Nicolas Commisso
Analyse de la rénovation urbaine de la cité de la Canardière
UNE RÉSILIENCE DES GRANDS ENSEMBLES
Sous la direction de Elke Mittmann
Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Strasbourg UEM212A07
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Nicolas Commisso
UNE RÉSILIENCE DES GRANDS ENSEMBLES Analyse de la rénovation urbaine de la cité de la Canardière
Sous la direction de Elke Mittmann
UEM212A07 - 8 janvier 2020 Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Strasbourg
TABLE DES MATIÈRES
7
Avant-propos
9
Introduction
13
15 23 31
35
37 41 49
55
57 61 68
77
79 88 93 97
99 103
104 105 109 111
I - Contexte historique et géographique
De la crise du logement aux grands ensembles La Canardière dans son contexte local
Charles-Gustave Stoskopf, une modernité alsacienne
II - Un état initial à valoriser
Une cité verte Une composition spatiale exemplaire
Favoriser la vie en communauté par l’équipement
III - La rénovation et ses raisons Une situation devenue critique
La mise en place du Plan de Rénovation Urbaine
Etat des lieux avant opération
IV - Des moyens pour quels résultats ? Le projet et ses moyens
Un quartier métamorphosé Mais des résultats sociaux discutables
Une seconde phase pour prolonger l’effort
Conclusion Annexes
Abréviations Sources Crédits Entretiens
7
AVANT-PROPOS
« Il est où, ton site de mémoire ? Je connais pas ! » Je crois que c’est l’interrogation à laquelle j’ai eu le plus souvent droit lorsque j’évoquais mon sujet de mémoire en présence d’étudiants de l’école. Le site était pourtant distant de quatre kilomètres à peine. En pleine ville. « Mais si, l’arrêt avant Baggersee ! » Curieux, pas de grand ensemble à côté du tramway, pourtant. Il faut prendre un peu de hauteur pour l’apercevoir. Moi-même, je l’ai découvert un peu par hasard, ce quartier. Si je suis entré à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Strasbourg, c’était avec l’objectif de devenir urbaniste. Puis, les ateliers de projet suivis avec Etienne Falk et Jean Houssemand puis avec Olivier Gahinet aidant, j’ai développé un attrait certain pour ce sujet qu’est le logement. Mes convictions politiques – de gauche – ont fait le reste et m’ont orienté vers le logement social. La thématique était alors toute trouvée et après quelques balbutiements, traiter des grands ensembles me paraissait être le meilleur choix. Puis, lors d’une correction croisée, les enseignants m’ont demandé de trouver un site encore non étudié. Pas d’idée. Je parcourai alors la carte jusqu’à trouver ce grand ensemble qui ne m’avais jamais sauté aux yeux, au Sud de la ville. Peu étudié, encore moins récemment, cet ensemble avait été conçu par CharlesGustave Stoskopf, probablement l’architecte le plus prolifique de l’histoire locale. Je me suis rendu sur place et ai développé au fur et à mesure un certain attachement pour ce quartier. Ce mémoire, en plus de remplir ses objectifs de recherche, a pour but de faire découvrir ce quartier plutôt confidentiel de Strasbourg – un comble vu sa taille – et, peut-être, de donner à ses lecteurs une autre vision des grands ensembles. Bonne lecture.
9
INTRODUCTION
1. -non signé-, « Cité de la Meinau à Strasbourg », in L’Architecture française, n°205-206, octobre 1959, pp.49-53 2. Danner (Michel), Enrichir l’architecture du grand ensemble, Mémoire de TPFE, sous la direction de Christian Hunziker, Unité Pédagogique d’Architecture de Strasbourg, 1983 3. Michel (Sandrine) et Pierre (Alexandra), Strasbourg, la cité de la Canardière : restructuration et réhabilitation, Mémoire de TPFE, sous la direction de Dietrich Wilhelm Dreysse, Ecole d’Architecture de Strasbourg, 1994 4. Le Jeune (Gaël), Modalités et facteurs de la mobilité résidentielle dans un ensemble d’habitat social : Canardière Est (Strasbourg), Mémoire de Maîtrise, Université Strasbourg III, 1995
« Au cours de ces (trois) dernières années la banlieue Sud de Strasbourg a connu des transformations profondes […] ». C’est en ces termes que l’on nous introduit l’alors nouvelle Cité de la Meinau, conçue par Charles-Gustave Stostkopf, dans l’Architecture Française.1 C’est également en ces termes que nous pourrions introduire les résultats du Plan de Rénovation Urbaine (PRU) en cours dans cette même Cité de la Meinau depuis 2006. En effet, si elle a pu et su garder son identité, elle a néanmoins vu changer profondément son urbanisme et ses espaces publics, car le besoin de transformation était présent. Comme pour beaucoup de projets urbains d’envergure, se plonger dans d’anciens travaux étudiants permet de percevoir ce besoin, sinon cette envie que peuvent avoir des architectes, des étudiants, d’intervenir sur ces sujets. Comme la requalification de l’A35 est régulièrement étudiée à l’école, comme l’espace des Deux-Rives a été étudié, la cité de la Canardière a eu son lot de travaux bien avant que ne soit engagée une quelconque démarche de réhabilitation. Nous en relèverons deux, plus particulièrement, à l’ENSAS. Le premier2, datant de 1983, est un mémoire de TPFE de Michel Danner, sous la direction de Christian Hunziker, proposant une vision participative et en lien avec les habitants d’une réhabilitation de ce grand ensemble. Un second mémoire de TPFE3, de Sandrine Michel et Alexandra Pierre, soutenu en 1994, propose cette fois-ci une analyse de la cité ainsi qu’une étude sur une potentielle restructuration pour en faire un véritable morceau de ville.
5. Sow (Abdoul), Développement urbain : Strasbourg, La Canardière, entre insertion urbaine et repli sur soi, Mémoire de Maîtrise, Université Strasbourg I, 1999
Nous pourrions également nous pencher sur les travaux provenant des différents instituts et facultés de Strasbourg, notamment de la faculté de Géographie et d’Aménagement, dont sont issus de nombreux articles abordant les questions de mobilité4 ou de liens avec la ville ancienne5, par exemple. Un dernier travail, provenant de l’ENSAS, paraît intéressant à noter. Il s’agit du mémoire6 de Marie-Laure Perros, en 2011, abordant notamment l’historique de la cité et surtout le projet de rénovation urbaine, alors en cours de démarrage. Depuis lors, aucun travail universitaire n’a été livré sur ce sujet d’études que constitue la Cité de la Canardière et sa rénovation urbaine.
6. Perros (MarieLaure), La cité de la Canardière, exemple d’un grand ensemble en évolution (1954 à aujourd’hui), sous la direction d’Anne‑Marie Châtelet, Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Strasbourg, 2011
Ces éléments soulèvent différentes questions. Pourquoi la réhabilitation de ce quartier est-elle parue nécessaire, déjà en 1983, alors que les premiers coups de pelle de ce quartier ont été donnés à peine un quart de siècle avant ? Pourquoi cette cité, pourtant proche du centre historique de Strasbourg, n’est-elle pas identifiée comme un morceau de ville par les habitants d’autres quartiers ? En quoi le repli sur soi de la cité et de ses habitants a-t-il conduit à une situation
11
INTRODUCTION
de tensions devenue stigmatisante pour le quartier ? Surtout, comment la rénovation urbaine peut-elle permettre d’améliorer cette situation ? C’est avec cette dernière question que nous relierons nos recherches à la notion de résilience, cette notion devant constituer le prisme à travers lequel nous effectuerons nos analyses. Certes, ce terme est déjà utilisé en urbanisme et le géographe Serge Lhomme, notamment, définit en 2010 la résilience comme « la capacité d’un système à absorber une perturbation et à récupérer ses fonctions à la suite de cette perturbation ».7 Cette même définition sert de postulat et d’objet d’étude de la notion de résilience urbaine, dans un article8 dont il est lui-même un des auteurs. Dans ce premier article, Serge Lhomme passe justement en revue les différentes définitions données à la notion de résilience par chaque champ disciplinaire l’ayant utilisée – résistance des matériaux, écologie et sciences humaines notamment. Il dégage de cette étude différentes notions tangentes à celle de résilience et conçoit les définitions comme l’addition de certaines de ces notions. Par exemple, les définitions données par les sciences sociales et la psychologie mettront plutôt en avant l’adaptation, la reconstruction et la résistance face aux perturbations. A l’inverse, l’écologie mettra en avant l’absorption de ces perturbations et la persistance de l’équilibre initial. Ainsi, en Environnement9, la résilience est définie comme la « capacité d’un écosystème à résister et à survivre à des altérations ou à des perturbations affectant sa structure ou son fonctionnement, et à trouver, à terme, un nouvel équilibre ». En Sciences humaines10, on la définit comme suit : « Capacité d’une personne ou d’une société à résister à une épreuve brutale et à en tirer parti pour se renforcer ». Ces deux définitions diffèrent de la première en cela qu’elles impliquent un « nouvel équilibre » ou un renforcement et non pas un retour à l’état initial comme suggéré par Serge Lhomme dans sa définition de la résilience urbaine. De l’étude de Serge Lhomme, nous tirerons trois aspects fondamentaux autour de la résilience. Elle peut intégrer selon les définitions : la notion de persistance d’un état initial, le retour à l’équilibre et l’adaptation. Ainsi, un croisement entre ces trois aspects peut nous offrir le prisme que nous cherchions pour aborder ce sujet. Nous définirons la résilience comme la capacité d’une société à absorber des perturbations affectant sa structure ou son fonctionnement, à récupérer ses fonctions et à s’adapter pour se renforcer. La cité de la Canardière est un terrain idéal à étudier à travers ce prisme. En effet, cette cité dessinée par Stoskopf possède un certain nombre de qualités, que
12
7. Lhomme (Serge), Serre (Damien), Diab (Youssef) et Laganier (Richard), « Les réseaux techniques face aux inondations ou comment définir des indicateurs de performance de ces réseaux pour évaluer la résilience urbaine », in Bulletin de l’Association de géographes français, Association des Géographes Français, 2010, pp.487-502 8. Toubin (Marie), Lhomme (Serge), Diab (Youssef), Serre (Damien) et Laganier (Richard), « La Résilience urbaine : un nouveau concept opérationnel vecteur de durabilité urbaine ? », in Développement durable & territoires, Vol. 3, n°1, mai 2012 9. Journal officiel du 12 avril 2009 10. Journal officiel du 19 octobre 2008
ce soit dans son environnement et son emplacement, sa structure urbaine et son plan masse, son milieu associatif, ses typologies d’immeubles et de logements, et tout l’enjeu de la rénovation urbaine devient alors de pérenniser ces qualités préexistantes tout en comblant les lacunes, en absorbant les perturbations apparues au cours de son existence. La Canardière, de par sa situation initiale et le déroulement de sa réhabilitation, pourrait bien être un exemple emblématique de cet objectif de résilience par la rénovation urbaine. Il s’agira alors de savoir comment le plan de rénovation urbaine mis en place et dont la première phase vient de se terminer a tenté d’atteindre cet objectif. Une analyse et une compréhension fine du territoire, une élaboration du projet au plus proche du terrain, un suivi et une coordination précise des acteurs de cette rénovation et l’accompagnement par des architectes assistant à la maîtrise d’œuvre sont autant de clés permettant non seulement de mener à bien un projet, mais aussi d’assurer la résilience à son issue. Ce travail se donne pour ambition de réaliser une analyse critique de ce projet de rénovation urbaine, à travers le prisme, donc, de la résilience, et peut-être d’offrir des clés d’analyse et de projection pour de futures rénovations de ce type. Quelles sont ces qualités préexistantes au sein du quartier ? Comment ontelles été conçues ? Comment se sont-elles développées ? En quoi la Canardière constitue-t-elle un terrain favorable à la résilience par la rénovation urbaine ? Quelles lacunes sont apparues ? Quelles réponses doivent être apportées pour atteindre une forme de résilience de la cité ? En quoi la rénovation urbaine a-t-elle pu constituer un moteur pour atteindre cet objectif ? Quels en sont les résultats ? En quoi la résilience a-t-elle été atteinte dans ce quartier ? Ces questions conditionnent le déroulement du mémoire, en suivant la progression de notre définition de la résilience. La première partie se penchera d’abord sur un bref contexte historique du logement social en France, sur la notion de grand ensemble, puis sur le contexte historique et géographique du quartier avant la construction de la cité de la Canardière. Nous aborderons ensuite dans une deuxième partie la cité dessinée par Stoskopf, les qualités qu’il lui a insufflées dans sa conception, mais aussi celles
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INTRODUCTION
qui s’y sont développées sur le long terme grâce aux habitants notamment. La troisième partie s’attardera sur les perturbations apparues au cours de l’existence du quartier et sur les solutions mises en place par l’état pour traiter ces problèmes communs à de nombreux quartiers de grands ensembles. Enfin, une quatrième partie analysera le plan de rénovation urbaine coordonné par l’Eurométropole de Strasbourg et l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU) dans le cadre du Plan National de Renouvellement Urbain (PNRU) et les solutions mises en place par son biais. On y abordera ensuite les premiers résultats de cette rénovation urbaine sur les habitants et leur environnement pour déterminer s’il y a eu résilience, retour à un nouvel équilibre au sein du quartier. Elle s’ouvrira également sur la deuxième phase de la rénovation, attaquée en 2019 dans la foulée de la première, le quartier ayant entamé un véritable « marathon de la rénovation ».11 Nous aurons alors abordé toutes les notions constituant notre définition de la résilience et pourrons rendre nos conclusions sur cette analyse critique du projet de rénovation urbaine de la cité de la Canardière.
