2100 : Loix en ré, cité insulaire

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Loix en Ré cité insulaire Projet de fin d’études en Diplôme Supérieur des Arts Appliqués en design d’espace Nathan Belarbre - 2018/2019


2100 : Loix en ré, cité insulaire - Préface

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Préface Ce travail est le fruit d’une recherche en design menée dans le cadre de mes études en DSAA design d’espace au Pôle Supérieur de design de NouvelleAquitaine Raymond Loewy en 2018-2019. Il s’agit ici d’une partie du travail effectué permettant de comprendre les axes d’actions imaginés pour étudier mon sujet d’étude qui questionnait la problématique de la montée des eaux et de sa répercussion sur les manières de vivre, de faire société et de faire du design. Ce document dévoile la partie finale de ma recherche que j’ai choisie d’explorer à travers l’outil de la narration prospective pour imaginer un futur dans lequel nous pourrions peu à peu cohabiter, ou du moins mieux vivre, avec la montée des eaux.

Le fort du Grouin à Loix


Table des matières

3 Introduction 4

Une problématique actuelle

5 À la rencontre des habitants 6 Parutions dans le journal 7 Balades thématiques

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9 Exposition & Discussion 10

Utopie & Prospective

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Pistes d’actions à explorer

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L’avenir du bâti Loidais

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Politiques d’aménagement

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Entretenir une mémoire du risque

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Terrain d’exploration

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Territoire submersible

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Le port de Loix

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Le projet

Table des matières

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Etat des lieux Diagnostic et sythèse

Étude préalable Rencontres & Discussions

2100 : Loix en ré, cité insulaire - Table des matières

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1 Préface

20 2100 : Loix en ré, cité insulaire Une narration prospective 27

La maquette d’étude

29 Soutenance de Macro-projet 31 Remerciements


2100 : Loix en ré, cité insulaire - Contexte d’étude

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L’île de Saint-Martin au lendemain de la tempête Irma

Introduction En septembre 2017, lors de ma rentrée en Diplôme supérieur des arts appliqués, je dois déjà trouver un sujet de recherche en design. Nous sommes au lendemain des événements tragiques qui sont survenus aux États-Unis et dans les Antilles avec les ouragans Harvey, Irma, José et Maria survenus de fin aout à mi-octobre 2017. Je suis sidéré de constater que les populations qui vivent dans ces endroits ne vivent pas dans habitations suffisamment résistantes pour faire face à des tempêtes, pourtant communes aux territoires tropicaux. Que des gens puissent vivre dans des territoires vulnérables aux catastrophes naturelles, je peux le concevoir, que ce soit pour le travail, la culture, l’héritage ou bien même pour l’attractivité du

cadre paradisiaque, mais que ces mêmes personnes puissent perdre la vie chez eux, dans le lieu qui leur sert de foyer, l’espace qui protège, où chacun devrait être à l’abri, cela n’est pas concevable pour moi.

Pourtant, tout comme les autres conséquences du changement climatique, la montée des eaux soulève de nombreux enjeux à la fois humains, écologiques, économiques ou bien même politiques.

C’est donc en connaissance de la situation actuelle et conscient des problématiques encore peut médiatisées des conséquences du changement climatique, que je souhaite imaginer un avenir ou nous serions plus résilients, plus adaptés pour subir les catastrophes sur le court, le moyen ou long terme, à venir.

J’ai donc tout d’abord étudié les possibles manières de vivre dans différents milieux aquatiques selon différentes cultures, différentes contraintes et j’ai dressé un tableau des possibles moyens de vivre avec l’eau.

Pour cadrer ma recherche, j’ai choisi de travailler sur la question de la montée des eaux, un phénomène dangereux mais encore très silencieux, car à l’échelle d’une vie humaine il est presque invisible.

Ensuite j’ai étudié les cartes révélant les zones soumises aux risques de submersions marines, superposées aux cartes des plus grands regroupements humains (villes, métropoles, mégalopoles). C’est seulement après cette étape que j’ai pu remarquer que ce problème touche tous les continents

et toutes les populations du globe. Cependant je ne pouvais pas travailler sur un lieu où je ne pouvais pas me rendre, j’avais besoin d’être au plus proche des populations vulnérables, pour comprendre leur histoire et celle de leur territoire afin d’apporter une réponse au plus juste des contraintes du territoire et des besoins des habitants. Afin de mener cette démarche dans une dimension éco-responsable je souhaite me situer dans un territoire propice à l’élaboration d’un projet. C’est ainsi que j’ai choisi de travailler sur l’île de Ré, un territoire peuplé dès le Moyen-Âge, où l’urbanisme à réussi à être préservé jusqu’au milieu du XXème siècle, mais qui doit tout de même faire face aux catastrophes du XXIème siècle à venir, un siècle synonyme de nombreux changements.


