Remerciments Je tiens à remercier en premier lieu ma directrice de mémoire Cyrine Bouajila pour sa disponibilité, sa patience, son aide et ses conseils qui m’ont guidé tout au long de ce travail. Je remercie également les professeurs de l’Ecole Nationale d’Architecture et d’Urbanisme pour m’avoir transmis leur savoir et leur passion tout au long de ces années. Je remercie également mes très chers parents, Abdelwaheb et Sarra, qui ont toujours été là pour moi. Je leur témoigne toute ma reconnaissance et gratitude. Je remercie mes frères et mon neveu, Chedly, Med Ali et Ibrahim, pour leur soutien inconditionnel et leur encouragement continu. Enfin, un immense merci à mes amis pour les moments de bonheur et de joie. Je leur en suis éternellement reconnaissante.
3
Sommaire Remerciments Sommaire Introduction générale Problématique Méthodologie
Chapitre I. Analogie corps urbain/corps humain
3 4 7 8 9
10
Introduction
1. Pensée, état de l’art 1.1. Lexique et tradition 1.2. Théorie de l’organicisme 1.3. Critique de l’organicisme : Le corps sans organe (Deleuze Guattari) 1.4. Critique de l’analogie organiciste appliquée à la ville
2. Corps urbain - corps malade 2.1. Désastres urbains (Thierry Paquot) 2.2. Abandon et oubli 2.3. Guerres et catastrophes naturelles
11 11 11 14 17
19 19 22 22
3. Guérison du corps urbain
23
3.1. Le regard des artistes sur les maux de la ville 3.2. Résistance des habitants et contre - projet citoyens 3.3. Nouveau regard sur les bidonvilles ; marginalisés puis étudiés 3.4 La capacité à surmonter : se régénérer Conclusion
24 27 29 30
Chapitre II. Régénération et résilience urbaine
33
Introduction
1. Régénération urbaine dans le corps urbain 1.1. Etymologie gréco- latine et origine biologique 1.2. Définition selon Chris Younes et Yves Chalas 1.3. Synonymes de la régénération et vocabulaire 1.4. Cycles de vie de l’urbain ; régénération spontanée ou planifiée
2. Modèles et logiques de régénération 2.1. Panorama d’opérations pionnières 2.2. Analyse et compréhension des logiques de régénération
34 34 35 36 36
38 38 53
4
3. La capacité résiliente
60
3.1. La ville résiliente selon Marco Stathopoulos 3.2. La résilience selon L’Atelier Architecture Autogéré Synthèse : Les interstices urbains dans la régénération résiliente
60 61 69
Chapitre III. Régénération résiliente dans les interstices du quartier de Bab Elfalla 70 Introduction
1. Interstices urbains
71
1.1. Définition 1.2. Critères de classification 1.3. Interstices vus par les artistes
71 72 73
2. Diagnostic urbain de Bab El Falla
76
2.1. Situation géographique et historique 2.2. Analyse à l’échelle macro 2.3. Délimitation du périmètre d’étude 2.4. Observation du quartier : Grilles d’analyse séquentielle 2.5. Repérage des interstices à Bab El Falla Synthèse générale
77 80 82 82 87 90
3. Intervention urbaine et architecturale
91
3.1. Réseau des interstices ; programme 3.2. Circuit des interstices 3.3. Le marché de Sidi El Béchir 3.4. Intervention architecturale
91 92 92 96
Conclusion générale Bibliographie Webographie Table des matières Table des figures
99 100 100 102 104
5
« N’est-il pas présomptueux de prétendre maitriser l’avenir des villes ? »1
1
Jean Pierre Sueur (1999), Changer la ville pour une nouvelle urbanité, Ed Odile Jacob, Collection Histoire et document
6
Introduction générale L’humanité a plongé dans « l’ère urbaine »2. La population mondiale est davantage attirée par les organismes denses que sont les villes. L’homo-sapiens est devenu « homourbanus »3. « D’ici 2050, 75% de la population mondiale sera citadine. »4 Les villes croissent afin de répondre aux besoins des habitants. Cet accroissement leur donne de l’intérêt et fait d’elles un sujet de réflexion pour maintes disciplines : urbanisme, architecture, sociologie, géographie, philosophie, anthropologie... Ses compréhensions se multiplient entre « villemachinerie » pour les ingénieurs, « ville-marché » pour les économistes, « ville-écosystème » pour les écologues, …etc. Incluse dans la catégorie des objets de science, les chercheurs et théoriciens ont émis leurs propres diagnostics en ce qui concerne son fonctionnement et dysfonctionnement. Aujourd’hui, le mode de vie urbain est clairement remis en question ; la qualité de vie en ville est en déphasage avec son degré d’attractivité. A vrai dire, le citadin est confronté à plusieurs problèmes. Compte tenu des méfaits de l’urbanisme fonctionnaliste des années 20, il a subi une spatialité urbaine inadaptée à ses besoins et à ses pratiques. La ville de nos jours est souvent constituée d’un patchwork d’espaces monofonctionnels. La logique de division sectorielle se distingue par l’absence de jointure, de transition. Les pièges du zonage persistent et les effets sont largement perceptibles. On se retrouve aujourd’hui face à des quartiers marginalisés coupés de leur environnement et qui n’y sont reliés qu’à travers des routes. «Une société d’exclusion produit de l’urbanisme de relégation. Et réciproquement.»5 On parle de ségrégation fonctionnelle et sociale. Face à la «mocheness»6 des villes, une prise de conscience s’est déclenchée. « La planification fut incriminée ».7 Il est indispensable de repenser la ville. Une nouvelle urbanité est à concevoir et à reconquérir.
2
Jean Nouvel (2017), Intramuros https://intramuros.fr/portraits/jean-nouvel/ mis en ligne le 10/11/2017 Thierry Paquot (1990), Homo-urbanus, Edition Du Felin 4 https://www.halleauxsucres.fr/thematiques/ere-urbaine 5 Jean Pierre Sueur (1999), Changer la ville pour une nouvelle urbanité, Ed Odile Jacob 6 Winy Maas (pour qualifier ce qui entoure Paris) 7 Vittorio Gregotti (1998), Projet urbain ; ménager les gens, aménager la ville, sous la direction de Jean-Yves Toussaint, Monique Zimmermann, Ed Architecture + Recherche Mardaga 3
7
Problématique « Si la ghettoïsation progresse, ce n’est pas parce que certains quartiers sont en crise, c’est parce que tout le corps humain est malade. »8 affirme Jean Pierre Sueur dans son livre « changer la ville ». Vue sa complexité, les représentations de l’urbain varient. Chaque approche est vouée à saisir la ville d’un certain point de vue. Il est intéressant de braquer la lumière sur celui des écologues qui observent la ville en tant qu’organisme métabolique. Pour eux, la ville agit et réagit aux paramètres dont elle dépend, ce qui fait d’elle un corps vivant. Dans quelles mesures l’urbain est assimilable à un corps ? De quelles maladies souffre ce corps ? Est-il possible de soigner les séquelles causées par l’urbanisme d’autrefois ? Quels remèdes sont à prescrire pour sa guérison ? Etant donné que « les villes que nous habiterons en 2030 sont déjà construites à 80% »9, les acteurs de l’espace opèrent sur le tissu existant dans une vision de construire « la ville sur la ville ». Aujourd’hui, on parle de résilience ainsi que de régénération urbaine pour intervenir sur la ville en crise, non pas sur sa totalité, mais sur ses fragments. Elles retracent l’ensemble des rapports entre les fragments et l’ensemble. Nous nous demandons par quels moyens l’urbain est-il régénéré ? Comment identifier les « morceaux de ville » où se manifeste l’urgence d’intervenir ? Cependant, se rapportant sur des situations changeantes, tant en ce qui concerne les territoires que les populations qui y résident, notre étude nécessite un cadre spécifique afin de contextualiser notre réponse. Bab El Falla est en effet, un quartier intéressant à explorer.
8
Jean pierre sueur (homme politique) (1999), Changer la ville pour une nouvelle urbanité, Ed Odile Jacob, Collection Histoire et document 9 Les débats sur la ville 1 (1999), sous la direction de Francis Cuillier, Ed Confluences
8
Méthodologie Dans le cadre de ce travail, composé de trois chapitres, nous nous pencherons en premier lieu sur l’analogie entre ville et corps humain. Ensuite, nous nous intéresserons aux possibles remèdes d’un corps urbain souffrant. Nous aboutirons à une troisième partie qui représente une application, résultat de la discussion tenue en premier lieu. Dans la première partie, une étude sera menée sur la question de la ville considérée comme organisme complexe. Nous nous intéressons à la pensée qui a nourri cette analogie, ainsi qu’à la critique qui en découle. Par la suite, nous comprendrons les maladies de ce corps urbain en nous référant à l’apport de philosophes et urbanistes. Enfin, nous nous pencherons sur la capacité des villes à surmonter leur maux. Dans la deuxième partie, nous traiterons de la régénération urbaine en tant que remède à la ville comme corps urbain malade. Ensuite, nous nous pencherons sur une panoplie d’opérations pionnières en matière de régénération urbaine présentée sous formes de fiches de synthèse. Nous analyserons à travers ces exemples les caractéristiques de chaque intervention et leurs liens avec les politiques urbaines adoptées. Nous étudierons le concept de « résilience urbaine » comme solution, comme manière d’intervenir sur le corps urbain. Dans la dernière phase, nous étudierons les interstices urbains en tant que supports de résilience. Ensuite un diagnostic du contexte choisi qui est celui de Bab El Falla nous permettra de repérer les interstices urbains. Une synthèse sera faite à la lumière des connaissances étudiées afin de dégager les concepts et intentions de l’intervention urbaine et architecturale.
9
10
Johan Thรถrnqvist, Illustrations
Introduction Tout comme un être vivant, une ville grandit, se transforme, évolue. La prise en compte des paramètres urbains (la dynamique des citadins, des flux, des activités, de la mobilité, de l'énergie, des déchets, des mutations) permet à l’espace de se maintenir et d’évoluer dans le temps... Sa capacité d’adaptation par rapports aux événements historiques, sociaux, politiques ou culturels fait d’elle un organisme, en référence aux domaines de la biologie et de l’écologie. Nous nous intéresserons à cette vision spécifique de la ville qui est celle de ‘’ville/corps urbain’’. La spéculation élaborée sur ce sujet nous permettra d’étudier une représentation précise de la ville, d’en déduire une compréhension et d’en tirer une critique en croisant cette réflexion avec d’autres disciplines.
1. Pensée et état de l’art 1.1. Lexique et tradition Thierry Paquot, philosophe et urbaniste français, explore les phénomènes urbains contemporains dans plusieurs de ses ouvrages. Dans son livre intitulé « Des corps urbains », il s’intéresse aux relations que peuvent entreprendre corps humain et corps urbain. Parmi les thèmes exposés, il relate l’origine de l’analogie ville-corps. « Depuis que les villes existent et s’identifient par le tissu de leurs rues, les sociétés se les représentent comme une analogie du corps humain. »10 La référence à l’être vivant comme modèle pour la conception de l’espace ou le territoire est une longue tradition. Au IVème siècle av J.C, Platon assimilait déjà la ville à un animal « ayant pour parties tous les autres animaux pris individuellement ou par genre »11 . L’analogie repose sur l’aspect organique de l’animal ainsi que son modèle de composition. Les parties de l’animal sont des animaux à leurs tours. Cet emboitement prouve que le philosophe
10 11
Thierry Paquot (2006) Des corps urbains. Sensibilité entre béton et bitume, Paris, Éditions Autrement Platon, Timée, 30a, 31a et 32a.
11
voyait dans la ville le modèle de corps ordonné, cohérent « parfait et formé de parties parfaites, et en outre qu’il est uni »12. Aujourd’hui, la métaphore s’est propagée chez l’ensemble des penseurs. La tradition se succède et hante les concepteurs génération après génération. Ce rapprochement entre forme urbaine et forme humaine est formulé dans la littérature, interprété au cinéma, exprimé dans les œuvres d’art. Les écrivains s’inspirent du corps biologique afin de représenter la ville. Dans son roman « Le Ventre de Paris », Emile Zola utilise une métaphore en comparant le marché des Halles à un estomac géant, un ventre qui digère la nourriture et qui accumule les déchets de Paris. « Paris mâchait les bouchées à ses deux millions d’habitants. C’était comme un grand organe central battant furieusement, jetant le sang de la vie dans toutes les veines. Bruit de mâchoires colossales, vacarme fait du tapage de l’approvisionnement (…)»13. Thierry Paquot continue de personnifier la ville en la décrivant comme « femme fatale », jouant de son charme « La ville séduit, se fait câline ou coquine, s’exhibe sans retenue, jette son dévolu sur un citadin – vous ! –, le conquiert avant d’en préférer un autre et d’abandonner le premier. »14
Figure 1: Couverture du livre " Le ventre de Paris", Les halles peinture de Léon Lhermitte (1895)
12
Idem Émile Zola, (1974) Le Ventre de Paris, Paris, Le livre de Poche, Ed Fasquelle, p. 21-22. 14 Thierry Paquot, (2006) Des corps urbains. Sensibilité entre béton et bitume, Paris, Éditions Autrement 13
12
Plusieurs qualitatifs sont attribués au tissu urbain et plus spécifiquement à ses composants. On parle souvent du « cœur » de la ville, de ses « artères », de ses « poumons »... Ces métaphores corporelles renvoient à l’anatomie humaine. La cité se compose alors de multiples organes dont la ville a besoin pour fonctionner. Les urbanistes emploient ce vocabulaire dans leurs projets lorsqu’ils parlent des artères d’une ville pour désigner les grandes voies de circulation dans lesquelles se déplacent les citoyens et les véhicules, et qui finissent par devenir le sang de la ville. Aussi, le montre les termes « cœur », en faisant référence au centre-ville ; « épine dorsale » ou « colonne vertébrale » pour décrire l’axe principal par lequel les quartiers sont desservis.
