CRIME ORGANISE ET CORRUPTION DANS LES BALKANS OCCIDENTAUX

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S T E V ANO VI C

NI KO L AARANG E L

cri meorgani sé etcorrupt i on dansl es bal kans occi dent aux S o u sl ad i r e c t i o nd eR e n a u dD o r l h i a c C h a r g éd e sa f f a i r e sb a l k a n i q u e sa us e i nd el a D é l é g a t i o na u xA f f a i r e sS t r a t é g i q u e s d uMi n i s t è r ed el aD é f e n s e

SEPTEMBRE2014


A mon père. Radiša Stevanović (1950-2012)


REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier mon Directeur de mémoire M.Renaud DORLHIAC. Je le remercie de m’avoir encadré, orienté, aidé et conseillé malgré un emploi du temps chargé. J’adresse aussi mes sincères remerciements à tous les professeurs et intervenants de l’IRIS qui m’ont aidé à développer mon analyse en relations internationales. Je pense notamment à M.BILLON, M.MIGAUD ou M.SLIM. Je remercie ma très chère mère Divna,qui avec mon père, ont tout sacrifié pour leurs enfants. Ils sont pour moi un modèle de force et de persévérance. Je leur suis redevable d’une éducation dont je suis fier. Je remercie mes sœurs Nora et Lora, pour leurs conseils de vie. Je tiens à remercier ma compagne qui me supporte chaque jour, avec mes qualités et mes défauts. Enfin je tiens à remercier tous mes amis que j’aime tant, Julien, Seydi, David, Zaïlm, Erkan, Milton, Mehmet, Kenan, Aytaç, Simon, Maxime…

1


Introduction L’idée moderne d’un Etat est caractérisée par la séparation du cadre institutionnel des lois et par ceux qui exercent le pouvoir. Pour que les citoyens puissent être libres et heureux, il est nécessaire de penser et d’organiser ces règles en fonction de la volonté générale. Le philosophe Rousseau en parlait déjà à travers son contrat social bien avant les révolutions qui ont créés les sociétés démocratiques occidentales 1 . Selon l’écrivain, un Etat est légitime qu’à travers l’expression de la volonté du peuple (les lois) en vue du bien de tous. Dès lors, il est doté d’une administration qui est traditionnellement composée d’innombrables citoyens fonctionnaires. Cela permet une hiérarchisation du personnel qui travaille sur les projets institués par le gouvernement au pouvoir. Pourtant,

l’administration civile peut être confrontée à une menace: le corps

fonctionnaire peut être animé par une tendance à usurper « la souveraineté à son profit ». Dès lors, l’idée de corruption, qu’elle soit passive ou active, est présente au sein même de l’organisation qui veille à la sécurité et au bonheur du peuple. Les acteurs de cette perversion politique souhaitent obtenir des avantages ou des prérogatives particulières, et ainsi bafouer l’ordre moral qui institue les sociétés modernes. Mais, l’Occident n’est pas le seul ensemble concerné historiquement par cette dérive puisque la région des Balkans, ancrée aux portes de l’Orient, n’a pas dérogé à la règle. Dès la fin du XVème siècle, avec le développement d'une classe de haut-fonctionnaires de la Sublime Porte (les fameux « kapi kullari », comprenez « esclaves de la Porte »), la corruption devient monnaie courante dans la région, jusqu'à être même acceptée. A l’échelle locale, la mise en place d’une classe dirigeante directement nommée par le pouvoir central du Sultan, a été le soubassement d’une corruption aujourd’hui largement reconnue. Le schéma des Balkans ottomans était ainsi : les villes étaient turques avec le bey à leurs têtes (« sancakbey » ou « beylerbey »), les campagnes restaient sous contrôle de l’ethnie majoritaire avant l’arrivée des maîtres ottomans. Ce pouvoir par procuration a été profondément ancré dans la conscience populaire, jusqu’à devenir un principe de base dans le quotidien du balkanique lambda.

1

ROUSSEAU Jean-Jacques, « Du contrat social », Paris, Flammarion, 2001. 2


Au détour du XXème siècle, rien n’a vraiment changé : un poste de fonctionnaire d’Etat est toujours considéré comme « source de profit personnel avant quelconque responsabilité civique » et cette situation a perduré même sous l’idéologie marxiste à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les mêmes privilèges (pots-de-vin et autres cadeaux) étaient la norme dans des rapports faussés entre le fonctionnaire d’Etat et le civil. Puis, à la chute du communisme en 1989, elle s'est considérablement aggravée pour déboucher finalement vers les guerres civiles successives qui ont dévasté la Yougoslavie dans les années 90. Lors de cet intervalle de l'Histoire balkanique, les différents gouvernements se sont constitués des réseaux, où la criminalité est prédominante. Celle-ci se définit, selon l’Organisation des Nations Unies, par « un groupe structuré » qui est établi dans le temps et agit en concert pour commettre des crimes en vue d’un avantage matériel ou financier. Ainsi, Ce binôme comprenant le crime organisé et responsables gouvernementaux, demeure encore aujourd'hui la base de cette corruption généralisée dans la région : elle est même devenue un mode de vie2. Etre admis dans une de ces organisations, signifie partager les mêmes valeurs que leurs membres d'origine: le problème de la corruption dans les Balkans et ses liens avec le crime organisé, est de toute évidence un frein à leur intégration européenne, du moins un obstacle qu'il est parfois difficile à franchir. Il est donc pertinent de se pencher sur cette situation de corruption souveraine, alliée à une criminalité banalisée dans les sept Etats des Balkans occidentaux, tous issus, hormis l’Albanie, de l’ex-Yougoslavie (le Kosovo3 est étudié en tant qu’Etat de facto malgré sa situation de jure en tant que Province Autonome de Serbie). Ainsi, nous nous demanderons si la région est en mesure d’éradiquer définitivement la corruption qui gangrène ses sociétés et qui limite son développement politique mais aussi économique global. Cette stabilité est nécessaire afin d’améliorer sa relation avec le reste du monde afin que sa prospérité puisse être reconnue notamment par l’Union Européenne.

2

ČUPIC Čedomir, « U Srbiji korupcija način života », B92, Belgrade, 26 novembre 2013 : http://www.b92.net/info/vesti/index.php?yyyy=2013&mm=11&dd=26&nav_id=781928 3 La République du Kosovo à déclarer unilatéralement son indépendance le 17 février 2008. Au 13 août 2014, 110 Etats reconnaissaient la République du Kosovo comme un Etat souverain. 3


Depuis l’éclatement de l’Union soviétique au début des années 90, l’Organisation du Traité Nord-Atlantique (OTAN) et l’Union Européenne

(UE) ont continuellement étendues leur

influence vers l’est. Les dernières adhésions à ces organisations inter-gouvernementales (OIG) viennent des Balkans : la Bulgarie, la Slovénie et la Roumanie sont entrées dans l’OTAN en 2004, la Croatie et l’Albanie en 2009. La Slovénie a également été admise dans l’UE en 2004, la Bulgarie et la Roumanie en 2007, et la Croatie en juillet 2013. Les autres pays d’Europe du sudest sont en attente d’une éventuelle admission, et possèdent le statut de candidat, à l’une ou l’autre de ces OIG. Malheureusement, selon des organisations non-gouvernementales (ONG) telles que Transparency International (TI) et la Banque Mondiale, les pays de la région, y compris ceux membres de l’OTAN et/ou de l’UE, sont parmi les plus corrompus d’Europe. En fait, les Balkans apparaissent comme une des zones les plus corrompues de la planète (voir graphique cidessous).

Indice de Perception de la Corruption (CPI) en 2013 dans les Balkans. Rang

Etat / Territoire

57 67 67 72 72 77 80 111 116

Croatie ARY Macédoine Monténégro Bosnie-Herzégovine Serbie Bulgarie Grèce Kosovo Albanie

Indice

48 44 44 42 42 41 40 33 31 Source : CPI Brochure Transparency International 2013

Le tableau ci-dessus nous montre l’Indice de Perception de la Corruption (IPC) dans les Balkans (hors Slovénie, Roumanie et Turquie) calculé par l’ONG Transparency International (TI). « C'est un indice composite, un sondage de sondages, faisant appel à des données sur la corruption tirées de sondages d’experts réalisés par divers organismes indépendants. Il reflète des points de vue du monde entier, dont celui des experts qui résident dans les pays évalués. L'IPC de TI concentre son attention sur la corruption dans le secteur public et définit la corruption comme l'abus d'une charge publique à des fins d'enrichissement personnel. Les sondages utilisés pour établir l'IPC 4


posent des questions en rapport avec l'abus d'un pouvoir officiel dans un intérêt personnel (par exemple, la corruption d’agents publics, les pots-de-vin dans le cadre de marchés publics, le détournement des fonds publics) ou des questions qui sondent la fermeté des politiques de lutte contre la corruption, incluant de ce fait la corruption administrative et la corruption politique 4». Avant d’intégrer de nouveaux pays dans ces OIG, il parait important pour elles de comprendre le mode de gouvernance dans les Etats d’Europe du sud-est. Ainsi, une première vague d’adhésion a semblé être un remède légitime pour éradiquer la corruption. Mais pour les pays qui ne sont pas encore membre, la Communauté Internationale (CI) se doit de les accompagner vers une maturité démocratique qui respecterait pleinement l’état de droit. L’expansion de la corruption et du crime organisé dans les Balkans a produit énormément de travaux sur le domaine : des articles théoriques qui tentent d’expliquer comment et pourquoi la corruption à l’époque ottomane est restée ancrée de nos jours sont quant à eux, peu nombreux. D’autres exposent le niveau réel de corruption dans des pays ou des régions spécifiques. D’autres soulignent les liens entre hommes politiques au pouvoir et crime organisé. Cependant, peu d’ouvrages sont consacrés pleinement au thème. De nombreux auteurs traitent ces thèmes sans toutefois fournir des preuves concrètes de coopération. Il existe aussi de nombreuses théories sur le fondement d’une telle prolifération dans la région, le seul point d’entente étant sa généralisation. Certains auteurs comme Boris Divljak et Michael Pugh avancent que la corruption est liée à la division ethnique, commune aujourd’hui dans les Balkans occidentaux. Dans leur article « The Political Economy of Corruption in Bosnia and Herzegovina » (« L’économie politique de la corruption en Bosnie-Herzégovine »), ils affirment que les Accords de Dayton en 1995 ont créées des structures de gouvernance propice à la corruption5. Les Amis de l’Europe (un think-thank européen) écrivent dans un rapport6 datant d’automne 2010, que le principal obstacle à une baisse de la corruption dans la région réside dans le fait que la plupart des partis politiques et leurs 4

Définition de l’IPC donnée par TI France : http://www.transparencyfrance.org/ewb_pages/i/indice_de_perception_de_la_corruption644.php 5 DIVJAK Boris & PUGH Michael, « The Political Economy of Corruption in Bosnia and Herzegovina », International Peacekeeping, 2008. 6 LES AMIS DE L’EUROPE, « Coutner measures in the Balkans », Ministère de la Justice (Serbie), Automne 2010, p.7. 5


candidats sont souvent financés par des entreprises criminelles. Ils précisent aussi que la législation anti-corruption est trop complexe et onéreuse. Une vie politique dynamique et respectant les principes de démocratie est assurément l’un des meilleurs moyens de combattre la corruption. Malheureusement, les démocraties ouest-balkaniques ne sont que faiblement développées et fortement immatures. C’est surtout les principes de libéralisation économique qui ont été assimilés, notamment au sein de l’élite politique et les oligarques de la région. Les démocraties relativement nouvelles sont plus susceptibles d’être affectées par la corruption, alors que les pays avec une tradition démocratique de longue date sont mieux en mesure de la contrôler. Traditionnellement, un pays en développement est un terrain fertile pour une possible violation des devoirs par une corruption passive ou active, alors que les pays déjà développés ne font face, pour la plupart, « qu’aux » scandales économiques et moraux. Il apparait alors logique qu’au développement économique et à l’ancrage de valeurs libérales s’en suivent une baisse de la corruption. Le crime organisé est une activité lucrative et les systèmes juridiques de la région ne font pas assez pour décourager les criminels. En outre, la plupart des juges/procureurs et membres du gouvernement sont sous-payés, les attirant inexorablement vers les pots-de-vin d’organisations criminelles. Goran Ilic, président de l’Association des Procureurs de Serbie, explique dans le journal « Vecernje Novosti » que le salaire de base d’un procureur est entre 80 000 et 160 000 dinars (entre 800 et 1 600€). Les salaires les plus élevés sont évidemment destinés aux procureurs et juges luttant contre le crime organisé et les crimes de guerre. Selon lui, une analyse des salaires des procureurs de la région indique qu’ils oscillent entre 300 000 et 400 000 dinars (soit 3 000 et 4 000€), loin derrière celui de Serge Bramertz (procureur du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie) dont le revenu mensuel est de 48 000€ (4,8 millions de dinars)7.

7

Dépêche de NOVOSTI, « Tužioci: Imamo najmanje plate u regionu » , 20 juillet 2012 : http://www.novosti.rs/vesti/naslovna/drustvo/aktuelno.290.html:387881-Tuzioci-Imamo-najmanje-plate-u-regionu 6


Aperçu des différences de salaire dans le monde judiciaire Sources : Novosti.rs

6000

Salaires (en €)

5000 4000 3000 2000 1000 0

Bosnie-H

Croatie

ARYM

Monténégro

Serbie

Procureur général

3800

4875

2000

3700

2700

Juge

1940

2370

1740

2085

1380

Salaire moyen

427

697

328

474

380

On voit ci-dessus que les salaires sont bien supérieurs au salaire moyen d’un citoyen lambda. Malgré cela, le risque de corruption est toujours élevé. Au-delà de la théorie, plusieurs ONG et autres organisations gouvernementales chargées de surveiller la corruption dans la région ont rapportés ces dernières années quantité de rapports qui alarment sur les niveaux de corruption dans les Balkans. Il existe des liens étroits entre l’élite dirigeante et les réseaux criminels, ce qui favorise l’enracinement du crime organisé dans la classe politique, et par extension dans la société balkanique. Aussi, selon un rapport de l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC) datant de 2011, les citoyens de la région estiment que la corruption est le troisième problème le plus important du quotidien, après la pauvreté et le chômage. Toujours selon le rapport, plus de 80% des citoyens sont confrontés à une forme quelconque de corruption durant l’année précédente (2010). L’ONUDC avance également que le modèle de corruption se distingue des autres régions du monde, en ce sens qu’elle est tout autant présente dans les zones rurales que dans les grandes agglomérations8.

8

ONUDC, « Corruption in the Western Balkans: Bribery as Experienced by the Population », Vienne, 2011, p.7. 7


En raison de son omniprésence, la perception

du

public

est

donc

beaucoup plus accrue que dans d’autres régions du globe. Ce mémoire s’articule autour de quatre parties. La première partie cidessus est une introduction avec une mise en perspective dans le contexte. La deuxième partie revient en détail sur les origines de la corruption et du crime organisé dans les Balkans, dans un contexte historique. La troisième et plus grande partie, revient en détail sur les différents types de corruption, mais surtout avec

Source: ONUDC, « Corruption in the Western Balkans: Bribery as Experienced by the Population », Vienne, 2011.

une étude détaillé par pays. Enfin, la dernière partie est une étude prospective sur la ou les stratégies à adopter pour tenter d’éradiquer ce fléau qui ronge la société balkanique depuis maintenant des siècles.

8


I.

Crime organisé et corruption dans les Balkans : un retour sur l’Histoire. 1. Contexte et origines La corruption et le crime organisé prospèrent dans des régions soumises à des

changements sociaux-économiques rapides et brutaux. Les régions qui subissent des transitions post-conflits sont également une zone propice à son développement. Ce n’est donc une surprise pour personne : les Balkans sont le refuge idéal pour le crime organisé, et est devenu au cours du XXème siècle une des régions les plus corrompus de la planète. Après la chute de Constantinople et la victoire des Turcs lors de la bataille du Champ des Merles (Kosovo Polje) en 1389, les Balkans occidentaux entrent brutalement dans l’ère ottomane. Dès la fin du XVIème siècle, et la mort de Soliman Ier, la corruption devient un problème majeur dans la région. Plus tard, après la Seconde Guerre mondiale, le communisme arrive tout aussi brutalement, et change profondément la société balkanique. A sa chute, la région est confrontée à une combinaison quasi simultanée d’événements catastrophiques majeurs : la conversion brutale d’une économie planifiée à celle de marché, une série de guerres ethniques, un embargo économique de l’ONU, et la formation de nombreuses sociétés de sécurité privées organisées comme des armées. Ajouter à cela des cas de trafics d’organes et un traitement des êtres humaines des plus déplorables, et l’on se retrouve avec une population où le crime organisé est profondément enracinée dans la culture populaire, et même dans les structures d’entreprises ou gouvernementales. Pour résumer, la corruption est généralisée9.

A. Dans l’Empire ottoman Une des charges les plus courantes portées contre l’élite ottomane par les Européens au XIXème siècle a été celle de la corruption et du népotisme. Même s’il apparait clairement que ces allégations sont biaisés, et dans de nombreux cas motivées soit par le racisme soit par un sentiment de supériorité culturelle, il ne fait aucun doute que la corruption à grande échelle 9

ONUDC, « Crime and its Impact on the Balkans », Vienne, 2008, p.11. 9


existait. Des documents datant de 1855 montrent clairement que la Sublime Porte examinait de près le phénomène de corruption dans sa société. La principale raison de ce disfonctionnement politique et sociétale qu’est la corruption peut se trouver dans les textes des décrets eux-mêmes, comme notamment dans les réformes dits du « Tanzimat 10». Le « Hatt-i Sherîf » de Gülhâne de 1839 proclame une nouvelle ère de changement social à vocation progressiste, et souhaite réformer le gouvernement, tout en n’ayant aucune intention de vouloir créer une nouvelle société. Un des premiers articles de l’Edit mentionne que « tous les partis seront jugés publiquement, en conformité avec notre loi divine (Sharia) […] », tout en cherchant à inaugurer une ère de progressisme sociale, politique et culturelle, notamment en garantissant la propriété de tous les sujets ottomans sans distinction de religion. Les impôts seraient confiés à fonctionnaire salarié de l’Etat, et le Divan serait composé de neuf musulmans et de quatre chrétiens. En posant deux idéaux sociaux avec des orientations diamétralement opposés (l’un religieux, l’autre laïc), l’Edit de Gülhâne devient potentiellement dangereux car il créé une série de conflits en matière d’éthique (Sharia), mais aussi d’identité personnelle et sociale (ottoman, musulman ou chrétien). La confusion engendrée par ce double standard islamico-laïc est le fondement de la corruption de l’époque, dans une société en déclin économique. La culture ottomane n’était pas particulièrement propice à des pratiques de corruption. C’est une combinaison de circonstances qui ont poussées les valeurs de l’Empire à décliner dans les yeux de son élite. Une confusion sur l’identité ottomane et sur ses valeurs n’ont fait que se renforcer génération après génération. Depuis la rédaction du Code Pénal en 1840, la lutte contre la corruption des fonctionnaires est devenue une priorité majeure des réformes du Tanzimat. Cela s’est traduit par des « criminalisations croissante des pratiques de corruption (yolsuzluk) et abus 11 ». Notons par ailleurs l’usage encore actuel du mot « bahşiş » signifiant littéralement en turc « le pourboire, le pot-de-vin » que l’on retrouve en français sous la transcription « bakchich ». Dans les populations slaves des Balkans, le mot « bakšiš » est fréquemment usité, à tel point qu’une prestation d’un chanteur à un mariage se rémunère en « bakšiš » désignant un don.

10

Le terme de Tanzimat (« réorganisation » en arabe) désigne le mouvement de réforme et de modernisation qui secoue l’Empire ottoman entre 1839 à 1878. Voir ROMEO Lisa, Tanzimat, « Les Clés du Moyen-Orient », 5 décembre 2011: http://www.lesclesdumoyenorient.com/Tanzimat.html 11 CASTELLAN Georges, « Histoire des Balkans XIVe-XXe siècle », Fayard, 2007, p.187 10


Les seules traces de crime organisé dans les Balkans ottomans sont ceux de la période des révoltes populaires des populations chrétiennes.

On parle à l’époque « d’insurrection

organisée » : « Au nord de la frontière (ottomane), le mouvement kouroutz s’accompagna de la formation de bandes de paysans sans feu ni lieu, hongrois ou slaves, qui se désignaient eux-mêmes comme hajduk (brigands, suivant le vocabulaire turc) […] où ils constituèrent une zone d’instabilité. C’est toutefois le pays serbe du sud, particulièrement la Šumadija et les régions montagneuses du Monténégro et la Bosnie, qui fut la terre classique des hajduk célébrés par les chansons populaires […]. Ces marginaux, volontaires ou exclus des communautés villageoises, formaient des bandes de cent, deux cents, voire trois cents membres, conduites par d’anciens soldats et qui, suivant l’expression des chansons de l’époque, labouraient les routes du Grand Seigneur. Ils s’attaquaient surtout aux Turcs 12 , non point aux gens de guerre trop bien armés, mais aux administrateurs, cadis, trésoriers en déplacement, parfois aux palanka13des spahis à la campagne, et n’épargnaient ni les commercants chrétiens ni les moins quêteurs, ni même les knez de villages. […] C’est le pullulement des hajduk au XVIIème siècle (essentiellement alors des déserteurs), qui créa ce climat de banditisme dans les campagnes, décrit par les voyageurs occidentaux. 14» Plus tard, d’autres organisations du même type ont vu le jour : « l’Union ou la Mort » (appelée par ses détracteurs « la Main Noire ») était l’une d’entre elles, rendue célèbre avec l’assassinat de l’archiduc François Ferdinand par un de ses membres, Gavrilo Princip.

B. L’après Seconde Guerre mondiale : le Communisme. Le crime organisée, tel qu’on le connait sous sa forme contemporaine, est apparue dans les Balkans après la Seconde Guerre mondiale, sous la botte communiste. Les rationnements et la main de fer instaurée par les gouvernements respectifs privent de grandes franges de la population des produits de base nécessaires à la vie quotidienne. Pour les autres, des restrictions sont instaurées sur des produits librement accessibles chez leurs voisins de l’Ouest. Même pour des postes à haute responsabilité (tel que directeur d’usine), les objectifs de production étaient souvent entravés par les systèmes de répartition et de quotas, qui est la base essentielle de 12

A l’époque ottomane, tous les musulmans balkaniques étaient désignés comme « Turc ». Enclos palissadé dans lequel on entreposait les produits de la dîme, englobant parfois la résidence du spahi. 14 CASTELLAN Georges, « Histoire des Balkans XIVe-XXe siècle », Fayard, 2007, p.184 13

11


l’économie planifiée.

En conséquence, le développement d’un marché parallèle prospère

naturellement, et qui se développe pour répondre aux demandes générées par les manques d’approvisionnement. Ceci est surtout vrai pour l’Albanie d’Enver Hoxha, mais est à nuancer sur le temps dans la Yougoslavie titiste. Pour que l’illégalité devienne possible dans un Etat autoritaire et dictatorial, il était nécessaire d’avoir l’approbation et la collaboration de représentants au sein du gouvernement. C’est cette complicité officielle de l’Etat avec le crime organisé, qui ont durant plusieurs décennies,

bâties les principes modernes de la culture de la corruption dans les

15

Balkans . Mais l’Etat n’a pas seulement été spectateur et laissé faire ces éléments criminels. Dans certains cas, le gouvernement a même été l’initiateur, en utilisant des criminels ou contrebandiers pour mener des actions au profit de l’Etat. En Yougoslavie par exemple, le maréchal Josip Broz Tito a régulièrement enrôler des éléments peu recommandables pour mener des actions secrètes pour le compte du gouvernement yougoslave. Il aurait recruter de jeunes éléments prometteurs, criminels de carrière, tout droit sortis de prison, pour faire le sale boulot d’espionnage et parfois même, envoyés à l’étranger dans le but de procéder à des éliminations physiques. Ils se sont spécialisés dans l’extorsion de fonds, les braquages de banques, de bijouteries et de galléries d’art 16. A la chute du communisme, ces anciens éléments criminels anciennement sous l’aile des dirigeants, se sont tout simplement reconvertis à l’économie de marché et à la mondialisation, et ce, avec grand succès. On retrouve cet héritage aujourd’hui avec le célèbre gang de braqueurs surnommé par Scotland Yard, les Pink Panthers17. Les régimes totalitaires ont contribué à la création des polices et/ou milices dites « d’Etat », qui ont aussi régulièrement agi en toute impunité, souvent en collaboration transfrontalière pour des opérations de contrebande. Cette coopération a permis de développer une relation ambiguë et étroite entre le législatif et le judiciaire qui persistent jusqu’à nos jours.

15

NAIM Moises, « Le Livre noir de l’Economie mondiale: contrebandiers, trafiquants et faussaires », Grasset, p. 30- 31. 16 ONUDC, « Crime and its Impact on the Balkans », Vienne, 2011, p.48. 17 La plus récente mise à jour des données liées au gang sur le site d’INTERPOL : http://www.interpol.int/Crimeareas/Organized-crime/Project-Pink-Panthers 12


D’ailleurs, lorsque les guerres d’ex-Yougoslavie ont éclaté au début des années 1990, certains membres de la police militaire et de la JNA (Armée Populaire Yougoslave) ont profité de leurs connexions établies lors de leurs carrières pour tout simplement « changer de camp ». Une aubaine pour le crime organisé qui s’enrichit d’un personnel hautement qualifié, extrêmement bien renseigné, qui ont donc continué à maintenir des liens professionnels avec des politiques18.

C. Après la guerre en ex-Yougoslavie. La guerre en ex-Yougoslavie débuta réellement et médiatiquement avec la guerre d’indépendance croate.

Au printemps 1990, les Serbes de Croatie organisent une rébellion armée refusant

d’accepter l’autorité du nouveau gouvernement croate autoproclamé : c’est ce que les médias finirent par appeler la « la Révolution des Rondins », puisque de nombreuses routes furent condamnées par des rondins empêchant le passage des véhicules croates et des touristes, ce qui entraina un isolement de la Dalmatie avec le reste du pays. La JNA était alors venu en soutien aux rebelles puisque le gouvernement croate préparait une sécession, acte alors réprimandé même si autorisé par la Constitution 19 . Visiblement sans aucun soutien, le nouveau Ministre de la Défense de Croatie, Martin Špegelj entrepris d’acquérir de l’armement par le bias du marché noir. L’importation d’armes viendrait des pays signataires de l’ancien Pacte de Varsovie : la Hongrie et la Roumanie. C’est ce même Martin Špegelj qui fut pris flagrant délit, filmé par un de ses assistants qui était en fait un agent inflitré de la KOS (Kontraobaveštajna Služba), le service de contre-espionnage yougoslave. Dans ces conversations filmées, le ministre Špegelj se confie sur sa volonté d’armer depuis l’étranger l’armée de libération croate, pour préparer à la sécession et à une guerre civile imminente20. Ce fut l’affaire des « cassettes Špegelj », qui furent transformées en documentaire par le Centre Cinématographique Militaire Zastava : il fut programmé et diffusé au plus grand public par la JRT (Jugoslovenska Radio Televizija), le service national de radio-télévision, en janvier 1991. Ce documentaire a été rendu public en vue de recevoir un soutien populaire contre 18

ONUDC, « Crime and its Impact on the Balkans », Vienne, 2011, p.8-11. Article 1 de la Constitution yougoslave de 1974 : « Les peuples de Yougoslavie, en partant du droit que chaque nation à l’autodétermination, y compris le droit à la sécession, sur la base de leur volonté librement exprimée lors de la lutte commune dans la guerre de libération et de révolution populaire socialiste, de toutes les nations et nationalités, conformément à leurs aspirations historiques […] » 20 Extrait du témoignage de S. Milošević (en ligne sur le site du TPIY): http://www.icty.org/x/cases/slobodan_milosevic/trans/en/060125ED.html, p. 47623, l.13. 19

13


le gouvernement croate nouvellement élu21. Le Général de la JNA de l’époque, Veljko Kadijević a voulu faire juger Špegelj pour « haute trahison ». Pour apaiser les tensions, le président Tuđman le démit de ses fonctions : Špegelj en profita pour fuir en Autriche où il resta pendant plusieurs mois. Le cas « Špegelj » parait être la parfaite représentation du crime organisée de l’époque, basée sur des aspirations ethniques. Mais, lorsqu’il s’agit de crime organisée et surtout du profit qui en découle, les divisions nationales ou de nationalités s’estompent aisément. Les éléments criminels de toutes ethnies ont travaillé main dans la main pour renforcer leur assise, et devenir des profiteurs de guerres. Le 30 mai 1992, le Conseil de Sécurité de l’ONU adopte la résolution 757 rendant l’embargo sur la Yougoslavie effectif. Sans le savoir, elle vient de faire fructifier presque immédiatement les butins des profiteurs de guerre. L’interdiction d’exportation de carburants, d’armes et de tout matériel militaire vers la Yougoslavie a immédiatement fait exploser les prix du marché noir. Les « seigneurs de guerre » de Bulgarie, d’Albanie, et d’autres pays voisins ont rempli le vide économique et ont fait fortune en fournissant illégalement aux deux camps du pétrole et des armes à feu 22 . Les bénéfices de ces trafics illégaux sont devenus une source importante de revenues pour différents groupes, allant des leaders politiques aux simples citoyens vivant dans les régions frontalières. En conséquence, la corruption a dès lors imprégnée la justice et les élites politiques des républiques ex-yougoslaves 23. Cette coopération consolidée entre le crime organisé et l’Etat, ainsi que la corruption qu’elle génère, est l’une des conséquences à long terme des plus visibles de l’embargo onusien24.

21

DE LA BROSSE Renaud, « Political Propaganda and the Plan to Create a « State of All Serbs »: Consequences of Using the media for Ultra-Nationalists ends », Février 2003, http://www.stadensomoffrades.se/de_la_brosse_political_propaganda_pt1.pdf 22 BOURDILLON Yves, « L’embargo contre la Serbie a enrichi certains et appauvri d’autres chez ses voisins », Les Echos, 26 mars 1999 : http://www.lesechos.fr/26/03/1999/LesEchos/17866-032-ECH_l-embargo-contre-la-serbie-aenrichi-certains-et-appauvri-d-autres-chez-ses-voisins.htm 23 CSD, « Corruption, Contraband, and Organized Crime », 2003, p.9. 24 ONUDC, « Crime and its Impact on the Balkans », Vienne, mars 2008, p.11-12. 14


D. Les sociétés militaires privées (SMP) Les sociétés militaires privées (SMP) se sont implantées dans les Balkans occidentaux suite à la disparition des institutions d’Etat suite à la guerre en ex-Yougoslavie, et au vide politique qui y en découle. Les SMP sont des entreprises fournissant des services liés à la sécurité publique et/ou privée, qui dans le cas des Balkans occidentaux, étaient autrefois fournies par l’Etat. Bien que parfaitement légales et légitimes d’un point de vue juridique, elles étaient régulièrement en liaison avec le « milieu » du crime organisé balkanique. Certains de ses membres utilisaient leurs connexions déjà établies avec l’Etat pour recruter du personnel militaire et/ou de la police pour le compte de leur société. Au lieu de fournir des services publics, « elles ont formés des soldats professionnels, tout simplement passés de la sécurité publique à privée, destinés à protéger des banques, des écoles, des agences de transfert d’argent et surtout, des personnes importantes

25

». Pour une

représentation plus précise, la Serbie a en 2013 plus de 3 000 sociétés de sécurité privées, employant entre 25 et 60 000 personnes et générant un marché de près de 150 millions d’euros26. En outre, de nombreuses personnalités ont conservé leur position dans la vie politique alors que dans le même temps, elles travaillaient pour des SMP. Ces individus utilisent leurs connexions, l’asymétrie d’information27, et leur pouvoir d’oppression pour dominer le secteur privé, ce qui conduit à une relation malsaine entre les membres de l’ancienne police, des groupes criminels et du secteur privé 28 . Les SMP ont maintenu des liens avec le crime organisé, les politiciens corrompus et les personnes chargés du maintien de l’ordre et de la loi et ont joué un rôle majeur dans le développement du crime organisé et de la corruption dans les Balkans occidentaux29.

25

DORSEY James M., « Private security firms in the Balkans harbor corruption, observers say », Deutsche Welle, 9 juin 2010, http://dw.de/p/Nquc http://www.dw.de/private-security-firms-in-the-balkans-harbor-corruption-observerssay/a-5684942-0. 26 BETA & TANJUG, « Imamo 50.000 naoružanih privatnika », B92, 8 novembre 2013 : http://www.b92.net/info/vesti/index.php?yyyy=2013&mm=11&dd=08&nav_id=774974 27 Définition du terme sur le site « Les Echos » : http://www.lesechos.fr/financemarches/vernimmen/definition_asymetrie-d-information.html 28 ONUDC, « Crime and its impact on the Balkans », Vienne, mars 2008, p.49 29 DORSEY James M., « Private security firms in the Balkans harbor corruption, observers say », Deutsche Welle, 9 juin 2010, http://dw.de/p/Nquc http://www.dw.de/private-security-firms-in-the-balkans-harbor-corruption-observerssay/a-5684942-0. 15


En plus de fournir des services à n’importe quel camp en temps de guerre, les SMP sont périodiquement les instigateurs d’assassinat politique et/ou d’actions de contrebande illicite : en raison de leurs contacts parmi les plus hauts représentants de l’Etat, la plupart de ces crimes ont été négligés et non punis. Il convient tout de même de nuancer ces propos dans le temps, en prenant deux cas en exemple, assez différents sur l’idéologie et sur les actions menées, mais qui reflètent l’étendu des champs d’action des SMP.

a. Le

cas

de

la

MPRI

(Military

Professional

Ressources

Incorporated) Lors de conflits armées, de nombreuses puissances étrangères peuvent entrer en action. Ce fut d’ailleurs le cas en ex-Yougoslavie, au travers des Casques Bleues de l’ONU. Cependant, dans de nombreux cas, « les gouvernements occidentaux cherchent à éviter à tout prix les pertes en opérations. Ils redoutent, notamment, la sanction de l’opinion publique si trop de militaires sont tués 30». Alors, des SMP sont appelées en renfort, ou pour suppléer des armées étatiques, ou pour les former à une opération à haut risque. C’est le cas de la MPRI en ex-Yougoslavie : elle a « équipé et formé, en 1994, l’armée croate […]. Elle a élaboré son plan de bataille pour l’offensive de la Krajina qui a entraîné l’exode de 150 000 serbes. Dans ce cas, l’acteur, privé, est intervenu dans le cadre de la politique étrangère des Etats-Unis 31». D’ailleurs, c’est un ancien chef d’état-major qui dirige la société privée : le général Carl Vuono. Pour travailler en toute légitimité, la société « veille à se faire accréditer par le Département d’Etat 32». On voit dans ce cas précis que les SMP peuvent être intimement liées à la politique étrangère d’une puissance mondiale, et devenir acteur à part entière de ses actions à l’international.

b. La JSO (Jedinica za Specijalne Operacije) La JSO, plus communément surnommée « les Bérets Rouges » (Crvene Beretke en serbe), était une unité d’élite de la police serbe qui faisait partie depuis 1996 du Département de la Sécurité d’Etat (BIA).

30

MISSER François, « Mercenariat : le marché florissant de la privatisation des guerres », Les Jeudis du CHEAr, Ministère de la Défense, 18 mars 2004. 31 Ibid. 32 Ibid. 16


Fin 2001, le Premier ministre serbe de l’époque, Zoran Đinđić (1952-2003), déclarait que l’année 2002 allait être « l’année de la lutte contre le crime organisé ». En décembre 2002, la loi sur la lutte contre le crime organisé entrait en vigueur : le pouvoir judiciaire de l’époque se dota alors d’un « Tribunal Spécial contre le Crime Organisé » (Specijalno tužilaštvo za organizovani kriminal) et d’une cellule spéciale à la Mairie de Belgrade, pouvant être considéré comme un « tribunal municipal contre le crime organisé »33. En janvier de la même année, la JSO était exclue du Département de la Sécurité d’Etat (BIA). En effet, la JSO organisait des manifestations pour protester contre la coopération du gouvernement serbe avec le TPIY. Avec cette exclusion, le Premier ministre Đinđić déclarait la guerre aux criminels de la JSO. Après trois attentats manqués contre sa personne, Đinđić fut finalement abattu par un sniper le 12 mars 2003, devant l’entrée du siège du gouvernement. Cet attentat fut attribué à Zvezdan Jovanović, membre de la JSO : il intervient trois heures seulement après que le Tribunal Spécial contre le Crime Organisé ne lance un mandat d’arrêt à l’encontre de Milorad Ulemek, surnommée « Legija34», ancien commandant charismatique des « Bérets Rouges ». La JSO n’était, certes pas une SMP à proprement parlé, mais par son mode de fonctionnement, et les liens qu’elle entretenait avec le pouvoir central du gouvernement serbe, elle s’en approchait en tout point. Par ailleurs, la JSO a servi lors d’opérations à haut risque en 1991 en Croatie, et en 1999 au Kosovo35.

33

Extrait de la « Loi contre le Crime Organisé et la Corruption », Parlement de Serbie, 2013. Voir ANNEXE I. Il fut surnommé ainsi après avoir servi six ans dans la Légion Etrangère, participant à des opérations militaires au Tchad, en Libye, au Liban, en Guyane et en Irak. 35 HUMAN RIGHTS WATCH, Under orders : war crimes in Kosovo, Octobre 2001 : http://www.hrw.org/legacy/reports/2001/kosovo/Po_naredjenju.pdf 34

17


2. Organisations et activités du crime organisé Le crime organisé est l’un des phénomènes des plus dangereux et des plus complexes en général. Chaque Etat est sous la menace de deux phénomènes. Premièrement, les organisations criminelles en elles-mêmes. Deuxièmement, l’incapacité à fournir un cadre juridique efficace pour neutraliser les conséquences de ce problème. Le domaine du crime organisé éveille depuis plusieurs années un intérêt particulier dans la recherche et dans la criminologie. Dans les Balkans occidentaux, la lutte contre le crime organisé n’en est qu’au tout début. Après que la région a subi plus de dix ans de guerres meurtrières, le crime organisé s’est fermement fixé dans les Balkans. C’est surtout la situation économique instable qui l’a intronisé : « le crime ne paie pas, mais c’est souvent le jeu le plus lucratif […] et ses joueurs sont les plus influents de la société 36». Pour comprendre la problématique du crime organisé dans les Balkans, il convient d’abord d’expliquer son fonctionnement. Le crime organisé est, comme son nom l’indique, plus complexe que les autres. Il existe deux définitions habituellement employées. Selon le Conseil de l’Union européenne, il s’agit « d’une association structurée, de plus de deux personnes, établie dans le temps, et agissant de façon concertée en vue de commettre des infractions punissables d’une peine privative de liberté ou d’une mesure de sûreté privative d’une maximum d’au moins quatre ans ou d’une peine plus grave, que ces infractions constituent une fin en soi ou un moyen pour obtenir des avantages patrimoniaux et, le cas échéant, influencer indûment le fonctionnement d’autorités publiques37 ». Pour la Convention de Palerme38, il s’agit « d’un groupe structuré de trois personnes ou plus existant depuis un certain temps et agissant de concert dans le but de commettre une ou plusieurs

36

NAIM Moises, « Criminals without borders », 24 avril 2008 : http://moisesnaim.com/columns/criminals-without-borders 37 Action commune 98/733/JAI relative à l’incrimination de la participation à une organisation criminelle dans les États-membres de l'Union européenne, Conseil de l’Union européenne, 21 décembre 1998, JOCE, L 351. 38 La Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, dite Convention de Palerme est une convention des Nations unies organisée et signée en décembre 2000 à Palerme, en hommage au juge Giovanni Falcone. Elle constitue le premier instrument de droit pénal destiné à lutter contre les phénomènes de criminalité transnationale organisée. Elle établit un cadre universel pour la mise en œuvre d’une coopération policière et 18


infractions graves ou infractions établies conformément à la présente Convention, pour en tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou un autre avantage matériel […] 39 ». Enfin, par « groupe structuré », elle désigne « un groupe qui ne s’est pas constitué au hasard pour commettre immédiatement une infraction et qui n’a pas nécessairement de rôles formellement définis pour ses membres, de continuité dans sa composition ou de structure élaborée […] 40». Les caractéristiques d’une organisation criminelle peuvent varier énormément, mais elles ont toutes des points communs, notamment dans les objectifs et les buts à atteindre. Elles ont aussi une hiérarchie avec une structure de commandement, généralement une spécialisation, et un ensemble de règles auxquelles les membres doivent adhérer et respecter. Une organisation criminelle est principalement motivée par le profit et utilise pour y arriver, « la violence ou les menaces violentes 41». Elles peuvent avoir à l’origine, un foyer régional (la Cosa Nostra en Sicile, la Camorra dans la région de Naples et la ‘Ndrangheta en Calabre), un foyer national (les Cartels de Colombie ou du Mexique), ou bien un foyer transnational, comme dans les Balkans occidentaux (Serbie, Monténégro, Kosovo, Bosnie-Herzégovine, Croatie). Néanmoins, ces organisations criminelles sont aujourd’hui durablement installées dans de nombreux pays et régions du globe, et fonctionnent toutes aujourd’hui comme des organisations criminelles transnationales. Leurs activités peuvent inclure : le trafic de drogue, le trafic d’être humain, le trafic d’armes, le passage de migrants, le blanchiment d’argent, etc. Toutefois, « le trafic de drogue est l’une des activités principales des groupes criminels organisés qui génèrent des profits considérables 42».

judiciaire internationale permettant d’améliorer la prévention et la répression des phénomènes de criminalité organisée. 39 ONUDC, « Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée », Vienne, 2004, article 2, p.5. 40 Ibid. 41 ONUDC, « Crime and its impact on the Balkans », Vienne, mars 2008, p.11. 42 ONUDC, Définition de la Criminalité organisée, https://www.unodc.org/unodc/fr/organized-crime 19


A. L’omniprésence des organisations mafieuses dans les Balkans occidentaux Définir la présence des organisations mafieuses dans les Balkans occidentaux (ou dans n’importe quel région d’ailleurs) est difficile dans la mesure où sa détection est complètement dépendante du niveau de vigilance et d’action de l’Etat contre celles-ci. Les Etats qui fournissent le plus de rapports liés à des opérations de sécurité au sein de leur frontière, sont susceptibles de figurer parmi les pays qui répertorient le plus de cas de criminalité organisée. Ironie du sort, chaque arrestation impliquant une organisation criminelle dégage deux informations. La première démontre que le crime organisé est présent et actif. Mais plus important encore, la deuxième témoigne des mesures prises par un gouvernement pour combattre le fléau. A l’inverse, les Etats ayant le moins de rapports sur le crime organisé sont suceptibles d’avoir le plus de problèmes avec des organisations mafieuses : en général, les gouvernements de ces pays choisissent tout simplement de nier l’existence du crime organisée. En effet, il existe deux cas de figure : soit pour ne pas montrer publiquement leur impuissance face à la question, soit ils sont corrompus et profitent directement ou indirectement de la criminalité. Par conséquent, les indicateurs révèlent plus la qualité d’enquête et d’intervention des forces de police, que de la réelle présence sur le terrain d’organisations mafieuses43.

43

ONUDC, « Crime and its impact on the Balkans », Vienne, mars 2008, p.12-56. 20


Nombre de suspects liés au crime organisé répertoriés lors d'une enquête de police (pour 100 000 habitants) en 2003. Source : UNODC

La carte ci-dessus nous montre une inégalité en termes d’enquêtes policières dans la région. Aussi, il est intéressant de voir que les enquêtes sur le crime organisé en Europe occidentale, sont les plus nombreuses dans les pays où l’immigration balkanique est importante (ex-yougoslave en Allemagne, albanaise en Italie). Malheureusement, ces données ont maintenant plus de dix ans, et le manque de rapports officiels témoignent peut-être d’une certaine frilosité sur la question. Par conséquent, il faut trouver un autre moyen pour témoigner de la présence sur le terrain des organisations criminelles. Le témoignage des citoyens balkaniques peut dès lors devenir un indicateur efficace.

21


Source: Etude GALLUP Balkan Monitor, 2010

Avec le graphique ci-dessus, on s’aperçoit qu’au niveau régional : - En 2009, plus de 16% des citoyens des Balkans occidentaux sont quotidiennement affectés par le crime organisé. En 2010, ils sont plus de 13% à réaffirmer leur affect. On note donc une légère baisse. - Si l’on regroupe les deux perceptions (quotidiennes et occasionnelles), on se retrouve alors avec : en 2009 plus de 47% de personnes affectés, et en 2010 plus de 37% de citoyens affectés par le crime organisé. Malgré une nette baisse, il y a cinq ans, un citoyen balkanique sur deux se retrouvait personnellement confronté à une organisation criminelle dans l’année. Au niveau local et national, il convient de noter une baisse dans toutes les entités sondés, à l’exception de deux Etats : l’Albanie et l’Ancienne République Yougoslave de Macédoine (ARYM).

22


En Albanie en effet, 17% des sondés se retrouvent confrontés quotidiennement au crime organisé en 2010, alors qu’un an plus tôt, ils n’étaient que 10%. En ARYM, on note une légère hausse de 1% d’une année à l’autre. Peut-on en tirer des conclusions ? Pour l’Albanie particulièrement, il apparaît dans cette étude que la criminalité organisée est nettement

plus

présente

dans

la

vie

publique.

Le

taux

de

personnes

« affectés

occasionnellement » à également grimper de 4% : comment expliquer cette flambée lorsque tous les autres pays de la région ont tendance à voir le crime organisée reculer ? L’Albanie était l’un des pays les plus isolés du monde lorsque Enver Hoxha était à sa tête (1944-1985), et où la police secrète, la « Sigurimi » était des plus répressives. « Le pays des bunkers » (plus de 700 000 bunkers furent construits dans la République populaire socialiste d’Albanie, ce qui fait plus de 24 bunkers au kilomètre carré) a eu une politique isolationniste en rompant les liens d’abord avec la Yougoslavie en 1948, puis l’Union Soviétique en 1960, et enfin la Chine en 1978 : le régime d’Enver Hoxha « se trouve dépourvu d’alliance étrangère et adopte une politique d’autosuffisance économique, se traduisant par un net appauvrissement de sa population. […] Le pays apparait comme le plus fermé d’Europe, continent où il est le dernier gardien du dogme stalinien 44 ». Pays montagneux, de tradition clanique et fidèle (en parti) au droit coutumier (Kanun 45 ), l’Albanie ne sait que très récemment et partiellement ouvert à l’Europe. Cette ouverture et l’intensification des relations avec les pays occidentaux est une aubaine pour les organisations criminelles albanaises : leur « carnet de commandes » ne fait que s’agrandir et se diversifier. De plus, avec la « situation chaotique actuellement au Kosovo, devenu un Etat mafieux 46», ne fait que renforcer le crime organisé dans les régions albanophones des Balkans. Finalement, la région se retrouve comme une des plus grandes zones de transit illicite de la planète, avec le trafic d’armes, de cigarettes, et d’êtres humains. Toutefois, le trafic le plus important et le plus lucratif de la région est clairement celui des drogues, en particulier l’héroïne importée d’Asie centrale et destinés à l’Europe occidentale.

44

MOURRE Michel, « Dictionnaire d'histoire universelle », article Albanie, Bordas, 2004. Le Kanun est un code de vie élaboré et écrit au XVème siècle par Lekë Dukagjini, prince albanais proche du héros national Gjerg Skanderbeg. Réglant tous les aspects de la vie sociétale, ce code, sorte de constitution locale médiévale, est souvent détourné par la mafia à titre de justification pour des vengeances entre clans, des séquestrations, le recours à la loi du silence, etc. 46 PEAN Pierre, « Kosovo : une guerre «juste » pour un Etat mafieux », Broché, 2013. 45

23


B. La « route des Balkans » : carrefour du trafic de drogue entre l’Europe et l’Asie. Les Balkans se révèlent être une étape cruciale dans le développement du trafic de drogue. Globalement en provenance d’Afghanistan (pays leader mondial de la production d’opiacés), le fructueux marché occidental en est la destination principale. Les flux, eux, sont multidirectionnelles : la drogue peut provenir de l’extérieur de la région (comme la cocaïne d’Amérique du Sud) ou de l’intérieur (d’Albanie notamment, pour la production de cannabis). De toutes les drogues, c’est l’héroïne qui donne aux Balkans tout son intérêt stratégique. Son importance se révèle lors des saisies tout au long de la route : en 2012, les douanes turques en ont saisis plus de 13,3 tonnes (contre 7,2 tonnes en 2011), ce qui représente l’une des plus importants saisies annuelle au monde. En ce qui concerne les Balkans occidentaux au sens propre, les saisies sont à leur plus bas niveau depuis dix ans (près d’une tonne en 2012)47. Selon les dernières estimations de l’UNODC, entre 60 et 65 tonnes d’héroïne traversent annuellement les Balkans. Depuis le milieu des années 90, ce sont les Albanais qui contrôlent les réseaux de distributions en Europe occidentale. Ce commerce est considéré par le Conseil de l’Europe comme le marché illégal le plus important sur le continent, et a été étiqueté comme une « menace pour la sécurité de l’UE 48». Le cannabis albanais est tout spécialement en expansion dans la région : les saisies d’herbe dans la région ont presque doublées, en passant de 23 tonnes en 2011 à 48 tonnes en 2012. Comme expliqué précédemment, l’offre augmente et se diversifie : les trafiquants cherchent donc à étendre leurs réseaux et développer leurs chaînes d’approvisionnement sur les marchés occidentaux (majoritairement en Allemagne, en Italie, et aux Pays-Bas). Le profit est conséquent, étant donné la faible distance entre la source de production et la cible de consommation. Quant au transit de la cocaïne, il n’est que mineur actuellement en comparaison aux saisis réalisés en Europe occidentale et centrale. Pour preuve, quelques 350 kilogrammes de cocaïne ont été saisies dans les Balkans en 2012, ce qui est relativement peu comparé aux 2,2 tonnes saisies en

47 48

ONUDC, « The illicit drug trade through south-eastern Europe », Vienne, mars 2014. ONUDC, « Crime and its Impact on the Balkans », Vienne, mars 2008, p.13 24


2009, voir marginal avec les 53 tonnes d’Europe occidentale et centrale la même année 49. Les trafiquants balkaniques élargissent leurs réseaux, et établissent des liens de plus en plus étroits avec les producteurs de cocaïne d’Amérique du Sud, et sont donc directement impliqués dans le trafic maritime vers les ports d’Europe occidentale et centrale. Pour preuve, une opération policière brésilienne surnommée « Niva » (« njiva » veut dire « champ » en BCMS) a démantelée un réseau de trafic transatlantique : les 35 suspects sont tous ex-yougoslaves, la plupart serbes. Tous étaient recherchés par Interpol, dont le chef de file du groupe, Goran Nešić est originaire de Pirot. Près de 620 kilogrammes de cocaïne ont été saisis et 2 millions de réais en liquide (680 000 euros). Le groupe de trafiquants avaient investi dans le pays, et à la tête d’un patrimoine de 31 immeubles, 15 voitures de luxe et 3 yachts : tout ce butin était estimé à 16 millions de réais (5,4 millions d’euros)50. Bien que peu de cette cocaïne transite réellement dans la région, il est probable qu’elle est néanmoins un impact dans la péninsule quand bien même le trafic transatlantique n’est qu’une menace indirecte pour les Balkans. Pour le reste, la péninsule n’est plus seulement une région de transit : alors que les utilisateurs d’opiacés sont marginales dans la région, quelques 117 000 personnes seraient toxicomanes, ce qui est comparable avec les statistique d’Europe occidentale et centrale51.

a. L’héroïne Le monde entier est confronté (à l’exception de l’Amérique latine) au trafic de l’héroïne afghane. Les Balkans demeurent comme l’étape la plus importante vers l’Europe occidentale. Grâce aux contrôles à la frontière et à l’analyse des risques menés par les trafiquants, le transit de l’héroïne dans les Balkans se divise en trois branches. La « branche nord » traverse la Bulgarie, la Roumanie et l’Ouest de l’Europe centrale. La « branche sud » ne concerne que la Grèce, et continue généralement vers l’Italie. Enfin la « branche ouest » se réfère aux Balkans

49

ONUDC, « The illicit drug trade through south-eastern Europe », Vienne, mars 2014. Archives sur le site du gouvernement brésilien www.brasil.gov.br, « PF combate trafico internacional de drogas na operação Niva », 5 mai 2011 : http://www.brasil.gov.br/governo/2011/05/pf-combate-trafico-internacional-dedrogas-na-operacao-niva 51 ONUDC, « The illicit drug trade through south-eastern Europe », Vienne, mars 2014. 50

25


occidentaux : elle est la plus complexe et diversifiée, car elle implique à la fois des itinéraires maritimes et terrestres. Carte 2 : Les différentes branches de la « Route des Balkans » Source : ONUDC

Carte 3 : Lieux des saisies d'héroïne dans les Balkans. Source : ONUDC

26


Comme expliqué précédemment, le volume des saisies à fortement diminuer depuis 2012. Ceci est surtout grâce à une politique de vigilance accrue des douanes turques qui, la même année, ont interceptés en amont plus de 13,3 tonnes d’héroïne52. Depuis l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l’UE, la « branche nord » ne traverse maintenant qu’une seule frontière de l’Union, tandis que la branche occidentale en traverse plusieurs, ce qui rend l’opération beaucoup plus risquée pour les trafiquants. On note sur la carte n°3 que les plus grandes saisies ont lieu dans la région de Belgrade, en Syrmie dans la région frontalière entre la Croatie et la Serbie, ou au poste frontière de Gyula entre la Hongrie et la Roumanie. Les saisies les plus nombreuses sont effectuées entre les frontières du Monténégro, de l’Albanie et du Kosovo pour la « branche ouest », en Bulgarie (notamment dans la région frontalière avec la Thrace turque) pour la « branche nord ». Aujourd’hui, l’Albanie, l’ARYM, et le Kosovo en particulier, sont des pôles stratégiques pour le stockage et le reconditionnement. Le Kosovo agit aussi comme une base de retrait pour les trafiquants albanophones d’Europe occidentale. Aussi, il convient de remarquer que la Hongrie est devenue un haut point de passage stratégique pour le trafic. Les groupes criminels turcs et albanais restent les plus actifs dans le trafic d’héroïne et notamment sur la « Route des Balkans »53.

b. La cocaïne La « Route des Balkans » n’est qu’une route secondaire en ce qui concerne la cocaïne, essentiellement produite dans les pays andins. En effet, les principaux points d’entrée pour les marchés d’Europe occidentale restent l’Espagne, les Pays-Bas, le Portugal et la Belgique. En 2012, l’Espagne a saisi plus de 20,7 tonnes de cocaïne, la Belgique 17,5 tonnes et les Pays-Bas 10 tonnes54 ; dans les Balkans, 356 kilogrammes ont été saisis en 2012, ce qui représente moins de 1% de l’ensemble des saisies effectués en Europe occidentale et centrale. Même lorsque les

52

Ibid. EUROPOL, OCTA Report, « EU Organised crime threat assessment », 2011. 54 EMCDDA, « EU Drug Markets Report », 2013, p.45 ; FRONTEX, « Annual Risk Analysis », 2013, p. 48 53

27


saisies de cocaïne ont atteints des sommets dans les Balkans (2009), elles ne représentaient que 4% des 53 tonnes saisies dans le reste de l’Europe55.

c. Le cannabis Le cannabis est la drogue la plus consommée dans le monde. Elle existe sous deux formes : d’herbe ou de résine. L’herbe de cannabis, connu aussi sous le nom de marijuana, est non seulement consommée dans presque tous les pays, mais elle est aussi produite dans la plupart d’entre eux. A l’inverse, la production de résine de cannabis (connu aussi sous le nom de haschich) se limite aux pays du Sud-Ouest Asiatique, du Proche et du Moyen-Orient, et surtout d’Afrique du Nord56. A l’inverse de l’Europe occidentale et centrale, c’est le cannabis sous forme d’herbe qui est presque exclusivement consommée. Plusieurs pays ont signalés et démantelés des cultures de cannabis, mais c’est le cannabis albanais qui est le plus répandu dans la région57. Carte 4 : Lieux des saisies de cannabis dans les Balkans.

Source : ONUDC

55

ONUDC, « The illicit drug trade through south-eastern Europe », Vienne, mars 2014. ONUDC, « World Drug Report », 2013. 57 SELEC, « Report on Drug Seizures in South Eastern Europe », 2012, p.36. 56

28


Malgré la faible teneur en THC (molécule active psychotrope)

par rapport à la moyenne

européenne 58 , le cannabis albanais a su se faire une place sur le marché européen : ce serait d’ailleurs le premier cannabis consommé sur le continent59. Les livraisons de cannabis albanais peuvent s’élever à plus d’une tonne, et partent depuis les ports grecs du nord-ouest (notamment Igoumenitsa) à destination de l’Italie et d’autres pays d’Europe. Sur l’Adriatique, c’est en ferries ou en hors-bord que la drogue est transporté, depuis les ports de Durrës et Vlorë (même si la majorité des saisies ont été effectués à Durrës60). Malheureusement, il n’existe aucune source officielle qui décrive les parcours et les destinations finales en Italie. Enfin, il existe aussi la voie terrestre par le Monténégro, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, la Slovénie jusqu’à l’Europe occidentale et centrale. La plupart des convois routiers ont pour destination l’Italie, mais les Pays-Bas reste le plus grand marché du cannabis en Europe, et peut donc devenir une finalité61. L’Albanie commence à cerner le problème, qui devient une menace pour son intégration à l’Union Européenne. Les autorités auraient saisies plus de 21,2 tonnes en 2012, ce qui représente une augmentation de 175% en un an62. Récemment, la police albanaise a lancé une offensive sur le petit village de Lazarat (à 240 kilomètres de Tirana), surnommé « le royaume du cannabis ». Ils ont trouvé face à eux des narcotrafiquants lourdement armés, qui employaient des milliers de personnes sur 319 hectares : un commerce lucratif puisque le village produirait plus de 900 tonnes de cannabis chaque année pour une recette estimée à 4,5 milliards d’euros à la revente, soit le tiers du PIB de l’Albanie. Pour les employés de Lazarat, il n’y avait pas d’hésitation : deux kilos de cannabis valent le prix d’une tonne de blé sur le marché63. En résumé, les Balkans semblent être (particulièrement l’Albanie) une région de production importante de cannabis (surtout sous forme d’herbe).