2100 : Loix en ré, cité insulaire - Contexte d’étude

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Venise pendant l’Acqua-alta

La Nouvelle-Orléans après Katrina 2005

Une problématique actuelle La montée des eaux, est une bien grande notion à comprendre pour en connaître tous les rouages, toutes les problématiques qui y sont liées. La montée des eaux est une des nombreuses conséquences du changement climatique, accéléré par les activités humaines, elle fait partie des éléments changeants au même titre que le réchauffement planétaire, les sécheresses et tous types de catastrophes qui tendent à devenir de plus en plus intenses.

Ces catastrophes sont des menaces pour les populations sur terre qui vivent dans des milieux de plus en plus vulnérables à ces changements à venir ou qui surviennent d’ailleurs déjà. C’est dans ce contexte-ci que j’ai choisi de développer ma recherche en design, une recherche ancrée dans l’actualité

face à l’urgence climatique mais aussi ancrée dans les problématiques sociales, économiques, écologiques et anthropologiques actuelles comme les migrations climatiques, la question des frontières politiques, le bouleversement des milieux naturels marins et terrestres, la perte de cultures liées à des hommes et des territoires particuliers etc... La montée des eaux n’est pas la seule urgence climatique mais elle est une des premières et plus grandes menaces pour les hommes, les êtres vivants et les infrastructures bâties. Où vivrons-nous demain ? Faut-il déménager les villes littorales ou bien peut-on trouver des solutions pour s’adapter et vivre avec la montée des eaux ? Quels moyens peut-on mettre en place pour mieux subir les conséquences du changement climatique ?

La digue du Boutillon à La Couarde-sur-mer


2100 : Loix en ré, cité insulaire - Faire événement

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Papi appuyé aux palplanches du programme P.A.P.I

Balade avec Pierre Boulanger

À la rencontre des habitants Dans la recherche d’une implantation de projet sur le territoire, il fallait aussi que je rencontre des habitants de ce territoire. Par la prise de contacts par internet, par des connaissances et même directement sur place j’ai donc pu rencontrer et discuter avec des personnes au préalable. Ensuite le but était de rencontrer d’autres personnes : habitants à l’année, habitants secondaires et même touristes. J’ai donc choisi de faire événement à Loix. Loix sous les eaux avait pour objectif de déterminer la conscience des gens face à l’urgence climatique mais aussi découvrir les manières de vivre des habitants sur place, découvrir

leurs expériences et les moyens de défense ou de protection mis en place par la communauté de communes de l’île de Ré pour se préparer et s’adapter à un territoire soumis à de nombreux dangers. Par la création d’une communication sur de multiples supports (numérique et imprimée), la prise de contact avec le journal local Le Phare de Ré, mais aussi la rencontre avec des acteurs locaux, je souhaitais que mon message soit impactant, factuel et réaliste. Peutêtre à-t-il été perçu comme déroutant, intriguant ou même un peu trop alarmiste, mais au moins le message est passé et cela à fait un peu de bruit dans le petit village durant la semaine de Pâques 2019.

Affiche promotionnelle numérique de l’événement


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Parutions dans le journal local Afin d’avoir une porte d’entrée pour intervenir sur l’île de ré, j’ai contacté le journal local Le Phare de Ré. En effet, contacter un journal avec une certaine notoriété et plusieurs milliers d’abonnés à travers l’île de ré et même au delà, était pour moi un moyen de pouvoir me faire connaître, de témoigner de ma recherche et des objectifs des événements mis en place à Loix. Grâce, aux parutions dans le journal, j’ai pu avoir des retours de locaux qui m’ont témoigné de leur intérêt pour ma recherche et avec lesquelles j’ai pu discuter pour leur expliquer ma démarche. Emmanuel Legas, rédacteur du journal, s’est tenu au courant de l’évolution des événements et m’a rejoint lors de l’exposition/discussion organisée dans la salle du conseil municipal.