Figure 2: Mathias Poisson (2003) Quartier de peines, Marseille Figure 3: Mathias Poisson (2008) La frayère, Cannes
Malgré, la diversité des exemples, l’analogie reste limitée. En effet, la comparaison ne concerne que la fonctionnalité d’un organe unique du corps et non l’ensemble de l’organisme. L’interrelation et la connexion entre les entités est négligée.
13
1.2. Théorie de l’organicisme L'organicisme15 est une doctrine du IXX° siècle qui affirme que la réalité est mieux comprise comme un tout organique. C’est une pensée qui met l'accent sur l'organisation, plutôt que sur la composition des organismes. Georges Chapouthier, neurobiologiste, philosophe français, propose d'interpréter la complexité des organismes selon deux principes
Le principe de « juxtaposition » d'unités identiques
Le principe d'« intégration » de ces unités dans des ensembles plus complexes, dont elles constituent alors des parties16. Un organisme est un système vivant complexe,
organisé, constitué de succession d’ensembles. La genèse se fait progressivement dans le temps. Suite à des étapes de différenciation, les cellules acquièrent des propriétés spécifiques associées à des fonctions particulières.
Figure 4: Analogie entre organe biologique et organe urbain (Schéma personnel)
15 16
Léon Rostan, (1846) Exposition du principe de l'organicisme, Ed Labé, Paris Georges Chapouthier (2013), La complexité, la science du XXIe siècle, POUR LA SCIENCE N° 314, p. 78
14
Les théories des organicistes énoncent également que la ville suit le métabolisme de l’homme qui fut une source d’inspiration lors de la création de cette dernière. En effet, un corps est métabolique lorsqu’il consomme de l’énergie et produit des déchets. Le cycle de vie d’une zone urbaine est représenté comme un écosystème qui gère ses entrants et ses sortants pour satisfaire ses besoins, maintenir sa stabilité.
Figure 5 : Métabolisme humain (Milun Guibert)
Figure 6: Métabolisme urbain (IAAC)
La référence à la métaphore organique s’exerce de façon récurrente en philosophie. Chris Younes, philosophe spécialiste en architecture tend à garantir à l’espace les caractéristiques de l’organisme vivant. « Dans l’inerte les parties se juxtaposent les unes aux autres, tandis que dans le vivant, elles concourent ou conspirent ensemble. »17 Les parties de l’organisme entrent dans une relation de synthèse entre elles tout en appartenant à un corps global. Cette synthèse ou « symbiose empathique distingue le vivant de l’inerte »18. A vrai dire, les échanges entre les différentes parties du corps s’établissent au sein d’un environnement spécifique que nous nommerons le « milieu »19. La notion de « milieu », emprunté à Vidal de la Blache, géographe du XIXème siècle, est un lieu « doué d'une puissance capable de grouper et de maintenir ensemble des êtres hétérogènes en cohabitation et corrélation réciproque. Cette notion parait être la loi même qui régit la géographie des êtres vivants. Chaque contrée représente un domaine où se
17
Chris Younes (2012) La métaphore organique et le vivant en philosophie dans Morphogenèse et dynamique urbaine, sous la direction de Sara Franceschelli Maurizio Gribaudi Hervé Le Bras, 18 Idem 19 Vidal de la Blache (1896), Le principe de la géographie générale, Annales de géographie
15
sont artificiellement réunis des êtres disparates qui s'y sont adaptés à une vie commune".20 Le « milieu » assure une intégration des différentes parties de l’organisme pour former un tissu unitaire. L’analogie ville-organisme peut être pensée différemment que par l’identification espace fonctionnel - organe. Les rapports « dedans-dehors » des tissus sont dès lors à prendre en compte tout en considérant « les propriétés métaboliques d’auto-organisation des organismes. »
21
Toutefois, la doctrine de l’organicisme reste en proie à des critiques.
Philosophes, urbanistes et sociologues n’adhèrent pas à cette vision.
1.3. Critique de l’organicisme : le corps sans organe L’organicisme a été sujet de débat pour plusieurs philosophes. Gilles Deleuze et Félix Guattari publient un livre nommé « L’anti-œdipe » suivi d’un deuxième qui s’intitule « Mille Plateaux ». L’un des concepts énoncés est celui du « corps sans organe » terme emprunté à Antonin Artaud dans son poème « Pour en finir avec le jugement de Dieu ». Antonin Artaud, écrivain, acteur, poète français du XXème siècle, a passé la moitié de sa vie dans un hôpital psychiatrique à cause de sa schizophrénie. Son déséquilibre mental, sa souffrance physique l’ont amené à penser qu’il est prisonnier de son corps. A vrai dire, il ne condamne pas le corps en lui-même mais les organes en considérant que les « fonctions, articulations, divisions et déterminations extérieures [comme] ayant été imposées au corps »22 Il critique par ce fait la restriction de l’organe en tant que machine capable d’assurer une seule fonction, d’où les limites du corps en tant qu’organisme. « Le corps est le corps Il est seul Et n’a pas besoin d’organes Le corps n’est jamais un organisme Les organismes sont les ennemis du corps »23
20
Idem Rocío Peñalta Catalán (2011), La ville en tant que corps : métaphores corporelles de l’espace urbain, Publié le 8 février, URL : http://journals.openedition.org/trans/454 22 Uno. K (1999), L’ennemi de l’arhitecture, Ed Inter 23 Antonin Artaud, (1948) Pour en finir avec le jugement de Dieu, K éditeur, Paris 21
16
Dans la logique de Deleuze, les organes sont libres dans le corps. Ils apparaissent et disparaissent selon l’activité et la sensation du moment. « Marcher sur la tête, chanter avec les sinus, voir avec la peau, respirer avec le ventre, Chose simple, Entité, Corps plein, Voyage immobile, Anorexie, Vision cutanée, Yoga, Krishna, Love, Expérimentation »24 . Les organes sont transitoires dans leur fonction comme dans leur emplacement, contrairement à la représentation anatomique du corps machine. La rationalité, « le cogito cartésien » sont visés.25 Le corps sans organe est une critique à l’encontre de l’organisme règlementé dont chaque organe est conçu pour accomplir une seule fonction. La règlementation ne permet pas en effet, le changement, l’adaptation. L’organisme représente ici les limites du corps dans le sens où il est ligoté par la spécialisation de ses différentes parties. Il s’agit de se poser la question si la meilleure exploitation du corps découle de son organisme. En effet, ce dernier permet de stabiliser le métabolisme en affectant à chaque partie un rôle précis selon une hiérarchisation exacte.26 Cette exigence de l’organisation interne ne pourrait-elle pas le transformer en corps malade ?
1.4. Critique de l’analogie organiciste appliquée à la ville 1.4.1. Citrique de Reeves : la fonctionnalité « L'inquiétude crée le désir de contrôle ; le désir de contrôle crée la spécialisation ; et la spécialisation mène, en une prophétie auto-réalisée, à l'élimination du système par inadaptation : la perte de la fonction unique crée la perte du sens, renvoyant le système à l'absurde, un état a-sensé plus redoutable que la mort ou la disparition, cet état même qu'entrevoyaient les angoisses initiales, et dont elles se nourrissaient. »27 Nicolas Reeves, économiste et philosophe, dénonce le désir de contrôle, de maitrise des gens et des évènements lors de l’élaboration des villes. Dans un univers constamment en mutation, la rigidification de l’espace résulte d’une peur du spontané. La
24
Deleuze Gilles et Guattari Félix (1980) Mille Plateaux, Édition Minuit, Paris Florence Andoka, (mis en ligne le 13 juin 2016) « QU’EST-CE QU’UN CORPS SANS ORGANES ? », consulté le 17 octobre 2018. URL : http://journals.openedition.org/philosophique/838 ; 26 Duportail Guy Felix (2011), Autopsie du corps sans organe. Revue Essain n°26 27 Nicolas Reeves, (1999) Quelque chose change : Villes intégrales, cités différentielles, Journal Inter 25
17
restriction d’un quartier à une tâche donnée mène à sa dégradation si ce dernier perd sa raison d’être qui est uniquement la fonction. La critique de l’organisme est porteuse sur la monofonctionalité des organes et la rigidité de l’organisme. Ce sont des propos que partage la ville-organisme avec la ville fonctionnaliste. A vrai dire, toutes les deux sont prisonnières de leur organisation. On retrouve la logique du zoning, selon laquelle chaque partie détient une fonction précise et unique. Les organes sont liés par des artères comme les quartiers sont liés par des rues. 1.4.2. Critique des sociologues : au-delà de la fonction, le modèle homéostatique Pierre Sansot, philosophe et sociologue, conteste les métaphores organicistes. Il critique le lexique employé, ne reflétant pas la pluralité de l’élément urbain étudié. L’emploi de l’expression « artère » ou « voie de circulation » réduit la rue à son caractère fonctionnel. La rue est un espace polysémique, récepteur d’une pluralité d’interprétation. L’écart de sens qui sépare la notion de « rue » et de « voie de circulation » est important. Pour contredire le langage organiciste, Sansot cite le gouvernement qui s’écrie « nous ne céderons pas devant la rue !».28 Cette réplique démontre l’ampleur et la pression que peut avoir une rue, lieu de contestations. Henry Lefebvre, philosophe, remet aussi en question l’organicisme, une pratique qu’il considère en déphasage avec la réalité de la ville. « Il n’est pas impossible qu’à partir de la théorie des interactions hiérarchisées (homéostases) on définisse certaines réalités urbaines en remplaçant ainsi le vieil organicisme et son finalisme naïf par des concepts plus rationnels. »29 Sans abandonner la référence à la biologie humaine, il propose d’étudier la ville comme modèle homéostatique. Il s’agit de rétablir l’équilibre urbain, sans cesse compromis, grâce à des processus de régulation. La ville souffre et étouffe de la monofonctionalité de ses parties. Même quand l’organisme est sain, on est face à des cités dortoirs, des villes fantômes. A vrai dire, on se
28 29
Pierre Sansot, (1973) Poétique de la ville, Paris, Éditions Klincksieck Henri Lefebvre, (1970) Révolution urbaine, Ed Paris, Gallimard
18
souvent focalise sur son ordonnance physique en négligeant son substrat social. Cette vision de la ville, paradoxalement complexe et simplifiée, nous donne un aperçu sur les problèmes et anomalies dont peut souffrir l’urbain.
2. Corps urbain - Corps malade "C'est par l'activité normale des éléments organiques que la vie se manifeste à l'état de santé ; c'est par la manifestation anormale des mêmes éléments que se caractérisent les maladies, et enfin, c'est par l'intermédiaire du milieu organique modifié au moyen de certaines substances toxiques ou médicamenteuses que la thérapeutique peut agir sur les éléments organiques"30 ( B.Claude, 1865) Comme tout organisme vivant, la ville a des pathologies qui affaiblissent son fonctionnement habituel. On parle de zones malades ou cancéreuses de la ville. Les causes varient et dépendent de la situation à traiter. On rencontre des anomalies dues à une conception non adaptée aux circonstances, une connexion défectueuse entre deux tissus juxtaposés, un vieillissement du cadre bâti, etc... Ces cas de figures causent à leur tour des défaillances dans l’organisation sociale. Les maux de la ville se répercuteront alors sur la qualité de vie du citadin.
2.1. « Désastres urbains » de Thierry Paquot Le philosophe urbain Thierry Paquot atteste dans un de ses ouvrages intitulé « Désastres urbains » que « des cancers rongent les grands cités d’un monde de plus en plus globalisé, au risque de les tuer »31. Ces derniers se propagent comme des épidémies dans tous les pays. En conséquence, les villes en meurent. Les incohérences urbaines, allant des malls géants passant par les grands ensembles jusqu’au gated community, convergent toutes vers « l’enfermement et l’assujettissement »32
30
Bernard Claude, (1865) Introduction à l’étude de la médecine expérimentale, op. cit
31
Thierry Paquot (2015), Désastres Urbains. Les villes meurent aussi, Éditions la Découverte, Paris Ibid
32
19
a. Les centres commerciaux gigantesques N’ayant plus de limites ni géographiques ni économiques, les centres commerciaux s’étendent sur des milliers de kilomètres. En quête du gigantisme inutile, les investisseurs ne prennent en compte ni environnement, ni contestations des habitants du territoire, ni besoins réels de l’homme. Europa City 2020, projet programmé à Paris, est un exemple de ce nouveau mode de construction pharaonique. La confusion entre centre commercial et morceau de ville est présente chez les habitants mais également chez les concepteurs du projet. La future cité comprend musée, magasins et centre commercial, station d’hiver, parc aquatique, ferme urbaine, cirque, salle de spectacles, boites de nuit, restaurants, hôtels … un peu de tout. L’ensemble prône la logique de l’achat excessif et de la consommation. Aucun aspect de socialisation entre humains ou intérêt pour les terres agricoles n’est pris en considération. 33
Figure 7: Plan masse du projet Europa City (BIG)
Figure 8: Modélisation du projet Europa City (BIG)
b. Les grands ensembles Fruit de l’urbanisme moderne, les grands ensembles sont des déchirures du tissu urbain. Dans une sorte de folie collective, architectes et urbanistes ont proposé cette nouvelle forme d’urbanisation comme solution d’urgence pour loger les habitants rapidement et au moindre coût. L’influence des « cages à lapins »34 a été rapidement dénoncée par les
33
Pascal Priestley (2018), EuropaCity : le méga-projet urbain contesté qui embarrasse le pouvoir français, Information.tv5monde.com 34 Chloé Le prince (2018), Cages à lapin contre ville du futur : quand les grands ensembles divisaient la sociologie, Franceculture.fr
20
occupants, les sociologues et les médias. En effet, en rupture totale avec l’environnement, les barres, isolées et monotones, provoquaient un déséquilibre au sein de la société.35
Figure 9: Grand ensemble de la grande Borne (Emile Aillaud)
Figure 10: Grand ensemble à Sarcelles en 1960 (AFP )
Durant la fin des années 60, la population rejetait tout ce qui se présentait sous l’étiquette de la modernisation. Les manifestations de Mai 68 revendiquaient justement la liberté, la justice et l’équilibre social. L’architecture moderne, « machine à habiter »36, emprisonnait les citadins dans un mode de vie monotone similaire à celui des machines.