58

EMCDDA, « European Drug Report », 2013, p.17. Rapport de l’EMCCDA (European Monitoring Centre for Drug Addiction), « Cannabis production and markets in Europe », Lisbonne, juin 2012, p.29. 60 SELEC, « Report on Drug Seizures in South Eastern Europe », 2012. 61 EMCDDA, « EU Drug Markets Report », 2013, p.64. 62 Rapport de l’INCSR (International Narcotics Control Strategy), Washington (E-U), 1er mars 2013 : http://www.state.gov/j/inl/rls/nrcrpt/2013/vol1/204048.htm#Albania 63 BOURGERY François-Damien & KUTRA Artan (RFI), « Albanie : offensive de la police au royaume du cannabis », 18 juin 2014 : http://www.rfi.fr/europe/20140617-albanie-offensive-police-lazarat-royaume-cannabis/ 59

29


d. Une coopération régionale pour une plus grande efficacité dans la lutte anti-drogue Depuis que les tensions territoriales et nationalistes se sont apaisées dans la région (à l’exception peut-être du Kosovo), les initiatives de coopération régionale dans la région se sont multipliées, souvent encouragées par les institutions européennes. La création de la SELEC (Southeast European Law Enforcement Center 64 ) contribue à une meilleure entente et coopération entre les douanes et les polices balkaniques. En 2011, la SELEC a contribué à 21 opérations communes, dont l’opération « Soya » : ont contribué les polices de Serbie, de Grèce et d’ARYM avec le soutien logistique de la DEA américaine (Drug Enforcement Agency) et la SOCA britannique (Serious Organised Crime Agency). Cette opération a permis la saisie de 169 kilogrammes de cocaïne et 19 arrestations. La coopération s’est intensifiée en 2012 avec 27 opérations communes65. A un niveau plus macro-régional, la Bulgarie a lancé la création d’un centre de coopération douanière et policière entre la Bulgarie, la Grèce et la Turquie. Malheureusement, la signature du traité de coopération a été repoussée : en effet, un jour avant la signature du traité (le 17 décembre 2013), le fils du Ministre de l’Interieur turc (Barış Güler) a été arrêté pour une affaire de corruption66. Plus à l’ouest, fin décembre 2011, la Serbie et le Kosovo ont signé un protocole technique sur la gestion des « frontières » avec échange d’informations (IBM)67. On voit que les pays balkaniques ont compris l’importance d’une coopération pour maîtriser les points de passages stratégiques sur la « Route des Balkans », avec un appui particulier d’institutions internationales.

64

La SELEC est composé de douze Etats membres : l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Bulgarie, la Croatie, la Grèce, la Hongrie, l’ARYM, la Moldova, le Monténégro, la Roumanie, la Serbie et la Turquie. 65 SELEC, « Report on Drug Seizures in South Eastern Europe », 2012, p. 58. 66 Voir IBNE (Independent Balkan News Agency) : http://www.balkaneu.com/signing-bulgaria-turkey-greeceborder-co-operation-deal-postponed-turkish-interior-ministers-son-arrested 67 GOUVERNEMENT du KOSVO, « Rapport d’Etat sur la mise en place des Accords de Bruxelles », 16 janvier 2014, p.21, voir IBM (Integrated Border Management). 30


C. La traite des êtres humains dans les Balkans Selon la « Convention de Palerme » (2000) et son Protocole additionnel, l'expression « traite des êtres humains » désigne « le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation. L’exploitation comprend, au minimum, l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes 68». Cette définition vise à donner une base à partir de laquelle divers acteurs nationaux ou transnationaux peuvent mettre en œuvre un texte commun de normes, pour prévenir la traite, protéger les victimes, et poursuivre les responsables. Le protocole établit les avantages et les objectifs d’une politique de coopération, et les types d’instruments qui doivent être utilisés pour les atteindre. La situation sur la traite des êtres humains dans les Balkans occidentaux a été jugée préoccupante lors de nombreux sommets internationaux et régionaux. Et pourquoi lutter efficacement contre ce trafic si particulier, il n’existe pas d’approche conventionnelle claire. Bien sûr, le protocole cité ci-dessus donne des pistes pour une lutte efficace, mais il apparait en pratique que les méthodes employées diffèrent. Par ailleurs, il y a un réel déficit d’information sur la question69. La traite des êtres humains peut être vue comme une immigration clandestine : par exemple, l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) la définit comme telle, bien qu’elle travaille en collaboration avec d’autres acteurs dans la région. « L'approche globale de l'OIM face à la traite des personnes s'inscrit dans le cadre de la gestion des migrations. Les activités très variées de l'Organisation sont mises en œuvre en partenariat avec les institutions gouvernementales, les ONG et les organisations internationales. L'approche s'appuie sur trois 68

Protocole additionnel à la Convention des Nations-Unies contre la criminalité organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (2000), Article 3 "Terminologie", alinéa a). Ce protocole est entré en vigueur en 2003. 69 ONUDC, « Rapport Mondial sur la Traite des Personnes – Résumé Analytique », février 2009. 31


principes régissant toutes les activités de lutte contre la traite: le respect des droits de l'homme ; le bien-être physique, mental et social de l'individu et de sa communauté ; la viabilité, grâce au renforcement des capacités institutionnelles des gouvernements et de la société civile70 ». L’assistance directe et rapide (grâce à leur réseau) et l’hébergement temporaire sont les principales activités de l’OIM dans les Balkans. Les victimes de la traite sont ramenées dans des abris temporaires notamment lorsqu’elles sont appréhendées par les douanes, lors d’opérations de police dans des lieux stratégiques comme des « bordels » ou « maisons closes » (lorsqu’il s’agit de prostitution), ou bien lorsqu’elles demandent de l’aide de manière spontanée. Dans certains cas, les victimes peuvent obtenir un permis de séjour temporaire, avant d’être rapatrié dans leur pays d’origine. L’organisation collecte aussi des données sur la traite dans la région, ce qui est un exercice particulièrement difficile : on utilise généralement les données des autorités nationales, même si celles-ci peuvent paraître biaisées. En effet, la police des frontières ne font pas de distinction entre la traite, la contrebande et l’immigration irrégulière. De surcroît, les gouvernements de la région pourraient être tentés de sous-estimer le phénomène. Une nouvelle fois, la coopération régionale reste la meilleure des solutions. Le 19 décembre 2013, la ville de Zagreb a été témoin de la signature d’une déclaration commune71 sur « le Trafic et l’Exploitation des Etres Vivants dans les Balkans ». L’objectif de la déclaration est de développer la coopération régionale et internationale, en promouvant des mesures concrètes pour des meilleurs mécanismes de lutte. En outre, le document « est basé sur des analyses de situation des quatre Etats cibles (Serbie, Croatie, Bosnie-Herzégovine, ARYM), notamment quant aux failles identifiées dans la lutte contre ces phénomènes criminels, et il regroupe les recommandations fondamentales qu'il reviendra aux associations signataires de faire valoir, ce dans l'ensemble des domaines concernés par les droits des victimes de la traite: enquêtes et poursuites judiciaires à l'encontre des exploiteurs, accès au droit, indemnisation des

70 71

IOM, voir sur www.iom.int, rubrique « Nos activités ». Voir la déclaration en ANNEXE IX. 32


préjudices, protection de la vie privée et contre les risques de représailles, ou encore lutte contre la corruption.72 » La déclaration a été signée par quatre ONG impliquées quotidiennement dans la lutte contre la traite d’êtres humains : ASTRA (Akcija Protiv Trgovanje Ljudima / Action Contre le Trafic de Personnes – Serbie 73 ), le PSD (Partnerstvo za Društveni Razvoj – Partenariat pour un Développement Populaire – Croatie 74 ), l’IFS Emmaüs (Internacionalni Forum Solidarnosti – Bosnie-Herzégovine75) et l’Otvorena Porta « La Strada » (La Porte Ouverte d’ARYM). Ce projet de déclaration commune a été par ailleurs co-financé par la Commission européenne et le Ministère français des Affaires Etrangères. Ce partenariat régional est basé sur deux ans, et vise aussi à renforcer la coopération avec les ONG occidentales comme le « Comité Contre l’Esclavage Moderne » ou le « Netherlands Helsinki Committee ». En conclusion, nous assistons aujourd’hui aux premiers balbutiements d’une lutte structurée contre le trafic d’êtres humains dans les Balkans occidentaux.

D. Le trafic d’organes au Kosovo Le trafic d’organes au Kosovo se réfère à des prélèvements d’organes et du meurtre présumé d’un nombre indéterminé de personnes disparues. Les estimations varient selon les sources, allant de 24 à 100 selon un rapport de l’ONU76, jusqu’à plus de 300 personnes77 selon Carla del Ponte (ancienne procureure du TPIY - Tribunal pénal international pour l’exYougoslavie). Les victimes sont tous des non-Albanais, pour la plupart des Serbes du Kosovo. Les auteurs des prélèvements étaient affiliés ou faisaient partis de l’Armée de Libération du

72

Dépêche du CCEM (Comité Contre l’Esclavage Moderne), rubrique Nos actions – L’action internationale : http://www.esclavagemoderne.org/0019-l-action-internationale/13-page.html 73 Voir le site de l’ONG : www.astra.org.rs 74 Voir le site de l’ONG : www.psd.hr 75 Voir le site de l’ONG : www.lastrada.org.mk 76 Voir le Rapport en ANNEXE II. 77 DERENS Jacqueline, « Trafic d’organes : le témoignage choc d’un ancien combattant de l’UÇK », Le Courrier des Balkans (version originale sur b92.net) : http://balkans.courriers.info/article20664.html 33


Kosovo (UÇK). Il restait en 2012 plus de 1 900 personnes portées disparues (les deux-tiers sont des Albanais du Kosovo) depuis la guerre du Kosovo78. Toujours selon le rapport de l’ONU, les victimes ont été choisies parmi des combattants prisonniers ou des civils enlevés par l’UÇK pendant et après la guerre du Kosovo. Elles auraient été emmenées dans des centres de détention (généralement des maisons privées) dans le nord et le centre de l’Albanie79, essentiellement près de Burrel et de Fushë-Krujë. Le rapport indique qu’au moins plusieurs personnes du haut-commandement de l’UÇK sont impliquées dans ces exactions, ou du moins étaient au courant. Pour l’opération, les hommes ont été emmenés dans une clinique préfabriquée près de Tirana, où ils ont été abattus d’une balle dans la tête avant de voir leurs organes prélevés80. Carte 5 : L’organisation du trafic d’organes

Source: MARTY Dick, Rapport sur le traitement inhumain de personnes et trafic illicite d’organes humains au Kosovo, Conseil de l’Europe.

78

HUMAN RIGHTS WATCH, « Kosovo : EU Mission Needs Special Prosecutor to Investigate KLA », 19 janvier 2011 : http://www.hrw.org/news/2011/01/19/kosovo-eu-mission-needs-special-prosecutor-investigate-kla 79 Voir le Rapport. ANNEXE II 80 LEWIS Paul (The Guardian), « Kosovo physicians accused of illegal organs removal racket », 14 décembre 2010 : http://www.theguardian.com/world/2010/dec/14/illegal-organ-removals-charges-kosovo 34


Une équipe de procureurs des Nations Unies ont étudié le cas de 2002 à 2003, puis de nouveau l’année suivante : à l’époque, l’équipe affirmait qu’il n’y avait pas suffisamment de preuve pour prouver l’existence d’un réseau de prélèvement d’organes. En 2008, de nouvelles accusations apparaissent dans les médias : le livre de Carla del Ponte (ancienne procureure du TPIY) « La Traque : les criminels de guerre et moi81 » fait l’effet d’une bombe. Dans son livre, Del Ponte affirme que des Albanais du Kosovo ont prélevés des organes sur des Serbes kidnappés après la guerre du Kosovo de 1999. Ces accusations ont été renforcées par plusieurs visites sur le terrain. Elle a personnellement recueilli plusieurs témoignages (dans le cadre de son poste au TPIY, mais aussi en dehors), dont l’un d’entre eux qui a « personnellement fait une livraison d’organes » jusqu’à un aéroport en Albanie pour un envoi à l’étranger, et « confirmé les informations directement recueillies par le tribunal 82». Del Ponte conclue que si l’affaire avait été ouverte à temps, les gouvernements de la Communauté internationale (CI) n’auraient pas eu la même position sur la déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo83. Le ministère suisse des Affaires étrangères (en la personne de son porte-parole Jean-Philippe Jeannerat) de l’époque a alors exhorté Carla del Ponte de ne pas répandre des « rumeurs sans fondements » et des « déclarations qui ne peuvent faites en tant que représentante du gouvernement suisse 84». Bernard Kouchner, ancien haut représentant de l’ONU au Kosovo, a déclaré dans une entrevue sur la chaîne suisse RTS : « Nous étions au courant des extorsions, mais nous n’avons jamais entendu de trafic d’organes 85». Mais c’est en 2010 que la situation se décante. Dick Marty, un procureur suisse au Conseil de l’Europe (CdE) rapporte début janvier 2011, qu’il existe « nombreux indices concrets et convergents confirment que des Serbes ainsi que des Kosovars albanais ont été tenus prisonniers dans des lieux de détention secrets sous contrôle de l’UÇK au nord de l’Albanie et soumis à des 81

Le livre est sorti en Italie fin mars 2008 sous le nom « La Caccia : io e i criminali di guerra ». DE QUETTEVILLE Harry & MOORE Malcolm (The Telegraph), « Serb prisoners were stripped of their organs in Kosovo war », 11 avril 2008 : http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/1584751/Serb-prisoners-werestripped-of-their-organs-in-Kosovo-war.html 83 Ibid. 84 SIMON Marie (l’Express), « Trafic d’organes au Kosovo : la controverse Carla del Ponte », 17 avril 2008 : http://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/trafic-d-organes-au-kosovo-la-controverse-carla-delponte_472137.html 85 Vidéo de l’entrevue sur le site de la RTS, 8 avril 2011 : http://www.rts.ch/info/monde/3062246-trafic-d-organesau-kosovo-bernard-kouchner-n-y-croit-pas.html 82

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traitements inhumains et dégradants, pour finalement disparaître. De nombreux indices semblent confirmer que, dans la période qui suit la fin du conflit armé, avant que les forces internationales aient pu prendre le contrôle de la région et rétablir l’ordre et la légalité, des organes auraient été prélevés sur des prisonniers dans une clinique en territoire albanais, près de Fushë-Krujë, transportés ensuite à l’étranger à des fins de transplantation. Bien qu’il y ait déjà eu des indices concrets de l'existence de tels trafics au début de la décennie, les autorités internationales en charge de la région n’ont pas estimé nécessaire de procéder à un examen approfondi de ces circonstances, ou elles l’ont fait d’une façon incomplète et superficielle.86 » Le CdE approuve le rapport le 25 janvier 2011, et lance un appel à une enquête complète et sérieuse. Toutefois, de nombreuses voix s’élèvent pour critiquer les fondements du rapport : ces critiques viennent directement du haut commandement de l’EULEX (Mission d’Etat de droit de l’Union européenne au Kosovo) et de membres du Parlement européen, affirmant que D.Marty ne fournissait « aucune preuve » pour confirmer ses propos87. Par conséquent, une enquête parallèle a été lancée par EULEX en août 201188. La même année, The Guardian a publié des documents de l’OTAN datant de 2004 où Hashim Thaçi (l’actuel Premier ministre du Kosovo, et ancien commandant chef de l’UÇK) était identifié comme étant sous le contrôle de la mafia albanaise, en particulier l’ancien chef de l’UÇK, Xhavit Haliti. Haliti qui sert de conseiller politique et financier au Premier ministre, a été décrit comme « très impliquée dans la prostitution, les armes et le trafic de drogue 89». Haliti est également cité dans le rapport Marty, basé lui aussi « sur des renseignements de l’OTAN, du FBI et du MI590 ».

86

MARTY Dick, « Rapport sur le traitement inhumain de personnes et trafic illicite d’organes humains au Kosovo », Conseil de l’Europe, 7 janvier 2011. Voir le rapport en ANNEXE III. 87 Dépêche AFP reprise par le quotidien suisse « Le Temps », « Ouverture d’une enquête sur les accusations de trafic d’organes », vendredi 28 janvier 2011. 88 Agence TANJUG & B92, UNMIK : « Organ trade investigation in September », 31 août 2011 : http://www.b92.net/eng/news/politics.php?yyyy=2011&mm=08&dd=31&nav_id=76163 89 THE TELEGRAPH, « Leaked Nato cables allege Kosovo PM was 'biggest fish' in organised crime », 25 janvier 2011 : http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/europe/kosovo/8280226/Leaked-Nato-cables-allege-KosovoPM-was-biggest-fish-in-organised-crime.html 90 Ibid. 36


En février 2011, France 24 obtient le document confidentiel de l’ONU 91(déjà cité plus haut) et qui suggère que les Nations Unies étaient au courant du trafic d’organes et de l’implication des hauts commandants de l’UÇK dès 2003.

a. L’affaire de la clinique Medicus En 2011, la clinique Medicus, dans la banlieue de Pristina, a été la première « victime » de l’enquête parallèle de l’EULEX. Avec son équipe, le procureur Jonathan Ratel a démantelé un réseau international de trafic d’organes, même si le rapport de Dick Marty l’indiquait déjà en 2010, et plusieurs enquêtes, dont celle du magazine allemand « Der Spiegel » dès 200892. Le propriétaire de la clinique Lutfi Dervishi aurait eu l’idée de créer ce vaste trafic lors d’un congrès d’urologie, où il aurait rencontré son complice, le chirurgien Yusuf Sönmez93. Moshe Harel, un autre complice israélien basé en Turquie, aurait été chargé de recruter des donneurs en Turquie, en Moldavie, au Kazakhstan et en Russie 94 . Les donneurs devaient recevoir une somme en échange, qui pouvait s’élever jusqu’à 20 000 euros. Evidemment, de nombreux donneurs ne seront jamais payés 95 . Les receveurs eux, devaient débourser jusqu’à 90 000 euros pour leur transplantation. Pour pouvoir exercer, la clinique a reçu plusieurs appuis, dont celui de « l’ancien secrétaire permanent du ministère de la Santé, Ilir Rrecaj, […] accusé d'avoir délivré une autorisation de complaisance à la clinique Medicus. L'acte d'accusation souligne aussi que le docteur Dervishi a eu plusieurs réunions avec le ministre de la Santé et le conseiller du premier ministre dans l'espoir d'obtenir leur appui.96 » Fin janvier 2011, Yusuf Sönmez est arrété à Istanbul après qu’Interpol ai lancé un mandat d’arrêt international à son encontre. Le « Docteur Frankenstein » (surnommé ainsi en Turquie) sera condamné à 117 ans de prison dans son pays. 91

Voir rapport en ANNEXE II. FLOTTAU Renate (Der Spiegel), « Das Haus am Ende der Welt », 22 septembre 2008, http://www.spiegel.de/spiegel/print/d-60403594.html 93 CYRILLE Louis (Le Figaro), « Un trafic d’organes mis au jour au Kosovo », 13 janvier 2011 : http://www.lefigaro.fr/international/2011/01/12/01003-20110112ARTFIG00670-un-trafic-d-organes-mis-au-jour-aukosovo.php 94 Ibid. 95 Dépêche de « La Voix de la Russie », « Kosovo/trafic d’organes : EULEX demande l’aide de Moscou », 7 février 2012 : http://french.ruvr.ru/2012/02/07/65562563/ 96 CYRILLE Louis (Le Figaro), « Un trafic d’organes mis au jour au Kosovo », 13 janvier 2011 : http://www.lefigaro.fr/international/2011/01/12/01003-20110112ARTFIG00670-un-trafic-d-organes-mis-au-jour-aukosovo.php 92

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En avril 2013, un tribunal de l’EULEX au Kosovo, jugera coupable cinq médecins albanais du Kosovo, dont l’ancien directeur de la clinique Medicus, Lutfi Dervishi, ainsi que son fils Arban97. Un mois plus tard, ce sont des ministres proches d’Hashim Thaçi qui sont la cible d’une enquête européenne. « Alush Gashi, ancien ministre de la Santé et Shaip Muja, conseiller du Premier ministre pour la santé, sont soupçonnés d’avoir usé de leur influence pour couvrir les transplantations d’organes illégales. La justice a retenu les motifs suivants : crime organisé, trafic d’organes, coups et blessures, abus de fonction, fraude et trafic d’influence98 ». Enfin en 2014, tout s’accélère. Clint Williamson, procureur spécial de l’Union européenne, est mandaté depuis 2011 pour « contrôler» la véracité des propos de Dick Marty dans son rapport. C’est lui qui a dirigé la SITF (Special Investigative Task Force99) durant ces trois années sur le terrain. Et c’est à Bruxelles, le 29 juillet 2014, qu’il annonce les résultats de l’enquête 100. Selon lui, « certains haut responsables de l’ancienne guérilla de l’UCK sont directement responsables d’une campagne de persécution menée sur les minorités serbes et roms principalement, mais aussi envers des Albanais du Kosovo identifiés comme opposants politique ». Il poursuit en disant que « ces persécutions ont abouti dans les faits à un nettoyage ethnique d’une grande partie de la population serbe et rom du Kosovo, et que ces crimes n’étaient pas des actes d’individus sans scrupules agissant de leur propre chef. Ils ont été directement menés et organisés par le commandement de l’UCK. » Il ajoute que la nature « généralisée ou systématique de ces crimes justifie une poursuite pour crimes contre l’humanité ». Quant aux accusations de Dick Marty sur le trafic d’organes, il déclare qu’il « existe des indications convaincantes que ces pratiques ont existés à une échelle très restreinte et qu’un nombre réduit de personnes ont été tués pour ce trafic d’organes ». Il déclare enfin que les « conclusions de la SITF étaient largement conformes à celles du rapport Marty, mais que l’enquête n’avait pas encore obtenu suffisamment de preuves

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Depêche du Nouvel Obs, « Kosovo : 5 médecins condamnés pour trafic d’organes », 29 avril 2013 : http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20130429.AFP1356/kosovo-5-medecins-condamnes-pour-trafic-dorganes.html 98 Dépêche d’EuroNews, « Kosovo : des anciens ministres soupçonnés de trafic d’organes », 7 mai 2013 : http://fr.euronews.com/2013/05/07/des-anciens-ministres-soupconnes-de-trafic-dorganes/ 99 Voir sur le site de la SITF : www.sitf.eu 100 Voir le rapport complet en ANNEXE IV. 38


pour poursuivre les crimes en justice ». Il conclue en disant que « cet aspect de l’enquête est toujours en cours, et que la SITF continuera vigoureusement ses actions 101». Le cas de la « Maison Jaune » n’est pas traité dans ce mémoire, car il est sujet à bon nombre de rumeurs et de preuves non irréfutables. Cependant, il apparaît clair que le trafic d’organes entre le Kosovo et l’Albanie a existé. Vu la contemporanéité du sujet, la situation évolue rapidement et devrait changer dans les mois à venir. En tout état de cause, le trafic d’organes est une des activités des bandes du crime organisé dans les Balkans, mais qui reste une des plus risquées.

E. Conséquences sur l’économie et la vie politique de la

région L’existence de liens établis entre l’économie, la vie politique et le crime organisé dans les Balkans occidentaux est un défi primordial à relever : il en va du développement économique de la région, mais aussi de l’assise démocratique. C’est durant les années 90 que ces liens se sont intensifiés, jusqu’à rendre quasiment invisible la délimitation entre entreprise légale et illégale. En fait, beaucoup d’entre elles sont une combinaison des deux : un subtile mélange d’entrepreneur mafieux, qui dissimile ses activités illégales par une couverture d’autres activités tout à fait légales. Dans certains secteurs de l’économie, des entreprises sont devenues même dépendantes des activités illégales (notamment dans la construction). De même, craignant de nuire à l’économie, les procureurs hésitent à poursuivre les criminels. Dans d’autres cas, les fonctionnaires sont corrompus et les activités sont sous couverture. Sous différentes formes et à des degrés divers, la corruption a une influence négative sur les sociétés balkaniques. Comme le montre un rapport de l’UNODC datant de 2011 sur la corruption dans les Balkans102, elle est une réalité, omniprésente, et a un impact significatif sur l’interaction des citoyens avec les pouvoir publics. En plus de leur impact négatif sur le peuple, certains types de corruption peuvent avoir des conséquences graves pour le secteur des affaires en général. Elle peut devenir un obstacle à l’investissement privé et étranger, au commerce et au développement économique. Les groupes criminels organisés peuvent pratiquer l’extorsion de fonds, la fraude, 101

Voir la vidéo en ligne : http://www.sitf.eu/index.php/en/news-other/42-statement-by-the-chief-prosecutor-clintwilliamson 102 ONUDC, « Corruption in the Western Balkans: Bribery as Experienced by the Population », Vienne, 2011. 39


les détournements de fonds, le vandalisme ou encore les agressions sur des concurrents. Chacun de ces actes peuvent potentiellement endommager le monde des affaires. Le climat économique dans les Balkans occidentaux est souvent perçu de la même manière par les investisseurs étrangers comme nationaux : infecté par la corruption et la criminalité. Comme le souligne un rapport de 2013 de la Commission européenne, « la lutte contre la criminalité organisée et la corruption est essentielle pour faire obstacle à l'infiltration des systèmes politiques, juridiques et économiques par les réseaux criminels. Dans la plupart des pays visés par l'élargissement, des réformes judiciaires inclusives, transparentes et ambitieuses sont nécessaires pour garantir l'existence de systèmes judiciaires indépendants, impartiaux, efficaces et responsables. Une attention particulière doit être portée à la nomination et à l'évaluation des juges, ainsi qu'aux procédures disciplinaires qui leur sont applicables. Il y a également lieu de mettre en place des cadres plus efficaces de lutte contre la corruption et la criminalité organisée, qui demeurent des préoccupations majeures dans de nombreux pays visés par l'élargissement. Des efforts sont nécessaires pour enregistrer dans la durée des résultats concrets dans ce domaine grâce à des enquêtes, des poursuites et des décisions de justice objectives et efficaces dans les affaires de corruption de tous niveaux, y compris des niveaux élevés103 ». Dans la plupart des pays balkaniques, le pouvoir judiciaire n’est que subordonné par l’exécutif, ce qui entraîne inéluctablement des abus d’influence. A la différence d’une justice infaillible, « les juges ont au cours des années développés la capacité de détecter les souhaits du pouvoir et des dirigeants, et de statuer de manière à éviter les conflits104 ». Les tribunaux ne sont alors qu’un levier de plus dans le processus de corruption, et ne semblent que se fier aux volontés du crime organisé. Cela est le cas dans de nombreux tribunaux balkaniques où les décisions sont bien souvent favorables aux criminels, et où le travail des procureurs est freiné par des intimidations diverses105. Un exemple récent en Bosnie-Herzégovine : Zijad Turković, un des plus grands chefs mafieux de Bosnie-Herzégovine a été inculpé en juillet dernier et condamné à 40 ans de prison, ainsi que plusieurs de ses complices. La Chambre de la Cour d’appel de Bosnie-Herzégovine a révoqué le verdict de première instance moins d’un mois plus tard, le 2 août. Le motif officiel : il 103

Rapport de la Commision , « Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil », 16 octobre 2013, Bruxelles, p.8. 104 ONUDC, « Crime and its Impact on the Balkans », Vienne, mars 2008, p.34. 105 RTVBN (Télévision de Banja Luka), « Tužilaštvo BiH: Pritisci na tužioce », 13 août 2014 : http://www.rtvbn.com/314689/Pritisci-na-Tuzilastvo-BiH 40


y a eu vice de forme, car la défense n’a pas eu le droit de faire entendre plus de trois témoins. Le procureur de la République de Bosnie-Herzégovine, Goran Salihović a qualifié la décision comme une « catastrophe pour le pouvoir judiciaire : suspendre ou révoquer des décisions judiciaires dans de tel cas est une catastrophe, comme pour les criminels de guerre ou pour des décisions relatives à la corruption106 ». De nombreux pays de la région ont également un procédé de nomination des juges qui est entachée par le népotisme. Une personne devient « juge » en fonction de ses connexions et/ou relations personnelles. Il existe aussi de nombreux cas où des juges acceptent des enveloppes en échange d’une réduction de peine et/ou de décision favorable. Il n’est donc pas surprenant que plus de la moitié des citoyens balkaniques ne font plus confiance au système judiciaire et politique, car il est selon eux, corrompu et lié au crime organisé107. Le système judiciaire n’est cependant pas l’institution la moins fiable dans les Balkans occidentaux. Cet « honneur » revient – et de loin – aux partis politiques. « La confiance dans la politique est faible et continue de baisser108 » en Europe du Sud-Est. Une écrasante majorité des citoyens balkaniques croient que les partis politiques sont « les institutions les plus susceptibles d’être touchés par la corruption 109». Ce manque de confiance dans le système politique constitue une menace pour la démocratie dans la région.

106

AL JAZEERA BALKANS, « Ukinuta presuda Zijadu Turkoviću i ostalima », 2 août 2014 : http://balkans.aljazeera.net/vijesti/ukinuta-presuda-zijadu-turkovicu-i-ostalima 107 Etude GALLUP Balkan Monitor, 2010, p.35. 108 TRANSPARENCY INTERNATIONAL, « Money and Politics in the Balkans », 23 mars 2011 : http://www.transparency.org/news/feature/money_and_politics_in_the_balkans 109 NINUA Tinatin (Transparency International), « Shining a Light on Political Party Financing: Albania, Croatia, Kosovo,FYR Macedonia and Serbia », novembre 2011. 41


3. Une amélioration sensible de la situation : un déclin formel ? Bien qu’il soit incontestable que les Balkans occidentaux restent un lieu de transit important pour le trafic d’héroïne, l’ONUDC a publié récemment plusieurs rapports susceptibles d’indiquer que le crime organisé dans les Balkans occidentaux n’est pas aussi tout-puissant qu’il l’était, il y’a encore 15 ans, et que la situation s’améliore. Un rapport de 2008 estime qu’au niveau de la criminalité « la situation en Europe du Sud-Est s’améliore […], et que la région se ‘normalise’ au fur et à mesure qu’elle réussit sa transition vers un système démocratique après des années de conflits. » De plus, toujours selon le rapport, « les Balkans occidentaux ne représentent pas un environnement favorable pour le crime […], la région est relativement bien développé, ce qui réduit considérablement les tensions sociales qui peuvent alimenter la criminalité110 ». Le rapport poursuit en déclarant que « le plus remarquable, c’est qu’il semble y avoir eu une amélioration sur l’ensemble du crime organisé qui a émergé durant les années de conflits et de transitions111 ». L’ONUDC fonde ses observations sur plusieurs facteurs. Tout d’abord, le nombre de citoyens balkaniques emprisonnés dans des prisons d’Europe occidentale a régulièrement diminué au cours de la dernière décennie. Deuxièmement, il y a une diminution significative de la contrebande de cigarettes (qui était une source de revenus vitale pour les bandes criminelles) après que plusieurs entreprises internationales aient légalement embauchés plusieurs producteurs locaux. Marin Mrcela, vice-président du GRECO (Groupe d’Etats contre la Corruption)112, affirmait en 2010 que « les indices du crime organisé dans les Balkans occidentaux sont beaucoup plus faibles que beaucoup affirment. Je suis en désaccord avec tous ceux qui pense que la situation est très mauvaise113 ». D’autres, comme Moises Naim, sont en désaccord avec les rapports de l’ONU.

110

ONUDC, « Crime and its Impact on the Balkans », Vienne, mars 2008, p.8. ONUDC, « Crime and its Impact on the Balkans », Vienne, mars 2008, p.16-19. 112 Voir leur site internet : http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/default_FR.asp? 113 LES AMIS DE L’EUROPE, « Coutner measures in the Balkans », Ministère de la Justice (Serbie), Automne 2010, p.29. 111

42


Pour lui, le crime organisé ne perd pas du terrain, mais s’adapte et se mue face aux politiques de répression114. Le but du mémoire n’est pas de débattre sur le pouvoir du crime organisé dans les Balkans (même si celui-ci s’exporte très bien en dehors des frontières, comme le démontre les activités récentes des Pink Panthers 115 ). Pour savoir s’il y a une décroissance du crime organisée, les statistiques de l’UNODC ne peuvent pas prendre en compte les affaires de corruption directement liées aux gouvernements balkaniques, qui relèvent, parfois, du crime organisé. Néanmoins, il est évident que dans les Balkans occidentaux, existe une relation privilégiée entre le crime organisé et le monde des affaires depuis des siècles (on l’a vu depuis l’Empire ottoman) : elle est non seulement tolérée mais parfois considérée comme la norme. L’Histoire montre que dans la région, il existe une symbiose temporaire entre les autorités et le crime organisé lors de changement brutaux : période d’instabilité liée au Tanzimat, chute du communisme, création de nouveaux Etats, périodes de sanctions économiques et d’embargo. Lors de ces périodes spécifiques, les intérêts dits « nationaux » sont remplacés par des intérêts « privés », ce qui transforme profondément une société. Il serait également erroné de penser que les personnes entrant dans le crime organisé ne sont que des délinquants : dans de nombreux pays, particulièrement dans les Balkans occidentaux, être impliquer dans un trafic quel qu’il soit est une « banalité ». Le fait d’être en dehors de ce système de trafic serait considéré comme anormal.

Il faut toutefois nuancer : tous les citoyens

balkaniques ne sont pas impliquer dans une organisation criminelle, mais celles-ci font partie du quotidien pour beaucoup d’entre eux. Tout comme la corruption à grande échelle.

114

RAMOS VERA Mario (Relaciones Internacionales n°13) & NAIM Moisés, « Estados fallidos : el cuestionamiento de la soberanía y la criminalización de los intereses nacionales », 13 février 2010. 115 La plus récente mise à jour des données liées au gang sur le site d’INTERPOL : http://www.interpol.int/Crimeareas/Organized-crime/Project-Pink-Panthers 43


II. La corruption dans les Balkans occidentaux Le phénomène de corruption n’est pas un problème récent. C’est un fléau constant de la société humaine qui existe depuis que les premiers individus ont pris des positions d’autorité sur leurs pairs. La corruption et les corrompus marquent toutes les cultures et toutes les civilisations de l’Histoire. La tendance actuelle de certains Etats ou organisations est de combattre pour réduire considérablement la portée de ce phénomène, ce qui reflète un changement important de mentalité par rapport au passé. Pourtant, même si certains pays ont fait des progrès considérables pour l’éradiquer, la corruption est toujours présente. « La corruption est un crime grave qui sape le développement économique et social dans toutes les sociétés. Aucun pays, aucune région, aucune communauté n'est à l'abri116 ». Par conséquent, la corruption est une réalité auquel chaque gouvernement doit faire face. Malheureusement, certains gouvernements ont plus de soucis que d’autres. Les Balkans occidentaux sont une région où les gouvernements ont encore beaucoup de travail à faire pour diminuer une corruption très présente au quotidien dans la société. Chaque Etat est à un stade différent dans la lutte contre la corruption et ne peut être traité que séparément. Cependant, il existe plusieurs parallèles entre les pays de la région. Ce chapitre met l’accent sur les caractéristiques semblables tout d’abord, puis sur les spécificités de chacun.

1. Les différents types de corruption A l’instar du crime organisé, la corruption est difficile à définir et à mesurer. L’ONUDC estime que « la corruption est un phénomène social, politique et économique complexe, qui touche tous les pays. Elle sape les institutions démocratiques, ralentit le développement économique et contribue à l'instabilité gouvernementale. La corruption s'attaque aux fondements des institutions démocratiques en faussant les élections, en corrompant l'État de droit et en créant des appareils bureaucratiques dont l'unique fonction réside dans la sollicitation de pots-de-vin. Elle ralentit considérablement le développement économique en décourageant les investissements directs à l'étranger et en plaçant les petites entreprises dans l'impossibilité de surmonter les coûts 116

Campagne de l’ONU contre la corruption à l’occasion de la Journée international contre la Corruption (9 décembre) : www.actagainstcorruption.org 44


initiaux liés à la corruption 117». Transparency International (TI) la définit concisément comme « un abus de pouvoir reçu en délégation à des fins privées118 ». On peut considérer qu’il existe deux types de corruption : la haute et la basse. La « haute » se réfère, non pas à la somme d’argent impliqué, mais au statut des impliqués. Le terme peut être remplacé par « politique », puisque ce type de corruption implique généralement des partis politiques, par leurs campagnes ou directement leurs dirigeants. Ceux-ci abusent de la confiance inhérente à leur fonction élective. La « haute » corruption est très importante puisqu’elle pervertit la manière dont les décisions sont prises en politique. La « basse » corruption est quant à elle, une corruption administrative ou bureaucratique : c’est la corruption du quotidien, où le fonctionnaire du bureau municipal perçoit un petit pécule comme revenu de complément. De par sa nature, la « basse » corruption implique donc des sommes nettement moins élevées que la « haute » corruption : toutefois, elle est mêmement importante car elle touche les classes moyennes et populaires. La « basse » corruption est nuisible à la société dans le sens où elle oblige ceux qui ont le moins de moyens à payer des pots-de-vin pour des services de base, comme la santé, l’éducation ou la sécurité. La corruption peut être systémique ou occasionnelle. Selon Enery Quiñones, Chef de l’Unité anticorruption pour l’OCDE, elle est systémique « lorsque qu’elle atteint les institutions politiques et économiques d’un pays. Ce n’est plus un petit groupe d’individus malhonnêtes qui est en cause, mais une corruption institutionnelle ou systémique. Ce phénomène se développe particulièrement lorsque les institutions sont en position de faiblesse ou inexistantes. Il est étroitement lié à une mauvaise gestion des affaires publiques. La corruption systémique est particulièrement répandue en l’absence de moyens de contrôle législatifs adéquats, d’instances judiciaires ou d’instances de contrôle autonomes, de moyens d’information professionnels et de représentants de la société civile indépendants. Face à cette forme de corruption, des réformes visant à assurer plus de transparence et de responsabilité dans les institutions publiques et les activités des administrations doivent être mises en œuvre sans retard 119».

117

ONUDC, Convention des Nations Unies contre la corruption : www.unodc.org/unodc/fr/corruption/index.html Voir sur leur site : http://www.transparency.org/whoweare/organisation/faqs_on_corruption/2/#defineCorruption 119 QUIÑONES Enery, « L’observateur de l’OCDE : qu’est-ce que la corruption ? » : http://www.observateurocde.org/news/archivestory.php/aid/142/Qu_est-ce_que_la_corruption_.html 118

45


La corruption occasionnelle n’est pas autant nuisible à la société. Les personnes corrompues tirent simplement profit d’une opportunité pour améliorer leur situation par des moyens illégaux. La corruption peut prendre plusieurs formes. La Convention des Nations Unies contre la corruption (CNUCC) définit les formes les plus fréquentes de corruption comme suit120 : -

Les pots-de-vin : ils existent quand une personne exerçant un pouvoir accepte ou sollicite un pot-de-vin pour remplir sa fonction dans un sens donné.

-

La commission (ou dessous-de-table) : comparable au pot-de-vin mais le terme est fait généralement référence au paiement reçu en contrepartie de l’obtention d’un contrat, paiement qui est rétrocédé à un intermédiaire qui a assuré la transaction.

-

La corruption d’agents publics étrangers : elle est réalisée par des acteurs du secteur privé, ce qui est aussi un délit dans certains pays. Même si la corruption n’a pas eu lieu dans le pays où est domiciliée l’entreprise, le versement d’un pot-de-vin peut être sanctionné par les autorités de ce pays. Certains pays ne proscrivent pourtant pas ce type de comportement.

-

Le trafic d’influence : il prend forme quand une personne promet d’influencer indûment la décision d’un fonctionnaire ou d’un entrepreneur privé en retour d’un avantage illégitime. Ce sont généralement les détenteurs des plus hautes autorités ou les personnes exerçant un pouvoir politique ou usant de ses relations qui sont à l’origine du trafic d’influence. L’influence de ces personnes se réfère à leurs relations avec les détenteurs du pouvoir qui est monnayée en argent ou par un avantage indu. Ceci ne constitue pas une infraction pénale dans tous les pays bien que les conventions internationales et notamment la CNUCC le recommande.

-

L’enrichissement illicite : fait référence à une situation dans laquelle les fonctionnaires ne peuvent expliquer leur fortune personnelle par les revenus qu’ils perçoivent en toute légalité. Cette fortune non expliquée peut provenir d’un pot-de-vin ou d’une forme de vol tel le détournement de fonds, la déprédation, la dissimulation de biens immobiliers, le blanchiment d’argent, la falsification de comptabilité ou le faux en écriture comptable. Tous ces actes de corruption peuvent aussi exister dans le secteur privé.

120

Liste issue du « U4 Anti-Corruption Resource Centre ». Voir ici : http://www.u4.no/articles-fr-FR/lesinformations-de-base-sur-l-anti-corruption/#3 46


2. Les pots-de-vin dans les Balkans La pratique des pots-de-vin est très répandue

dans

les

Balkans

occidentaux, en dépit du fait que tous les pays de la région aient signés la Convention des Nations Unies contre la corruption de 2003. Cette convention ordonnait que la pratique

de

la

corruption,

et

notamment des pots-de-vin devienne une infraction relevant du pénal. Néanmoins, le phénomène est resté courant dans la région. L’administration publique tient un rôle

majeur

dans

la

société

contemporaine balkanique : c’est d’elle que dépend les services publics, allant des consultations médicales aux

Source: ONUDC, Corruption in the Western Balkans: Bribery as Experienced by the Population, Vienne, 2011

allocations, des documents officiels jusqu’à la scolarisation des enfants. Pour preuve, selon une enquête de l’UNODC, plus de 82% des citoyens des Balkans occidentaux ont eu au moins un contact avec un fonctionnaire de l’administration publique durant les 12 derniers mois 121 . La tentation du pot-de-vin est donc beaucoup plus étendue qu’en Europe occidentale : elle est du moins favorisée par le contact direct avec un interlocuteur. La conclusion importante de cette étude est qu’une personne sur six (voir graphique ci-dessus), âgée de 18 à 64 ans a eu une expérience directe ou indirecte de corruption avec un fonctionnaire public au cours des 12 derniers mois précédents l’enquête. En nombre, cela représente près de 2 millions et demi de personnes, soit près de 17% de la population adulte. Ce pourcentage est répartit sur trois cas : -

un pourcentage de personnes ayant versé une somme, offert un cadeau ou rendu un service à un fonctionnaire (10,3%)

121

ONUDC, « Corruption in the Western Balkans: Bribery as Experienced by the Population », Vienne, 2011, p.15. 47


-

un pourcentage de personnes ayant déclaré qu’un membre de leur famille/foyer a payé un pot-de-vin (3,9%)

-

un pourcentage de personnes ayant refusé toute proposition (2 ,6%)

Ce graphique montre donc que le pot-de-vin est un fait réel dans la vie de nombreux citoyens balkanique. Toutefois, il est encourageant de voir qu’une partie des citoyens peuvent dire « non » à cette pratique. Lorsque l’on regarde plus précisément pays par pays, on distingue des disparités assez nettes : c’est en Albanie et en Bosnie où la pratique du pot-de-vin est la plus répandue. En Albanie, c’est près de 2 personnes sur 10 qui ont eu un contact direct ou indirect avec le phénomène (19,3%). Et en Bosnie-Herzégovine, c’est plus de 20,7% des citoyens adultes qui ont été confrontés à cette forme de corruption (voir graphique ci-dessous).

Source: ONUDC, Corruption in the Western Balkans: Bribery as Experienced by the Population, Vienne, 2011

48


On peut remarquer un fait intéressant au Kosovo plus particulièrement : la pratique ne serait que peu répandue par rapport à d’autres pays de la région, mais le nombre de pots-de-vin payés est deux fois plus élevé. On peut alors en déduire que le procédé relève donc plus de la tradition que d’une action illégale, comme décrit précédemment.

Montant moyen d'un pot-de-vin dans les Balkans (en parité de pouvoir d'achat PPA et en euros) Albanie

B-H

Croatie

Kosovo

Monténégro

Serbie

ARYM

1212

480

410 222 103

470 349

280

174 43

Pot-de-vin moyen (en € et PPP*)

112

179

233

165

Pot-de-vin moyen (en €)

Pot-de-vin moyen en pourcentage du salaire mensuel nominal moyen Albanie

B-H

Croatie

Kosovo

Monténégro

Serbie

ARYM 144%

50% 28%

35%

27%

14% 0

Source: ONUDC, Corruption in the Western Balkans: Bribery as Experienced by the Population, Vienne, 2011 49


En ce qui concerne les montants des pots-de-vin versés, on se rend compte qu’il existe encore une fois de grandes disparités régionales. Le montant le plus élevé est versé en ARY de Macédoine avec plus de 1 212€ PPA : fait marquant, puisque le pays à un taux de prévalence de la pratique le plus bas de la région. A l’opposé, en Albanie ou en Bosnie-Herzégovine, où les taux de prévalence de la pratique sont les plus hauts, le montant versé est parmi les plus bas (respectivement 103€ PPA et 222€ PPA). Pour le Kosovo, il n’existe pour le moment, aucune donnée sur le sujet. Bien que les différences de montants versés puissent, dans une large mesure, s’expliquer par le coût de la vie qui varie selon les pays, certaines conclusions intéressantes peuvent s’en dégager. Tout d’abord, la culture de la corruption est ici remarquablement exposer, notamment au Kosovo où les versements de pots-de-vin sont très fréquents (plus de dix durant les 12 derniers mois de l’enquête), mais peu signalés. Aussi, en ARY de Macédoine, le montant versé pour le pot-de-vin est énorme par rapport au pouvoir d’achat, dans un pays où la prévalence est la plus basse dans la région. On peut en déduire que le pot-de-vin est alors ici versé pour une occasion exceptionnelle mais primordiale, et où l’honneur du foyer entre en considération. Il existe une autre caractéristique intéressante à noter, qui est commune à la région. Bien que des pots-de-vin puissent être versés dans des formes diverses tels que des services rendus ou des cadeaux, le plus souvent ils sont payés en liquide. Les femmes des Balkans occidentaux font office d’exception à la règle : elles sont plus susceptibles de payer un pot-de-vin sous forme de nourriture ou de boisson que de payer en liquide122. Dans certaines situations, les citoyens n’ont pas d’autres choix que d’offrir de l’argent pour un service public rendu. Les administrations locales sont extrêmement bureaucratiques et la population est généralement à la merci de celles-ci. Les fonctionnaires peuvent donc indiquer implicitement ou explicitement que le versement d’un pot-de-vin est la seule façon pour eux d’effectuer leur tâche (ou du moins de l’effectuer dans un délai raisonnable). En Albanie par exemple, près de 52% de la population sondée affirme, durant l’année précédant l’enquête, avoir payé un pot-de-vin dans l’unique but de résoudre un problème 123 . Dans les autres pays, la proportion est moins importante : seulement 20% ont subi des pressions au Kosovo, 18% en 122 123

ONUDC, « Corruption in the Western Balkans: Bribery as Experienced by the Population », Vienne, 2011, p.21. Etude GALLUP Balkan Monitor, 2010, p.10. 50


Serbie, 15% en Bosnie-Herzégovine et 8% en Croatie. Il ne faut pas penser malgré tout, que les balkaniques occidentaux soient toujours obligés de payer des pots-de-vin pour qu’un service public leur soit rendu.

En effet, dans de nombreux cas, ce sont les citoyens eux-mêmes qui sont à l’initiative du pot-de-vin :

Source : ONUDC, Business, Corruption And Crime In The Western Balkans: The Impact Of Bribery And Other Crime On Private Enterprise, Vienne, 2013, p.28.

cela leur garantirait un traitement préférentiel. Beaucoup de balkaniques expriment leur manque de confiance sur la capacité de leur administration publique à fonctionner sans le paiement d’un bakchich 124. Il est intéressant de noter que les bénéficiaires les plus fréquents sont les médecins 125 (57%). Viennent ensuite les forces de l’ordre avec 35% des pots-de-vin versés à un fonctionnaire126. Néanmoins, le versement du pot-de-vin comme garantie d’un résultat positif rapide est en forte baisse, sauf en Albanie où les chiffres sont largement supérieur à la moyenne ouest-balkanique (voir graphique ci-dessous). 124

ONUDC, « Corruption in the Western Balkans: Bribery as Experienced by the Population », Vienne, 2011, p.1024. 125 Généralement, les médecins généralistes dans les Balkans occidentaux sont fonctionnaires, contrairement en France majoritairement sous le régime libéral. 126 ONUDC, « Corruption in the Western Balkans: Bribery as Experienced by the Population », Vienne, 2011, p.25. 51


Source : Etude GALLUP Balkan Monitor, 2010, p.36.

Les évolutions les plus positives se trouvent : -

au Kosovo, où la proportion de réponse positive a baissé de 11% (9% en 2010).

-

en ARY de Macédoine avec une baisse de 7% (13% en 2010).

-

Au Monténégro et en Serbie, avec une baisse de 6% (13% et 12% respectivement en 2010).

La situation s’améliore lentement en Albanie (baisse de 2%). La donnée la plus intéressante ici est la différence entre les deux entités bosniennes : la Republika Srpska et la Fédération. Dans la première, la pratique du pot-devin est de plus en plus fréquente (cas unique dans la région) avec une augmentation de 6% en un an.

A

l’inverse,

dans

la

Fédération, elle a chuté de 5%. On pourrait en déduire que

l’instabilité

politique

actuelle

en

Bosnie-

Source : ONUDC, Corruption in the Western Balkans: Bribery as Experienced by the Population, Vienne, 2011, p.25.

Herzégovine affecte plus l’administration et les citoyens de Republika Srpska que de la Fédération. 52


Bien que la corruption soit un phénomène généralisée dans les Balkans occidentaux, elle est évidemment « sous-déclaré », mais aussi « sous-poursuite » par la justice. Dans toute la région, moins de 2% des rapports de décisions judiciaire sont des affaires de corruption : un faible taux qui s’explique évidemment par le fait qu’un grand nombre de juges sont eux-mêmes impliqués dans des affaires du même acabit. Comme mentionné ci-dessus, la police est la deuxième bénéficiaire des pots-de-vin chez les fonctionnaires, les juges et procureurs étant à 6%127. Par conséquent, certains citoyens peuvent avoir peur de représailles s’ils signalent un incident quelconque à un agent qui serait lui-même corrompu. En outre, la plupart pense que leur plainte ne serait pas prise au sérieux128. Malheureusement, cette réticence à signaler des actes répréhensibles de corruption ne s’applique pas qu’à ce domaine : les balkaniques ont tendance à moins signaler des crimes ou des délits que les Européens occidentaux. Finalement, les citoyens de la région sont plus réticents à l’idée de déclarer un cas de corruption aux autorités pour une raison simple, qui reflète la mentalité et l’état d’esprit de la société balkanique : la plupart considère ce délit comme « moins grave » que les autres « vrais » crimes. Il semble donc que le pot-de-vin soit une pratique largement acceptée et commune dans les Balkans.

127 128

ONUDC, « Corruption in the Western Balkans: Bribery as Experienced by the Population », Vienne, 2011, p.25. Ibid, p.8. 53


Source : Etude GALLUP Balkan Monitor, 2010, p.35.

Selon le graphique ci-dessus129, au moins la moitié des citoyens ouest-balkanique estime que la corruption est largement répandue au sein de leurs gouvernements, bien que les avis soient hétérogènes. Tandis qu’au Kosovo plus de 9 personnes sur 10 (91%) pensent que leur gouvernement est corrompu, la moitié des sondés était de leur avis au Monténégro (50%). Le changement le plus spectaculaire a eu lieu au Kosovo, où la part de ceux qui croient que leur gouvernement était corrompu a augmenté de 8% en un an. En Serbie de voir qu’en Serbie et dans l’entité de la Republika Srpska en Bosnie-Herzégovine, les taux de perceptions baissent respectivement de 8% et de 3%. En Fédération de Bosnie-Herzégovine, le taux a également baissé de 3%, mais reste malgré tout anormalement haut, avec plus de 93% (contre 96% en 2009). Enfin, au Monténégro, l’avis des sondés est réparti équitablement : on peut supposer que l’omerta, l’honneur et la vendetta plus répandue dans la société monténégrine traditionnelle, y soit pour quelque chose (à rapprocher avec le Kanun130 albanais).

129 130

Etude GALLUP Balkan Monitor, 2010, p.35. Voir note en bas de page 19. 54


3. Des effets négatifs sur la société balkanique Malgré des lacunes évidentes, on peut considérer que les Balkans occidentaux ont réellement progressé sur le plan de la stabilité politique. Avec le Processus de stabilisation et d’association de l’UE (PSA131), la région peut dorénavant vivre sans la crainte imminente d’un conflit armé. Néanmoins les défis restent importants : l’ubiquité de la corruption dans les Balkans occidentaux pose évidemment de nombreux problèmes, avec un lot de conséquences indirects. Tout d’abord, elle façonne une opinion négative des gouvernements du sud-est européen. On l’a vu précédemment, une majorité des citoyens de la région sont méfiants et insatisfaits de leurs institutions nationales : cela entraîne inévitablement des perspectives de vie négatives, et un manque de confiance envers les dirigeants. Un tableau très contrasté des Balkans occidentaux apparait dès lors : en Albanie, au Kosovo et au Monténégro, une majorité relative des citoyens approuvent leurs dirigeants respectifs (48%). En ARY de Macédoine et en Croatie, la tendance est à la désapprobation de la politique nationale (9% et -6% respectivement). Enfin, en Serbie, la désapprobation est la plus forte : plus de 68% des sondés sont défavorables à la politique du gouvernement (à l’époque de l’étude, c’est-à-dire en 2010132). A l’opposé, c’est en Albanie où les citoyens semblent le plus en phase avec la politique menée.

131

Le processus de stabilisation et d'association (PSA) concerne la politique de l'UE à l'égard des Balkans occidentaux, en vue de leur éventuelle adhésion. Ces pays sont engagés dans un partenariat progressif destiné à stabiliser la région et à instaurer une zone de libre-échange. Le PSA définit des objectifs politiques et économiques communs, mais les progrès sont évalués selon les mérites propres à chaque pays. Il a été lancé en juin 1999 et renforcé lors du sommet de Thessalonique en juin 2003, en reprenant des éléments du processus d'adhésion. Le PSA se fonde sur: les relations contractuelles (accords de stabilisation et d'association bilatéraux); les relations commerciales (mesures commerciales autonomes); l'aide financière (instrument d'aide de préadhésion, IAP); la coopération régionale* et les relations de bon voisinage. Voir sur le site de la Commission Européenne : http://ec.europa.eu/enlargement/policy/glossary/terms/sap_fr.htm 132 Etude GALLUP Balkan Monitor, 2010, p.27. 55


Source : Etude GALLUP Balkan Monitor, 2010, p.27.

La corruption serait également un frein à la destinée européenne des pays de la région. Selon la Commission Européenne, ainsi qu’un rapport de LuciaVesnic-Alujevic du CES (Centre for European Studies), « le crime organisé et la corruption sont les principaux obstacles rencontrés par les pays des Balkans occidentaux dans leur processus d’adhésion à l’UE133 ». La corruption entrave aussi le développement social, économique et politique de la région. En outre, il décourage les investisseurs étrangers et éloigne des financements potentiels qui ne sont pas disposés à opérer dans les conditions actuelles. Limiter le développement économique, c’est empêcher les citoyens d’augmenter leur niveau de vie.

133

VESNIC-ALUJEVIC Lucia (CES), « European Integration of Western Balkans : From Reconciliation To European Future », Bruxelles, 2012, p.35. 56


4. Des conséquences négatives sur l’économie balkanique La corruption est un grand obstacle à l’entreprenariat et a un effet négatif sur l’investissement dans la région. Un pourcentage important d’entreprises paient des pots-de-vin à des représentants publics à plusieurs reprises au cours de l’année. Ce sont les secteurs du bâtiment et de la construction qui sont les plus touchés, suivis par les entreprises dans le commerce au gros, et au détail. La majorité des pots-de-vin sont versés à des agents municipaux au niveau local ; au niveau national, ce sont aux douaniers et aux inspecteurs des finances publiques. Elle peut être aussi

un

facteur

important

dans

l’évasion fiscal. Ces faits sont donc pris en compte

par

entrepreneurs région,

les de

la

et

ils

considèrent

la

corruption comme le troisième plus grand obstacle aux affaires, après

une

forte

imposition et des lois fiscales complexes. Pour qu’il y ait acte de corruption, il

Source : ONUDC, Business, Corruption And Crime In The Western Balkans: The Impact Of Bribery And Other Crime On Private Enterprise, Vienne, 2013, p.16.

faut qu’il y ait un contact entre un représentant d’entreprise et un représentant public. Et sur ce point, les Balkans occidentaux sont les champions du monde : plus de 7 personnes sur 10 (71,3%) des entreprises de la région ont eu au moins un contact direct avec un représentant public ou un fonctionnaire de l’administration au cours de l’année134.