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Balade À la découverte des points bas de la ville

Balades thématiques 3 balades thématiques ont été organisées à Loix et ont suscité l’attention d’une quinzaine de personnes en tout. C’est peut-être peu mais cela montre la réticence de certaines personnes pour discuter de ce sujet, ou bien cela atteste d’une communication pas encore très bien maîtrisée. En tout cas, nous avons ensemble réussi à définir des pistes d’actions possibles pour nous adapter sur le long terme. Des propositions encore au stade d’ébauche, certes, mais me permettant déjà de déceler des intentions à ré-exploiter plus tard pour la constitution du projet. Chaque balade avait pour but de questionner différents points afin de faire surgir des réactions et des

questionnements de la part du public. Le discours devait aller en crescendo en se dirigeant vers l’urgence de la situation. À la découverte des points bas de la ville cherchait à définir les zones basses, les rues et les habitations les plus vulnérables de Loix. L’eau monte ! Cherchons les points culminants, souhaitait mettre en avant les points élevés, naturels et bâtis de la commune comme des solutions de repli stratégique sur le long terme. Une plage dans mon jardin, projetait des simulations d’une montée des eaux de +1m en parcourant le littoral de demain tout en imaginant cohabiter avec.


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Flyer promotionnel imprimé de l’événement - Recto/Verso


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Diagnostic humain paysager et bâti de Loix

Exposition & Discussion Un exposition - discussion a été organisée le jeudi 24 avril 2019 dans la salle du conseil municipal de la mairie de Loix. L’objectif de cette exposition était d’endosser le rôle d’un designer médiateur afin d’ouvrir ma recherche au plus grand nombre et de témoigner des premières analyses et synthèses des balades de la veille à chaud avec les personnes présentes. Le but était également de reformuler ma recherche en design depuis le début, en recréant le cheminement de pensée effectué en près de deux ans pour comprendre les différentes étapes par lesquelles j’avais put passer. Il était question d’exposer les menaces et les opportunités que pouvaient apporter la montée des eaux sur nos territoires littoraux.

Grâce au Tableau des possibles, il s’agissait d’exposer, les différentes manières de vivre de certaines personnes qui vivent déjà dans un milieu aquatique par défaut ou par commodité et donc d’apprendre de ces diverses cultures à la fois par l’étude de cultures anciennes ancrées, de mode de vies actuels ou bien même à travers des projections utopiques futuristes. De nombreuses cartes ont également été exposées pour signifier qu’aucun continent n’était épargné et que les zones les plus menacées faisaient partie des bassins de populations les plus importants de la planète. Sur ces cartes je faisais aussi le lien avec le Tableau des possibles en signifiant que des solutions

étaient déjà imaginées pour se protéger contre la montée des eaux ou bien pour essayer de cohabiter avec. Une dernière partie de l’exposition consistait en un diagnostic à chaud des balades et des réactions de la part des participants en dévoilant aussi les premières esquisses que j’avais imaginé au préalable dans le but de recueillir des avis et de faire émerger des doutes, des questions ou même éventuellement de l’approbation de la part des participants. Au moyen d’un jeu pédagogique, je souhaitais aussi inclure les enfants dans le processus de création car il s’agit avant tout de l’avenir des jeunes d’aujourd’hui qu’il est question pour

animer des questionnements à la fois d’aujourd’hui mais aussi de demain. La consigne était ici d’imaginer l’organisation d’une ville dont le sol serait inondé en travaillant par exemple sur des aménagements sur pilotis, étagés ou bien même en se réfugiant sur les toits en les habitant. Cette expérience était enrichissante car il fallait adapter son discours aux différentes personnes sur place, puis aussi car elle a su attirer prêt d’une quarantaine de personnes sur les deux jours. À l’avenir il faudrait cependant que je sois épaulé davantage par des associations, la mairie ou la communauté de communes pour attirer davantage de personnes à ce questionner sur notre avenir.


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Utopie & Prospective La montée des eaux ? en 2100 ? Nous n’en sommes pas encore là. Cette phrase redondante lors des événements révélait la difficulté de projection première, dans un futur où le territoire de Loix serait majoritairement englouti suite à l’abandon d’entretien des digues devenu beaucoup trop coûteux années après années. Alors, comment faire pour aider les gens à se projeter ?

place pour rehausser et consolider les digues, ou bien sur les intentions d’attraction touristique et d’un besoin d’hébergement croissant. Elles explorent aussi la possibilité d’un changement radical de la charte architecturale stricte, propre à l’île de Ré, en proposant des maisons plus hautes, sur pilotis, des quartiers flottants, des marais végétalisés rendus à la mer etc...

Cependant même auprès des personnes qui m’ont suivi, il est difficile de penser que la ville pourra se développer ainsi. Pourquoi continuer à construire ? Il faudra sûrement partir ailleurs. Alors certes, pour les résidents secondaires qui ont déjà une maison ailleurs ce n’est pas un problème, mais où se réfugieront les locaux de Loix ? Sur une autre commune de l’île ? Sur le continent ?

