement ressentie. S’il faut pointer quelqu’un du doigt pour la dégradation du boulevard Mohammed V et de son état actuel, il serait sans doute facile de pointer le citoyen, pour son manque à son devoir de « citoyenneté » et pour sa négligence. Son rôle n’est en effet pas à bannir, cependant, s’il faut vraiment désigner un coupable, le blâme serait à jeter sur les autorités. « Coupable » en effet, l’emploi du mot n’est pas anodin : Coupables de laisser se mourir, pas un bâtiment, pas deux, mais tout un boulevard, et pas n’importe lequel ! Un pan de l’histoire Casablancaise qui s’efface des mémoires et un musée d’architecture à ciel ouvert, une variété de styles, de courants et d’écritures qui se donnent à qui veut bien les voir. Coupables de négliger un patrimoine local, mais aussi international. Coupables pour avoir failli à son propre devoir en tant qu’individu, en délaissant ses taches. Coupables d’un manque de patriotisme, et de faillir une fois de plus à son devoir, cette fois-ci, envers sa nation et à son histoire. Coupables ! En bref, la finalité n’est pas celle du patrimoine mais plutôt celle de requalifier les personnes avec des postes à responsabilités. A ce titre, les responsables des communes doivent veiller au respect des règles en vigueur, qui s’applique aussi bien sur l’espace public (réaménagement des chaussées, travaux d’entretien, veiller au respect des documents d’urbanisme en interdisant toute surélévation, tout rajout ou toute intervention anarchique à l'intérieur d'un secteur à sauvegarder…) que sur les individus (prendre des mesures strictes quant aux comportements dégradant comme le jet de déchets, d’uriner dans l’espace public, ou de freiner la propagation des marchands ambulants en organisant des patrouilles et en appliquant des amendes…). Partant de ce constat, il s'avère nécessaire de prendre des mesures pour la revalorisation du boulevard. Il est donc nécessaire de proposer à la fin de cette étude, des solutions (ou du moins d’en esquisser certaines) pour pouvoir remédier au problème. L’état de l’hôtel Lincoln parle de lui-même : une intervention s’impose, et au plus vite. Ce dernier se situe en plein cœur du boulevard, sur son tronçon le plus large, et face au marché central. En d'autres termes, il s'agit d'un point stratégique à forte valeur patrimoniale. On en sait cependant peu sur l'état de l'avancement du projet prévu pour sa réhabilitation : Un retard d’exécution ? Un manque de fonds ? Des complications à la suite de son récent effondrement en 2020 ? Le flou demeure toujours... Quoi qu'il en soit, la réhabilitation du Bessonneau demeure une priorité au niveau du boulevard Mohammed V. Si le projet persiste, ce dernier aura un impact considérable sur la dynamique du boulevard. En plus de l'attrait touristique, l'attrait commercial est d'autant plus fort. Le projet permettra entres autres, l’insertion de nouvelles activités et l'implantation de nouvelles enseignes et l'avènement d'une autre classe sociale jusqu’aujourd'hui absente du boulevard.

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Outre la question de l'hôtel Lincoln, il faudrait cesser de penser la revalorisation du boulevard par la revalorisation de ses bâtiments par des interventions individuelles. Il serait plus intéressant, et d'autant plus pertinent de traiter le boulevard dans son ensemble. S’il s’instaure dans cette optique, le projet annoncé du circuit touristique prendrait tout son sens. Cependant, une fois encore, peu de détails ont été divulgués à ce sujet, en espérant toutefois que le projet ne s'arrêtera pas à un simple ravalement des façades, et qu’il prendra en compte également les intérieurs, en comportant notamment des études sur l'état structurel du bâtiment, de la situation de ses occupants et des types d'activité qui s'y exercent. Une fois de plus, le but étant d’intégrer l’ensemble des paramètres du boulevard dans une vision de projet unique et cohérente, le projet le plus propice à la revalorisation de l’artère serait la création de musée des Arts décoratifs et de l’Architecture. Ce dernier pourra proposer en son sein, tout le volet théorique relatif aux Arts décoratifs et à l’architecture du XXème siècle, appuyés par des tables rondes, des séminaires et des expositions d’artisans marocains locaux servant à démonter l’étendue de leur savoir-faire ou des expositions de photographies. Compte tenu du tissu dans lequel il s’insère, le musée pourra permettre une expérimentation des questions liées à l’Architecture par sa confrontation directe le long du boulevard, par le biais de visites guidées -dans lequel pourra s’inscrire l’optique du circuit touristique annoncé plus haut-, de tables rondes, de manifestations artistiques en plein air... L’idée du projet pourra également être définie au sein d’une réhabilitation d’un bâtiment ou inclure celle de la réhabilitation des cinémas Empire ou ABC. Au-delà de son rôle éducatif, le musée pourra entre-autres participer à l’animation du boulevard et à la création de nouveaux centres d’intérêt, adressés à un très large public au sein de la ville blanche. Concernant la mise en lumière prévue pour les bâtiments du boulevard, l'intervention permettra de mettre l'accent sur les bâtiments et de les faire sortir de l'ombre pendant la nuit. Elle participera également à remédier au problème de l'éclairage public (toujours d’actualité) et à décourager l’étalement du fléau de la prostitution, et instaurant un climat beaucoup plus convivial la nuit et incitant à la promenade. Cela dit, le projet ne devrait pas uniquement s'attarder au bâtiment, mais abordé également la question de l'espace public et de son réaménagement qui est plus que nécessaire étant donné l'état de dégradation des chaussées, des trottoirs, et du manque frappant de verdure. Dans un autre temps, si tous les changements cités précédemment venait à être opérés, il ne serait malheureusement pas suffisant pour remédier au problème la dégradation du boulevard Mohamed V. En effet, si l'ensemble des interventions portent sur des actions concrètes et des changements matériels, elles devraient d'abord s'opérer par un changement des consciences. Le plus grand challenge reste sans doute celui d'agir sur la perception des individus, pas seulement quant au boulevard, mais à des questions beaucoup plus larges liées au patrimoine, à l'histoire et à l'architecture. Cette dernière peut se faire de différentes manières, mais ne peut être opérée que par le biais de l'éducation. Cette dernière doit relever d’une sensibilisation dès le plus jeune âge, aux trois questions citées précédemment. Elle peut s’établir aux niveaux des établissements scolaires, par une initiative des directeurs d’établissement, en consacrant à titre d’exemple, des évènements autour de la question du patrimoine, par l’organisation d’ateliers thématiques, de 148