134

ONUDC, « Business, Corruption And Crime In The Western Balkans: The Impact Of Bribery And Other Crime On Private Enterprise », Vienne, 2013, p.15. 57


Selon les secteurs d’activité, la fréquence et la prévalence varient (voir-graphique ci-dessus). Parmi les cinq secteurs, le bâtiment et la construction ont le taux le plus élevé (12%) suivi par le commerce de gros / détail, et du transport (10%). Cette corruption des entreprises à un effet direct sur l’économie régionale, puisque les entreprises locales ou internationales ne veulent plus investir dans un tel environnement : un désastre pour le développement économique. Dans l’ensemble de la région, il y a eu près de 6% d’investissements majeurs annulés dans l’année précédant l’enquête de l’UNODC : la crainte étant d’avoir à payer des pots-de-vin pour obtenir des services, ou des permis requis pour la construction par exemple. L’impact sur le climat des affaires est très inégal selon le pays : les deux plus grandes économies de la région sont les plus touchés, avec 5,6% d’investissements annulés pour la Croatie, et 9,2% pour la Serbie (voir graphique ci-dessous). La Bosnie-Herzégovine a vu 5,5% de ces investissements corruption,

annulés

l’ARY

de

pour

cause

Macédoine

de Source : ONUDC, Business, Corruption And Crime In

5,3%.

L’Albanie, le Kosovo et le Monténégro sont

The Western Balkans: The Impact Of Bribery And Other Crime On Private Enterprise, Vienne, 2013, p.50

aussi touchés par le phénomène (3,3% pour l’Albanie et le Kosovo, 2,1% pour le Monténégro).

5. La corruption aux frontières La corruption aux frontières est un fléau dans les Balkans occidentaux. Les douaniers sont régulièrement pris pour cible lors d’opérations anti-corruption, qui ne font que confirmer les témoignages des milliers de personnes victimes d’abus au cours de leur voyage. En 2010, un voyageur turc d’Europe occidentale a filmé en caméra caché son passage à la frontière en Croatie, puis plus tard en Bulgarie. A ces deux occasions, les douaniers lui ont demandé un

58


bakchich de 5€ pour passer sans encombre et sans contrôle135. Selon les autorités croates, la corruption aux frontières est de 8 millions de kuna par an (près d’un million d’euros 136). En Bosnie, l’opération « Pandora » a abouti à l’arrestation de 40 douaniers soupçonnés de corruption et de blanchiment d’argent. Les « dégâts » sont estimés à plus de 2 milliards de dollars. Parmi les personnes arrêtées, Kemal Čaušević (ancien directeur du Trésor Public bosnien) et Zdravko Cvjetinović (Directeur adjoint des Douanes) 137 . En Serbie, il existe un service d’inspection interne aux douanes (à l’instar de l’IGPN pour la police nationale française) : c’est d’ailleurs le seul dans les Balkans occidentaux. En 2012, plus de 40 procédures disciplinaires ont été engagées contre 43 douaniers : au total, ce sont 81 agents de douanes qui ont été démis de leur fonction138.

Nous avons remarqué qu’il existait des degrés différents de corruption

Source : ONUDC, Business, Corruption And Crime In The Western Balkans: The Impact Of Bribery And Other Crime On Private Enterprise, Vienne, 2013, p.33.

selon les pays de la région. Il faut donc essayer d’analyser en détail, pour chaque pays, la gravité de la situation. 135

Voir la vidéo ici : https://www.youtube.com/watch?v=KGp6au4_hN4 ŠKORIC Branko (Novi List), « Korupcija "teška" 8 milijuna kuna: Uhićeno 5 riječkih špeditera i 10 carinika zbog uzimanja mita za lažiranje dokumenata », 7 mai 2013 : http://www.novilist.hr/Vijesti/Crna-kronika/Korupcijateska-8-milijuna-kuna-Uhiceno-5-rijeckih-speditera-i-10-carinika-zbog-uzimanja-mita-za-laziranje-dokumenata 137 RADIO SARAJEVO, « Akcija 'Pandora': Ovo su uhapšeni carinici UIO-a BiH », 18 juin 2014 : http://www.radiosarajevo.ba/novost/155547/akcija-pandora-ovo-su-uhapseni-carinici-uio-a-bih-video 138 LOPUŠINA Marko (Vecernje Novosti), « Rampa za mito carinicima », 23 février 2012 : http://www.novosti.rs/vesti/naslovna/aktuelno.291.html:367646-Rampa-za-mito-carinicima 136

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6. La corruption par pays : les profiteurs de guerre. a. En Albanie L’Albanie est actuellement le pays le plus corrompu des Balkans occidentaux

139

selon

Transparency International (TI). Malgré une amélioration progressive au cours de la dernière décennie, le pays a systématiquement été classé comme un des plus corrompus d’Europe. Le pays abrite certains des plus puissants réseaux du crime organisé européen. Il n’est pas étonnant que des criminels soient infiltrés au monde politique albanais, ce qui entache des hommes politiques de haut niveau. Alors que certains hommes politiques albanais sont eux-mêmes impliqués dans des activités criminelles, d’autres les permettent et les protègent. Pour couronner le tout, le système judiciaire est soumis à une ingérence politique et est donc beaucoup trop clémente sur des accusations de corruption portées sur des politiciens de premier plan. Le crime organisé albanais est mondialement réputé. Si un réalisateur hollywoodien souhaite faire apparaitre dans un film des criminels venus des Balkans, il est certain d’entendre un figurant parler albanais ou serbe. Le plus connu d’entre eux est sans doute le film « Taken » de Liam Neeson, où des criminels albanais contrôlent un réseau de prostitution de jeunes mineurs. Un scénario légitime : selon Europol, les organisations criminelles albanaises sont parmi les plus importantes d’Europe, avec un réseau en expansion constante140. Comme évoqué plus haut, les groupes criminels albanais contrôlent non-seulement de nombreux réseaux dans la région, mais sont également infiltrés dans les plus hautes strates du gouvernement et de l’élite politique de Tirana. Mais curieusement, peu d’Albanais font le lien entre le crime organisé et la politique : en effet, alors que dans plusieurs pays de la région près de 9 personnes sur 10 pensent que leur gouvernement est corrompu, ici près de 6 personnes sur 10 sont du même avis141. Néanmoins, les liens sont nombreux. En 2011, Ilir Meta, ancien Premier ministre de 1999 à 2002 et vice-premier ministre jusqu’en 2009, devait être jugé pour une affaire de corruption qui a créé de graves troubles à Tirana, avec une manifestation antigouvernementale endeuillée par quatre

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Se rapporter au graphique p. 2 Dépêche de l’OCCRP, « Europol Targets Albanian Crime Groups », 12 avril 2013 : https://reportingproject.net/occrp/index.php/en/ccwatch/cc-watch-briefs/1928-europol-targets-albanian-organizedcrime 141 Se rapporter au graphique p.51 140

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morts142. Il n’en sera rien : Ilir Meta est aujourd’hui président de l’Assemblée d’Albanie depuis le 10 septembre 2013, ce qui constitue un pied-de-nez terrible à la démocratie et à la justice dans ce pays. Dans une autre affaire, l’ancien ministre de l’Economie Dritan Prifti, et son adjoint, Leonard Beqiri, ont également mis en examen pour corruption. En effet, les autorités ont découvert une vidéo où les deux protagonistes se mettent d’accord sur le partage d’un pot-de-vin de 69 000€ lié à un permis de construire d’une centrale hydroélectrique. La vidéo143 a été trouvée par hasard sur l’ordinateur de Dritan Prifti au cours d’une enquête sur…le vice premier ministre de l’époque, Ilir Meta144. Enfin plus récemment, le gouverneur de la Banque centrale d’Albanie, Ardian Fullani, a été arrêté pour abus de pouvoir dans le cadre d’un détournement de plus de 5 millions d’euros (700 millions de leks) du Trésor Public albanais. C’est la 17ème personne arrêté au total dans cette enquête. Dans les faits, c’est le trésorier et proche de Fullani, Ardian Bitraj qui s’est présenté à la police et a dévoilé l’affaire145. Autrement, rare sont les personnes qui nient la corruption dans le système judiciaire albanais. Même les juges du pays ont une opinion défavorable sur le sujet. Dans une enquête de 2012 menée par le Centre pour la Transparence et la Liberté d’Information (CTFI), qui a mobilisé plus de 58% des magistrats albanais, les réponses sont claires : un magistrat sur quatre admet payer régulièrement des pots-de-vin, par exemple dans les hôpitaux pour avoir des soins privilégiés. Fait révélateur, seulement 18% des sondés ont affirmé que le système judiciaire de leur pays n’était pas corrompu, 58% définissent la corruption comme « subjectif ». A l’inverse, 28% admettaient la corruption du système. Les personnes les plus fréquemment cités comme une ingérence dans les affaires judiciaires sont les représentants du gouvernement, des politiciens, des avocats et des députés. En outre, 10% des juges ont tout simplement refusé de répondre aux questions146.

142

Dépêche AFP, « Albanie/corruption : un ex-ministre jugé ? », 16 février 2011 : http://www.lefigaro.fr/flashactu/2011/02/16/97001-20110216FILWWW00474-albanie-levee-de-l-immunite-d-un-ex-ministre.php 143 Voir la vidéo ici : http://www.youtube.com/watch?v=iAPAAuT1EXM#t=23 144 Dépêche de l’OCCRP, « Albania : Former Minister and Deputy Indicted for Corruption », 12 mars 2012 : https://reportingproject.net/occrp/index.php/en/ccwatch/cc-watch-briefs/1394-albania-former-minister-and-deputyindicted-for-corruption 145 AL JAZEERA BALKANS, « Guverner Narodne banke Albanije iza rešetaka », 6 septembre 2014 : http://balkans.aljazeera.net/vijesti/guverner-narodne-banke-albanije-iza-resetaka Voir le reportage sur l’affaire : https://www.youtube.com/watch?v=_sY9pns52Q4#t=16 146 LIKMETA Besar (Balkan Insight), « Albania Judges Admit Corruption and Bribes », 25 octobre 2012 : http://www.balkaninsight.com/en/article/albania-judges-admit-corruption-and-bribes 61


Ce qui est terrible, c’est qu’aucune des poursuites mettant en cause des personnalités politiques de haut rang n’aient abouties, et ceci, pour « manque de preuves ». Il est donc légitime que cela suscite l’indignation de la population. Une colère constatable par les manifestations populaires qui font toujours suite à des affaires de corruption médiatisés, dont la plus importante était celle de janvier 2011147. D’ailleurs, un rapport de 2012 d’Amnesty International (AI) signalait que « l’hostilité entre le gouvernement et l’opposition s’est accrue à la suite des violents affrontements qui ont opposé, en janvier, des agents de police et des manifestants qui dénonçaient les fraudes électorales et la corruption présumées des autorités. Lors des élections locales de mai, le gouvernement et l’opposition se sont lancé réciproquement des accusations, et des différends ont surgi au sujet du décompte des votes, en particulier à Tirana. La situation d’impasse politique s’était légèrement débloquée à la fin de l’année et des débats ont été engagés au sujet de la réforme électorale 148 ». Malheureusement, la situation n’est pas prête de changer puisque les juges défendent toujours leur immunité judiciaire149.

b. En Bosnie-Herzégovine On estime que la Bosnie-Herzégovine est le pays qui a reçu le plus d’aides financières dans la période post-Seconde Guerre mondiale, bien plus encore que l’Allemagne dans le cadre du Plan Marshall150. Après quatre années de guerre civile, la Bosnie-Herzégovine a été divisée en deux régions autonomes : ce sont les Accords de Dayton de 1995. Les deux entités (la Fédération de Bosnie-Herzégovine et la Republika Srpska) ne peuvent que subsister dans un système fédéral et décentralisé. La force de ces deux structures intra-étatiques réside dans la faiblesse de l’Etat fédéral. Selon Sabina Ćudić, présidente du parti politique unitaire « Naša Stranka (Notre Parti) », bon nombre des problèmes actuels de gouvernance seraient provoqués par l’héritage de Dayton.

147

Voir la demande d’ouverture d’enquête d’Amnesty International sur la manifestation : en ANNEXE V. Rapport d’Amnesty International sur l’Albanie (2012) : http://www.amnesty.org/fr/region/albania/report-2012 149 TOZAJ Loreta & MUSTAFARAJ Borana, « Immunity of a Judge, the Case of Albania », Université de Vllorë, 2013. 150 Le Plan Marshall s’est élevée à 13 milliards de dollars de 1948 à 1951. Pour la B-H, 5 milliards d’euros (35 milliards de FF) ont été accordés de 1995 à 1999 par le Conseil européen de Madrid. Mais le pays est aujourd’hui en 2014, toujours sous perfusion d’aides internationales. Voir le livre de BOULANGER Philippe, « La Bosnie-Herzégovine : une géopolitique de la déchirure », Karthala, 2002, p.88. 148

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Il se base sur des principes ethniques : sa mécanique administrative est complexe, ce qui donne libre cours à des abus. Il laisse peu de place à un contrat social151. Sur le plan politique, le pays est dominé par des partis corrompus, qui est considéré comme le secteur le plus corrompu en Bosnie-Herzégovine, et de loin. L’achat de voix à l’occasion d’élections est un exemple concret qui peint le paysage politique bosnien. Selon une enquête de l’UNODC, plus de 15% des citoyens bosniens ont été invités à voter pour un candidat d’un parti en échange d’une offre concrète, telle que de l’argent, de la nourriture ou un service. Pour les élections locales, le pourcentage était légèrement inférieure (13%). Par ailleurs, la Fédération (FBiH) est plus souvent touchée que la Republika Srpska (RS)152.

L’élite politique (notamment des partis politiques nationalistes) qui a émergé dans le contexte d’après-guerre entretient des liens étroits avec les réseaux d’organisations criminelles. Selon le

151

ŠARENAC Nevena (Vijesti), « Dejtonski Sistem Je Skup, Neodrživ I Podložan Stravičnoj Korupciji », 18 juillet 2014 : http://www.vijesti.ba/intervjui/228426-DEJTONSKI-SISTEM-SKUP-NEODRZIV-PODLOZANSTRAVICNOJ-KORUPCIJI.html 152 ONUDC, « Corruption in Bosnia and Herzegovina : Bribery as Experienced by the Population », Vienne, 2011, p.33. 63


Baromètre Mondial de Corruption de Transparency International, 77% des sondés considèrent les partis politiques comme étant les institutions les plus corrompues de leur pays153. Les dirigeants bosniens, toutes entités confondues, n’ont jamais été inquiétés par des enquêtes qui les associeraient de près ou de loin à une affaire de corruption. Milorad Dodik, l’actuel Premier ministre de la Republika Srpska, a été accusé de détournement de fonds et d’achats de voix à plusieurs reprises mais n’a jamais été inculpé. De 2011 à 2013, une enquête antifraude du Tribunal cantonal de Sarajevo a dévoilé que près d’un milliard de dollars d’aide internationale (voir plus haut) à la reconstruction n’a jamais été retrouvé. De nombreux membres de l’élite politique du pays ont été impliqués dans l’affaire, dont le fils d’Alija Izetbegović (Bakir), qui est actuellement à la Présidence de Bosnie-Herzégovine (depuis le 10 mars 2014)154. Il existe encore de nombreux cas de corruption de ce type (Dragan Pajić, maire de Brcko ; ou bien encore Zivko Budimir, président de la Fédération), mais une thèse ne suffirait pas à tous les citer. Toutes ces affaires sont mises en évidence par les médias, par la société toute entière. Mais elles sont simplement balayée par la justice et mises sous le tapis, généralement, par « manque de preuves ». Les membres du Parlement sont à l’abri de poursuites en cas de corruption, à moins que leur immunité soit d’abord révoquée par l’assemblée parlementaire. Par ailleurs, le pays manque terriblement d’infrastructures juridiques stables pour gérer le nombre de dossiers actifs : en 2012, la Bosnie-Herzégovine avait plus de 2 millions de dossiers prescrits 155 (pour 3,8 millions d’habitants).

153

Voir l’animation sur le site de TI : http://www.transparency.org/gcb2013/country/?country=bosnia_and_herzegovina 154 Dépêche de KURIR, « Bakir Izetbegović preko Arapa prao pare ? », 16 mai 2013 : http://www.kuririnfo.rs/bakir-izetbegovic-preko-arapa-prao-pare-clanak-791989 155 ŽUJO Sonja (OCCRP), « Balkan Countries Fail in Anti-Corruption Efforts », 30 mars 2012 : https://reportingproject.net/occrp/index.php/en/ccwatch/cc-watch-indepth/1467-balkan-countries-fail-in-anticorruption-efforts 64


c. En Croatie La Croatie est le pays le moins corrompu dans les Balkans (hors Slovénie, non traitée dans ce mémoire), d’après Transparency International 156 . C’est probablement une des raisons pour lesquelles la Croatie est devenue le cinquième pays balkanique à être admis dans l’Union Européenne, après la Grèce, la Bulgarie, la Roumanie et la Slovénie. Le pays est donc officiellement membre depuis le 1er juillet 2013 : et pour beaucoup, cette entrée est survenue trop tôt 157 . En effet, le gouvernement de Zagreb a du mal à se débarrasser de plusieurs affaires impliquant des responsables politiques, et donc à évoluer dans un environnement sain. Malgré les nombreuses mesures prises récemment, beaucoup pensent que le gouvernement est influencé par des réseaux de puissants groupes criminels. En outre, plusieurs cas de menaces verbales et physiques ont été observés à l’encontre de personnes qui soulèvent cette question, empêchant le pays à mener de vastes réformes sur le sujet158. L’UE a soumis le pays à une surveillance accrue avant de lui accorder le droit à l’entrée. Ce fut un processus assez différent de ceux de la Bulgarie et de la Roumanie, qui ont été poussés à une adhésion encore plus précipitée. Beaucoup de critiques parviennent d’Europe quant à la lutte de Zagreb contre la corruption : plusieurs organisations indiquent que la majorité des réformes du pays ont été adoptées à la dernière minute afin de répondre au calendrier de l’UE. En réalité, leur pertinence n’a jamais été vérifiée. Si bien qu’aujourd’hui, la Croatie (et la Slovénie) est officiellement le pays le plus corrompu de l’UE, selon une étude datant de mai 2013 du célèbre cabinet Ernst&Young159. Fait intriguant, les Croates sont parmi les plus méfiants de la région envers leur gouvernement, puisque 89% d’entre eux pensent qu’il est « corrompu »160. Bien que les avis sur la question soient globalement négatifs dans la région, ce mécontentement est significatif de la société croate. De par leur Histoire, les Croates ont toujours été liés à l’Europe centrale : domination austro156

Voir tableau p.2 CARON Vittoria, CUTTICA Alessandro & DEMARIN Danijela, « Zašto Hrvatska nije trebala pristupiti Europskoj Uniji », 2013. Voir en ANNEXE VI. 158 Dépêche de Dnevnik HR, « Kosor : Borit ću se protiv korupcije bez obzira na prijetnje », 8 décembre 2010 : http://dnevnik.hr/vijesti/hrvatska/kosor-borit-cu-se-protiv-korupcije-bez-obzira-na-prijetnje.html 159 RETTMAN Andrew (EU Observer), « Survey : Croatia and Slovenia most corrupt in EU », 8 mai 2013 : http://euobserver.com/justice/120064 160 Voir graphique p. 51. 157

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hongroise dans les terres, vénitienne sur la côte. L’héritage est aussi religieux : leur différence des autres peuples ex-yougoslaves est défini par le catholicisme (aujourd’hui, la religion est le principal facteur d’identité nationale en ex-Yougoslavie161). En fait, « c’est tout l’histoire des Balkans durant cinq siècles qui tend à définir leur appartenance à des communautés confessionnelles très conscientes d’elles-mêmes et exclusives les unes des autres 162». C’est pour ces raisons que les Croates ont généralement peu à cœur leur appartenance « balkanique » : terme qu’ils considèrent dans une large mesure comme péjoratif163. De ce fait, le pays est largement tourné vers l’Europe occidentale : les citoyens remarquent donc l’écart flagrant qui existe entre leur gouvernement et ceux d’Europe occidentale. Cette perception des citoyens croates est surement marquée par une affaire de corruption qui a secoué l’opinion publique du pays : celle de l’ancien premier ministre Ivo Sanader. Sanader était déjà impliqué dans ce que l’opposition de l’époque appelait « l’affaire Pliva » : il serait accusé d’avoir perçu une commission lors de la vente du groupe pharmaceutique « Pliva » à la compagnie « American Bar Farmaceutilals »164. Mais ces accusations n’ont donné aucune suite. Début 2007, l’hebdomadaire « Nacional » annonce que Sanader était mélé aux banqueroutes de deux entreprises autrichiennes, recevant des pots-de-vin entre 1995 et 1996 à hauteur de 800 000 DEM (près de 410 000€)165. Mais c’est le 9 décembre 2010 que la vie d’Ivo Sanader prit un nouveau tournant. En effet, le Procureur de la République de Croatie a demandé au Parlement l’abolition de l’immunité parlemantaire en vue de poursuites pénales. Ivo Sanader avait quitté le pays quelques heures auparavant. Mais le mandat d’arrêt d’Interpol était lancé. Accusé de conspiration, de corruption et d’abus de pouvoir, Sanader fut arrêté à Munich le lendemain alors qu’il tentait de réserver un billet d’avion pour Washington. Il fut par la suite, emmené à la Cour provinciale de justice de Salzbourg, en Autriche. Il fut extradé le 18 juillet 2011 et transféré à la prison de Remetinec à 161

Etude GALLUP Balkan Monitor, 2010, p.32. GARDE Paul, « Les Balkans : héritages et évolutions », Flammarion, 2010, p.104. 163 MORIN Vedran (Dnevno HR), « Hrvatska nije, niti je ikad bila, zemlja na Balkanu », 17 juin 2013 : http://www.dnevno.hr/vijesti/komentari/96481-hrvatska-nije-niti-je-ikad-bila-zemlja-na-balkanu.html 164 BARKOVIC Neven (Index HR), « Zašto je Sanaderu put u Veronu bio važniji od proslave Dana državnosti u Vukovaru ? », 5 septembre 2006 : http://www.index.hr/vijesti/clanak/zasto-je-sanaderu-put-u-veronu-bio-vazniji-odproslave-dana-drzavnosti-u-vukovaru/326362.aspx 165 BAJRUSI Robert (Nacional HR), « Sanaderovi austrijski poslovi », 2 mars 2013 : http://www.nacional.hr/clanak/30645/sanaderovi-austrijski-poslovi 162

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Zagreb. En mai 2012, l’ancien premier ministre est accusé dans une nouvelle affaire de corruption : il aurait encore une fois participé à la banqueroute d’une entreprise croate, cette fois ci dans l’industrie pétrochimique en recevant bien entendu, des pots-de-vin en échange. Le procès devait avoir lieu le 1 juillet 2014 mais fût repoussé : Sanader étant officiellement « souffrant »166. Un cinquième chef d’accusation apparaît : l’ancien premier ministre aurait détourné plus de 26 millions de kuna (près de 3,5 millions d’euros) du budget de l’Etat. En effet, il aurait fait facturé la construction du bâtiment abritant le Ministère du Développement régional plus de deux fois sa vraie valeur 167 . Finalement, au jugement de première instance du 20 novembre de la même année, Ivo Sanader a été condamné à 10 ans de prison ferme. Il est devenu le plus haut fonctionnaire en Croatie reconnu coupable dans une (plusieurs) affaire(s) de corruption168. Cette affaire montre la fragilité du pouvoir dans les Balkans occidentaux, en particulier en Croatie. Le pays est certes aujourd’hui reconnu comme membre de l’Union Européenne, mais à la différence des nouveaux entrants, il se doit de clarifier ses positions quant aux affaires de corruption où sont impliqués des politiciens. Fait positif, la justice à l’air pour le moment de fonctionner démocratiquement, à l’inverse de certaines républiques ouest-balkaniques.

d. Au Kosovo Le Kosovo est le cas le plus compliqué à traiter de ce mémoire, de par sa nature juridique encore non définie internationalement, puisqu’il est de facto indépendant depuis 2008, mais de jure toujours dans les frontières de la République de Serbie. Néanmoins, il est important de le traiter séparément, car il est un exemple particulièrement « riche » de cas de corruption au plus haut niveau : place que la république autoproclamée partage allégrement avec l’Albanie (111ème et 116ème au classement TI sur la corruption169). Etant donné l’affiliation ethnique, il n’est pas surprenant que les problèmes auxquelles sont confrontés les Albanais d’Albanie ont une influence directe sur les Albanais kosovars qui 166

HINA (Novilist), « Odgođeno sutrašnje suđenje Sanaderu u slučaju HEP-Dioki », 1 juillet 2014 : http://www.novilist.hr/Vijesti/Crna-kronika/Odgodeno-sutrasnje-sudenje-Sanaderu-u-slucaju-HEP-Dioki 167 AL JAZEERA BALKANS, « Prihvaćena peta optužnica protiv Sanadera », 13 décembre 2012 : http://balkans.aljazeera.net/vijesti/prihvacena-peta-optuznica-protiv-sanadera 168 POLITIKA Online, « Sanaderu deset godina zatvora », 20 novembre 2012 : http://www.politika.rs/rubrike/region/Sanader-osudjen-na-10-godina-zatvora.lt.html 169 Voir le tableau p.2. 67


peuplent le territoire à 92%170. De plus, la frontière avec l’Albanie est particulièrement poreuse lorsqu’il s’agit de trafics : on l’a vu notamment lors des trafics d’organes post-guerre du Kosovo. Peu de documents sont officiellement disponibles sur la corruption au Kosovo, du moins peu de dossiers ont été traités de manière effective. Le Kosovo a été largement traité dans le chapitre sur le crime organisé, puisqu’aux postes de responsabilités les plus élevés du gouvernement, figurent aujourd’hui des personnes anciennement inculpés pour crimes de guerre au TPIY (Ramush Haradinaj par exemple) ou pour des crimes contre l’humanité (Hashim Thaçi, actuel Premier ministre du Kosovo). C’est le Conseil de l’Europe lui-même par l’intermédiaire de Dick Marty qui avait accusé Hashim Thaçi de ces crimes171 : faits qu’il aurait commis lorsqu’il était le leader de l’Armée de Libération du Kosovo (UÇK) avec l’aide du « Groupe de Drenica 172». Thaçi fut également incriminé dans une affaire d’abus de pouvoir et d’intimidation avec violences lorsqu’il était la figure centrale du Corps de Protection du Kosovo (TMK – Trupat e Mbrojtjes së Kosovës) : organisation qui n’était que la suite logique de l’UÇK dissoute en 1999. Mais Hashim Thaçi est tout puissant au Kosovo. Après la mort du modéré Ibrahim Rugova le 10 février 2006, Fatmir Sejdiu fut élut par l’Assemblée du Kosovo au poste de Président de la république autoproclamée : poste qu’il occupa dès le 17 février 2008. Mais, la Cour constitutionnelle annonce bientôt que Sejdiu avait « violé la Constitution » lorsqu’il était en poste : il annonce alors sa démission dans la foulée173. C’est le président de l’Assemblée, Jakup Krasniqi, qui assure l’intérim jusqu’à la prochaine élection. Mais Krasniqi a-t-il un lien particulier avec Hashim Thaçi ? Evidemment, puisque ce n’est autre que l’ancien porte-parole de l’UÇK jusqu’en 1999. Puis lors de la prochaine élection, c’est Behgjet Pacolli qui est élu président du Kosovo, milliardaire de nationalité suisse ayant fait

170

Dernier recensement de 2012 : http://esk.rks-gov.net/eng/ Voir le rapport de Dick Marty en ANNEXE III. 172 Groupe aujourd’hui accusé de crimes de guerre. Voir ici : http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=33206#.VBia6fl_tDA 173 Dépêche de BBC News, « Kosovo president resigns over breach of constitution », 27 septembre 2010 : http://www.bbc.co.uk/news/world-europe-11420795 171

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fortune dans le bâtiment avec Mabetex174. Mais il sera rapidement démis de ses fonctions, encore une fois par la Cour constitutionnelle qui invalidera son élection175. Qu’à cela ne tienne, Hashim Thaçi le nommera vice-premier ministre de son nouveau gouvernement. Car oui, Hashim Thaçi est toujours premier ministre (depuis 2008). Et à la tête de la république balkanique autoproclamée, une femme est élue : Atifete Jahjaga. Âgée de 39 ans, elle a notamment étudié le droit à l’université de Pristina, puis suivie une formation auprès du FBI américain. Son élection est pour le moins « originale » : elle se présente le 6 avril 2011 comme candidate à la présidentielle sous l’étiquette … des trois partis majoritaires du Kosovo. Elle est donc soutenue par le Parti Démocratique du Kosovo (PDK - Partia Demokratike e Kosovës, présidé par Hashim Thaçi), par la Ligue Démocratique du Kosovo (LDK - Lidhja Demokratike e Kosovës, fondé par Ibrahim Rugova et présidé par Isa Mustafa) et par l’Alliance pour un Kosovo Nouveau (AKR – Aleanca Kosova e Re, présidé par Behgjet Pacolli). Mais le plus grand soutien à la candidate est surement celui de l’ambassadeur américain au Kosovo, Christopher Dell. Le lendemain, le 7 avril, elle est élue dans l’urgence par le Parlement, recevant 80 voix sur 100. Evidemment, cette élection ne fait que couvrir une potentielle crise politique qui aurait fait suite à l’invalidation de celle de Pacolli. De plus, elle permet de montrer une image d’un Kosovo sain et stable, qui plus est avant-gardiste dans la tolérance et dans le droit des femmes dans la région. Nommer Atifete Jahjaga est aussi un gage de stabilité dans le processus de dialogue entre Belgrade et Pristina. Enfin, les autorités de l’EULEX ont arrêté le Procureur de la république du Kosovo, Nazim Mustafi, pour une affaire de corruption. L’arrestation de Mustafi est très embarrassante pour Pristina car il a été directement nommé par Hashim Thaçi en 2010 pour mettre un terme à la corruption dans la région. A l’inverse, Mustafi en a profité. Il a été condamné en mai 2013 à 5 ans de prison176. Ce cas précis est un modèle référence en terme de corruption dans la région : les personnes censées combattre et réprimer le crime organisé et la corruption, sont eux-mêmes corrompus et liés aux organisations criminelles. 174

LEVY Alexandre, « Le fabuleux destin de Behgjet Pacolli », Courrier International, 23 février 2011 : http://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/2011/02/23/le-fabuleux-destin-de-behgjet-pacolli 175 Dépêche REUTERS, « Kosovo : l'élection du président invalidée », Europe 1, 28 mars 2011 : http://www.europe1.fr/international/kosovo-l-election-du-president-invalidee-474827 176 Dépêche de l’EULEX, « Five years imprisonment against Mustafi for corruption », 23 mai 2013 : http://www.eulex-kosovo.eu/en/pressreleases/0444.php 69


e. Au Monténégro Le Monténégro est classé 67ème du classement de TI 177 . Bien qu’il enregistre une légère progression par rapport aux années précédentes, la corruption est comme dans toute la région, omniprésente. Et comme dans le reste des Balkans occidentaux, le crime organisé et la corruption sont un frein à son intégration européenne178. La dissolution de l’Etat commun avec la Serbie (RF Yougoslavie de 1992 à 2003, puis Communauté d’Etats de Serbie-et-Monténégro jusqu’en 2006) avait plongé le pays dans une crise économique. Mais c’est surtout les années de triple embargo international (commercial, pétrolier et aérien – de 1994 à 1996) qui ont mis à mal la stabilité politique dans le pays. Dans le pays, l’évolution et les changements se font difficilement, lentement et à contrecœur. A l’instar du Kosovo, la petite république méditerranéenne est dirigée d’une main de fer par un seul homme, présent dans tous les secteurs du pays, sur tous les fronts : Milo Đukanović. Milo Đukanović est l’actuel premier ministre du Monténegro et président du Parti Démocratique Socialiste (DPS – Demokratska Partija Socijalista). Il en est actuellement à son sixième mandat, tout poste confondu. « Milo » est donc à la tête du Monténégro depuis maintenant 24 ans : il est le seul leader de l’ex-Yougoslavie à avoir traversé la période de conflits des années 90. De manière anecdotique, il est classé 20ème sur la liste Forbes qui recense les personnalités politiques les plus fortunés, avec près de 14,8 millions de dollars179. Le magazine déclara par la suite que la source de sa fortune est « obscure et mystérieuse ». Son « palmarès » politique est impressionnant : il fait ses gammes dans les jeunesses communistes (« Titovi pioniri ») puis devient un des leaders de la République Socialiste du Monténégro jusqu’en 1991. Depuis, il sera premier ministre durant quatre mandats : de 1991 à 1993, de 1993 à 1996, de 1996 à 1998, de 2003 à 2006, de 2008 à 2010. Mais, qu’a fait Đukanović de 1998 à 2003 ? Il était tout simplement président du Monténégro. Enfin, en 2006 il 177

Voir tableau p.2 PARLEMENT EUROPEEN (Communiqué de Presse de la Commission des Affaires Etrangères), « Monténégro : les pourparlers d’adhésion freinés par la corruption ? », 10 février 2011 : http://www.europarl.europa.eu/news/fr/news-room/content/20110207IPR13272/html/Mont%C3%A9n%C3%A9groles-pourparlers-d'adh%C3%A9sion-frein%C3%A9s-par-la-corruption 179 OCCRP, « Đukanović’s Montenegro a Family Business », 1 janvier 2011 : https://reportingproject.net/underground/index.php?option=com_content&view=article&id=6:ukanovis-montenegroa-family-business&catid=3:stories&Itemid=19 178

70


portera aussi la casquette de ministre des Affaires étrangères. Après s’être retiré de la vie politique en 2010, il a finalement été réélu en tant que premier ministre en 2012. Milo Đukanović a souvent été accusé par ses rivaux politiques pour ses liens avec des personnalités « figurant sur des mandats d’arrêt d’Interpol», mais aussi et surtout, pour le trafic de tabac et de cigarettes du Monténégro dans les années 90 : un trafic estimé à 700 millions d’euros. Selon un rapport de la police italienne datant de 1994, le pays faisait partie d’un réseau de contrebande, divisé entre différentes familles criminelles, et toutes liées à la mafia sicilienne, la Camorra et la Sacra Corona Unita (SCU). C’est surtout avec cette dernière que Milo Đukanović fut assimilé. L’agence italienne de presse ANSA a dévoilé les détails d’une enquête que le parquet de Bari a menée : l’homme politique monténégrin est accusé d’être même le chef de la contrebande de cigarettes, de 1997 à 2000, entre le Monténégro et les Pouilles (la SCU est basée dans la région). Pour un butin estimé à plusieurs dizaines de millions d’euros 180 . Finalement et très curieusement, l’affaire est complètement tombée aux oubliettes aujourd’hui. Milo Đukanović représente le parfait exemple de « l’Homo politicus balkanicus : un jeune responsable communiste devenu technocrate pragmatique, puis chef d’Etat néolibéral

181

».

Hormis ses 24 ans de règne politique sans partage que l’on pourrait comparer à certains chefs d’Etats d’Afrique noire (comme en Guinée Equatoriale avec Teodoro Obiang Nguema Mbasogo au pouvoir depuis 1982), son parcours personnel est semé d’affaires criminelles et de corruption en tout genre. Les médias monténégrins (dont le site internet Monitor Online en première ligne) ont beau tout faire pour exposer les affaires de corruption au grand jour, aucune d’entre elles n’aboutissent à des condamnations.

180

BETA NEWS, « Bari : Đukanović osumnjičen za šverc », B92, 23 juin 2007 : http://www.b92.net/info/vesti/index.php?yyyy=2007&mm=06&dd=23&nav_id=252501 181 COURRIER INTERNATIONAL, « Milo Djukanovic, l’inusable seigneur du Monténégro », 8 novembre 2012 : http://www.courrierinternational.com/article/2012/11/08/milo-djukanovic-l-inusable-seigneur-du-montenegro 71


f. En Serbie La Serbie a eu par le passé les gouvernements les plus corrompus de la région. Elle était, au début des années 2000, bonne dernière du classement sur la corruption de la Banque mondiale, dans la région des Balkans occidentaux. A l’heure actuelle, la Serbie a énormément évolué et son système démocratique n’est que plus mature. Néanmoins, il reste des défis importants que Belgrade doit relever dans le futur pour obtenir son droit d’entrée dans l’Union Européenne. L’obstacle majeur est que les secteurs clés de l’économie sont toujours dans les mains d’oligarques qui ont fait fortunes à l’époque de Milošević. Deux d’entre eux reflètent la corruption d’aujourd’hui en Serbie : Dragan « Palma » Marković et Miroslav « Miško » Mišković. Ces deux magnats du monde des affaires serbes font également partie de l’élite politique. En effet, « Palma » est le maire de Jagodina (ville de 70 000 habitants, située dans la Šumadija, région de Serbie centrale), et « Miško » fut durant six mois (en 1990) le vice-président de la République socialiste de Serbie. Dragan « Palma » Marković commence sa carrière politique en 1993, en pleine guerre d’exYougoslavie. Il fonde le Parti de l’Unité Serbe (SSJ – Stranka Srpskog Jedinstva) avec Željko « Arkan » Ražnatović182 et Borislav Pelević. Il est à la tête d’une chaine de télévision nommée modestement « Palma TV » ou « Palma Plus Jagodina TV » : mais il doit sa fortune avant tout à sa société de transport « Palma Transport », qui, grâce à Arkan, avait obtenu le monopole des livraisons de charbon à l’armée durant la guerre en ex-Yougoslavie. Mais sa popularité est du à sa main mise sur la ville de Jagodina. Maire de 2004 à 2012 (deux mandats), la ville change radicalement : installation d’un zoo municipal, d’un parc aquatique, et tout récemment un aéroport (pour une ville de 70 000 habitants). Hélène Despić-Popović du journal « Libération » raconte qu’à « l'entrée de cette commune de 82 000 habitants située à 140 km au sud de Belgrade, de grands panneaux annoncent la couleur : ‘chaque nouveau-né sera doté de 200 euros à la naissance.’ » Mais aussi la « gratuité des transports pour les enfants et les vieux, 182

« Arkan » était commandant d’une force paramilitaire pendant la guerre en ex-Yougoslavie, la Garde Volontaire Serbe (surnommée dans la région « Arkanovi tigrovi », les Tigres d’Arkan). Il était un des criminels les plus recherchés sur la liste d’Interpol dans les années 70 et 80 pour des vols et des meurtres commis en Europe occidentale. Puis, à la fin de la guerre en ex-Yougoslavie, l’ONU l’inculpe pour crimes contre l’Humanité pour son rôle dans le conflit. Arkan représentait le visage du crime organisé dans Belgrade et en Serbie dans les années 90. Arkan était jusqu’à sa mort le chef de la milice la plus puissante dans les Balkans, la JSO (voir chapitre sur les SMP). Il a été assassiné le 15 janvier 2000 peu avant son procès. 72


des subventions pour les dépenses d'énergie, des vacances pour les bacheliers, des médicaments gratuits. Sans oublier la somme allouée aux Roms pour le traditionnel agneau de la fête de la Saint-Georges 183». En résumé, les habitants de Jagodina sont enchantés du travail accompli, même si peu se posent la question de savoir d’où provient tout ce financement. Durant mes nombreux voyages dans la région, il apparaît clair que le nouveau président de l’Assemblée municipale (il n’est plus officiellement maire de la ville) apparait comme un sauveur aux yeux des citoyens. Ouvertement « pro-européen », son poste de député à l’Assemblée nationale lui offre une immunité parlementaire. De par ses prises de positions, il ne fragilise pas la politique actuelle du gouvernement (ni la précédente d’ailleurs), mais au contraire l’a soutient. On peut être en mesure de penser que « Palma » ne soit pas inquiéter durant les années à venir, du moins, si l’Union Européenne ne se penche pas plus sérieusement sur la question. Dans un autre registre, Miroslav Mišković est un entrepreneur et président de la « Delta Holding ». Il serait considéré comme la deuxième personnalité la plus riche de Serbie184. Les liens entre Mišković et Milošević n’ont jamais été évidents, hormis durant son court mandat de vice-premier ministre en 1990.

Après la chute du dictateur, l’oligarque commence à

construire son empire : il rachète la plupart des grandes sociétés serbes (Geneks, Niš Ekspres, Jugohemija, etc. : à l’époque, on disait qu’il « rachetait la Serbie ») avec de l’argent placé à Chypre pendant les années 90 par l’intermédiaire d’une compagnie « offshore »185. Par ailleurs, a été kidnappé le 9 avril 2001 pendant 24 heures, puisque sa caution fut payée 18 heures seulement après l’annonce de l’enlèvement (près de 3,5 millions d’euros). On découvrira plus tard que les responsables de son kidnapping sont les mêmes personnes qui ont assassinés le premier ministre Đinđić le 12 mars 2003186. 183

DESPIC-POPOVIC Hélène, « Markovic Palma, un proeuropéen aux amitiés criminelles », 9 juillet 2008, Libération : http://www.liberation.fr/monde/2008/07/09/markovic-palma-un-proeuropeen-aux-amitiescriminelles_76005 184 BULATOVIC Gordana, « Pogledajte ko su najbogatiji Srbi i koliko su teški ! », Blic, 30 mai 2014 : http://www.blic.rs/Vesti/Ekonomija/469553/Pogledajte-ko-su-najbogatiji-Srbi-i-koliko-su-teski 185 TABLOID, « Kupio Srbiju na rasprodaji », 2 mars 2007 : http://www.arhiv.rs/novinskaclanak/tabloid/2006/10/26/C12570D700350FEDC1257213002BFBC4/kupio-srbiju-na-rasprodaji 186 Milorad Ulemek « Legija » a été tenu responsable de cet enlèvement. Il est l’ancien chef des « Bérets rouges » (voir chapitre sur les SMP) et haut placé du Clan de Zemun (la plus grande organisation mafieuse de Serbie). 73


Fin novembre 2012, sentant que l’étau de la justice se resserrait autour de lui, il s’enfuit à Chypre où il bénéficie d’une haute protection politique : en effet, la Directrice Générale de son entreprise offshore « Hemslejd » n’est autre que Tatiana Yeronimides, la femme de Mario Yeronimides, conseiller au cabinet du président chypriote187. Il sera finalement arrêté le 12 décembre 2012. Il paiera en juillet de la même année une caution de 12 millions d’euros (la caution la plus importante jamais payée dans le pays) pour sa libération provisoire. Il a été jugé avec son fils Marko ainsi que dix de ses associés le 14 novembre 2013 pour abus de pouvoir et évasion fiscale. C’est le premier procès d’une haute personnalité depuis que le gouvernement serbe a lancé sa campagne anti-corruption188. « Mišković et ses dix associés sont inculpés d'avoir détourné plus de 153,1 millions d'euros pendant la privatisation de plusieurs entreprises dont le domaine d'activité est la construction de routes, ainsi que d'une évasion fiscale se chiffrant à 4,2 millions d'euros 189». La décision du parquet n’est toujours pas rendue publique à l’heure actuelle.

7. Conclusion : la corruption, une manière de vivre ? Nous l’avons vu, il existe une situation similaire entre l’Albanie, le Kosovo et le Monténégro. D’un point de vue anthropologique, ces trois régions partagent un héritage commun : celui des Illyriens, avec un système clanique. L’appartenance à un clan se traduit par une solidarité envers les autres membres du groupe. Cette solidarité se traduit par une assistance quelconque, mais aussi par la vengeance (vendetta). Dans une moindre mesure, ce système clanique peut s’étendre aux bosniaques et aux serbes. Cette manière de percevoir un ensemble, un groupe, une famille, est propre aux Balkans occidentaux, et ne saurait exister sur le reste du continent européen (hormis peut-être en Irlande ou en Ecosse).

Voir l’article de ĐOKIC B., « Zemunski klan: Vladari života i smrti », Vesti, 4 mars 2013 : http://www.vestionline.com/Vesti/Srbija/301481/Zemunski-klan-Vladari-zivota-i-smrti/print 187 KURIR, « POTVRĐENO: Mišković pobegao na Kipar! », 25 novembre 2012 : http://www.kuririnfo.rs/potvrdeno-miskovic-pobegao-na-kipar-clanak-526361 188 Voir le texte de la politique anti-corruption (politique sur 5 ans de 2013 à 2018) en ANNEXE VII. 189 Dépêche du FIGARO, « Procès du magnat serbe Miroslav Miskovic », 14 novembre 2013 : http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2013/11/14/97001-20131114FILWWW00633-proces-du-magnat-serbe-miroslavmiskovic.php 74


A cela, il faut ajouter la situation chaotique des dernières 30 dernières années où la guerre et les changements brutaux de régime ne font que renforcer un repli de la société. Aujourd’hui, les jeunes balkaniques n’ont plus confiance en leur gouvernement : on l’a vu, la corruption est endémique, et beaucoup se retrouvent sans repères, sans réelles perspectives d’avenir. Alors, avec une tradition clanique et une situation politique instable, beaucoup d’éléments de la société balkanique se radicalisent. C’est le cas en Bosnie-Herzégovine où les mollahs tiennent des discours bien loin de la tolérance ottomane des siècles passés190. C’est le cas aussi dans la région du Sandžak, où j’ai pû voyager en 2011 et ressentir la radicalisation de la ville de Novi Pazar. Mais c’est aussi le cas à Banja Luka, Pristina ou Skopje, où les discours des nationalistes respectifs trouvent échos encore en 2014.

Car la corruption est avant tout « l’échec d’un

système » qui va au-delà des délits relevant du droit pénal. De fait, il faudrait une moralisation de la vie politique dans les Balkans occidentaux.

190

DUGOIN-CLEMENT Christine, « Les Balkans restent sous la menace d'une radicalisation islamiste », Le Monde, 18 septembre 2014 : http://www.lemonde.fr/idees/article/2014/09/18/les-balkans-restent-sous-la-menace-dune-radicalisation-islamiste_4489813_3232.html 75


III. Quelles stratégies adopter pour un nouvel élan ? On a vu l’omniprésence de la corruption dans les Balkans occidentaux ne font que renforcer la crédibilité des organisations criminelles. Les gouvernements de la région peuvent mettre en place des politiques qui pourraient réduire considérablement le problème actuel. Pour diminuer la probabilité qu’une personne ne cède à une tentative de corruption, il faut logiquement que les autorités en place proposent de meilleures solutions, telles que : -

Des salaires plus élevés, notamment dans le monde de la justice et des forces de l’ordre ;

-

Des sanctions plus lourdes pour les affaires de corruption : encore faudrait-il qu’elles aboutissent à un jugement ;

-

Améliorer la législation actuelle, et les politiques anti-corruption.

Mais il faut surtout se tourner vers l’avenir, et essayer d’agir sur les mentalités futures. Développer une campagne contre la corruption, en ciblant des attitudes devenues banales: les enfants et les jeunes adultes n’ont toujours pas solidifié leurs systèmes de croyance, et peuvent être un public intéressant à charmer. Par ailleurs, il est indispensable de renforcer la coopération régionale et internationale. Cette collaboration, en particulier avec les institutions européennes, permettra de renforcer les systèmes judiciaires dans la région. Enfin, les gouvernements de la région doivent veiller à la protection des médias pour que les journalistes puissent mener à bien des enquêtes, et se sentir relativement à l’abri de menaces criminelles.

76


1. Des perspectives économiques qui encouragent la lutte contre la corruption et le crime organisé. La corruption n’est pas une cause de dysfonctionnement mais un symptôme. Pour certains, ce serait un manque d’éthique ou un problème de comportement. Des perspectives économiques favorables permettent de lutter efficacement contre ses dérives. Il est important de comprendre ce qui motive un individu à devenir corrompu. En politique par exemple, la corruption se résume à une simple question de risque et de rendement. Si le risque encouru est faible et que le gain est majeur, alors on est plus susceptible de devenir corrompu. Une fois qu’un homme politique en tire bénéfice, il y a de fortes chances pour qu’il récidive. Actuellement dans la région, les forces gouvernementales font face aux « forces du marché » dans leur lutte contre ce fléau. Mais force est de constater que c’est souvent l’environnement économique qui prévaut sur des mesures gouvernementales. De ce fait, il semblerait efficace d’agir sur l’environnement économique pour combattre durablement la corruption : des salaires plus élevés pour les responsables du gouvernement, des sanctions plus lourdes pour les coupables, un système plus efficace de dénonciation, afin de réduire les probabilités.

A. Des salaires plus élevées pour renforcer l’intégrité Pa rapport à l’Europe occidentale, il est évident que dans les Balkans occidentaux, les salaires et le produit intérieur brut (PIB) soient moins élevé (voir graphique ci-dessous) : pas de stabilité politique sur les 30 dernières années et pas d’énorme potentiel à l’exportation. En conséquence, le chômage et la paupérisation des classes moyennes et pauvres est plus forte qu’en Europe occidentale. Pour les fonctionnaires de ces classes, la corruption est en grande mesure une stratégie de survie. L’augmentation des revenus, avoir une fin de mois moins difficile est une forte motivation : elle devient d’ailleurs de plus en plus forte avec les privatisations massives et la faiblesse exponentielle du secteur public. Revoir les salaires à la hausse dans le système juridique est primordial pour des emplois se concentrant spécifiquement sur la lutte contre la corruption.

77


PIB (PPA) / hab. (en milliers de dollars, en 2013) 90

Luxembourg

80

Pays-Bas

70

Suède

60

Allemagne

50

France

40

U.Européenne

30

Italie

20

Croatie

10

Monténégro

0

Serbie ARY Macédoine Bosnie-Herzégovine Albanie Balkans occ.

Source : CIA World Factbook

Un salaire plus élevé (voir graphique page 5) leur éviterait de collaborer avec des « fauteurs »191. Des augmentations salariales sont des investissements élevés pour ces Etats qui possèdent des dettes souvent abyssales (à l’exception de l’ARY de Macédoine, voir graphique ci-dessous).

191

LES AMIS DE L’EUROPE, « Coutner measures in the Balkans », Ministère de la Justice (Serbie), Automne 2010, p.5. 78


Dette publique brut (par % du PIB, 2011) 70 60 50 40 30 20 10 0

Toutefois, le coût de la criminalité organisée et de la corruption crées des pertes de revenus conséquentes chaque année : l’investissement initial ne sera que mieux rentabilisé avec une politique anti-corruption complémentaire et efficace192.

2. Des peines plus lourdes et des confiscations de biens pour accentuer la responsabilité. Juge d’instruction à la Juridiction interrégionale spécialisée de Marseille, Charles Duchaine traque depuis des années l’argent du crime. Et selon lui, pas de doute : « il faut frapper les criminels au portefeuille 193». Le travail de saisie est imparfait dans les Balkans occidentaux : trop de criminels condamnés pour corruption ou crime en bande organisée ne passent que 5 ans derrière les barreaux, et peuvent à terme profiter en toute tranquillité de leur bien. C’est le cas par exemple, de la femme de l’ancien criminel de guerre Arkan, la célèbre Svetlana « Ceca » Ražnatović. La chanteuse populaire de turbo folk profite encore aujourd’hui, et en toute impunité, de sa luxueuse villa (avec bunker) en face du stade de l’Etoile Rouge, qui se situe en plein centre-ville de Belgrade. Adopter des lois 192

LES AMIS DE L’EUROPE, « Coutner measures in the Balkans », Ministère de la Justice (Serbie), Automne 2010, p.27. 193 SAUBABER Delphine, « Le juge Duchaine : ‘Il faut frapper les criminels au portefeuille », L’Express, 2 mars 2013 : http://www.lexpress.fr/actualite/societe/justice/le-juge-duchaine-il-faut-frapper-les-criminels-auportefeuille_1225170.html 79


qui permettent à l’Etat de confisquer ces biens issus d’une activité criminelle serait une mesure supplémentaire de dissuasion194. Des peines plus sévères sont aussi source de découragement. Dans les multiples exemples cités lors de ce mémoire, aucune condamnation ne s’élève à plus de 20 ans. Par des enquêtes plus efficaces, les peines doivent s’avérer plus lourdes pour que « le crime ne paie pas ». Les pays balkaniques peuvent également se servir de ces confiscations à des fins sociales. L’exemple du système italien « consiste dans la possibilité de saisir les patrimoines acquis illicitement soit par la confiscation élargie, au cours du procès pénal, soit par la confiscation préventive dans le cadre d’une procédure simplifiée indépendante de la condamnation. Dans ce dernier cas, l’objectif n’est pas celui de sanctionner la personne, mais celui de confisquer en faveur de l’Etat des biens entrés illicitement en possession de personnes d’autant plus dangereuses qu’elles sont ‘indiziate’ (fortement suspectées) de graves infractions. Ce sont des biens à soustraire pour prévenir d’autres manifestations de la dangerosité de ces personnes au travers de leur utilisation

195

». Initialement associative, l’initiative de confiscation à des fins

sociales a été approuvée par l’Etat sous forme de loi « par laquelle on réglemente la phase qui suit la confiscation définitive des biens, en prévoyant le réemploi des immeubles à des fins sociale, avec pour objectif, non seulement l’expropriation des biens illicitement accumulés par les organisations criminelles, mais aussi la restitution à la collectivité à laquelle ils avaient été illégalement soustraits. En ce qui concerne les entreprises, en les louant ou en les donnant en concession à des coopératives pour une meilleure utilisation, on tendra vers les mêmes finalités 196». Un exemple fort intéressant qui peut être rapidement mis en place. Son application serait encore plus intéressante dans le plan d’une coopération régionale.

194

LES AMIS DE L’EUROPE, « Coutner measures in the Balkans », Ministère de la Justice (Serbie), Automne 2010, p.6-13-16. 195 MENDITTO Francesco (Procureur de la République près le Tribunal de Lanciano, ex-Président d’un collège de la Section mesures de prévention du Tribunal de Naples), « La confiscation anti-mafia et le sort des biens confisqués en Italie », texte traduit de l’italien par Mme GIULIANE Averso, European Rights : http://www.europeanrights.eu/public/commenti/Commento_Menditto_copy_1.pdf 196 Ibid, p.9 80


3. Stimuler la dénonciation en la protégeant et améliorer la législation pour accroitre la transparence Dénoncer des criminels ou un cas de corruption n’est pas chose aisée dans la région. Pour démocratiser la pratique, les gouvernements doivent mettre en place des mesures de protection contre des représailles. En Croatie, un numéro spécial a été mis en place depuis peu pour dénoncer des douaniers avides de bakchichs197, ainsi qu’une agence nationale de lutte. Il en va de même au Monténégro, où les campagnes d’affichage de l’Agence pour une Initiave Anti-Corruption (UAI – Uprava za Antikorupcijsku Inicijativu) sont nombreuses198. En Serbie, la création de l’Agence de Lutte contre la Corruption (ABPK – Agencija za Borbu protiv Korupcije) était la priorité de l’actuel premier ministre serbe Aleksandar Vučić lors de son mandat en tant que vice-président du gouvernement chargé de la Défense, de la Sécurité et de la Lutte contre la corruption199. L’ARY de Macédoine est un modèle pour la région puisqu’elle possède une Agence anticorruption mais également une Commission d’Etat sur la prévention à la corruption200. Le pays se base sur une solide coopération avec l’Initiative Anti-Corruption Régionale (RAI – Regional Anti-Corruption Initiative201). Tous ces organismes stimulent effectivement la dénonciation, mais ne résoudent pas les menaces de représailles, notamment chez les journalistes, comme par exemple en 2012 à Valjevo (Serbie) lors d’une enquête sur un conseiller municipal, Slоbоdаn Gvоzdеnоvić202.

197

Voir la campagne ici : http://www.carina.hr/Korupcija/Korupcija.aspx Voir la campagne ici : http://www.antikorupcija.me/ 199 Voir sa biographie ici : http://www.srbija.gov.rs/vlada/predsednik.php 200 Voir le site de la Comission ici : http://www.dksk.org.mk/en/ 201 Voir le site ici : http://www.rai-see.org/ 202 Voir ici le communiqué de MIRKOVIC Saša, président de l’Association des Médias Electroniques Indépendants (ANEM – Asocijacija Nezavisnih Elektronskih Medija), « Anem Osuđuje Uvrede I Pretnje Novinarima U Valjevu », Belgrade, 25 décembre 2012 : http://www.anem.org.rs/sr/aktivnostiAnema/saopstenja/story/14206/ANEM+OSU%C4%90UJE+UVREDE+I+PRET NJE+NOVINARIMA+U+VALJEVU.html 198

81


Enfin, il faut accroitre la visibilité et la transparence des services publics. En effet, selon Janos Bertok de la Direction de la gouvernance publique et du développement territorial à l’OCDE, « elle permet de démontrer comment s’articulent les trois éléments fondamentaux que sont le contrôle, la gestion et les orientations. Elle fait appel à l'exemple et à l’esprit d’initiative mais aussi au respect des règles fondamentales qui garantissent le sens des responsabilités, l’obligation de rendre des comptes et le contrôle. La transparence doit être exercée de manière systématique. Après tout, l'opinion a, de manière permanente, le droit de savoir comment les institutions exercent les pouvoirs et font usage des ressources qui leur sont confiées203 ».

4. Intensifier la coopération régionale Dans un environnement mondialisé et où l’intégration européenne des Balkans occidentaux est un enjeu primordial, la coopération régionale est un atout à ne pas négliger. De plus, le crime organisé et la corruption dans la région ne respecte aucunement les frontières : les minorités dispersés ne font que renforcer la criminalité transnationale. C’est dans cette optique qu’a été fondé l’Initiative Régionale de Lutte contre la Corruption (RAI). Neuf pays de la région sont signataires du traité (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Croatie, ARY de Macédoine, Moldova, Monténégro, Roumanie et Serbie) : leur but étant de coordonner les actions de lutte, d’optimiser les efforts et le dialogue204. Outre la coopération régionale, il est important de prendre des mesures efficaces sur la base des normes européennes et internationales. Cela évitera aux criminels d’utiliser les frontières comme un mécanisme de refuge efficace pour éviter les poursuites.