Au moyen de croquis, de dessins de futurs possibles, l’idée était de révéler les possibles directions dans les politiques d’aménagement des villes vulnérables. Les projections explorent plusieurs axes suivant des tendances locales d’aménagements et de politiques particulières mises en

Le but était de projeter des images de possibles dispositions, mises en place par la ville, ne pouvant préserver l’entièreté de son territoire et préférant alors conserver le centre-ville, le patrimoine architectural et historique avant le patrimoine paysager.

La question n’a pour le moment, il me semble, pas été abordée sur l’île.


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Pistes d’action à explorer Le fruit de ce diagnostic devait ensuite permettre de dévoiler des pistes d’actions à mettre en place au sein du foyer, de la rue, du quartier, de la ville, de la communauté de communes jusqu’à l’état afin d’inclure le risque climatique et les conséquences du changement climatique dans les cultures, les normes architecturales ou bien même les politiques d’aménagement à l’échelle d’un territoire vulnérable. Ces actions ne peuvent pas toutes être traitées par un designer d’espace, cependant elles peuvent être étudiées par les collectivités territoriales et les pôles d’urbanismes de mairies ou d’autres institutions d’aménagement du territoire. De plus, les actions ne peuvent

pas toutes être mises en place à la même temporalité, aux mêmes étapes de la vie, c’est pour cela que j’ai imaginé une frise chronologique pour anticiper des prises de décisions et proposer des alternatives pour accompagner une communauté côtière à vivre avec la montée des eaux pendant plusieurs décennies. Depuis l’anticipation d’orientations politiques, jusqu’à l’imagination de se déplacer en bateaux et flotteurs, en passant par l’option des maisons amphibies ou maisons flottantes, la frise propose des directives à prendre de la part des communes, qui peuvent être discutées en concertation avec les habitants. En suivant les orientations proposées, la ville peut ainsi choisir le degré

d’adaptation au phénomène et être plus ou moins radical selon les moyens ou les envies de la ville et des acteurs qui la composent. Pour l’instant les propositions ne sont qu’au stade d’intentions mais le but est ensuite qu’elles soient discutées, étudiées entre les élus locaux et entre les habitants eux-mêmes pour pouvoir faire émerger de nouvelles manières d’imaginer l’avenir de la ville. Si des solutions coûteuses exigent des constructions et des changements de voiries ou tout autre type d’aménagement, peut-être que d’autres solutions peuvent être mises en place dès le début, comme apprendre à nager avec ses vêtements par exemple.


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Des maisons de plain-pied toujours en construction

L’avenir du patrimoine bâti Le but des événements et des rencontres à Loix étaient l’occasion de discuter de l’avenir du bâti sur la commune. Faut-il abandonner les maisons construites en zones exposées au risque ? Faut-il délocaliser les villages menacés ? Peut-on trouver d’autres solutions ? Peut-on imaginer une transition entre aujourd’hui et une projection de +1m d’ici à 2100 ? C’était un objectif, peut-être trop ambitieux pour une première venue sur le territoire réthais. Cependant, lors de discussions avec les acteurs locaux, il a été possible de déterminer les éléments patrimoniaux chers aux réthais.

Politiques d’aménagement On peut en effet se demander ce que l’on fera du patrimoine architectural de Loix, ou bien même des autres villes côtières, faut-il l’abandonner ou bien le reconstruire ailleurs ? Peut-on sinon trouver des usagers temporaires, des usages pour faire transition plutôt que d’abandonner les infrastructures dans le temps ? Peut-on par exemple imaginer que le moulin à marée se découvre en plongée ou bien qu’il devienne un musée témoin de la montée des eaux permettant de sensibiliser au changement climatique ?

Il serait intéressant d’accompagner les communes à adopter de nouvelles directives en matière d’adaptation au changement climatique pour que cellesci et leurs habitants puissent être plus résilients à la fois sur des événements ponctuels (comme les tempêtes) ou bien même sur le long terme. Considérer des alternatives aux préconisations actuelles en terme d’aménagement du territoire et d’architecture. Dans ce sens accompagner les politiques d’urbanisme avec le changement climatique et non plus contre celui-ci. Agir contre en ne construisant que des digues est une solution possible sur le court et moyen terme , mais ce n’est pas soutenable sur le long terme.

Quels outils peuvent alors être développés avec les communes pour parvenir à changer les réglementations en vigueur ? La prospection de possibles scénarios semble être une solution adéquate pour y remédier en travaillant sur différentes étapes. Pour la montée des eaux, la projection à faire se mesure sur 10 ans, 40 ans et 90 ans donc c’est projeter aujourd’hui à 2030, 2060 et 2100, il est question de souligner des tendances actuelles poussées à leur extrême (pression touristique, dépendance énergétique, submersion marine etc.)