fiches informatives, et d’ateliers élaborés par et pour les élèves. Cette sensibilisation au patrimoine peut également se faire par le bais de sorties scolaires ou une incitation à assister aux journées du patrimoine, organisées de manière annuelle par l’association Casamémoire et proposant différents circuits et activités, auxquels peuvent aussi bien se prêter les élèves que leurs parents. Une fois de plus, on ne cessera de souligner que toute intervention à l’échelle du patrimoine doit être appuyée par une volonté ferme et claire des services publics. Il faut sur ce point, souligner le manque de clarté dans les discours et dans les plans de sauvegarde du patrimoine, qui semblent parfois ne détenir aucune valeur sur le plan juridique. S’en a été le cas à maintes reprises à Casablanca, où plusieurs bâtiments à valeur patrimoniale en ont payé le prix au profit de la spéculation immobilière, qui depuis le protectorat français, semble dicter ses lois. Les mêmes cas de figure se répètent inlassablement, au dépriment des défenseurs de la cause patrimoniale et au plus grand regret des amoureux de la ville et de son patrimoine. Très récemment encore, à la date du huit août 2021, la cité ouvrière COSUMA155, véritable patrimoine de la ville, pourtant inscrit sur la liste du patrimoine et faisant l’objet de visites lors des journées du patrimoine, a connu une série de démolitions de la part des autorités.156 A ce titre, Karim Rouissi, architecte Casablancais dans une interview157, résume de manière claire l’état de la situation actuelle à Casablanca, qu’il serait difficile de le formuler autrement : « D’un côté, on nous dit que la ville possède des trésors architecturaux et de l’autre, on démolit. Toute la question est de savoir quelle est la place du patrimoine dans le développement urbain de Casablanca ; quelles sont les pièces considérées comme relevant du patrimoine. Le patrimoine est une construction collective : si collectivement on se rend compte qu’il n’a pas de valeur, on peut s’en tenir à cela, mais il faut que les choses soient claires. »

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Il s’agit de la cité dessinée par l’architecte Edmond Brion en 1929, pour les ouvriers « musulmans » de la Compagnie Sucrière du Maroc (COSUMA). En plus des habitations, une série d’équipements ont été pensé pour les ouvriers, tous regroupés à l’intérieure des enceintes de la cité, dans ce qui rappelle les tissus des médinas traditionnelles et ceux des cités ouvrières (ou cités ouvrières) du début du XXème siècle. 156 A ce jour, des éclaircissements attendent encore d’être prononcés. 157 PAILLARD SOLENE, « Préservation du patrimoine architectural de Casablanca : Aucune avancée », dans : Médias24, 24 juin 2020, URL : https://www.medias24.com/2020/06/24/preservation-du-patrimoinearchitectural-de-casablanca-aucune-avancee/

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Sources audio-visuelles •

Pistes audios & Podcasts

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- Liber Catherine, Ville mondes : Casablanca -Escale 1-, Podcast, France culture, 59min40, https://www.franceculture.fr/emissions/villes-mondes/ville-mondes-casablanca-escale-1, 2013. - Le développement urbain de Casablanca (1/2), Le podcast Marocain, Podcast, épisode 95, Radio Maarif, 34min57,URL : https://www.buzzsprout.com/184025/3858230-95-podcast-histoire-ledeveloppement-urbain-de-casablanca-1-2, mai 2020. - Le développement urbain de Casablanca (2/2), Le podcast Marocain, Podcast, épisode 96, Radio Maarif, 35min55, URL : https://www.buzzsprout.com/184025/3948188-96-podcast-histoire-ledeveloppement-urbain-de-casablanca-2-2, mai 2020.