Figure 11: Affiche des manifestations de Mai 68 Figure 12: Appel aux débats publics en Mai 68 …………………………………………………………………………………………………………………… (Bibliothèque nationale de France)
35 36
Idem Le Corbusier, Vers une architecture, éd. G. Crès, 1924, p. 73
21
2.2. Abandon et oubli Quand les besoins de l’homme varient, le cadre dans lequel il habite change également. Durant ces derniers siècles, nos modes de vie, de production, de consommation, n’ont cessé de se métamorphoser. Ceci a induit une transformation dans les bâtiments que nous occupons. A vrai dire quand la forme urbaine ou architecturale n’est pas apte ou n’a pas ou plus les possibilités de muter, elle devient inadaptée pour la nouvelle fonction. Elle est alors abandonnée en quête d’un nouvel environnement adéquat. Cependant, lorsque cette dernière n’est pas réinvestie, elle sombre dans l’oubli et se dégrade progressivement. Ainsi sont nées les friches comme délaissés urbains.
Figure 13: Tour de refroidissement abandonnée à Bruxelles, Matthias Haker (2008)
Figure 14: Eglise abandonnée en Europe James Kerwin (2016)
2.3. Guerres et catastrophes naturelles Les guerres et catastrophes ont causé de vastes dégâts sur des territoires urbains. En effet, ces calamités détruisent totalement des portions de villes pour ne pas dire des villes entières. Bombardement, incendie, séisme, inondation font plonger la ville dans le chaos. Les cicatrices provoquées sont très profondes car infrastructures, réseaux, bâtiments, usines, 22
terrains agricoles, tout est touché simultanément. Dans certains cas comme lors du bombardement nucléaire de Nagasaki ou Hiroshima par les USA, l’environnement se dénude de tout élément construit auparavant, sans parler de l’étendue des dégâts matériels et humains qui s’étale sur des centaines de kilomètres. Ces catastrophes nécessitent beaucoup plus de temps pour que la ville se reconstruise.
Figure 16: Carte du centre-ville de Chicago en 1871. Les parties sombres ont été détruites par l’incendie (Wikipédia)
Figure 15: Photographies aériennes de la ville japonaise de Nagasaki avant et après le bombardement atomique de 1945 (Wikipédia)
3. Guérison du corps urbain Bonne nouvelle ! « La ville est le seul être vivant capable de rajeunir vraiment » dit Jacques Attali 37 Il ne manque pas d'exemple de villes, de régions et d'états qui après avoir connu une période d'expansion ont eu une période de déchéance ou même ont disparu avant de renaitre de leurs propres cendres. Berlin, Chicago, Carthage, Hiroshima sont des villes qui se sont données une seconde vie après la mort. La guérison du corps urbain est un phénomène répandu. A vrai dire, les processus de rétablissement sont nombreux. Plusieurs aspects alimentent l’idée d’une
37
Jacques Attali (1943) Scientifique économiste, écrivain et auteur de « Demain qui gouvernera le monde »
23
guérison comme le regard de l’artiste, les contreprojets des citoyens et la régénération urbaine.
3.1. Le regard des artistes sur les maux de la ville Beaucoup d’artistes se sont intéressés aux maux de la ville. A travers leurs œuvres, ils identifient les poches urbaines en dégradation pour y souffler une seconde vie. Cette démarche permet aux spectateurs, passants et habitants de prendre part à la vie de la ville en changeant leur perception de l’environnement. 3.1.1. Gordon Matta-Clark L’artiste américain Gordon Matta-Clark, célèbre pour ses « building cuts », sculpte les bâtiments abandonnés. Il détourne les éléments préexistants afin de les repenser artistiquement. A partir du chaos, il crée du beau. En outre, il dénonce la politique de la ville en soulignant son échec.
Figure 17: Conical-Intersect, 1975, Gordon-Matta-Clark Bronx
Figure 19: Conical-Intersect, 1975, Gordon-Matta-Clark
Figure 18: Floors: Four-way wall 1973, Gordon-Matta-Clark,
Figure 20: Bronx Floors 1973, Gordon-Matta-Clarck
24
3.1.2. Stéphane Couturier et la ville en difficulté En tant que photographe, Stéphane Couturier prend des captures de fragments de villes en difficulté. Il expose l’état de l’architecture et sa relation avec ce qui l’entoure. On distingue clairement à travers ses photos une ville « malade ». Dans ses clichés, le décalage entre objet bâti et occupation est alarmant. Les constructions s’étendent horizontalement et verticalement comme si les limites disparaissaient. Il met en évidence également un phénomène propre à la ville en crise : une densité élevée dans les bidonvilles, des villes dans la ville, juxtaposée à une désertification de certains quartiers ou immeubles abandonnés. Les deux situations opposées démontrent un déséquilibre social.
Figure 21: Alger – Bab El Oued - 2015 Stephane Couturier
Figure 23: Stephane Couturier
Figure 22: Seoul - 1999-2000 Stephane Couturier
Figure 24: Seoul – Shindorim-dong 2002 Stephane Couturier
3.1.3. JR ; les rides de la ville JR, artiste français contemporain élabore des projets en relation intime entre corps urbain et ses habitants. Ses œuvres d’art sont des photographies d’une grande échelle collées sur les murs des villes. Son projet, « The wrinkles of the city » (Les rides de la ville), a pour objectif de combattre l’amnésie et l’oubli des origines. Le vieillissement étant un problème majeur des villes, les œuvres consistent à révéler les mémoires collectives et individuelles à 25
travers les rides des occupants. Ses œuvres parcourent une multitude de villes qui ont connus des bouleversements dans le passé : Cartagena en 2008, Shanghai en 2010, La Havana en 2012, Berlin en 2013
A Berlin, JR plonge dans l’historique douloureux de l’Allemagne en exposant les blessures de ses acteurs, non seulement les habitants qui ont survécu à la guerre mais aussi la ville et son architecture. Toutes les deux gardent leurs propres cicatrices. Quant à Cartagena, dernière ville sous le règne du Général Franco, elle est encore touchée par les dégâts de la guerre civile. Le chaos fait partie du passé tragique des survivants, mais aussi de leur présent. Les visages ridés, que l’artiste prend en photo, sont collés sur les façades des bâtiments. Des bâtiments âgés, abandonnés, en ruine, dont les effets de la guerre sont apparents. Rides des habitants et rides des bâtiments se confondent.38
Figure 25: JR. The wrinkles of the city Berlin 2013
Figure 26: JR. The wrinkles of the city Berlin 2013
Figure 27: JR. The wrinkles of the city La Havana 2012
Figure 28: JR. The wrinkles of the city Shanghai 2010
38
https://www.jr-art.net/fr
26
Figure 29: JR. The wrinkles of the city Cartagena 2008
Figure 30: JR. The wrinkles of the city Cartagena 2008
3.2. Résistance des habitants et contre-projets citoyens La résistance par les manifestations face aux décisions officielles est un moyen de pression des habitants contre les décideurs. Ceci leur permet d’exprimer leur désaccord et leur volonté pour rénover une ville autrement, démocratiquement.
Figure 31: Des manifestants à Gonesse, le 21 mai 2017 (Thomas SAMSON) du CPTG 2011
Figure 32: Logo des opposants à Europa City
Sur le Triangle de Gonesse, à la place du complexe commercial Europa City et des bureaux en projet, un collectif s’est formé pour contester le projet « destructeur des biens communs que sont les commerces de centre-ville et les terres agricoles péri-urbaines »39. Dans le but d’appeler les décideurs et les politiciens à abandonner le projet, le collectif CPTG exprime son refus par des manifestations en addition au projet CARMA qu’il propose comme solution alternative.
39
http://nonaeuropacity.com/
27
CARMA, Coopération pour une Ambition Rurale Métropolitaine et Agricole ; projet d’agriculture urbaine encourageant une transition écologique. Vue sa proximité du Grand Paris, les terres de Gonesse seront dans ce cas de figure préservés à la fois pour la ville et pour l’agriculture. Des activités seront prévues au service du territoire et de sa population. Le projet vise à :
Promouvoir une agriculture biologique de proximité
Ouvrir des possibilités locales d’emplois
Opter pour des modes innovants de production
Réduire la pollution, améliorer la résilience de la ville face aux aléas du climat
Afin d’assurer une économie circulaire, le projet se compose de 4 pôles :
Figure 33: Projet CARMA dans l’espace agricole du triangle de Gonesse
28
3.3. Nouveau regard sur les bidonvilles : marginalisés puis étudiés « Le redoutable cancer urbain et ses métastases que sont les quartiers insalubres – qui réclament un traitement, une opération, une pharmacologie »40. C’est ainsi que Thierry Paquot décrit les bidonvilles, des quartiers marginalisés, enclavés, au bord de la ville, abritant des milliers de personnes exclues de la société. Les « bidonvillois », dépourvus des ressources nécessaires, sombrent dans la pauvreté et l’insalubrité. Cependant, malgré cette vision sombre des bidonvilles, plusieurs auteurs prouvent que ces quartiers possèdent des qualités exceptionnelles. « Le bidonville présente ces dimensions et qualificatifs que les brochures aiment attribuer à la ville durable : piétonne, dense, numérique, modulaire, écologique, participative, innovante, dynamique, mixte et recyclable. »41
Figure 34: Rocinha Favela à Rio De Janeiro Brésil
Figure 35: Quartier Jbal Lahmar 2016 (Photo personelle)
Ces caractéristiques garantissent un mode de vie unique, des pratiques spécifiques. Vivant dans des conditions difficiles en outre de la sécession du corps social, les habitants trouvent refuge dans leur solidarité et leur appartenance à un groupe social qui les réunit. Ce remède s’oppose au système de ségrégation. Ces derniers se regroupent alors pour former des « enkystements »42 afin de se protéger.
40
Thierry Paquot, (2006) Des corps urbains. Sensibilité entre béton et bitume, Paris, Éditions Autrement Thierry Paquot, (2018) Un monde de bidonvilles. Migrations et urbanisme informel de Julien Damon, esprit.presse.fr 42 Mode de défense de certains petits organismes contre les conditions défavorables du milieu, consistant à sécréter une gangue dure dans laquelle ils restent à l'état de vie latente 41
29
Les relations sociales entre les individus qui occupent ces quartiers sont intéressantes car ils habitent un espace assez particulier. N’ayant pas été soumis à la rigidité des règles de planification, ces quartiers spontanés parfois vernaculaires convergent avec les quartiers historiques, les cités médiévales. Ces derniers porteurs de « substance urbaine »43, transmettent un « souffle urbain à des agglomérations sans urbanité. Grâce à eux, ces dernières conservent l'espoir de voir naître de véritables quartiers qui constitueront avec le temps des villes véritables ».
3.4. La capacité à surmonter : se régénérer Alors que tout organisme évolue de la naissance vers la mort sans retour en arrière possible, la ville n’en finit pas de rajeunir. Son dynamisme lui donne la capacité de durer des siècles. Une capacité propre à l’urbain est sa capacité de se remettre d’une perturbation quelconque. Cet atout, nommé « la résilience urbaine » renvoie à la capacité d’un milieu de vie à surmonter une crise. En effet, elle survit, lutte, et se régénère par des métamorphoses au gré des nouvelles conditions. A vrai dire, certaines villes se revitalisent spontanément sans projet préétabli. Pour d’autres, une étude se fait en amont. Reconfigurer les territoires s’effectue en changeant une ou plusieurs données au sein du système qui est devenu défaillant. L’action de la régénération fait partie d’une vision de réévaluation des relations des hommes entre eux et avec leur milieu.
Figure 36: Vue aérienne de Berlin en 1945
43
Figure 37: vue de Berlin actuellement
Nicolas Reeves, (1999) Quelque chose change : Villes intégrales, cités différentielles, Journal Inter
30
Figure 38: vue d’une rue de Berlin en 1945 (Bettmann)
Figure 40: vue de Chicago après l’incendie de 1871 (New York Times archives)
Figure 39: Vue d’une rue de Berlin actuellement
Figure 41: Vue de Chicago actuellement (Skadelik)
Conclusion Selon les maintes références que nous avons citées, nous pouvons conclure, en premier lieu, que la ville est sujette à des interprétations très variées. Cependant, nous la considèrerons objet polysémique afin de ne pas enclaver la réflexion. La ville, organisme et corps, est interprétée sur plusieurs niveaux. La théorie de l’organicisme opposée à sa critique philosophique est révélatrice d’une interprétation autre que la comparaison formelle, lexicale du concept. Nous retenons :
La ville - « corps sans organe » comme espace ayant des paramètres transitoires et évolutifs dans le temps.
La ville - système métabolique complexe qui consomme de l’énergie et produit des déchets.
31
La ville – organe urbain formé de tissus polyfonctionnels instaurant un « milieu » qui interconnecte ses parties.