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La digue du Boutillon à La Couarde-sur-mer

Entretenir une mémoire du risque Lors des discussions, un problème récurrent est survenu : un manque de culture et de conscience collective du risque.

L’île de Ré est familière des «vimers». Lors de phénomènes climatiques extrêmes, la mer déborde et devient très violente, allant même parfois jusqu’au franchissement de digues, voire même leur destruction. De nombreuses quantités d’eau s’engouffrent alors dans les terres à peine plus hautes que le niveau marin et inondent donc des surfaces entières de marais et de terrains agricoles. Certains quartiers construits à la hâte sur les standards établis de l’île depuis les années 1980 et sans réelles restrictions sont aujourd’hui submergés par ces événements climatiques d’intensités rares.

Depuis la tempête Xinthia en 2010, la mémoire de ces phénomènes a été révélée comme primordiale car sans cela, l’île de Ré aurait mis beaucoup plus de temps à se remettre des événements. Il devient aujourd’hui donc nécessaire de transmettre cette histoire, de simuler des situations d’urgence telle qu’elles pourraient survenir lors d’un franchissement ou la brèche d’une digue, dès le plus jeune âge pour former les gens à être plus résilients. Au Pays-Bas les enfants apprennent d’ores et déjà à nager avec leurs habits pour prévenir le risque de noyade ultra présent là bas. Pourtant, Loix n’est pas si différente des Pays-Bas.


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L’île de Ré en 2019 - niveau de la mer +0m

L’île de Ré en 2100 - niveau de la mer +1m

Terrain d’exploration L’île de Ré est un endroit intéressant pour explorer des solutions d’adaptation. En effet, sa situation insulaire apparaît comme un microcosme qui pourrait s’apparenter à un pays à lui seul. C’est un territoire entouré de frontières définies (le trait de côte) au sein de laquelle plusieurs villages aux typologies vraiment différentes doivent cohabiter. Le sud de l’île constitué de villages denses et étendus est surtout boisé et vinicole, il possède le point le plus élevé de l’île (le peu des Aumonts culminant à 20 mètres). Il est constitué de petites falaises et de longues dunes constituant un rempart contre la mer. C’est la partie la plus peuplée de l’île et surtout très touristique.

La partie nord de l’île est quand à elle constituée de petits villages pittoresques, de marais et de marais salants, cette partie est plus basse que le sud et est aussi beaucoup moins peuplée. Comme le montre les cartes ci-dessus, la montée du niveau marin à l’horizon 2100 dévoilerai l’ancienne organisation de l’île de ré qui ressemblait plutôt à un archipel d’îles. On peut donc imaginer la même typologie pour la fin du siècle même si l’on bâtit des digues ou des infrastructures pour protéger l’île de Ré. Cela permet donc de questionner tout un nombre de systèmes à interroger sur le territoire, les mobilités, les accès

à la santé, à l’éducation, les apports en nourriture et en eau, le traitement des eaux usées, l’accès à l’électricité ou même à internet. Enfin c’est toute l’organisation de l’île qui est à repenser au delà même de l’habitat.


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15 Carte ré-interprétée d’après les cartes scientifiques des risques de submersion marine et inondations sur la commune de Loix avec mise en évidence des bâtiments potentiellement vulnérables lors d’un événement de type Xinthia +20cm.

Territoire submersible Loix fait partie de ces nombreuses villes et villages de la côte maritime française, vulnérables aux changements climatiques. La montée des eaux en est une des principales conséquences et menaces. L’urbanisation frénétique et les nouvelles constructions ne sont pas adaptées à cet environnement en perpétuelle évolution car les normes architecturales ne prennent pas encore assez ces risques en compte.

Sur un territoire insulaire comme l’île de Ré, où des tensions sont déjà présentes, comment les communes et les populations vont-elles s’adapter à une menace à long-terme ? Les digues sont une solution pour un temps mais qu’en sera-t-il dans 25, 50 ou 100 ans ? En tant que designer d’espace conscient de ces changements, j’imagine donc comment le village de Loix va s’adapter à ces changements d’ici à l’horizon 2100.

Pour travailler sur le sujet, j’ai donc déterminé trois zones d’études possibles, la rue de l’oiselière à l’ouest du bourg, dont les constructions assez récentes sont déjà dans des zones vulnérables. La zone résidentielle longeant la route du pertuis pour les mêmes raisons. Le port de Loix dont les constructions déjà très anciennes vont de plus en plus devoir faire face au problème.