14
11. Le Moniteur, « La Meinau poursuit son marathon de la rénovation », 1er avril 2016
I
CONTEXTE HISTORIQUE ET GÉOGRAPHIQUE Avant d’entamer toute entreprise d’analyse de ce projet de rénovation urbaine, il convient de se plonger dans quelques éléments de contexte pour aborder au mieux le sujet. Ainsi, nous passerons brièvement en revue dans cette partie le contexte français de la crise du logement d’après-guerre qui a mené à l’édification des grands ensembles – en rappelant la définition du grand ensemble au passage – puis nous aborderons de façon plus locale ce contexte. Nous nous pencherons ensuite sur le contexte géographique de la cité de la Canardière. Enfin, nous découvrirons la carrière de l’architecte à l’origine de cette cité, Charles-Gustave Stoskopf.
15
Pieds d’immeubles, rue de Touraine
DE LA CRISE DU LOGEMENT AUX GRANDS ENSEMBLES Si dans l’imaginaire commun des français, la notion de « logement social » est souvent associée avec la forme architecturale du grand ensemble, cela ne vaut pas règle pour tous les pays européens. Certains pays voisins ont développé leur parc de logement social de différentes manières, que ce soit en immeubles de ville, en petits collectifs voire même en logements individuels. Nous soulignerons à ce sujet cette citation d’Annie Fourcaut, historienne spécialiste de l’histoire urbaine contemporaine : « Reste que la France est le seul des pays capitalistes occidentaux à avoir choisi massivement les barres et les tours pour résoudre la crise du logement ; la Grande-Bretagne, la Hollande, les pays scandinaves ont construit, à côté de rares grands ensembles, des cités-jardins, des immeubles bas, des maisons individuelles isolées ou en bandes. Seuls les pays du bloc socialiste donnent, au même moment, l’exemple de choix identiques».1 En effet, le bloc soviétique va s’inspirer très tôt de la planification française des grands ensembles, dans les années 1950, avec les khrouchtchevki. 1. Fourcaut (Annie), « Les grands ensembles, symbole de la crise urbaine ? », in Temps croisés I, Paris, Editions de la Maison des sciences de l’homme, 2010, p.205
L’adoption massive des grands ensembles dans les politiques publiques françaises résulte d’un contexte politico-économique particulier mais aussi d’une situation de crise qui fait suite à des politiques de logement social peutêtre frileuses ou suivies de trop peu d’effets avant la 2nde Guerre Mondiale ; à une crise du logement aggravée par la reconstruction et l’immigration massive de l’époque.
Le logement social avant la 2nde Guerre Mondiale Ce n’est qu’au XIXe siècle que l’on commence à considérer une gestion publique du logement. Jusqu’ici, les ouvriers les plus chanceux étaient logés dans des cités ouvrières, bâties par leurs employeurs. Ceci est une des manifestations de l’idéologie paternaliste : le patron subvient aux besoins de ses employés pour assurer un contrôle social de ceuxci. L’on pourra citer à ce titre les nombreuses cités minières et sidérurgiques en Lorraine, où cette organisation a bien souvent
Fig 1. Cités ouvrières de Longwy (54), env. 1948-1955
17
I - CONTEXTE HISTORIQUE ET GEOGRAPHIQUE
persisté jusqu’à la fermeture de ces industries entre les années 1960 et 1980. ( fig 1, p.15)
A partir de 1889 naissent les Habitations à Bon Marché (HBM) ( fig 2), d’initiative privée mais financées en partie par la Caisse des Dépôts. C’est à partir de la Loi Strauss2 de 1906 que les communes auront la possibilité de financer ces HBM, ce qui mènera à la création des Offices Publics d’HBM, suite à la loi Bonnevay.3 Fig 2. Ensemble HBM
de 1930 à Paris, Néanmoins, ce n’est qu’avec le av. Simon Bolivar vote de la Loi Loucheur4 en 1928 qu’apparaît une réelle volonté de mettre en place une politique publique en faveur du logement social à l’échelle nationale. Elle proposera la construction de 500 000 logements, mais seulement 200 000 seront érigés entre 1928 et 1953, un nombre de logements sociaux plus faible que ceux érigés aux Pays-Bas sur une période de temps similaire, alors que le pays est bien moins peuplé.5
Cette situation de manque de logements sociaux se verra profondément aggravée par l’arrivée de la 2nde Guerre Mondiale, avec des destructions massives dues aux bombardements. Ainsi, c’est un quart du patrimoine immobilier français qui part en fumée, réparti sur 74 départements, là où les pertes s’élevaient à moins de 10% sur une dizaine de départements après la 1ere Guerre Mondiale.6 Tout cela avec des conséquences plus dévastatrices pour certaines villes que d’autres : c’est par exemple 80% du Havre qui sera détruit.7 Au total, c’est près de 15% des logements du pays qui seront détruits ou endommagés au lendemain du conflit.8 ( fig 3)
2. Union Sociale pour l’Habitat, Les HLM en expos, Musée virtuel du logement social, Les grandes lois entre 1889 et 1914 3. Archives de France, Loi Bonnevay instituant les HBM 4. Légifrance, Texte officiel et complet de la loi Loucheur, loi du 13 juillet 1928 établissant un programme de construction d’Habitations à bon marché et de Logements en vue de remédier à la crise de l’habitation 5. Tellier (Thibault), Le temps des HLM, 19451975, La saga urbaine des Trente Glorieuses, Paris, Editions Autrement, 2007, p.23 6. Idem, p.22 7. Ibidem 8. Ibid.
Fig 3. Le Havre (76) après les bombardements
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DE LA CRISE DU LOGEMENT AUX GRANDS ENSEMBLES
L’heure de la reconstruction Au sortir de la guerre, le gouvernement provisoire estime qu’il faudra consacrer plusieurs années de revenu national pour espérer un retour à la normale au vu de la situation critique du logement social dans le pays.9 En effet, les français paient les pots cassés, pas seulement de la guerre, mais aussi de la faible priorité donnée au relogement par le pouvoir politique en place après la guerre. Le gouvernement fera par ailleurs le choix de se concentrer d’abord sur l’industrie, sans quoi les sommes nécessaires à la construction massive de logements – 4 à 5 millions de Francs – ne seront jamais dégagées. Il faudra attendre l’arrivée d’Eugène Claudius-Petit à la tête du tout jeune Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (MRU) en 1948 pour que soit enfin traitée cette question ainsi que celle des équipements publics. L’année précédente, le géographe Jean‑François Gravier publie Paris et le désert français, un livre dont le retentissement et l’influence sur les politiques d’aménagement seront réels dans les décennies qui suivront. En effet, Gravier travaille alors au Commissariat Général du Plan et est partie prenante de l’élaboration de ces politiques d’aménagement.10 Eugène Claudius-Petit va donc se saisir pleinement du dossier et présenter en 1950 Pour un plan national d’aménagement du territoire, qui va définir les grandes orientations des années à suivre. La décentralisation appelée par Gravier est érigée en principe mais va prendre la forme d’une extension des grandes capitales régionales pour en faire des métropoles d’équilibre destinées à faire contrepoids face à l’agglomération parisienne. Cela passe notamment par la construction de logements neufs en quantités massives, d’autant plus qu’entre la fin de la guerre et 1949, la France aura érigé quatre fois moins de logements que ses voisins allemands et anglais.11
11. Idem, p.23 10. Wikipedia, JeanFrançois Gravier 11. Id., p.26 12. Ville et Eurométropole de Strasbourg, Cité Rotterdam 13. Les Echos, « Lyon : démolition de la première «barre» de France », octobre 2019
Une première expérience sera donc lancée en 1950 avec le concours de la Cité Rotterdam ( fig 4, p.18), à Strasbourg.12 Il s’agit d’un programme de 800 logements où l’architecte est associé à une entreprise de BTP pour concevoir un modèle expérimental devant favoriser une construction rapide et peu couteuse. Ce concours, remporté par l’architecte Eugène Beaudouin, est suivi en 1951 par celui de l’ensemble de Bron-Parilly, près de Lyon, constitué d’Unités de Construction qui seront réalisées jusqu’en 1964 et totalisant 2 600 logements.13 ( fig 5, p.18)
A ce moment, et jusqu’en 1993, l’économie française est planifiée avec des plans quinquennaux. Le commissariat général au plan fera du logement une priorité à partir du deuxième Plan, en 1954, stratégie qui sera confirmée par la
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I - CONTEXTE HISTORIQUE ET GEOGRAPHIQUE
Fig 4. La cité Rotterdam en construction, 1952
Fig 5. Une carte postale de Bron-Parilly, non-datée
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DE LA CRISE DU LOGEMENT AUX GRANDS ENSEMBLES
suite. La même année aura lieu le célèbre Appel de l’Abbé Pierre14 dont la postérité n’est plus à nier. Si les objectifs annoncés – « Grâce à vous, aucun homme, aucun gosse ne couchera ce soir sur l’asphalte ou sur les quais de Paris » – ne sont toujours pas atteints aujourd’hui, cet appel et l’insurrection de la bonté qui suivra ont permis l’émergence des communautés Emmaüs et la mise en place de la trêve hivernale, entre autres. Surtout, les moyens récoltés, considérables pour l’époque, ont permis l’édification de cités d’urgences, appelées à être transformées progressivement en logements plus pérennes. Ces différentes situations et l’attrait que porte Eugène Claudius-Petit pour la modernité en architecture vont entériner ce choix de construire le logement social sous la forme de collectifs de grande taille. Si les premières critiques envers ces ensembles de logement arrivent rapidement, leurs atouts restent forts : les habitants se voient offrir le confort moderne, de la végétation, de l’air et du soleil pour environnement, quand la majorité des immeubles de ville ne possèdent à cette époque pas de douche, ni de toilettes.