Figure 42: Analogie entre organe biologique et organe urbain (Schéma personnel)
La régénération du corps urbain malade est alors conséquente de la démarche étudiée. Urbaniste-organiciste et biologistes ont des points de vue convergents, contrairement aux urbanistes modernes. Ces derniers étudient l'infiniment grand en visant des effets de perspective tandis que les premiers s’intéressent à l’échelle du micro afin d’entrer dans l’intimité et la spécificité de l’organisme. Caractérisée par son organisation, sa rationalité et ses règles, la ville moderne est en proie aux scissions urbaines. Afin de remédier aux pathologies dans cet organisme devenu « organes sans corps », une conception contemporaine prône la dilution des pratiques fonctionnalistes. Dans un urbanisme méthodique et réglementé, les poches délaissées et oubliées restent les solutions alternatives pour une évolution possible. Quelle logique doit-on suivre pour réinvestir ces lieux? Quel chemin suivre quand l’urbain est en perpétuel mutation ?
32
33
Introduction La ville en tant qu’organisme, a besoin de remédier aux maux qu’elle endure. La régénération, acte propre au corps vivant, constitue l’un des processus possibles pour se reconstituer. Qu’est-ce qu’une régénération urbaine ? Est- elle une action innée du corps urbain ?
1. Régénération urbaine dans le corps urbain L’histoire moderne a vu le défilement de plusieurs aires qui ont sculpté les villes en désertant des zones, en occupant de nouvelles et en réutilisant d’autres. Ces transformations établies ont permis de changer notre façon de penser l’espace. Ce qui a pour conséquence des mutations aux niveaux des pratiques de l’aménagement territorial. Le langage urbanistique a vu donc naitre des termes en concordance avec les logiques annoncées. Le vocabulaire atteste des actions de consolidation des tissus urbains afin de reprendre l’héritage bâti. Des méthodes résumées par l’acte de « refaire la ville sur la ville ».
1.1. Etymologie gréco-latine et origine biologique * Etymologie grecque : Le mot « régénérer » contenant le radical –gén- appartient à la famille γενεσις, genesis, qui signifie « force productrice, origine, création »44. * Etymologie latine : « Régénérer » se compose du préfixe « re » pour dire de nouveau, suivi de « générer » qui signifie produire, ceci renvoie à l’action de projeter à partir d’un état déjà existant45. * Origine biologique : Le terme « se régénérer » est emprunté au domaine de la biologie où il est défini par l’action de « reconstituer un tissu, un organe, une partie détruite naturellement ou accidentellement »46 chez un être vivant, un organisme ou une de ses parties. Cette notion est proche de celle de l’homéostasie qui énonce que:
44
Jean-Claude Rolland (2016), Les grandes familles de mots, Edition Lulu, http://projetbabel.org Wikipédia ; définition de « se régénérer » 46 CNRTL, Définition de « se régénérer » 45
34
« Tout système vivant revient spontanément à l’état d’équilibre au travers d’une série de processus régulateurs, dans la limite de la capacité d’adaptation de ce système. Ce rééquilibrage permanent doit prendre en compte deux paramètres : les ressources de l’organisme vivant et la nature du milieu dans lequel il baigne »47
1.2. Définition selon Yves Chalas et Chris Younes Dans « L’invention de la ville »48, Yves Chalas affirme qu’une prise de conscience de l’indéterminée et du hasard a donné naissance à un processus où la régénération ne peut avoir lieu que si elle émane d’une « pensée forte » laissant derrière un urbanisme de « pensée faible » pour lequel « aucune certitude, aucun modèle, aucune utopie, aucune vision du futur ne s’imposaient »49. En tant que vision utopique et pragmatique à la fois, la régénération se propose comme une revalorisation in situ du potentiel local, d’amélioration progressive de l’existant, du développement social urbain. Chris Younes, codirectrice du livre « Recycler l’urbain : pour une écologie des milieux habités »50, rapporte que l’ouvrage traite trois axes généraux qui sont l’écosophie, le métabolisme urbain et la métamorphose. Selon la philosophe, l’urbain se réinvente car la ville dispose d’une forte capacité de transformation. Le terme « recycler » renvoi aux cycles de vie de la ville. Les déchets ne sont plus à rejeter mais constituent une ressource pour le démarrage d’une nouvelle boucle. La régénération peut alors être définie comme cet acte qui permet de réintégrer ces entités dans une nouvelle urbanité.
47
Loi de l'homéostasie https://regenerescence.com/la-regeneration-se-regenerer/ Yves Chalas (2000), L’invention de la ville, Edition Economica, collection Villes 49 Idem 50 Chris Younès, Roberto D’Arienzo (2014), « Recycler l’urbain : pour une écologie des milieux habités », Edition MetisPresses, collection vuesDesemble Essais 48
35
1.3. Synonymes de la régénération et vocabulaire :
L’acte du renouvellement urbain est
La régénération urbaine, nouvelle
apparu dans les documents d’urbanisme en
forme de réaménager l’espace, est une
premier lieu en Grande Bretagne, durant la
riposte au renouvellement, solution brutale
fin du XIXe siècle sous le nom
et catégorique face à un corps urbain
d’« urban
renewal ». La pratique fut adoptée en France
complexe.
en tant que « renouvellement urbain ». La régénération urbaine, action plus Le renouvellement urbain induit un
rattachée à son contexte, signifiant le
simple remplacement d’éléments urbains
recyclage de la ville, assure une restitution
par
une
par un rééquilibre fonctionnel, social et
prothèse, l’élément ajouté représente un
économique en réponse aux nouveaux défis,
corps étranger au métabolisme.
tout en respectant l’existant.
d’autres
semblables.
Comme
Figure 43: Vocabulaire de la régénération urbaine (Schéma personnel)
1.4. Cycles de vie de l’urbain ; régénération spontanée / planifiée Lewis Mumford, spécialiste en histoire de l’urbanisme au XIXe siècle, relate les cycles de vies de l’urbain qui coïncident avec les cycles de vies des civilisations. Des boucles mènent la ville à vivre aux dépens d’une sinusoïde qui oscille entre la décadence et l’essor urbain. Elle se revitalise implicitement alors selon les nouveaux paramètres qui se mettent à sa disposition. Elle renait au gré des besoins naissants, des modes de production renouvelés, des systèmes politiques et économiques reconsidérés. Cette modalité de revitalisation est un retour à l’état originel où les différents êtres et les différentes fonctions et occupations cohabitaient harmonieusement et naturellement.
36
Figure 44: Cycle de vie de la ville entre régénération urbaine planifiée et spontanée (Schéma personnel)
Cependant, le métabolisme urbain n’est pas toujours capable de se revitaliser convenablement par manque de moyens et de ressources dont il dispose. C’est à ce moment que les acteurs publics interviennent. Une régénération urbaine réglementée vise donc des morceaux de ville qui ne se renouvellent plus, ou très difficilement, par eux-mêmes. Le rôle de l’intervention publique est d’entreprendre les actions nécessaires afin de faire sortir les territoires de la spirale de la dégradation, paralysés par les dysfonctionnements sociaux, économiques et spatiaux. En matière de régénérations, l’acuponcture urbaine est un exemple faisant référence à la thérapie chinoise ancestrale qui stimule des points précis dans le corps avec des aiguilles pour se libérer des maux. Cette référence annoncée par Marco Casagrande, architecte et sociologue finlandais, met en évidence la relation que peut avoir une microchirurgie locale, une opération ponctuelle au départ pouvant enclencher un processus globale d’amélioration du corps. Cependant, l’application de ces théories n’est pas toujours faite unanimement. Face à des orientations politiques diverses, les projets de régénération changent. Ce lexique nous renvoie de nouveau à la ville perçue comme organisme vivant. De quelle façon se régénère le métabolisme urbain ? Quels modèles sont en vigueur ? Figure 45: Définitio n des se cteurs d'intervention Figure 46: Plan de l'ilot avant l'intervention Figure 47: Plan de l'ilot après l’ass ainisse ment Figure 48: Vue sur la rue de San Leon ardo avant a ssainis seme nt Figure 49: Axo nométrie de l'ilot une fois restauré Figure 50: Vue sur la rue de San Leon ardo après assai nisse ment (2 012) Figure 51: Affiche p our une a ssemblée des ha bitants Figure 52: Carte - Reno uvellement urbain et projets culturels d ans le centre et le port an cien de Gênes (S. Jacq uot Figure 53: Musée de la mer par Guiller mo Vázq uez Co nsue gra Figure 54: Carte – Re nouvellement ur bain et projets culturels dan s le centre et le port ancien de Gênes S. Jacq uot Figure 55: Piétonis ation de l’a xe Via San Lore nzo Figure 56: Aquariu m (R. Pia no) Figure 57: Sphère (R. Pian o) Figure 58: Espa ce d’a mén ageme nt portuaire (j aune ) tunnel (bleu ) Figure 59: Dispo sition sp atiale des éléments du projet de RIA Figure 60: Tour Iberdr ola (De putaci on) Cesar Pelli Figure 61: L’aér oport Bilb ao Santiag o Calatrava Figure 62: La passerelle Zubi -Zuri Santiago Calatrava Figure 63: Les a ccè s de métro «Fo steritos» Nor man Fo ster Figure 64: Le musée Gu ggen heim Frank Gehry Figure 65: Le ce ntre co mmerci al Ro bert Stern Figure 66: Plan de situation d u projet Figure 67: Maq uette de l’existant Figure 68: Plan RDC d u projet (pl acette en noire ) Figure 69: Phot o aérienne du projet Figure 70: Phot o de la pla cette et l’habitation colle ctive en arrière-plan Figure 71: Plan de limitation d u périmètre du projet Figure 72: Modi ficatio n du pla n métrop olitain général Figure 73: Secteur 6 ; exi stant (h aut) pr ojet (ba s) Figure 74: Coe xistence ancie n/no uveau bâti ment Figure 75: Master pla n du projet de l’île de Wilhel msb urg Figure 76: Modélis ation du quartier résidentiel “Quartier du monde ” Figure 77: Zoo m sur l’esp ace urb ain Figure 78:Vue aérienne de s différents projets d u centre de Wilhel msb urg Figure 79: Axo nométrie du projet Seoul skygarden Figure 80: Plan de ma sse su projet Séoul Skygarden Figure 81: Phot omo ntage du projet mo ntrant la végétation Figure 82: Maq uette montrant l’aq uedu c et la végétation Figure 83: Vue aérienne du projet Skygarden (MVRDV) Figure 84: Zoo m sur un ca fé surplo mbé d’ une terrasse Figure 85: Différents types d'a ménage ment et d'esp ace
37
2. Modèles et logiques de régénération Il s’agit de s’intéresser à plusieurs exemples d’opérations pionnières, d’en proposer des fiches synthétisant les points suivants ; historique, objectif, acteurs, programme, résultats et critique. Les fiches sont présentées dans un ordre chronologique. Les exemples ne prétendent pas refléter un panel exhaustif de ce qu’il s’est fait en la matière depuis les premières réflexions sur le sujet, mais ils servent à alimenter une analyse ainsi qu’une tentative de compréhension.
2.1. Panorama d’opérations pionnières
Num
Ville
Année
Type de projet
1
Bologne : Centro storico
1969
Projet urbain
2
Gènes : Porto Antico
1991
Revitalisation de front de mer
3
Bilbao : Ria 2000
1992
Revitalisation urbaine
4
Innsbruck : Centrum Odorf
1996
Renouvellement urbain
5
Barcelone : 22@
1997
Renouvellement urbain
6
Hambourg : IBA
2002
Requalification/revitalisation urbaine
7
Seoul : 7017 Skygarden
2015
Revitalisation urbaine
38
e
39
40
41
42
43
44
45
46
47
48
49
50
51
52 52
2.2. Analyse et compréhension des logiques de régénération Les exemples traités nous ont permis d’analyser deux logiques de régénération possibles. Nous avancerons dans la prochaine partie les facteurs et paramètres dont dépendent chaque logique. En effet, sous la même étiquette de la régénération urbaine, les démarches à suivre varient et parfois même divergent selon les décisions du pouvoir politique. Le renouvellement s’effectue d’une façon générale selon deux types d’approches.
Des projets visant l’attractivité externe de la ville (approche outside-in). Dans ce cas de figure, les sites disposant d’une excellente desserte et d’une grande visibilité internationale sont les plus cherchés. On parle de régénération de marketing.
Des projets qui cherchent davantage à répondre aux besoins internes du lieu (approche bottom-up), qui concernent les territoires en reconversion économique et sociale. Il s’agit d’une régénération urbaine intégrée. Nous classifierons les exemples présentés auparavant selon ces deux logiques de
régénération. Cependant pour certains cas, le choix n’est pas évident car les projets partagent des caractéristiques avec le projet urbain ainsi que le marketing territorial. Nous les intègrerons dans une partie d’entre deux.
Figure 86: Classification des projets selon les logiques de régénération (Schéma personnel)
53
2.2.1. Marketing territorial : l’entrepreneurialisme urbain51 : Offrant les conditions les plus favorables possibles pour l’investissement privé, l’entrepreneurialisme attire hommes d’affaires et bailleurs de fond. Deux phénomènes entrent alors en jeu. En premier lieu l’économisme qui se présente comme le but principal du projet et la gentrification qui, elle, survient en tant que conséquence directe ou indirecte.