Fort du Grouin

Phare des Ilates

Marais salants

Engin ostréicole

Loix - bourg

Fermes ostréicoles du Grouin

Écomusée des marais salants

Fosse de Loix

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Fermes ostréicoles

Secteur Sud - Loix

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Banc du bûcheron

Marais sud Ouest-de Loix

Carte paysagère des alentours de Loix

Pistes cyclables

Port de Loix

Ferme Aquaquolle de la Tonille


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Le port de Loix Le port de Loix est positionné dans la zone la plus basse du village. En effet, situé à la charnière entre les marais salants, la fosse de Loix et le village, cet espace était un point névralgique du village tant pas sa vocation commerciale et d’échange que par son rôle d’entrée du village. Ce n’est que depuis le milieu du XIXème siècle avec la construction d’un pont au lieu dit du Feneau que le territoire Loidais est rattaché au reste de l’île. Auparavant, les réthais devaient accéder à Loix par le port en empruntant un chemin seulement accessible pendant la marée basse. Autrefois, les locaux vivaient donc déjà de la dépendance au phénomènes météorologiques. Aujourd’hui cependant le port de Loix n’a plus le même rôle qu’avant, c’est un espace plutôt résidentiel et de fêtes l’été

où les bateaux viennent mouiller et par lequel les cyclistes peuvent accéder au village. On y trouve quelques maisons à l’architecture typique réthaise plutôt hautes et des rues assez étroites qui reprennent la typologie majeure des habitats et aménagements de voiries de l’île. Ce lieux à la fois empreints d’une riche histoire et malheureusement très vulnérable à la montée des eaux m’a semblé être un terrain idéal pour imaginer des solutions d’adaptation par différentes étapes sur différentes temporalités, potentiellement adaptables à d’autres villes réthaises et côtières.


2100 : Loix en ré, cité insulaire - Terrain d’exploration

Maison

Rue du passage

Rue de l’abbaye

Esplanade du port

Fosse de Loix

18 Moulin à marée

Piste cyclable


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2100 : Loix en ré, cité insulaire - Terrain d’exploration


2100 : Loix en ré, cité insulaire - Une narration prospective

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2100 : Loix en ré cité insulaire Une narration prospective

Loix, c’est une île dans une île. A 60 ans maintenant, j’ai décidé de revenir vivre dans ce village qui m’a vu grandir, j’ai longtemps pensé que le continent avait beaucoup plus à offrir que ma terre natale. Du travail, des loisirs, des amis que sais-je d’autre...


2100 : Loix en ré, cité insulaire - Une narration prospective

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1. Nous sommes en Février 2100 j’arrive à Loix, petite île de l’archipel de Ré comptant près de 500 habitants. J’y accède par le ferry inter’îles de Ré que j’ai pris à Saint-Martin de Ré sur le continent. Lorsque j’approche du port, je remarque un bâtiment submergé à l’horizon, c’est l’ancien moulin à marée de Loix, emblème du village qui servait autrefois d’amer pour signifier le bout de la fosse de Loix et aussi le port. Aujourd’hui tous les marais étant submergés, nous ne pouvons accéder à Loix plus que par le bateau. A peine arrivé à quai, je sens déjà les souvenir me submerger. Plus jeunes avec mes frères et sœurs, nous passions de longues heures à nous promener à travers les marais en quête d’escargots ou de quelques salicornes à grignoter.


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2.

. Avril 2100, je me promène sur les passerelles aériennes du port de Loix, autrefois, les rues en dessous étaient bondées de voitures, de cyclistes et de piétons, la circulation n’était pas simple me racontaient alors mes parents. Aujourd’hui piétons et cyclistes se partagent les voies sur pilotis, les bateaux utilisent les anciennes rues comme des canaux de navigation pour se déplacer dans le village. C’est pittoresque, on se croirait à Venise avant qu’elle ne coule sous les eaux. Les riverains profitent de leurs terrasses dans l’ancienne rue pour s’offrir un peu de fraicheur à l’ombre de leurs maisons. Cette année encore le thermomètre affiche 25 degrés, cela devient de plus en plus fréquent sur l’île de Ré à cette période. Je déguste un verre de rosé des dunes de l’île de Ré, un cépage de plus en plus reconnu dans le Sud-Ouest.


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3.

. Mai 2100, une tempête éclate au large. L’île de Loix est en partie submergée par un raz-de-marée. Je vis dans une maison amphibie qui monte ou descends en fonction du niveau de l’eau, elle a été construite par mes parents il y’a déjà 40 ans... Je ne crains plus de vivre avec l’eau, je me suis habitué à sa présence. Grâce à des ouvertures dans les parois de l’ancien bâti, je peux entrer et sortir de ma maison quand je le souhaite sans être coincé chez moi.