14. Le 1er février 1954, sur Radio-Luxembourg
Ainsi, grâce à leur facilité et rapidité de construction et leur faible coût, les grands ensembles semblent être une solution idéale pour résoudre le problème de la crise du logement. Les projets s’enchaineront donc, dans toute la France et Strasbourg verra pousser ces quartiers dans sa périphérie dès la fin des années 1950. Avant d’aborder le contexte local, il est néanmoins important de mieux définir ce qu’est le grand ensemble. (fig 6)
Fig 6. Construction de la Cité des 4 000 à La Courneuve, 1964
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I - CONTEXTE HISTORIQUE ET GEOGRAPHIQUE
Définir le grand ensemble Si tout le monde sait assez instinctivement de quels bâtiments nous parlons lorsque l’on évoque le terme de grand ensemble, il reste relativement imprécis. Le fait que le concept qui y est associé soit récent n’aide pas non plus à le définir pour de bon. Nous nous pencherons d’abord sur l’apparition de ce terme, avant de tenter de le définir. Même si son origine est relativement floue, on donne souvent la paternité de ce terme à Maurice Rotival. ( fig 7) Il est en effet le premier à utiliser l’expression, dans son article de 1935 Les grands ensembles.15 Il va même jusqu’à parler de grandioses ensembles dans ce même article. Par après, dès leur apparition massive dans le paysage français, le nom de ces ensembles de logements va poser question. René Kaës introduit même, avant de tenter de les définir : « Leur naissance fut aussi un cri d’angoisse et leur baptême un problème encore irrésolu ; grands ensembles ? Villes nouvelles ? Cités neuves ? Habitations nouvelles ? Quel nom leur donner ? »16
Fig 7. Article de Maurice Rotival
Plus que leur taille, c’est la notion d’ensemble qui est primordiale dans leur appellation. Elle symbolise une planification complète par les autorités politiques, pas seulement de l’habitat, mais du quartier entier. Laurent Coudroy de Lille nous explique : « Ces nouveaux quartiers constituent […] la mise en œuvre d’une politique massive de logement : l’ablation immédiate de tout déterminant clair le précisant renforce au passage le caractère novateur de l’expression « grand ensembles », tout en brouillant dans les discours tenus la lisibilité programmatique de cette politique ».17
22
15. Rotival (Maurice), « Les grands ensembles », in L’Architecture d’Aujourd’hui, vol. 1, n°6, juin 1935, pp.56-57 16. Kaës (René), Vivre dans les grands ensembles, Paris, Les Editions Ouvrières, 1963 17. Coudroy de Lille (Laurent), « Le « grand ensemble » et ses mots », in Le monde des grands ensembles, Paris, Créaphis, 2004, p.39
DE LA CRISE DU LOGEMENT AUX GRANDS ENSEMBLES
Il est vrai qu’il peut paraître étrange de donner à cette forme de logement un nom ne faisant nullement référence à l’habiter. Ce nom relativement flou laisse en réalité une certaine liberté programmatique aux décideurs de l’époque, pourvu que le tout fasse ensemble. Paradoxalement, l’appellation de grand ensemble ne sera utilisée qu’une seule fois dans un texte officiel : la circulaire Guichard,18 celle-là même qui les interdit. Afin de définir ce qu’est le grand ensemble, nous nous pencherons sur l’analyse de René Kaës19 qui définit cette forme de logement avec quatre points principaux. Premièrement, il le définit comme un habitat collectif nouveau pour une situation économique, technique, démographique nouvelle. Ce n’est pas tant la nouveauté de ces quartiers et leur artificialité que les enjeux auxquels il est censé répondre qui importe. Il classe ces ensembles en trois types : la ville‑neuve, destinée à héberger les travailleurs d’une industrie (Mourenx, Behren-lès-Forbach, Farébersviller) ; les quartiers nouveaux, en périphérie des villes anciennes et accueillant des situations diverses (La Canardière est dans ce cas-ci) et enfin les quartiers rénovés, plus rares, comme l’Ilot Bièvre à Paris. Le deuxième point porte sur l’organisation du quartier. Le tout doit former un ensemble architectural, urbanistique cohérent et planifié, à l’opposée de la ville organique. Il classe de plus ces ensembles en fonction de leur taille : l’unité de voisinage (1 000 à 1 500 habitants – souvent sans équipement, la qualité de celle-ci dépendant donc du lieu auquel elle s’adosse), le quartier (4 000 à 6 000 habitants – avec des équipements mais un risque de repli sur soi si tous les besoins y sont satisfaits), l’arrondissement (10 000 à 15 000 habitants – une somme de quartiers reliés) et la ville-neuve (plus de 15 000 habitants – elle doit satisfaire les fonctions d’une ville traditionnelle).
18. Journal officiel du 5 avril 1973, « Circulaire du 21 mars 1973 relative aux formes d’urbanisation dites « grands ensembles » et à la lutte contre la ségrégation sociale par l’habitat. », p.3864 19. Kaës (René), op cit. 20. Idem, p.39
Enfin, les troisième et quatrième points concernent la vie dans le grand ensemble. Il doit offrir un changement radical par rapport aux situations antérieures des habitants. René Kaës pense que « c’est à ce niveau que les grands ensembles sont l’objet des plus vifs préjugés (favorables ou défavorables). C’est l’idée que l’on vit différemment dans du béton et dans de vieilles pierres. »20 Enfin, il doit constituer un laboratoire pour l’équipement socio-culturel. René Kaës insiste sur le fait qu’une politique d’animation sociale et culturelle est primordiale et que les grands ensembles forment une preuve de ceci. « Terme imprécis, le grand ensemble recouvre une réalité architecturale et urbanistique nouvelle déterminée par une situation historique, économique et démographique précise, par un certain état de la technique, des recherches urbanistiques et architecturales, et des textes législatifs. Il désigne, sur ces bases, une tentative d’organisation de la manière collective d’habiter dans une
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I - CONTEXTE HISTORIQUE ET GEOGRAPHIQUE
civilisation urbaine et industrielle qui rompt de plus en plus les frontières entre le travail et le loisir. Il exprime profondément une réponse de notre société aux aspirations des hommes. »21 René Kaës donne avec ces quatre points une définition qui ne correspond à aucune réalité précise. Ce sont au contraire différentes réalités qui ont permis de définir ces critères, ces traits communs à bien d’entre-elles.
21. Id., p.48
Cité de l’Ill
Cité Nucléaire
Hautepierre
Cité Rotterdam
Hohberg
Elsau
Neuhof
Canardière Fig 8. Emplacements des grands ensembles strasbourgeois, 1/50000
24
LA CANARDIÈRE DANS SON CONTEXTE LOCAL Une métropole de la taille de Strasbourg compte évidemment bien d’autres ensembles que celui de la Canardière. Ceux-ci ont été bâtis sur des périodes de temps différentes et dans des contextes géographiques tout aussi différents. Nous allons donc passer les principaux en revue chronologiquement, avant de nous attarder sur le contexte historique et géographique de la Canardière.
La Canardière dans son contexte local Comme évoqué précédemment, la Cité Rotterdam constitue le tout premier grand ensemble édifié à Strasbourg, au Nord-Est, dans le Quartier des Quinze. Celle-ci sera érigée de 1951 à 1953 et abritera 2 000 habitants dans 800 logements. Notamment, elle accueillera des résidents français de Kehl, alors rendue à l’Allemagne.22 En 1957 sera posée la première pierre de la Cité de l’Ill, au Nord de Strasbourg, près de la Robertsau. Elle est composée d’immeubles relativement bas, ainsi que d’une tour proéminente à l’entrée du quartier et comporte 1 760 logements.23 En parallèle, dans le quartier de Cronenbourg, au Nord-Ouest de la ville, sera construite la Cité Nucléaire, devant son nom au centre de recherche nucléaire du CNRS voisin. Elle sera construite durant les années 1960 à 1970.24 On y trouve notamment une composition de trois bâtiments circulaires emblématiques de cette cité.
22. Archi-Wiki, Cité Rotterdam (Strasbourg) 23. Archi-Wiki, Cité de l’Ill (Strasbourg) 24. Archi-Wiki, Cité Nucléaire (Strasbourg) 25. Archi-Wiki, Cité de la Canardière (Strasbourg) 26. Wikipédia, Neuhof (Strasbourg) 27. Archi-Wiki, Cité du Hohberg (Strasbourg) 28. Wikipédia, Elsau (Strasbourg)
C’est également en 1957 qu’est entérinée par le Conseil Municipal la réalisation du plus grand ensemble de la ville, la Canardière, dans le quartier de la Meinau, au Sud. Le programme inclut 3 200 logements, construits de 1958 à 1964.25 Dans le quartier voisin du Neuhof, à l’Est, seront construits environ 4 000 logements dans divers ensembles, le principal étant celui du Polygone, au Nord, et ce jusqu’aux années 1970.26 A l’Ouest sera construite la cité du Hohberg, à Koenigshoffen, de 1963 à 1970, avec environ 1 000 logements, en faisant un programme modeste par rapport à ceux cités précédemment.27 A noter que le nom de Hohberg n’est aujourd’hui plus réellement utilisé, la cité étant assimilée au quartier voisin des Poteries. Un peu plus au Sud sera bâti l’Elsau, à partir de 1968, divisé entre une partie Nord avec un grand ensemble et une partie Sud avec un lotissement de pavillons individuels ou bi-familiaux.28 Elle constitue la dernière cité construite à Strasbourg avec le célèbre quartier
25
I - CONTEXTE HISTORIQUE ET GEOGRAPHIQUE
de Hautepierre, décidé en 1967, au Nord des Poteries. Cet immense projet – le quartier construit est aussi grand que la Grande-Île du centre historique – est constitué de 8 mailles, chacune accueillant des équipements ou du logement avec l’idée que chaque maille constitue un petit village. Le projet initial prévoyait par ailleurs 11 mailles et ne sera donc jamais finalisé comme planifié. Ce quartier de 20 000 habitants ne sera fini qu’en 1984.29 Tout cela fait de Strasbourg une ville prolifique pour cet urbanisme d’aprèsguerre, qu’il soit sur un format classique comme dans la plupart des quartiers cités, ou qu’il soit l’objet d’une expérience comme dans le cas de Hautepierre.