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BERTOK Janos, « Corruption, éthique et intégrité », OCDE, avril 2000 : http://www.observateurocde.org/news/archivestory.php/aid/144/Corruption,__E9thique_et_int_E9grit_E9.html 204 REGIONAL ANTI-CORRUPTION INITIATIVE, « Strategic Document », février 2014. Voir en ANNEXE 8. 82


5. Conclusion Bien que les niveaux de corruption aient été relativement élevés pendant plus de deux décennies en Europe du Sud-Est, il existe de nombreuses mesures qui peuvent potentiellement réduire la prévalence de la corruption dans la région. Au lieu d’être systématiquement dans un schéma de lutte sans prendre en compte les nombreux facteurs environnants (conjoncture économique, système juridique, éducation), les gouvernements ouest-balkaniques commencent à cerner les réels enjeux d’un combat efficace contre le crime organisé et la corruption. Les lois existantes doivent être améliorées en ce sens, pour diminuer les comportements « à risque ». De surcroît, c’est l’ensemble de la société balkanique doit être convaincu que la corruption n’est pas un mode de vie « normal », mais plutôt d’un vice qui a des conséquences néfastes sur leur propre émancipation. En plus d’une rééducation de l’éthique chez la population adulte (au travers de campagnes de communication), les gouvernements devraient se concentrer sur l’éducation des plus jeunes, en espérant un changement progressif chez les futures générations. La mentalité du pot-de-vin pourrait rapidement évoluer. Le temps est un élément important dans la transition démocratique de nos sociétés. Bien que tous les pays de la région soient des républiques démocratiques, c’est par la maturité des politiques anti-corruption que le combat sera décisif. La coopération régionale (entre les pays des Balkans occidentaux) et la coopération internationale (avec l’UE et la CI) aidera à éviter les récidives. Les gouvernements occidentaux doivent favoriser de meilleures relations avec les ONG sur le terrain, qui ont une meilleure connaissance pratique et sont donc mieux armées pour ce combat. La liberté de la presse et la sécurité des journalistes doivent être pris très au sérieux pour éviter des politiques de terreur à leur encontre. Le courage est une vertu politique non-négligeable.

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Conclusion Bien que cela paraisse tout à fait évident, il est important de rappeler que la corruption par l’intermédiaire ou non du crime organisé, nécessite la participation active et volontaire des membres d’un gouvernement. Dans les Balkans occidentaux, la corruption continue d’être un problème majeur, voir même principal dans certains pays comme la Bosnie-Herzégovine205. Dans des Balkans pacifiés, l’appartenance à une nation ou à un groupe religieux ne devient plus important : l’irréprochabilité d’un gouvernement, la lutte contre le chômage, sont les vraies priorités actuelles des balkaniques. La corruption est un phénomène mondial, qui touche évidemment tous les Etats du globe. Mais, une l’élite politique corrompue en réseau avec des éléments du crime organisé est emblématique de la région. Ces connexions ont été forgées durant la décennie de guerres civiles qui ont ravagé l’ancienne Yougoslavie socialiste. Pendant cette période de chaos, les embargos imposés par l’ONU sur l’exportation, les armes, ou tout autre bien nécessaire aux belligérants, ont été l’occasion rêvée pour des groupes criminels de faire fortune avec la contrebande 206 . Les différents gouvernements de l’époque en ont profité aussi personnellement. Au cours de cette période de trouble économique, ces criminels ont amassé d’immenses butins créant ainsi un afflux important de capitaux vers les autres pays d’Europe du Sud-Est. L’argent gagné par le trafic illégal à souvent trouver refuge dans les coffres des partis politiques, servant à financer des campagnes politiques, ou plutôt pour financer des élections dont le vainqueur est connu d’emblée. La corruption politique décourage les investissements nationaux, mais aussi étrangers, si nécessaire au développement de la région. Les entreprises étrangères sont inquiètes de faire affaire dans une région où les individus qui sont censés prévenir et combattre la corruption sont généralement les plus corrompus. Par conséquent, la culture balkanique de la corruption frustre le développement économique régional et retarde sa croissance. 205

ANADOLIJA (Agence de presse), « Korupcija i ekonomija najveći, vjera i nacija najmanji problemi građana BiH », Klix, 9 novembre 2013 : http://www.klix.ba/vijesti/bih/korupcija-i-ekonomija-najveci-vjera-i-nacija-najmanjiproblemi-gradjana-bih/131109018 ; ONUDC, « Poslovanje, korupcija i kriminal u Bosni i Hercegovini : Utjecaj mita i kriminala na privatna preduzeća », Vienne, 2013 206 ONUDC, « Crime and its Impact on the Balkans », Vienne, mars 2008, p.49. 84


Pour se rendre compte de la situation, il faut comparer les indices de corruption avec d’autres régions du globe : ainsi, deux pays balkaniques (Albanie et Kosovo) se retrouvent derrière le Niger, le Gabon ou la Thaïlande, qui ne sont pourtant pas des exemples de démocratie. En 2008, les balkaniques étaient plus confrontés à la corruption que les populations d’Afrique subsaharienne (25,9% contre 16,7%)207. Pour l’UE, ces indices sont problématiques. Néanmoins, la Croatie qui est membre de l’Union depuis juillet 2013, ne sera pas soumise à la surveillance et à la supervision de l’UE, contrairement à la Roumanie ou à la Bulgarie208. Zagreb a-t-elle été admise trop tôt ? Seul le temps nous dira si les réformes mises en œuvre à la dernière minute pour répondre au calendrier des négociations d’adhésion seront efficaces. Pour les autres pays ouest-balkanique, la Croatie pourrait alors devenir un modèle à suivre pour une intégration européenne future. Le chemin politique à parcourir est encore long pour l’ensemble des pays de la région : tous sont voués, sauf changement géostratégique majeur, à adhérer à l’Union Européenne. Il sera intéressant de voir les relations de voisinage lorsque l’ensemble des Balkans occidentaux sera intégré à ce nouvel espace. Pour ce qui est de la corruption et du crime organisé, le combat sera aussi très long, surtout si les réseaux régionaux s’exportent vers d’autres régions du globe.

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207

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ANNEXE I


PREDLOG

ZAKON O IZMENAMA ZAKONA O ORGANIZACIJI I NADLEŽNOSTI DRŽAVNIH ORGANA U SUZBIJANJU ORGANIZOVANOG KRIMINALA, KORUPCIJE I DRUGIH POSEBNO TEŠKIH KRIVI NIH DELA lan 1. U Zakonu o organizaciji i nadležnosti državnih organa u suzbijanju organizovanog kriminala, korupcije i drugih posebno teških krivi nih dela („Službeni glasnik RS”, br. 42/02, 27/03, 39/03, 67/03, 29/04, 58/04 – dr. zakon, 45/05, 61/05, 72/09, 72/11 – dr. zakon i 101/11 – dr. zakon), u lanu 2. ta ka 2) menja se i glasi: „2) krivi no delo ubistvo najviših državnih predstavnika ( lan 310. Krivi nog zakonika) i krivi no delo oružane pobune ( lan 311. Krivi nog zakonika),”. Ta . 4) i 5) menjaju se i glase: „4) krivi no delo zloupotreba položaja odgovornog lica ( lan 234. stav 3. Krivi nog zakonika), krivi no delo zloupotreba u vezi sa javnom nabavkom ( lan 234a stav 3. Krivi nog zakonika) i krivi no delo zloupotreba službenog položaja ( lan 359. stav 3. Krivi nog zakonika), kada vrednost pribavljene imovinske koristi prelazi iznos od 200.000.000 dinara, 5) krivi no delo terorizam ( lan 391. Krivi nog zakonika), krivi no delo javno podsticanje na izvršenje teroristi kih dela ( lan 391a Krivi nog zakonika), krivi no delo vrbovanje i obu avanje za vršenje teroristi ih dela ( lan 391b Krivi nog zakonika), krivi no delo upotreba smrtonosne naprave ( lan 391v Krivi nog zakonika), krivi no delo uništenje i ošte enje nuklearnog objekta ( lan 391g Krivi nog zakonika), krivi no delo finansiranje terorizma ( lan 393. Krivi nog zakonika) i krivi no delo teroristi ko udruživanje ( lan 393a Krivi nog zakonika),”. lan 2. U lanu 16. stav 5. re i: „službena tajna” zamenjuju se re ima: „tajni podaci odre eni u skladu sa zakonom koji ure uje tajnost podataka”. lan 3. U nazivu IV dela iznad lana 17. re i: „SLUŽBENE TAJNE” zamenjuju se re ima: „TAJNIH PODATAKA”. U lanu 17. stav 1. re i: „službenu tajnu” zamenjuju se re ima: „tajne podatke, u skladu sa propisima koji ure uju tajnost podataka”. Stav 2. briše se. lan 4. Ovaj zakon stupa na snagu osmog dana od dana objavljivanja u „Službenom glasniku Republike Srbije”, izuzev odredbe lana 1. koja stupa na snagu 15. aprila 2013. godine.


-2-

O B R A Z L O Ž E NJ E I. USTAVNI OSNOV ZA DONOŠENJE ZAKONA Ustavni osnov za donošenje Zakona o izmenama Zakona o organizaciji i nadležnosti državnih organa u suzbijanju organizovanog kriminala, korupcije i drugih posebno teških krivi nih dela sadržan je u lanu 99. stav 1. ta ka 7. Ustava Republike Srbije koji propisuje da Narodna skupština, izme u ostalog, donosi zakone i druge opšte akte iz nadležnosti Republike Srbije. Ustavni osnov za donošenje navedenog zakona sadržan je i u lanu 97. ta . 2. i 16. Ustava Republike Srbije, kojima je, izme u ostalog, propisano da Republika Srbija ure uje i obezbe uje postupke pred sudovima, kao i organizaciju, nadležnost i rad republi kih organa.

II. RAZLOZI ZA DONOŠENJE ZAKONA Zakonom o organizaciji i nadležnosti državnih organa u suzbijanju organizovanog kriminala, korupcije i drugih posebno teških krivi nih dela („Službeni glasnik RS”, br. 42/02, 27/03, 39/03, 67/03, 29/04, 58/04 – dr. zakon, 45/05, 61/05, 72/09, 72/11 – dr. zakon i 101/11 – dr. zakon) utvr eni su nadležni specijalizovani državni organi za otkrivanje, krivi no gonjenje i su enje u postupcima za krivi na dela organizovanog kriminala, visoke korupcije i druga teška krivi na dela. Zakonom o izmenama i dopunama Krivi nog zakonika („Službeni glasnik RS”, broj 121/12), izmenjen je, odnosno preciziran ve i broj krivi nih dela, zbog ega je, u cilju usaglašavanja dva zakona, neophodno izvršiti izmene Zakona o organizaciji i nadležnosti državnih organa u suzbijanju organizovanog kriminala, korupcije i drugih posebno teških krivi nih dela, radi utvr ivanja nadležnosti specijalizovanih državnih organa koji postupaju po tom zakonu. Isto tako, odredbe Zakona o organizaciji i nadležnosti državnih organa u suzbijanju organizovanog kriminala, korupcije i drugih posebno teških krivi nih dela koje se odnose na službenu tajnu neophodno je usaglasiti sa Zakonom o tajnosti podataka („Službeni glasnik RS”, broj 104/09).

III. OBJAŠNJENJE OSNOVNIH PRAVNIH INSTITUTA I POJEDINA NIH REŠENJA lanom 1. Zakona menja se lan 2. Zakona o organizaciji i nadležnosti državnih organa u suzbijanju organizovanog kriminala, korupcije i drugih posebno teških krivi nih dela, u ta . 2), 4) i 5) radi uskla ivanja sa odredbama Zakona o izmenama i dopunama Krivi nog zakonika. U ta ki 2) je izbrisano krivi no delo terorizma (raniji lan 312. Krivi nog zakonika), dok su u ta ki 4) dodata nova krivi na dela zloupotreba položaja odgovornog lica ( lan 234. stav 3. Krivi nog zakonika) i krivi no delo zloupotreba u vezi sa javnom nabavkom ( lan 234a stav 3. Krivi nog zakonika). S obzirom da je Zakona o izmenama i dopunama Krivi nog zakonika zna ajno izmenjeno krivi no delo terorizma, odgovaraju e izmene su izvršene i u ta ki 5). U l. 2. i 3. Zakona izvršene su izmene u lanu 16. stav 5. i lanu 17. Zakona o organizaciji i nadležnosti državnih organa u suzbijanju organizovanog kriminala, korupcije i drugih posebno teških krivi nih dela, u cilju usaglašavanja navedenih odredaba sa Zakonom o tajnosti podataka. Naime, navedeni zakon, kojim je jedinstveno ure ena oblast tajnih podataka, ne poznaje oznaku stepena tajnosti: „službena tajna”, dok je za uvanje tajnih podataka propisano da se tajni podaci uvaju i koriste u skladu sa merama zaštite koje su propisane tim zakonom, propisom donesenim na osnovu ovog zakona i me unarodnim sporazumom. Kako su opšte mere zaštite tajnih podataka propisane tim zakonom, a posebne mere


-3zaštite propisane odgovaraju im podzakonskim aktima Vlade, odnosno kako sada postoji odgovaraju i normativni okvir koji ure uje to pitanje, brisan je stav 2. lana 17. Zakona o organizaciji i nadležnosti državnih organa u suzbijanju organizovanog kriminala, korupcije i drugih posebno teških krivi nih dela. lanom 4. Zakona ure eno je stupanje zakona na snagu, odnosno predvi eno je da zakon stupa na snagu osmog dana od dana objavljivanja u „Službenom glasniku Republike Srbije”. Izuzetak je odredba lana 1. Zakona, koja stupa na snagu 15. aprila 2013. godine, kada je predvi eno stupanje na snagu odre enih odredaba Krivi nog zakonika koje su izmenjene u decembru 2012. godine.

IV. FINANSIJSKA SREDSTVA POTREBNA ZA PRIMENU ZAKONA Za sprovo enje ovog zakona nije potrebno obezbediti dodatna finansijska sredstva u budžetu Republike Srbije.

V. RAZLOZI ZA DONOŠENJE ZAKONA PO HITNOM POSTUPKU Predlaže se da se ovaj zakon donese po hitnom postupku, budu i da bi njegovo nedonošenje po hitnom postupku moglo da prouzrokuje štetne posledice po rad javnog tužilaštva, sudova i drugih organa u Republici Srbiji, jer je neophodno da stupi na snagu 15. aprila 2013. godine, kada na snagu stupaju odre ene odredbe Krivi nog zakonika kojima se propisuju krivi na dela za koja je neophodno propisati nadležnost posebnih državnih organa za njihovo otkrivanje, krivi no gonjenje i su enje.

ANALIZA EFEKATA ZAKONA Analiza efekata Zakona o izmenama Zakona o organizaciji i nadležnosti državnih organa u suzbijanju organizovanog kriminala, korupcije i drugih posebno teških krivi nih dela nije potrebna, s obzirom da njegova primena ne e izazvati dodatne troškove gra anima i privredi, da se ne odnosi na stvaranje novih privrednih subjekata na tržištu, kao i da nije potrebno preduzeti dodatne mere za njegovu primenu.


ANNEXE II































ANNEXE III


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7 janvier 2011 Le traitement inhumain de personnes et le trafic illicite d’organes humains au Kosovo1 Rapport 2 Commission des questions juridiques et des droits de l’homme Rapporteur: M. Dick MARTY, Suisse, Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe Résumé

Fonctionnement L'APCE en bref (PDF) - Origine - Structure - Procédures - Commissions Règlement Secrétaire Général Organigramme

Selon les informations recueillies, de nombreux indices concrets et convergents confirment que des Serbes ainsi que des Kosovars albanais ont été tenus prisonniers dans des lieux de détention secrets sous contrôle de l’UÇK au Nord de l’Albanie et soumis à des traitements inhumains et dégradants, pour finalement disparaître. De nombreux indices semblent confirmer que, dans la période qui suit la fin du conflit armé, avant que les forces internationales aient pu prendre le contrôle de la région et rétablir l’ordre et la légalité, des organes auraient été prélevés sur des prisonniers dans une clinique en territoire albanais, près de Fushë-Krujë, transportés ensuite à l’étranger à des fins de transplantation. Bien qu’il y ait déjà eu des indices concrets de l'existence de tels trafics au début de la décennie, les autorités internationales en charge de la région n’ont pas estimé nécessaire de procéder à un examen approfondi de ces circonstances, ou elles l’ont fait d’une façon incomplète et superficielle.

Membres Liste de A à Z Par groupe politique Par délégation nationale Par Commission Autres organes Membres depuis 1949

Les organisations internationales en place au Kosovo ont privilégié une approche politique pragmatique, estimant devoir favoriser à tout prix la stabilité à court terme et sacrifiant ainsi d’importants principes de justice. L'implication des membres de l’UÇK dans des crimes de guerre contre la population serbe et les Kosovars albanais n'a pas fait l'objet d'enquête suffisante. L’équipe de procureurs et d'enquêteurs internationaux au sein de la mission EULEX chargée d’enquêter sur les allégations de traitements inhumains, y compris celles relatives à un éventuel trafic d’organes, a fait des progrès notamment en ce qui concerne la preuve de l’existence de lieux de détention secrets de l’UÇK au nord de l’Albanie dans lesquels des traitements inhumains et même des meurtres auraient été commis.

Groupes politiques (www) PPE/DC SOC ADLE GDE GUE Liens Conseil de l'Europe Parlements nationaux Partenaires internationaux Téléchargement Logo de l'APCE Photos

Il faut combattre, sans compromis aucun, l’impunité des auteurs de violations graves des droits de l’homme. Le fait que celles-ci aient été commises dans le cadre d’un conflit violent ne saurait en aucun cas justifier de renoncer à poursuivre les auteurs de pareils actes. Il ne peut et il ne doit pas exister une justice des vainqueurs et une justice des vaincus. Les Etats membres de l’Union européenne et les autres Etats contributeurs devraient fixer à l'EULEX un objectif clair et lui accorder le soutien politique nécessaire pour combattre le crime organisé sans compromis, pour que la justice soit rendue, sans aucune considération d’opportunité politique. L’Albanie et l’administration kosovare doivent collaborer sans réserve aux enquêtes actuelles et futures. A.

Projet de résolution 3

1. L’Assemblée parlementaire a pris connaissance avec vive préoccupation des révélations de l’ancienne Procureure générale auprès du Tribunal Pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), allégations selon lesquelles des crimes graves auraient été commis lors du conflit au Kosovo, notamment un trafic d’organes humains, actes qui seraient restés jusqu’à ce jour impunis et n’auraient été l’objet d’aucune enquête sérieuse. 2. Toujours selon l’ancienne magistrate, ces actes auraient été commis par des membres des milices de l’Armée de Libération du Kosovo (UÇK) contre des ressortissants serbes restés sur place à la fin du conflit armé et fait prisonniers. 3. Selon les informations recueillies par l’Assemblée et d’après les enquêtes pénales en cours, de nombreux indices concrets et convergents confirment que des Serbes ainsi que des Kosovars albanais ont été tenus prisonniers dans des lieux de détention secrets sous contrôle de l’UÇK au Nord de l’Albanie et soumis à des traitements inhumains et dégradants, pour finalement disparaître.

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4. De nombreux indices semblent confirmer que, dans la période qui suit immédiatement la fin du conflit armé, avant que les forces internationales puissent vraiment prendre le contrôle de la région et rétablir un semblant d’ordre et de légalité, des organes auraient été prélevés sur des prisonniers dans une clinique en territoire albanais, près de Fushë-Krujë, et transportés ensuite à l’étranger à des fins de transplantation. 5. Cette activité criminelle, qui s’est développée en profitant du chaos régnant dans la région et à l’initiative de certains chefs des milices de l’UÇK liés au crime organisé, s’est poursuivie, bien que sous d’autres formes, jusqu’à nos jours, comme le démontre une enquête en cours menée par la mission de police et de justice de l'Union européenne (EULEX) concernant la clinique «Medicus» à Pristina. 6. Bien qu’il y ait déjà eu des indices concrets de l’existence de tels trafics au début de la décennie, les autorités internationales en charge de la région n’ont pas estimé nécessaire de procéder à un examen approfondi de ces circonstances, ou elles l’ont fait d’une façon incomplète et superficielle. 7. Les organisations internationales en charge de la sécurité et de la légalité (KFOR et MINUK – Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo) ont dû faire face, surtout au cours des premières années de leur présence au Kosovo, à d’importants problèmes structurels et à de sérieuses carences en personnel qualifié pour assumer les tâches qui leur avaient été confiées, dysfonctions aggravées par une rotation rapide et continuelle des cadres en poste au Kosovo. 8. Le TPIY, qui avait commencé à procéder à un premier examen sur place pour établir l’existence de traces d’un éventuel trafic d’organes, a abandonné ces investigations. Les éléments de preuve prélevés à Rripe, en Albanie, ont été détruits et ne peuvent par conséquent plus être exploités pour des analyses plus poussées. Aucune enquête n’a ainsi été diligentée par la suite dans une affaire pourtant considérée suffisamment sérieuse pour que l’ancienne Procureure générale du TPIY ait estimé nécessaire de la rendre publique dans son livre. 9. Pendant la phase décisive du conflit armé, l’OTAN est intervenue par des frappes aériennes, tandis que les opérations terrestres étaient conduites par l’UÇK, allié de fait des forces internationales. Après le départ des autorités serbes, les acteurs internationaux en charge de la sécurité au Kosovo se sont largement appuyés sur les forces politiques au pouvoir au Kosovo, essentiellement issues des cadres de l’UÇK. 10. Les organisations internationales en place au Kosovo ont privilégié une approche politique pragmatique, estimant devoir favoriser à tout prix la stabilité à court terme et sacrifiant ainsi d’importants principes de justice. Pendant longtemps peu a été fait pour donner suite aux indices qui impliquaient des membres de l’UÇK dans des crimes contre la population serbe ainsi que contre des Kosovars albanais. Tout de suite à la fin du conflit, en effet, lorsque l’UÇK avait pratiquement seul le contrôle sur le terrain, de nombreux règlements de compte ont eu lieu entre factions diverses et à l’encontre de ceux qui étaient considérés, sans aucune forme de procès, comme des traîtres parce que soupçonnés d’avoir collaboré avec les autorités serbes précédemment en place. 11. EULEX, qui a assumé des fonctions en matière de justice précédemment remplies par les Nations Unies (MINUK) à la fin de 2008, a hérité d’une situation difficile et délicate, surtout dans le domaine de la lutte contre la criminalité grave: des dossiers incomplets, des pièces égarées, des témoignages non recueillis. Par conséquent, de nombreux crimes risquent de rester impunis. Peu ou pas de recherches approfondies ont été effectuées dans le domaine de la criminalité organisée et ses connexions avec les représentants des institutions politiques, ainsi que pour les crimes de guerre commis contre des Serbes et des Kosovars albanais considérés comme des collaborateurs ou appartenant à des factions rivales. Ce dernier sujet constitue un véritable tabou aujourd’hui encore au Kosovo, même si en privé et avec grande prudence, tout le monde en parle. EULEX semble avoir fait tout récemment des avancées en ce domaine et il faut vivement espérer que des considérations politiques ne viendront pas entraver cet engagement. 12. L’équipe de procureurs et enquêteurs internationaux au sein de la mission EULEX chargée d’enquêter sur les allégations de traitements inhumains, y compris celles relatives à un éventuel trafic d’organes, a fait des progrès notamment en ce qui concerne la preuve de l’existence de lieux de détention secrets de l’UÇK au nord de l’Albanie dans lesquels des traitements inhumains et même des meurtres auraient été commis. L‘enquête ne bénéficie toutefois pas de la coopération souhaitable de la part des autorités albanaises. 13. L’émotion suscitée au niveau mondial par les crimes effroyables commis par les forces serbes a engendré un climat, qu’on a pu constater aussi dans l’attitude de certaines instances internationales, reposant sur le présupposé que les uns étaient nécessairement considérés comme des bourreaux, les autres comme des victimes, donc inévitablement innocents. La réalité est plus nuancée et complexe. 14. L’Assemblée réaffirme avec force la nécessité de combattre, sans compromis aucun, l’impunité des auteurs de violations graves des droits de l’homme, et tient à rappeler que le fait que celles-ci aient été commises dans le cadre d’un conflit violent ne saurait en aucun cas justifier de renoncer à poursuivre les auteurs de pareils actes (voir Résolution 1675 (2009)). 15. Il ne peut et il ne doit pas exister une justice des vainqueurs et une justice des vaincus. Lors de tout conflit, tous les criminels doivent être poursuivis et tenus responsables de leurs actes illégaux, quel que soit le camp auquel ils appartiennent et indépendamment du rôle politique qu’ils assument. 16. La question qui, du point de vue humanitaire, reste la plus aiguë et délicate est celle qui concerne les personnes disparues. Sur plus de 6 000 dossiers de disparitions ouverts par le Comité international de la Croix Rouge, 1 400 personnes environ ont été retrouvées vivantes et 2 500 cadavres ont pu être retrouvés et identifiés. Il s’agit pour la plupart de victimes kosovares albanaises retrouvées dans des charniers découverts dans des régions sous contrôle serbe et au Kosovo. 17. La coopération entre les instances internationales, d’une part, et les autorités kosovares et albanaises, de l’autre, pour élucider le sort des personnes disparues est encore clairement insuffisante. Alors que la Serbie

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a fini par coopérer, l’exécution de fouilles s’est avérée beaucoup plus compliquée sur le territoire du Kosovo, voire impossible, du moins jusqu’à maintenant, sur le territoire albanais. La coopération des autorités kosovares est particulièrement défaillante en ce qui concerne les recherches des quelque 500 personnes officiellement disparues après la fin du conflit. 18. Le groupe de travail sur les personnes disparues, coprésidé par le Comité international de la Croix Rouge et le Bureau pour les personnes disparues d’EULEX, a besoin du soutien plein et entier de la communauté internationale afin que soient surmontées les réticences de part et d’autre. Connaître la vérité et permettre finalement aux familles des victimes de pouvoir faire leur deuil est une condition indispensable pour une réconciliation entre les communautés et une paix durable dans cette région des Balkans. 19.

L’Assemblée invite par conséquent: 19.1.

les Etats membres de l’Union européenne et les autres Etats contributeurs: 19.1.1 . à allouer à EULEX les ressources nécessaires, logistiques et en personnel hautement qualifié, pour faire face à la mission extraordinairement complexe et importante qui lui a été confiée; 19.1.2. à fixer à EULEX un objectif clair et à lui accorder un soutien politique au plus haut niveau pour combattre le crime organisé sans compromis, et pour que la justice soit rendue, sans aucune considération d’opportunité politique; 19.1.3. à engager tous les moyens nécessaires pour instituer des programmes efficaces de protection des témoins;

19.2.

EULEX: 19.2.1. à persévérer dans son travail d’enquête, sans égard aucun aux fonctions exercées par les éventuels suspects ou à l’origine des victimes, en mettant tout en œuvre pour faire la lumière sur les disparitions criminelles, les indices de trafics d’organes, la corruption et la collusion, si souvent dénoncée, entre milieux mafieux et politiques; 19.2.2. à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer une protection efficace des témoins et les mettre en confiance;

19.3. le TPIY, à coopérer pleinement avec EULEX, notamment en mettant à sa disposition les informations et les éléments de preuve en sa possession et de nature à aider EULEX à poursuivre les responsables des crimes relevant de sa compétence; 19.4.

les autorités de la Serbie: 19.4.1. à mettre tout en œuvre pour capturer les personnes encore recherchées par le TPIY pour crimes de guerre, notamment le général Ratko Mladic et Goran Hadzic, dont l’impunité constitue toujours un obstacle sérieux au processus de réconciliation et est souvent invoquée par les autorités d’autres pays pour justifier leur peu d’empressement à procéder elles-mêmes à des actions judiciaires; 19.4.2. à coopérer étroitement avec EULEX, notamment en lui remettant toutes les informations pouvant aider à élucider des crimes commis au cours et à la suite du conflit au Kosovo; 19.4.3 . à prendre les mesures nécessaires pour empêcher des fuites à la presse d’informations sur des enquêtes concernant le Kosovo, ce qui nuit à la collaboration avec les autres autorités et à la crédibilité du travail d’investigation;

19.5.

les autorités de l’Albanie et l’administration kosovare: 19.5.1. à collaborer sans réserve avec EULEX et les autorités serbes dans le cadre de procédures tendant à faire la lumière sur des crimes commis au Kosovo, indépendamment de l’origine connue ou supposée des suspects et des victimes; 19.5.2. en particulier, à donner suite aux demandes d’assistance judiciaire d’EULEX concernant des faits de nature criminelle qui se seraient produits dans un camp de l’UÇK dans le nord de l’Albanie; 19.5.3. à diligenter une enquête sérieuse et indépendante afin de faire toute la lumière sur les allégations, parfois concrètes et précises, concernant l’existence de centres secrets de détention où des traitements inhumains auraient été infligés à des prisonniers provenant du Kosovo, d’origine aussi bien serbe qu’albanaise, pendant et immédiatement après le conflit; l’enquête doit être étendue également à la vérification des allégations, également précises, concernant un trafic d’organes qui aurait eu lieu au cours de la même période et en partie sur territoire albanais;

19.6.

tous les Etats membres et observateurs du Conseil de l’Europe concernés: 19.6.1. à répondre dans les meilleurs délais aux demandes de coopération judiciaire qui leur ont été adressées par EULEX et par les autorités serbes dans le cadre de leurs enquêtes en cours concernant les crimes de guerre et le trafic d’organes; le retard de ces réponses est incompréhensible et intolérable si on considère l’importance et l’urgence de la coopération internationale pour faire face à des phénomènes criminels aussi graves et dangereux; 19.6.2. à coopérer avec EULEX dans ses efforts de protection de témoins, notamment lorsque

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ceux-ci ne peuvent plus continuer à vivre dans la région et doivent par conséquent assumer une nouvelle identité et trouver un nouveau pays de résidence. 20. L’Assemblée, consciente que le trafic d’organes humains constitue désormais un phénomène de dimension mondiale d’une extrême gravité, manifestement contraire aux normes les plus élémentaires des droits et de la dignité de la personne, salue dès lors et partage les conclusions de l’étude conjointe publiée en 2009 et réalisée par le Conseil de l’Europe et l’Organisation des Nations Unies. Elle partage notamment la conclusion selon laquelle il convient d’élaborer un instrument juridique international établissant une définition du trafic d’organes, de tissus et de cellules d’origine humaine énonçant des mesures à prendre pour prévenir ce trafic et protéger les victimes, ainsi que des mesures de droit pénal destinées à le réprimer. B.

Exposé des motifs, par M. Marty, rapporteur Sommaire Page 1.

Considérations préliminaires – une vue d’ensemble

2.

Commentaire liminaire sur les sources

3.

Résultats détaillés de nos recherches

6

11 12

3.1

Une vue d’ensemble

3.2

Factionnalisme de l’UÇK et liens avec le crime organisé

3.3

Les lieux de détention et le traitement inhumain des détenus 3.3.1. les

12

19

Détentions par l’UÇK en temps de guerre – La première catégorie de prisonniers:

«prisonniers de guerre»2

03

3.3.1.1.

La nature des centres de détention: Cahan

22

3.3.1.2.

La nature des centres de détention: Kukes

22

3.3.2.

13

Des détentions par des membres et associés de l’UÇK après la fin du conflit

3.3.2.1.

Deuxième catégorie de prisonniers: les «disparus»

24

3.3.2.1.1.

La nature des centres de détention: Rripe

3.3.2.1.2.

Observations sur les conditions de détention et de transport

3.3.2.2. organisée» 3.3.2.2.1.

23

24 25

Troisième catégorie de prisonniers: les «victimes de la criminalité 26 La nature des centres de détention: Fushë-Krujë

4.

La clinique Medicus

5.

Le plafonnement invisible de l'obligation de rendre des comptes

6.

Quelques réflexions conclusives

7.

Annexe: Carte

1.

Considérations préliminaires – une vue d’ensemble

26

27 27

28

30

1.

En avril 2008, l’ancienne Procureure générale auprès du Tribunal pénal international pour l’exYougoslavie (TPIY), M me Carla Del Ponte, a publié un livre témoignage, en collaboration avec Chouk Sudetic, sur ses expériences de magistrat au sein de cette institution. Le livre a paru d’abord en italien («La caccia – Io e i criminali di guerra»), puis traduit, notamment en français («La traque, les criminels de guerre et moi»). Dans cet ouvrage, près de dix ans après la fin de la guerre au Kosovo, il est fait état d’un trafic d’organes humains prélevés sur des prisonniers serbes qui aurait été organisé par des responsables de l’Armée de Libération du Kosovo (UÇK). Ces affirmations sont surprenantes à plus d’un titre et ont suscité de vives réactions. Surprenantes, tout d’abord, parce qu’elles émanent d’une personne qui a œuvré aux plus hautes responsabilités au cœur du système judiciaire chargé de poursuivre les crimes commis au cours du conflit qui a ravagé l’ex-Yougoslavie. Surprenantes, aussi et surtout, parce qu’aucune suite officielle n’avait apparemment été donnée à ces allégations, jugées pourtant tellement sérieuses au point d’être reprises dans les mémoires de l’ancienne procureure générale, qui ne pouvait pas ignorer l’importance et la portée des accusations qu’elle a décidé de rendre publiques. 2.

Saisie d’une proposition de résolution (Doc. 11574) demandant de mener une investigation approfondie sur les faits mentionnés par M me Del Ponte et leurs conséquences afin d’établir s’ils sont véridiques, de rendre justice aux victimes et d’appréhender les auteurs des crimes, la commission des questions juridiques et des droits de l’homme m’a nommé rapporteur et m’a ainsi chargé de rédiger un rapport. http://assembly.coe.int/Mainf.asp?link=/Documents/WorkingDocs/Doc11/FDOC12462.htm

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3. Le mandat confié est tout de suite apparu d’une extraordinaire difficulté. Les faits allégués – par un ancien magistrat de rang international, rappelons-le – auraient eu lieu il y a une dizaine d’années et n’avaient été l’objet d’une véritable enquête par aucune des autorités nationales et internationales qui ont été en charge des territoires concernés. Tout semble indiquer que les efforts pour établir les faits et punir les crimes de guerre ont été surtout concentrés dans une direction, en se fondant sur le présupposé implicite que les uns étaient les victimes, les autres les bourreaux. La réalité, comme on verra, semble être plus complexe. La structure encore très clanique de la société kosovare albanaise ainsi que l’absence d’une véritable société civile ont rendu extrêmement difficile l’établissement de contacts avec des sources locales. A cela s’ajoute la peur, souvent une véritable terreur, que nous avons constatée auprès de certains de nos interlocuteurs dès que nous touchions le sujet de nos recherches. Même certains représentants des autorités internationales ne cachaient pas leur peu d’empressement à s’occuper de ces faits: «le passé est le passé, maintenant il faut regarder l’avenir», nous a-t-on dit. Les autorités albanaises, quant à elles, ont fait savoir que leur territoire n’avait pas été concerné par le conflit et qu’elles n’avaient aucune raison d’ouvrir une enquête. Les autorités serbes ont réagi, bien qu’assez tardivement, sans toutefois réussir à atteindre des résultats significatifs. Le TPIY, quant à lui, avait lancé quelques recherches exploratoires sur la fameuse «Maison jaune», en opérant cependant d’une façon assez superficielle et avec un degré de professionnalisme qui suscite quelque perplexité. A cela s’ajoute le fait que le mandat du TPIY a été restreint à une période et un espace bien délimités: la TPIY est compétente pour poursuivre et juger les crimes commis jusqu’en juin 1999, fin du conflit au Kosovo, et sa compétence ne s’étend pas à l’Albanie, sauf si celle-ci autorise expressément des actes d’enquêtes sur son territoire. 4. Les faits qui nous occupent aujourd’hui auraient eu lieu surtout à partir de l’été 1999, dans une situation de grande confusion qui régnait dans toute la région: les forces de sécurité serbes avaient abandonné le Kosovo, les troupes de la KFOR (Force internationale de sécurité au Kosovo, OTAN) commençaient lentement à s’établir, pendant que des centaines de milliers de réfugiés kosovars albanais essayaient d’abord de rejoindre l’Albanie et ensuite de retourner chez eux, et que les Serbes se réfugiaient dans les territoires sous contrôle de l’armée serbe. C’était le chaos: l’administration kosovare ne fonctionnait pas, la KFOR a mis passablement de temps pour prendre le contrôle de la situation, tout en ne disposant pas du savoir-faire nécessaire pour affronter des situations aussi extrêmes. L’intervention de l’OTAN s’était faite essentiellement par la voie des airs avec des bombardements au Kosovo et en Serbie – opérations que d’aucuns ont considérées contraires au droit international, le Conseil de Sécurité des Nations Unies n’ayant pas donné son autorisation – alors que sur le terrain l’allié de fait de l’OTAN était l’UÇK. Ce dernier a ainsi eu, dans la période critique que nous venons de décrire, le contrôle de fait sur toute la région – le Kosovo ainsi que les régions frontalières du nord de l’Albanie. Il ne s’agissait pas, bien entendu, d’un pouvoir vraiment structuré et n’assumait pas, et de loin, les formes d’un Etat. C’est au cours de cette période qu’ont été commis de nombreux crimes, aussi bien contre des Serbes restés dans la région que contre des Kosovars albanais soupçonnés d’avoir été des «traîtres» ou des «collaborateurs», ou qui ont été les victimes de rivalités entre factions de l’UÇK. Ces crimes sont restés pour la plupart impunis et ce n’est que des années après qu’on commence, assez timidement, à s’en occuper. 5. Pendant cette phase chaotique, la frontière entre le Kosovo et l’Albanie n’existait plus. Aucun contrôle n’était effectué, ce qui d’ailleurs n’aurait été guère possible si on considère l’important flux des réfugiés vers l’Albanie et le mouvement de retour dans les mêmes proportions après la fin des hostilités. Lors d’une mission sur le terrain pour le compte de mon Parlement, en 1999, j’ai pu personnellement constater l’ampleur du phénomène, surtout la solidarité remarquable manifestée par la population et les autorités albanaises dans l’accueil des réfugiés kosovars. Les milices de l’UÇK se déplaçaient ainsi librement des deux côtés de la frontière qui, comme nous l’avons souligné, n’était alors devenue que purement virtuelle. C’est donc bien l’UÇK qui exerçait durant cette période critique le contrôle de fait dans la région, aussi bien au Kosovo que dans la partie nord de l’Albanie proche de la frontière. Et c’est avec ces maîtres des lieux que les forces internationales ont collaboré dans le cadre des opérations militaires et de rétablissement de l’ordre. Cela a aussi eu comme conséquence que des crimes commis par des membres de l’UÇK, y compris des hauts responsables, ont été, en fait, couverts et sont restés impunis. 6. Les crimes commis par les troupes serbes ont été documentés, dénoncés et, autant que possible, jugés. Il s’agit de crimes dont le caractère effroyable ne doit plus être démontré. Ils ont été le résultat d’une politique scélérate ordonnée par Milosevic et mise en œuvre sur une longue période, y compris alors que celui-ci était accueilli avec tous les honneurs dans de nombreuses capitales d’Etats démocratiques. Ces crimes ont fait des dizaines de milliers de victimes et bouleversé toute une région de notre continent. Dans le conflit du Kosovo, la population d’origine albanaise a subi des violences atroces, conséquences d’une folle politique de nettoyage ethnique de la part du dictateur alors en place à Belgrade. Tout cela ne saurait être remis en doute aujourd’hui. Il faut être cependant conscients que se sont alors développés un climat et une dynamique qui ont conduit à considérer tous les événements et les faits dans une optique rigoureusement manichéenne: d’un côté les Serbes, nécessairement méchants oppresseurs, de l’autre les Kosovars albanais, inévitablement victimes innocentes. Dans l’horreur et la commission de crimes le principe de compensation ne peut exister. Le sentiment élémentaire de justice exige que tous soient traités de la même façon. Ce devoir de vérité et de justice est, par ailleurs, une prémisse indispensable pour qu’une véritable paix soit rétablie et que les différentes communautés puissent se réconcilier et recommencer à vivre et à travailler ensemble. 7. Dans le cas du Kosovo, la logique du court-terme semble cependant avoir prévalu: rétablir l’ordre au plus vite, éviter tout ce qui pourrait être susceptible de déstabiliser la région qui se trouve encore en une situation d’équilibre très précaire. Tout cela a conduit à une justice qu’il faut bien qualifier de sélective, dont le corollaire a été, et continue à être, l’impunité de nombreux crimes dont tous les indices crédibles indiquent qu’ils ont été l’œuvre, directe ou indirecte, de hauts responsables de l’UÇK. Les pays http://assembly.coe.int/Mainf.asp?link=/Documents/WorkingDocs/Doc11/FDOC12462.htm

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occidentaux qui se sont engagés au Kosovo se sont bien gardés d’intervenir directement sur le terrain, préférant recourir aux frappes aériennes, l’UÇK devenant ainsi leur indispensable allié pour les opérations terrestres. On a ainsi préféré fermer les yeux sur les crimes de guerre commis par ce dernier, privilégiant la stabilité immédiate. En effet, le nouveau Kosovo s’est essentiellement bâti sur les structures existantes du mouvement irrédentiste kosovar albanais. Les administrations internationales qui se sont succédé sur place ainsi que l’administration américaine, qui de l’avis général joue un rôle important dans la conduite des affaires de la nouvelle entité Kosovo 4 , ont donc composé avec leurs alliés de fait sur le terrain, ces derniers étant devenus les nouveaux maîtres de la politique locale. Cette situation, nous l’avons déjà souligné, a finalement empêché que l’on fasse toute la lumière sur les crimes commis lorsque tout indiquait qu’ils avaient été l’œuvre de personnes qui étaient au pouvoir ou proches de celles-ci. A cela s’ajoute le fait que l’administration internationale de la MINUK (Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo) disposait de ressources, quantitativement et qualitativement, insuffisantes pour poursuivre les crimes commis d’une façon efficace et impartiale. Le personnel international affecté sur place à la MINUK bénéficiait en grande majorité de contrats pour une période limitée et il y avait une rotation continuelle, ce qui constituait également un obstacle majeur dans l’administration de la justice. Des responsables de l’administration internationale nous ont fait part de l’impossibilité de conduire des enquêtes de façon confidentielle – ce qui est pourtant une condition essentielle pour le succès d’une enquête criminelle – en raison notamment de l’emploi d’interprètes locaux qui faisaient passer les informations aux intéressés. EULEX, pour les enquêtes les plus délicates, a par la suite eu recours à des interprètes venant d’autres pays. Ces mêmes sources nous ont dit que la philosophie de la communauté internationale pouvait se résumer dans le principe de la «stabilité et la paix à tout prix», ce qui impliquait évidemment de ne pas se brouiller avec le pouvoir en place. 8. La mission d’EULEX (mission européenne de police et de justice au Kosovo), installée depuis la fin de 2008, a ainsi hérité d’une situation extrêmement difficile. De nombreux dossiers de crimes de guerre, notamment ceux dont sont suspectés des combattants de l’UÇK, ont d'ailleurs été repris de la MINUK dans un état déplorable (preuves et témoignages égarés, grand laps de temps entre les actes d’investigation incomplets), à tel point que des responsables d’EULEX n’ont pas mâché leurs mots pendant nos visites d’information et ont exprimé leur crainte que de nombreux dossiers devront être abandonnés5 . Certains interlocuteurs qui représentent la société civile kosovare émergente n’ont pas épargné leurs critiques également à l’égard d’EULEX: on s’attendait à ce qu’EULEX s’attaque finalement aussi aux «intouchables», dont tout le monde connaît le passé plus que trouble. En vain: il y a eu beaucoup d’annonces, beaucoup de promesses, mais les résultats concrets se font toujours attendre. L’affaire de Nazim Bllaca, le «donneur d’alerte» qui s’est lui-même publiquement accusé de meurtres commandités par des personnes qui aujourd’hui revêtent de hautes responsabilités politiques, est emblématique. On a attendu quatre jours avant de l’arrêter et de le placer sous protection. La manière dont EULEX traitera cette affaire constituera un test important de sa détermination à aller jusqu’au bout de sa mission de justice. 9. Il faut cependant saluer l’engagement remarquable de nombreux agents d’EULEX – actuellement quelque 1 600 cadres internationaux et 1 100 employés locaux – ainsi que leur détermination à faire face à l’extraordinaire défi qui leur a été confié. Leurs efforts commencent à produire des résultats tangibles notamment en ce qui concerne les dossiers du camp de Kukës et de la clinique Medicus à Pristina. EULEX devrait absolument bénéficier d’un soutien plus clair et déterminé au plus haut niveau politique européen. Aucune ambiguïté ne doit subsister quant à la nécessité de s’attaquer à tous les suspects de crimes, même s’ils occupent d’importantes fonctions institutionnelles et politiques. Il est également urgent de donner à EULEX accès à toutes les archives des instances internationales antérieurement présentes au Kosovo, y compris celles de la KFOR rapatriées entretemps dans les pays participants 6 et les dossiers du TPIY 7 . D’après les praticiens travaillant sur place, il faudrait créer une base de données unifiée et commune des archives de tous les acteurs internationaux, facilement accessible aux enquêteurs d’EULEX. On est en droit de se demander quelles peuvent bien être les raisons qui s’opposent à la mise en œuvre d’une exigence aussi élémentaire. 10. La police kosovare, à caractère pluriethnique, est formée de manière professionnelle, bien équipée et efficace dans la lutte contre la petite et moyenne criminalité. Forte de plus de 7 200 policiers en uniforme et de plus de 1 100 auxiliaires, elle inclut des représentants de 13 groupes ethniques, y compris 10% de Serbes. Selon des sondages récents, elle bénéficierait de la plus grande confiance parmi toutes les institutions au Kosovo, après la KFOR. De hauts responsables internationaux ont aussi confirmé que «la police est bonne», mais que les juges «posent problème» – comme étant susceptibles d’être intimidés, sous influence politique ou corrompus. Les jugements sur la police sont cependant nuancés parmi les observateurs que nous avons rencontrés. L’institution doit encore faire ses preuves et gagner toute la confiance de ses partenaires internationaux, y compris auprès de la mission d’EULEX, où nous avons encore ressenti certains doutes par rapport à la volonté politique de tous les responsables de cette force de police de lutter sans réserves contre toutes les formes de criminalité; en particulier, contre le crime organisé, les crimes impliquant de hautes personnalités politiques, et, notamment, la volonté et la capacité d’assurer une protection vraiment efficace des témoins, aspect très délicat et indispensable pour une poursuite des criminels les plus notoires et dangereux. 11. La corruption et la criminalité organisée constituent un problème majeur dans la région, comme l’indiquent plusieurs études internationales. Cela est d’autant plus grave que des connexions existent entre criminalité, corruption et politique. La présence massive d’agents internationaux ne facilite pas les choses et conduit à des résultats pervers: un chauffeur ou une femme de ménage d’une institution internationale ou d’une ambassade gagne en règle générale sensiblement plus qu’un agent de police ou un juge. Cela ne peut que porter atteinte à l’échelle des valeurs. 12.

Le dossier le plus urgent du point de vue humanitaire est celui des personnes disparues dans le

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cadre du conflit du Kosovo. Le nombre des disparitions est très important rapporté à la population totale du Kosovo. Sur 6 005 dossiers de disparitions ouverts par le Comité international de la Croix Rouge, 1 400 personnes environ ont été retrouvées vivantes et 2 500 corps ont pu être retrouvés et identifiés. Il s’agit pour la plupart de victimes kosovares de souche albanaise retrouvées par moitié respectivement dans des charniers découverts en territoire sous contrôle effectif serbe et au Kosovo. Aux 1 869 personnes disparues pendant le conflit dont le sort n’a toujours pas été établi (dont deux tiers environ sont des Kosovars de souche albanaise) s’ajoutent 470 personnes disparues après l’arrivée des troupes de la KFOR le 12 juin 1999, dont 95 de souche albanaise et 375 non-albanais, pour la plupart serbes 8 . 13. Au sujet de ces disparitions, il convient de souligner que de nombreuses familles kosovares albanaises ayant perdu un parent après le 12 juin 1999 auraient déclaré une date de disparition antérieure à cette date par crainte que leurs proches puissent passer pour des «traîtres» punis par l'UÇK. Il est révélateur que la loi kosovare sur l’indemnisation des familles des «martyrs» exclue expressément les personnes mortes après l’arrivée de la KFOR. Pour ce qui est de la loi, encore en discussion, sur l’indemnisation des familles de personnes disparues, la position des autorités kosovares est de couvrir uniquement les disparitions intervenues entre le 1 er janvier 1999 et le 12 juin 1999. En fait, cela indique à quel point ce problème des disparus kosovars albanais est encore sensible. Selon plusieurs de nos interlocuteurs, le sujet reste un véritable tabou et continue à être un sérieux obstacle à la recherche de la vérité, car la chasse aux «traîtres» a souvent dissimulé la lutte sanglante entre factions de l’UÇK et servi à cacher les crimes commis par des membres de l’UÇK ou des personnes liées à elle. Le Bureau des personnes disparues et de médecine légale 9 a de grandes difficultés à travailler avec la documentation souvent de mauvaise qualité héritée de ses prédécesseurs 10 ; il a également de la peine à motiver et à retenir son personnel, sous-payé par rapport aux qualifications requises. La coopération entre les différentes instances internationales et les autorités kosovares ainsi que les autorités compétentes de l’Albanie pour élucider le sort des personnes disparues laisse à désirer. Alors que la Serbie a coopéré, non sans hésitations initiales, dans les opérations de fouille de fosses communes suspectes sur le territoire sous son contrôle, de tels actes d’investigation se sont avérés beaucoup plus compliqués sur le territoire du Kosovo 11 , voire impossible jusqu’à maintenant sur le 14.

territoire albanais 12 . La coopération des autorités kosovares est particulièrement défaillante en ce qui concerne les 470 disparitions officiellement intervenues après la fin du conflit13 . Le manque de coopération des autorités kosovares et albanaises pour rechercher des personnes disparues serbes, et même kosovares de souche albanaise, qui pourraient s’avérer être des victimes de crimes commis par des membres de l’UÇK, suscite de sérieux doutes quant à la volonté politique des autorités actuelles de faire toute la vérité sur ces événements 15. Le groupe de travail sur les personnes disparues présidé par le Comité international de la Croix Rouge a besoin du soutien plein et entier de la communauté internationale pour surmonter les réticences de part et d’autre, dans l’intérêt des proches des victimes dont les souffrances continues constituent un important obstacle à la réconciliation. 16. Nous avons rappelé comment les allégations de trafic d’organes ont été rendues publiques et comment elles ont assumé une dimension internationale, au point de conduire l’Assemblée parlementaire à demander l’élaboration du présent rapport. Il a été beaucoup fait état de la «Maison jaune» située à Rripe près de Burrel en Albanie centrale. Toute l’attention s’est apparemment concentrée sur cette maison. Elle n’est en fait qu’un élément accessoire d’une affaire bien plus vaste et complexe. Il est vrai que tout semble avoir commencé par des révélations concernant la «Maison jaune». En février 2004, une visite d’observation sur place a été organisée conjointement par le TPIY et la MINUK, avec la participation d’un journaliste. En fait, il ne s’est pas agi d’un véritable examen de police scientifique selon toutes les règles de l’art. Des participants à cette visite que nous avons interviewés ont expressément dénoncé un certain manque de professionnalisme, notamment en ce qui concerne les prélèvements d’échantillons et les constats scientifiques. Néanmoins, le comportement des membres de la famille K. vivant dans la maison suscite plusieurs interrogations, notamment au sujet des versions différentes et contradictoires qu’ils ont successivement données à propos de la présence de traces de sang (relevées par l’utilisation de luminol) près d’une table dans la pièce principale. Le patriarche de la famille a indiqué que des animaux de la ferme avaient été tués et charcutés à cet endroit; une autre explication a également été fournie selon laquelle une des femmes du ménage aurait donné naissance à l’un de ses enfants au même endroit. 17. Ni le TPIY, ni la MINUK, ni le parquet albanais n’ont donné suite à cette visite en diligentant des enquêtes plus approfondies. L’enquêteur albanais qui avait pris part à ce constat sur place, s’est d’ailleurs empressé de publiquement affirmer qu’il n’existait aucun indice de quelque nature que ce soit. Les prélèvements matériels effectués sur place ont été par la suite détruits par le TPIY, après avoir été photographiés, comme le procureur général auprès du Tribunal nous l'a confirmé dans une lettre 14 . Qu’il soit permis de nous en étonner. 18. L’équipe du Procureur spécial pour les crimes de guerre à Belgrade, qui a déployé des efforts considérables, n’a pas non plus abouti à des résultats très concrets. La forte médiatisation qui a entouré l’enquête n’a certes pas contribué à son efficacité. Nous remercions le procureur spécial pour sa coopération et sa disponibilité. 19. L’équipe de procureurs et enquêteurs internationaux au sein de la mission d’EULEX chargée d’enquêter sur les allégations de traitements inhumains, y compris celles relatives à un éventuel trafic d’organes, a fait des progrès notamment en ce qui concerne la preuve de l’existence de lieux de

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détention secrets de l’UÇK au nord de l’Albanie où des meurtres auraient été également commis. Mais cette enquête se heurte jusqu’à présent au manque de coopération des autorités albanaises qui ont laissé sans réponse la demande de coopération judiciaire précise et détaillée qui leur a été adressée. A ce jour, EULEX n’a pas eu accès à la totalité des informations collectées par le TPIY dans ce domaine. 20. L’enquête, également conduite par EULEX, dans l’affaire de la clinique Medicus à Pristina, est rendue difficile par la lenteur des réponses des autorités de plusieurs pays membres et observateurs du Conseil de l’Europe à des demandes d’assistance judiciaire de la part d’EULEX 15 . Au vu de la gravité des faits allégués – trafic d’organes humains! – ces retards sont incompréhensibles et intolérables. Rappelons que cette enquête a conduit à l'arrestation, en novembre 2008, d’un certain nombre de personnes impliquées. Des mandats d’arrêts ont été diffusés contre d’autres personnes suspectées actuellement en fuite16 . Cette enquête démontre également l’existence d’infrastructures et de réseaux criminels, impliquant aussi des médecins, agissant dans la région dans le cadre d’un trafic international d’organes humains, malgré la présence de forces internationales. Nous verrons que des éléments suffisamment sérieux et concrets subsistent pour affirmer que ce trafic existait déjà avant l’affaire Medicus et que certains responsables et associés de l’UÇK n’y ont pas été étrangers. En tout cas, le doute est tel, qu’on ne saurait tolérer qu’une enquête sérieuse, indépendante et complète ne soit finalement pas diligentée. 21. La reconstruction des événements pendant la période tourmentée et chaotique de 1999 à 2000 au Kosovo est, on l’a vu, extrêmement difficile. Il y a eu, et il y a toujours, à l’exception de quelques enquêteurs d’EULEX, un manque de volonté d’établir la vérité et les responsabilités de ce qui s’est passé pendant ce laps de temps. Le faisceau d’indices existant contre certains hauts responsables de l’UÇK explique en grande partie ces réticences. Il y a des témoins de ces événements qui ont été éliminés, d’autres sont terrorisés par le simple fait d’être interpellés sur ces événements. Ils n’ont absolument pas confiance dans les mesures de protection qu’on pourrait leur accorder. Avec certains interlocuteurs nous avons dû prendre des précautions très rigoureuses pour leur assurer l’anonymat le plus complet. Nous les avons cependant jugés dignes de foi et avons pu constater que leurs déclarations étaient confirmées par des éléments objectivement vérifiables. Notre but n’était toutefois pas de conduire une enquête criminelle. Nous prétendons cependant avoir recueilli des éléments suffisamment importants pour exiger avec force que les instances internationales et les Etats concernés mettent finalement tout en œuvre pour que la vérité soit établie et les responsables clairement identifiés et appelés à rendre compte de leurs actes. Les indices de collusion entre criminalité et personnes revêtant des responsabilités politiques et des fonctions institutionnelles sont trop nombreux et trop sérieux pour être ignorés. C’est un droit fondamental des citoyens kosovars de connaître la vérité, toute la vérité; c’est également une condition indispensable pour une réconciliation entre les communautés et un avenir prospère du pays. 22. Avant d’entrer plus dans le détail de nos recherches, qu’il me soit permis de remercier tous ceux et toutes celles qui m’ont aidé dans ce travail aussi difficile que délicat. Tout d’abord le secrétariat de la commission, assisté par un expert externe, les autorités des Etats visités, ainsi que des journalistes d'investigation compétents et courageux qui ont partagé certaines informations avec nous. Un remerciement particulier aux personnes qui ont eu confiance dans notre professionnalisme, notamment dans notre devoir de protéger leur identité pour ne pas les mettre en danger. 2.