Mon voisin lui, a opté pour une maison sur pilotis, le niveau d’eau n’a encore jamais atteint les dernières marches. Mes parents et le voisin avaient construit un palier commun pour accéder à nos maisons respectives pour que nous puissions profiter du même accès et nous croiser plus souvent. Toutes les semaines dorénavant, nous organisons un repas de voisins pour nous raconter nos différentes vies.


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4.

. En attendant que la tempête se calme, je vais fouiller dans mes étagères à la recherche des albums photo de famille. J’ai envie de revoir mes parents lorsqu’ils étaient jeunes. Années 2033-2036 ? Je revois une photographie de 2035, mes parents enlacés sur un banc sur l’ancien front de mer semblent paisiblement installés au bord de l’eau. A l’époque, une grande digue faite de galets, de sable et de béton a été imaginée pour protéger la ville des submersions marines qui devenaient de plus en plus intenses. Cela ne faisait que 2 ans qu’elle avait été mise en place. Au fond, on aperçoit la toiture de mon ancienne maison qui dépasse à peine. Je me rappelle que mes parents me disaient

que dans leur jeunesse ils pouvaient voir la mer depuis la cuisine au rez-de-chaussée. Aujourd’hui c’est à peine si on peut la voir depuis les chambres à l’étage. Moi je n’ai vraiment connu que cela. Mais je me souviens de nos balades nocturnes sur cette petite bande de terre. Avant même que l’embarcadère n’existe. Lorsque nous pouvions encore rejoindre le reste de l’île par la terre. C’est drôle finalement, tout le village semble s’être surélevé. Des maisons sur pilotis émergent encore vers le centrebourg que je rejoins quotidiennement pour acheter mon pain et me procurer le journal local Le Phare de Ré. Le camping aussi semble s’être doté de maisons flottantes pour accueillir les vacanciers.


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5.

.

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Juin 2100 : Aujourd’hui j’ai envie de sortir pour profiter du front de mer, je passe par la passerelle, devenue un peu trop étroite à mon goût et avec l’arrivée des nombreux vacanciers à vélo. Je me demande alors s’il ne serait pas possible de créer une esplanade sur pilotis pour devenir une vraie place plutôt que de devoir se poser à l’embarcadère tout de suite pris d’assaut par les touristes. J’imagine cette place comme un lieu de rencontre entre les riverains, les passants et les touristes, une place ou nous pourrions organiser la fête du port et des repas de quartier quand le temps et bon. Nous serions tellement mieux ici et nous aurions beaucoup plus de place. De plus avec les maisons de chaque côté nous pourrions naviguer d’une cuisine à l’autre pour cuisiner ensemble... Une tempête se lève encore à l’horizon, je profite encore de ce moment pour me replonger dans mes souvenirs.


2100 : Loix en ré, cité insulaire - Une narration prospective

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6. Je prends un autre album, je tombe sur une photo de moi, mon épouse, et de nos deux enfants en 2073. Cela fait déjà 3 ans que le transport maritime inter’îles a été mis en place. La grande digue de galets construite au début des années 30 a été endommagée puis reconstruite puis ré endommagée et rénovée encore jusqu’à être définitivement nivelée. Je nous revois profiter de la mer pendant qu’elle est encore calme, à marée basse, la plage de Loix se découvre laissant apparaître des aménagements d’habitude submergés.

Je me rends compte que le paysage a beaucoup changé. Aujourd’hui nous ne pouvons pratiquement plus profiter de cette plage. Aujourd’hui la plage, c’est ma rue ou bien mon jardin, complètement inondés lors des forts coefficients de marrées. Je ne sais pas si je regrette vraiment le passé, je pense que j’ai appris à vivre avec, je pense avoir compris que l’endroit dans lequel je vivrais serai en perpétuelle évolution. J’ai accepté que la montée des eaux anime ma vie.


2100 : Loix en ré, cité insulaire - La maquette d’étude

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La maquette d’étude Travailler sur un site, un lieux en particulier c’est comprendre sa morphologie, comprendre l’environnement et le contexte d’implantation d’un projet. Aussi, travailler sur un projet prospectif c’est imaginer les multiples scénarios possibles d’adaptation sur le long terme et ne pas chercher une seule et unique solution mais plutôt un panel de solutions possibles pour s’adapter sur différentes temporalités.

- Le moulin à marée constitue l’espace patrimoine et questionne l’avenir du patrimoine vulnérable.