29. Wikipédia, Hautepierre
( fig 8, p.22 ; fig 9 ; fig 10) Deuxième génération de grands ensembles
1958 1958 1957 1951
1960
1963 1964
1968 1967
1967
1953
1970 1970
1972
Elsau Hautepierre Hohberg Cité Nucléaire Neuhof Canardière Cité de l’Ill Cité Rotterdam
1983 1984
Fig 9. Chronologie des grands ensembles strasbourgeois
Cité Rotterdam
Cité de l’Ill
Hohberg
26
Fig 10. Plans masse des grands ensembles strasbourgeois, 1/10000
LA CANARDIERE DANS SON CONTEXTE LOCAL
La Canardière
Cité Nucléaire
27
I - CONTEXTE HISTORIQUE ET GEOGRAPHIQUE
Grands ensembles du Neuhof
28
LA CANARDIERE DANS SON CONTEXTE LOCAL
Hautepierre
Elsau
29
I - CONTEXTE HISTORIQUE ET GEOGRAPHIQUE
Le quartier de la Meinau Les éléments historiques cités dans cette partie proviennent de la plaquette de présentation du quartier réalisée par la Direction de l’Urbanisme de l’Eurométropole.30 Comme évoqué précédemment, le quartier de la Meinau se trouve au Sud de Strasbourg. Il est délimité à l’Ouest par le Canal du Rhône au Rhin, au Sud par le Baggersee, à l’Est par le Rhin Tortu (Krimmeri en Alsacien) et au Nord par le viaduc de la voie ferrée Strasbourg-Kehl (Ligne de Strasbourg-Ville à StrasbourgPort-du-Rhin, n°142 000). Elle est composée de quatre entités principales. A l’Ouest, la Plaine des Bouchers, une zone industrielle qui est encore aujourd’hui un des poumons économiques de l’agglomération. Au Nord, autour du Rhin Tortu se trouvent quelques équipements, notamment le Stade de la Meinau ou le Lycée Couffignal. C’est à cet endroit que furent bâtis les premiers édifices du quartier. Au centre se trouve la cité-jardin. Enfin, au Sud a été bâtie la Canardière, notre sujet d’études. ( fig 11, p.29)
Le quartier de la Meinau est aujourd’hui l’une des plus petites entités administratives de la ville avec environ 16 000 habitants, dont environ 10 000 vivent à la Canardière. La Meinau est également un des quartiers avec le développement le plus récent. Si les premiers établissements datent du XVIIeme siècle, le quartier s’est réellement développé à partir du XXeme siècle et de l’entredeux-guerres. Jusqu’à ces premiers établissements, la Meinau, qui ne porte pas encore ce nom, sert surtout d’avant-poste pour protéger la ville. Quelques domaines vont alors se construire, notamment un qui sera acheté par Charles Schulmeister, espion de Napoléon au début du XIXeme siècle, qu’il appellera Meine Aue, soit « ma prairie » en Allemand. Ce domaine donnera finalement son nom au quartier. ( fig 12) La construction du canal du Rhône au Rhin, à l’Ouest, et de la voie ferrée Strasbourg-Kehl, au Nord, vont fortement limiter le développement du quartier : en développant une enceinte nouvelle de Strasbourg, la Meinau se voit en quelque sorte séparée du reste de la ville. En 1911, Emile Mathis, un industriel alsacien, choisit le quartier pour y construire
30. Eurométropole de Strasbourg, A la découverte des quartiers de Strasbourg : La Meinau, 2009 Fig 12. Le domaine Schulmeister, Lithographie, 1855
30
LA CANARDIERE DANS SON CONTEXTE LOCAL
Neudorf
Stade de la Meinau Lycée
Plaine des Bouchers Cité-jardin
La Canardière Parc Schulmeister
Baggersee
Fig 11. Carte du quartier de la Meinau
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I - CONTEXTE HISTORIQUE ET GEOGRAPHIQUE
son usine automobile, ce qui entrainera le développement de la zone industrielle de la Plaine des Bouchers. ( fig 13) Parallèlement, la construction d’une cité-jardin à destination des ouvriers sera décidée par la ville. Celle-ci ne sera finalement construite qu’après la 1ere Guerre Mondiale, sur le modèle imaginé, mais avec de plus Fig 13. Les usines grandes villas, à destination d’une Mathis à la Plaine des Bouchers population plus aisée. Le quartier reste alors de petite taille et très dépendant des quartiers voisins du Neuhof et du Neudorf, déjà bien développés. C’est donc en 1957 que la ville va entreprendre la construction de la cité de la Canardière à l’emplacement de l’ancien domaine Schulmeister, et ce jusqu’en 1964. L’arrivée de ces 20 000 habitants dans le quartier va nécessiter la création d’équipements qui permettront enfin au quartier d’obtenir son autonomie. En sus de ces équipements, le Stade de la Meinau sera construit en 1984, au Nord du quartier, près du Rhin Tortu, faisant alors de ce quartier l’un des plus connus en dehors même de Strasbourg. ( fig 14) Plus récemment, l’arrivée du réseau de tramway en 1994 permettra de mieux relier le quartier à la ville-centre, avec le passage de la ligne A puis de la ligne E sur l’avenue de Colmar, qui forme l’artère centrale de la Meinau. Enfin, en 2005 sera commencé un grand projet de rénovation urbaine pour la cité de la Canardière vieillissante et qui formera donc notre objet d’études. Pour aborder au mieux la conception de cette cité, nous devons d’abord nous pencher sur son architecte, Charles-Gustave Stoskopf.
Fig 14. La cité de la Canardière en construction, 1959
32
CHARLES-GUSTAVE STOSKOPF, UNE MODERNITÉ ALSACIENNE Si l’on doit citer un architecte qui a été prolifique durant le XXeme siècle à Strasbourg, il est impensable de ne pas citer Charles-Gustave Stoskopf. Cet architecte a participé à de nombreux projets et chantiers, partout en France mais surtout en Alsace, notamment à Colmar et Strasbourg et a profondément et durablement modifié le paysage architectural de la ville. ( fig 15) Charles-Gustave Stoskopf, né en 1907 à Strasbourg, est le fils de l’artiste alsacien Gustave Stoskopf, une figure locale importante de la vie culturelle.31 Il sera notamment à l’origine d’un retour à l’identité régionale, grâce à la création du Théâtre Alsacien en 1898 à Strasbourg.32
31. Bolle (Gauthier), Charles-Gustave Stoskopf, Architecte, Les Trente Glorieuses et la réinvention des traditions, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2017, p.37 32. Idem, p.38 33. Id., p.49 34. Id., p.44 35. Id., p.49 36. Id., p.52
FIg 15. Portrait de Charles-Gustave Stoskopf, 1960
En 1924, Charles-Gustave entrera à l’Ecole Régionale d’Architcture de Strasbourg, située alors dans le Kaiserpalast (aujourd’hui Palais du Rhin), avant d’arriver à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris durant les années 30.33 Il intègrera l’atelier d’Emmanuel Pontremoli, par lequel sont passés de nombreux architectes impliqués dans la reconstruction et la conception des grands ensembles, parmi lesquels Eugène Beaudouin, Jean Dubuisson, François Herrenschmidt, Bertrand Monnet, Marcel Lods ou encore Bernard Zehrfuss.34 Il passera son diplôme en 1934, avec pour sujet « Une folie », qu’il décrit lui-même comme « une folie moderne ; un charmant pavillon permettant à un richissime propriétaire de réunir une société d’amis épris de galanterie ».35 Il construira par la suite très peu jusqu’à ce qu’arrive la 2nde Guerre Mondiale, pendant laquelle il sera mobilisé en Lorraine puis dans le Gers, avant de partir pour Paris une fois l’Armistice déclarée.36 Il y mènera quelques missions en tant qu’architecte fonctionnaire mais se destine pour le moment à sa carrière
33
I - CONTEXTE HISTORIQUE ET GEOGRAPHIQUE
artistique.37 Peu après son retour en Alsace, il sera chargé par Raoul Dautry, premier Ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme, de la reconstruction de villages autour de Colmar, puis de Belfort. Cela lui donnera la possibilité d’exercer en tant qu’architecte avec une double influence de la modernité et du patrimoine régional.38 Il aura par la suite une carrière foisonnante, grâce notamment à ces reconstructions qui lui permettront d’obtenir une certaine renommée. Il deviendra par la suite, en 1949, directeur de l’Ecole Régionale d’Architecture de Strasbourg,39 poste qu’il quittera en 1967.40 Il sera en parallèle architecte-conseil et sera également prolifique avec son agence : elle construira pas moins de 43 000 logements.41 A Strasbourg, il sera notamment à l’origine de l’ensemble du Quai des Belges, qui signera sa reconnaissance en France et lui permettra d’accéder à de nombreuses commandes de la SCIC.42 Il réalisera ainsi de nombreux ensembles dans le pays, surtout en Alsace et en région parisienne. En Alsace, il sera notamment à l’origine de la reconstruction de la place de l’Homme de Fer et de la tour Valentin Sorg – maillon manquant de la Grande-Percée de Strasbourg, de la cité Nucléaire de Cronenbourg et de quelques immeubles au Wacken, comme celui du Crédit Mutuel.43 ( fig 16 ; fig 17) Il signera à Strasbourg son œuvre la plus connue, l’ensemble de l’Esplanade, un ensemble de 4500 logements réalisés sur une friche militaire proche du centre
Fig 16. La tour Valentin-Sorg
34
37. Idem, p.53 38. Idem, p.55 39. Idem, p.67 40. Idem, p.77 41. Idem, p.78 42. Idem, p.95 43. Idem, p.328
Fig 17. Le siège social du Crédit Mutuel
CHARLES-GUSTAVE STOSKOPF, UNE MODERNITE ALSACIENNE
de Strasbourg. Le maire de l’époque, Pierre Pflimlin avait alors pour projet de bâtir un nouveau quartier à cet endroit, autour d’un nouveau campus pour l’Université de Strasbourg, projet qui sera confié à Stoskopf.44 ( fig 18) Enfin, Charles-Gustave Stoskopf sera l’architecte-conseil de la Société Immobilière du Bas-Rhin (SIBAR), qui lui confiera notamment la conception de la cité de la Canardière, qui sera pour lui l’occasion de mettre en place un certain nombre de dispositifs urbains et architecturaux, de principes et d’envies qu’il conservera dans de nombreuses réalisations par la suite.45 Parallèlement à tout cela, il réalisera donc un certain nombre de projets pour le compte de la SCIC, en région parisienne, notamment à Bondy.46
44. Id., p.193 45. SIBAR, Plaquette «La SIBAR», 1959 46. Bolle (Gauthier), op cit., p.52 47. Id., p.126
Il entretiendra de plus, comme son père, un attrait pour le dessin et l’écriture. Il deviendra alors directeur du Théâtre Alsacien fondé par son père, dans les années 1970, puis créera l’Institut des Arts et Traditions Populaires de l’Alsace. Il décèdera en 2004 à Paris.47 La partie suivante de ce mémoire s’attachera notamment à étudier et comprendre les principes mis en place à la cité de la Canardière et en quoi ils sont à l’origine de certaines de ces qualités.