Figure 87: Facteurs du Marketing territorial
a. L’économisme Le modèle de développement est basé sur la lutte contre la pauvreté considérée comme source de décadence urbaine, chômage et violence. Afin de remédier à ces problèmes, les acteurs politiques aspirent au développement économique. Les villes combinent culture et tourisme pour attirer plus de visiteurs. Gênes et Bilbao sont des villes qui ont adoptées cette stratégie en ayant recours à un ou plusieurs mégaprojets (Musée Guggenheim, Musée de la mer, etc.) qui marquent l’espace par une apparence fortement symbolique. Certains retours des journalises et théoriciens évoquent aujourd’hui l’ « effet Bilbao »52 pour décrire le processus d’évolution économique. b. Dans les plus brefs délais Libéré des contraintes relatives au site, le processus de conception du projet ne requiert pas une longue durée. Le gain de temps d’où le gain d’argent est un aspect
51
David Harvey (1989), From Managerialism to Entrepreneurialism: The Transformation in Urban Governance in
Late Capitalism, Geografiska Annaler. Series B, Human Geography 52 Valérie Duponchelle (2017), Musées: quand la France se mesure à l'effet Bilbao, Le figaro, publié le 05 juillet version électronique
54
fondamental pour les acteurs publics et privés. Les projets se réalisent dans des temps record bouleversant habitants et habitudes urbaines. Les acteurs ont souvent recours à la pratique du bulldozer et de la tabula rasa, pour limiter les couts et les délais. c. Gentrification Le déni des situations habitantes se répercutent sur la vie des citadins. Les personnes à faible revenu sont les principales victimes atteintes par les effets secondaires de cette démarche. A Hambourg, Gênes ou Bilbao, la privatisation des espaces publics par les restaurants et les cafés les rendent inaccessibles aux habitants. Exclus de leur lieu de résidence sous prétexte qu’il s’agit de « régénération
urbaine »,
les
habitants sont privés de leur « droit à la ville »53 face à un crime de
gentrification.
marchandisation importante
que
est les
La ici
plus
valeurs
culturelles et sociales. Usant d’un aspect radical qui assure le succès, l’état est preneur de cette pratique sans se soucier des ruptures qui se créent au sein de la société.
Figure 88: Caricature sur la gentrification des villes (Tom Toles 1998)
Figure 89: Schéma des étapes de gentrification (schéma personnel)
53
Henry Lefebvre (1968), « Le droit à la ville », Edition Anthropos
55
2.2.2. Projet urbain intégré Dès la fin des années 60 avec l’exemple de Bologne, le projet urbain est un concept mais aussi une manière d’agir qui marque la transition entre la manière traditionnelle de penser l’urbanisme et une approche plus ouverte aux transformations et aux débats. Construction urbaine qui répond à une logique de processus, la réhabilitation physique sert comme levier pour entreprendre des changements en faveur du développement économique, de la cohésion sociale et de l’efficacité énergétique.54 Nous essaierons de comprendre dans ce qui suit les qualificatifs d’un projet urbain réussi. Même si les théoriciens divergent parfois dans la nomination de ces facteurs, nous retenons celle de Xavier Casanovas, architecte espagnol et président d’une association qui assure la revitalisation de quartiers historiques dans des villes méditerranéennes.
Figure 90: Facteurs du projet urbain intégré selon Xavier Casanovas55
a. Concertation Le projet urbain a comme perspective la réhabilitation progressive des quartiers en difficulté avec et pour les habitants, en intégrant leur culture urbaine dans la démarche à suivre. Projet de concertation, il contribue à mettre en place un scénario à plusieurs partenaires. Il s’appuie sur une étude négociée avec les populations concernées, comme une
54
Zimmermann Monique, Toussaint Jean-Yves (1998), Projet urbain ; ménager les gens, aménager la ville, Edition Architecture + Recherche Mardaga 55 Architecte et président de Rehabi med ; association qui travaille pour la promotion de la réhabilitation durable et de la revitalisation sociale et économique
56
concrétisation d’un désir de coexistence. Grâce à une volonté politique, le projet urbain de Bologne, pionnier dans ce domaine, repose sur la participation des usagers. Les comités des quartiers, les ateliers participatifs, les associations sont des structures de débats. c. Flexibilité Le projet urbain est un processus continu dont la forme de départ est suggéré plus que planifié. Ce dernier ne précède pas le programme mais l’engendre suivant des évidences culturelles. Christian Devillers dit à ce propos « Au fond c’est ça, faire un projet urbain ; ne pas faire quelque chose de fini, quelque chose d’idéal, mais faire quelque chose sur laquelle on puisse continuer à travailler ». Le facteur temps relève du primordial dans un projet urbain. En opposition à l’urbanisme figé, un tel projet existe et demeure par la fréquentation et les habitudes urbaines des individus. L’appropriation de l’espace se fait d’une façon subtile et progressive. L’occupation des intervenants façonne et sculpte l’espace, tel « un urbanisme d’émergence.»56 a. Globalité Le projet urbain traitant un morceau de ville est un système qui englobe à son tour plusieurs sous-systèmes selon une vision multisectorielle. Effectivement, à Barcelone les études se sont portées sur plusieurs domaines représentés par des institutions, des organisations, publiques ou privées. Réussir le projet revient à coordonner l’ensemble des représentants assurant une cohérence et un équilibre entre les différents besoins et études. a. Intégration Pour garantir la continuité de la mémoire du lieu, la mutation du tissu existant advient par un projet urbain qui se dessine en considérant l’identité et la singularité des formes et pratiques urbaines déjà existantes. Ces traits sont susceptibles de guider, non seulement les formes du projet, mais également son processus, par opposition à une vision générique. Figure 91: Plan du quartier Raval à Barcelone Figure 92: Plan d’un bidonville à Nanterre Figure 93: Photo d’une favela à Rio De Janeiro Figure 94: Photo d’une rue de la médina
56
Jacques Rey (1998), Projet urbain ; ménager les gens, aménager la ville, sous la direction de Jean Yves toussaint et Monique Zimmerman, Ed Architecture+ Recherche Mardaga
57
a57 « Même dans les villes les plus pauvres, les espaces semi-publics et informels, marchés, foires ambulantes, bars, restaurants, kiosques à journées, étals de marchandises racontent le triomphe de la rue sur la prétendue privacy anglo57 saxonne. »
Figure 95: Schéma des spécificités des quartiers historiques et bidonvilles
57
Franco La Cecla (2008), Contre l’architecture. Edition Arlea
58
« Dans les tissus fortement constitués, la forme urbaine demeure, l’usage évolue, la ville se transforme sans que sa structure physique ne soit modifiée, grâce à des interventions de substitution, de greffes, de compléments. »58 A vrai dire, l’existant ne se limite pas au bâti mais inclut également les pratiques des habitants. Le patrimoine immatériel et social doit faire l’objet d’une attention particulière dans le processus de réaménagement. Le projet urbain de Bologne intègre dire les activités traditionnelles des habitants en conservant des ateliers dans les rez de chaussée des immeubles. En effet, la vie communautaire homogène est à conserver. Conclusion
Figure 96: Diagramme expliquant les problématiques et les objectifs du projet urbain (Schéma personnel)
Une régénération permet de remédier aux maux de la ville grâce à une série d’actions déclenchée de la part des acteurs concernés. Cette compréhension nous a permis
58
Nicole Eleb-Harlé et Stéphane Berthier (2007), « Construire la ville sur la ville : l’affaire d’une génération » dans « Europan France 1988-2007 : Innover Dialoguer Réaliser » éd. Jean Michel Place
59
de dégager les notions dont dépend la régénération. Objectif et moyens s’accordent pour mener à un résultat précis. La ville résiliente est une ville capable de régénérer ses milieux obsolètes, plus robuste face aux crises. La résilience assure une revitalisation urbaine durable et responsable.
3. La capacité résiliente Introduction et définition La notion de résilience urbaine, apparue dans les années 2000, découle du concept de la résilience écologique.59 Elle se fonde sur l’identification, l’absorption et le dépassement des dysfonctionnements et désordres de l’urbain qui subviennent imprévisiblement afin d’atteindre de nouveau l’équilibre. Les capacités résilientes d’un milieu urbain lui permettent de se réinventer, se recycler, se recréer, se reconstruire après des turbulences grâce à des propriétés intrinsèques acquises a priori. Nous interrogeons la signification de la résilience chez Marco Stathopoulos ; architecte et chercheur, et l’Atelier Architecture Autogéré.
3.1. La ville résiliente selon Marco Stathopoulos : La ville résiliente est transformable et flexible. Contrairement à la ville réglementée, hiérarchisée, optimisée et sécurisée, «elle fonctionne en hétérarchie, limite les dépendances et multiplie interconnexions et redondances entre les différentes échelles de fonctionnement. Le risque fait partie de ses fondements, tout comme les ressources qui peuvent s’en dégager….La crise est révélatrice d’opportunités… »60
Figure 97: Illustration d'un système résilient (Cultivating Excellence)
59 60
« Résilience urbaine » https://villeresiliente.org/2012/01/22/resilience-urbaine/ Marco Stathopoulos (2011), « Qu’est que la résilience urbaine? », revue Urbanisme n°381
60
3.2. La résilience selon l’Atelier Architecture Autogéré : Dans ce qui suit, nous nous référons aux travaux effectués par l’Atelier Architecture Autogéré pour définir la résilience. En second lieu, en tant que références, nous nous attarderons sur quelques exemples réalisés par cet atelier en collaboration avec d’autres organisations.
Atelier d’Architecture Autogérée est une association constituée à l’occasion du projet « Réseau d’Eco-urbanité » dans le quartier de La chapelle à Paris en Juin 2001. Son intention est de développer des stratégies interdisciplinaires de débat et d’intervention en matière d'aménagement de la ville. AAA continue d’élaborer plusieurs projets autour des mutations urbaines et des pratiques culturelles, sociales et politiques émergentes de la ville contemporaine. AAA développe « un réseau hybride » de partenaires intégrant des acteurs locaux, des professionnels et des partenaires non-locaux.61
AAA agit par des « tactiques urbaines »62, en favorisant la participation des habitants à l’autogestion des espaces urbains délaissés, aussi en encourageant les projets nomades et réversibles, qui explorent les potentialités des villes. Le groupe a pour vision de rendre la ville plus écologique et plus démocratique, afin que les espaces de proximité soient plus accessibles aux usagers. « L‘architecture autogérée est une architecture de relations, de processus et d’agencements de personnes, de désirs, de savoir-faire. » 63 Cette idéologie fait partie de leur quête de rendre la ville résiliente. Cultiver des ressources de redondances locales garantit une capacité de résilience à la ville face aux aléas de l’environnement.
61
ReDesign_studio (2008), Interstices urbains temporaires, espaces interculturels en chantier, lieux de proximité, Programme interdisciplinaire de recherche 62 http://www.urbantactics.org/about/ 63 Idem
61
3.2.1. Les principes de l’urbain résilient selon AAA Dans la stratégie de AAA, trois grands principes sont pris en compte pour aboutir à un urbain résilient :
Les réseaux Les circuits La participation
Ces principes permettent aux acteurs d’agir de telle façon que le quartier devienne un laboratoire d’innovation culturelle, sociale et environnementale. a. Les réseaux Des réseaux de résilience sont mis en place à l’échelle du quartier. La définition de la zone d’influence qui est celle du quartier garantit un impact positif sur l’ensemble des acteurs car ces derniers participent et même décident des choix à prendre à l’égard des projets à concevoir. Citoyens, organisations locales, sont alors porteurs de projets. Contrairement à la régénération urbaine, la résilience se porte sur une échelle assez réduite. Les réseaux se limitent à une marge de distance qui varie de 500 à 5000 m.
Figure 98 : Réseaux de résilience émergeant des biens urbains communs (Atelier d’Architecture Autogérée)
b. Les circuits La résilience est appliquée quand l’économie devient circulaire afin d‘éviter l’atteinte à l’environnement. Les difficultés sont résolues localement même quand l’enjeu est
62
global. Ceci crée des boucles fermées, des cycles écologiques. L’économie locale aide les habitants à consommer et produire d’une façon plus responsable.
Figure 99: Les différents circuits cours d'une économie circulaire (Schéma personnel)
Figure 100: Schéma synthétique de l’économie circulaire (Schéma personnel)
La ville adaptable envisage la relation que peut entreprendre la nature avec l’urbain. En effet, la nature n’est pas l’opposé de la ville mais plutôt sa complice. L’une des caractéristiques de la nature est son aspect évolutif dans le temps ainsi que sa capacité de se revitaliser même quand les circonstances sont difficiles. Protéger l’environnement revient à intégrer ce dernier dans une stratégie de complémentarité. Dans le cas contraire, (le cas actuel) l’impact s’amplifie et les dégâts sont de plus en plus néfastes. 63
Garantir l’emplacement des jardins et intégrer l’agriculture urbaine sont des actions qui permettent la mise en valeur de la nature en tant qu’élément essentiel dans la ville.
Figure 101: Economie circulaire locale (Atelier d’Architecture Autogérée)
c. La participation Les usagers sont les acteurs principaux dans la ville. L’efficacité ainsi que la réussite de la résilience sont relatives au degré de participation de ces derniers dans le destin de l’urbain. Les formes de participation varient ;
Citoyen participant à un évènement (conseils de quartier)
Employé travaillant dans des associations ou autres
Agent actif détenant des projets ou des plateformes
Figure 102: Gouvernance participative et pratiques productives (Atelier d’Architecture Autogérée)
64
3.2.2. Projets résilients d’AAA Le groupe Atelier Architecture Autogéré, en collaboration avec d’autres institutions, ont réalisé plusieurs projets combinant maints champs d’investigation. Outre la transition écologique qui se base principalement sur une économie circulaire, une production d’énergie renouvelable locale, les projets s’intéressent également à l’innovation sociale dans la communauté qui réside en ce lieu. A vrai dire, pour assurer la résilience urbaine, les projets sont autogérés, parfois auto-construits en utilisant des aménagements nomades à usage réversibles. Nous avons sélectionné deux exemples pour décortiquer les détails d’un projet urbain résilient :
1. RE SOURCES 2. R URBAN
65 65
Figure 103: Modélisation du projet Re Sources (AAA)) Figure 104: Vue 3D du projet Resources (AAA) Figure 105: Répartition des activités dans le projet Ressources (AAA) Figure 106: Les circuits et leurs étapes créés dans le projet Ressources (AAA)
66 66
67 67
68 68
Synthèse : Les interstices urbains dans la régénération résiliente
Figure 114: Différences et convergences entre résilience et régénération
Entre résilience et régénération, quelques aspects diffèrent mais les deux phénomènes se retrouvent autour d’un objectif commun, celui de revitaliser l’urbain et de retrouver un équilibre physique, social, environnemental au sein de l’urbain. Il est même possible de combiner les deux concepts afin de pousser la réflexion par rapport à l’inscription dans le contexte dans lequel il s’inscrit. Nous parlons ainsi de « régénération résiliente ». La régénération résiliente consiste en une intervention portée sur un morceau de ville afin de le revitaliser en lui procurant les ressources nécessaires pour assurer son fonctionnement. L’urbain entre alors dans une boucle circulaire, passant du délabrement à la croissance sans l’intervention d’un acteur extérieur. Lors de notre recherche sur l’urbain résilient, l’Atelier d’architecture Autogéré propose une « manière de penser à un changement radical dans la société » en intervenant sur les interstices ; « la meilleure façon d’agir sur les interstices est de les organiser »64. Les espaces délaissés se transforment alors en « communs urbains »65. On se demande alors qu’est-ce qu’un interstice urbain ? Quels sont les critères afin de considérer un espace comme interstitiel ?