Commentaire liminaire sur les sources

23. Au cours de notre enquête, nous avons recueilli des témoignages et des documents provenant de plusieurs douzaines de sources principales, parmi lesquelles figurent les combattants et auxiliaires des diverses factions armées qui ont pris part aux hostilités au Kosovo; les victimes directes d'actes de violence commis au Kosovo et dans les territoires voisins; les membres des familles de personnes disparues ou décédées; les actuels et anciens représentants des institutions judiciaires internationales ayant à connaître des événements au Kosovo [à commencer par la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK), la mission européenne de police et de justice au Kosovo (EULEX) et le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY)]; les représentants des systèmes judiciaires nationaux, dont les procureurs compétents pour les faits en rapport avec le Kosovo [les services du procureur chargé des crimes de guerre de Belgrade; le procureur général de Tirana; les procureurs, fonctionnaires de police et agents de la sécurité publique de Pristina et de trois Etats voisins]; les agences humanitaires [dont le Comité international de la Croix-Rouge) 17 et la Commission internationale pour les personnes disparues (ICMP)]; enfin, divers membres de la société civile et des instances de protection des droits de l'homme, qui ont enquêté sur les événements survenus au Kosovo pendant la période qui nous intéresse et en ont rendu compte [y compris le Centre de droit humanitaire]. 24. Nous nous sommes bien entendus attachés, chaque fois que cela s'avérait possible, à recueillir nous-mêmes directement ces témoignages, soit à l'occasion de réunions officielles, soit par des entretiens confidentiels, au cours des visites effectuées à Pristina, Tirana, Belgrade et dans d'autres régions des Balkans. Toutefois, certaines sources qui nous ont fourni ces témoignages n'ont pas été en mesure de nous rencontrer en personne pour diverses raisons, au nombre desquelles figurent leur «disparition» pour des raisons de sécurité, leur transfert à l'étranger et les contraintes du programme officiel des réunions prévues au cours de notre mission dans la région. 25. Nous avons, en outre, rencontré les mêmes difficultés à obtenir des témoignages dignes de foi au sujet des allégations de crimes commis par les Kosovars albanais que les autres instances d'enquête au cours des dix dernières années. Le sentiment viscéral de loyauté à l'égard du clan et le sens de l'honneur, que le rapport d’expertise présenté au TPIY lors du délibéré de l’affaire Limaj et al.18 a peut-être le mieux cernés, nous interdisaient tout accès à la plupart des témoins de l'ethnie albanaise. Compte tenu du fait que deux actions en justice importantes engagées par le TPIY avaient entraîné la mort d'un si grand nombre de témoins, ce qui avait finalement empêché que la justice soit rendue 19 , il

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était très peu probable qu'un rapporteur de l'Assemblée, dont les moyens étaient en comparaison bien dérisoires, parvienne à obtenir de ces témoins qu'ils s'adressent directement à nous. 26. Bon nombre de personnes qui ont travaillé pendant des années au Kosovo, et qui font partie des observateurs les plus respectés dans le domaine de la justice dans la région, nous ont indiqué que les réseaux albanais de la criminalité organisée («la mafia albanaise») implantés en Albanie, dans les pays voisins, notamment au Kosovo et dans «l'ex-République yougoslave de Macédoine», ainsi qu'au sein de la diaspora albanaise, étaient probablement plus difficiles à infiltrer que la Mafia italienne; les simples exécutants situés au bas de l'échelle hiérarchique de ces réseaux préféreraient séjourner quelques dizaines d'années en prison ou être condamnés pour entrave à la justice que de livrer un membre de leur clan. 27. Nous avons donc été contraints, mais uniquement lorsque cela s'imposait, de nous fonder sur les enregistrements audio et vidéo d'entretiens dans lesquels des sources essentielles étaient interrogées par d'autres personnes que nous. Dans ce cas, nous avons fait tout notre possible pour établir l'identité, l'authenticité et la crédibilité de ces sources; nous avons comparé leurs témoignages aux informations recueillies auprès de sources distinctes et indépendantes, dont elles n’avaient pu avoir aucune connaissance; enfin, nous avons obtenu directement de la part des personnes qui ont mené les entretiens des renseignements sur les circonstances et les conditions dans lesquelles ces entretiens ont eu lieu. 28. Ces entretiens ont été menés par des représentants des services répressifs de divers pays, des chercheurs et universitaires et des journalistes d'investigation d’une réputation et d’une fiabilité reconnues. Nous avons systématiquement veillé à corroborer ces témoignages. 3.

Résultats détaillés de nos recherches 3.1.

Une vue d’ensemble

29. La vue d’ensemble qui ressort de notre enquête diffère considérablement, à plusieurs égards, du tableau que l’on brosse habituellement du conflit du Kosovo. De fait, malgré l'intensité indéniable de la lutte menée pour le destin du territoire du Kosovo, les factions ennemies se sont très rarement heurtées en combats armés le long d'une quelconque ligne de front. 30. Les violences odieuses commises par les soldats et les forces de police serbes, qui tentaient de soumettre, puis d'expulser la population albanaise du Kosovo, sont de notoriété publique et parfaitement établies. 31. L'importance des éléments de preuve que nous avons découverts tient peut-être surtout au fait qu'ils sont souvent en contradiction avec l'image racoleuse de l’Armée de Libération du Kosovo, présentée comme une armée de guérilleros qui se sont vaillamment battus pour défendre le droit de leurs compatriotes à vivre sur le territoire du Kosovo. 32. S’il est indéniable que de nombreux soldats courageux, prêts à aller au combat, à faire face à l'adversité et, si nécessaire, à mourir pour la cause d'une patrie kosovare albanaise indépendante étaient présents dans les rangs de l’UÇK, ceux-ci ne constituaient pas nécessairement la majorité. 33. D'après les témoignages que nous sommes parvenus à recueillir, la politique et la stratégie adoptées par certains dirigeants de l’UÇK allaient bien au-delà de la simple ambition de vaincre les oppresseurs serbes. 34. D'une part, la direction de l’UÇK a cherché à obtenir la reconnaissance et le soutien de partenaires étrangers, parmi lesquels figurait notamment le gouvernement des Etats-Unis. A cette fin, les «porte-parole» de l'UÇK, qui entretenaient d'excellents contacts sur la scène internationale, devaient donner un certain nombre d'assurances à leurs partenaires et contributeurs et/ou prendre des engagements précis qui conditionnaient de fait l'obtention du soutien de l'étranger. 35. D'autre part, un certain nombre d'officiers supérieurs de l’UÇK n’auraient pas manqué de tirer profit de la guerre, notamment sous forme d’avantages matériels et personnels pour eux-mêmes. Leur objectif aurait été de s'arroger ou d'assurer aux membres de leur famille ou de leur clan un certain nombre de ressources, par exemple grâce à l'exercice de fonctions politiques ou d'activités dans des domaines lucratifs comme le secteur pétrolier, le bâtiment et l'immobilier. Il s'agissait pour eux de réparer ce qu'ils considéraient comme une injustice dont avait été victime la population albanaise de l'ancienne Yougoslavie. Un grand nombre d'entre eux se seraient employés à profiter au mieux du pouvoir dont ils disposaient pendant le temps où certaines zones de non-droit étaient placées sous leur autorité opérationnelle (comme dans certaines parties du Kosovo méridional et occidental) et à user de leur influence, surtout en termes de ressources financières, pour s’implanter dans d'autres pays (par exemple en Albanie). 36. En réalité, les principales activités opérationnelles des membres de l’UÇK avant, pendant et immédiatement après le conflit étaient menées sur le territoire albanais, où les forces de sécurité serbes n’étaient jamais déployées. 3.2.

Factionnalisme de l’UÇK et liens avec le crime organisé

37. Pendant plus de deux ans après sa première apparition en 1996, l’UÇK, était considérée par les observateurs occidentaux comme un groupe marginal et désorganisé d'insurgés, dont les attaques lancées contre l'Etat yougoslave s'apparentaient à des actes de «terrorisme». 38.

Nos sources proches de l’UÇK ainsi que des témoignages de membres de l’UÇK faits prisonniers

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par la police serbe confirment que les principales bases de l’UÇK où se rassemblaient ses recrues se trouvaient dans le nord de l'Albanie. 39. Il est parfaitement établi que les armes et les munitions étaient acheminées en contrebande dans diverses régions du Kosovo, souvent à dos de cheval et depuis le nord de l'Albanie, par des routes de montagne empruntées clandestinement. Selon la police serbe, il s'agissait d'incursions criminelles effectuées par des malfaiteurs qui prévoyaient de commettre des actes terroristes contre les forces de sécurité serbes. Les Kosovars albanais et les ressortissants albanais qui prenaient part à ces opérations de contrebande les présentaient en revanche comme des actes héroïques de résistance à l'oppression serbe. 40. Le renforcement de la capacité de combat et de la crédibilité de l’UÇK auprès de la population albanaise du Kosovo semble avoir suivi, surtout au cours de l'année 1998, une trajectoire comparable à l'escalade des brutalités commises par l'armée et la police serbes. 41. Ce n'est pourtant qu'au deuxième semestre de 1998 que l’UÇK est parvenue à s’imposer dans l’esprit de la communauté internationale, grâce au soutien explicite des puissances occidentales basé sur le «lobbying» des Etats-Unis, comme le fer de lance de la lutte menée par les Kosovars albanais pour la libération du Kosovo. 42. Le fait d'apparaître comme un acteur de premier plan était indispensable pour l’UÇK, et était son atout le plus précieux. C'est en effet ce qui a incité les donateurs les plus fortunés de la diaspora albanaise à faire parvenir des fonds considérables à l’UÇK. Cette image a également conféré à chaque représentant de l’UÇK une autorité accrue, qui lui permettait de parler et d'agir au nom de l'ensemble des Albanais du Kosovo, tandis que les personnalités de premier plan de l’UÇK apparaissaient comme les probables détenteurs du pouvoir dans le Kosovo de l'après-guerre. 43. Ce rôle prééminent apparent de l’UÇK, dû en grande partie aux Américains, était en fait prévisible et a représenté le socle sur lequel l’UÇK s’est appuyée pour parvenir à prendre l'ascendant sur les autres forces politiques albanaises du Kosovo qui briguaient le pouvoir, comme la Ligue démocratique du Kosovo (LDK) d'Ibrahim Rugova et le «gouvernement en exil» de Bujar Bukoshi. 44. D'après les sources dont nous disposons au sein de l’UÇK, cette dernière a consacré autant d'énergie et, semble-t-il, une part plus importante de ses ressources et de son capital politique à conserver l'avantage sur ses factions rivales de l'ethnie albanaise qu’au lancement d'actions militaires coordonnées contre les Serbes. 45. En parallèle, il convient de rappeler, pour le souligner, que l’Armée de libération du Kosovo ne formait pas une faction unique et unie de combattants à la manière d'une armée conventionnelle. Elle ne comptait aucun chef suprême ou «commandant-en-chef» officiellement désigné dont l'autorité était universellement reconnue par les autres commandants et dont les ordres étaient suivis par l'ensemble des hommes de troupe. 46. Au contraire, alors que la lutte pour le pouvoir dans le futur Kosovo évoluait et que la généralisation du conflit approchait, un factionnalisme interne profondément enraciné divisait l’UÇK. 47. Les ambitions politiques contraires des personnalités les plus influentes de l’UÇK et des candidats à sa direction, ainsi qu'une conception disparate des paramètres admissibles de la résistance armée, constituaient autant de sources importantes de division. 48.

Plusieurs «groupuscules» différents de l’UÇK ont ainsi fait leur apparition en 1998 et

1999, notamment après la mort du célèbre commandant paysan de l’UÇK, Adem Jashari 20 . 49. Chacun de ces groupuscules était dirigé par l’un des membres fondateurs autoproclamés de l’UÇK et comptait un noyau fidèle de recrues et de partisans, souvent issus de quelques clans ou familles étroitement liés et/ou qui se concentraient sur une zone géographique donnée du Kosovo. Chaque groupe considérait son chef comme le plus à même de diriger la lutte de l’UÇK contre les Serbes et, par extension, d’obtenir l'autodétermination des Albanais du Kosovo, tout en coopérant par opportunisme avec les autres commandants de l’UÇK. 50. Les membres et les dirigeants de ces groupuscules, ainsi que la popularité dont jouissait déjà auparavant le LDK, ont manifestement perduré au-delà du conflit et, pour l'essentiel, façonné le paysage politique du Kosovo de l'après-guerre 21 . 51. Au cours des dix dernières années, les anciens principaux commandants de l’UÇK se sont partagés l'exercice des plus hautes fonctions dirigeantes du Kosovo; dans la plupart des campagnes électorales, les candidats se sont affrontés en faisant valoir leur participation respective à la lutte pour la libération et leur capacité à défendre les intérêts de la population albanaise du Kosovo contre ses adversaires connus et inconnus. 52. Il a été établi que ces divers «groupuscules» de l’UÇK ont développé et maintenu leurs propres structures de renseignement, qui leur apparaissaient comme un moyen parmi d'autres d'assurer leur pérennité. Les plus fervents partisans de la poursuite de facto de cette forme de lutte de l’UÇK ont utilisé tous les moyens dont ils disposaient, en se situant indéniablement à la limite de la légalité, pour surveiller et bien souvent chercher à saboter l'action de leurs opposants et de ceux qui pouvaient nuire à leurs intérêts politiques ou économiques22 . 53.

Nous avons par ailleurs constaté 23 que les structures des unités de l’UÇK étaient en grande

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partie modelées sur la hiérarchie, les allégeances et le code de l'honneur des clans ou des familles élargies de l'ethnie albanaise, qui forment un ensemble de préceptes connus sous le nom de kanoun dans les régions du Kosovo dont sont issus leurs commandants. 54. A partir des analyses que nous ont communiquées plusieurs missions internationales de contrôle, et qui ont été corroborées par les sources dont nous disposons auprès des forces de l'ordre européennes et d'anciens combattants de l’UÇK, nous avons constaté que les principales unités de l’UÇK et leurs zones de commandement opérationnel respectives étaient la copie presque conforme des structures qui contrôlaient les diverses formes de criminalité organisée dans les territoires où opérait l’UÇK. 55. Plus simplement, pour comprendre qui dirigeait les divers trafics ou activités de contrebande qui étaient florissants dans la région, il suffisait de déterminer quelle chapelle ou mouvance de commandants et d'affidés de l’UÇK était responsable d'une zone opérationnelle précise de l’UÇK au Kosovo ou dans certaines régions d’Albanie. 56. Nous avons fait un autre constat des plus pertinents pour notre enquête: un noyau restreint mais incroyablement puissant de personnalités de l’UÇK aurait pris le contrôle, au plus tard à partir de 1998, de la majeure partie des activités criminelles illicites auxquelles les Albanais du Kosovo ont participé en République d’Albanie. 57.

Ce groupe de personnalités de premier plan de l’UÇK s'est lui-même baptisé le «Groupe de Drenica», un nom qui évoque ses liens avec la vallée de Drenica au Kosovo 24 , noyau traditionnel de la résistance des membres de l'ethnie albanaise à l'oppression serbe à l'époque de Milosevic et lieu de naissance de l’UÇK. 58. Nous avons constaté que le chef de ce «Groupe de Drenica» ou, pour employer la terminologie propre aux réseaux de la criminalité organisée, son «parrain», n'était autre qu’un acteur réputé de la vie politique locale et peut-être la personnalité de l’UÇK la plus reconnue sur la scène internationale, Hashim Thaçi25 . 59. Thaçi peut être considéré comme l’artisan de l’accession de l’UÇK à un statut d’acteur de premier plan dans la période qui a précédé les négociations de Rambouillet, aussi bien sur le terrain au Kosovo qu’à l'étranger. Il a également beaucoup contribué à l'apparition du profond factionnalisme interne qui caractérisait l’UÇK tout au long des années 1998 et 1999. 60.

D'une part, Thaçi doit sans aucun doute son ascension personnelle au soutien politique et diplomatique26 des États-Unis et d'autres puissances occidentales, qui le considéraient comme le partenaire local favori de leur projet de politique étrangère pour le Kosovo. Cette forme de soutien politique lui aurait notamment donné le sentiment d'être «intouchable» et lui a conféré une stature inégalée de futur dirigeant plausible du Kosovo de l'après-guerre. 61. D'autre part, d'après les comptes rendus parfaitement documentés des services de renseignements que nous avons examinés en profondeur et qui ont été corroborés par les entretiens que nous avons eus au cours de notre enquête, le «Groupe de Drenica» dirigé par Thaçi a renforcé dans des proportions phénoménales son assise dans les activités criminelles organisées, à l'époque florissantes au Kosovo et en Albanie. 62. Thaçi aurait, dans ce domaine, agi avec le soutien et la complicité non seulement des structures de gouvernance officielles de l'Albanie, et notamment du gouvernement socialiste au pouvoir à ce moment-là, mais également des services secrets albanais et de la redoutable mafia albanaise. 63. De nombreux commandants de l’UÇK restèrent en territoire albanais, certains opérant même de la capitale, Tirana, pendant toute la période d’hostilités et au-delà. 64. Au cours de la période des bombardements effectués par l'OTAN, qui durèrent plusieurs semaines, l'équilibre des pouvoirs au Kosovo fut sans doute modifié essentiellement par l'afflux dans la région de ressortissants étrangers venus officiellement et officieusement soutenir la cause de l’UÇK. Ce soutien étranger, qui parvenait difficilement à pénétrer au Kosovo, transita principalement par l'Albanie. 65. Plusieurs hauts dignitaires de l’UÇK, encouragés par le refuge qui leur était accordé, tacitement, par des autorités albanaises favorables à leur cause, persuadés également qu'il était plus pratique pour eux de poursuivre leurs activités sur un terrain qui leur était familier, auraient mis en place leur propre système de racket en échange de leur protection dans les zones en Albanie dominées par les membres de leur clan ou dans lesquelles ils trouvèrent un terrain d'entente avec la criminalité organisée qui y était implantée et se livrait à des activités telles que la traite des êtres humains, la vente de véhicules volés et le commerce du sexe. 66. Les services chargés de la lutte contre le trafic de drogue de cinq pays au moins précisent, dans des rapports confidentiels qui s'étendent sur plus de dix ans, que le commerce de l'héroïne et d'autres narcotiques était contrôlé de façon violente par Hashim Thaçi et d'autres membres du «Groupe de Drenica» 27 . 67.

De même, les analystes des services de renseignement de l'OTAN, ainsi que ceux de quatre

gouvernements étrangers indépendants au moins 28 , on fait un constat irréfutable en recueillant des informations sur la période qui a immédiatement suivi le conflit de 1999. Thaçi était habituellement défini et désigné dans les rapports des services secrets comme le plus dangereux des «parrains de la pègre» de l’UÇK29 .

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68. Nous avons eu des indications au cours de nos recherches que plusieurs autres membres connus du «Groupe de Drenica» ont été les complices essentiels de divers types d'activités criminelles. Parmi ceux-ci figurent Xhavit Haliti, Kadri Veseli, Azem Syla et Fatmir Limaj. Chacun d'entre eux a fait l'objet, au cours des dix dernières années, de plusieurs enquêtes suite aux soupçons de crimes de guerre ou d'association de malfaiteurs qui pesaient sur eux, y compris pour d'importantes affaires dont les procureurs de la MINUK, du TPIY 30 et d’EULEX étaient saisis. A ce jour cependant, ils ont tous échappé à toute justice effective. 69. Tout laisse croire que ces individus auraient été condamnés pour crimes graves et purgeraient aujourd'hui de longues peines d'emprisonnement si leur impunité n'avait été assurée par deux facteurs choquants: en premier lieu, ils semblent être parvenus à éliminer ou à réduire au silence par intimidation la majeure partie des témoins à charge éventuels ou avérés (aussi bien leurs ennemis que d'anciens alliés), en usant de violences, de menaces, de chantage et de racket de protection; deuxièmement, il y a eu un manque de volonté politique de la communauté internationale de s’attaquer sérieusement aux anciens chefs de l’UCK. Ceci semble avoir permis à Thaçi – et par extension aux autres membres du «Groupe de Drenica» – de profiter de leur position et d'accumuler des fortunes personnelles sans rapport avec leurs activités déclarées. 70. Thaçi et ces autres membres du «Groupe de Drenica» sont constamment qualifiés «d'acteurs clés» dans les rapports des services de renseignement consacrés aux structures de type mafieux de la criminalité organisée du Kosovo 31 . J'ai examiné ces divers rapports volumineux avec une consternation mêlée d'un sentiment d'indignation morale. 71. Il est particulièrement déconcertant de constater que l'ensemble de la communauté internationale au Kosovo – depuis les gouvernements des États-Unis et des autres puissances occidentales alliées, jusqu'aux autorités judiciaires qui exercent leurs activités sous la tutelle de l'Union européenne – possède sans doute les mêmes informations accablantes sur toute l'étendue des crimes commis par le «Groupe de Drenica» 32 , mais qu'aucune d'elles ne semble prête à réagir face à une telle situation et à en poursuivre les responsables. 72. Les sources directes dont nous disposons indiquent de manière crédible que Haliti, Veseli, Syla et Limaj, ainsi que Thaçi et les autres membres du cercle de ses proches collaborateurs, auraient ordonné, et parfois personnellement veillé au bon déroulement d'un certain nombre d'assassinats, de détentions, d'agressions et d'interrogatoires dans diverses régions du Kosovo et notamment, ce qui nous intéresse tout particulièrement, à l'occasion d'opérations menées par l’UÇK sur le territoire albanais, entre 1998 et 2000. 73.

Les membres du «Groupe de Drenica» auraient également pris le contrôle des fonds substantiels

mis à la disposition de l’UÇK pour financer l’effort de guerre 33 . Ce groupe aurait passé avec les réseaux internationaux bien établis de la criminalité organisée plusieurs accords qui lui auraient permis de s'étendre et de se diversifier dans de nouveaux domaines d’activités, tout en lui ouvrant de nouvelles voies de contrebande vers d’autres pays d'Europe. 74. Plus précisément, d'après nos observations, la responsabilité première de deux séries de crimes non reconnus et évoqués dans le présent rapport semble incomber aux dirigeants du «Groupe de Drenica»: la gestion du réseau ad hoc de centres de détention de l’UÇK sur le territoire albanais 34 et la fixation du sort des prisonniers détenus dans ces établissements, et notamment des nombreux civils enlevés au Kosovo et conduits, au-delà de la frontière, en Albanie. 75. Lorsque nous avons cherché à comprendre comment ces actes criminels avaient pu atteindre un degré d'inhumanité supplémentaire, c'est-à-dire aller jusqu'au prélèvement forcé d'organes humains pour en faire le trafic, nous avons identifié une autre personnalité de l’UÇK qui semble faire partie des acteurs de premier plan complices de ces méfaits: Shaip Muja. 76. La biographie personnelle de Shaip Muja dans la lutte menée pour la libération des Albanais du Kosovo ressemble, jusqu'à un certain point, à celle des autres membres du «Groupe de Drenica», dont Hashim Thaçi lui-même: militant étudiant au début des années 90 35 , il devient l'un des membres du groupe d'élite des «coordinateurs» de l’UÇK établi en Albanie 36 , puis membre du gouvernement provisoire du Kosovo et commandant en chef du Corps de protection du Kosovo (KPC)37 ; après s’être mué en responsable politique civil du Parti démocratique du Kosovo (PDK), il exerce finalement des fonctions influentes auprès des autorités actuelles du Kosovo 38 . 77. L’activité exercée par Muja dans le secteur médical est le fil conducteur de l'ensemble de ses fonctions. Nous ne prenons pas à la légère le fait qu'il se présente et qu'il est considéré dans de nombreux milieux comme le «Dr Shaip Muja», médecin et chirurgien, mais également, prétendument praticien humanitaire et adepte du progrès39 . 78. Nous avons découvert de nombreux indices convergents du rôle capital joué pendant plus de dix ans par Muja dans des réseaux internationaux nettement moins louables, comme ceux des trafiquants d'êtres humains, des courtiers d'actes chirurgicaux illicites et d'autres acteurs de la criminalité organisée. 79. Ces indices et éléments de preuve nous ont fait soupçonner que Muja a pu, en grande partie grâce à la carrière médicale apparemment irréprochable qu’il continuait à mener en parallèle, nouer des contacts, se dissimuler derrière ses fonctions de couverture et jouir d'une parfaite impunité pour exercer des activités criminelles organisées. On peut ici établir une analogie avec la manière dont Thaçi et les autres membres du «Groupe de Drenica» ont tiré parti des fonctions publiques qu'ils exerçaient, bien http://assembly.coe.int/Mainf.asp?link=/Documents/WorkingDocs/Doc11/FDOC12462.htm

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souvent dans le cadre de la diplomatie internationale. La seule différence, pour Muja, tient au fait que son rôle au sein de la criminalité organisée est à peine connu en dehors des réseaux criminels avec lesquels il a été en affaire et des quelques enquêteurs qui les ont traqués. 80. D'après les témoignages recueillis auprès de celles de nos sources qui ont participé aux opérations de l’UÇK en Albanie, ainsi qu'auprès d'autres compatriotes de Shaip Muja présents au sein de l'armée et des milieux politiques et qui le connaissent intimement, ce dernier serait parvenu à acquérir et à conserver une influence occulte dans les affaires de l’UÇK, au cours de cette période décisive de la fin des années 90 durant laquelle elle a obtenu le soutien de la communauté internationale. 81. Au cours des hostilités qui ont secoué le nord de l'Albanie et le long de la frontière du Kosovo et qui ont coïncidé avec l'intervention de l'OTAN en 1999, Muja, comme la plupart des autres commandants de l’UÇK, serait resté en retrait de la ligne de front, en maintenant la base de commandement opérationnel de l’UÇK à Tirana. 82. Muja, Haliti et Veseli auraient notamment recherché des moyens innovants pour utiliser et investir les millions de dollars du «fonds de guerre» constitué par les dons versés à l'étranger pour la cause de l’UÇK. Muja et Veseli auraient par ailleurs entrepris, pour le compte du «Groupe de Drenica», de nouer des contacts avec des sociétés étrangères militaires et de sécurité 40 . 83. Il nous semble particulièrement intéressant de relever que Thaçi et son «Groupe de Drenica» ont tiré parti de deux évolutions majeures de la situation après le 12 juin 1999. 84. Premièrement, le retrait des forces de sécurité serbes du Kosovo a permis à divers groupuscules de l’UÇK, dont le «Groupe de Drenica» de Thaçi, de prendre effectivement le contrôle, sans aucune entrave, d'un espace territorial élargi dans lequel ils pouvaient exercer divers trafics et activités de contrebande. 85. Après les bombardements de l'OTAN en 1999, la KFOR et la MINUK étaient incapables d'assurer, au Kosovo, le respect de la loi et le contrôle des mouvements de population ou des frontières. Les diverses factions de l’UÇK et les groupes dissidents qui contrôlaient des zones distinctes du Kosovo (villages, tronçons de route, parfois même certains bâtiments) étaient en mesure de se livrer à des entreprises de criminalité organisée pratiquement à leur guise, y compris en disposant des trophées de la victoire qu'ils semblaient avoir remportée sur les Serbes. 86. Deuxièmement, le pouvoir politique renforcé acquis par Thaçi (lorsqu'il s'est autoproclamé Premier ministre du gouvernement provisoire du Kosovo) semble avoir donné au «Groupe de Drenica» la détermination d'éliminer d'autant plus agressivement ceux qu'il considérait comme des rivaux, des traîtres et des personnes soupçonnées d'avoir «collaboré» avec les Serbes. 87. Selon nos sources, le lourd tribut de victimes payé par la population albanaise du Kosovo, en particulier en 1998 et début 1999, avant et durant l'intervention de l'OTAN, avait exaspéré le commandement et les militants de l’UÇK en Albanie. Lorsque la police serbe et les forces paramilitaires se retirèrent en juin 1999, les unités de l'UÇK stationnées au nord de l'Albanie se déployèrent au Kosovo avec l'objectif proclamé de «sécuriser le territoire», mais également mues par un irrépressible sentiment de colère et, il faut bien le dire, de vengeance à l'égard de tous ceux qu'elles soupçonnaient d'avoir participé à l'oppression des populations de l'ethnie albanaise. 88. Les habitants serbes des localités majoritairement albanaises devinrent rapidement la cible de représailles, au même titre que toute personne soupçonnée – ne fût-ce que sur la foi d'accusations sans fondement proférées par les membres d'un clan rival ou dans le cadre d'une ancienne vendetta – d'avoir «collaboré» avec l'administration serbe ou travaillé pour le compte de celle-ci. Les hommes de troupe de l’UÇK reçurent l’ordre d’établir, dans le cadre d’une campagne d’intimidation menée en porte-à-porte, la liste des noms de ceux qui avaient travaillé pour les autorités évincées de l’ex-Yougoslavie (quelle qu’ait été l’importance de leurs fonctions administratives) ou dont les parents ou partenaires avaient exercé de telles fonctions. Un grand nombre de membres de l'ethnie albanaise, ainsi que des minorités rom et autres, se sont ainsi retrouvés classés dans la catégorie de ces «collaborateurs» supposés. 89. Au vu de ces éléments, nous sommes parvenus à la conclusion que les violences commises par les membres et les auxiliaires de l’UÇK en Albanie vont bien au-delà de simples aberrations qui auraient été l'œuvre d'éléments hors-la-loi ou rebelles d'une force de combat par ailleurs disciplinée. Nous estimons au contraire que ces violences étaient suffisamment généralisées pour correspondre à un mode d'action systématique. 90. Bien que certains actes témoignent de la brutalité ou du mépris particuliers dont leurs auteurs ont fait preuve à l’égard des victimes, nous avons constaté que, de manière générale, ces violences semblent avoir été coordonnées et couvertes par une stratégie globale, préméditée et évolutive, décidée par les dirigeants du «Groupe de Drenica». 91. Dans l'ensemble, ces violences sont symptomatiques du rôle de premier plan joué par la criminalité organisée au sein de la faction interne dominante de l’UÇK. Tenir des personnes captives dans des lieux de détention improvisés, hors de la connaissance ou de la portée de toute autorité, et contraindre au silence toute personne ayant appris la vraie nature des activités illégales des geôliers fait partie de la méthodologie bien connue de la plupart des structures mafieuses – et le «Groupe de Drenica» n’était nullement différent. 92. Le «Groupe de Drenica» lui-même semble avoir évolué: ayant fait partie, au début, d’une force armée – l’UÇK, ostensiblement engagée dans une guerre de libération, il se serait mu en bande surpuissante d’entrepreneurs criminels (ayant l’intention de prendre le contrôle du futur Etat). En

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parallèle, nous avons également détecté une transformation des activités des membres du Groupe dans un domaine particulier: les lieux de détention et le traitement inhumain des détenus. 3.3. Les lieux de détention et le traitement inhumain des détenus 93. Au cours de nos recherches, nous avons recensé six établissements distincts au moins sur le territoire albanais, situés dans une zone qui s'étendait de Cahan, au pied du Mont Pashtrik, dans la partie la plus septentrionale de l'Albanie, jusqu'à la route côtière de Durres, le long du littoral méditerranéen de l'Albanie occidentale. 94. L’UÇK n'a certes pas eu la maîtrise complète et permanente de ce territoire pendant la période qui nous intéresse, mais cela vaut aussi pour n'importe quel autre service ou entité qui aurait pu vouloir ou être en mesure d’y faire respecter la loi. 95. Cette absence du maintien de l’ordre public témoignait d'ailleurs de l’incapacité de la police et des services de renseignement albanais de réprimer le banditisme mafieux, organisé et alimenté par certaines unités de l’UÇK qui s'étaient établies au nord et au centre de l'Albanie et à mettre un terme à leur impunité. Les dirigeants régionaux de l’UÇK faisaient, en effet, régner leur propre loi dans la zone placée sous leur contrôle respectif. 96. Les lieux de détention sur lesquels nous avons reçu des témoignages directs de nos sources, corroborés par des éléments réunis par des journalistes d’investigation (certains datant de dix ans ou plus), et plus récemment par les efforts des enquêteurs et procureurs d’EULEX incluent Cahan, Kukës, (proximité de) Bicaj, Burre, Rripe (un village au sud-ouest de Burrel dans le district de Mat), Durres et, peut-être le plus important de tous dans le cadre de notre mandat spécifique, Fushë-Krujë. 97. Au cours de nos recherches, nous avons pu nous rendre sur le site de deux de ces établissements de l’UÇK en Albanie, sans toutefois parvenir à y pénétrer. De plus, pour quatre autres établissements au moins dont nous connaissons l'existence, nous avons directement recueilli le témoignage de multiples personnes qui, nous en avons eu la confirmation, s'étaient rendues dans l'un d’eux, voire dans plusieurs d'entre eux personnellement, soit lorsqu'ils étaient utilisés par l’UÇK, soit à l'occasion de missions de contrôle effectuées depuis. 98. Le recours à ces installations ne se faisait pas de manière indépendante ou autonome: elles étaient plutôt une composante de ce même réseau coordonné placé sous l'autorité et la surveillance de certains hauts commandants de l’UÇK. Le dénominateur commun de tous ces lieux était le fait que des civils y étaient détenus, en territoire albanais, aux mains de membres et associés de l’UÇK. 99. La carte graphique incluse dans ce rapport montre les endroits où, selon nos informations, existaient des lieux de détention, et les routes de transport qui les ont reliés. 100. Il y avait néanmoins des différences considérables quant à la période et aux objectifs de l’utilisation de chacun de ces lieux de détention. Il est clair que chaque lieu de détention avait son propre «profil opérationnel», par rapport notamment à la manière dont des relations ont été formées pour permettre que des détentions et des activités annexes puissent y avoir lieu; la nature et la composition des groupes de détenus; les modalités d’acheminement des détenus; et le sort qui attendait les détenus pendant et après leurs périodes de détention respectives. 101. Nous allons commencer par une description générale des détentions par l’UÇK en temps de guerre (certaines semblent avoir dépassé le seuil de crimes de guerre), et des détentions après la fin du conflit par des membres et des associés de l’UÇK (qui semblent constituer des activités relevant du crime organisé). Par la suite, nous examinerons de plus près ce qui s’est passé dans chacun des lieux de détention sur le territoire de l’Albanie. 3.3.1. Détentions par l’UÇK en temps de guerre – La première catégorie de prisonniers: les «prisonniers de guerre» 102. Entre les mois d’avril et juin 1999, des détentions de personnes par l’UÇK en territoire albanais étaient visiblement basées sur les impératifs stratégiques, selon ses protagonistes, de la conduite d’une guérilla. 103. Pendant la guerre et la période des mouvements de masse de réfugiés vers l’Albanie, la politique suivie par l’UÇK aurait impliqué de soumettre à un «interrogatoire» toute personne soupçonnée d'avoir eu connaissance de quelque façon que ce soit des actes des autorités serbes, et notamment tous ceux qui étaient soupçonnés d’être des «collaborateurs». 104. Cette politique aurait été vigoureusement appliquée en territoire albanais par de puissants éléments des services nationaux de renseignement, parmi lesquels le SHIK (devenu le SHISH) et les services de renseignement de l'armée, dont certains membres auraient même participé aux interrogatoires. Le véritable inspirateur de cette politique aurait été Kadri Veseli (alias Luli), un personnage-clé du «Groupe de Drenica». 105. Les lieux de détentions dans lesquels ces «interrogatoires» auraient eu lieu – notamment ceux plus proche de la frontière avec le Kosovo – étaient en même temps des «bases» ou «camps» militaires – des lieux d’entraînement à partir desquels des combattants étaient envoyés au front ou fournis en armements et munitions. Il s’agissait de propriétés commerciales désaffectées ou appropriées à cette fin (y compris un hôtel et une usine) dans d’importantes villes provinciales ou dans leurs environs, mis à la disposition de l’UÇK principalement par des sympathisants albanais qui soutenaient la cause patriotique. 106.

Certains de ces camps de temps de guerre servaient en même temps de lieux de détention et à

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d’autres fins, comme au stockage de véhicules, à la dissimulation de matériel militaire lourd, au dépôt de matériel logistique ou de fournitures, comme les uniformes et les armes à feu, à la réparation de véhicules endommagés ou aux soins dispensés aux soldats blessés, voire aux rencontres entre les différents commandants de l’UÇK. 107. Mais, pour la plupart, les prisonniers auraient été détenus à l'écart des opérations qu’on pourrait qualifier de classiques en temps de guerre et, par ailleurs, largement hors de la vue de la majorité des combattants de l’UÇK et des observateurs extérieurs qui auraient pu visiter ses bases. 108. À partir du moment où tous les prisonniers transportés en Albanie par l’UÇK étaient répartis en diverses catégories au sein du groupe général de détenus auquel ils appartenaient, et ce en fonction du destin qui leur était réservé, nous avons tout lieu de croire que la catégorie la moins importante numériquement était celle des «prisonniers de guerre»: ceux qui ont été détenus uniquement pour la durée du conflit au Kosovo, dont certains se sont évadés d'Albanie ou ont été libérés, qui sont rentrés chez eux sains et saufs et sont toujours en vie aujourd'hui.1 109. Nous avons eu connaissance de l'existence de «survivants» dans cette catégorie, qui ont ensuite témoigné des crimes commis par différents commandants de l’UÇK, dans les trois lieux de détention suivants: – Cahan: camp de l’UÇK situé près de la ligne de front du Kosovo, qui a également servi de camp de base pour le déploiement de troupes; – Kukes: ancienne usine métallurgique convertie en centre de l’UÇK destiné à de multiples usages et comportant au moins deux «quartiers cellulaires» réservés à la détention de prisonniers; – Durres: lieu d'interrogatoire de l’UÇK situé à l'arrière de l'hôtel Drenica, état-major et centre de recrutement de l’UÇK. 110. Selon des témoignages directs, étayés par les éléments des actes d'accusation établis par le Parquet spécial de la République du Kosovo, nous estimons à au moins 40 personnes le nombre total des prisonniers détenus par l’UÇK dans un ou plusieurs des trois lieux de détention précités 41 et qui ont survécu à ce jour. 111. Ce sous-groupe comprenait essentiellement des civils appartenant à l'ethnie albanaise, ainsi que des recrues de l’UÇK, soupçonnés d'être des «collaborateurs» ou des traîtres accusés d'espionnage au profit des Serbes ou d'avoir soutenu ou fait partie des rivaux politiques et militaires de l’UÇK, notamment le LDK et les nouvelles Forces armées de la République du Kosovo (FARK)42 . 112. Les personnes qui composaient ce sous-groupe étaient principalement destinées à subir un interrogatoire; plusieurs d'entre elles ont indiqué qu'elles avaient été interrogées brutalement par des agents des services de renseignements albanais et de l’UÇK. Au cours de la période de détention qui suivait et qui pouvait durer de quelques jours à plus d'un mois, la plupart de ces prisonniers étaient battus et maltraités de façon totalement gratuite par leurs geôliers dans le cadre de mesures qui semblent avoir eu pour but de les punir, de les intimider et de les terroriser. 113. Sabit Geqi, Riza Alija (alias le «commandant Hoxhaj») et Xhemshit Krasniqi figurent parmi les commandants de l’UÇK accusés d’avoir dirigé ces lieux de détention. Ces trois hommes ont occupé une place de premier plan dans les précédentes enquêtes ouvertes par la MINUK au sujet des crimes de guerre commis au nord de l'Albanie; ils ont désormais été mis en examen par le Parquet spécial du Kosovo et devraient bientôt être traduits devant le tribunal de première instance du Kosovo 43 ; leurs biens immobiliers ont fait l'objet d'une perquisition complète. 114. Les éléments de preuve réunis à l'occasion de ces procédures semblent indiquer que ces agents de l’UÇK, ainsi que leur commandant régional du nord de l'Albanie, Xheladin Gashi, aujourd'hui décédé, étaient proches du «Groupe de Drenica» dirigé par Hashim Thaçi et agissaient de concert avec Kadri Veseli, notamment. 3.3.1.1. La nature des centres de détention: Cahan 115.

Le camp de Cahan était le plus septentrional des centres de détention mis en place en Albanie par l’UÇK; il était par conséquent plus étroitement concerné par les activités de la ligne de front44 . Nous n'avons trouvé aucune indication du transport de prisonniers depuis Cahan vers d'autres centres de détention situés en Albanie, même si cette possibilité ne peut être exclue. 116. Il semble que plus un lieu de détention se situait loin à l'intérieur du territoire albanais, moins il était directement lié à l'effort de guerre de l’UÇK et plus il était associé avec le milieu de la criminalité organisée. 117. Les personnes qui ont indiqué avoir été détenues et maltraitées à Cahan auraient été principalement appréhendées de manière arbitraire et relativement spontanée, souvent au cours de patrouilles effectuées par l’UÇK à proximité du camp lui-même ou aux divers postes de contrôle installés aux points de franchissement de la frontière entre le Kosovo et l'Albanie. 118. Les personnes qui composaient ce premier sous-groupe semblent avoir été pour la plupart libérées lorsque les hostilités ont cessé sur le front et que les forces de sécurité serbes se sont retirées des positions qu'elles occupaient au Kosovo en juin 1999. La survie d'un nombre important de ces prisonniers est attestée notamment par une liste de plus de 12 personnes nommément désignées et qualifiées de «victimes/témoins» dans la procédure pénale engagée à l'encontre des commandants des http://assembly.coe.int/Mainf.asp?link=/Documents/WorkingDocs/Doc11/FDOC12462.htm

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camps de Cahan et Kukes. 3.3.1.2. La nature des centres de détention: Kukes 119. Parmi les sites précis de détention secrète de civils par l’UÇK, nous avons obtenu des informations complètes sur une base installée dans les bâtiments d'une usine désaffectée, située dans la périphérie de la ville de Kukes, au nord de l’Albanie. 120. Deux témoins directs nous ont expliqué comment les prisonniers avaient été transportés sur le site de Kukes et jetés dans des cellules improvisées et insalubres, sans eau ni nourriture. Ils y auraient régulièrement subi l'interrogatoire brutal des soldats de l’UÇK ou les coups qu'ils assénaient à tort et à travers. 121. L'ampleur des mauvais traitements subis par les prisonniers de cet établissement a été méticuleusement établie, notamment, par les agents kosovars et internationaux des services du Parquet spécial du Kosovo. Le parquet a recueilli en 2009 et 2010 les dépositions de plus de 10 personnes, pratiquement toutes d’ethnie albanaise, qui ont indiqué avoir été détenues pendant une période indéterminée, avoir été frappées à l'aide de matraques et d'autres objets et avoir subi diverses formes de traitements inhumains sur le site de Kukes. Plusieurs témoins ont déclaré avoir entendu dans les couloirs les cris d'agonie des personnes détenues dans les quartiers de détention séparés les uns des autres. 122. Le Gouvernement albanais a affirmé qu'aucun corps de personnes décédées à l'occasion du conflit du Kosovo n'était inhumé sur le territoire albanais et qu'il n'y en avait d'ailleurs jamais eu. Le cas de Kukes démontre le caractère manifestement inexact de cette affirmation. 123. Premièrement, des corps jetés dans les cours d'eau du Kosovo ont été emportés par le courant au-delà de la frontière albanaise. L'exhumation de ces corps et la récupération des dépouilles par les représentants de l’OMPF au Kosovo ne devraient pas trop prêter à controverse; mais les autorités albanaises ont jusqu'ici refusé catégoriquement toute intervention dans ces affaires. 124. Deuxièmement, il a été établi dans certains cas précis et connus que les corps de Kosovars assassinés ont été enterrés en Albanie. Ces affaires ont abouti, dans des cas démontrés par des journalistes albanais et internationaux qui ont été portés à notre connaissance, à de longues mais discrètes négociations entre les familles de ces Kosovars et les autorités chargées de l’administration de ce(s) cimetière(s) en Albanie. Il est à noter en définitive que dans un cas qui nous a été expliqué en détail par une de nos sources directes, les corps ont été exhumés et rapatriés au Kosovo pour y être inhumés en bonne et due forme par les familles. Les autorités albanaises nous ont indiqué qu'elles n'avaient pas connaissance d'affaires de ce type. 125. Troisièmement, certaines allégations font état de l'existence de charniers sur le territoire albanais. Les services du parquet serbe chargé des crimes de guerre nous ont déclaré qu'ils possédaient des photographies prises par satellite des zones dans lesquelles se situaient ces charniers; mais les sites eux-mêmes n'ont toujours pas été trouvés à ce jour, malgré la demande officielle de procéder à des recherches déposée par les autorités serbes auprès des autorités albanaises. 126. Nous avons obtenu les registres du cimetière de Kukes, qui semblent donner une confirmation importante à ce sujet: les corps de personnes originaires du Kosovo ont bel et bien été inhumés dans le nord de l'Albanie. Le document le plus important était une «liste des immigrés décédés du Kosovo, 28 mars 1999 – 17 juin 1999» de cinq pages, établie par le contrôleur des services publics de la commune de Kukes, au nord de l'Albanie. 127. Ce document a par la suite été versé au dossier comme élément de preuve par le tribunal de première instance de Mitrovica, au Kosovo, sur présentation du Parquet spécial du Kosovo. Il a été établi que l’une des personnes décédées figurant sur cette liste – Anton Bisaku, n° 138 – faisait partie des victimes connues des détentions secrètes et des traitements inhumains du centre de l’UÇK de Kukes, en Albanie. 128. Selon un acte d’accusation établi en août 2010, Bisaku et un nombre non précisé d'autres civils détenus à Kukes ont été «battus et frappés à plusieurs reprises à coups de matraque et de bâton, à coups de pieds, insultés et torturés». Dans l'acte d'accusation établi à l'encontre du prévenu Sabit Geci pour «crimes de guerre commis à l'encontre de la population civile» et «le meurtre d'un civil à Kukes, Anton Bisaku, roué de coups et abattu», le procureur spécial d’EULEX a précisé que Bisaku avait été «tué par balles à l'aide d'une arme à feu pointée sur lui alors qu'il subissait des mauvais traitements, des coups et des actes de torture infligés le 4 juin ou aux environs du 4 juin 1999». 3.3.2. Des détentions par des membres et associés de l’UÇK après la fin du conflit 129. Après le 12 juin 1999, des Kosovars albanais ont continué à détenir des personnes pour des motifs variés incluant le désir de vengeance, le châtiment et l'appât du gain. Les auteurs, tous des membres et associés de l’UÇK, selon nos sources, ont développé des nouvelles manières de capturer et d’abuser des civils et de les transporter hors du Kosovo, vers de nouveaux lieux de détention en Albanie, différents de ceux opérés par l’UÇK en temps de guerre. 130. Dans les mois qui ont immédiatement suivi la proclamation de la fin du conflit du Kosovo en juin 1999, des membres et associés de l’UCK auraient placé en détention secrète sur le territoire albanais un grand nombre de personnes enlevées. 131. Il est extrêmement inquiétant à nos yeux qu’on soit toujours sans nouvelles de l'immense majorité des personnes dont nous avons pu établir qu'elles avaient été traitées de la sorte, parmi http://assembly.coe.int/Mainf.asp?link=/Documents/WorkingDocs/Doc11/FDOC12462.htm

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lesquelles figurent de nombreux membres de l'ethnie albanaise; l'ouverture d'une enquête à ce sujet et le règlement de cette question par les autorités albanaises devraient être un devoir prioritaire. 132. Selon nos informations, il n’existait pas en Albanie une structure unique réservée à ces détentions secrètes d’après-conflit, mais un réseau ad hoc complet d'installations de ce type, reliées les unes aux autres par des communications maintenues par des patrouilles qui effectuaient fréquemment les trajets entre un endroit et l’autre sur les routes albanaises et à travers la frontière perméable et chaotique (surtout au moment des déplacements massifs de réfugiés au milieu de l'année 1999) entre le Kosovo et l'Albanie. 133. Nous avons ainsi recueilli le témoignage direct, corroboré par d'autres éléments, de combattants et auxiliaires de l’UÇK qui ont effectué de multiples transports vers et entre les divers établissements mentionnés dans le présent rapport et qui ont également transporté des prisonniers depuis la plupart de ces installations. 134. Au cours de ces voyages, les recrues et affidés de l’UÇK se seraient déplacés d’un établissement à l'autre, parfois en convoi, dans des véhicules privés dépourvus d'immatriculation, notamment des camions et fourgonnettes. Ils auraient transporté le personnel et le matériel logistique de l’UÇK, des provisions alimentaires, de l'alcool ou des cigarettes et des groupes de femmes destinées à l'exploitation sexuelle. Surtout, à partir de juillet 1999 et jusqu'au mois d'août 2000, ils auraient aussi transporté des prisonniers. 135. Les lieux de détention de la période d’après-conflit se distinguent des lieux utilisés en temps de guerre: nous avons trouvé qu’il s’agissait en premier lieu de demeures rustiques dans des zones rurales ou périurbaines, y compris des fermes albanaises traditionnelles et leurs bâtiments annexes. 136. Il y avait aussi au moins une structure construite à des fins spécifiques au sein du réseau de lieux de détention d’après-conflit, unique par son aspect et son utilisation. C’était un centre de réception dernier cri pour le crime organisé du trafic d’organes. Cette structure était dessinée comme une clinique chirurgicale improvisée, et c’était l’endroit où certaines des personnes détenues par des membres et des associés de l’UÇK auraient subi des prélèvements de leurs reins contre leur gré. D’après nos sources, les organisateurs de cette entreprise criminelle auraient par la suite transporté les organes humains hors d’Albanie pour les vendre à des cliniques privées étrangères faisant partie du réseau du «marché noir» international du trafic d’organes aux fins de greffe. 3.3.2.1. Deuxième catégorie de prisonniers: les «disparus» 137. Les prisonniers de cette deuxième catégorie ont été victimes de disparition forcée: aucun d'eux n'a été vu ni signalé et personne n'a entendu parler d’eux depuis qu'ils ont été enlevés du Kosovo dans les semaines et les mois qui ont immédiatement suivi le 12 juin 1999. 138. Ceux qui orchestraient cette entreprise criminelle auraient mis en place un système de «tri» à la suite duquel un petit nombre de personnes choisies parmi chaque groupe plus important de prisonniers étaient conduites à un autre endroit. Les renseignements réunis laissent penser que cette procédure de tri des prisonniers devait servir à déterminer l’aptitude des personnes choisies à l’emploi pour lequel on les destinait. 139. Parmi les facteurs jugés déterminants dans ce processus de tri, comme nous l'ont répété plusieurs de nos sources, figuraient l'âge, le sexe, l'état de santé et, de fait, l'origine ethnique des prisonniers, les Serbes ayant été ciblés en premier lieu. 140. On nous a signalé à plusieurs reprises que des prisonniers n'étaient pas simplement transférés, mais qu'ils étaient également «achetés» et «vendus». A la suite de ces indications, nous avons essayé de mieux cerner les ramifications entre, d'une part, les enlèvements et détentions non déclarées commises dans le cadre du conflit et, d'autre part, l’activité de la criminalité organisée, qui jouait alors, et continue vraisemblablement à jouer, un rôle significatif dans de nombreux secteurs de la vie quotidienne de la région. 3.3.2.1.1. La nature des centres de détention: Rripe 141. Au cours de nos recherches, nous avons établi qu'au moins trois sources dont nous avons recueilli les témoignages étaient sans conteste physiquement présentes à la maison de la famille K. à Rripe («Maison jaune») près de Burrel, à l'occasion des actes criminels commis par l’UÇK, auxquels elles ont assistées. 142. Chacune de ces sources a été en mesure de donner des informations inédites et spécifiques sur l'emplacement et l'aspect précis de cette maison, les caractéristiques de son propriétaire, les hommes de l’UÇK qui y étaient affectés, ainsi que sur la nature et les responsables hiérarchiques des activités illicites qui ont été menées à cet endroit de 1999 à 2000. 143. Sur la base des témoignages de ces sources, nous pouvons conclure que la maison de la famille K. a été occupée et placée sous l'autorité de l’UÇK, qui faisait partie d'un réseau actif dans la quasitotalité de la moitié nord de l'Albanie. 144. Un petit groupe d'officiers supérieurs de l’UÇK aurait dirigé et supervisé de multiples arrivées de prisonniers civils à la maison K. pendant une période de près d'un an, de juillet 1999 au milieu de l'année 2000. La plupart de ces prisonniers auraient été enlevés dans les provinces méridionales du Kosovo et conduits en Albanie selon les modalités de transport déjà indiquées. Contrairement aux prisonniers de Kukes, ceux de Rripe appartenaient essentiellement à l'ethnie serbe.

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145. Selon certaines sources proches de l’UÇK, il apparaît en outre qu'un grand nombre de femmes et de jeunes filles victimes de la traite des êtres humains avaient été conduites à la maison de la famille K., où elles ont fait l'objet d'une exploitation sexuelle aussi bien par des membres de l’UÇK que de certains hommes de la commune de Rripe. 146. Durant la période où l’UÇK a maintenu une présence dans la maison K., le silence des habitants de Rripe au sujet de la présence d’unités de l’UÇK et de leur activité aurait été obtenu aussi bien par la menace que par des avantages matériels notamment sous forme d’importantes sommes d’argent, de la consommation gratuite d’alcool, de drogue ou de prostituées. 147. Des preuves suffisantes démontrent qu'un petit nombre de prisonniers enlevés par l’UÇK, dont certains membres de l'ethnie serbe, ont trouvé la mort à Rripe, dans la maison K. ou à proximité de celle-ci. Ces décès ont été portés à notre connaissance non seulement par les témoignages d’anciens soldats de l’UÇK qui auraient participé à la détention et au transport des prisonniers encore en vie, mais également grâce aux témoignages de personnes qui ont assisté de façon indépendante à l'inhumation, l’exhumation, le transport et au nouvel enterrement des corps des prisonniers, à la fois au moment où l’UÇK occupait la maison K., puis après son départ et le retour de la famille qui y habitait. 148. Nos constatations au sujet de la maison K. semblent corroborer, dans une large mesure, les conclusions auxquelles ont abouti une équipe de journalistes d'investigation travaillant pour le compte de la société de production de documentaires «American Radio Works». Ces conclusions ont été résumées dans une note interne confidentielle remise à la MINUK en 2003, qui a donné lieu à la mission d’enquête à la maison de la famille K. que nous avons mentionnée précédemment. 149. Mais les témoignages que nous avons recueillis ont aussi révélé une dimension des opérations menées par l’UÇK à la maison K. qui n'avait jusqu’ici été mentionnée ni par l'équipe d’«American Radio Works», ni dans les mémoires de l'ancienne procureure générale du TPIY, Carla Del Ponte, ni même au cours des «révélations» médiatiques successives. 150. L’UÇK ne s'est en effet pas contentée d'amener des prisonniers à Rripe; elle aurait également transporté certains prisonniers de Rripe vers d'autres centres de détention. D'après les témoignages recueillis auprès des chauffeurs chargés du transport des prisonniers, certaines personnes chargées à Rripe avaient déjà été transportées par leurs soins depuis le Kosovo, tandis que d'autres prisonniers de Rripe provenaient d'un autre endroit, inconnu des chauffeurs et qu'ils ne sont pas parvenus à déterminer. 151. La maison K. ne représentait par conséquent pas un point d'aboutissement ni une destination finale dans ce réseau de transport de prisonniers et de centres de détention reliés les uns aux autres. Le rôle précis de cette maison et son importance dans l'ensemble des opérations avaient peut-être été mal appréciés jusqu’à présent. 152. La maison K. semble en réalité avoir davantage tenu lieu «d’étape intermédiaire», où les prisonniers en transit étaient détenus en attendant d'être conduits leur destinée finale et où, selon certaines sources, ils étaient soumis à des formes de «traitement» ou de «tri» apparemment bizarres, et notamment à des tests sanguins ou à des examens de santé. 3.3.2.1.2. Observations sur les conditions de détention et de transport 153. Les prisonniers auraient été détenus en secret dans ces établissements sous la surveillance permanente de gardes armés, soit dans les pièces des bâtiments principaux, soit dans des granges, des garages, des entrepôts où d'autres dépendances destinées au stockage. 154. Au cours de leur transport entre ces bâtiments, les prisonniers auraient habituellement été entassés dans des fourgonnettes et des camions, entravés les mains liées derrière le dos et attachés aux éléments intérieurs fixes du véhicule. 155. Les chauffeurs de ces fourgonnettes et camions – dont plusieurs sont devenus des témoins capitaux pour les types de violences indiqués – ont vu et entendu les prisonniers souffrir considérablement au cours de ces transports, notamment à cause du manque d'air dans le compartiment du véhicule où ils se trouvaient ou par suite des tourments psychologiques dans lesquels les plongeait le sort qui, d'après leurs suppositions, leur était réservé. 3.3.2.2. Troisième catégorie de prisonniers: les «victimes de la criminalité organisée» 156. Le sous-groupe qui attire le plus notre attention, notamment parce que son sort a fait l'objet d'un très fort sensationnalisme et a été généralement mal compris, comporte les prisonniers que nous considérons comme des «victimes de la criminalité organisée». Nous pensons qu'une poignée d'entre eux ont été conduits au centre de l'Albanie pour y être assassinés avant de subir le prélèvement de leurs reins dans une clinique improvisée. 157. Les prisonniers de cette catégorie ont indéniablement enduré une effroyable épreuve entre les mains de leurs geôliers de l’UÇK. D'après des témoignages directs, les prisonniers placés à l'issue d'un «tri» dans ce dernier sous-groupe étaient dans un premier temps maintenus en vie, bien nourris, autorisés à dormir et traités avec une relative modération par les gardiens et les hommes de main de l’UÇK, qui frappaient d'ordinaire les prisonniers à tort et à travers. 158. Chaque prisonnier aurait séjourné dans au moins deux centres de détention transitoires ou camps «d’étape», avant d'être livré à la clinique pratiquant l'opération. Ces camps «d’étape», apparemment contrôlés par des agents et des auxiliaires de l’UÇK proches du «Groupe de Drenica», se seraient situés notamment dans les lieux de détention suivants: http://assembly.coe.int/Mainf.asp?link=/Documents/WorkingDocs/Doc11/FDOC12462.htm

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– Bicaj (environs de): maison appartenant apparemment à un propriétaire privé et située dans un petit village au sud de Bicaj, à la campagne, à proximité de la route principale de Peshkopi; – Burrel: ensemble situé à la périphérie de la ville de Burrel et composé d'au moins deux structures distinctes dans lesquelles les prisonniers étaient enfermés, ainsi que d'une maison dans laquelle les agents se réunissaient et se reposaient; – Rripe: maison autonome de deux étages d'une exploitation agricole, appelée la maison K. ou la «maison jaune», qui a fait l'objet d'une visite médico-légale commune de la MINUK et du TPIY en 2004, après avoir été identifiée par des journalistes d'investigation; – Fushë-Krujë: autre maison autonome de deux étages faisant partie d'une exploitation agricole, située à l'écart des grands axes et au centre d'un vaste ensemble, qui aurait servi de «refuge» à la fois aux affidés de l’UÇK et aux autres groupes de criminels organisés qui se livraient au trafic de drogue et à la traite des êtres humains. 3.3.2.2.1. La nature des centres de détention: Fushë-Krujë 159. C'est dans ce dernier site découvert au cours de notre enquête, à Fushë-Krujë, que le processus de «tri» serait arrivé à son terme et que le petit groupe de prisonniers sélectionnés par l’UÇK aurait trouvé la mort. 160. Plusieurs éléments solides que nous avons recueillis auprès de témoins directs laissent penser qu’au cours de leur transit dans les divers sites provisoires certains prisonniers au moins avaient pris conscience du sort qui les attendait. Dans les centres de détention où ils se trouvaient à portée de voix d'autres personnes victimes de la traite des êtres humains, ainsi que durant leur transport, quelques-uns de ces prisonniers auraient imploré leurs geôliers de leur épargner le fait d'être «découpés en morceaux» 45 . 161. Les prisonniers devaient être informés, au plus tard lorsqu'on leur prélevait du sang à l'aide d'une seringue pour procéder à des tests (une mesure qui semble s'être apparentée à des «tests de compatibilité immunologique» ou à une définition des niveaux de compatibilité de transplantation des organes) ou lorsqu'ils étaient examinés physiquement par des hommes qualifiés de «médecins», qu'ils étaient traités comme une sorte de produit médical. D'après le témoignage de sources directes, ces tests et examens étaient pratiqués aussi bien à Rripe qu’à Fushë-Krujë. 162. Les témoignages sur lequel se fondent nos conclusions évoquent de manière crédible et cohérente la méthodologie suivie pour l'assassinat de tous les prisonniers, en général par une balle en pleine tête, avant qu’ils ne soient opérés pour qu’un ou plusieurs organes leur soient prélevés. Nous avons appris qu'il s'agissait principalement d'un commerce de «reins prélevés sur des cadavres», c'est-àdire d'un prélèvement posthume des reins, et non d'une série de procédures chirurgicales sophistiquées qui exigeaient des conditions cliniques contrôlées et, par exemple, l'usage intensif d'anesthésiques. 163. Des sources indépendantes et distinctes, internes à l’UÇK, nous ont communiqué un certain nombre d'éléments et de perspectives sur le fonctionnement du réseau de trafic d'organes: d'une part, du point de vue des chauffeurs, gardes du corps et autres «facilitateurs» chargés des tâches logistiques et pratiques de la livraison des corps à la clinique; d'autre part, du point de vue des «organisateurs» et des chefs de réseaux criminels qui auraient passé des accords commerciaux de fourniture d'organes humains à des fins de transplantation en échange de généreuses rétributions financières. 164. L'aspect concret de ce trafic était relativement simple. Les prisonniers conduits jusqu'à FushëKrujë (ce qui représente plusieurs heures de conduite difficile depuis Rripe ou Burrel) étaient tout d'abord détenus au «refuge». Le propriétaire de cette maison, membre de l'ethnie albanaise, aurait entretenu à la fois des liens claniques et des rapports de criminalité organisée avec les membres du «Groupe de Drenica» 46 . 165. Lorsqu’il était confirmé que les chirurgiens chargés de la transplantation étaient en place et prêts à opérer, les prisonniers auraient étaient menés un à un hors du «refuge», sommairement exécutés par balle par un agent de l’UÇK et leurs corps étaient transportés rapidement à la clinique où avait lieu l'opération. 166. La procédure chirurgicale appliquée – extraction des reins sur un cadavre au lieu d'un prélèvement chirurgical sur un donneur vivant – est le moyen le plus courant d'acquisition de dons d'organes et de tissus à des fins de transplantation, mis à part la manière criminelle d’obtention des cadavres. D'après les éminents experts en transplantation d'organes que nous avons consultés au cours de notre enquête, cette procédure est efficace et présente de faibles risques 47 . 167. D'après les sources, l'axe Fushë-Krujë avait été choisi pour accueillir ces établissements à cause de sa proximité avec le principal aéroport qui desservait Tirana. Les installations de cette plateforme du réseau de trafic d'organes – le «refuge» et la clinique utilisée pour les opérations – étaient par conséquent faciles d'accès à la fois pour recevoir des visiteurs internationaux et pour procéder à l'expédition des organes. 4.