Fig 18. Maquette de l’ensemble de l’Esplanade
35
II
UN ÉTAT INITIAL À VALORISER Comme évoqué dans la partie précédente, Charles-Gustave Stoskopf a eu à cœur de dessiner le plan masse de la cité de la Canardière en y intégrant un certain nombre de dispositifs spatiaux qui donnent à l’ensemble une certaine qualité. Néanmoins, il serait tout à fait réducteur de considérer qu’il donne à lui seul toutes ses qualités à la cité. Notamment, l’implication des habitants dans le quartier, le tissu associatif qu’ils ont petit à petit constitué est un facteur déterminant dans le bon fonctionnement de la cité. Certes, ceci est valable pour probablement n’importe quel site d’étude, qu’on le choisisse dans un morceau de ville historique et constituée ou dans un quartier plus récent. Mais la cité de la Canardière a su, mieux que d’autres ensembles similaires, offrir un terreau favorable à cette vie communautaire. Mais avant toute considération par rapport à la cité même, l’environnement direct d’une cité résidentielle de ce type est un élément majeur en ce qu’il permet de compenser certaines lacunes du grand ensemble.
1. cf. Introduction, p.10
Tout cela constituera le sujet de cette seconde partie. Ainsi nous y déterminerons les qualités intrinsèques de la Canardière. Cela constitue la première notion de la définition de résilience1 que nous évoquions dans l’introduction de ce mémoire : l’état initial et sa persistance.
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Pieds d’immeubles, rue Schutterlin
UNE CITÉ VERTE
Si nous avons pu évoquer les limites du quartier de la Meinau dans la partie précédente et rapidement passer sur ce qu’il se trouve autour, il parait important de s’intéresser quelque peu à ce qu’il se trouve autour et au-delà de ces limites.
Environnement bâti Le site choisi pour y construire la cité de la Canardière est situé sur ce qui constituait, à ce moment, la sortie de ville. A proximité de l’avenue de Colmar, porte d’entrée Sud de Strasbourg, se trouvent un ensemble de terrains pour part acquis par la SIBAR et pour part possédés par la ville depuis le début du siècle.2 Nous reviendrons par après sur la façon dont le terrain a été constitué et divisé, l’important étant pour le moment de considérer que celui-ci était vierge. Néanmoins, une partie de ses abords étaient déjà (partiellement) bâtis. ( fig 1)
2. Nonn (Henri), « La Cité de la Canardière : un grand ensemble jeune et vivant », in Actes du quatre-vingtdouzième congrès national des sociétés savantes, Strasbourg et Colmar 1967, Section de Géographie, Bibliothèque Nationale, Paris, 1970, pp.94-114 3. Ibidem
D’abord au Nord, avec la cité-jardin précédemment évoquée. Celle-ci constitue alors la seule partie résidentielle du quartier de la Meinau, et pour ainsi dire, était le quartier de la Meinau, seules quelques maisons le long de la route de Colmar s’ajoutant à ce lotissement. Il est constitué de villas que l’on qualifierait de plutôt bourgeoises et habitées principalement par des personnes exerçant des professions libérales. Encore un peu plus au Nord, séparé de la Meinau par la voie ferrée, se trouve donc le Neudorf, qui est encore considéré comme un faubourg à cette époque.3 Il est l’un des quartiers développés principalement par les allemands, en parallèle
Fig 1a. Photographie aérienne de la Meinau, env.1950
Fig 1b. Photographie aérienne de la Meinau, 2019
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II - UN ETAT INITIAL A VALORISER
de la Neustadt au Nord et du quartier de la gare, à l’Ouest. On y retrouve à quelques endroits une typologie proche des villas de la cité-jardin, notamment le long de l’Avenue Jean-Jaurès ou près de la voie de chemin de fer. Le reste du quartier est principalement composé d’immeubles de ville assez classiques. A l’Est se trouve le quartier du Neuhof, un ancien village intégré à Strasbourg et accueillant notamment une autre cité-jardin, au lieu-dit Stockfeld. Cette cité‑jardin a été bâtie pour accueillir les habitants du centre-ville expropriés pour réaliser la Grande-Percée traversant la grande-île à partir de 1910. Le quartier accueille également l’aérodrome du Polygone, le seul situé à Strasbourg même, ainsi qu’une ancienne caserne accueillant aujourd’hui l’Eurocorps.4 Au Sud, les premières bâtisses sont peu nombreuses et surtout, distantes de plus d’un kilomètre. A l’Ouest, la Plaine des Bouchers a accueilli diverses industries lourdes, notamment les automobiles Mathis et les bâtiments d’essais de réacteurs d’avion Junkers. Enfin, à l’emplacement de la Canardière, deux choses intéressantes à noter : la présence d’un cimetière dès 1800 au Sud du site, et la construction de la villa Schranz en 1933, à l’Est, qui constitue encore aujourd’hui l’un des plus beaux exemples d’architecture Art Deco à Strasbourg.5 Mais outre cet environnement bâti – dont seul au final la Plaine des Bouchers impactera réellement la cité, notamment dans sa sociologie – c’est l’environnement naturel qui paraît important ici et qui apporte de nombreuses qualités au site.
4. Wikipédia, Neuhof (Strasbourg) 5. Archi-Wiki, Villa Schranz (Strasbourg)
Environnement naturel En termes d’environnement naturel, la cité de la Canardière bénéficie de trois entités l’entourant. Tout d’abord à l’Est, le Rhin Tortu, ou Krimmeri et ses abords. Cette rivière non-canalisée a gardé son ripisylve intact et celui-ci constitue un lieu de promenade apprécié des habitants de la cité.6 Celui-ci a été par ailleurs aménagé, avec notamment des jeux pour enfants et un terrain de boules.7 Ce parc se prolonge au Sud avec le Parc Schulmeister et son étang, le long de la rivière. Il s’agit de l’une des dernières traces du domaine tel qu’il était lorsqu’il appartenait à Charles Schulmeister, avec les bâtiments bordant aujourd’hui la place de la Meinau. Un peu plus au Sud encore, et toujours dans le prolongement du Rhin Tortu, se trouve la forêt du Neuhof. Elle est l’une des deux principales forêts
40
6. Entretiens du 17 mai 2019 et du 30 septembre 2019 7. Nonn (Henri), op cit.
UNE CITE VERTE
de Strasbourg, avec la forêt de la Robertsau au Nord, et est également la plus grande des deux, avec plus de 700 hectares.8 A noter que celle-ci était encore plus grande à l’époque de la construction de la Canardière, la construction du barrage hydroélectrique sur le Rhin et du canal l’alimentant ayant coupé la forêt en deux pour former l’île du Rohrschollen, en 1970.9 Celle-ci constitue donc un véritable massif forestier et un lieu de promenade. Enfin, plus surprenant, la cité est directement bordée au Sud par le Baggersee. Ce lac artificiel est le résultat d’une ancienne exploitation de gravière, pour la construction de la voie ferrée entre Strasbourg et Kehl, au début du siècle et pour une courte période de 5 ans. Le lac sera très rapidement aménagé et constituera un lieu de baignade dès les années 1930, activité pérennisée avec le rachat du lac par la ville dans les années 1960.10 Les terrains situés juste entre la cité et le Baggersee seront par la suite aménagés avec de nombreux terrains de sport. Tout cela constitue un équipement conséquent et rare : bien peu d’habitants de grands ensembles peuvent se targuer d’avoir accès à une plage à quelques minutes de Fig 2. Plage du Baggersee, 1936 marche ! ( fig 2) Tout cela participe du bien être des habitants, en rendant possible divers loisirs de plein air, dont on sait qu’ils sont vitaux. En 1967, Henri Nonn en parlait en ces termes :
8. Ville et Eurométropole de Strasbourg, Les forêts rhénanes strasbourgeoises 9. ibidem 10. Archi-Wiki, Baggersee (Strasbourg) 11. Nonn (Henri), op cit., p.110
«Pour les loisirs, les habitants de la cité disposent d’un square, de terrains de jeux pour les enfants ; certains d’entre eux sont dotés d’appareils de jeu en plein air. […] Les plus grands trouvent sur place en dehors des activités des groupements catholiques ou protestants (scouts, éclaireurs), un club sportif, un gymnase et un terrain de sports inclus dans les groupes scolaires, et, à proximité, près du Baggersee, un équipement sportif aménagé par la ville. Certains adultes se retrouvent, quant à eux, sur le terrain de boules de la cité. Si l’on ajoute à ces réalisations la proche forêt du Neuhof, le parc de Schulmeister et la plage du Baggersee, on voit que les possibilités d’évasion et de distraction ne manquent pas totalement !»11 Seulement, l’accès aux loisirs de plein air ne suffit pas toujours et il est primordial d’avoir accès à d’autres formes de loisirs, qu’ils soient accessibles au sein même de la cité ou dans la ville centre. Pour cela, la question de l’accès à la ville centre est primordiale.
41
II - UN ETAT INITIAL A VALORISER
Liens avec le centre-ville de Strasbourg Là aussi, Henri Nonn nous donne une idée de la situation dans les premières années suivant la construction de la cité de la Canardière, et celle-ci se révèle relativement satisfaisante à ce moment-là. Il évoque d’abord les moyens de transports personnels : le taux de foyers possédant une voiture varie de 65 à 80% en fonction des bailleurs, les foyers vivant en HLM étant les moins équipés.12 Egalement, la présence de transports en communs est évoquée. Si la ligne de Graffenstaden de l’ancien réseau de tramway est coupée en 1962 – elle est alors la dernière en service,13 cela ne signe pas pour autant la fin des transports en commun pour le quartier. Celui-ci bénéficiera toujours de deux lignes de bus, l’une desservant la cité directement et la reliant au centre-ville, avec une fréquence de 20 minutes ; l’autre passant à proximité et reliant le centre avec une fréquence de 10 minutes.14 Henri Nonn évoque enfin les services nocturnes de transports : « Le fait de pouvoir aisément se rendre en ville, y compris le soir, rend moins «étouffant» l’espace vital du grand ensemble. Et, selon les animateurs de l’Association des habitants de la Meinau-Canardière, l’amélioration de la desserte est un élément fondamental de l’appréciation des conditions de vie dans la cité. […] La desserte nocturne vient de s’améliorer, en sorte que la Canardière n’est plus une banlieue périphérique coupée des spectacles, des réunions ou des manifestations culturelles ou sportives de la ville. »15 Tout cela pouvant être également complété par l’utilisation du vélo, en particulier à partir de 1975 et des premières mesures à destination des cyclistes mises en place par Pierre Pflimlin, maire de Strasbourg.16 Cet environnement et la situation de la cité sont, on l’a compris, primordiaux pour le bien-être des habitants et leur évite de voir leur espace pratiqué au quotidien limité à quelques rues, comme c’est le cas pour de trop nombreux habitants de grands ensembles de ce type. Il s’agira maintenant de déterminer si le plan masse de Charles-Gustave Stoskopf tire parti de cette situation privilégiée et s’il parvient à créer de nouvelles qualités qui lui sont intrinsèques. Si l’une des grandes ambitions des modernes est d’offrir « soleil, espace, verdure » comme revendiqué par Le Corbusier, la Canardière pourrait y être un terrain favorable, malgré le rude climat alsacien !