Pour ce faire, j’ai choisi de diviser la zone d’étude en quatre parties. Chaque partie définit un espace particulier, une entité à traiter dont les solutions ou les propositions pourraient tout à fait constituer des réponses viables pour d’autres territoires à risque :

Cette maquette de près de 1,2m par 1,6m permet de traiter les ouvertures, les accès, les façades, les toitures afin d’imaginer à l’échelle 1:100ème les évolutions possibles de la montée des eaux sur une surface réduite. La maquette devient un outil de médiation et d’information au public.

- L’esplanade du port signifie l’espace public ouvert à tous, en questionnant l’avenir de cet espace en front de mer. - L’habitation constitue la zone privée. - La rue qui questionne la relation entre les maisons privées et la rue publique.


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2100 : Loix en ré, cité insulaire - La maquette d’étude


2100 : Loix en ré, cité insulaire - Soutenance de macro-projet

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Soutenance de macro-projet 28 juin 2019, jour de soutenance. Il est temps d’exposer la recherche qui m’a animé pendant ces deux dernières années d’étude. 30 minutes ça peut paraître long et court à la fois, mais c’est tout ce dont j’avais le droit pour pouvoir détailler toutes les étapes qui m’ont mené jusqu’à cette présentation décisive. Le jury entre en salle, la porte se ferme, j’attends le silence, je pose le contexte de la recherche. Ce sera une recherche empreinte d’actualité, ancrée dans les problématiques actuelles liées aux conséquences du changement climatique, la montée des eaux. Le public est attentif, il me suit sur les différentes pièces, depuis les recherches plastiques, les inventions de design-

fiction, les recherches conceptuelles et formelles. Au fur et à mesure que la présentation se déroule, on entre de plus en plus dans le sujet. L’auditoire à compris les enjeux de la recherche et découvre avec moi les pistes explorées, depuis l’imagination de maisons flottantes, à la narration d’une fiction prospective dans laquelle nous cohabiterions avec la montée des eaux, en passant par la prospection d’une vie possible en société sur les océans. Pendant 30 minutes, l’auditoire était immergé dans mon monde, les questions fructueuses à la fin étaient une preuve de la pertinence et de la diversité de ma recherche.


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2100 : Loix en rĂŠ, citĂŠ insulaire - Soutenance de macro-projet


2100 : Loix en ré, cité insulaire - Remerciements

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Remerciements Merci à Ann Pham Ngoc Cuong et Sophie Clément, mes deux tutrices de mémoire de recherche en design et macro-projet, pour m’avoir soutenu et poussé à aller toujours plus loin pendant ces deux années d’études. Merci à Marie Thérèse Andre pour avoir cru en moi et m’avoir aidé à intervenir sur l’île de Ré ainsi que Lilianne Girard. Merci à Pierre Boulanger pour m’avoir raconté l’histoire très intéressante de Loix et m’avoir fait découvrir les ouvrages de défense contre la montée des eaux. Merci à Nicolas Rocle pour m’avoir donné des conseils et pour les explications sur les difficultés à intervenir auprès des collectivités territoriales.

Merci aux membres de Surfrider Foundation pour les précieuses explications sur vos activités et sur vos démarches de sensibilisation. Merci à mes parents pour m’avoir soutenu sur ces deux années d’études et pour le soutien permanent pendant la résidence à Loix. Merci aussi à Laurent Duchesne et ses deux enfants pour le suivi durant tous les événements organisés à Loix ainsi que pour les conseils précieux et les échanges très intéressants. Enfin, merci à toutes les personnes rencontrées à Loix, résidents à l’année, résidents secondaires et même touristes, pour votre attention et pour les riches échanges qui ont permis de nourrir ma recherche.



2100

Loix en Ré cité insulaire Loix en Ré fait partie de ces nombreuses villes et villages de la côte maritime française, vulnérables aux changements climatiques. La montée des eaux en est une des principales conséquences et menaces. L’urbanisation frénétique et les nouvelles constructions ne sont pas adaptées à cet environnement en perpétuelle évolution car les normes architecturales ne prennent pas encore ces risques en compte et la conscience du risque et des différents milieux n’est pas encore assez intégrée à nos différentes cultures.

Sur un territoire insulaire comme l’île de Ré, où des tensions sont déjà présentes, comment les communes et les populations vont-elles s’adapter à une menace à long-terme ? Les digues sont une solution pour un temps mais qu’en sera-t-il dans 25, 50 ou 100 ans ? En tant que designer d’espace conscient de ces changements, j’imagine donc comment le village de Loix va s’adapter à ces changements d’ici à l’horizon 2100.


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