64 65
Holloway (2006) David Bravo (2016), "R-Urban": Network of Urban Commons, Public Space.org
69
70
1. Interstices urbains Introduction Régénérer la ville revient à la recycler dans tous ses éléments. Le recyclage prend en considération tout ingrédient faisant partie de l’urbain englobant les restes quotidiens, les pratiques urbaines, les délaissés urbains, les interstices. La nouvelle urbanité nait à partir de ces entités revitalisées. Ces dernières constituent la matière première pour entamer le projet en question. En tant que concepteurs d’espaces, nous nous focalisons sur les délaissés et les interstices urbains. Ces derniers s’offrent comme des réserves possibles pour créer des communs urbains. Un protocole d’exploration du contexte d’application choisi nous permettra de distinguer les interstices qui se trouvent dans ce territoire. Il est alors essentiel de les définir, de présenter les caractéristiques qui les distinguent des autres espaces urbains afin de travailler sur le potentiel qu’ils recèlent.
1.1. Définition Le terme « interstice » est polysémique. Nous présentons dans ce qui suit sa définition étymologique ainsi que sa définition dans le domaine de l’urbanisme. a. Définition du CNRTL :
Petit espace vide entre deux corps, entre les parties d’un tout Espace de temps Intervalle, hiatus
b. Définition en urbanisme L’évolution des villes, l’excès d’urbanisation produisent des espaces abandonnés. Ces terrains abandonnés dans le développement urbain nommés interstices urbains, sont « des restes d’un découpage qui ne tombe pas juste »66. Etant des pores ou des cavités en suspens, ils forment « la réserve de disponibilité » de la ville.
66
Patrick Degeorges et Antoine Nochy (2002) « L’impensé de la ville », dans « Construire autrement » sous la direction de Patrick Bouchain, Ed ActeSud
71
Pascal-Nicolas
Le
Strat,
théoricien
et
praticien
affirme
que
les
interstices «représentent ce qui résiste encore dans les métropoles, ce qui résiste aux emprises réglementaires et à l’homogénéisation. »67 Cet aspect de résistance est courant dans les définitions des interstices qui sont perçus comme des lieux échappant au contrôle, contaminant l’ordre statique. c. Synonymes et vocabulaire cités par les théoriciens :
Figure 115: Vocabulaire et synonymes d'interstice selon Quentin Roux68
1.2. Critères de classification Afin de considérer un espace comme interstice, il faut que ce dernier ait certains critères précis. En se référant à Clara Guillaud (2009), une classification69 présente les points communs que détiennent l’ensemble des interstices.
Statut provisoire et incertain.
Disponibilité temporaire, indéterminée.
Sous-utilisation, délaissement ou abandon
Crise économique ou sociale brutale
Une échelle réduite ; contestable au sein d’un quartier
Mauvais état, valeur négative
67
Pascal Nicolas-Le Strat (2009), Multiplicité interstitielle. Expérimentations politiques, Ed Fulenn Quentin Roux (2015), Pratiques interstitielles dans les villes contemporaines : de quoi parle-t-on ?, www.citadivision.com 69 Clara Guillaud (2009), Interstices et pratiques culturelles, www.implication-philosophiques.org 68
72
Les interstices détiennent généralement une connotation négative chez les habitants. Afin de renverser la situation, maintes artistes transforment les espaces délaissés en des œuvres d’art. Ils y trouvent le refuge idéal pour loger leurs installations. Une fois la cavité sculptée, elle gagne en intérêt de la part des habitants et des passants. L’art est un moyen efficace pour métamorphoser les interstices. Nous présentons dans ce qui suit quelques œuvres qui ont dévoilé des délaissés urbains.
1.3. Les interstices vus par les artistes Michael Johansson : artiste d’origine suédoise, crée des sculptures en utilisant des objets recyclés. Comme un puzzle ou un jeu de Tetris, les objets se combinent et épousent la forme géométrique du vide urbain.
Figure 116: Michael Johansson, Monument Oslo Norvège (2013)
Figure 118: Michael Johansson, Facelift, London, Grande Bretagne (2015)
Figure 119: Michael Johansson, Public Square, Osnabrück, Allemagne (2015)
Figure 117: Michael Johansson Recollecting Koganecho, Yokohama, Japon (2012)
Figure 120: Michael Johansson, Tetris, Rotterdam, Pays bas (2011)
73
Kurt Persche : artiste Américain, implante une boule géante gonflable, rouge dans des villes du monde entier. L’installation dure toute une journée avant que cette dernière ne se projette dans un nouveau site.
Figure 123: Kurt Perschke, RedBall, El bruc, Juin 2002
Figure 122: Kurt Perschke, RedBall, Barcelone, Juillet 2002
Figure 125: Kurt Perschke, RedBall, Chicago, Septembre 2008
Figure 127: Kurt Perschke, RedBall, Exeter, GB, 2012
Figure 121: Kurt Perschke, RedBall, Leuven, septembre 2012
Figure 124: Kurt Perschke, RedBall,
Figure 126: Kurt Perschke, RedBall, Paris, Avril 2013
74
A travers le projet « RedBall », l’artiste utilise son œuvre comme catalyseur pour promouvoir une nouvelle vision des espaces et interstices d’une ville comme les bâtiments en ruines, les ruelles désertes, sous les ponts, etc… Les spectateurs, quel que soit leur âge, genre, culture sont toujours aspirés par le ballon, par sa taille, sa couleur. Ceci les poussent à repérer et cogiter aux situations de l’urbain. Conclusion L’interstice est par défaut non rentable, parce qu’il ne vaut rien dans son état brut, il faut
l’extraire
de
ce
cycle
symbolique, environnementale, qui
et
lui
donner
une
autre
rentabilité ; sociale,
restaurera à son tour son utilité économique. Les
interstices se présentent en tant qu’espaces propices pour loger de nouvelles fonctions communes aux quartiers, comme des fermes urbaines, des activités culturelles, des aires de partage. Ceci permet le recyclage des terrains ou friches abandonnées. Le réinvestissement offre une nouvelle opportunité aux habitants de se partager des espaces au sein d’une ville où l’ensemble est devenu territoire privé.
Figure 128 : Schéma des potentialités d’un interstice
75
2. Diagnostic urbain de Bab El Falla Introduction Dans ce dernier chapitre, notre diagnostic du quartier de Bab El Falla est une mise en pratique de l’analogie de la ville comme corps urbain ainsi qu’aux moyens et pratiques nécessaires pour sa revitalisation quand ce dernier présente des anomalies. Nous avons choisi de mettre en pratique les concepts que nous avons acquis durant cette recherche dans le contexte particulier du quartier de Bab el Falla. Un quartier hétérogène qui a toujours suscité ma curiosité d’étudiante en architecture pour sa stratification architecturale complexe et intrigante. En sortant de la Médina ou du Centre-ville, on passait généralement par la rue Sidi el Béchir ; je me demandais comment ce quartier s’était développé pour donner ce qu’il est aujourd’hui.
2.1 Situation géographique et historique
Figure 129: Situation du quartier Bab Elfalla
Le quartier de Bab El Falla se trouve dans l’arrondissement Sidi el Bechir, dans le gouvernorat de Tunis. Correspondant au faubourg sud de la médina de Tunis, son nom renvoie à l’une des portes qui circonscrivait la muraille de la médina autrefois.
76
Medina Faubourgs
Emplacement de l’ancienne porte de Bab El Falla
Figure 130: Plan de la ville de Tunis en 1831 (reproduite d’après celle de Falbe)
Autrefois,
on
a
entendu
crier,
avec
horreur, « sortez de la Fella.. » C’étaient les voix des Tunisiens qui essayaient de se sauver de l’attaque des espagnols. Le mur de la médina, rempart de protection, était percé de plusieurs portes qui permettaient l’accès aux habitants. Quand la cité fut envahie par les espagnols, les Tunisiens n’avaient plus d’issues de secours. Le seul espoir était dans une petite ouverture, une brèche dans le mur de la Médina « El Fella ». De nos jours, le rempart et la « Fella » ont disparu. Mais, la dénomination est toujours là.1 Figure 131: La
porte de Bab el Fella
(Collections ND)70
70
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bab_El_Fellah
77
La rue Sidi el Bechir structure le quartier depuis des siècles. La mosquée Sidi el Bechir, la médersa Bechiria et une série de commerces bordaient cet axe principal.
Figure 132: Rue de Sidi el Bechir (Ed Ylz)
Figure 133:Rue de Sidi el Bechir
Après l’indépendance, Bourguiba avait revendiqué la percée de la ville arabe comme « principe d’émancipation de la société traditionnelle et comme projet préalable à la modernisation urbaine dans le but de créer une culture nationale »71. Les urbanistes italiens Luaroni et De Carlo ont établi le Plan d’aménagement de la commune de Tunis en 1964. Une percée est alors réalisée à ce moment longeant la rue de Sidi el Bechir.
Figure 134: Vue Est de la percée de Sidi el Bechir dans le faubourg sud de la médina de Tunis (Jalel Abdelkefi, 1989)
Figure 135: Vue Sud de la percée de Sidi el Bechir dans le faubourg sud de la médina de Tunis (Jalel Abdelkefi, 1989)
71
Jallel Abdelkefi (2004), Ville et territoires de la Tunisie à l’heure du nationalisme dans Habib Bourguiba. La trace et l’héritage, sous la direction de Michel Camau, Vincent Geisser, Ed Karthala, Collection Science Politique Comparative
78
2.2. Analyse à l’échelle macro
Forme urbaine : Entre la médina et la ville coloniale, le quartier de Bab el Falla se situe dans un milieu urbain hétérogène.
Figure 136: Les différents tissus urbains englobant Bab el Falla
Voiries et repères : Pour les habitants de la capitale, le repère majeur du quartier est son souk qui se développe dans la partie sud des ruelles de la médina. Le quartier est desservi par le transport public (bus, métro, train).
Figure 137: Repères et voiries à Bab El Falla
79
Strates urbaines : La ville est riche de ses multiples strates. Nous essayons dans ce qui suit de montrer ces strates en démontrant les spécificités du lieu.
Figure 138: Différentes strates du quartier de Bab El Falla
80
Corps urbain :
Figure 139: Bab el Falla: Corps urbain (Schéma personnel)
81
2.3. Délimitation du périmètre d’étude Pour notre étude, nous nous sommes restreint à une zone d’étude au sein du quartier (en rouge dans la figure 138). Le choix a été porté sur l’axe principal qui structure le quartier et articule ses différentes entités ; la rue Sidi El Béchir. Une échelle de voisinage (de 500 à 5000 m définie dans la partie 3.1. du chapitre précèdent) a été adoptée afin que le projet permette de toucher au niveau des relations avec les habitants, les associations, les artisans, les marchands, ...
Figure 140: Plan de délimitation de la zone d'étude (Schéma personnel)
2.4. Observation du quartier : grilles d’analyse séquentielles Durant
plusieurs
visites,
nous
G4
empruntons un circuit allant du point 1 vers le point 2. Nous essayons dans la partie
suivante
d’analyser
les
G3
observations que nous avons retenues G2 G1
lors de ce parcours. Nous les présentons sous forme de grilles séquentielles (G1, G2, G3, G4) intégrant des coupes urbaines sur la voie principale de Sidi El Béchir à partir desquelles on mène une observation basée sur des photos commentées.
Figure 141: Repérage des plans de coupes des séquences urbaines
82
83
84
85
86
2.5. Repérage des interstices à Bab El Falla Un repérage des interstices urbains dans le périmètre d’intervention nous permettra d’élaborer un réseau dans lesquels nous inscrivons notre réflexion sur le quartier. 2.5.1. Inventaire des interstices à Bab El Falla
2.5.2. Analyse des interstices repérés Nous essayons d’analyser dans la partie suivante chaque interstice retenu lors du repérage. Nous évoquerons les points positifs et négatifs de chaque espace.
87
88
2.5.3. Grille d’identification selon les critères
Numéro
interstice
1
2
3
4
5
6
Crise économique ou sociale brutale
x x x x
x x
x x x x
x x x x
x x x -
x x x x
Une échelle réduite ; contestable au sein d’un quartier Mauvais état, valeur négative
x x
x x
x x
x x
x -
x x
Critères Statut provisoire et incertain. Disponibilité temporaire, indéterminée. Sous-utilisation, délaissement ou abandon
Selon la grille des critères que nous avons mentionnés auparavant (page 72), nous avons pu identifier des interstices de morphologies différentes. Nous en retenons quatre : espace résiduel entre immeubles, souk inoccupé, jardin, marché. Conclusion Suite à la sélection effectuée, nous interviendrons sur les interstices choisis pour former un réseau d’espaces interconnectés entre eux. Nous retenons l’interstice du marché (interstice VI ; voir grille page 88) Outre sa grande superficie, ce dernier a une position stratégique à l’intersection des deux axes ; rue Sidi El Béchir et rue de l’Algérie. Comment peut-on redonner vie à cet espace délaissé ? Quel programme lui donner ?