42
12. idem, p.107 13. Ville et Eurométropole de Strasbourg, A la découverte des quartiers de Strasbourg, La Meinau 14. Nonn (Henri), op cit. 15. idem, p.113 16. Libération, Vélo : Strasbourg en connaît un rayon, 1 septembre 2017
UNE COMPOSITION SPATIALE EXEMPLAIRE Avant de se plonger dans une analyse du plan masse, il convient tout d’abord de se pencher sur le découpage foncier qui y a mené. En effet, la cité de la Canardière a été découpée en différents secteurs possédés et gérés par différents bailleurs et ceci a une influence certaine non seulement sur le plan masse, mais aussi sur l’architecture de la cité. En effet, l’on ne dénombre pas moins de six bailleurs ou sociétés immobilières différentes et, chacune ayant ses propres besoins, garder une certaine unité parmi tout cela est un défi. ( fig 3)
Fig 3. Certe des principaux bailleurs, juin 1959
Différents bailleurs pour différents besoins Tout d’abord existent deux bailleurs publics, propriétaires de l’écrasante majorité du site. D’un côté, l’Office Public d’Habitations à Loyers Modérés de la Ville de Strasbourg (OPHLM) : la ville de Strasbourg étant propriétaire
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II - UN ETAT INITIAL A VALORISER
depuis 1912,17 comme évoqué précédemment, du domaine Schulmeister établi au Sud-Est du site, elle a bâti via son OPHLM un ensemble de 880 logements. Cette décision date de 1949 et prévoyait un projet commun entre cet ensemble et un ensemble de 648 logements dans le quartier voisin du Neuhof.18 De l’autre côté, la SIBAR, entreprend la construction en trois tranches d’un ensemble de 1 228 logements, en faisant le plus gros bailleur de la cité. Ce bailleur est une émanation du Conseil Général du Bas-Rhin19 et a vocation à offrir des logements aux fonctionnaires, militaires, agents territoriaux, gendarmes n’ayant pas accès aux HLM.20 Il se trouve par ailleurs que l’architecte-conseil de cette société n’est autre que Charles-Gustave Stoskopf.21 Celle-ci propose alors des logements d’un standing relativement plus élevé, mais toujours à bas coût, sur des terrains achetés à la ville et à quelques particuliers. Deux autres sociétés immobilières visent également des publics particuliers. La Société Immobilière de Construction Industrielle (SICI) et la Société Immobilière des Petites et Moyennes Entreprises (SIPMEA) sont des organes de la Chambre de Commerce de Strasbourg22 et visent à loger principalement les travailleurs de petites entreprises d’artisanat, de construction ou de manufacture via le dispositif du 1% logement. Ce dispositif permet aux entreprises, via un versement, de loger leurs salariés grâce à des aides ou à la fourniture d’un logement conventionné.23 Enfin, le reste des terrains appartient à diverses Sociétés Civiles Immobilières (SCI) qui vont y construire quelques pavillons et des immeubles en copropriété par la suite, les dernières constructions datant de 1974.24 Stoskopf hérite donc ici d’une situation foncière complexe, avec des bailleurs exprimant des besoins particuliers. Même si la ville imposera la forme urbaine du grand ensemble sur l’ensemble du site,25 mettre en place une réelle unité parmi toutes ces situations restera une tâche ardue.
Construire l’unité D’emblée, lorsque l’on lit la carte, se dégagent trois grands principes dans le plan masse de la cité : les deux avenues perpendiculaires, la disposition et l’orientation des bâtiments. ( fig 4, p.43) Tout d’abord, la cité est découpée en quatre quartiers par deux voiries : l’avenue de Normandie et la rue Schulmeister. Stoskopf a utilisé ce principe dans de nombreuses constructions et il le justifie comme suit : « J’ai […] constamment par la présence d’un grand et d’un petit axe [cherché]
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17. Woehl (Bernard), Kocher (André), « La Canardière … Vingt ans après », in Revue des Sciences Sociales de la France de l’Est, Université des Sciences Humaines, Strasbourg, n°5, 1976, pp.244-271 18. ibidem 19. SIBAR, A propos de la SIBAR 20. SIBAR, plaquette promotionnelle «La SIBAR», 1959 21. ibidem 22. Woehl (Bernard), Kocher (André), op cit. 23. Wikipédia, Participation des employeurs à l’effort de construction 24. Woehl (Bernand), Kocher (André), op cit. 25. ibidem
UNE COMPOSITION SPATIALE EXEMPLAIRE
Fig 4. Principe d’orientation de la cité
à vertébrer les volumes construits. […] Depuis la plus haute antiquité les hommes construisant des villes ont modelé le visage urbain d’une voirie centrale en ligne droite. Ce fut le decumus maximum (aujourd’hui appelé decumanus) et le cardo. De tels tracés divisent l’espace construit en quartiers, en quatre zones nettement délimitées. […] L’Esplanade, à Strasbourg, la Cité de la Canardière à StrasbourgMeinau, le nouveau Colmar (ZUP), Audincourt, Poissy, Vernouillet et plus particulièrement ma ville nouvelle de Créteil-Mont Mesly, sont des exemples caractéristiques de ma volonté de discipliner l’espace. »26 ( fig 5, p.44)
26. Stoskopf (CharlesGustave), “Mes plans masse”, non-publié, nondaté, archives Nicolas Stoskopf, avec l’amabilité de Gauthier Bolle, pp.5-6 27. idem, p.6
Ainsi, l’axe Nord-Sud, la rue Schulmeister, forme le cardo et l’axe Est-Ouest, l’avenue de Normandie, forme le decumanus qui vont contribuer à définir la trame et l’ordonnancement de la cité. Ces axes dessinent également la place de l’Ile-de-France, à l’Ouest du quartier. Ce type d’espace est rare dans les grands ensembles et Stoskopf évoque la nécessité de créer un centre de gravité dans l’ensemble, ce qu’il a fait dans beaucoup de ses opérations d’envergure.27 Quelques voiries annexes, quant à elles, sont générées par le parcellaire ou des voiries existantes. En revanche, les deux nouveaux axes principaux mis en place par Stoskopf le sont avec un angle d’environ 45° par rapport au Nord. Ceci n’est
45
II - UN ETAT INITIAL A VALORISER
Fig 5. Voiries principales de la cité
pas anodin et constitue réellement un choix de la part de l’architecte ; il parle d’une « constante recherche de clarté » dans ses projets.28 De ce point de vue, il se place dans la directe lignée des principes modernes de la Charte d’Athènes et notamment du point 26 : « Un nombre minimum d’heures d’ensoleillement doit être fixé pour chaque logis ».29 Il est préconisé alors que tout plan de logis orienté uniquement au Nord, subissant les ombres portées d’autres bâtiments ou plus généralement, n’étant pas exposé de manière à recevoir a minima deux heures d’ensoleillement au solstice d’hiver, soit refusé.
28. idem, p.5 29. Le Corbusier, La Charte d’Athènes, Points, Paris, 2016, p.50 30. El Alami (Karim), Les choix d’orientation solaire dans les grands ensembles de la reconstruction, thèse de Master sous la direction de Daniel Siret et Ignacio Requena-Ruiz, ENSA Nantes, 2017
Charles-Gustave Stoskopf tient à cœur à respecter ces préconisations et les mettra en place notamment à la cité du Quai des Belges, à Strasbourg, en 1953. Dans ce plan, les immeubles vont du R+3 au R+8, de façon à ne pas générer d’ombre sur les voisins et à assurer le meilleur ensoleillement possible aux habitants.30 ( fig 6) Mais au-delà de l’orientation des immeubles, Stoskopf fait le choix d’offrir aux habitants des logements traversants. Ainsi, la plupart des barres Fig 6. Cité du Quai des Belges, 1955
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UNE COMPOSITION SPATIALE EXEMPLAIRE
construites dans le quartier le sont avec une épaisseur d’environ 8m (pour les HLM) ou 12m (pour les immeubles SIBAR), permettant d’éclairer la totalité du logement. A cela s’ajoutent sept tours, dont deux cadrent l’avenue de Normandie et en signalent la fin. Nous reviendrons par la suite sur la composition interne des immeubles. ( fig 7 et fig 8, p.46) Enfin, l’ordonnancement des immeubles laisse place à de généreux espaces verts, en suivant toujours la Charte d’Athènes : 27 : « L’alignement des habitations au long des voies de communication doit être interdit. »31 29 : « Les constructions hautes implantées à grande distance l’une de l’autre, doivent libérer le sol en faveur de larges surfaces vertes. »32
31. Le Corbusier, op cit., p.51 32. idem, p.53 33. Lebahar (JeanCharles), « Approche didactique de l’enseignement du projet d’architecture : étude comparative de deux cas », in Didaskalia, Institut National de la Recherche Pédagogique, n°19, 2001, pp.39-77
En suivant ces deux principes, Stoskopf arrive à la Canardière avec une forme particulière. Si dans beaucoup de grands ensembles, les immeubles sont dessinés perpendiculairement, de sorte qu’un immeuble regarde toujours la tranche de l’autre et non sa face, le problème est résolu ici d’une autre manière. Les immeubles forment un rectangle dont les parois coulissent. Cela permet d’ouvrir pour dégager la perspective ainsi que le passage. Le centre du rectangle devient alors un espace vert, modelé qui plus est avec un léger dénivelé pour insister sur cette centralité alors installée. Nous sommes alors dans ce qu’Henri Ciriani appelle un espace centrifuge, dont les angles ouverts font apparaître l’espace intérieur comme ouvert et perméable à l’extérieur.33 ( fig 9) Néanmoins, cela forme un plan parfois rigide, contraignant le piéton à contourner certaines barres, à errer sans pouvoir lire l’ensemble du quartier d’un coup d’œil. Construire un plan masse à partir d’un réseau de rectangles, composés d’immeubles identiques, peut s’avérer problématique du fait que ce
Fig 9. Exemples de cours-jardin, 1/2000
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II - UN ETAT INITIAL A VALORISER
Fig 7. Avenue de Normandie, 1967
Fig 8. Avenue de Normandie, 1959
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UNE COMPOSITION SPATIALE EXEMPLAIRE
réseau pourrait très bien proliférer à l’infini. En effet, la cité s’arrête parce que le plan s’arrête, de façon abrupte, et non pas parce qu’un élément architectural clôt l’exercice.