La clinique Medicus

168. Au cours de nos recherches, nous sommes venus à connaissance d’informations qui vont plus loin, par étendue et détails, de ce que nous avons illustré dans ce rapport. Elles semblent indiquer l’existence d’un véritable trafic international criminel d’organes humains, impliquant des complicités dans

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au moins trois différents pays étrangers (en dehors du Kosovo), pendant plus d'une dizaine d'années. Nous avons notamment récolté des indications crédibles et convergentes qui induisent à conclure que le trafic d'organes qui a eu lieu après la fin du conflit, et que nous avons décrit dans ce rapport est, en fait, étroitement lié à l'affaire contemporaine autour de la clinique «Medicus», avec, du moins en partie, les mêmes acteurs, aussi bien kosovars qu’étrangers. Par respect pour l'enquête et la procédure judiciaire en cours conduite par EULEX et le Bureau du Procureur spécial du Kosovo, nous renonçons, pour le moment, à rendre public les résultats de nos recherches sur cet aspect spécifique. Cependant, nous ne pouvons que vivement encourager toutes les autorités des pays concernés par l’enquête «Medicus» de collaborer pleinement pour arrêter cette activité honteuse et traduire les responsables en justice. 5.

Le plafonnement invisible de l'obligation de rendre des comptes

169. Nous avons trouvé que les enquêtes actuellement menées et les mises en accusation déjà prononcées sous l'égide du Parquet spécial du Kosovo souffrent d'un «plafonnement invisible» de l'obligation de rendre des comptes incombant aux responsables de ces actes. 170. L'action menée par le Parquet spécial des autorités du Kosovo pour que justice soit rendue au nom de la population kosovare semble se heurter à deux obstacles principaux. La première difficulté tient au fait que les autorités du Kosovo gèrent et limitent soigneusement l'étendue des enquêtes; leur collaboration avec l’EULEX souffre ainsi d'un profond manque de confiance48 . 171. Deuxièmement, il semble que les auteurs de ces actes préfèreraient d'être traduits en justice pour le rôle qu'ils sont supposés avoir respectivement joué dans la gestion des camps de détention et le trafic d'organes humains que de compromettre les anciens hauts commandants de l’UÇK sous les ordres desquels ils auraient agi et qui sont aujourd'hui devenus des responsables politiques et économiques. 172. C’est avant tout la coutume ancestrale, encore très ancrée dans certaines couches de la société, de la loyauté viscérale envers le clan ou son équivalent dans la sphère de la criminalité organisée qui semble empêcher de nombreux Kosovars d'obtenir que la justice soit véritablement rendue. Même lorsque les malfaiteurs ne font pas partie d'un même clan ou d'une même famille élargie, leur allégeance envers leur «parrain» de la pègre est aussi indestructible que des liens familiaux. 173. C'est la raison pour laquelle Sabit Geqi évitera soigneusement de compromettre les véritables responsables – aujourd’hui devenus d’honorables personnalités publiques – à propos des actes de torture commis à l’encontre des prisonniers civils à Kukes. De même, Ilir Rrecaj continuera à accepter de subir les conséquences de son statut de bouc émissaire pour les actes d'autorisation et de financement illicites de la clinique Medicus de Pristina, plutôt que de désigner les véritables responsables de ces agissements criminels organisés au Kosovo dans le secteur de la santé. 174. Tout ceci a pour effet de permettre à des dirigeants politiques d’écarter de manière plausible les allégations selon lesquelles l’UÇK aurait pris part à des actes de détention, de torture et d'assassinat en Albanie, et de présenter comme simple «spectacle» orchestré par la propagande politique serbe des allégations sérieuses méritant, comme nous l’avons vu, des enquêtes bien plus poussées que celles qui ont eu lieu jusqu’à présent. 6.

Quelques réflexions conclusives

175. Ce rapport – rappelons-le une fois encore – a été provoqué par les révélations publiées dans le livre de l’ancien Procureur du TPIY. Choquée par ces divulgations, l’Assemblée parlementaire nous a confié la mission de procéder à un examen plus approfondi concernant ces allégations et les violations des droits de l’homme qui auraient été commises au cours de la période en question au Kosovo. Les faits dénoncés dans le livre de l’ancien Magistrat se référaient essentiellement à un trafic d’organes humains. Nos recherches, difficiles et délicates, nous ont permis non seulement de confirmer ces révélations, mais aussi de les préciser et de tracer un tableau sombre et inquiétant de ce qui s’est passé et, en partie, continue à se passer au Kosovo. Notre tâche n’était pas de mener une enquête pénale – nous n’en avons ni le pouvoir, ni, surtout, les moyens – et encore moins de prononcer des jugements de condamnation ou d’absolution. 176. Les faits que nous avons recueillis sont cependant d’une gravité exceptionnelle et se sont passés au cœur de l’Europe. Le Conseil de l’Europe et ses Etats membres ne peuvent rester indifférents face à une telle situation. Nous avons mis en évidence l’existence d’un important phénomène de criminalité organisée au Kosovo. Ce n’est pas une nouveauté et ce n’est pas une exclusivité du Kosovo, il est vrai. Dans la région, le crime organisé est très redoutable également en Serbie, au Monténégro, en Albanie, pour ne faire que des exemples. Il existe d’ailleurs des relations et des complicités étonnantes et inquiétantes entre ces différentes bandes. Leur collaboration semble d’ailleurs être bien plus efficace qu’entre les autorités judiciaires nationales et internationales. Nous avons souligné et documenté les connexions troubles, parfois manifestes, entre crime organisé et politique, y compris des représentants des institutions; cela aussi n’est pas une nouveauté, du moins pour ceux qui n’ont pas voulu à tout prix fermer les yeux et se boucher les oreilles. Le silence et l’absence de réactions face à un tel scandale sont, en fait, tout aussi graves et inacceptables. Nous n’avons pas colporté de simples rumeurs, mais décrit des faits qui se fondent sur de multiples témoignages, des documents et des faits objectifs. Ce que nous avons découvert n’est certes pas totalement inédit: des rapports d’importants des services de renseignements et de police ont déjà dénoncé et illustrés en détail ces mêmes faits depuis longtemps. Sans suite, car les chancelleries privilégiaient à chaque fois le profil bas, le silence, pour de prétendues considérations d’«opportunité politique». Mais quels intérêts pourraient bien justifier une telle attitude qui fait fi de toutes les valeurs que l’on ne manque jamais de publiquement invoquer? Au Kosovo tout le monde est au courant de ce qui s’est passé et de ce qui se passe encore, mais les gens n’en parlent pas, sinon en privé; ils attendent depuis longtemps que la vérité, toute la vérité – pas celle officielle – soit

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finalement établie. Notre seule ambition, aujourd’hui, est d’être le porte-parole de ces hommes et femmes du Kosovo, mais aussi de Serbie et d’Albanie, sans distinction d’ethnie ou de religion qui n’ont qu’une aspiration: que la vérité soit établie, que l’on mette fin à une impunité scandaleuse et, finalement, qu’ils puissent vivre en paix. C’est une condition indispensable pour une véritable réconciliation et une stabilité durable de cette région. Au cours de notre mission, nous avons rencontré des personnes – des locaux et des «internationaux» – de très grande valeur qui se battent contre l’indifférence et pour une société plus juste. Ils ne méritent pas seulement notre sympathie, mais, aussi et surtout, notre plein soutien. Annexe

1 Toute référence au Kosovo mentionnée dans ce texte, que ce soit le territoire, les institutions ou la population, doit se comprendre en pleine conformité avec la Résolution 1244 du Conseil de Sécurité des Nations-Unies et sans préjuger du statut du Kosovo.

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2 Renvoi en commission: Doc. 11574, renvoi 3446 du 29 mai 2008. 3 Projet de résolution adopté à l'unanimité par la commission le 16 décembre 2010. 4 Les Etats-Unis disposent d’une ambassade dotée de ressources impressionnantes ainsi que d’une base militaire, Camp Bondsteel, dont l’importance va bien au-delà de la dimension régionale. 5 «L’héritage de la MINUK» nous a été décrit d’une façon très imagée et qui se passe de commentaires: «300 000 pages en désordre». 6 Nous avons appris que certains des participants de la KFOR (par exemple le Royaume-Uni) ont emporté toutes leurs archives; celles-ci sont accessibles aux enquêteurs d’EULEX seulement sur la base de requêtes individuelles motivées, une procédure complexe qui ralenti considérablement le travail de la justice. 7 Au moment de notre visite en janvier 2010, EULEX n’avait toujours pas accès aux dossiers du TPIY, mais le procureur du TPIY aurait assuré EULEX récemment que l’accès lui serait accordé prochainement. 8 Ce sont les chiffres de l’OMPF (Office for Missing Persons and Forensics/Bureau des personnes disparues et de médecine légale) concernant les cas non encore clarifiés début 2010. 9 L’OMPF, actuellement codirigé par un représentant d’EULEX et un représentant des autorités kosovares, aurait été créé, d’après ce qu’on nous a dit «pour nettoyer le chaos légué par la MINUK et le TPIY». 10 Surtout s’agissant des cas qui concernent la «période de chaos» de juin à fin octobre 1999; les soldats de la KFOR n’étaient pas qualifiés pour le travail de police et leurs rapports des lieux des crimes étaient souvent inutilisables. 11 Un exemple auquel nous avons été confrontés lors de la visite d’information à Pristina concerne des fouilles dans une mine où devaient se trouver une trentaine de cadavres de Serbes. Les entreprises locales employées pour exécuter les travaux ont été menacées par la population locale, ce qui a considérablement retardé les recherches. D’après ce qu’on nous a dit, l’attitude de la population kosovare est de considérer celui qui donne des informations sur des tombes de Serbes comme un «traître». 12 Des enquêteurs d’EULEX nous ont indiqué que la coopération des autorités albanaises est «zéro». La réponse, après plusieurs mois, à une demande de coopération officielle était que les recherches demandées (concernant le camp de Kukës) étaient «retardées par un désastre naturel». D’autres «internationaux» nous ont aussi confirmé qu’il y a une «forte résistance» des autorités kosovares à coopérer pour résoudre des cas de personnes disparues serbes et de présumés «traîtres» kosovars. D’autres représentants internationaux ont confirmé que l’Albanie n’a jamais autorisé des exhumations sur son territoire: «Il n’y a pas eu de guerre ici, donc il n’y a pas de tombes à chercher.» 13 Il y aurait des réticences même au sein de l’OMPF par rapport aux disparitions intervenues après le 12 juin 1999. 14 Lettre de Serge Brammertz, Procureur général du TPIY, en date du 17 décembre 2009. Dans un entretien que j’ai eu avec Mme Carla Del Ponte en 2009, l’ancienne Procureure générale m’avait assuré que ce matériel devait être conservé dans les archives du TPIY et que leur destruction n’était simplement pas concevable. 15 De telles demandes ont été adressées en mars 2009 aux pays suivants: Allemagne, Belarus, Canada, Fédération de Russie, Israël, Moldova, Pologne et Turquie. Au moment de la rédaction de ce rapport, seul le Canada aurait fourni une réponse adéquate. 16 Voir le communiqué de presse d’EULEX du 15 octobre 2010: www.eulex-kosovo.eu/en/pressreleases/0098.php ainsi que l’article de Nebi Qena (AP) du 12 novembre 2010: http://news.yahoo.com/s/ap/20101112/ap_on_re_eu/eu_kosovo_organ_trafficking/print. 17 Le CICR a transmis uniquement des renseignements non confidentiels concernant les personnes disparues. 18 Cité dans l’arrêt Limaj. 19 Carla Del Ponte a elle-même déclaré à propos du procès Limaj que «l'impunité, alimentée par la peur, était en mesure de prévaloir». Voir Del Ponte et Sudetic, The Hunt, chapitre 11: Confronting Kosovo, p. 26. 20 L’UÇK s'est développée au Kosovo pendant la plus grande partie des années 90 en ralliant le soutien de combattants volontaires, des hommes de tous âges issus de leurs villages respectifs, pour s'unir autour de chefs comme Adem Jashari et constituer de petites unités armées, ou «brigades», sur l'ensemble du territoire du Kosovo. De nombreuses recrues de cette «UÇK patriote», qui formait effectivement une armée de paysans, ont suivi un entraînement aux combats de guérilla dans des camps situés au nord de l'Albanie et ont fait passer au Kosovo des armes de contrebande avec lesquelles devaient être menés des actes de résistance armée. Nous avons recueilli au cours de notre enquête plus d'une douzaine de témoignages d'hommes appartenant à l'ethnie albanaise, qui ont pris part à cette campagne de «résistance». Lorsque Jashari et de nombreux membres de sa

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famille et affidés ont trouvé la mort à l'occasion de la répression organisée par les forces de sécurité serbes en 1998, cette forme initiale de l’UÇK a bel et bien pris fin et est entrée dans le folklore comme une expression romantique de la libération du Kosovo, dont Jashari est devenu le martyr. 21 Les principaux partis politiques rivaux des récentes séries d'élections ont été le Parti démocratique du Kosovo (Partia Demokratike e Kosovës, ou PDK) et l’Alliance pour l'avenir du Kosovo (Aleanca për Ardhmërinë e Kosovës, ou AAK), qui sont tous deux dirigés par des commandants d'anciens «groupuscules» de l’UÇK et comptent un grand nombre d'anciens combattants de l’UÇK parmi leurs membres. 22 Nous avons relevé à ce propos les remarquables aveux de Nazim Bllaca, qui s'était présenté l'an dernier et avait déposé en indiquant que ces services de renseignement servaient aux assassinats ciblés et à diverses formes de racket; le tableau de ce monde secret brossé par Bllaca correspond à celui que nous avons découvert au gré de nos recherches. 23 A cet égard, nos constatations correspondent aux conclusions présentées par les représentants internationaux des missions de contrôle de l'armée et des services de renseignement – depuis la Force de stabilisation de l'OTAN pour le Kosovo (KFOR) jusqu'à l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), en passant par la Central Intelligence Agency (CIA) des Etats-Unis – dans des rapports publiés sur divers sujets au cours des quinze dernières années. 24 La zone d'influence du Groupe de Drenica et de ses affidés au Kosovo à proprement parler s'est toutefois étendue bien au-delà de ce lieu précis: ils contrôlaient en effet fermement les cartels criminels qui exerçaient leurs activités notamment, mais pas exclusivement, dans les communes d’Istok, Srbica, Skenderaj, Klina, Prizren et Pristina. 25 Voir, par exemple, le Monde du 11 décembre 2010, «Hashim Thaçi, l’homme fort du Kosovo en quête de reconnaissance» 26 Thaçi a par exemple été nommé chef de la délégation des Albanais du Kosovo au Sommet de Rambouillet. 27 L'administration américaine chargée de la lutte contre le trafic de drogue (Drug Enforcement Administration) a ainsi indiqué, dans un rapport publié au printemps 1999, que les organisations de trafiquants de drogue composées d'Albanais du Kosovo «occupaient la deuxième place, immédiatement après les gangs turcs, dans le trafic d'héroïne du circuit des Balkans». 28 Il s’agit entre autres des services de renseignements allemands (BND), italiens (SISMI), britanniques (MI6) et grecs (EYP). 29 Voir, par exemple, le rapport de l’Institut für Europäische Politik, Berlin, du 9 janvier 2007 établi pour le ministère fédéral de la Défense allemand («Operationalisierung von Security Sector Reform (SSR) auf dem Westlichen Balkan – intelligente/kreative Ansätze für eine langfristig positive Gestaltung dieser Region»); le document classé secret était néanmoins disponible sur internet; à la page 57, les auteurs indiquent que «Thaçi est considéré dans les milieux de la sécurité comme encore beaucoup plus dangereux que Haradinaj, qui en tant qu’ancien chef de l’UÇK dispose de réseaux criminels plus étendus au niveau international». (traduction par nos soins). Un autre rapport du service de renseignement allemand (Bundesnachrichtendienst/BND) également classé secret mais disponible sur internet (BND Analyse vom 22 février 2005) nomme MM. Haliti, Thaçi, Lluka et Haradinaj comme les personnalités-clés de la criminalité organisée au Kosovo et explore, sur 27 pages d’analyses denses, notamment les ramifications du “groupe de Drenica”. Nous ne nous sommes pas contentés d’étudier ces rapports, et d’autres, mais nous nous sommes entretenus avec plusieurs personnes directement impliquées sur le terrain dans leur élaboration. 30 Fatmir Limaj, ancien commandant de haut rang de l’UÇK, a été mis en examen, jugé et finalement acquitté par le TPIY au cours d'une procédure qui s'est heurtée à de nombreux problèmes d'intégrité des preuves. 31 Au cours des dix dernières années, les services de renseignements de plusieurs pays d'Europe occidentale, les services répressifs comme le Federal Bureau of Investigation (FBI) aux États-Unis et les analystes de diverses nationalités qui travaillaient pour les structures de l'OTAN ont établi, à partir de sources solides, des rapports qui font autorité et se corroborent les uns les autres à propos des activités illicites de ce «Groupe de Drenica». 32 Il existe au minimum de solides preuves documentaires qui permettent de démontrer que ce groupe et ses commanditaires financiers ont pris part à des activités de blanchiment d'argent, de contrebande de drogue et de cigarettes, de traite des êtres humains et de prostitution, tout en procédant à une violente monopolisation des plus importants secteurs économiques, dont les carburants et le bâtiment. 33 Ces fonds provenaient avant tout des contributions versées par la diaspora kosovare; ils étaient déposés sur des comptes bancaires étrangers, notamment en Allemagne et en Suisse. Les moyens financiers mis à la disposition de Thaçi et du cercle de ses proches collaborateurs ont considérablement augmenté avec la création d'un fonds spécialement destiné à l’UÇK, l’Atdheu Thërret («L’appel de la patrie»). 34 Il me semble judicieux de souligner l'excellente enquête journalistique du Balkan Insight Reporters’ Network (BIRN), qui a consacré en avril 2009 un article sur les éléments du réseau de camps de détention de l’UÇK en

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Albanie (Altin Raxhimi, Vladimir Karaj et Michael Montgomery). 35 Tandis que Thaçi était inscrit à l'Université de Pristina et s'est distingué comme le dirigeant du mouvement des étudiants albanais du Kosovo, Muja a étudié la cardiologie à l'Université de Tirana et a rejoint les éléments les plus militants de la résistance albanaise à l'oppression serbe du Kosovo. 36 Muja était le «coordinateur médical» général de l'état-major général de l'UÇK, une fonction qui l'amenait à contrôler la fourniture des traitements médicaux destinés aux soldats blessés de l’UÇK et aux autres situations d'urgence des zones d'opération de l’UÇK. Muja a notamment utilisé l'hôpital militaire de Tirana, en Albanie, et a géré les fournitures et le matériel considérables acquis par l’UÇK grâce aux dons provenant de l'étranger. En 1998 et 1999, en sa qualité de représentant officiel de l’UÇK assisté par des éléments de l'armée albanaise et des services secrets albanais, Muja a également géré un ensemble de diverses autres infrastructures: un hélicoptère au moins, plusieurs projets de construction solidement financés et l'aménagement de logements improvisés – notamment de maisons et appartements privés – destinés aux commandants, recrues et auxiliaires de l’UÇK qui se rendaient en Albanie depuis l'étranger, y compris à ceux en transit pour le Kosovo. 37 Muja a exercé la double fonction de coordinateur des soins médicaux et de la santé du gouvernement provisoire du Kosovo, sous la tutelle du Premier ministre provisoire Thaçi, et de commandant du 40 e bataillon médical du Corps de protection du Kosovo (KPC). 38 Au moment de la rédaction du présent rapport, en décembre 2010, Shaip Muja exerçait au sein de l'administration de Hashim Thaçi la fonction de conseiller politique principal au sein du cabinet du Premier ministre, où il était notamment chargé du portefeuille de la santé. 39 On attribue généralement à Muja le fait d'avoir contribué à mettre en place un système de «télémédecine» au Kosovo, qui permet d'administrer des soins de santé et de procéder à des actes chirurgicaux à distance, avec l'assistance de médecins, en reliant les participants grâce à l'internet. 40 L’influence conjuguée de Muja et Veseli dans ce domaine a perduré tout au long de la phase de transition du Corps de protection du Kosovo; les deux hommes auraient joué un rôle central dans la conception des structures de renseignement et des mécanismes de prise de décisions stratégiques au sein du PDK. Parmi les prestataires externes aux services desquels ils auraient eu recours figurent, selon certaines informations, les membres des services secrets albanais, des sociétés américaines de sécurité et militaires privées. 41 Cette estimation de 40 personnes ne comprend pas celles qui ont été très brièvement détenues à Durres, le temps d'être interrogées par les agents des services de renseignements de l’UÇK. 42 Le groupement militaire baptisé Forcat e Armatosura të Republikës së Kosovës, ou FARK («Forces armées de la République du Kosovo»), combattait officiellement pour la libération du Kosovo tout comme l’UÇK, mais les commandants de cette dernière le traitaient avec mépris et soupçon, comme un adversaire. Les FARK, politiquement proches du LDK, étaient considérées comme le bras armé du gouvernement en exil de Bujar Bukoshi. Contrairement à l’UÇK, les FARK avait été formées à partir d'un noyau d'officiers expérimentés issus de l'ethnie albanaise et qui avaient servi dans l'Armée fédérale yougoslave. Les commandants de l’UÇK se montraient très soupçonneux à l'égard des FARK et s'efforçaient de les empêcher de recruter de nouveaux combattants et de s'approvisionner en armes et munitions. L’UÇK a détenu de nombreuses personnes, surtout des civils originaires du Kosovo, au nord de l'Albanie, près de la frontière du Kosovo, personnes qu'elle accusait de soutenir les FARK et de manquer par conséquent de loyauté à l'égard de la cause de l’UÇK. 43 Geqi et Alija ont été arrêtés respectivement en mai et juin 2010 et accusés de crimes de guerre commis sur la population civile. Malgré les preuves suffisantes réunies contre le troisième suspect, Krasniqi, celui-ci était toujours en fuite au moment de la rédaction du présent rapport et ne pouvait être mis en accusation dans le cadre de la procédure pénale kosovare. En attendant l'arrestation de Krasniqi et l'administration efficace de la justice, le procès des trois hommes devrait avoir lieu devant le tribunal de première instance de Pristina ou de Mitrovica début 2011. 44 Les sources dont nous disposons au sein de l’UÇK nous ont indiqué que Cahan était en fait un camp d'étape où l’UÇK faisait halte lors de sa progression à travers la frontière montagneuse du Kosovo. Les combattants de l’UÇK stationnés à Cahan ont la réputation d'avoir lancé «l’Opération Aero», une incursion exceptionnelle en territoire serbe fin mai 1999. 45 J’aimerais souligner, par souci d'objectivité, que certaines sources ont évoqué cette peur ressentie par les prisonniers en dramatisant les faits à l'excès. Nous n'avons, par exemple, trouvé aucun élément corroborant l'allégation selon laquelle certaines victimes avaient subi le prélèvement d'un rein, puis avaient été «recousues» et à nouveau détenues avant le prélèvement d'un deuxième rein. 46 La collusion du propriétaire avec des réseaux d'exploitation sexuelle, d'immigration illicite en Europe et de contrebande, notamment de trafic de drogue et d'armes, a conduit à son arrestation par les forces de l'ordre albanaises; il semble cependant n'avoir eu aucun lien avec les crimes commis par le réseau de l’UÇK. 47 Contrairement au scepticisme général que rencontre la possibilité que des opérations aient pu être pratiquées en Albanie en 1999-2000 pour alimenter le trafic d'organes, les experts que nous avons consultés directement ont jugé l'emploi de cette méthodologie parfaitement plausible et ont eu connaissance d'activités analogues, tout aussi illicites, dans lesquelles des prélèvements étaient effectués sur des cadavres. 48 L’accès limité des enquêteurs d’EULEX aux bases de données constituées en matière de criminalité par leurs http://assembly.coe.int/Mainf.asp?link=/Documents/WorkingDocs/Doc11/FDOC12462.htm

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homologues du Kosovo illustre cette question de la gestion de l'information. Les dirigeants locaux ont accordé à contrecœur aux agents d’EULEX l’accès au système informatique de la police du Kosovo (KPIS), mais uniquement au travers d'une poignée de noms d'utilisateurs et de mots de passe qui devaient être associés à la procédure de connexion d'un agent connu et désigné d’EULEX. Les recherches menées au travers de chacun de ces noms d'utilisateurs pouvaient ainsi être directement surveillées par les agents de liaison de la police du Kosovo, qui savait ainsi systématiquement à quel moment ou à quelle fréquence EULEX avait effectué des recherches et sur quelle personne précise elles avaient porté. Cette situation n'a pas permis aux enquêteurs de police des temps modernes d’échapper à de vulgaires problèmes techniques, puisque le système informatique KPIS était régulièrement en panne. Son équivalent consacré aux numéros d'immatriculation des véhicules, KVIS, a également pu être consulté par les enquêteurs d’EULEX après une période de négociation avec la police du Kosovo, qui s'est montrée à peine coopérative. Mais la version de cette base de données mise à leur disposition était exclusivement en albanais, contrairement au prototype initial élaboré conjointement sous l'autorité de la MINUK. MMA («Monitoring, Mentoring and Advising»), sigle résumant les relations entre EULEX et la police kosovare, n'a guère d'importance lorsque les partenaires kosovars font très exactement ce qu'ils veulent; les agents de liaison internationaux n'ont alors d'autre recours que de rédiger un rapport qui suivra la voie hiérarchique et atterrira sans doute sur un bureau, quelque part à Bruxelles, pour y être traité avec une diligence minime, soucieuse du respect des convenances politiques. © APCE | Clause de non-responsabilité | © Crédits photos | Adresse | Contact : webmaster.assembly@coe.int

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ANNEXE IV


Statement of the Chief Prosecutor of the Special Investigative Task Force 29 July 2014 Background In September 2011, the Special Investigative Task Force – the SITF – was set up by the European Union to conduct a full-scale criminal investigation into the allegations contained in the report of Council of Europe Rapporteur Dick Marty. I was appointed as Chief Prosecutor, leading the SITF, and took up my post the following month, in October 2011. Over the past two and a half years, the SITF has conducted an intense, detailed investigation into the allegations in the Marty Report. This investigation has involved interviews of hundreds of witnesses in countries throughout Europe and elsewhere. It has involved the review of thousands of pages of documents compiled by numerous organizations and individuals that were engaged in Kosovo during and after the period of our investigative focus. This has been an extremely challenging exercise for the SITF. We have been looking at events that occurred some fifteen years ago and for which little or no physical evidence exists. Many witnesses whom we believe had information that would have been relevant to the investigation have since died or become so infirm that they are not in a position to provide testimony. Likewise, a number of other potential witnesses identified by SITF have not been interviewed because their current whereabouts could not be ascertained. Finally, we have faced challenges due to a climate of intimidation that seeks to undermine any investigations of individuals associated with the former Kosovo Liberation Army – the KLA. General Findings Despite these difficulties, I am convinced that SITF has conducted the most comprehensive investigation ever done of crimes perpetrated in the period after the war ended in Kosovo in June 1999. As a result of this investigation, we believe that SITF will be in a position to file an indictment against certain senior officials of the former Kosovo Liberation Army. These individuals bear responsibility for a campaign of persecution that was directed at the ethnic Serb, Roma, and other minority populations of Kosovo and toward fellow Kosovo Albanians whom they

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labeled either to be collaborators with the Serbs or, more commonly, to have simply been political opponents of the KLA leadership. Information compiled by SITF indicates that certain elements of the KLA intentionally targeted the minority populations with acts of persecution that included unlawful killings, abductions, enforced disappearances, illegal detentions in camps in Kosovo and Albania, sexual violence, other forms of inhumane treatment, forced displacements of individuals from their homes and communities, and desecration and destruction of churches and other religious sites. This effectively resulted in the ethnic cleansing of large portions of the Serb and Roma populations from those areas in Kosovo south of the Ibar River, with the exception of a few scattered minority enclaves. Additionally, we have found that certain elements of the KLA engaged in a sustained campaign of violence and intimidation through 1998 and 1999 directed at Kosovo Albanian political opponents, which also included acts of extrajudicial killings, illegal detentions, and inhumane treatment. We believe that the evidence is compelling that these crimes were not the acts of rogue individuals acting on their own accord, but rather that they were conducted in an organized fashion and were sanctioned by certain individuals in the top levels of the KLA leadership. The widespread or systematic nature of these crimes in the period after the war ended in June 1999 justifies a prosecution for crimes against humanity. Accordingly, we anticipate that such charges can be filed in this matter against several senior officials of the former KLA, and that an indictment would also likely include charges for war crimes, and certain violations of domestic Kosovo law, including murder. Some other domestic offenses – including torture – cannot be prosecuted because those crimes have prescribed due to the expiration of the 15-year statute of limitations. With no court in place at this time, and thus with an inability to file an indictment, we were not in a position to interrupt the running of the prescriptive period. That said, I do not believe that this will have a detrimental effect on this case, particularly since many of these criminal acts can likely be charged in the context of international humanitarian law violations for which there is no statute of limitations. In regard to the crimes I described above, obviously our focus – as an investigative and prosecutorial body – was to seek and compile evidence of criminal wrongdoing. While it was not our primary responsibility, we have nevertheless also felt a strong obligation to do everything we could to learn the fate of those people who disappeared in 1998 and 1999 and whose whereabouts are still unknown. Unfortunately, at this point, we have developed little additional information that would lead us to the locations of bodies or that would otherwise shed light on the whereabouts of those who disappeared. The pursuit of this information will, needless to say, remain a very high priority for SITF not only for our investigative purposes but also because of the compelling humanitarian interest in providing long 2


overdue answers to families, of all ethnicities, whose loved ones disappeared during this period. All in all, our investigative findings should come as no surprise to anyone, as they are consistent with what was reported as far back as 1999 by the OSCE in its report “As Seen As Told, Volume II,” and by Human Rights Watch in its report “Abuses Against Serbs and Roma in the New Kosovo.” This is the first time, however, that the allegations in those reports, and now those in the Marty Report as well, have been subjected to prosecutorial review in the context of a Kosovo-wide criminal investigation. While any case brought by SITF would obviously not replicate those reports in full, the underlying theme presented in those reports of a campaign of persecution led by certain senior individuals in the KLA leadership is consistent with our investigative findings at this point. Organ Harvesting and Trafficking While the Marty Report addressed this broader set of allegations, discussing the disappearances, detentions and killing of ethnic minorities and of Kosovo Albanian political opponents, the part of the report that garnered the most attention – because of its sensational nature – related to the allegations of murders for the purpose of harvesting and trafficking human organs. As I said, our findings were largely consistent with those in the Marty Report, and that also applies to the allegations on this issue. In order to prosecute such offenses, however, it requires a level of evidence that we have not yet secured. Like Dick Marty, during the course of his investigation, we have encountered significant challenges in obtaining such evidence. This is not to say that this evidence will not come together, and we certainly continue to vigorously pursue it. So, by no means, have we dismissed the validity of these allegations. While I do not yet feel that there is a strong enough evidentiary basis to conclude that indictments can be brought as to this aspect of the case, I do feel a particular obligation to address this issue specifically in light of the attention that has been focused on it. I can say at this point, that there are compelling indications that this practice did occur on a very limited scale and that a small number of individuals were killed for the purpose of extracting and trafficking their organs. This conclusion is consistent with what was stated in the Marty Report, namely that a “handful” of individuals were subjected to this crime. The use of the word “handful” by Senator Marty was intentional and it was meant literally. There is no indication at this point that this practice was more widespread than that and certainly no indication that a significant portion of the ethnic minorities who went missing or were killed were victims of this practice. Statements that have been made by some implying that hundreds of people were killed for the purpose of organ trafficking are totally unsupported by the information we have and that Dick Marty had. If even one person was subjected to such a horrific practice, and we believe a small number were, that is a terrible tragedy and the fact that it occurred on a limited scale does not diminish the savagery of such a crime. But, it likewise serves no purpose to 3


exaggerate the numbers, and to create undue pain and anxiety for the families who do not know the fate of their loved ones, leading them to imagine this added dimension of horror. Judicial Process In regard to the those crimes for which SITF has prosecutable evidence, the filing of an indictment will not occur until the specialist court designated to hear these cases is established – hopefully early next year. Between now and then, additional evidence may be brought to the fore and that would obviously affect the form of the indictment that is filed. So, this is an unusual – in fact, an unprecedented – situation in international justice where a special prosecutor’s office has been set up with full investigative authorities and with a mandate to issue indictments, but where no viable court exists in which those indictments can be filed. So, the statement of findings that I am making today will only serve as a placeholder until the more authoritative indictment can be issued. In terms of the process, there was recognition from the outset of the EU taking on this matter that certain extraordinary measures were necessary to conduct and ensure the integrity of an investigation of this nature. This led to the establishment of SITF as an autonomous investigative unit, situated outside Kosovo, in Brussels. The same considerations that factored into the establishment of SITF as a standalone investigative and prosecutorial office have also factored into the creation of a tribunal with certain safeguards that would provide the only means for a fair and secure trial in this matter. In regards to the court that is envisaged, I want to address a specific concern that has come from some in Kosovo that this is a special court just for the KLA and that it ignores crimes committed by others. The reality is that the ICTY had the jurisdiction to address crimes occurring during the period of armed conflict, so up to the point that the war ended in mid-June 1999. Pursuant to their jurisdictional mandate, ICTY brought a number of prosecutions against senior Serbian officials for crimes against humanity and war crimes during this period, for acts directed at Kosovo Albanian victims. ICTY, however, was prevented from prosecuting crimes in the post-war period – the period which has been the primary focus of our investigation – because their jurisdiction did not allow for prosecutions outside armed conflict. In 2000, ICTY Prosecutor Carla del Ponte actually requested revisions to the statute to allow ICTY to investigate and prosecute crimes during this period, but her request was not acted upon. As a result, crimes committed in Kosovo in the pre-war period and during the war itself have largely been dealt with by ICTY. The majority of these involved Serb perpetrators. What our investigation has done, and what this court will do, is to fill the void left by ICTY’s jurisdictional limitations. The reality is that the primary perpetrators during the post-war period were certain individuals affiliated with the KLA, but this is not singling them out for harsher treatment than others; it is only subjecting them to the same sort of international justice processes that have already been brought in relation to Serb perpetrators. 4


A number of steps have been taken to establish this specialist court and, while I am disappointed that it is not in place already, I understand that this has been a complex process and has involved navigating through uncharted territory. Moving this through the bureaucracy of the various EU institutions, reaching consensus among the 28 member states, securing a commitment from a host-state and addressing its concerns, and lastly, completing the legal and procedural steps in Kosovo necessary to create this court, has been an incredibly complicated, time consuming process. While most of these steps have been completed, and the Kosovo Government and Assembly have formally committed to establish a court with the necessary safeguards, the statute of the court and certain changes in Kosovo law must be enacted before the court can commence work. These procedural steps can only take place when a new Assembly is constituted in Kosovo pursuant to the recent elections. It is only at the point that the court is set up and judges are in place that SITF could file an indictment in this matter. Until this occurs, the specifics of SITF’s findings and the supporting evidence will remain under seal and further details on the investigation will not be made public. In the meantime, SITF will continue its investigative work to buttress its findings and to further strengthen the case. But, I strongly urge the Kosovo Government and Assembly and the EU to move quickly to finalize this process and to have a court in place early next year. Witness Intimidation As I indicated a moment ago, SITF has faced significant challenges in the conduct of this investigation, and we recognize that these challenges will continue to be a factor as work progresses. While I feel strongly that evidence will be sufficient to bring an indictment when the procedural vehicles are in place to allow for filing, I must acknowledge that, as with any criminal investigation, things can change and that it is impossible to offer absolute guarantees of specific results. In this regard, the issue that concerns me the most is one that I noted at the outset of my remarks and that is the climate of witness intimidation. As this investigation has progressed, there have been active efforts to undermine it by interfering with witnesses and these efforts are still ongoing. We have taken steps to counter the impact of the witness intimidation and we will continue to do so. We will actively investigate these activities and will prosecute any individuals found to have been involved. There is probably no single thing that poses more of a threat to rule of law in Kosovo and of its progress toward a European future than this pervasive practice. As long as a few powerful people continue to thwart investigations into their own criminality, the people of Kosovo as a whole pay the price as this leaves a dark cloud over the country. Those who engage in violence or the threat of violence against witnesses or those in political positions or the media who attack witnesses for daring to speak out are not the ones defending Kosovo. They are the people betraying Kosovo’s future.

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Chief Prosecutor In addition to this statement of investigative findings, I would also like to take this opportunity to announce that my service as Chief Prosecutor of the SITF will conclude on 23 August. When I was asked to take this position in mid-2011, I agreed to serve for a maximum term of three years and to see this process through the primary investigative phase. As both of those benchmarks are now approaching, I think this is the appropriate time for me to depart so as to facilitate the continuity of my successor through the pre-trial and trial phase of this case. As I prepare to finish my work with SITF, I want to acknowledge the tremendous work of the men and women who have been my colleagues in the SITF and to express my appreciation to them. This group of incredible professionals – prosecutors, investigators, legal officers, analysts, and other specialists from 18 EU countries, Canada, and the United States – has worked against daunting odds to conduct this investigation. It is their commitment, their professionalism, and their diligence which have brought us to this point and I am confident that they will continue to pursue this investigation until an indictment can be filed. I would also be remiss if I did not acknowledge the contributions of other partners. Senior officials in the Government of Kosovo deserve significant credit for their actions that facilitated this investigation – something which was obviously not easy for them to do. From the outset, President Jahjaga has been very supportive, recognizing that a resolution of these issues and a strong commitment to rule of law were in the interest of Kosovo. Likewise, the governments in neighboring states, such as Montenegro and Albania were extremely helpful and responsive to our requests for full cooperation. The Government of Serbia, led by Prime Minister Vučić, and previously by Prime Minister Dačić, has done everything it could to assist us in this process, but has also gone to great lengths to avoid interference in the independence of our process. Our primary operational interlocutor in the Serbian Government has been Chief War Crimes Prosecutor, Vladimir Vukčević, and both he and his office have been incredibly helpful, while also fully respecting our independence. We have worked as well with organizations of victims, survivors and missing persons and their willingness to assist us after the passage of so much time has been a significant asset to our work. Also, a number of other national governments, various components of international organizations, and non-governmental organizations have all provided information and have made relevant people available for witness interviews. While we have benefited from the information already obtained and for access to potential witnesses, there will be an ongoing need for this cooperation as the investigative and prosecutorial process continues. I want to encourage them, and any other organizations or individuals with relevant information, to find the means to share it with SITF. Additionally, a number of states have offered assistance in regards to witness protection matters. We are grateful 6


for the commitments that have already been made, but here too there will be a continuing need as the investigation and trial progress. Finally, the Member States of the European Union, the European External Action Service, and the US Government have provided invaluable support and have ensured that this process has successfully gone forward. As an American diplomat and prosecutor who has led this EU initiative for the last three years, I can say unequivocally that it represents an outstanding example of what can be achieved through US/EU operational cooperation. Conclusion In closing, I want to make this important point. Some, in order to protect themselves, have tried to portray this investigation as an attack on Kosovo’s fight for freedom or on the KLA as an organization. Many Kosovars joined the KLA with the best of intentions and they rejected the rampant criminality that transpired after the war. Some of them have shown great courage and integrity by coming forward as witnesses and telling what they know about those who took a different path – those in leadership positions who embraced criminality and wanted to use the KLA to further their own personal objectives. So, it should be clear that this investigation and any charges that result from it, are directed at the criminal actions of individuals within distinct groups not at the KLA as a whole. Nor, is this an attempt to re-write history, as some have tried to present it. I was in Kosovo in 1998 and 1999 and I supervised the subsequent investigation by the ICTY of Serb-perpetrated crimes during that period, co-authoring the initial indictment against Slobodan Milošević and others for the crimes directed against Kosovo Albanian victims. I had a leading role in the exhumations of mass graves that occurred in the summer of 1999, where the bodies of thousands of Kosovo Albanian victims were recovered. I went to numerous crime scenes throughout Kosovo and I spent many hours speaking with victims and with family members of those missing or killed. So, from my own very direct involvement, I understand clearly what happened in Kosovo in the years leading up to the war in 1999 and in the war itself. No matter what the circumstances are that led to that conflict, though, there is nothing that justifies the intentional targeting of innocent individuals. What happened in the aftermath of the conflict was not about defending Kosovo or fighting for freedom. Rather, this was a brutal attack on significant portions of the civilian population. It was directed at almost all of the Serbs who wanted to stay in Kosovo, many of whom were elderly or infirm; at the Roma and at other ethnic minorities; and it was directed at those Kosovo Albanians who opposed a small group within the KLA having a monopoly on power. In the end, this was solely about certain individuals in the KLA leadership using elements of that organization to perpetrate violence in order to obtain political power and personal wealth for themselves, not about any larger cause. And, it is as individuals that they must bear responsibility for their crimes. 7


ANNEXE V


AMNESTY INTERNATIONAL PRESS RELEASE

Index AI : PRE01/025/2011 21 January 2011

Amnesty International demande l'ouverture d'une enquête sur des manifestations en Albanie Vendredi 21 janvier, Amnesty International a exhorté les autorités à enquêter sur la mort présumée de trois hommes au cours de manifestations contre le gouvernement qui se sont déroulées à Tirana, la capitale albanaise. Des manifestants qui appelaient à la démission du gouvernement auraient jeté des bâtons et des pierres contre des bâtiments gouvernementaux ; la police a répliqué à l'aide de gaz lacrymogène, de balles en caoutchouc et de matraques. « Si la police a le droit de maintenir l'ordre et de protéger le public, elle ne doit pas pour autant recourir à une force excessive contre ceux qui exercent leur droit légitime de manifester », a déclaré Andrea Huber, directrice adjointe du programme Europe et Asie centrale d'Amnesty International. Des manifestants ont également signalé avoir entendu des coups de feu. Des représentants des autorités albanaises ont indiqué que trois hommes étaient morts au cours de ces manifestations ; ils ont semble-t-il été abattus à bout portant par des armes de petit calibre. Dix-sept policiers et 21 civils ont par ailleurs été blessés.


ANNEXE VI


Zašto Hrvatska nije trebala pristupiti Europskoj Uniji Autori: Vittoria Caron, Alessandro Cuttica i Danijela Demarin

Izvor: www.alfa-portal.com

Prvog dana srpnja 2013. godine, europska obitelj prihvatila je svoju 28. članicu, Hrvatsku. Nakon manje od osam mjeseci članstva, država je ušla u proceduru prekomjernog deficita, dostignula duplo veći javni dug odnosno 60 posto od bruto domaćeg proizvoda u 2013. godini, te povećala ograničenja na ljudska prava i građanske slobode. Ključno pitanje koje se javlja je: zašto je Europska Unija prihvatila Hrvatsku kao svoju članicu, znajući da je zemlja daleko od europskih standarda? Zašto EU snižava kriterije potrebne za ulazak? Što je to proširenje uopće postalo? Prilikom pristupanja Hrvatske Europskoj Uniji, predsjednik Europskog Parlamenta Martin Schulz čestitao je zemlji na „stvaranju institucija temeljenih na demokraciji i vladivini prava te reformiranju gospodarstva čineći ga tako kompetitivnijim“. Doista, tijekom pregovora ova je mediteranska država uložila neizmjeran trud u rješavanje brojnih problema, uključujući odnose sa susjedima, no medeni mjesec između Europske Unije i Hrvatske nije dugo trajao. Kada je 2012. godine hrvatska javnost glasala na referendumu o članstvu u EU, samo 44 posto glasača izašlo je na birališta. Manjak interesa bio je kontradiktoran željama Vlade koja je u većini bila za članstvo. Za političare u Zagrebu, pridruženje EU bilo je zapravo povlačenje linije od bijedne i krvave prošlosti obilježene Domovinskim ratom te dokazivanje EU, kao i balkanskim susjedima, da zemlja nije osuđena na čekanje pred europskim vratima.


RužaTomašić, hrvatska predstavnica u Europskom Parlamentu u stranci Europskih konzervativaca i reformista te velika europskeptičarka izjavila je za ovu web stranicu: „Čak i prije referenduma o članstvu tvrdila sam da Hrvatska uistinu pripada u EU, ali ne još.“ Objasnila je: „Europska Unija je kompleksna zajednica sa svojim problemima i neriješenim dvojbama stoga male države moraju biti prilično snalažljive i jake da bi mogle profitirati. Hrvatska to nije, barem ne još.“ Tomašić također tvrdi da je gospodarstvo države na koljenima, da se iz godine u godinu vidi pad industrijske proizvodnje, te da državu iznad vode održava turizam. Treba na umu imati i da se od 2008. godine bruto domaći proizvod smanjio za 11,5 posto što je drugi najgori rezultat, odmah iza Grčke te da je nezaposlenost 18,6 posto, treća najgora nakon Grčke i Španjolske. Krajem siječnja ove godine Europska je Unija odlučila Hrvatsku uvesti u proceduru prekomjernog deficita tražeći od države da smanji deficit za barem 3 posto bruto domaćeg proizvoda do 2016. godine. U tom kontekstu, šef ekonomije EU Olli Rehn upozorio je Hrvatsku da mora aktivno raditi na traženom smanjenju ukoliko želi povratiti povjerenje u gospodarstvo. Korupcija je još jedan zabrinjavajući apekt: iako se situacija popravila nakon ulaska u EU, Hrvatska je još uvijek jedna od najkorumpiranijih europskih država. Indeks percepcije korupcije Transparency International-a pokazuje da se ova balkanska zemlja nalazi na 57. mjestu svjetske rang liste s rezultatom od 48 od ukupno 100, dok naprimjer Njemačka ima rezultat 78, a Ujedinjeno Kraljevstvo 76. Europska komisija ovaj je problem prepoznala i tijekom pregovora te u svom izvješću naglasila da Zagreb još uvijek mora suzbiti korupciju, ileglanu trgovinu te organizirani kriminal. Mnoge druge zemlje članice imaju isti problem, posebno Italija, no kako je Hrvatska najnovija članica, intrigantno je kako EU zapravo snižava kriterije umjesto da ih povisuje kako bi motivirala države da agresivnije rade na prevenciji korupcije. Od trenutka kada je Hrvatska postala kandidatom za EU postoji spor između Europske komisije i hrvatske Vlade oko zakona koji se odnosi na europski uhidbeni nalog. Samo dva dana prije ulaska u europsku obitelj, Vlada je odobrila izmjene i dopune na uvođenje vremenskog ograničenja na europskim uhidbenim nalozima. Izmjene su dobile ime 'Lex Perković' po bivšem šefu jugoslavenske i hrvatske tajne službe Josipu Perkoviću koji je po europskim pravilima trebao biti poslan u Njemačku na suđenje za ubojstvo Stjepana Ðurekovića. Ranije ove godine, Perković je ipak poslan u München, a kasnije u Nürnberg zbog sigurnosnih razloga. Njegovo suđenje će početi u lipnju. RužaTomašić komentirala je: „Osramotili smo se s Lex Perkovićem i poslali poruku da smo nevjerodostojan partner. Potencijalni investitori bježe od takvih zemalja.“ Nadalje, kada su u pitanju ljudska prava i građanske slobode, potrebno je spomenuti referendum održan 1. prosinca prošle godine, koji je definirao brak kao isključivu zajednicu žene i muškarca, tako proglasivši istospolni brak protuzakonitim. Sa 65 posto birača u korist, taj zakon donesen je na ustavnoj razini. Stotine aktivista prosvjedovalo je protiv zanemarivanja njihovih prava, no nisu uspjeli osporiti kontroverzni referendum. Iako postoje i druge članice EU gdje je istospolni brak protuzakonit, na ovakav je način Hrvatska povećala jaz s nekim zemljama EU i otišla potpuno suprotno načelima EU o ljudskim pravima.


Na sličan način ova mediteranska zemlja pokazala je nedostatak snage da zaštiti manjine. Srbijanska etnička skupina koja živi u gradu Vukovaru, u blizini granice sa Srbijom, zakonski ima pravo na ulične znakove na ćirilici. Ipak, uvođenje istih povećalo je napetosti između dva naroda koja su se borila jedni protiv drugih u Domovinskom ratu 90-ih godina. Konkretno, nakon što je Hrvatska zatražila neovisnost od Jugoslavije, Jugoslavenska Narodna Armija predvođena Slobodanom Miloševićem izvršila je agresiju na hrvatske gradove počinivši zločine protiv čovječanstva te ostavivši ožiljke koji vjerojatno nikada neće zacijeliti. Jedan od tih gradova je Vukovar. Vojska je razorila grad, zlostavljala stanovnike, oduzela im domove i silovala žene. Postavljanje uličnih znakova na ćirilici, pismu koje pripada srbijanskom narodu, shvaćeno je kao provokacija protiv koje su Vukovarci protestirali. Razbijali su znakove u Vukovaru dok su se u drugim gradovima okupljali tražeći od Vlade da promjeni zakon. Upravo ovakvi neredi odgovornost su Vlade zbog riskantne i nepromišljene odluke koja je izložila srpsku manjinu u Vukovaru uvredama i protestima zbog rana iz prošlosti koje su još previše svježe da bi bile zaboravljene. Unatoč ljutnji i mržnji aktivista koje su većinom sačinjavali bivši vojnici koji su se borili za hrvatsku neovisnost, Vlada nije promjenila zakon te je odlučila zadržati znakove koji su kontinuirano lomljeni i mjenjani.

Tisuće ljudi prosvjedovale su i borile se protiv policije ostavljajući iza sebe desetke ozlijeđenih policajaca i civila. Izvor: www.slobodnadalmacija.hr

Tu je još jedan nedostatak koji hrvatska Vlada pokušava sakriti. Kao posljedica srpske agresije na Hrvatsku, 1995. godine hrvatska je ofenziva bila je prisiljena iseliti više od 200 tisuća Srba iz njihovih domova u Hrvatskoj. Otada, ti ljudi pokušavaju vratiti ono što im pripada. Unatoč pokretanju Regionalnog projekta za zbrinjavanje izbjeglica koji uključuje Srbiju, Hrvatsku, Crnu Goru i Bosnu i Hercegovinu, još uvijek postoje tisuće raseljenih obitelji. Program je obećao domove za oko 24 tisuće izbjegličkih obitelji u regiji. Problem je u tome što je Hrvatska vlada relativno spora u djelima odnosno izgradnji domova. U međuvremenu, izbjeglice žive u velikom siromaštvu. U rujnu prošle godine, Hrvatska vlada je pokušala ukinuti status izbjeglica svim Srbima koji su napustili Hrvatsku između 1991. i 1995., ali UNHCR je odbacio prijedlog. Trenutno još uvijek postoji 40 tisuća ljudi u Srbiji registriranih kao izbjeglice


iz Hrvatske. U isto vrijeme, tisuće Hrvata još uvijek živi van matične zemlje čekajući pomoć i povrat domova koji su im nasilno oteti. Od svih država uključenih u spomenuti program očekuje se aktivan rad. Budući da su neke od njih, poput Srbije i Crne Gore, u tijeku pregovora za ulazak u EU, na instituciji je da ukaže na bitnost rješavanja ovakvog problema te traži od država konkretne rezultate. Osim ako ne odluči sniziti svoje kriteriji još više. Hrvatska predstavnica u Europskom Parlamentu sažela je hrvatske manjkavosti: „Slaba industrijska proizvodnja, poljoprivredna nekonkurentnost, porezi zabrane i socijalni doprinosi koje guše građane i poslodavce. Tu je i opći nedostatak informacija o građanima i ovlasti institucija EU, nepodnošljiv politički utjecaj na pravosuđe, državno odvjetništvo i policiju, nedosljedna i nezrela vanjska politika koja nas čini pijunom, a ne partnerom.“ Također tvrdi kako Hrvatska nije ni politički ni ekonomski stabilna, niti dovoljno jaka da se bori za svoje interese u društvu velikih zemalja. Međutim, Tomašić vidi svjetlo na kraju tunela: „Ja vjerujem u svijetlu budućnost naše zemlje u EU ili izvan nje. Hrvatska ima predispozicije da se razvije u uspješnu europsku zemlju, ali nam je potrebna radikalna promjena - od strukturnih reformi države do promjene načina razmišljanja ljudi.“ S obzirom na sve navedene probleme, čini se da Hrvatska ne izgleda kao idealan kandidat za ulazak u EU. Zašto se to onda dogodilo? Kakvu je korist EU imala od hrvatskog ulaska? Odlagalište smeća, kaže vic u Hrvatskoj. No, nakon svega, je li to doista samo šala? Da bi Hrvatska u potpunosti bila spremna za EU, Unija je trebala pokazati svoju sposobnost da riješi probleme koji su zlostavljali ovu bivšu jugoslavensku državu. EU je počela uspješno izrađivati mir između Hrvata i Srba, ali pitanje ćiriličnih natpisa kao i problem izbjeglica ukazuje da je i pred državom i pred EU još dug put. Pristupanje Europskoj Uniji trebao bi biti teško dokučiv cilj na putu do kojega bi države morale naporno raditi u svim poljima, no je li to doista tako danas? I gdje će ovo snižavanje kriterija odvesti europsku obitelj?