.
89
Synthèse générale
Figure 142: Paramètres d'un projet de régénération résiliente (Schéma personnel)
90
3. Intervention urbaine et architecturale Nous essayons de mettre en œuvre les principes de la résilience urbaine que nous avons dégagés dans les projets de l’Atelier Architecture Autogéré ;
Créer le réseau des interstices
Créer les circuits qui interconnectent les interstices (économie circulaire)
3.1. Réseau des interstices. ; programme
Trois pôles d’activités Nous élaborons ce programme en s’inspirant des projets de l’Atelier Architecture
Autogéré. Le programme s’articule autour de trois pôles d’activités principaux qui forment à leur tour une boucle fermée. Ces activités sont des pratiques résilientes qui assureraient la revitalisation des interstices.
Figure 143: Schéma des trois pôles d'activités (Schéma personnel)
Programmation temporaire et réversible Les interstices, espaces de proximité
pour les habitants, seraient des catalyseurs temporaires, flexibles et réversibles selon les besoins. Grace à des dispositifs nomades, des équipements différents
flexibles, conditions
ils et
s’adaptent
aux
changements
programmatiques dans le temps en fonction des usagers qui s’impliquent dans le projet.
Figure 144: Activités possibles au sein d'un interstice (Schéma personnel)
91
3.2. Circuit des interstices
Pour notre intervention architecturale, nous nous focaliserons sur le marché de Sidi El Béchir (en rouge).
3.3. Le marché de Sidi El Béchir 3.3.1. Présentation : Situé à l’intersection de la rue de Sidi El Béchir et rue l’Algérie, le marché a été construit durant les années soixante. L’apparition du souk Bab El Falla et l’augmentation du nombre des marchands ambulants ont causé le déclin de l’activité commerciale au sein du 92
marché. Suite à une compagne lancée en 2016 par la municipalité pour éradiquer la question des vendeurs illégaux, le marché a repris son activité. Cette dynamique ne durera pas longtemps avant de replonger dans la dégradation.
Figure 145: Vue générale (Google maps)
Figure 146: Plan de situation du marché
Figure 147: Vue façade sud
Figure 148: Vue façade ouest
93
3.3.2. RelevĂŠ
94
3.3.3. Propriétés structurelles
95
3.4. Intervention architecturale En rupture avec ce qui l’entoure, il est difficile de visiter le marché. On arrive à peine à apercevoir le marché depuis la rue. Notre intervention vise à reconnecter le bâtiment avec son entourage. Il est alors indispensable, en premier lieu, de repenser ses limites entre l’intérieur et l’extérieur. Ensuite, nous étudierons un aménagement à l’intérieure qui permettra d’accueillir différents usagers.
Requalification des limites
La limite devient poreuse grâce à des ouvertures amovibles qui permettent de prolonger l’espace intérieur vers l’extérieur. Le dégagement au nord du marché sera exploité comme continuité de l’espace
96
Pour remédier au problème des vendeurs ambulants, nous proposons un aménagement qui facilitera la mise en place de « charrettes mobiles ». Ces dernières seront utilisées durant la journée dans les espaces vides du quartier. Le soir, elles seront gardées dans le bâtiment.
Soir
Jour
97
Mixité des fonctions à l’intérieur du marché
:
Une régénération résiliente du marché est possible grâce à une mixité des fonctions. La configuration de l’espace change selon les besoins des occupants et des habitants. La morphologie de l’espace au-dessous de la charpente métallique s’avance adéquate pour une telle configuration. Nous dégageons une trame composée d’une suite de bande retrouvée dans le plan et également en coupe.
Plusieurs scénarios peuvent être envisageables, isolemmant ou combiné. L’espace devient alors libre de la contrainte de la spécialisation. Nous presentons ci dessous deux possibilités d’occuper l’espace.
98
Conclusion générale Au sein de ce mémoire, le projet étudie les moyens qui alimenteraient une régénération résiliente dans le quartier de Bab El Falla. Les interstices représentent un laboratoire d’aménagement explorant des processus d’implication citoyenne dans des activités énergétiquement, économiquement, socialement plus responsables. La connexion qui se crée entre occupants et l’espace délaissé découle du souci de l’intégration du projet dans son contexte. Avec ce projet, nous espérons nous inscrire dans une logique alternative de penser la ville. De nos jours, les normes et réglementations, les logiques d’aménagement dominantes restreignent la ville à un cadre bâti rigide, sans liberté. Les interstices urbains restent cependant, des poches de création, d’expérimentations possibles pour une meilleure appropriation de l’urbain, plus adéquate au vu des besoins de ses habitants. Autrefois considérés comme des territoires en marge sans intérêt, les friches, les délaissés urbains, les résidus, peuvent être aujourd’hui revitalisés selon des processus qui aspirent à une démocratie sociale, locale. Le territoire est entre les mains de ses occupants, loin des décisions hiérarchiques. A vrai dire, la politique dominante se fie à une logique verticale où les décisions sont prises dans le centre du pouvoir, loin de la réalité des villes. Or, c’est par la question de la décentralisation qu’un lien direct s’établit avec la logique du « projet urbain ». Pour le cas de la Tunisie, une loi de « décentralisation » a été adoptée en Avril 2018.
99
Bibliographie * Chalas Yves (2000), L’invention de la ville. Edition Economica, collection Villes * Lefebvre Henri (1970), Révolution urbaine. Edition Paris, Gallimard * Paquot Thierry (2015), Désastres Urbains. Les villes meurent aussi. Édition la Découverte, Paris * Paquot Thierry (2006), Des corps urbains. Sensibilité entre béton et bitume. Édition Autrement, Paris * Sueur Jean Pierre (1999), Changer la ville pour une nouvelle urbanité. Edition Odile Jacob, Collection Histoire et document * Tsiomis Yannis, Ziegler Volker (2007), Anatomie de projets urbains: Bordeaux, Lyon, Rennes, Strasbourg, Edition La Villette * Younès Chris, D’Arienzo Roberto (2014), Recycler l’urbain : pour une écologie des milieux habités, Edition MetisPresses, collection vuesDesemble Essais * Zimmermann Monique, Toussaint Jean-Yves (1998), Projet urbain ; ménager les gens, aménager la ville, Edition Architecture + Recherche Mardaga
Webographie * Andoka Florence (2013), Qu’est-ce qu’un corps sans organes ?, Philosophique [En ligne] https://journals.openedition.org/philosophique/838 * Atelier Architecture Autogéré https://www.urbantactics.org/ * Bachimon Philippe (1979), Physiologie d'un langage. L'organicisme aux débuts de la géographie humaine. Espaces Temps, 3072 https://www.persee.fr/doc/espat_03393267_1979_num_13_1_3072 * Baudin Gérard (2001), La mixité sociale : une utopie urbaine et urbanistique. Revue du CREHU https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00101442/document * Conseil général de l'environnement et du développement durable (2015), Regards sur les grands projets urbains en Europe https://www.lemoniteur.fr/article/regards-sur-les-grandsprojets-urbains-en-europe.762489 * Contzen Katia (2006), Le renouvellement urbain et le développement durable: vers un renouvellement urbain durable. https://www.memoireonline.com/10/12/6257/m_Lerenouvellement-urbain-et-le-developpement-durable-vers-un-renouvellement-urbaindurable-D-un1.html * Di Méo Guy (2009) « L’individu, le corps et la rue globale ». Edition Géographie et cultures https://journals.openedition.org/gc/1977#quotation
100
* Duportail Guy-Félix (2011), Autopsie du corps sans organes. Revue Essain n°26 https://www.cairn.info/revue-essaim-2011-1-page-91.htm#anchor_abstract * Eleb-Harlé Nicole et Berthier Stéphane (2007), Construire la ville sur la ville : l’affaire d’une génération dans « Europan France 1988-2007 : Innover Dialoguer Réaliser ». Edition. Jean Michel Place http://www.mesostudio.com/enseignements_recherche/construire_la_ville_sur_la_ville_l_a ffaire_d_une_generation.pdf * Paquot Thierry (2018), Un monde de bidonvilles. Migrations et urbanisme informel de Julien Damo. esprit.presse.fr https://esprit.presse.fr/actualite-des-livres/thierry-paquot/unmonde-de-bidonvilles-migrations-et-urbanisme-informel-de-julien-damon-41370 * Peillon Pierre (2005), Débat- La rénovation urbaine en question. Deux analyses contrastées..., Informations sociales, vol. 123, https://www.cairn.info/revue-informationssociales-2005-3-page-88.htm?contenu=article * Peñalta Catalán Rocío (2011), La ville en tant que corps : métaphores corporelles de l’espace urbain. Publié le 8 février, URL : http://journals.openedition.org/trans/454 * Rebois Didier, Younes Chris (2013), Débat 1 - Thématique Europan 12 : Points de vue experts et villes https://www.europan-europe.eu/fr/exchanges/debate-1-europan-12-themeexperts-and-cities-points-of-view * Reeves Nicolas (1999), Quelque chose change : Villes intégrales, cités différentielles. Journal Inter https://www.erudit.org/en/journals/inter/1999-n72-inter1104331/46242ac/abstract/ * « Résilience urbaine » https://villeresiliente.org/2012/01/22/resilience-urbaine/ * Roux Quentin (2015), Pratiques interstitielles dans les villes contemporaines : de quoi parlet-on ?, www.citadivision.com * R-urban ; pratiques et réseaux de résilience urbaine. http://r-urban.net/ * Stathopoulos Marco (2011), Qu’est que la résilience urbaine? Revue Urbanisme n°381 https://www.urbanisme.fr/la-france-etat-des-lieux/debats-381/87 * Thibault Véronique (2016), Revitalisation de la résilience urbaine de la ville de Sherbrooke via une transformation de sa mobilité citoyenne, https://savoirs.usherbrooke.ca/bitstream/handle/11143/8933/Thibault_Veronique_MEnv _2016.pdf?sequence=4 * Younes Chris (2012), La métaphore organique et le vivant en philosophie dans Morphogenèse et dynamique urbaine, sous la direction de Sara Franceschelli Maurizio Gribaudi Hervé Le Bras, http://www.urbanismepuca.gouv.fr/IMG/pdf/morphogenese_et_dynamiques_urbaines_ecran.pdf
101
Table des matières Remerciments Sommaire Introduction générale Problématique Méthodologie Chapitre I. Analogie corps urbain/ corps humain Introduction 1. Pensée, état de l’art 1.1. Lexique et tradition 1.2. Théorie de l’organicisme 1.3. Critique de l’organicisme : le corps sans organe (Deleuze et Guettari) 1.4. Critique de l’organicisme appliqué à la ville 1.4.1. Critique de Reeves : la fonctionnalité 1.4.2. Critique des sociologues : le modèle homéostatique 2. Corps urbain, corps malade 2.1. Désastres urbains (Thierry Paquot) 2.1.1. Les centres commerciaux gigantesques 2.1.2. Les grands ensembles 2.2. Abandon et oubli 2.3. Guerres et catastrophes naturelles 3. Guérison du corps urbain 3.1. Le regard des artistes 3.1.1. Gordan Matta-Clark 3.1.2. Stéphane Couturier et la ville en difficulté 3.1.3 JR : les rides de la ville 3.2. Résistance des habitants et contre-projets citoyens 3.3 Nouveau regard sur les bidonvilles : marginalisés puis étudiés 3.4 La capacité à surmonter : se régénérer Conclusion Chapitre II. Régénération et résilience urbaine Introduction 1. Régénération urbaine dans le corps urbain 1.1. Etymologie gréco- latine et origine biologique 1.2. Définition selon Chris Younes et Yves Chalas 1.3. Synonymes de la régénération et vocabulaire 1.4. Cycles de vie de l’urbain ; régénération spontanée ou planifiée 2. Modèles et logiques de régénération 2.1. Panorama d’opérations pionnières
3 4 7 8 9 10 11 11 11 14 16 17 17 18 19 19 20 20 22 22 23 24 24 25 25 27 29 30 31 33 34 34 34 35 36 36 38 38 102
Centro Storico Bologna Porto Antico Gênes Ria Bilbao Centrum Odorf Innsbruck 22 @ Barcelona IBA Hamburg Seoullo 7017 Skygarden 2.2. Analyse et compréhension des logiques de régénération 2.2.1. Marketing territorial : l’entrepreneurialisme urbain 2.2.2. Projet urbain intégré Conclusion 3. La capacité résiliente Introduction et définition 3.1. La ville résiliente selon Marco Stathopoulos 3.2. La résilience selon L’Atelier Architecture Autogéré 3.2.1. Principes de la résilience selon Atelier Architecture Autogéré 3.2.2. Exemples de projets résilients RESOURCES R-URBAN Synthèse Chapitre III. Régénération résiliente dans les interstices du quartier Bab Elfalla 1. Interstices urbains Introduction 1.1. Définition 1.2. Critères de classification 1.3. Interstices vus par les artistes Conclusion 2. Diagnostic urbain de Bab El Falla Introduction 2.1. Situation géographique et historique 2.2. Analyse à l’échelle macro 2.3. Délimitation du périmètre d’intervention 2.4. Observation du quartier 2.5. Repérage des interstices à Bab El Falla 2.5.1. Inventaire des interstices 2.5.2. Analyse des interstices retenus 2.5.3. Grille d’identification selon les critères Conclusion Synthèse générale 3. Intervention urbaine et architecturale
39 41 43 45 47 49 51 53 54 56 59 60 60 60 61 62 65 65 67 69 70 71 71 72 72 73 75 76 76 76 79 82 82 87 87 87 89 89 90 91 103
3.1. Réseau des interstices ; programme 3.2. Circuit des interstices 3.3. Le marché de Sidi El Béchir 3.3.1. Présentation 3.3.2. Relevé 3.3.3. Propriétés structurelle 3.4. Intervention architecturale Conclusion générale Bibliographie Webographie Table des matières Table des figures
91 92 92 92 94 95 96 99 100 100 102 104
104