34. Rimbert (Sylvie), La Banlieue résidentielle sud de Strasbourg : genèse d’un paysage suburbain, Paris, Les Belles Lettres, 1967, pp.147-159
Sylvie Rimbert, géographe de l’Université de Strasbourg, évoque une « incapacité du maquettiste ou de l’urbaniste, à transposer sa vision aérienne exceptionnelle au niveau du sol quotidien… Le plan-masse du Grand Ensemble de la Meinau est conçu pour les aviateurs et non pour le piéton ».34 Le constat est amer, mais nous verrons par la suite qu’il a été possible d’y remédier. Pour finir sur ce que Charles-Gustave Stoskopf a dessiné de la cité, nous allons nous pencher sur la composition des immeubles.
La rationalité au service de l’habitat Stoskopf est parvenu à la Canardière à créer un modèle d’immeuble d’une rationalité extrême tout en lui apportant de nombreuses qualités. Comme évoqué précédemment, les immeubles sont étroits, entre 8 et 12m, et n’accueillent donc qu’un logement dans leur épaisseur. Ceux-ci sont desservis par une cage d’escalier, avec deux logements par palier. ( fig 10) L’immeuble complet n’est alors qu’une succession de modules logement‑escalier-logement, le tout porté par des murs de refend. La descente de charges s’effectue à la verticale et assure donc une stabilité sans grand effort de portée. Les plans des logements sont simples et parfois exigus dans les immeubles HLM, mais d’un confort tout à fait honnête dans les immeubles de la SIBAR. Ceux-ci partagent d’ailleurs une composition très similaire, les surfaces différant.35 ( fig 11)
35. -non signé-, « Cité de la Meinau à Strasbourg », in L’Architecture française, n°205-206, octobre 1959, pp.49-53 36. Stoskopf (Charles‑Gustave), op cit., pp.9-10 37. Entretien du 29 novembre 38. Stoskopf (Charles‑Gustave), op cit., p.9
Enfin, Stoskopf évoque l’utilisation de la couleur, ou plutôt du blanc. En effet, tous les immeubles de la cité sont blancs, comme beaucoup d’immeubles de l’architecte, là où d’autres laissent à voir le béton ou d’autres matérialités. Il prend notamment l’exemple de la cité de Bondy : « Si mon ensemble de Bondy a eu du succès, il le doit essentiellement au fait d’avoir apporté dans cette banlieue une bouffée de fraîcheur ».36 Le blanc permet alors de souligner la « fine et élégante silhouette des immeubles »,37 mais aussi de voir se découper la végétation par-dessus, et de mettre en valeur la verdure. Stoskopf se revendiquait non seulement architecte, mais aussi jardinier, paysagiste, et considérait lui-même que la Canardière constituait l’une de ses plus belles réalisations de ce point de vue.38
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II - UN ETAT INITIAL A VALORISER
Fig 10. Immeubles en construction, 1967
Tour SIBAR
Tour OPHLM
Fig 11. Plans d’étages coursnts des tours
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FAVORISER LA VIE EN COMMUNAUTÉ PAR L’ÉQUIPEMENT Si de nombreux facteurs sont déterminants dans le bon fonctionnement d’un ensemble de logements et dans la bonne marche de la communauté qui y vit, la qualité des équipements, services, des espaces verts et de loisirs est probablement le facteur le plus important.
Un quartier paysager S’il est bien un aspect sur lequel beaucoup de monde s’accorde parmi les habitants de la Canardière, encore aujourd’hui, c’est son aspect paysager.39 En effet, sur les 71 hectares que couvre la cité, ce ne sont pas moins de 60% qui sont dévolus à de l’espace libre et végétalisé.40 Si l’on y ajoute les abords, avec le parc Schulmeister, pratiqué par les habitants au quotidien, le Baggersee et la forêt du Neuhof toute proche, l’on peut aisément considérer la cité comme privilégiée de ce point de vue. Stoskopf use de deux moyens pour faire entrer la végétation dans la cité et la mettre en valeur. Le premier est au niveau de la voirie et des pieds d’immeubles, avec de nombreux arbres d’alignement. Tout particulièrement, l’avenue de Normandie est décrite par les habitants comme plutôt majestueuse, avec de grands arbres (ceux-ci ont été changés entre temps).41 De même, la plupart des pieds d’immeubles se voient agrémentés d’arbres voire de petits bosquets, et ceci est particulièrement vrai du côté des immeubles de la SIBAR. ( fig 12, p.50) La végétation est apportée d’une seconde manière à l’intérieur des rectangles que nous évoquions dans la sous-partie précédente. Ceux-ci sont agrémentés d’un bosquet, d’une aire de jeu ou laissés vides. Ces espaces sont mis en scène par la perspective. En effet, le passant qui se promène dans la rue les entraperçoit via les angles du rectangle. Une des barres capte l’attention et guide le regard vers l’intérieur tandis qu’une autre, perpendiculaire, cadre la perspective. De cette manière, la vue est donnée sur une diagonale traversant le rectangle et donnant à voir toute l’étendue de l’espace ainsi dessiné. ( fig 13, p.50)
39. Entretiens 40. Nonn (Henri), op cit. 41. Entretien du 30 septembre 2019 42. Rimbert (Sylvie), op cit.
Néanmoins, ceci est à mettre en regard avec la relative pauvreté des aires de jeu et leur faible nombre en ces endroits. Sylvie Rimbert en dresse ce constat : « Plutôt que de jouer le rôle de parc de récréation, ces espaces verts assurent aux enfants un exutoire aux pièces d’appartements trop petits, et une réserve d’aération et de calme relatif ».42 Mais si les plus jeunes habitants ne bénéficient pas en nombre suffisant d’espaces de loisirs extérieurs, bénéficient-ils au moins d’équipements les compensant en partie ?
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II - UN ETAT INITIAL A VALORISER
Fig 12. Traitrement des pieds d’immeubles de la SIBAR
Fig 13. Cour-jardin en pieds d’immeubles de l’OPHLM
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FAVORISER LA VIE EN COMMUNAUTE PAR L’EQUIPEMENT
Des équipements présents mais insuffisants A partir de 1959, la dotation en équipements des grands ensembles se fait grâce à la grille Dupont, « Grille d’équipement d’un grand ensemble d’habitation ». Cette grille est le résultat du travail de deux commissions crées en 1957 par le Ministère de la Construction.43 A cette époque commence déjà le procès médiatique de quelques grands ensembles, notamment celui de BronParilly, près de Lyon : leur démographie nettement déséquilibrée et leur manque d’équipement et d’animation feraient courir des risques psychologiques graves aux habitants. Le Ministère veut alors anticiper les problèmes en équipant suffisamment les futurs grands ensembles. Pour cela, la grille permettra de fixer les équipements à mettre en place pour les différentes tailles d’ensembles. Dans le cas de la Canardière, celle-ci se situe dans la tranche intermédiaire, celle du « quartier », composé de 1 500 à 2 500 logements environ. La grille prévoit alors la construction de groupes scolaires, d’une maison de jeunes, d’une cité paroissiale, d’un petit centre commercial, d’un centre d’action social, d’un dispensaire, de quelques terrains de sport et pas grand-chose de plus, la taille critique n’étant pas atteinte pour le reste de la grille.44 ( fig 14, p.52 et fig 15, p.53)
43. Legoullon (Gwenaëlle), « La construction des grands ensembles en France : émergence de nouvelles vulnérabilités environnementales », in VertigO, la revue électronique des sciences de l’environnement, vol. 16, n°3, 2016 44. Dupont (Gérard), « Grille d’équipement d’un grand ensemble d’habitation », in Urbanisme, n°62/63, 1959, pp.22-23 45. ibidem 46. Woehl (Bernard) et Kocher (André), op cit. 47. Kaës (René), Vivre dans les grands ensembles, Paris, Les Editions Ouvrières, 1963 48. ibidem
Non seulement, ces équipements vont être construits mais d’autres vont y être ajoutés. On pense notamment au bureau de Poste, à une antenne de la mairie ou encore au chauffage urbain, d’ordinaire réservé aux ensembles de plus de 8 000 logements.45 Néanmoins, la gestation de ces équipements sera longue et il faudra attendre pas moins de huit ans avant de voir la Maison des Jeunes et de la Culture (MJC) sortir de terre, par exemple.46 Néanmoins, certains des besoins élémentaires n’étant alors pas encore satisfaits, les habitants eux-mêmes ont lutté et ont été nombreux à s’engager dans le quartier. René Kaës l’évoque longuement dans Vivre dans les grands ensembles.47 Suite à une enquête massive au sein du quartier au début des années 1960, le manque d’équipement s’avère criant. Les parents réclament de quoi garder leurs enfants et de quoi se distraire : bibliothèque, salles de réunion, cinéma, salle de concerts et ateliers manuels. Par facilité et parce que les moyens nécessaires étaient peu élevés, c’est avec le cinéma que tout a commencé. De nombreux parents se sont rapidement constitués en association dans le but d’obtenir un local, qui leur sera offert par l’OPHLM et qui sera co-géré avec des mouvements de jeunesse : c’est la création de la Maison des Jeunes et de la Culture de la Canardière. (MJC)48 René Kaës doute alors du fait que son bon fonctionnement aurait été assuré si elle avait été présente dès le début et que les parents n’avaient pas eu
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II - UN ETAT INITIAL A VALORISER
à s’engager pour l’obtenir : « Nous pouvons nous demander comment aurait pu fonctionner un centre socio-culturel s’il nous avait été livré neuf et vaste dès le début du grand ensemble. Serait-il resté vide, parce que les animateurs spontanés et bénévoles auraient fait défaut ? Aurait-il, au contraire, suscité des vocations, facilité la tâche de ceux qui offraient leur bonne volonté et leur temps ? Aurions‑nous pu y mieux rencontrer les gens du quartier ? »49
Fig 14. Eglise Saint-Vincent-de-Paul, 2019
La MJC constituait alors l’une des pièces maîtresses de la cité, située au centre, sur un terrain réservé aux équipements, en bordure de la place de l’Île-deFrance. A immédiate proximité se trouve un groupe scolaire ainsi qu’un collège, équipement d’ordinaire réservé à des ensembles plus grands que la Canardière. Elle a permis l’émergence d’un tissu associatif relativement dense, constitué notamment de la JEEP, une association d’éducation populaire née en 195650 et de diverses associations centrées autour de cultures étrangères. Cela reste néanmoins nettement insuffisant au vu de la jeunesse de la population du quartier. Ce tissu est cependant complété par une vie paroissiale très active, des dires des habitants,51 avec notamment une forte dimension interreligieuse, portée par des évènements comme la Fête des Peuples. Enfin, sont à noter deux pôles commerciaux, autour de la place de l’Île‑de‑France, l’un comprenant le premier supermarché coopératif de France52
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49. idem, p.86 50. Jeunes Equipes d’Education Populaire, Une brève histoire de la JEEP 51. Entretiens du 17 mai 2019 et du 30 septembre 2019
FAVORISER LA VIE EN COMMUNAUTE PAR L’EQUIPEMENT
dès 1961. Les commerces sont présents en nombre relativement suffisant mais de nombreux habitants continuent à effectuer leurs achats au centre-ville, près de leur lieu de travail.53 Nous pouvons donc constater dans cette première partie qu’un certain nombre de qualités de la cité de la Canardière lui sont intrinsèques. Qu’elles concernent l’environnement, la présence d’équipements, l’ordonnancement du quartier ou son caractère paysager, elles contribuent grandement à l’attachement des habitants à leur quartier. René Kaës cite Pingusson dans Vivre dans les grands ensembles : « Il serait chimérique de penser qu’ayant apporté aux hommes de la cité un équipement complet on peut s’attendre qu’ils soient heureux parce que comblés. Il manquera à ces hommes de n’avoir rien apporté d’eux-mêmes. On ne se sent attaché à un site, à une ville, à une maison que si l’on y donne quelque chose de soi-même. »54 Ceci entre en résonnance avec l’engagement des premiers habitants du quartier et ceci rend l’attachement d’autant plus fort.