ANNEXE VII


PREDLOG Na osnovu člana 8. stav 1. Zakona o Narodnoj skupštini („Slub eni glasnik RS”, broj 9/10), Narodna skupština donosi

NACIONALNU STRATEGIJU ZA BORBU PROTIV KORUPCIJE U REPUBLICI SRBIJI ZA PERIOD OD 2013. DO 2018. GODINE I. UVOD Pojam i konstitutivni elementi korupcije, još uvek nisu na jedinstven i uniforman način definisani. Do sada korišćena definicija u Republici Srbiji, koju propisuje Zakon o Agenciji za borbu protiv korupcije („Slubeni glasnik RS”, br. 97/08, 53/10 i 66/11 – US), određuje korupciju kao odnos koji se zasniva zloupotrebom slubenog, odnosno društvenog poloaja ili uticaja, u javnom ili privatnom sektoru, u cilju sticanja lične koristi ili koristi za drugoga. U uporednoj praksi u svetu, korupcija se najčešće shvata kao zloupotreba ovlašćenja radi lične koristi („abuse of power for private gain”). Ovaj koncept se koristi u Globalnom programu Ujedinjenih nacija protiv korupcije, koji je prihvaćen i u praksi Evropske unije (posebno je pominje Saopštenje Evropske unije o borbi protiv korupcije iz 2011. godine). O rasprostanjenosti ovog problema ukazuje indeks percepcije korupcije Transparency International-a, prema kojem se Srbija 2012. godine našla na 80. mestu od 176 zemalja. Prva Nacionalna strategija za borbu protiv korupcije u Republici Srbiji („Slubeni glasnik RS”, broj 109/05), usvojena je 2 005. godine, a Akcioni plan 2006. godine. Iz izveštaja Agencije za borbu protiv korupcije (u daljem tekstu: Agencija) o sprovođenju Strategije iz 2005. godine za 2012. godinu, proizlazi da su u najvećoj meri ostvareni ciljevi u oblasti ustanovljavanja pravnog i institucionalnog okvira za prevenciju i suzbijanje korupcije, sprečavanja sukoba interesa u javnom sektoru, uključivanja u regionalnu i međunarodnu borbu protiv korupcije, kao i uspostavljanja etičkih standarda i transparentnog finansiranja političkih stranaka. S druge strane, pojedina pitanja koja su predmet strateškog dokumenta, uopšte nisu ili su samo delimično rešena. Kao primer se mogu navesti reforma pravosuđa, koja još uvek nije zaokruena na zadovoljavaju ći način, procesi privatizacije i javnih nabavki, koji i dalje izazivaju zabrinutost u pogledu korupcije, nedovoljna transparentnost vlasništva nad medijima i mogućnost nedozvoljenog uticaja na uređivačku politiku, nedovoljno učešće javnosti u zakonodavnom procesu i budetskom plan iranju, itd. U pomenutom izveštaju Agencije je definisala dve vrste problema i izazova u postupku nadzora nad sprovođenjem Strategije iz 2005. godine. Prvo, proces prikupljanja informacija i izveštaja od obveznika Akcionog plana iz 2006. godine, nailazio je na brojne poteškoće, iz razloga što obveznici ne ispunjavaju svoju zakonsku dunost izveštavanja na blagovremen i potpun način. Drugo, nekonzistentna sadrina Strategije iz 2005. godine i Akcionog plana iz 2006. godine, uzrokovala je nedoumice u pogledu toga koje je aktivnosti potrebno sprovesti i u čijoj su one nadlenosti. U Republici Srbiji postoji razvijena svest i politička volja da se postigne značajan napredak u borbi protiv korupcije, uz poštovanje demokratskih vrednosti, vladavine prava i zaštite osnovnih ljudskih prava i sloboda. Na ovim temeljima, donosi se Nacionalna strategija za borbu protiv korupcije u Republici Srbiji za period od 2013. do 2018. godine (u daljem tekstu: Strategija), dok će konkretne mere i aktivnosti za njeno sprovođenje biti predviđene akcionim planom.


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II. OPŠTI CILJ I NAČELA STRATEGIJE Opšti cilj Strategije je da se korupcija, kao prepreka ekonomskom, socijalnom i demokratskom razvoju Republike Srbije, u najvećoj mogućoj meri otkloni. Posledice korupcije ne sastoje se isključivo u osiromašenju društva i drave, nego i u drastičnom padu poverenja građana u demokratske institucije, kao i stvaranju neizvesnosti i nestabilnosti ekonomskog sistema koja se ogleda, između ostalog, i u smanjenju investicija. Prema istraivanju Svetskog ekonomskog foruma za period od 2011. do 2012. godine, korupcija je svrstana među prva dva problema koja se uočavaju prilikom donošenja odluke o započinjanju privredne delatnosti u Republici Srbiji. Prilikom sprovođenja Strategije, organi vlasti i nosioci javnih ovlašćenja, koji su uključeni u prevenciju i borbu protiv korupcije, duni su da vrše svoja ovlašćenja u skladu sa sledećim opštim načelima: 1.

Načelo vladavine prava – Garancija zakonitosti postupanja, jednakosti pred zakonom i prava svih građana na pravna sredstva. Ustav Republike Srbije, zakoni i podzakonska akta, kao i potvrđeni međunarodni ugovori i opšteprihvaćena pravila međunarodnog prava, moraju imati punu i doslednu primenu;

2.

Načelo „nulte tolerancije” na korupciju – Neselektivna primena zakona u svim pojavnim oblicima korupcije;

3.

Načelo odgovornosti – Obaveza da se preuzme puna odgovornost za kreiranje javnih politika i njihovo efikasno sprovođenje, uključujući primenu ove strategije i akcionog plana;

4.

Načelo sveobuhvatnosti primene mera i saradnje subjekata – Dunost da se mere primenjuju sveobuhvatno i dosledno u svim oblastima, uz saradnju i razmenu iskustava i usaglašavanje postupanja relevantnih subjekata, na svim nivoima vlasti, sa ustanovljenom dobrom praksom;

5.

Načelo efikasnosti – Dunost da se, u okviru svojih ovlaš ćenja, redovno sprovode mere protiv korupcije i da se vrši stalna obuka radi unapređenja efikasnosti u borbi protiv korupcije;

6.

Načelo transparentnosti – Garancija transparentnosti u postupku donošenja i sprovođenja odluka, kao i omogućavanje građanima pristup informacijama, u skladu sa zakonom.

III. OBLASTI STRATEGIJE Iako korupcija predstavlja pojavu koja proima celo kupno društvo, Strategijom se navode pojedine oblasti u kojima će se prioritetno delovati, a koje su prepoznate kao ključne za izgradnju i jačanje sistemskih antikorupcionih mehanizama. Činjenica je da nije moguće, u ograničenom periodu i sa ograničenim resursima, rešiti probleme u svim oblastima u kojima se korupcija mo e javiti. Stoga, Strategija nastoji da pravilnom alokacijom ograničenih resursa u strateškom vremenskom okviru od pet godina, stvori čvrste temelje za buduću sveobuhvatnu borbu protiv korupcije. Pored toga, u poglavlju koje sledi (poglavlje IV. – Prevencija korupcije), definisani su ciljevi koji se odnose kako na oblasti prioritetnog delovanja, tako i na sve druge oblasti u kojima se moe javiti koruptivno ponašanj e. Oblasti prioritetnog delovanja su utvrđene na osnovu kvalitativne i kvantitativne analize indikatora o trendovima, obimu, pojavnim oblicima i drugim pitanjima vezanim za korupciju u Republici Srbiji. Oni su zasnovani na različitim izvorima informacija, uključujući godišnje izveštaje Agencije o sprovođenju Strategije iz 2005. godine, izveštaje Saveta za borbu protiv korpucije (u daljem tekstu: Savet),


-3analize potreba urađene za potrebe izrade Strategije, izveštaja Evropske komisije o napretku Republike Srbije iz 2012. godine, analiza u okviru Grupe drava za borbu protiv korupcije Saveta Evrope (u daljem tekstu: GREKO), Organizacije za ekonomsku saradnju i razvoj (u daljem tekstu: OECD) i Konvencije Ujedinjenih nacija protiv korupcije (u daljem tekstu: UNKAK), modela planova integriteta koji su nastali u saradnji sa organima vlasti u procesu koji je koordinirala Agencija, analize percepcije građana o korpuciji, izveštaja civilnog sektora, kao i drugih relevantnih dokumenata. Struktura ovog poglavlja Strategije je takva da se prvo navodi oblast prioritetnog delovanja i kratak opis stanja i ključnih problema u njoj, a zatim formulacija ciljeva, čijim će se postizanjem otkloniti uočeni problemi. 3.1. Političke aktivnosti a) Opis stanja Donošenjem Zakona o finansiranju političkih aktivnosti („Slubeni glasnik RS”, broj 43/11) Republika Srbija je značajno unapredila pravni okvir u ovoj oblasti. Međutim, u praksi se pokazalo da pojedina zakonska rešenja imaju nedostatke, naročito u pogledu obaveza lica koja su u vezi sa političkim subjektima, korišćenja javnih resursa, kao i obaveza organa nadlenih za k ontrolu finansiranja političkih subjekata. Do današnjeg dana nije izvršena ni jedna eksterna revizija političkih subjekata, jer oni nisu bili predviđeni zakonom kao obavezni subjekti revizije Dravne revizorske institucije (u daljem tekstu DRI). Dodatnu poteškoću u ovoj oblasti predstavlja nedostatak potrebnih kapaciteta organa nadlenih za kontrolu finansiranja. Agencija je pokazala značajne rezultate na polju sprečavanja sukoba interesa u smislu nespojivosti funkcija. Međutim, pitanje sukoba interesa, u smislu otklanjanja uticaja privatnog interesa lica koja vrše javne funkcije, nije regulisano na adekvatan način, što oteava postupanje Agencije. Stoga je neoph odno precizirati i obezbediti mehanizme za praćenje i doslednu primenu odredaba o sukobu interesa i ojačati odgovornost i transparentnost u postupanju. U sferi kontrole imovine i prihoda funkcionera, Agencija se susrela sa poteškoćama u vezi sa proverama tačnosti i potpunosti izveštaja o imovini i prihodima i vođenjem registra. Glavni nedostaci koji su se pokazali u praksi jesu neprecizno definisan zakonski pojam, prava i obaveze funkcionera, kao i nepostojanje kataloga javnih funkcija. Pored toga, neprecizno definisana ovlašćenja i dunosti Agencije u postupku kontrole, kao i neadekvatna saradnja sa nadlenim organima, dodatno oteavaju p ostupak provere podataka u dostavljenim imovinskih karticama. Učešće javnosti i organizacija civilnog društva imaju ključnu ulogu u povećanju transparentnosti rada i odgovornosti političara. Naime, proces usvajanja propisa u Republici Srbiji, na svim nivoima, odlikuje nedovoljno učešće javnosti, zbog čega mnogi propisi postaju „instrument” korupcije i zloupotreba, umesto da budu sredstvo njihovog iskorenjivanja. Razlog za to je, između ostalog, odsustvo zakonske garancije da će u svim slučajevima, usvajanju propisa prethoditi javne rasprave i da će njihovi predlozi biti razmotreni. U Republici Srbiji nije regulisan ni proces lobiranja, kao mehanizma za uticaj zainteresovanih pojedinaca i grupa na usvajanje propisa i donošenje odluka. Zbog načina postavljanja i razrešavanja direktora, kao i načina upravljanja javnim preduzećima na svim nivoima vlasti, vremenom je stvoreno pogodno tlo za uticaj interesa političkih subjekata na njihov rad. Novim Zakonom o javnim preduzećima („Slubeni glasnik RS”, broj 119/12), smanjeni su određeni rizici od korupcije. Ipak, iako su sada propisani uslovi za izbor direktora, nisu utvrđeni jasni


-4kriterijumi na osnovu kojih nadleno ministarstvo p redlae komisiji kandidata i na osnovu kojih komisija vrši konačnu selekciju kandidata koji su ispunili sve propisane uslove. Stoga, izbor, razrešenje i način vrednovanja rada direktora i dalje predstavljaju rizične procese sa stanovišta zloupotreba i nastanka korupcije. Iako se javnim dobrom, u cilju sticanja lične koristi, trguje na svim nivoima vlasti, segment antikorupcijske akcije na nivou teritorijalne autonomije i lokalne samouprave je, od strane donosilaca političkih odluka, gotovo u potpunosti izostavljen i zaboravljen. Osim u retkim slučajevima, izostaje usvajanje i sprovođenje ozbiljnog pokrajinskog, odnosno lokalnog akcionog plana za borbu protiv korupcije, koji bi obezbedio transparentan rad organa teritorijalne autonomije, odnosno lokalne samouprave, kao i pokrajinskih i lokalnih javnih preduzeća, transparentan budetski sistem, odnosno kreiranje i trošenje budetskih sre dstava, kao i adekvatan odgovor građanskog društva i medija na korupcijske izazove. Potencijal za probleme korupcije na ovim nivoima je povećan i nastaviće da raste sprovođenjem procesa dekoncentracije i decentralizacije nadlenosti sa r epubličkog nivoa. Nedostatak stalnog radnog tela pri skupštini autonomne pokrajine odnosno jedinice lokalne samouprave, zaduenog za borbu protiv korupcije, on emogućava efikasnu kontrolu veća i uprave na tim nivoima vlasti. b) Ciljevi 3.1.1. Otklonjeni nedostaci u pravnom okviru kontrole finansiranja političkih aktivnosti i subjekata. 3.1.2. Otklonjeni nedostaci u pravnom okviru i ojačani kapaciteti u oblasti prevencije sukoba interesa, kontrole imovine i prihoda javnih funkcionera. 3.1.3. Usvojen i primenjen delotvoran zakonski okvir kojim se reguliše lobiranje i učešće javnosti u postupku donošenja propisa. 3.1.4. Utvrđeni jasni kriterijumi za predlaganje, izbor i razrešenje, kao i vrednovanje rezultata rada direktora javnih preduzeća. 3.1.5. Usvojeni pokrajinski i lokalni akcioni planovi za borbu protiv korupcije čije sprovođenje nadziru stalna radna tela pokrajinskih, odnosno lokalnih skupština. 3.2. Javne finansije 3.2.1. Javni prihodi a) Ocena stanja Uspostavljanjem novog sistema e-Porezi, započeo je transparentniji rad Poreske uprave. Sistem je još uvek u svojoj početnoj fazi, u kojoj postoji prostora za dodatno jačanje kapaciteta, tehničkih uslova, edukacija zaposlenih, kao i sprovođenja kampanja za povećanje nivoa informisanosti građana o postojanju i funkcionisanju ovog sistema. Pored toga, nije uspostavljen sistem za povezivanje evidencije o osobama, sa evidencijama o imovini i prihodima, koje se vode u Republici Srbiji putem na jedinstvenog identifikacionog poreskog broja. Zbog toga je oteano pra ćenje promena i kontrolisanje prijavljenih podataka, u periodu do reformisanja poreskog sistema uvođenjem sintetičkog oporezivanja ličnog dohotka, umesto postojećeg cedularnog sistema. Ovakvo stanje negativno utiče i na efikasnu kontrolu imovinskih kartica zaposlenih, postavljenih i imenovanih lica u javnim slubama, kao i javnih funkcionera, kao i kontrolu finansiranja političkih stranaka. Uprava carina preduzima značajne sistemske mere u ovoj oblasti: započeto je sa izradom strategije za borbu protiv korupcije na nivou Uprave carina, radi se na uvođenju video nadzora i sistema čitača registarskih oznaka u svaku organizacionu


-5jedinicu u kojoj se vrše poslovi carinske slube. U prava carina je pripremila tekst zakona o carinskoj slubi, koji predvi đa čitav niz mera i ovlašćenja za donošenje podzakonskih propisa kojim će biti regulisano postupanje u vršenju poslova carinske slube u oblastima gde postoje rizici od pojave kor upcije. Prilikom izrade planova integriteta, kao realni koruptivni rizik, identifikovane su procedure deklarisanja roba po carinskoj tarifi, umanjivanja carinske vrednosti robe, krijumčarenje, itd. Pored toga, kapaciteti i organizaciona struktura Odeljenja za unutrašnju kontrolu ne omogućavaju češće vršenje iznenadne neposredne terenske kontrole primene carinskih propisa u carinskim ispostavama i na graničnim prelazima. Na carinskim ispostavama i graničnim prelazima trebalo bi poboljšati video nadzor, kao delotvorni mehanizam za suzbijanje korupcije i lakše dokazivanje u mogućim postupcima utvrđivanja odgovornosti. Osnovni problemi su nedostatak pravnog okvira, tehničke opremljenosti i stručnih kadrova. U sklopu sistemskog pristupa, u poslovnom planu Uprave carina za 2013 godinu, borba protiv korupcije i jačanje integriteta su uvršteni u osnovne ciljeve. Uspostavljanje informacionog sistema Uprave carine, predstavlja pozitivan napredak ka uspostavljanju transparentnosti i odgovornosti rada. Stoga, Uprava carina je Indikativnim poslovnim planom za 2014. i 2015. godinu, predvidela aktivnosti radi apliciranja i obezbeđivanja sredstava iz predpristupnih fondova Evropske unije. b) Ciljevi 3.2.1.1. Sistem e-Porezi u potpunosti je razvijen i podaci se redovno auriraju. 3.2.1.2. Uspostavljen pravni i institucionalni okvir za sprovođenje sistema jedinstvenog identifikacionog poreskog broja za fizička i pravna lica. 3.2.1.3. Identifikovani i otklonjeni svi nedostaci u pravnom okviru carinskog sistema koji pogoduju korupciji. 3.2.1.4. Uspostavljena efikasna kontrola primene carinskih propisa. 3.2.2. Javni rashodi a) Ocena stanja Kontrola i odgovornost su od posebnog značaja kada je u pitanju upravljanje javnim resursima, odnosno sredstvima koja građani izdvajaju za potrebe delotvornog i efikasnog upravljanja javnim poslovima u skladu s opštim interesom. U Republici Srbiji poštovanje ovih standarda još uvek nije na zadovoljavajućem nivou. Javnost nije u potpunosti i na razumljiv način upoznata s procesima planiranja i trošenja budetskih sredstava. Zakoni o budetu za pojedinu budetsku godinu uglavnom se donose u kratkom vremenskom periodu, dok rasprava u Narodnoj skupštini, o načinu na koji su javna sredstva trošena u određenoj budetskoj godini, izostaje ve ć desetu godinu zaredom. U dosadašnjem periodu izostalo je efikasno sankcionisanje zloupotreba u javnim nabavkama, kao i adekvatna saradnja između Uprave za javne nabavke, javnih tuilaštava, ministarstva nadlenog za poslo ve finansija, DRI i drugih nadlenih institucija. Novi Zakon o javnim nabavkam a („Slubeni glasnik RS” broj 124/12), stupio je na snagu 6. januara 2013. godine, sa početkom primene od 1. aprila 2013. godine. Njime je postignut značajan napredak na normativnom planu, u oblasti transparentnosti postupka, redukovanja diskrecionih ovlašćenja rukovodilaca organa koji vrše nabavku, jačanja kontrole nad postupcima javnih nabavki, sankcija, profesionalizacije, jačanja kapaciteta i integriteta lica nadlenih za spr ovođenje javnih nabavki. Antikorupcijski efekti Zakona i potreba za eventualnim izmenama još se ne mogu u celosti sagledati. Ipak, već je izvesno da je neophodno uskladiti ostale propise sa novim zakonom i doneti podzakonske akte koji regulišu pitanja utvrđivanja


-6svrsishodnosti (opravdanosti) javne nabavke, sprovođenja praćenja i kontrole postupaka javnih nabavki, preventivnih mehanizama koji imaju za cilj sprečavanje zaključivanja ugovora na osnovu neosnovanog ili neregularno sprovedenog postupka javne nabavke, internih akata kojima bi precizno uredili postupak javne nabavke, itd. Uvođenju discipline u javnim nabavkama i suzbijanju neregularnosti, trebalo bi da doprinesu odluke Republičke komisije za zaštitu prava, ali se one ne sprovode dosledno. b) Ciljevi 3.2.2.1. Unapređeno učešće javnosti u praćenju trošenja budetskih sredstava. 3.2.2.2. Dosledna primena Zakona o javnim nabavkama i uspostavljena evidencija o postupanju nadlenih organa povodom nepravilnosti u tvrđenih u njihovim izveštajima 3.2.2.3 Unapređena saradnja i koordinacija aktivnosti na suzbijanju korupcije između relevantnih institucija, na svim nivoima vlasti. 3.2.3 Javna interna finansijska kontrola, eksterna revizija i zaštita finansijskih interesa Evropske unije a) Ocena stanja Koncept javne interne finansijske kontrole (u daljem tekstu: JIFK), kao sveobuhvatni i efikasni sistem, uspostavljaju organizacije javnog sektora radi finansijskog upravljanja i kontrole i interne revizije i izveštavanja o korišćenju javnih sredstava, uključujući i sredstva Evropske unije. Ovaj koncept sprovodi se podjednako nad svim korisnicima budeta (direktnim i indirektnim), kao i drugim korisnicima (lokalna samouprava, javna preduzeća, itd.). Stoga je od izuzetne vanosti obezbediti njenu funkcionalnu i operativnu nezavisnost i obaveznost primene. Međutim, iz Konsolidovanog godišnjeg izveštaja o stanju interne finansijske kontrole u javnom sektoru u Republici Srbiji, za 2011. godinu, Centralne jedinice za harmonizaciju Ministarstva finansija i privrede, proizlazi da navedeno nije obezbeđeno zbog neodgovarajućeg pravnog okvira, koji čine preteno podzakonski akti, ali i nedosledne primene postojeće regulative. Dodatnu poteškoću predstavlja i činjenica da postojeća sistematizovana radna mesta za interne revizore nisu u potpunosti popunjena zbog nedostatka visokoobrazovanog kadra, niskih zarada, neadekvatnosti sistematizovanih zvanja u odnosu na obim i sloenost posla i konkurencije privatnog sektora. Uočeno je i da viši rukovodioci u javnom sektoru nisu dovoljno upoznati sa svojom ulogom i odgovornošću u uspostavljanju sistema interne kontrole, kao i ulogom internog revizora u njihovoj organizaciji. Upravljačka odgovornost i finansijsko upravljanje i kontrola i dalje se shvataju u svom uem značenju. Finanasijsko upravljanje i kontrola su usmereni na zakonitost i pravilnost finansijskih transakcija, bez eksplicitnog razmatranja pitanja ekonomičnosti, efikasnosti i svrsishodnosti. Prema Izveštaju Evropske komisije o napretku 2012. godine, postignut je napredak u oblasti eksterne revizije. DRI je nastavila da postepeno izgrađuje svoje kapacitete i zaposleni su novi revizori. Savet DRI usvojio je novembra 2011. godine strateški razvojni plan za period 2011–2015. DRI je nastavila rad na unapređenju metodologije revizije. Ona je istovremeno povećala svoj obuhvat revizijom. Međutim, Zakon o Dravnoj revizorskoj instituciji („Slubeni glasnik RS”, 101/05, 54/07 i 36/10) ne predviđa potpunu finansijsku i operativnu nezavisnost u skladu sa standardima Međunarodne organizacije vrhovnih revizorskih institucija (INTOSAI). DRI se i dalje nalazi u fazi institucionalne izgradnje jer funkcioniše tek pet godina, kao i usled činjenice da nisu pravovremeno obezbeđene sve pretpostavke za njen uspešan rad. Ona nema dovoljno resursa, a broj subjekata revizije i dalje je prilično ograničen. U


-7toku je razvoj kapaciteta za vršenje revizije svrsishodnosti trošenja sredstava i tokom ove godine DRI će započeti pilot projekat revizije svrsishodnosti. Usvajanjem Strategije razvoja interne finansijske kontrole u javnom sektoru u Republici Srbiji, 2009. godine, Vlada primenjuje principe interne kontrole i interne revizije, kako na javna sredstva pod kontrolom Vlade, tako i na fondove Evropske unije na osnovu međunarodno prihvaćenih standarda interne kontrole za javni sektor i interne revizije. Pored toga, 2011. godine, osnovana je Kancelarija za reviziju sistema upravljanja sredstvima Evropske unije. U cilju zaštite finansijskih interesa Evropske unije, upravljanja nepravilnostima (prevencija, detekcija i izveštavanje o nepravilnostima) i ostvarivanja bliske saradnje sa OLAF-om (Kancelarija Evropske unije za borbu protiv prevara) Republika Srbija se obavezala da osnuje Kancelariju za suzbijanje nepravilnosti i prevara (Anti – Fraud Coordination Service – AFCOS). AFCOS je odgovoran za uspostavljanje koordinacije u borbi protiv prevara između svih relevantnih dravnih organa na nacionalnom niv ou i između Republike Srbije i Evropske komisije. AFCOS je i centralno kontakt telo za pravnu, administrativnu i operativnu saradnju sa OLAF-om, kao i za traenu asistenciju u istragama koje sprovodi OLAF. Inicijalni sastanci u vezi osnivanja AFCOS-a su u toku. b) Ciljevi 3.2.3.1. Uspostavljen i razvijen sistem javne interne finansijske kontrole u javnom sektoru na svim nivoima vlasti. 3.2.3.2. Izmenjen pravni okvir radi obezbeđenja potpune finansijske i operativne nezavisnosti DRI u skladu sa standardima Međunarodne organizacije vrhovnih revizorskih institucija (INTOSAI) i sprovedene revizije svrsishodnosti. 3.2.3.3. Uspostavljen i razvijen sistem prevencije, otkrivanja, izveštavanja i postupanja sa nepravilnostima korišćenja sredstava iz fondova Evropske unije i fondova drugih međunarodnih institucija i organizacija. 3.3. Privatizacija i javno-privatno partnerstvo a) Opis stanja Proces privatizacije u Republici Srbiji pokazao se kao jedna od najrizičnijih oblasti korupcije. Naime, iz Izveštaja Saveta za borbu protiv korupcije iz septembra 2012. godine, proizlazi da su usled nepreciznosti niza privatizacionih propisa i netransparentnošću, omogućene brojne nezakonitosti. Na primer, ne postoje odredbe koje propisuju ekonomsku suštinu restrukturiranja, niti bilo kakve principe oko odlučivanja o metodu privatizacije; pitanje sadraja pri vatizacionog ugovora; kriterijume za izbor rukovodioca u Agenciji za privatizaciju, itd. Ovakva nedorečenost propisa dovela je do brojnih mogućnosti za zloupotrebe. U praksi je zapaeno da pre privatizacije nisu sačinjavani finansijski izveštaji, u skladu sa Zakonom o računovodstvu i reviziji („Slubeni glasnik RS”, br. 4 6/06, 111/09 i 99/11 – dr. zakon) i Međunarodnim računovodstvenim standardima, da se potcenjivala imovina i obaveze ili izuzimala impozantna imovina, da bi se umanjila procena vrednosti firme, koja se zatim prodavala po ceni koja je znatno ispod njene realne vrednosti. Pored toga, kod mnogih privatizacionih ugovora postoji narušavanje ekvivalencije davanja, što je omogućeno i neadekvatnom kontrolom, kako u pogledu izvršenja ugovora, tako i u odnosu na vršenje ovlašćenja direktora Agencije za privatizaciju. Pojedine nejasnoće i nepreciznosti u Zakonu o privatizaciji („Slubeni glasnik RS”, br. 38/11, 18/03, 45/05, 123/07, 123/07 – dr. zakon, 30/10 – dr. zakon, 93/12 i 119/12) otklanjane su kroz uredbe i interne akte Agencije za privatizaciju, ali sve ovo nije dovoljno da se


-8obezbedi potpuna transparentnost i pravna sigurnost svih učesnika u postupku privatizacije. Pored postupaka privatizacije, Agencija za privatizaciju ima značajnu ulogu i u postupcima restrukturiranja preduzeća sa dravnim i društvenim kapitalom, upravljanja ukupnim akcijskim kapitalom preostalim u procesu svojinske transformacije, u postupku stečaja kod privrednih društava koji posluju sa društvenim kapitalom ili koja su bila prodata, pa je ugovor sa kupcima raskinut, nadzoru nad poslovanjem preduzeća kod kojih je ugovor o prodaji raskinut putem postavljenja privremenih zastupnika kapitala. Većina ovih procesa nije precizno regulisana zakonom ili je regulisana na štetu drave. Primera radi, postavljanje privremenih zastupnika kapitala vrši se isključivo na osnovu internih kriterijuma koje određuje sama Agencija za privatizaciju. Pored toga, deo Zakona o stečaju („Slubeni glasnik RS”, br. 104/09, 99/11 – dr. zakon i 71/12 – US), koji se tiče plana reorganizacije, nedovoljno je precizan, posebno u pogledu načina formiranja klasa poverilaca, veštačenja vrednosti imovine, a naročito u pogledu veštačenja vrednosti imovinskih celina koje se sastoje od imovine sa i bez tereta. U postupku sprovođenja stečaja, takođe, postoje brojni nedostaci u pogledu nepreciznosti propisa i njihovog sprovođenja. Primera radi, stečajni upravnik nema zakonsku obavezu (već samo mogućnost) da analizira poslovanje stečajnog dunika pre pokretanja stečaja, da utvrdi razloge koji su doveli do stečaja i da o tome obavesti poverioce podnošenjem detaljnog izveštaja. Zakon o stečaju propisuje slučajan izbor stečajnog upravnika, a stečajni sudija, izuzetno, ima mogućnost i da direktno imenuje upravnika. Ova zakonska odredba uglavnom se ne poštuje, a izuzetak postaje pravilo, često bez obrazloene odluke. Zakonom o javno-privatnom partnerstvu i koncesijama („Slubeni glasnik RS” broj 88/11) uređuje se oblast dugoročne saradnje između javnog i privatnog partnera radi obezbeđivanja finansiranja, izgradnje, rekonstrukcije, upravljanja ili odravanja infrastrukturnih i drugih objekata od javnog značaja i pruanja usluga od javnog značaja, koje moe biti ugovorno ili institucionalno. E fekti novog Zakona i potreba za eventualnim izmenama još se ne mogu u celosti sagledati, zbog čega je neophodno sprovesti analizu rizika na korupciju Zakona i njegove usklađenosti sa ostalim relevantnim zakonima, posebno u pogledu svrsishodnosti odluka o javno-privatnim partnerstvima. b) Ciljevi 3.3.1. Izmenjen pravni okvir tako da se otklone rizici na korupciju u propisima kojima se uređuje postupak i kontrola privatizacije, reorganizacije i stečaja preduzeća sa dravnim i društvenim kapitalom. 3.3.2.Uspostavljanje sistema efikasne primene i kontrole sprovođenja pozitivnih propisa u oblasti privatizacije, reorganizacije i stečaja. 3.2.3. Uklonjeni rizici od korupcije u oblasti javno-privatnih partnerstava i koncesija i njegova dosledna primena. 3.4. Pravosuđe a) Opis stanja Postizanje nezavisnosti sudske vlasti podrazumeva da je budet pravosu đa potpuno odvojen od budeta izvršne vlasti, što tren utno nije slučaj. Zakonom o Visokom savetu sudstva („Slubeni glasnik RS”, br. 116/08, 101/10 i 88/11) i Zakonom o Dravnom ve ću tuilaca („Slubeni glasnik RS”, br. 116/08, 101/ 10 i 88/11) predviđeno je da ovi organi upravljaju pravosudnim budeto m. Zbog


-9nedostataka potrebnih tehničkih, administrativnih i stručnih kapaciteta, Visoki savet sudstva i Dravno ve će tuilaca još uvek nisu u potpunosti preuzeli nave dene nadlenosti. U oblasti uspostavljanja kriterijuma za izbor na pravosudnu funkciju, načinjen je napredak osnivanjem Pravosudne akademije, koja će, u narednom periodu, predstavljati jedini način za izbor budućih nosilaca pravosudnih funkcija. Ona treba da ima ključnu ulogu u obezbeđivanju primene profesionalnih standarda i načela zasluge u pravosuđu. Međutim, odgovarajući karijerni sistem na bazi zasluga za sudije i tuioce tek treba u potpunosti razviti. Značajan korak učinjen je i izradom Predloga nacionalne strategije reforme pravosuđa za period 2013-2018. godine, koji je već upućen Narodnoj skupštini radi razmatranja i usvajanja. Mere iz Strategije su usklađene sa merama za reformu pravosuđa i predstavljaju nadogradnju jačanja integriteta pravosuđa u celini. Još uvek nije propisano krivično delo „Nezakonito bogaćenje” definisano u UNKAK. Novi Zakonik o krivičnom postupku („Slubeni glasnik RS”, br. 72/11, 101/11, 121/12, 32/13 i 45/13), uvodi tuila čku istragu i daje javnom tuilaštvu vodeću ulogu u pribavljanju dokaza i njihovom predstavljanju pred sudom. Ovaj zakonik se trenutno primenjuje u predmetima u kojima postupaju nadleno Tuilaštvo za organizovani kriminal i Tuilaštvo za ratne zlo čine, od januara 2012. godine (a u krivičnim predmetima iz opšte nadlenosti sudova i javnih tuilaštava, primenjiva će se od oktobra 2013. godine). Posebno se ističe potreba poboljšanja saradnje sa nacionalnim i evropskim institucijama i organizacijama, kao i drugim međunarodnim organizacijama (EURODAST, OLAF, GREKO, OECD, itd.). U ovoj oblast i dodatnu poteškoću predstavlja činjenica da postojeći elektronski upisnici o svim krivičnim predmetima, u kojima postupaju organi unutrašnjih poslova i pravosuđe, nisu međusobno povezani, niti se vode na isti način. To oteava proaktivnost i pra ćenje postupka koji se sprovodi povodom pojedinačnog krivičnog dela, a ujedno se javljaju i problemi razmene informacija. Rezultat navedenog je ograničavanje efikasnosti operativnih postupaka, kao i nepostojanje preciznih analitičkih izveštaja koji se izrađuju za potrebe izmena zakona, planiranja rada i strateških odluka. S tim u vezi, postojeće evidencije ne sadre unifikovane „jedinice za pra ćenje” (podaci o licu, krivičnom delu, preduzetim radnjama, itd.) od otkrivanja krivičnog dela do presuđenja. Trenutno, svi dokumenti iz krivičnog predmeta imaju različite brojeve u različitim organima, sa evidencijama koje nisu međusobno usklađene i umreene. Finansijska istraga se uglavnom sprovodi nakon što je krivična prijava već podneta, tokom istrage. Odlaganjem finansijske istrage povećava se rizik da će imovina biti izneta iz zemlje. Radi bolje komunikacije javnog tuilaštva i policij e potrebno je zakonom omogućiti upućivanje na određeno vreme policijskih slubenika u javno tuilaštvo . Usled nepostojanja odgovarajućeg stručnjaka ekonomsko finansijske struke u javnom tuilaštvu, mogu nastupiti poteško će u pokretanju i vođenju finansijskih istraga. Ovi stručnjaci bi mogli postupajućem tuiocu, u najkra ćem roku, omogućiti da predmet što bolje usmeri, odnosno, ne započinje istragu ili podie optunicu ukoliko to u konkretnom slučaju nije oportuno. Primetan je i zakonom neregulisan rad sudskih veštaka, koji vrlo često koriste svoje zvanje veštaka da rade kao procenitelji za banke ili preduzeća. Tom prilikom su moguće različite zloupotrebe koje upravo proizlaze iz ovako zakonom neregulisane situacije. Takođe, potrebno je i bolje kontrolisati rad veštaka kada je angaovan od strane suda.


- 10 b) Ciljevi 3.4.1. Puna nezavisnost, odnosno samostalnost i transparetnost pravosuđa u budetskim ovlaš ćenjima. 3.4.2. Proces izbora, napredovanja i odgovornosti nosilaca pravosudnih funkcija zasnovan na jasnim, objektivnim, transparentnim i unapred utvrđenim kriterijumima. 3.4.3. Razvijeno efikasno i proaktivno postupanje u otkrivanju i krivičnom gonjenju koruptivnih krivičnih dela. 3.4.4. Unapređeno materijalno krivično zakonodavstvo i usklađeno sa međunarodnim standardima. 3.4.5. Uspostavljena efikasna horizontalna i vertikalna saradnja i razmena informacija policije, javnog tuilaštava, sudstva, drugih drav nih organa i institucija, regulatornih i nadzornih tela, kao i evropskih i međunarodnih institucija i organizacija. 3.4.6. Uspostavljena jedinstvena evidencija (elektronski upisnik) za krivična dela sa koruptivnim elementom, u skladu sa zakonom koji uređuje zaštitu podataka o ličnosti. 3.4.7. Ojačani mehanizmi za prevenciju sukoba interesa u pravosudnim profesijama. 3.4.8. Obezbeđeni adekvatni resursi javnog tuilaštva i sudova za slučajevima korupcije (jačanje kapaciteta).

postupanje u

3.4.9. Donošenje dugoročne strategije koja na sveobuhvatan način unapređuje finansijske istrage. 3.5. Policija a) Opis stanja Republika Srbija je ostvarila pozitivan napredak povećanjem internih kontrola i brojem podnetih i rešenih prijava. Krivična dela sa elementima korupcije predstavljaju najopasniji vid kriminala, a jedna od karakteristika ovih krivičnih dela je i postojanje visoke „tamne brojke”, što znači da je stvaran broj ovih krivičnih dela znatno veći od prijavljenog. Tokom poslednjih godina korupcija je otkrivana u svim oblastima društvenog ivota. Aktivnosti policije u borbi protiv korupcije na svim nivoima, na preventivnom i represivnom planu, predstavljaju ključnu pretpostavku stvaranja uslova za efikasno i efektivno vođenje krivičnih postupaka protiv izvršilaca ovih dela. Uspešna borba protiv korupcije, posebno na srednjem i visokom nivou ne moe biti u celosti delotvorna samo kroz kanjavanj e učinilaca. Na poboljšanje rezultata preduzetih mera od strane policije na suzbijanju korupcije znatno utiče pravovremena analiza rizika, uz donošenje preventivnih planova za suzbijanje korupcije u oblastima u kojima je posebno raširena. Time se obezbeđuje međusobna usklađenost mera policije (da se ne dogodi da neke represivne mere protivureče preventivnim), kao i ravnotea ovih mera u sistemu borbe protiv korupcije. Ministarstvo unutrašnjih poslova usvojilo je u januaru 2011. godine strategiju razvoja Ministarstva unutrašnjih poslova, u kojoj je kao jedan od ciljeva postavljeno i „razvijanje kapaciteta kriminalističke policije za efikasno i efektivno delovanje”. Radi jačanja kapaciteta policije u oblasti borbe protiv korupcije, neophodno je uspostaviti posebnu organizacionu jedinicu u Ministarstvu unutrašnjih poslova. Kada je reč o borbi protiv korupcije u redovima policije strategija predviđa i razvijanje i jačanje sistema unutrašnje kontrole kroz prevenciju nezakonitog postupanja policijskih slubenika, konkretnu istragu o radu policije, kont inuiranu saradnju sa medijima i javnošću, kao i kroz uspostavljanje međunarodnih standarda za profesionalno postupanje policijskih slubenika. Osim toga, na os novu Zakona o policiji („Slubeni glasnik RS”, br. 101/05, 63/09 – US i 92/11) donet je Kodeks policijske etike koji obavezuje sve zaposlene u Ministarstvu da se suprotstavljaju svakom aktu korupcije


- 11 u svim organizacionim jedinicama tog ministarstva. Uočen je nedostatak kapaciteta Sektora unutrašnje kontrole policije i neusklađenost sa evropskim standardima. Neophodna je izmena Zakona o policiji radi jačanja organizacionih jedinica koje se bave suzbijanjem korupcije. b) Ciljevi 3.5.1. Ojačani kapaciteti policije za sprovođenje istraga u krivičnim delima sa elementima korupcije. 3.5.2. Ojačani integritet i mehanizmi unutrašnje kontrole u cilju suzbijanja korupcije u sektoru policije. 3.6. Prostorno planiranje i izgradnja a) Opis stanja U Republici Srbiji je u prethodne dve decenije bespravno izgrađeno nekoliko stotina hiljada objekata bez potrebnih građevinskih dozvola i odgovarajuće saglasnosti. Zakon o planiranju i izgradnji („Slub eni glasnik RS”, br. 72/09, 81/09 – ispravka, 64/10 – US, 24/11, 121/12, 42/13 – US i 50/13 – US) reguliše i postupke legalizacije bespravno izgrađenih objekata i postupak konverzije zemljišta, što je naročito pogodno tlo za nastanak i razvoj korupcije, s obzirom da organima vlasti ostavlja izuzetno velike nadlenosti u procesu odlu čivanja po zahtevima stranaka. Različito tumačenje i neujednačena primena ovog zakona, povećavaju neizvesnost i troškove poslovanja. S obzirom na značaj celokupnog društvenog razvoja kao i pojedinačne odluke investitora za potencijalna ulaganja na području Republike Srbije, oblast planiranja i izgradnje u narednom periodu mora dobiti celovit, ujednačen i usaglašen normativni okvir kojim bi se ova oblast regulisala. Problemi u oblasti urbanizma mnogo su širi od bespravne izgradnje objekata. Na primer, postoji problem u vidu nepotpunih i nea uriranih katastra nepokretnosti i katastra vodova, nepostojanja urbanističkih planova na različitim nivoima ili njihove neusklađenosti, nedovoljni kapaciteti inspekcijskih slubi i njihova pasivna uloga u procesu kontrole. Svi procesi u oblasti urbanizma dodatno se uslonjavaju usled činjenice da se u njima pojavljuju različite institucije, a posebno mesto i nadlenost u tome imaju jedinice lokalne samouprave, koje često nemaju dovoljno kapaciteta, znanja i iskustva da te procese do kraja sprovedu na pravi način. Uspostavljanje registra nepokretnosti i digitalnog sistema za registraciju je završeno. Međutim, intencija je da se u javnom elektronskom Katastru nepokretnosti, upišu sve nepokretnosti, otklone nedoslednosti u činjeničnom stanju preuzetom iz zemljišnih knjiga i prui brza i ta čna informacija o vlasništvu nad nepokretnostima. Podaci o kulturnim dobrima i dobrima koja uivaju p rethodnu zaštitu trebalo bi da se unose u katastar nepokretnosti, sa napomenom o ograničenjima koja nose mere tehničke zaštite sa obaveznom primenom. Neadekvatan zakonski okvir za rad i postupanje inspekcijskih slubi (urbanističkih i građevinskih inspektora), kao i nepotpuna samostalanost u radu i nedovoljni kapaciteti doveli su do pasivne uloge inspektora i nemogućnosti adekvatnog postupanja u konkretnim situacijama. Pored toga, neophodna je efikasnija kontrola nad slubenicima organa vlasti koji su nadleni za izdavanje građevinskih i drugih dozvola i saglasnosti u oblasti urbanizma. b) Ciljevi 3.6.1. Sve nepokretnosti u Republici Srbiji i sa njima povezani podaci upisani su u javni elektronski Katastar nepokretnosti.


- 12 3.6.2. Smanjen broj procedura i uvođenje „jednošalterskog sistema” za izdavanje građevinskih i drugih dozvola i saglasnosti. 3.6.3. Transparentni kriterijumi i učešće javnosti u postpku razmatranja, izmena i usvajanja prostornih i urbanističkih planova na svim nivoima vlasti. 3.6.4. Efikasna interna i eksterna kontrola u postupku izdavanja građevinskih i drugih dozvola i saglasnosti u oblasti urbanizma. 3.7. Zdravstvo a) Opis stanja Iz Izveštaja Agencije o oblicima, uzrocima i rizicima korupcije u sistemu zdravstva, iz 2012. godine, proizlazi da polje rizika na korupciju predstavljaju javne nabavke, dopunski rad lekara, trošenje sredstava (iz budeta ili donacija), primanje poklona, sukob interesa, liste čekanja, pruanje vanstandardnih usluga, odnos između farmaceutskih kuća i lekara, prijem u radni odnos zdravstvenih radnika i saradnika. Uzrok ovih rizika, pre svega, predstavljaju nedostaci u sistemskim zakonima. Pa tako, zloupotrebama pogoduje to što ne postoje jasne procedure i liste vanstandardnih usluga; kriterijumi i procedure za obavljanje dopunskog rada, čiji se prihodi, u gotovom novcu, ne vraćaju u budet, nego raspodeljuju institucijama i zaposlenima u njima (postojanje tzv. sopstvenih prihoda); neprecizno regulisan odnos farmaceutske industrije u pogledu lekarske prakse i edukacije zaposlenih u zdravstvu; neprecizno regulisani zakonski uslovi pod kojima zaposleni zdravstveni radnici i saradnici u dravnim ustanovama mogu pru ati zdravstvene usluge u privatnim ustanovama, itd. Postojeća praksa pokazuje da ne postoji adekvatna odgovornost i transparentnost u pogledu donošenja odluka o listama čekanja, pristupu ličnim podacima ili specifičnim uslugama, itd. Osim neprecizne odredbe Etičkog kodeksa Lekarske komore ( koja zabranjuje lekarima da zahtevaju ili primaju nagrade mimo ustaljenih merila), ne postoji zakonom regulisano utvrđivanje, prijavljivanje i rešavanje sukoba interesa zdravstvenih radnika i saradnika, kao javnih slubenika i lica koja obavljaju funkcije u različitim komisijama i telima koja donose odluke (a nemaju status funkcionera u smislu Zakona o Agenciji za borbu protiv korupcije). Kada su u pitanju donacije zdravstvenim institucijama, u praksi je uočen nedostatak postojanja komisije koja bi prethodno ocenila da li je oprema neophodna za rad i razmotrila sve troškove korišćenja. U pogledu odluka o investicijama, renoviranju i pribavljanju lekova i medicinskih sredstava, normativno je povećana odgovornost i transparentnost donošenjem novog Zakona o javnim nabavkama, januara 2013. godine, ali je neophodno obezbediti njegovu punu primenu. Neadekvatna interna i eksterna kontrola nadlenih dravnih organa i zdrav stvenih ustanova, kao i odsustvo efikasnog otklanjanja nepravilnosti koje su utvrđene u njihovim nalazima, posebno pogoduje širenju korupcije. Tome doprinosi i nepostojanje proaktivne i efikasne međuresorne saradnje i saradnje sa organima represije. Iz verifikacije rizika iz planova integriteta i analiza uspešnosti samoprocene organa vlasti, koje je sprovela Agencija u januaru 2013. godine, za sistem zdravstva, proizlazi da zdravstveni sistem nije informatizovan, što za posledicu ima netransparentno trošenje novca osiguranika i pruan je zdravstvenih usluga. Pored toga, prava korisnika zdravstvenih usluga nisu jasno utvrđena i objavljena, niti su oni u dovoljnoj meri informisani o visini naknada i vrsti zdravstvenih usluga. Razvijanjem informacionog sistema sve zdravstvene usluge bi bile vidljive, u skladu sa propisima o zaštiti ličnih podataka i bilo bi moguće pratiti i kontrolisati njihove rezultate.


- 13 b) Ciljevi 3.7.1. Identifikovani i otklonjeni svi nedostaci u pravnom okviru koji pogoduju korupciji i obezbeđena njihova puna primena. 3.7.2. Uspostavljeni efikasni mehanizmi za integritet, odgovornost i transparentnost u donošenju i sprovođenju odluka. 3.7.3. Transparentan informacioni sistem u zdravstvu i učešće građana u kontroli rada zdravstvenih institucija, u skladu sa zakonskom zaštitom podataka o ličnosti. 3.8. Obrazovanje i sport a) Opis stanja Rizici za korupciju uočeni u okviru sektora obrazovanja u najvećoj meri povezuju se sa nedovoljnom transparentnošću niza procesa koji se odvijaju u okviru prosvetnih institucija, kao i veoma širokim diskrecionim ovlašćenjima u odlučivanju. Posebno su rizična na korupciju diskreciona ovlašćenja direktora u pogledu zapošljavanja kadrova, postupka javnih nabavki, organizacija ekskurzija, izdavanja školskih prostorija, itd. Odsustvo delotvorne kontrole je veliki problem, zato što ne postoje mehanizmi za reagovanje na različite vrste nepravilnosti. Sa manjkom kontrole povezuju se i problemi sa prosvetnom inspekcijom čiji rad i sadrina odluka mogu biti pod uticajem ministarstva nadlenog za po slove obrazovanja. Iz izveštaja OECD (2012.) „Jačanje integriteta i borba protiv korupcije u obrazovanju - Srbija”, proizlazi da je od suštinskog značaja da interna fakultetska pravila i propisi budu jasni studentima, da se sprovode na pravedan i transparentan način i da isključivo akademske zasluge studenata, a ne protekcija, budu vodeće načelo za dodelu ocena. Normativni okvir u Republici Srbiji nije u potpunosti podoban da omogući transparentan rad škola i upotrebu tzv. sopstvenih sredstava školskih ustanova. On ne određuje šta su dozvoljeni izvori školskih prihoda, a finansijska kontrola školskih prihoda nije dovoljno jaka da bi bila adekvatna i savladala nivo priliva sopstvenih sredstava u sistem. U ovom trenutku to čini privrednu delatnost škola oblašću koja moe predstavljati opasnost po integritet. S toga, proces odlučivanja vezan za upravljanje javnim sredstvima treba da bude paljivo kontrolisan i transparentan. Pored toga, neophodno je uvesti kontrolu upravljanja sredstvima koja ustanove ostvaruju od donacija, sponzora, kao i sredstvima dobijenih od roditelja i jedinice lokalne samouprave. Nedovoljno je regulisano pitanje privatnih visokoškolskih ustanova, s obzirom da nisu propisani adekvatni standardi i mehanizami kontrole kvaliteta, što otvara mogućnost zloupotrebe u okviru ovih obrazovnih sistema. Pomenuti izveštaj OECD preporučuje da Komisija za akreditaciju i proveru kvaliteta vrši posete u svrhe akreditacije, kao i naknadne provere postupanja po primedbama. Tela za akreditaciju školskih ustanova, kao i proces akreditovanja i naknadna kontrola ispunjenosti uslova za rad dravnih i privatnih školskih ustanov a, trebalo bi da budu pod kontrolom resornog ministarstva. U Strategiji razvoja sporta u Republici Srbiji, donetoj za period od 2009. do 2013. godine, kao jedan od problema navodi se netransparentnost finansiranja. Donošenjem Zakona o sportu („Slubeni glasnik RS”, br. 24/11 i 99/11 – dr. zakon) i pratećih podzakonskih akata, stvoren je normativni okvir koji bi trebalo da unapredi transparentnost finansiranja iz javnih izvora, dok ostaje neregulisano pitanje finansiranja iz privatnih izvora što doprinosi opstajanju „sivog/crnog” finansiranja sporta. Povezano pitanje je nerešena vlasnička strukura sportskih klubova, odnosno vlasnički vakum, koji je takođe izvor korupcije u sportu. Deo Strategije posvećen je


- 14 depolitizaciji i autonomiji sporta. Pored deklarativnog navođenja da sport treba da ostane politički neutralan, ovaj prioritet se ne razrađuje dalje u akcionom planu, te ostavlja prostor za zloupotrebu sporta od strane politike. Tome doprinosi članstvo dravnih funkcionera i slubenika u upravnim i nadz ornim odborima sportskih klubova i saveza. Značajan napredak u ovoj oblasti postignut je Zakonom o izmenama i dopunama Krivičnog zakonika („Slubeni glasnik RS”, broj 121/12) k oji uvodi novo krivično delo „Dogovaranje ishoda takmičenja”. b) Ciljevi 3.8.1. Izmenjen pravni okvir koji se odnosi na izbor, poloaj i ovlaš ćenja direktora osnovnih i srednjih škola, kao i dekana fakulteta. 3.8.2. Usvojeni propisi koji regulišu prosvetnu inspekciju. 3.8.3. Transparentnost postupka upisa, polaganja ispita, ocenjivanja i evaluacije znanja u svim školskim institucijama. 3.8.4. Proces akreditovanja i naknadne kontrole ispunjenosti uslova za rad dravnih i privatnih školskih ustanova zasnovan je na jasnim, objektivnim, transparentnim i unapred utvrđenim kriterijumima. 3.8.5. Uspostavljena transparentnost finansiranja sporta i vlasničke strukture sportskih klubova i saveza. 3.9. Mediji a) Opis stanja Korupcija u medijima onemogućava objektivno informisanje i javni nadzor nad ovim društvenim delatnostima. O značaju ovih pitanja govori i činjenica da su ona prepoznata kao veoma bitna i u Strategiji razvoja sistema javnog informisanja u Republici Srbiji iz 2011. godine. U sferi zaštite novinara postignut je značajan napredak usvajanjem Zakona o izmenama i dopunama Krivičnog zakonika („Slubeni glasnik RS”, broj 121/12), koji je dekriminalizovao krivična dela „Kleveta” i „Neovlašćeni javni komentar o sudskim postupcima”. U međunarodnim preporukama i konvencijama, pluralizam i raznovrsnost medija, prepoznati su kao ključni faktori za funkcionisanje demokratskog društva. Preporuka br. R (94) 13 Saveta Evrope objašnjava da regulisanje koncentracije medija pretpostavlja da nadlene slube ili organi imaju informacije koje im omogućavaju da znaju kakve su stvarne vlasničke strukture u medijima i, osim toga, da identifikuju treće strane koje bi mogle da vrše uticaj na njihovu nezavisnost. Naglašava, takođe, da je transparentnost medija neophodna i da bi se omogućilo javnosti da formira mišljenje o vrednosti koju treba dati informacijama, idejama i mišljenjima koje šire mediji. Pored toga, Rezolucijom Evropskog parlamenta o procesu evropskih integracija Srbije B7-0021/2011, izraena je zabrinutost zbog pokušaja vlasti da kon trolišu rad medija i skrenuta panja na koncentraciju vlasništva i manjak transpa rentnosti u vlasničkoj strukturi medija. Ta tendencija bi, iz perspektive transparentnosti medija, mogla da stvori dvostruki problem. S jedne strane, javnosti je tee , ili joj moe biti tee, da sazna ko su vlasnici medija koje ona koristi i na osnovu toga formira mišljenje o vrednosti informacija, mišljenja i ideja koje ti mediji emituju ili šire u svetlu identiteta i motiva njihovih vlasnika i onih koji moda iza njih stoje. S druge strane, ta tendencija oteava delatnost Republi čke radiodifuzne agencije (u daljem tekstu: RRA), odgovorne za primenu odredaba koje se odnose na praćenje postojanja nedozvoljene medijske koncentracije, a posebno u postupku za izdavanje dozvola za emitovanje radio i televizijskim stanicama. Bitan preduslov za utvrđivanje vlasničke strukture u javnim glasilima jeste Registar javnih glasila, ali činjenica je da zakonom nisu jasno precizirani podaci koji se evidentiraju niti način vođenja tog registra, što


- 15 praktično onemogućava utvrđivanje vlasničke strukture u javnim glasilima. Nedostatak transparentnosti uočen je i u postupku dodele dozvola RRA, kao i prilikom odlučivanja o raspodeli novca od licenci. Obzirom na to, da ne postoje jasno utvrđeni kriterijumi i procedura za dodelu dravne pomo ći putem konkursa, primenjuju se opšti propisi i načela, zbog čega učesnici na konkursu mogu biti dovedeni u neravnopravan poloaj. Problem predstavlja i činjenica, da drava nema jedinstvenu evidenciju utr ošenih sredstava, kako na centralnom, tako i na pokrajinskom i lokalnom nivou, pa je tačan obim i strukturu pomoći gotovo nemoguće utvrditi. Dodatno, nema efikasnog praćenja realizacije pomoći, procene njenih efekata i adekvatnog izveštavanja. Prihvatajući najviše međunarodne standarde i regulatorni okvir Saveta Evrope i Evropske unije, Republika Srbija bi trebalo da usaglasi svoje medijske zakone sa evropskim dokumentima (a prioritetno s Direktivom o audiovizuelnim medijskim uslugama) koji se odnose na oblast medija i javnog informisanja i da donese propise koji u toj oblasti nedostaju. b) Ciljevi 3.9.1. Transparentno vlasništvo, finansiranje medija i uređivačka politika.