Liste des figures Figure 1: Couverture du livre " Le ventre de Paris", Les halles peinture de Léon Lhermitte (1895) ............................................................................................................................. 12 Figure 2: Mathias Poisson (2003) Quartier de peines, Marseille………………………………………..13 Figure 3: Mathias Poisson (2008) La frayère, Cannes........................................................ 13 Figure 4: Analogie entre organe biologique et organe urbain (Schéma personnel) ........... 14 Figure 5 : Métabolisme humain (Milun Guibert)………………………………………………………………15 Figure 6: Métabolisme urbain (IAAC) ............................................................................... 15 Figure 7: Plan masse du projet Europa City (BIG)……………………………………………………………….20 Figure 8: Modélisation du projet Europa City (BIG) .......................................................... 20 Figure 9: Grand ensemble de la grande Borne (Emile Aillaud)……………………………………………21 Figure 10: Grand ensemble à Sarcelles en 1960 (AFP ) ..................................................... 21 Figure 11: Affiche des manifestations de Mai 68………………………………………………………….…..21 Figure 12: Appel aux débats publics en Mai 68 (Bibliothèque nationale de France) .......... 21 Figure 13: Tour de refroidissement abandonnée à Bruxelles, Matthias Haker (2008) ........ 22 Figure 14: Eglise abandonnée en Europe James Kerwin (2016) ......................................... 22 Figure 15: Photographies aériennes de la ville japonaise de Nagasaki avant et après le bombardement atomique de 1945 (Wikipédia) ............................................................... 23 Figure 16: Carte du centre-ville de Chicago en 1871. Les parties sombres ont été détruites par l’incendie (Wikipédia) ............................................................................................... 23 Figure 17: Conical-Intersect, 1975, Gordon-Matta-Clark……………………………………………………23 Figure 18: Floors: Four-way wall 1973, Gordon-Matta-Clark, Bronx.................................. 24 Figure 19: Conical-Intersect, 1975, Gordon-Matta-Clark……………………………………………………24 Figure 20: Bronx Floors 1973, Gordon-Matta-Clarck......................................................... 24 Figure 21: Alger – Bab El Oued - 2015 Stephane Couturier………………………………………………..25 Figure 22: Seoul - 1999-2000 Stephane Couturier ............................................................ 25 Figure 23: Stephane Couturier……………………………………………………………………………………….…25 Figure 24: Seoul – Shindorim-dong 2002 Stephane Couturier ........................................... 25 Figure 25: JR. The wrinkles of the city Berlin 2013…………………………………………………………….26 Figure 26: JR. The wrinkles of the city Berlin 2013 ........................................................... 26 Figure 27: JR. The wrinkles of the city La Havana 2012………………………………………………………26 Figure 28: JR. The wrinkles of the city Shanghai 2010....................................................... 26 Figure 29: JR. The wrinkles of the city Cartagena 2008…..…………………………………………………27 Figure 30: JR. The wrinkles of the city Cartagena 2008 ..................................................... 27 Figure 31: Des manifestants à Gonesse, le 21 mai 2017 (Thomas SAMSON)………………………27 Figure 32: Logo des opposants à Europa City du CPTG 2011 ............................................. 27 Figure 33: Projet CARMA dans l’espace agricole du triangle de Gonesse .......................... 28 Figure 34: Rocinha Favela à Rio De Janeiro Brésil……………………………………………………………..29 Figure 35: Quartier Jbal Lahmar 2016 (Photo personelle) ................................................. 29 Figure 36: Vue aérienne de Berlin en 1945………………………………………………………………………..30 Figure 37: vue de Berlin actuellement ............................................................................. 30 Figure 38: vue d’une rue de Berlin en 1945 (Bettmann)……………………………………………………31 Figure 39: Vue d’une rue de Berlin actuellement ............................................................. 31 Figure 40: vue de Chicago après l’incendie de 1871……………………………………………………………31 105
Figure 41: Vue de Chicago actuellement (Skadelik) ......................................................... 31 Figure 42: Analogie entre organe biologique et organe urbain (Schéma personnel).......... 32 Figure 43: Vocabulaire de la régénération urbaine (Schéma personnel) ........................... 36 Figure 44: Cycle de vie de la ville entre régénération urbaine planifiée et spontanée (Schéma personnel) ...................................................................................................................... 37 Figure 45: Définition des secteurs d'intervention ............................................................. 37 Figure 46: Plan de l'ilot avant l'intervention .................................................................... 37 Figure 47: Plan de l'ilot après l’assainissement ................................................................ 37 Figure 48: Vue sur la rue de San Leonardo avant assainissement ..................................... 37 Figure 49: Axonométrie de l'ilot une fois restauré ........................................................... 37 Figure 50: Vue sur la rue de San Leonardo après assainissement (2012) ........................... 37 Figure 51: Affiche pour une assemblée des habitants ...................................................... 37 Figure 52: Carte - Renouvellement urbain et projets culturels dans le centre et le port ancien de Gênes (S. Jacquot ....................................................................................................... 37 Figure 53: Musée de la mer par Guillermo Vázquez Consuegra ........................................ 37 Figure 54: Carte – Renouvellement urbain et projets culturels dans le centre et le port ancien de Gênes S. Jacquot ........................................................................................................ 37 Figure 55: Piétonisation de l’axe Via San Lorenzo ............................................................ 37 Figure 56: Aquarium (R. Piano) ........................................................................................ 37 Figure 57: Sphère (R. Piano) ............................................................................................ 37 Figure 58: Espace d’aménagement portuaire (jaune) tunnel (bleu) .................................. 37 Figure 59: Disposition spatiale des éléments du projet de RIA ......................................... 37 Figure 60: Tour Iberdrola (Deputacion) Cesar Pelli ........................................................... 37 Figure 61: L’aéroport Bilbao Santiago Calatrava .............................................................. 37 Figure 62: La passerelle Zubi-Zuri Santiago Calatrava ....................................................... 37 Figure 63: Les accès de métro «Fosteritos» Norman Foster .............................................. 37 Figure 64: Le musée Guggenheim Frank Gehry ................................................................ 37 Figure 65: Le centre commercial Robert Stern ................................................................. 37 Figure 66: Plan de situation du projet .............................................................................. 37 Figure 67: Maquette de l’existant.................................................................................... 37 Figure 68: Plan RDC du projet (placette en noire) ............................................................ 37 Figure 69: Photo aérienne du projet ................................................................................ 37 Figure 70: Photo de la placette et l’habitation collective en arrière-plan .......................... 37 Figure 71: Plan de limitation du périmètre du projet ....................................................... 37 Figure 72: Modification du plan métropolitain général .................................................... 37 Figure 73: Secteur 6 ; existant (haut) projet (bas) ............................................................ 37 Figure 74: Coexistence ancien/nouveau bâtiment ........................................................... 37 Figure 75: Master plan du projet de l’île de Wilhelmsburg ............................................... 37 Figure 76: Modélisation du quartier résidentiel “Quartier du monde” ............................. 37 Figure 77: Zoom sur l’espace urbain ................................................................................ 37 Figure 78:Vue aérienne des différents projets du centre de Wilhelmsburg ....................... 37 Figure 79: Axonométrie du projet Seoul skygarden.......................................................... 37 Figure 80: Plan de masse su projet Séoul Skygarden ........................................................ 37 Figure 81: Photomontage du projet montrant la végétation ............................................ 37 Figure 82: Maquette montrant l’aqueduc et la végétation .............................................. 37 Figure 83: Vue aérienne du projet Skygarden (MVRDV) ................................................... 37 106
Figure 84: Zoom sur un café surplombé d’une terrasse .................................................... 37 Figure 85: Différents types d'aménagement et d'espace .................................................. 37 Figure 86: Classification des projets selon les logiques de régénération (Schéma personnel) ....................................................................................................................................... 53 Figure 87: Facteurs du Marketing territorial .................................................................... 54 Figure 88: Caricature sur la gentrification des villes (Tom Toles 1998) .............................. 55 Figure 89: Schéma des étapes de gentrification (schéma personnel) ................................ 55 Figure 90: Facteurs du projet urbain intégré selon Xavier Casanovas ............................... 56 Figure 91: Plan du quartier Raval à Barcelone .................................................................. 57 Figure 92: Plan d’un bidonville à Nanterre ....................................................................... 57 Figure 93: Photo d’une favela à Rio De Janeiro ................................................................ 57 Figure 94: Photo d’une rue de la médina ......................................................................... 57 Figure 95: Schéma des spécificités des quartiers historiques et bidonvilles ...................... 58 Figure 96: Diagramme expliquant les problématiques et les objectifs du projet urbain (Schéma personnel) ........................................................................................................ 59 Figure 97: Illustration d'un système résilient (Cultivating Excellence)............................... 60 Figure 98 : Réseaux de résilience émergeant des biens urbains communs (Atelier d’Architecture Autogérée) .............................................................................................. 62 Figure 99: Les différents circuits cours d'une économie circulaire (Schéma personnel) ..... 63 Figure 100: Schéma synthétique de l’économie circulaire (Schéma personnel) ................. 63 Figure 101: Economie circulaire locale (Atelier d’Architecture Autogérée) ....................... 64 Figure 102: Gouvernance participative et pratiques productives (Atelier d’Architecture Autogérée) ..................................................................................................................... 64 Figure 103: Modélisation du projet Re Sources (AAA)) ..................................................... 66 Figure 104: Vue 3D du projet Resources (AAA) ................................................................ 66 Figure 105: Répartition des activités dans le projet Ressources (AAA) .............................. 66 Figure 106: Les circuits et leurs étapes créés dans le projet Ressources (AAA) .................. 66 Figure 107: Réseau global englobant les réseaux de chaque entité (AAA°) ....................... 67 Figure 108: Modélisation du projet Recyclab (AAA) ......................................................... 67 Figure 109: Métabolisme du projet Recyclab ................................................................... 67 Figure 110: Modélisation du projet Ecohab ..................................................................... 67 Figure 111: Métabolisme du projet Ecohab ..................................................................... 67 Figure 112: Métabolisme du projet Agrocité .................................................................... 67 Figure 113: Photo du projet Agrocité ............................................................................... 67 Figure 114: Différences et convergences entre résilience et régénération ........................ 69 Figure 115: Vocabulaire et synonymes d'interstice selon Quentin Roux ........................... 72 Figure 116: Michael Johansson, Monument Oslo Norvège (2013) .................................... 73 Figure 117: Michael Johansson Recollecting Koganecho, Yokohama, Japon (2012) ........... 73 Figure 118: Michael Johansson, Facelift, London, Grande Bretagne (2015) ....................... 73 Figure 119: Michael Johansson, Public Square, Osnabrück, Allemagne (2015) .................. 73 Figure 120: Michael Johansson, Tetris, Rotterdam, Pays bas (2011) ................................. 73 Figure 121: Kurt Perschke, RedBall, Leuven, septembre 2012 .......................................... 74 Figure 122: Kurt Perschke, RedBall, Barcelone, Juillet 2002 .............................................. 74 Figure 123: Kurt Perschke, RedBall, El bruc, Juin 2002 ...................................................... 74 Figure 124: Kurt Perschke, RedBall, ................................................................................. 74 Figure 125: Kurt Perschke, RedBall, Chicago, Septembre 2008 ......................................... 74 107
Figure 126: Kurt Perschke, RedBall, Paris, Avril 2013........................................................ 74 Figure 127: Kurt Perschke, RedBall, Exeter, GB, 2012 ....................................................... 74 Figure 128 : Schéma des potentialités d’un interstice ...................................................... 75 Figure 129: Situation du quartier Bab Elfalla .................................................................... 76 Figure 130: Plan de la ville de Tunis en 1831 (reproduite d’après celle de Falbe) .............. 77 Figure 131: La porte de Bab el Fella (Collections ND) ....................................................... 77 Figure 132: Rue de Sidi el Bechir (Ed Ylz)…………………………………………………………………………..78 Figure 133:Rue de Sidi el Bechi ....................................................................................... 78 Figure 134: Vue Est de la percée de Sidi el Bechir dans le faubourg sud de la médina de Tunis (Jalel Abdelkefi, 1989) ..................................................................................................... 78 Figure 135: Vue Sud de la percée de Sidi el Bechir dans le faubourg sud de la médina de Tunis (Jalel Abdelkefi, 1989) ..................................................................................................... 78 Figure 136: Les différents tissus urbains englobant Bab el Falla ....................................... 79 Figure 137: Repères et voiries à Bab El Falla .................................................................... 79 Figure 138: Différentes strates du quartier de Bab El Falla ............................................... 80 Figure 139: Bab el Falla: Corps urbain (Schéma personnel) .............................................. 81 Figure 140: Plan de délimitation de la zone d'étude (Schéma personnel) ......................... 82 Figure 141: Repérage des plans de coupes des séquences urbaines ................................. 82 Figure 142: Paramètres d'un projet de régénération résiliente (Schéma personnel) ......... 90 Figure 143: Schéma des trois pôles d'activités (Schéma personnel) .................................. 91 Figure 144: Activités possibles au sein d'un interstice (Schéma personnel) ....................... 91 Figure 145: Vue générale (Google maps)………………………………………………………………………….93 Figure 146: Plan de situation du marché .......................................................................... 93 Figure 147: Vue façade sud ............................................................................................. 93 Figure 148: Vue façade ouest .......................................................................................... 93
108
109