Films, Documentaires & Reportages

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-VERKINDERE, Sébastien (Réalisateur), (2005), Casablanca ville moderne, 2M TV, URL : https://dai.ly/xtbqm, 54min13, vidéo mis en ligne décembre 2016. -VIDAL, Jean, (Réalisateur), VOISIN, André (Voyageur), ARBESSIER, Louis, (voix), Salut Casa ! Casablanca les années 1940-1950, 33min, 1952, URL : https://www.youtube.com/watch?v=HmU4jKPz_w4&fbclid=IwAR20MeoJZk4QmJzir05_nfs2R2QTvJ8 aiQWm8miptUGlHEDMr7-IRH0ggOc, vidéo mise en ligne par FAHMI Simohamed le 4 Août 2012.

Débats, reportages télévisés, conférences et séminaires en ligne

-2M TV, YAMED CAPITAL, Metropolitan Casablanca ... Une émission pour tout savoir sur Casablanca, émission spéciale [en ligne], URL : https://www.youtube.com/watch?v=1y_YP-wZLKY, vidéo mise en ligne le 1juillet 2020. - AA school of Architecture, The Casablanca Experiment, conférence de COHEN Jean-Louis [en ligne], Londres, URL : https://www.youtube.com/watch?v=Q4XY4Y271nI, vidéo mise en ligne le 22mai 2015. -BRUNFAUT Victor, Urbanisme de ségrégation : l’expérience marocaine, (Cours-conférence au sein de l’option ADP de la Faculté d’Architecture La Cambre Horta, ULB, février 2021). - Casablanca Patrimoine livre les premiers résultats de son inventaire, Le Matin TV, URL : https://www.youtube.com/watch?v=IxoEEsjJMhI, vidéo mise en ligne le 08janvier 2020. - CASAMEMOIRE, Initiation à la lecture de l’urbain et de l’architecture, conférence d’Emmanuel Neiger [en ligne], URL : https://www.facebook.com/183463141731033/videos/269910114055596, 20 mai 2020. - Centre Culturel français de Casablanca, Conférence sur le patrimoine architectural de Casablanca, conférence de COHEN Jean-Louis, OUALALOU Tarik (Oualalou+Choi), OUALALOU Bernard et NEIGER Emmanuel [en ligne], https://www.youtube.com/watch?v=qS9utjasjZ0, vidéo mise en ligne le 22 octobre 2018. - ‫( فين مشات لهمة والشان ديال شارع محمد الخامس‬Traduction : Qu’est-il advenu de la stature du boulevard Mohammed V), [en arabe], Le360, 3min24, URL : https://www.youtube.com/watch?v=wGnlhLuP0Qo&t=1s , vidéo mise en ligne le 11 Août 2019.

Vidéos amateurs, promenades au sein du boulevard

-Start Engine Morocco, Balade voiture Hay Mohammadi vers boulevard Mohamed V – Casablanca, 2016, min 9:37- min12:30 , URL : https://youtu.be/HG9BCPxZBg4, vidéo mise en ligne le 04 octobre 2016. -‫( المغرب الكبير‬Grand Maroc [en arabe]), Boulevard Mohamed 5 Casablanca, 15min39, URL : https://youtu.be/s_CktMC9DnA, vidéo mise en ligne le 02janvier 2020.

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ABSTRAT Le boulevard Mohammed V-ou de son ancienne appellation, boulevard de la gare- naît sous l’aire du protectorat français d’un souci de moderniser la ville en la dotant d’une nouvelle artère. Il constitue dès lors, l’artère principale de cette dernière et s’impose comme une nouvelle adresse de luxe, de glamour et de savoir-vivre à l’européenne. Son architecture et ses équipements à la pointe, hissent la ville de Casablanca au rang des grandes métropoles mondiales et en font une destination très prisée, autant par sa vie nocturne et vibrante, ses cafés, que par son architecture aux diverses inspirations (ArtDéco, architecture néo-mauresque, Architecture islamique, modernisme…etc.) et qui font lui font échos à l’échelle internationale. Cela dit, délaissé depuis trop longtemps aujourd’hui, le boulevard Mohammed V n’est plus que peu fréquenté par les Casablancais en raison de l’état de dégradation apparente qu’il connaît. C’est dans cette optique que ce travail se positionne, de manière à tracer l’évolution du boulevard Mohammed V, d’en cerner les causes de sa dégradation et de mettre en place les premières étapes de réflexion au sujet de son futur et de sa revalorisation…

Mots-clés Boulevard Mohammed V- Centre-ville historique- Art-Déco – Casablanca – Patrimoine.


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