IV. PREVENCIJA KORUPCIJE Pored ostvarivanja prioritetnih ciljeva Strategije predviđenih u prethodnom poglavlju, podjednako vaan deo borbe protiv korupc ije predstavlja njena prevencija. One će se primenjivati na sve oblasti iz poglavlja IV, ali i na sve druge oblasti u kojima se moe javiti korupcija. U ovom poglavlju S trategije se definiše cilj koji je neophodno ostvariti i daje kratko obrazloenje svrh e cilja. 4.1. Uspostavljena analiza rizika na korupciju u postupku pripreme propisa Postojeći zakonodavni postupak ne sadri obavezu da se u to ku pripreme zakona i drugih propisa sagledavaju efekti na korupciju. Iako je Poslovnikom Vlade (član 46.) propisano u kojim slučajevima i kojim institucijama Vlada daje predlog propisa na mišljenje, takva obaveza nije propisana radi analize rizika na korupciju. Ovakva obaveza nije propisana ni Poslovnikom Narodne skupštine, koji jedini moe da obavee ostale Ustavom Republike Srbije ovlaš ćene predlagače zakona i drugih propisa da izvrše analizu rizika na korupciju. Sama analiza rizika na korupciju se moe vršiti unutar organa koje predlae propis, ali ne postoje nikakve garancije da će organ zaista izvršiti ovu analizu. Stoga je neophodno izvršiti izmene u postupku donošenja propisa, kojima će se propisati obaveza svih predlagača propisa da u toku izrade izvrše analizu rizika na korupciju na osnovu metodologije koju izrađuje Agencija i da rezultat analize opišu u obrazloenju predloga. Pored toga, predlagač propisa će biti duan da pribavi mišljenje od Agencije o riz icima na korupciju, pre podnošenja organu koji donosi propis. 4.2. Sistem zapošljavanja i napredovanja u organima vlasti na osnovu kriterijuma i zasluga Sistem zapošljavanja i napredovanja u karijeri još uvek nije u potpunosti zasnovan na zaslugama, a zapošljavanje i napredovanje su i dalje podloni političkom uticaju. Učesnici u postupku izbora ne nalaze se u potpuno ravnopravnom poloaju, a rukovodioci još uvek imaju previše disk recionih ovlašćenja pri odabiru kandidata sa lista koje izborne komisije sačine po odranim konkursima. Pored toga, ne postoje kriterijumi za zapošljavanje na određeno vreme, već se ugovori zaključuju bez internog ili javnog konkursa. Potrebno je da se ujednači pravni okvir koji reguliše radno-pravni status zaposlenih u dravnoj upravi i da se usvoje odredbe koje će na


- 16 jedinstven način regulisati i pitanje plata i prava iz socijalnog osiguranja. Posebnu panju, trebalo bi posvetiti kriterijumima za izbor , imenovanje ili postavljenje na radna mesta rukovodioca, sprečavanje sukoba interesa i načina vrednovanja njihovog rada. 4.3. Obezbeđena transparentnost u radu organa vlasti Transparentnost rada organa vlasti obezbeđuje se na više načina, ali nijedan od njih nije u potpunosti razvijen. Na zakonskom nivou najznačajniji je Zakon o slobodnom pristupu informacijama od javnog značaja („Slubeni glasnik RS”, br. 120/04, 54/07, 104/09 i 36/10), koji garantuje pravo svakome da dobije informaciju koja se nalazi u posedu organa vlasti, a koja je nastala u radu ili u vezi sa radom ovih organa i koja je sadrana u nekom dokumentu. Me đutim, iako su prava koja ovaj zakon prua široka, sam tekst zakona treba da se un apredi. Transparentnost rada organa vlasti trebalo bi da se omogući svim građanima podjednako. Ovlašćenja i resursi kojima raspolae Poverenik za informacije o d javnog znača i zaštitu podataka o ličnosti (u daljem tekstu: Poverenik) treba da se prošire, naročito u pogledu nadlenosti za pokretanje prekršajnog postupka. Org ani vlasti svojim unutrašnjim aktima u većoj meri trebalo bi da urede ostvarivanje transparentnosti rada i postupanje zahtevima Poverenika. Takođe, neophodno je da se u potpunosti poštuju uputstva Poverenika za izradu i objavljivanje informatora o radu i da se obezbedi sprovođenje konačnih rešenja Poverenika u svim slučajevima. 4.4. Kontinuirana edukacija o korupciji i načinima borbe protiv korupcije U oblasti edukacije pravosuđa, učinjen je napredak time što je Pravosudna akademija u godišnji program obuke sudskog i tuila čkog osoblja, uvrstila edukacije vezane za krivična dela vezana za korupciju. Tokom poslednjih godina, učestale su edukacije dravnih slubenika o korupciji i na činu borbe protiv korupcije. Međutim, potrebno je ustanoviti kontinuiranu obuku, sa posebnim akcentom na pitanja etike, integriteta, prepoznavanja situacija sukoba interesa, prava uzbunjivača, itd. Edukaciju o borbi protiv korupcije neophodno je usmeriti na podizanje svesti svih građana da je korupcija društveno neprihvatljivo ponašanje koje treba iskoreniti. Kako razmena iskustava predstavlja vaan segment kv alitetne obuke, neophodno je ostvariti ili unaprediti međunarodnu saradnju i transfer znanja u oblasti borbe protiv korupcije. Stvaranje i povećanje intolerancije na korupciju u javnom mnjenju, predstavlja dugoročni cilj koji podrazumeva kampanje za podizanje svesti o štetnosti korupcije, promociju etičkog ponašanja, treninge i stručno usavršavanje. 4.5. Stvoreni uslovi za aktivnije učešće civilnog društva u borbi protiv korupcije Potrebno je unaprediti institucionalni i pravni okvir za podršku organizacijama civilnog društva. Podrška drave bi će omogućena za sve korisnike koji prilikom podnošenja aplikacije za dodelu sredstava iz javnih izvora podnesu izjavu o nepostojanju sukoba interesa i interni akt o antikorupcijskoj politici (npr. Etički kodeks), kao i knjigovodstvene izveštaje o prihodima i upravljanju budetom. Pored toga, sačiniće se strateški okvir koji će sadrati uslove za procenu svrhe i kvaliteta predloenih i realizovanih projekata od strane orga nizacija civilnog društva, na osnovu kojih će se obezbediti administrativna i finansijska podrška. Ostvarivanjem ovog cilja, stvara se stimulišući okvir za usmeravanje aktivnijeg učešća organizacija civilnog društva na postizanje strateških ciljeva, ali i postizanje određenih standarda u njihovom organizovanju i delovanju. 4.6. Stvoreni uslovi za aktivnije učešće privatnog sektora u borbi protiv korupcije Drava će stvoriti stimulativni okvir da privatni sektor finansijski podri antikorupcijske projekte civilnog sektora. Pored toga, Privredna komora Srbije će podrati i promovisati dobru praksu onih privrednih društava koji usvoje Plan


- 17 integriteta, pravila Kodeksa poslovne etike, Kodeksa korporatitnog upravljanja Međunarodne trgovinske komore za borbu protiv korupcije, kao i pravila Deklaracije o borbi protiv korupcije (Globalni dogovor Srbija). Pored unapređenja uzajamne saradnje drave sa privatnim sektorom, neophodno je otkloniti rizike od korupcije koji ometaju postojanje povoljnog ambijenta za privredno poslovanje u Republici Srbiji. Naime, siva ekonomija, nedostatak transparentnosti oporezivanja, prenormiranje i neadekvatna inspekcijska kontrola poslovanja, predstavljaju polazne tačke za sveobuhvatnu borbu protiv korupcije u privatnom sektoru. 4.7. Narodna skupština prati sprovođenje zaključaka, odnosno preporuka koje je donela povodom izveštaja nezavisnih dravnih organa Nezavisni dravni organi podneli su Narodnoj skupšt ini svoje godišnje izveštaje o radu, ali je postupanje po njima ostalo vrlo ograničenog obima. Proces se okončava time što Narodna skupština, na predlog nadleno g odbora, donosi zaključke, odnosno preporuke, bez postojanja mehanizama da se oni učine obavezujućim za one organe vlasti i nosioce javnih ovlašćenja na koje se odnose. Stoga je neophodno urediti postupak nadzora nad sprovođenjem zaključaka koje je Narodna skupština donela uz mogućnost preduzimanja mera u slučaju da zaključci nisu sprovedeni bez opravdanih razloga. 4.8. Proširene i precizirane nadlenosti i unapre đeni kadrovski kapaciteti i uslovi rada Agencije za borbu protiv korupcije, Zaštitnika građana, Poverenika za informacije od javnog značaja i zaštitu podataka o ličnosti i Dravne revizorske institucije U dosadašnjoj praksi uočeno je da nezavisni dravni organi i samostalne vladine organizacije značajne za borbu protiv korupcije često nemaju potrebne nadlenosti i ne raspolau adekvatnim kadrovskim, p rostornim i tehničkim kapacitetima što ograničava krajnje efekte njihovog rada. 4.9. Uspostavljena efikasna i delotvorna zaštita uzbunjivača (lica koja prijavljuju sumnju na korupciju) Dosadašnja zaštita uzbunjivača regulisana je Zakonom o dravnim slubenicima, Zakonom o slobodnom pristupu informac ijama od javnog značaja i Zakonom o Agenciji za borbu protiv korupcije, kao i Pravilnikom o zaštiti lica koje prijavi sumnju na korupciju, koji je 2011. godine usvojila Agencija. Ova zaštita je ograničenog obima po više osnova (definisanje lica koje u iva zaštitu, obim zaštite, slučajevi u kojima se zaštita daje, neregulisana oblast sankcija za one koji sprovode odmazdu ili nadoknada štete, kao i nagrađivanje uzbunjivača), pa je neophodno zaokruivanje pravnog okvira u ovoj oblasti, kroz d onošenje posebnog zakona koji bi se bavio zaštitom lica koja čine razotkrivanje u javnom interesu, kako u javnom, tako i u privatnom sektoru. Osim toga, neophodno je pridobiti poverenje javnosti i lica koja su potencijalni uzbunjivači da će usvojeni zakon zaista garantovati punu zaštitu ovih lica. 4.10. Uspostavljen sistem za sprečavanje sukoba interesa zaposlenih u javnom sektoru Uspostavljanje mehanizama za sprečavanje i otklanjanje sukoba interesa u Republici Srbiji unapređeno je pod okriljem Agencije koja ima značajne nadlenosti u ovoj oblasti. Međutim, Zakonom o Agenciji za borbu protiv korupcije („Slubeni glasnik RS”, br. 97/08, 53/10 i 66/11 – US), regulisano je pitanje sukoba interesa koje se odnosi samo na funkcionere koji vrše javne funkcije. Za ostale zaposlene u dravnim organima, primenjuje se Zakon o dravnim s lubenicima („Slubeni glasnik RS”, br. 79/05, 81/05 – ispravka, 83/05 – ispravka, 64/07, 67/07 – ispravka, 116/08 i 104/09) kojim nije na adekvatan način regulisano ovo pitanje. Zakon o radu („Slubeni glasnik RS”, br. 24/05, 61/05, 54/09 i 3 2/13) uređuje prava, obaveze i


- 18 odgovornosti iz radnog odnosa, odnoson po osnovu rada i ne reguliše pitanje sukoba interesa. Stoga, neophodno je stvoriti jedinstven pravni okvir kojim će se stvoriti jednaki mehanizmi za sprečavanje i otklanjanje sukoba interesa za sve zaposlene u javnom sektoru. Efikasna kontrola sprovođenja odredbi o sprečavanju sukoba interesa, nezamisliva je bez adekvatnog mehanizma za podnošenje i proveru imovinskih kartica svih zaposlenih u javnoj upravi. Stoga je polazna osnova sprovođenje studije izvodljivosti, kako bi se utvrdio najpodobniji model sprovođenja kontrole i definisanja uloge rukovodilaca, internih revizora, Poreske uprave, Agencije i drugih organa vlasti.

V. SPROVOĐENJE I NADZOR NAD SPROVOĐENJEM STRATEGIJE 5.1. Sprovođenje Strategije Naconalna strategija za borbu protiv korupcije predstavlja srednjoročni strateški dokument koji sadri ciljeve koji će se realizovati u narednih pet godina. Okvir za sprovođenje strateških ciljeva biće preciziran kroz akcioni plan koji će se usvojiti u roku od tri meseca od usvajanja Strategije. Akcionim planom biće predviđene konkretne mere i aktivnosti za sprovođenje strateških ciljeva, rokovi, odgovorni subjekti i resursi za realizaciju. Takođe, definisaće se i pokazatelji za sprovođenje mera i aktivnosti, na osnovu kojih će se pratiti stepen njihove realizacije, kao i pokazatelji za procenu uspešnosti postavljenih ciljeva. Kako su Strategija i akcioni plan predviđeni za period od pet godina, potrebno je periodično analizirati i eventualno izmeniti oba akta, kako bi se uskladili sa aktuelnim društvenim prilikama. 5.2. Koordinacija sprovođenja Strategije Efikasno sprovođenje Strategije podrazumeva postojanje čvrste političke volje, koja se moe posti ći samo uz zajedničke napore i saradnju na najvišem političkom nivou. Ministarstvo nadleno za poslove pravosu đa biće koordinator u okviru Vlade, zaduen za me đusobnu komunikaciju, razmenu iskustava i informacija o aktivnostima preduzetim radi sprovođenja Strategije i akcionog plana. Ministarstvo nadleno za poslove pravosu đa i dravnu upravu oformi će odgovarajuću organizacionu jedinicu koja će biti zaduena za koordinaciju sprovo đenja Strategije i koja će biti kontakt tačka za saradnju sa organima vlasti i nosiocima javnih ovlašćenja i međunarodnim organizacijama. Svaki obveznik akcionog plana odrediće kontakt osobu koja će pratiti sprovođenje aktivnosti iz akcionog plana koje su u nadlenosti, odnosno delokrugu tog obveznika. Minis tarstvo nadleno za poslove pravosuđa organizovaće redovne tromesečne sastanke na kojima će kontakt osobe iz dravnih organa razmenjivati iskustva u sprovo đenju Strategije i akcionog plana. Ovi sastanci biće organizovani u saradnji sa Savetom za borbu protiv korupcije. Na ovaj način će se uspostaviti, organizovati i pojednostaviti redovna međusobna komunikacija, razmena informacija i koordinacija. 5.3. Praćenje rezultata sprovođenja Strategije i akcionog plana Savet za borbu protiv korupcije je savetodavno radno telo Vlade, koje sagledava aktivnosti u borbi protiv korupcije, predlae mere koje treba preduzeti u cilju efikasne borbe protiv korupcije, prati njihovo sprovođenje i daje inicijative za donošenje propisa, programa i drugih akata i mera u toj oblasti. Savet blagogovremeno ukazuje Vladi na uočene pojavne oblike korupcije i ukazuje na propuste u mehanizmima borbe protiv kourpcije. Savet će pratiti rezultate sprovođenja Strategije i akcionog plana u dravnim organim a, obveznicima akcionog plana. Savet će učestvovati sa ministarstvom nadlenim za poslove pra vosuđa u organizovanju tromesečnih sastanaka kontakt tačaka iz dravnih organa. Na tim sastancima, Savet će prikupiti informacije o iskustvu i preprekama za efikasno


- 19 sprovođenje Strategije i akcionog plana i o tome podneti izveštaj Vladi. Savet moe izveštaj objaviti i na svojoj veb-prezentaciji. Pored redovnih tromesečnih sastanaka, Savet moe inicirati i vanredne sastanke. 5.4. Nadzor nad sprovođenjem Strategije i akcionog plana Nadzor nad sprovođenjem Strategije i akcionog plana u nadlenosti je Agencije za borbu protiv korupcije koja je osnovana Zakonom o Agenciji za borbu protiv korupcije, kao samostalan i nezavisan dravn i organ. Svi organi vlasti i nosioci javnih ovlašćenja koji su zadueni za primenu mera iz Strategije i akcionog plana podnosiće polugodišnje i godišnje izveštaje o sprovođenju Strategije i akcionog plana Agencije. Pored izveštaja, svaki obveznik akcionog plana podnosiće i dokaze za navode iz izveštaja, koji su u skladu sa indikatorima aktivnosti u akcionom planu. Ukoliko, i pored izveštaja i priloenih dokaza, pos toje nedoumice u pogledu ispunjavanja obaveza, Agencija će pozvati predstavnika organa vlasti da ih usmenim putem razjasni, na sastanku gde će biti dozvoljeno prisustvo javnosti. Obveznik akcionog plana će biti duan da se odazove pozivu Agencije. Ukoliko neki obveznik akcionog plana ne dostavi izveštaj, dokaz, kao i ukoliko se ne odazove na poziv Agencije, moe biti prekršajno kanjen. U izuzetnim slučajevima, Agencija moe izraditi mišljenje koje sadri ocenu sprovo đenja aktivnosti u roku i na način definisan u akcionom planu i preporuke za prevazilaenje even tualnih poteškoća. Ovo mišljenje Agencija će dostaviti obvezniku akcionog plana i organu vlasti koji je izabrao, postavio ili imenovao rukovodioca. Obveznik akcionog plana je duan da u roku od 60 dana raspravlja o ovom mišljenju i da Agenciju i javnost obavesti o zaključcima te diskusije. Agencija moe staviti mišljenje na uvid javnosti. Izveštaj o sprovođenju Strategije više neće biti sastavni deo godišnjeg izveštaja o radu Agencije, već poseban izveštaj koji se Narodnoj skupštini podnosi zasebno. Propisaće se obavezni elementi izveštaja Agencije za borbu protiv korupcije o sprovođenju Strategije i akcionog plana. Narodna skupština će raspravljati o izveštaju Agencije o sprovođenju Strategije. 5.5. Sistem odgovornosti za ispunjavanje obaveza iz Strategije i akcionog plana Nakon podnošenja dva godišnja izveštaja Agencije o sprovođenju Strategije iz 2005. godine (za 2010. i 2011. godinu), ostali su nejasni mehanizmi daljeg postupanja Narodne skupštine. Naime, Narodna skupština usvojila je zaključke na osnovu pomenutih izveštaja, ali ne postoji mehanizam koji bi obezbedio njihovo sprovođenje. Stoga je neophodno uvesti obavezu Narodne skupštine da, na posebnoj sednici, raspravlja o predmetnom izveštaju i da sprovede javnu raspravu o preispitivanju rada odgovornih lica obveznika akcionog plana. Pored toga, potrebno je da se uvede obaveza Vlade da, u roku od šest meseci, podnese Narodnoj skupštini izveštaj o sprovođenju zaključaka Narodne skupštine donetih povodom razmatranja izveštaja Agencije.

VI. PREPORUKE Pored ostvarivanja ciljeva Strategije koji nameću odgovarajuće obaveze realizacije i za koju će odgovornost snositi isključivo organi vlasti, Strategija navodi i određene preporuke koje se odnose kako na organe vlasti, tako i na privatni i civilni sektor i podstiče njihovo postupanje po navedenim merama. Imajući u vidu da preporuke nisu obavezujućeg karaktera, za njihovo ispunjenje nije predviđena odgovornost organa vlasti, a naročito ne subjekata iz privatnog i civilnog sektora. Stoga, Strategija preporučuje: 1.

Novinarskim udruenjima da unaprede:


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Etički kodeks novinara Srbije u delu koji se odnosi na poklone i sukob interesa, kao i da unapređuju primenu tog kodeksa i upoznaju novinare sa njegovim odredbama; Obrazovanje novinara o borbi korupcije, u cilju izbegavanja novinarskog senzacionalizma i daljeg širenja javne svesti o opasnosti i štetnosti korupcije, i neophodnosti njenog suzbijanja.

2. Izdavačima medija i pruaocima audio i audio-vizuelnih med ijskih usluga, da usvoje akte kojima se definiše postupanje sa poklonima i pitanje sukoba interesa novinara i urednika. 3.

Promociju i podršku borbi protiv korupcije, i u okviru toga:

− − −

Medijska i stručna podrška; Edukacija za borbu protiv korupcije; Uspostavljanje godišnje nagrade za borbu protiv korupcije „Verica Barać” u kategoriji građanin, javni slubenik, pripadnik profesije, nau čnik, preduzetnik i novinar.

4. Podsticanje pokretanja specijalističkih akademskih, odnosno strukovnih studija, kao i doktorskih studija koji će se baviti različitim aspektima suzbijanja korupcije. 5. Podsticanje aktivne saradnje i partnerstva između nosioca antikorupcijskih mera i organizacija civilnog društva kroz aktivnosti, kao što su organizacija okruglih stolova, štampanje publikacija i promotivnih materijala o opasnosti i štetnosti korupcije s merama za njeno suzbijanje.

VII. ZAVRŠNA ODREDBA Danom objavljivanja ove strategije prestaje da vai Nacionalna strategija za borbu protiv korupcije u Republici Srbiji („Sluben i glasnik RS”, broj 109/05). Ovu Strategiju objaviti u „Slubenom glasniku Repub like Srbije”. RS broj U Beogradu, 2013. godine

NARODNA SKUPŠTINA REPUBLIKE SRBIJE PREDSEDNIK mr Nebojša Stefanović


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O B R A Z L O E NJ E I. PRAVNI OSNOV ZA DONOŠENJE STRATEGIJE Ustavni osnov za donošenje Nacionalne strategije za borbu protiv korupcije za period od 2013. do 2018. godine, sadran je u članu 99. stav 1. tačka 7. Ustava Republike Srbije koji propisuje da Narodna skupština, između ostalog, donosi zakone i druge opšte akte iz nadlenosti Republike Srbije. Pored toga, članom 8. stav 1. Zakona o Narodnoj skupštini, predviđeno je da Narodna skupština, između ostalog, donosi i strategiju.

II. RAZLOZI ZA DONOŠENJE STRATEGIJE Imajući u vidu potrebu za stalnim procesom strateškog planiranja, Vlada, odnosno Ministarstvo pravde i dravne uprave, kao k ao resorno, odlučilo se za donošenje Strategije za period 2013. do 2018. godine. Ova strategija predstavlja nastavak aktivnosti postavljenih Nacionalnom strategijom za borbu protiv korupcije koja je usvojena 2005. godine i pratećim Akcionim planom usvojenim 2006. godine. Opšti cilj Strategije je da se korupcija, kao prepreka ekonomskom, socijalnom i demokratskom razvoju Republike Srbije, u najvećoj mogućoj meri otkloni. Posledice korupcije ne sastoje se isključivo u osiromašenju društva i drave, nego i u drastičnom padu poverenja građana u demokratske institucije, kao i stvaranju neizvesnosti i nestabilnosti ekonomskog sistema koja se ogleda, između ostalog, i u smanjenju investicija. Prema istraivanju Svetskog ekonomskog foruma za period od 2011. do 2012. godine, korupcija je svrstana među prva dva problema koja se uočavaju prilikom donošenja odluke o započinjanju privredne delatnosti u Republici Srbiji. U Republici Srbiji postoji razvijena svest i politička volja da se postigne značajan napredak u borbi protiv korupcije, uz poštovanje demokratskih vrednosti, vladavine prava i zaštite osnovnih ljudskih prava i sloboda. Na ovim temeljima, pripremljen je Predlog strategije, dok će konkretne mere i aktivnosti za njeno sprovođenje biti predviđene pratećim akcionim planom. Dosledno sprovođenje Strategije i akcionog plana dovešće do jačanja institucionalnog kapaciteta i stvaranja sistemskih mehanizama za borbu protiv korupcije.

III. OBJAŠNJENJE OSNOVNIH PRAVNIH INSTITUTA I POJEDINAČNIH REŠENJA Cilj nove Strategije za borbu protiv korupcije jeste da omogući strateško planiranje i stvaranje efikasnog antikorupcionog sistema. Strategija se odnosi na period od pet godina i pratećim akcionim planom preciziraće se konkretne mere, aktivnosti, rokovi, institucije odgovorne za njihovo sprovođenje i procena resursa za realizaciju. Takođe, definisaće se i pokazatelji za sprovođenje mera i aktivnosti, na osnovu kojih će se pratiti stepen njihove realizacije, kao i pokazatelji za procenu uspešnosti postavljenih ciljeva. Odgovornost za uspešno sprovođenje Strategije snosi svaki organ vlasti, ili nosilac javnih ovlašćenja koji je obveznik akcionog plana, dok nadzor nad sprovođenjem oba akta vrši Agencija za borbu protiv korupcije. Strateški okvir za borbu protiv korupcije u Republici Srbije obezbeđuje okvir za uspostavljanje, razvoj i organizovanje organa vlasti i nosilaca javnih ovlašćenja, u cilju stvaranja efikasnog sistema koji moe u potpu nosti da odgovori svim izazovima u prevenciji i borbi protiv korupcije. Definisano je sledećih šest strateških principa: • Načelo vladavine prava – Garancija zakonitosti postupanja, jednakosti pred zakonom i prava svih građana na pravna sredstva. Ustav Republike Srbije,


- 22 zakoni i podzakonska akta, kao i potvrđeni međunarodni ugovori i opšteprihvaćena pravila međunarodnog prava, moraju imati punu i doslednu primenu; • Načelo „nulte tolerancije” na korupciju – Neselektivna primena zakona u svim pojavnim oblicima korupcije; • Načelo odgovornosti – Obaveza da se preuzme puna odgovornost za kreiranje javnih politika i njihovo efikasno sprovođenje, uključujući primenu ove Strategije i Akcionog plana; • Načelo sveobuhvatnosti primene mera i saradnje subjekata – Dunost da se mere primenjuju sveobuhvatno i dosled no u svim oblastima uz saradnju, kao i razmena iskustava i usaglašavanje postupanja relevantnih subjekata, na svim nivoima vlasti, sa ustanovljenom dobrom praksom; • Načelo efikasnosti – Dunost da se, u okviru svojih ovlaš ćenja, redovno sprovode mere protiv korupcije, te da se vrši stalna obuka radi unapređenja efikasnosti u borbi protiv korupcije; • Načelo transparentnosti – Garancija javnosti u procesu donošenja i sprovođenja odluka, kao i omogućavanje građanima pristup informacijama, u skladu sa zakonom. Iako korupcija predstavlja pojavu koja proima celo kupno društvo, Strategijom se navode pojedine oblasti u kojima će se prioritetno delovati, a koje su prepoznate kao ključne za izgradnju i jačanje sistemskih antikorupcionih mehanizama. Činjenica je da nije moguće, u ograničenom periodu i sa ograničenim resursima, rešiti probleme u svim oblastima u kojima se korupcija mo e javiti. Stoga, Strategija nastoji da pravilnom alokacijom ograničenih resursa u strateškom vremenskom okviru od pet godina, stvori čvrste temelje za buduću sveobuhvatnu borbu protiv korupcije. Pored ostvarenja prioritetnih ciljeva Strategije predviđenih u devet oblasti prioritetnog delovanja, podjednako vaan deo borbe protiv korupc ije predstavlja njena prevencija. One će se primenjivati na sve oblasti prioritetnog delovanja, ali i na sve druge oblasti u kojima se moe javiti korupcija. Naconalna strategija za borbu protiv korupcije predstavlja srednjoročni strateški dokument koji sadri ciljeve koji će se realizovati u narednih pet godina. Okvir za sprovođenje strateških ciljeva biće preciziran kroz akcioni plan koji će se usvojiti najkasnije tri meseca od usvajanja Strategije. Akcionim planom biće predviđene konkretne mere i aktivnosti za sprovođenje strateških ciljeva, rokovi, odgovorni subjekti i resursi za realizaciju. Takođe, definisaće se i pokazatelji za sprovođenje mera i aktivnosti, na osnovu kojih će se pratiti stepen njihove realizacije, kao i pokazatelji za procenu uspešnosti postavljenih ciljeva. Efikasno sprovođenje Strategije podrazumeva postojanje čvrste političke volje, koja se moe posti ći samo uz zajedničke napore i saradnju na najvišem političkom nivou. Ministarstvo nadleno za poslove pravosu đa biće koordinator u okviru Vlade, zaduen za me đusobnu komunikaciju, razmenu iskustava i informacija o aktivnostima preduzetim radi sprovođenja Strategije i akcionog plana. Svaki obveznik akcionog plana odrediće kontakt osobu koja će pratiti sprovođenje aktivnosti iz akcionog plana koje su u nadlenosti, odnosno delokrugu tog obveznika. Ministarstvo nadleno za poslove pravosu đa organizovaće redovne tromesečne sastanke na kojima će kontakt osobe iz dravnih organa razmenjivati isk ustva u sprovođenju Strategije i akcionog plana. Savet za borbu protiv korupcije učestvovaće sa ministarstvom nadlenim za poslove pravosu đa u organizovanju tromesečnih sastanaka kontakt tačaka iz dravnih organa. Na tim sastancima, Savet će prikupiti informacije o iskustvu i preprekama za efikasno sprovođenje Strategije i akcionog plana i o tome podneti izveštaj Vladi.


- 23 Odgovornost za realizaciju ciljeva predviđenih Strategijom snosiće svi obveznici akcionog plana, dok će nadzor nad sprovođenjem vršiti Agencija. Narodna skupština će raspravljati o izveštaju Agencije o sprovođenju Strategije. Tom prilikom, sprovešće se i javna rasprava o preispitivanju rada odgovornih lica obveznika akcionog plana. Obaveza Vlade biće da, u roku od šest meseci, podnese Narodnoj skupštini izveštaj o sprovođenju zaključaka Narodne skupštine donetih povodom razmatranja izveštaja Agencije.

IV. PROCENA FINANSIJSKIH SREDSTAVA POTREBNA ZA PRIMENU STRATEGIJE Za sprovođenje ove strategije nije potrebno obezbediti dodatna finansijska sredstva u budetu Republike Srbije, s obzirom da j e reč o sredstvima koja se obezbeđuju kroz redovno finansiranje.

V. RAZLOZI ZA DONOŠENJE PO HITNOM POSTUPKU Predlae se da se ova strategija donese po hitnom p ostupku, budući da bi njeno nedonošenje po hitnom postupku moglo da prouzrokuje štetne posledice po rad organa vlasti i nosilaca javnih ovlašćenja u Republici Srbiji. Takođe, donošenje Strategije predstavlja jedan od prioriteta Vlade, značajan i sa aspekta procesa pridruivanja Republike Srbije Evropskoj uniji.


ANNEXE VIII


[Last Update: February 2014]

STRATEGIC DOCUMENT PREAMBLE We, the members of the Regional Anti-corruption Initiative, building on objectives initially identified by the participants in the Sarajevo Summit February 2000 and subsequently by Senior Representatives in the Steering Group meetings: Taking into account the Declaration on 10 joint measures to Curb Corruption in South Eastern Europe, signed on May 2005, in Brussels, by the ministers of justice; Taking into consideration the obligations we took over by signing the Memorandum of Understanding concerning cooperation in Fighting Corruption through the South Eastern European Anti-Corruption Initiative (MoU) at the SEECP Meeting in Zagreb on April 2007; Recall the 2002 London Declaration on fighting organized crime and corruption, the 2003 EU – Western Balkans Thessaloniki Declaration, and the 2004 SEECP Joint JHA Declaration. By acknowledging that corruption and other fraudulent and criminal activities, -

are highly detrimental to the stability of all democratic institutions, erode the rule of law, breach fundamental rights and freedoms guaranteed by the European Convention of Human Rights and other internationally recognized standards, and undermine the trust and confidence of citizens in the fairness and impartiality of public administration;

-

undermine the business climate, discourage domestic and foreign investment, constitute a waste of economic resources and hamper economic growth and, therefore: COMMITMENTS

We, the members of the Regional Anti-corruption Initiative: Agree on the necessity to fight fraud and all types of corruption on all levels, including the international dimension of corruption, organized crime and money laundering. Agree that priority measures to fight corruption include: -

Taking effective measures on the basis of existing relevant international instruments, in particular those of the Council of Europe, the European Union, the Organization for Economic Co-operation and Development, the United Nations and the Financial Action Task Force on Money Laundering;

-

Promoting good governance, through legal, structural and management reforms for better transparency and accountability of public administrations, through development of


institutional capacities and through establishment of high standards of public service ethics for public officials; -

Strengthening legislation and promoting the rule of law, by ensuring effective separation of executive, legislative and judiciary powers and the independence of investigative and judiciary bodies and by enhancing investigative capacities;

-

Promoting transparency and integrity in business operations, through inter alia, enactment and effective enforcement of laws on accepting and soliciting bribes, ensuring open and transparent conditions for domestic and foreign investment, establishing corporate responsibility and internationally accepted accounting standards.

-

Promoting an active civil society by empowering civil society and independent media to galvanize community action, generate political commitment, creating a pattern of honesty in business transactions and a culture of lawfulness throughout society.

Agree in particular that building private/public and government/civil society partnerships is critical to developing and sustaining reform measures and to monitor anti-corruption activities; Are firmly resolved to ensure the reliability and integrity of the public institutions to fight against corruption with high political determination. Are committed to work with donor community for providing technical assistance and for developing synergies in program design and implementation on the basis of long-term partnership. Without prejudice to existing international commitments, including those deriving from EU membership status or EU accession and EU candidate status, the Governments will undertake the following steps: Adoption and implementation of universal and other European legal instruments 

Implement the United Nations Convention against Corruption;

Sign, ratify and implement the Council of Europe Criminal Law Convention on Corruption, the Civil Law Convention on Corruption, the Convention on Laundering, Search, Seizure and Confiscation of Proceeds of Crime, and the Additional Protocol to the Criminal Law Convention on Corruption;

Apply the Twenty Guiding Principles for the fight against corruption adopted by the Committee of Ministers of the Council of Europe and participate actively in the Council of Europe’s Group of States against Corruption – GRECO;

Implement the 40 recommendations of the Financial Action Task Force on Money Laundering (FATF) and participate actively in the Council of Europe’s Select Committee for the evaluation of anti-money laundering measures (PC-R-EV);

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Take measures to apply the principles proposed in the OECD Convention on Combating Bribery of Foreign Public Officials in International Business Transactions and the recommendations of the OECD;

Implement the Guiding Principles for Fighting Corruption and Safeguarding Integrity among Justice and Security Officials signed at the 1999 Global Forum on Fighting Corruption held in the United States of America;

Ratify and implement the United Nations Convention on Transnational Organized Crime;

Adopt and implement any other legal instruments, standards and best practices of the EU acquis whenever is necessary; Implementation of multilateral/regional agreements

Declaration on 10 Joint Measures to Curb Corruption in South Eastern Europe1;

Memorandum of Understanding concerning Cooperation in Fighting Corruption through the South Eastern European Anti-Corruption Initiative (MoU)2. Promotion of good governance and reliable public administrations

Strengthen national procurement legislation and procedures so as to promote an efficient, open and transparent procurement process that is in line with European and other international standards;

Improve effectiveness, transparency and accountability in budget preparation, execution, and control so as to conform with good international practice including standards laid down by international organizations and, if relevant, by the European community;

Establish professional and stable public services with staff selected on merit and safeguard legality, integrity, transparency and accountability through effective legal frameworks as well as judicial review of administrative decisions in line with good international practice; and promote the implementation of recommendations on Public Service Ethics and Codes of Conduct;

Establish efficient external Audit institutions and practices in line with good international practice and with standards developed jointly by the European Court of Auditors and EU Member States; strengthen parliamentary oversight, e.g. through Ombudsman institutions, allow investigative bodies to be backed by sufficient human and financial resources, and secure transparency in the funding of political parties and electoral campaigns.

1 2

Signed on May 12, 2005, in Brussels, by ministers of 8 member countries of SPAI. Signed in Zagreb on April 13, 2007 by ministers of 7 member countries of SPAI.

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Strengthening of legislation and promotion of the rule of law 

Ensure that corruption and money laundering are criminalized in accordance with International standards. Legislation should clearly typify and punish corrupt behavior in elected bodies, public administration, business and society at large; ensure that appropriate remedies are available for victims of corruption and that anti-corruption legislation is enforced effectively;

Set up specialized anti-corruption units, providing them with sufficiently trained staff and legal and budgetary means to effectively investigate, prosecute and adjudicate cases of corruption. Members of these units should enjoy appropriate independence, autonomy and protection in the exercise of their functions, be free from improper influence and have effective means for gathering evidence and protecting those persons helping the authorities in combating corruption;

Further strengthen investigative capacities of criminal justice institutions by fostering interagency co-operation and joint investigations, focusing on financial investigations, taking into account links to fraud, tax evasion and economic crime, creating the conditions for the use of special investigative methods while respecting fundamental human rights and freedoms, and by providing appropriate training and resources. Promotion of transparency and integrity in business operations

Take effective measures to combat active and passive bribery, including corruption of public officials, through inter alia enactment and effective enforcement of laws on accepting and soliciting bribes, taking into account OECD, EU and Council of Europe instruments;

Provide for open and transparent conditions for domestic and foreign investment in line with the principles set out in the Investment Compact of the Stability Pact;

Promote corporate responsibility and liability on the basis of international standards and principles, including inter alia the development and implementation of modern accounting standards, adoption of adequate internal company controls, such as codes of conduct, and the establishment of channels for communication, and protection of employees reporting on corruption.

Encourage private/public sector partnerships to develop and sustain reform measures. Promotion of an active civil society and raising public awareness

Develop appropriate regional/country and local anti-corruption actions with public officials, private sector and civil society representatives to share information and experience; Conduct surveys of businesses, consumers and public opinion to provide feedback for delivery of public services and fostering competition;

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Agree to organize, in co-operation with non-governmental and media organizations and the private sector, campaigns to raise public awareness about the economic and social harms of corruption;

Develop measures aimed at encouraging public officials, victims of corruption, business and members of the public to co-operate with the authorities in preventing corrupt practices and extortion;

Implement education programs aimed at fostering an anti-corruption culture in society;

Strengthen media oversight through freedom of information laws, improve ethical and professional standards of journalists and promote training in investigative journalism and provide access to public information; IMPLEMENTATION

Concrete implementation of the above mentioned commitments will be done through the Work Plan (Annex 4) developed every two years and approved by the Steering Group.

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ANNEX 1 INSTITUTIONAL MECHANISM Composition All countries of South Eastern Europe (SEECP members) which are parties of the MoU, as well as other countries or organizations willing to join the MoU by depositing an instrument of accession, are eligible to be Core Members of the RAI Steering Group. All other countries, organizations or international financial institutions which are actively and substantially engaged in support of preventing and fighting corruption in South Eastern Europe and contributing to the programmatic activities of the RAI with at least the yearly minimum amount determined in the MoU, may participate in RAI Steering Group as Associate Members. The Associate Members will have the same voting rights as the Core Members in relation with the RAI programmatic issues. Other interested countries or organizations which are involved in fighting corruption in SEE but not or financially participate in RAI activities less than being able to contribute financially to the RAI, yearly minimum amount determined in the MoU, as well as those organizations that are only, implementers of projects related to the RAI activities may participate in the Steering Group as Observers. Any new members shall be deemed to have accepted the Strategic documents of the Initiative. The Steering Group is the decisional making body of the Initiative. It is composed of one Representative from the signatory countries of the Memorandum of Understanding (MoU) or acceding countries or organizations appointed by the respective National Government and having the position at least Director in the Ministry of Justice or in the institution having responsibilities for the coordination (implementation) of National Anti-corruption Strategy. Senior representatives shall be appointed on a permanent basis. However, members are entitled to designate one substitute per representative. Member countries or organizations of the Steering Group, through written notification to the Chairperson, may be represented in the Steering Group meetings by organizations that manage the implementation of their funds. Any new member shall appoint its Senior Representative within in a period of two months following its notification of the membership. The member shall inform the Secretariat of the name, position and address of the designated representatives. Members shall promptly notify the Head of the Secretariat of any change in the composition of their representative. The Steering Group has meetings at least once per year and whenever necessary. The meeting are called and chaired by Chairperson. There shall be a quorum if a majority of two thirds of members are present. The activities of Steering Group are supported by Executive body of the initiative – the Secretariat. During the period between two meetings of the Steering Group decisions may be taken via e-mail through the Secretariat, under the coordination of the Chairperson. The decision making process shall respect the same rules and as an exception decisions can be taken


through silent procedure of two weeks. Powers The Steering Group proposes, discusses, makes amendments and approves Work Plan of the initiative every two years based on proposal coming from the Regional Secretariat which is based on priorities and needs identified by the member states. The Secretariat submits every two years the draft proposal for the Work Plan to the Senior Representatives. The Steering Group approves the election or the renewal of mandate for the Regional Anticorruption Initiative Chairperson upon proposals made by member states. It discusses, approves or amends Chairperson Terms of Reference (Chairperson ToR). The Steering Group approves nominations or renewal of mandate for the Head of the Secretariat and Anti-corruption expert(s) as well as discusses, approves or amends Terms of Reference (ToR) of the Secretariat. The Steering Group shall decide on the publicity to be given to its activities. Observes may be admitted in the Steering Group meeting upon proposals of its Chairperson, of any Senior Representative or of Head of the Secretariat. Decisions of the Steering Group of the Regional Anti-corruption Initiative shall be taken by consensus, which is understood as absence of objection. However, in absence of consensus, decisions shall be taken by two-thirds of the votes cast. Only votes “in favor” or “against” are taken into account when counting the number of votes cast. Procedural decisions shall be taken moreover by a majority of the votes cast. Each member of the Regional Anti-corruption Initiative has the right to one vote. However, unless otherwise decided by the Steering Group, a member who has failed to fully implement the MoU and to fulfill financial obligations deriving from its implementation every year shall no longer take part in the decision-making process. The Steering Group approves its annual activity report, including its financial part. The Secretariat shall publish it every year, once approved by the Steering Group. The Steering Group approves its annual budget for the upcoming fiscal year which is financed through the annual compulsory contributions of its members, additional voluntary contributions from its members as well as from other interested countries, international institutions or other donors. [Added at the 18th RAI Steering Group Meeting] Steering Group members have to perform their duties in an ethical manner and in compliance with the highest standards on integrity, avoiding all conflicts of interest that might arise because of economic or personal selfinterest. Ethical conduct includes, inter alia, using impartial judgment in all matters affecting RAI and refraining from voting on their own candidature in RAI's positions and also from proposing themselves for consulting arrangements.

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Chairperson The Chairperson plays a pivotal role within the Initiative’s framework by ensuring the permanent coordination of the activities undertaken by the member countries in implementing the commitments endorsed within the Regional Anti-corruption Initiative Strategic documents. In this regard he/she convenes and chairs the Steering Group meetings. The Chairperson oversees the enforcement of the decisions taken by the Steering Group of the Initiative. The Chairperson shall represent the Initiative and its Steering Group members in relation with all international partners and promote the implementation of the Initiative’s strategic objectives. He/she will:  Convene once per year (or whenever necessary) the Steering Group Meetings and Chair them;  Foster the dialogue with the donor countries and international partners within bilateral discussions and whenever necessary through the Friends of the Chair meetings;  Strengthen the communication with the high level governmental officials from the member countries throughout official visits whenever necessary;  Chair national and regional events related to the fight against corruption hosted by the member countries upon request;  Give strategic guidance to the Regional Anti-corruption Initiative Secretariat in order to ensure the achievement of the work plan’s objectives, as set and approved by the Regional Anti-corruption Initiative Steering Group;  Report to the RCC within its annual meetings and whenever necessary within the SEECP Justice and Home Affairs (JHA) Ministerial meetings;  Inform and consult RCC Secretary General in relation with the Anti-corruption issues concerning the region. The Terms of Reference for the Chairperson are attached (Annex 2) Secretariat The Secretariat is the executive body of the Regional Anti-corruption Initiative. The Secretariat serves as a concrete and visible demonstration of the Regional Anti-Corruption Initiative commitment of the regional states to the continuing, concerted and coordinated fight against corruption in South Eastern Europe. The mission of the Secretariat is: - to serve as the main focal point for regional anti-corruption cooperation in South Eastern Europe through the coordination, facilitation and dissemination of best practices and lessons learned as well as through the interaction and coordination among member states and between member states and other international partners; - to act as a regional Anti-corruption Resource Center for the countries of SEE; and - to enable a better integration and implementation of the international legal

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instruments concerning the prevention and fight against corruption. The Terms of Reference for the Secretariat and its staff are attached (Annex 3)

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ANNEXE IX


BALKANS DECLARATION on the suppression of trafficking and the exploitation of human beings

Zagreb, 19 September 2013 This project is funded by the European Union

This project is co-­‐funded by French Republic


Introduction Despite more than a decade of efforts to combat trafficking and its forced labour and slavery-­‐like outcomes, our States continue to fail in obtaining substantial results to eradicate these human rights abuses. This is caused by the lack of implementation of international commitments, means of enforcement and a realistic understanding of victims’ needs. Victims’ rights are systematically violated, especially their rights to freedom of movement, liberty, safety and privacy. Victims are rarely, if ever, compensated for their suffering, and punished for offences they were forced to commit in the course of their being trafficked. Moreover, corruption remains a key obstacle to obtaining justice. Without political will, efforts, money and a true dedication to the protection of human rights, trafficking and exploitation of human beings will keep flourishing.

We therefore strongly appeal •

• •

to all involved actors to acknowledge that being a victim of trafficking and exploitation means humiliation, shame, fear and permanent scarring, and to consider this in any anti-­‐ trafficking efforts they undertake to our States to ensure a secure, dignified and respectful environment for all victims and to recognise the need to coordinate efforts with CSOs to our law enforcement and judicial authorities to provide justice.

This means • • • • • • • • • • • • •

treating victims with respect enabling victims to speak up for their rights and take back control over their lives affording children with the special treatment and rights to which they are entitled not taking measures that undermine the human rights of victims or any other groups affected by anti-­‐trafficking policies properly and pro-­‐actively identifying victims guaranteeing assistance by trained and professional service providers duly investigating and prosecuting traffickers and exploiters ensuring that names and identities of victims do not become publicly known avoiding repeated interviewing in criminal proceedings, unnecessary questioning on victims’ private life, direct confrontation with the offenders, and giving evidence in open court not punishing victims for offences committed as a consequence of their being trafficked preventing traffickers and exploiters from profiting from their crimes removing the obstacles for victims to get compensation punishing corruption-­‐like practices and abuse of power against the victim’s best interest.

2


BALKANS DECLARATION on the suppression of trafficking and the exploitation of human beings1 Zagreb, 19 September 2013 The undersigned Civil Society Organizations (CSOs):2 1)

Recalling our States’ international and European commitments to prevent and combat human trafficking and the exploitation3 of human beings and to provide appropriate and effective remedies to its victims;

2)

Taking into account that these commitments include the obligations4 to:

Criminalise trafficking and its component acts, i.e. forced labour or services, including forced sexual services, servitude, including sexual servitude, slavery and practices similar to slavery, including forced marriage and debt bondage, and all forms of exploitation of children • Establish policies to prevent human trafficking and the exploitation of human beings •

1

This Declaration was developed in the framework of “Balkans ACT NOW,” a joint project of CSO’s in Serbia (Astra), Croatia (PSD), FYR Macedonia (Open Gate-­‐La Strada) and Bosnia and Herzegovina (International Forum of Solidarity-­‐Emmaus) in cooperation with the Netherlands Helsinki Committee and the French ALC and Comité Contre l’Esclavage Moderne, to combat trafficking and the exploitation of human beings under forced labour or slavery-­‐like conditions and to defend the rights of its victims. 2 Under this Declaration, CSO is defined as any non-­‐profit organisation or association based on the right to freedom of assembly that is not a political organisation and that is not governed by public law. 3 Under this Declaration, exploitation shall mean forced labour and services, including forced sexual services; slavery, including sexual slavery; servitude, including sexual servitude; and slavery-­‐like practices, including debt bondage, serfdom and servile forms of marriage. 4 These obligations are founded upon the following international and European instruments: UN Protocol to Prevent, Suppress and Punish Trafficking in Persons, especially Women and Children, Supplementing the United Nations Convention against Transnational Organized Crime (art. 5, 6, 9, 14 & 19); United Nations Convention against Transnational Organised Crime (art. 8, 14 & 25); Council of Europe Convention on Action against Trafficking in Human Beings (art. 3, 5, 6, 10 -­‐ 12, 14, 15, 18, 26, 28, 35 & 40); European Convention on Human Rights (art. 4, 5, 13, 14); European Court of Human Rights jurisprudence (Siliadin v. France, Appl. No. 73316/01, 26 July 2005; Rantsev v. Cyprus and Russia, Appl. No. 25965/04, 7 Jan. 2010; C.N. and V. v. France, Appl. No. 67724/09, 11 October 2012;C.N. v. The United Kingdom, Appl. No. 4239/08, 13 Nov. 2012); Directive 2011/36/EU of the European Parliament and of the Council of 5 April 2011 on Preventing and Combating Trafficking in Human Beings and Protecting its Victims (art. 2-­‐6, 8, 9, 11-­‐16, 17, 18); 2004/81/EC Council Directive on the residence permit issued to third-­‐country nationals who are victims of trafficking in human beings or who have been the subject of an action to facilitate illegal immigration, who cooperate with the competent authorities; Convention to Suppress the Slave Trade and Slavery,1926; Supplementary Convention on the Abolition of Slavery, the Slave Trade, and Institutions and Practices Similar to Slavery, 1956; Convention Concerning Forced or Compulsory Labour, ILO C 29; Abolition of Forced Labour Convention, ILO C 105; International Covenant on Civil and Political Rights (art. 2, 8, 9, 12, 14, 26); International Covenant on Economic, Social and Cultural Rights (art. 2, 3, 10); Convention on the Rights of the Child (art. 2, 3, 20, 25, 34-­‐36); Convention on the Elimination of all Forms of Discrimination against Women (art. 2); International Convention on the Elimination of All Forms of Racial Discrimination (art. 2, 5 & 6); Convention Concerning the Prohibition and Immediate Action for the Elimination of the Worst Forms of Child Labour, ILO C 182 (art. 7); Migration for Employment Convention, ILO C 97 (Revised); Migrant Workers Convention, ILO C 143); Private Employment Agencies Convention, ILO C 181; Domestic Workers Convention, ILO C 189; Council of Europe Convention for the Protection of Individuals with regard to Automatic Processing of Personal Data of 28 January 1981, ETS no. 108; Directive 95/46/EC of the European Parliament and of the Council of 24 October 1995 on the Protection of Individuals with Regard to the Processing of Personal Data and on the Free Movement of such Data; 2001/220/JHA Council Framework Decision on the standing of victims in criminal proceedings; Council Directive 2004/80/EC of 29 April 2004 relating to compensation to crime victims; 2008/977/JHA Council Framework Decision on the protection of personal data processed in the framework of police and judicial cooperation in criminal matters; Directive 2009/52/EC of the European Parliament and of the Council of 18 June 2009 providing for minimum standards on sanctions and measures against employers of illegally staying third-­‐country nationals; Directive 2012/29/EU on establishing minimum standards on the rights, support and protection of victims of crime.

3


• • • •

• • •

Establish appropriate mechanisms for the rapid and accurate identification of trafficked persons Duly investigate and prosecute cases of trafficking in human beings and exploitation Assist and protect victims, including protection or their safety and privacy, and protect them from further harm Provide victims with effective and appropriate remedies, including access to legal assistance, compensation for damages and guarantees of non-­‐repetition Ensure that victims are not prosecuted or punished for crimes committed as a consequence of their being trafficked or exploited Ensure that victims are not held in immigration detention or other forms of custody, including shelters that restrict their freedom of movement Ensure that anti-­‐trafficking responses do not discriminate on the basis of race, sex, ethnicity or other status, such as working or having worked in the sex industry, or violate established rights;

3)

Strongly asserting that anti-­‐trafficking policies should integrate a human rights-­‐based approach, which integrates core human rights principles, including participation, empowerment and non-­‐discrimination;

4)

Opposing anti-­‐trafficking measures that may jeopardize the human rights of trafficked persons or other groups affected by anti-­‐trafficking laws, policies or measures, like sex workers, (female) migrants, asylum seekers or minority groups, or may add to their marginalization or stigmatization;

5)

Considering that from a human rights perspective, the primary concern is to combat the exploitation of human beings, irrespective of how they arrived in this condition and whether it concerns a lawful resident or an illegal migrant;

6)

Strongly reaffirming that policies to prevent trafficking should address the factors that increase vulnerability to trafficking and exploitation, such as poverty, discrimination, stigmatization, social exclusion, the demand for cheap and exploitable labour and the lack of labour protection, and that they should aim at giving people the power, capacities, capabilities and access needed to change their situation, to speak up for their own rights and to take back control of their lives;

7)

Reaffirming the right of each victim of trafficking and exploitation to be treated with the respect due to any individual by society, and in particular by the State authorities, and stressing the need to ensure that the consequences from which victims suffer are taken into the utmost account;

8)

Noting that Croatia, Bosnia and Herzegovina, FYR Macedonia and Serbia face a number of common problems related to the trafficking in human beings and its forced labour and slavery-­‐like outcomes, despite more than a decade of efforts to combat these human rights abuses;

9)

Noting that many of these problems are directly related to the need for assistance and protection of trafficked and exploited persons, as well as the respect for their rights, in particular the right to freedom of movement, to life, liberty and security and to privacy and family life; 4


10)

Considering that redress of wrongs is a fundamental legal principle and concerned about the lack of implementation of existing legislation addressing the rights of victims, including the right to information, access to legal assistance, compensation for damages suffered, the protection of their privacy and safety, and the right to get paid for the work or services they performed;

11)

Concerned about the tendency by States, international organizations and other actors to create and maintain databases with personal data of victims without their knowledge and/or freely given informed consent and the attached risks of misuse of data, while stressing that it is crucial that victims can trust that their personal data are kept fully confidential by CSOs and other assistance providers;

12)

Noting the need and the obligation to examine the role that corruption and public sector involvement or complicity plays in facilitating trafficking and preventing the prosecution of traffickers and exploiters;

13)

Convinced that the effective suppression of trafficking and exploitation requires joint, coordinated and complementary actions by both the State, international organisations and Civil Society, which is by nature the necessary complement of State institutions;

14)

Stressing that all signatory CSOs of this Declaration share a number of common values and principles, and recalling that civil society actors play a crucial role in maintaining and strengthening democratic processes and the rule of law, as well as in monitoring and advocating human rights and holding their governments accountable to implement them;

CALL UPON OUR GOVERNMENTS TO Investigation and prosecution of trafficking and exploitation I

Criminalise, duly investigate and adequately punish all forms of trafficking, forced labour and services, servitude and slavery-­‐like practices, and expand current protections for trafficked persons to victims of all the above mentioned practices;

II

Ensure that all people are equally protected against trafficking and exploitation without discrimination, including both nationals and migrants, men and women, sex workers and minority groups;

III

Develop pro-­‐active means of investigation without to rely upon the cooperation and testimony of the victims, by using a combination of intelligence, human and technical surveillance, undercover deployments (when authorised under the law) and standard investigation techniques. Pro-­‐active investigations increase the successful prosecution of the offenders and acknowledge the real difficulties confronting victims who may not be able or willing to testify against their exploiters;

IV

Ensure that all actors responsible for investigating and prosecuting trafficking and exploitation are trained regularly and effectively, are equipped with the skills and knowledge necessary to accurately identify victims and secure their rights, and understand the human rights dimensions of trafficking and related practices; 5


Securing victims’ rights V

Implement measures to ensure that victims of trafficking and exploitation from the first contact with the authorities on have access to free and qualified legal counsel and legal representation, including for the purpose of claiming compensation;

VI

Ensure that, in partnership with CSOs, proper assistance is available, accessible and adequately resourced, independent of the victim’s ability or willingness to cooperate in the prosecution, and including, where needed, the granting and/or renewal of a residence permit;

VII

Ensure that assistance is focused on supporting victims to rebuild their lives and their reintegration in society, is tailored to the age, gender and needs of the victim, is provided on a consensual and confidential basis by specialized service providers, and is in line with internationally defined standards.

VIII

Ensure that foreign and national victims are equally entitled to a reflection period. The duration of the reflection period should be sufficient to achieve its purpose, which is to facilitate victims’ recovery and ability to make an informed decision about cooperation with the authorities.

IX

Ensure that foreign victims have effective access to a temporary residence permit for the duration of criminal and other legal procedures, including for claiming compensation, and that during this period they have access to assistance and protection on an equal footing with domestic victims.

Non-­‐punishment principle X

Ensure that the obligation not to prosecute and/or punish victims of trafficking and exploitation for criminal or administrative offences that are caused or directly linked to their having been trafficked or exploited, is effectively implemented in the criminal justice system and practice;

XI

Ensure that once a reasonable grounds indication has been reached that a suspect is a victim of trafficking or exploitation, the victim is treated as a victim and witness of serious crimes, and any prosecution against them for a crime caused or directly linked to their having been a victim of trafficking or exploitation is discontinued as soon as possible;

Criminal investigation and trial XII

Take the necessary measures to protect victims against unlawful interference with their privacy and safety and protect victims and their families, where necessary, from intimidation and retaliation from the side of the suspects before, during and after criminal proceedings;

XIII

Ensure adequate training of law enforcement and judicial officials and, where applicable, adopt the necessary measures to guarantee that victims of trafficking and exploitation receive specific and respectful treatment aimed at preventing their secondary victimization, including avoiding • •

Inappropriate and contemptuous treatment by police, prosecution and court during investigation, prosecution and trial Unnecessary questions about the victims private and/or sexual life or history 6


• • •

Unnecessary repetition of interviews during investigation, prosecution and trial Direct confrontation, such as visual contact between the victim and defendants while giving evidence (e.g. by the use of audio-­‐visual means) Giving of evidence in open court;

Access to Compensation XIV

Ensure that there is not only a legislative, but also a practical possibility for victims of trafficking and exploitation to effectively obtain compensation for material and immaterial damages. Existing provisions to this aim shall be fully applied and accessible, and procedures shall be as short as possible while limiting victims’ exposure to secondary victimization. The responsibility to recover awarded claims should lie with the State authorities instead of the victim;

XV

Ensure that the police inform victims about the available possibilities to claim compensation and record, together with the statement of the victim, relevant information about the material and immaterial damages the victim suffered;

XVI

Ensure that victims have access to existing schemes of compensation for victims of violent crimes of intent, and, where necessary, adapt legislation to provide for payment of compensation by the State where such compensation cannot be obtained from the trafficker or exploiter, e.g. through the establishment of a Victim Fund for victims of serious crimes;

XVII

Take the necessary measures to ensure that • •

XVIII

the competent authorities are entitled to seize and confiscate instrumentalities and proceedings from trafficking offenses the revenue gained from the confiscation of instrumentalities and proceedings from trafficking and exploitation is used for victim compensation;

Take the necessary measures to ensure that the existing compensation procedures and rules are comprehensible, speedy, and do not jeopardize the effectiveness of the right to compensation.

Protection of Privacy and Safety XIX

Take the necessary measures to ensure that access to assistance is not conditional on victims’ sharing personal data with the authorities and that victim assistance providers are not forced to share data about their beneficiaries with state authorities, including the police;

XX

Ensure that victims’ personal data are collected from victims only for specified, explicit and legitimate purposes and in the framework of the tasks of the competent authority and are processed only for the same purpose for which the data was collected. Processing of this data has to be lawful, adequate, relevant and not excessive in relation to the purpose for which it was collected, and should take into account that data on a victims engagement in prostitution are to be qualified as “sensitive data”, subject to a stricter regime;

XXI

Take the necessary steps to ensure that, where applicable, victims’ freely given and informed consent is necessary for the collection and other ways of processing of their personal data, that they have access to the data kept about them, and that victims’ personal data is deleted or made anonymous when no longer required for the purpose for which it was collected; 7


XXII

Raise awareness with all relevant parties on the need to protect victims’ confidentiality and privacy and the attached risks of misuse of data;

XXIII

Ensure that victims of trafficking and exploitation have access to privacy and safety protection measures, including witness protection programs. These measures shall be readily accessible, implemented on the basis of an individual risk assessment, and shall not infringe upon victims’ freedom, particularly their freedom of movement;

XXIV

Take the necessary legislative and other measures to ensure that foreign victims of trafficking and exploitation are not returned to their country and are entitled to apply for residence on humanitarian grounds, when there are reasonable grounds to believe that return would jeopardize their safety or that of their family, or would expose them to the risk of re-­‐ trafficking, persecution or social exclusion. Return should always be preceded by an individual multi-­‐stakeholder risk assessment, which should involve consultation with CSOs;

Non-­‐detention XXV

Ensure that (presumed) victims of trafficking and exploitation are not held in immigration detention centres, other forms of custody, or shelters under conditions akin to detention. This violates their right to freedom of movement and puts them in a situation in which their being deprived of their freedom by traffickers is only replaced by deprivation of their freedom by the State;

XXVI

Ensure that child victims are not placed in closed facilities, unless it can be demonstrated that this is in their best interest and there is no reasonable alternative for protection, it is for the shortest possible period of time and subject to periodic review;

XXVII

Ensure that staff in immigration and other detention centres are adequately trained and qualified to identify victims of trafficking and exploitation in order to prevent them being detained;

Corruption XXVIII Ensure that any anti-­‐trafficking policies address all forms of corruption and its causes, and include both preventive and repressive strategies; XXIX

Take concrete steps to address public sector involvement or complicity in the trafficking and the exploitation of human beings and to rigorously punish any official involved or complicit in such practices, including a ban from exercising a public duty.

8


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