52. Wikipédia, Coop (Alsace) 53. Woehl (Benard) et Kocher (André), op cit 54. Kaës (René), op cit, p.285 55. Nonn (Henri), op cit, p.95
Néanmoins, si pour Henri Nonn, la Canardière « illustre un cas d’aménagement péri-urbain où, progressivement, certains des griefs habituellement adressés aux grands ensembles s’estompent »,55 celle-ci n’est pas exempte de défauts et de lacunes. Certaines ont pu être brièvement abordées dans cette partie, et nous essaierons, dans la prochaine, de les détailler et de comprendre ce qui a mené au plan de rénovation urbaine et donc, à la cité que l’on connaît aujourd’hui.
Fig 15. Supermarché SUMA, 1960
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III
LA RÉNOVATION ET SES RAISONS Comme nous l’évoquions en introduction de ce mémoire, la présente partie nous fera nous pencher sur les raisons qui ont poussé à entreprendre un projet conséquent de rénovation urbaine au sein du quartier de la Canardière. Nous tenterons de déterminer en quoi la situation de la Canardière diffère d’autres grands ensembles ayant subi un programme similaire de ce point de vue. Il sera ensuite nécessaire de définir ce que l’on appelle rénovation urbaine, dans quel cadre elle est menée et quels en sont les acteurs.
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Square de la Peupleraie
UNE SITUATION DEVENUE CRITIQUE
Avant d’aborder le thème même de la rénovation urbaine, il est primordial de se demander pourquoi celle-ci a eu lieu. En effet, tous les grands ensembles ne subissent pas forcément ce type de programme, et encore moins en ces proportions, car tous ne sont pas l’objet d’une situation comparable. On pourra citer, par exemple à Strasbourg, le quartier de l’Esplanade, qui n’a pour l’heure subi aucun programme de rénovation conséquent. A la Meinau, on peut estimer que la situation avant rénovation est le résultat de deux conjonctures : l’une locale et l’autre nationale.
Une stigmatisation croissante des grands ensembles
1. Kaës (René), Vivre dans les grands ensembles, Paris, Les Editions Ouvrières, 1963 2. Lefebvre (Henri), « Les nouveaux ensembles urbains », in Revue française de sociologie, n°1, 1960, pp.186-201 3. Chamboredon (Jean-Claude) et Lemaire (Madeleine), « Proximité spatiale et distance sociale. Les grands ensembles et leur peuplement », in Revue française de sociologie, n°11, 1970, pp.3-33 4. Le Figaro, 14 janvier 1965 5. France Culture, Cages à lapin contre ville du futur : quand les grands ensembles divisaient la sociologie 6. L’Humanité, La sarcellite vue par la presse 7. Franceinfo, 21 mars 1973 : fin de la construction des grands ensembles
Si les premières critiques des grands ensembles apparaissent très rapidement après leur construction dans divers ouvrages de sociologie – René Kaës,1 Henri Lefebvre2 ou Jean-Claude Chamboredon,3 pour ne citer qu’eux – c’est une véritable attaque que vont subir ces quartiers et leurs habitants dès le milieu des années 1960. En 1965, Le Figaro4 évoque « ce silo à hommes, cet univers concentrationnaire dans lequel les gens ne chantent plus ». Peu avant, en 1963, c’est un journaliste de France-Soir5 qui crée le nom de sarcellite pour décrire ce mal des grands ensembles que les habitants subissent. De nombreux journalistes mettront ces problèmes sur le dos de l’immigration massive ayant cours durant cette période, sur la grisaille, la répétitivité ou la taille de ces grands ensembles.6 Tout cela mènera à une stigmatisation grandissante des habitants des grands ensembles dont les effets sont encore visibles aujourd’hui. Sociologues et anthropologues, eux, mettront l’accent sur l’absence ou la pauvreté des services, équipements et commerces dans ces quartiers. Si cette absence de services s’est vue palliée par la mise en place des grilles d’équipements que nous évoquions dans la partie précédente, le mal a déjà été fait. La pression de l’opinion publique est telle qu’en 1973, Olivier Guichard, Ministre du Logement, se voit contraint de signer une circulaire bannissant purement et simplement les grands ensembles.7 Cela donnera naissance par la suite à une seconde génération de grands ensembles, dont fait partie Hautepierre, par exemple. ( fig 1, p.58) Si le terme de sarcellite deviendra rapidement désuet et hors d’usage, la France verra progressivement poindre le « problème des banlieues », un terme remplaçant le précédent, à la différence près qu’il n’est plus localisé. Il implique ainsi que tous ces grands ensembles et tous ces quartiers d’habitat
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III - LA RENOVATION ET SES RAISONS
social connaissent le même problème, niant tout contexte local ou sociologique et rejetant purement et simplement la faute sur une forme architecturale ou urbaine pensée comme étant à l’origine de tous les maux.8 Cette stigmatisation des habitants de logements sociaux ainsi que le passage à une politique favorisant l’accès à la propriété et l’habitat pavillonnaire sous Valéry Giscard d’Estaing9 vont faire émettre à beaucoup le souhait de quitter les grands ensembles, laissant alors aux bailleurs une population globalement plus précaire et fragile : celle issue de l’immigration. La sociologie des grands ensembles va alors s’homogénéiser, avec une population issue de l’immigration de plus en plus présente dans ces quartiers, entraînant une stigmatisation d’autant plus importante, comme nous le rapporte Adil Jazouli, sociologue, dans l’émission Affaires sensibles le 22 juin 2017 sur France Inter : « Ces quartiers populaires, qui étaient déjà malfamés, car il faut savoir que les jeunes de ces quartiers, bien avant 81, étaient traités, principalement dans la littérature, dans les journaux, comme étant délinquants, comme étant en retard scolaire, comme étant même […] des jeunes immigrés. Ce n’étaient pas des jeunes français, la plupart étaient nés et ont grandi en France, mais on parlait de jeunes immigrés. »10 Cela donnera progressivement naissance à une crise des grands ensembles, avec comme principal évènement les émeutes des Minguettes, à Vénissieux, durant l’été 198111 – nous aborderons cet évènement par la suite. Une des causes reconnues de cette crise est le manque criant d’équipements. En particulier, l’arrivée des chocs pétroliers dans les années 1970 et l’entrée de l’économie française en récession va empêcher de finir de nombreux grands ensembles.12
8. Rasplus (Valéry), in Mondes Sociaux, Des grands ensembles aux problèmes des banlieues 9. Université Paris I – Panthéon Sorbonne, La solution des grands ensembles 10. France Inter, L’été des Minguettes 1981 « Les rodéos de la colère », à env. 35:00, 53:42min 11. Fourcaut (Annie), Les banlieues populaires ont aussi une histoire, in Projet, n°299, avril 2007, pp.7-15 12. France Inter, op cit, à env. 10:00
Mais la population de la Canardière se verra d’autant plus fragilisée durant les années 1970 à cause de problèmes locaux.
Fig 1. Campagne de l’Union Nationale des HLM, 1987
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UNE SITUATION DEVENUE CRITIQUE
Une perte massive de l’industrie locale et une sociologie trop homogène Comme nous l’avions évoqué précédemment, la cité de la Canardière est voisine, au sein de la Meinau, de la Plaine des Bouchers, une zone industrielle dont l’essor a commencé au début du XXe siècle. Jean-Claude Chamboredon nous explique dans Proximité spatiale et distance sociale13 que l’un des aspects principaux des grands ensembles est leur construction sous forme de juxtaposition de quartiers destinés chacun à accueillir une sociologie différente, en fonction du coût de leur construction, de leur qualité, de leur surface. Ils accueillent alors immigrés, relogés, fonctionnaires… Ainsi, contrairement à un quartier de ville classique, la sociologie globale du grand ensemble ne fait ressortir aucun groupe majoritaire : « S’il s’oppose nettement aux quartiers voisins, le grand ensemble n’est pas pour autant une unité homogène comme peut l’être un quartier traditionnel. […] Dans le cas du grand ensemble […], aucun groupe social n’est largement majoritaire : la différence entre la catégorie modale et les autres catégories est beaucoup plus faible ici que dans les autres quartiers. »14 Seulement, dans le cas de la Canardière, cette sociologie est plus contrastée, homogène suivant deux groupes majoritaires ressortant fortement, la cité ayant été construite précisément pour ces deux groupes.15 Ainsi, la SIBAR loge les fonctionnaires, comme évoqué précédemment, tandis que l’OPHLM de la Ville de Strasbourg construit principalement à destination des ouvriers de la Plaine des Bouchers voisine. La cité et ses habitants dépendent donc fortement de la bonne santé économique de la zone industrielle. 13. Chamboredon (Jean-Claude) et Lemaire (Madeleine), op cit 14. idem, pp.6-7 15. Ville et Eurométropole de Strasbourg, Cité de la Canardière 16. Ville et Eurométropole de Strasbourg, A la découverte des quartiers de Strasbourg : La Meinau 17. Mediapart, Strasbourg : le tram et les cités 18. ibidem 19. Entretien du 17 octobre 2019
Si durant les années 1970 elle était le principal poumon économique de la ville, avec plus de 12 000 emplois, celle-ci va connaître une perte de vitesse massive, jusqu’à tomber à 8 000 emplois en 2008.16 Seulement, elle va connaître en parallèle une tertiarisation de son activité et donc un besoin de moins en moins important en ouvriers, les emplois s’adressant plutôt à des cadres, des commerciaux et donc, pas aux habitants de la Canardière.17 Ceci va provoquer un repli sur soi des habitants de la cité, coincés qu’ils sont « entre cette zone où ils n’ont plus rien à faire, un lotissement de villas de luxe et une série d’espaces verts ».18 Cela correspond par ailleurs aux dires de certains habitants interrogés, qui rapportent l’émergence de divers problèmes au début des années 80 : rodéos, squatts, deal…19 Pour combattre à la fois les causes et les conséquences de cette situation,
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III - LA RENOVATION ET SES RAISONS
décision sera prise d’intégrer la Meinau à la politique de la ville et de lui faire profiter d’un plan de rénovation lourd, sous la houlette de l’ANRU. Avant de pouvoir analyser ce plan de rénovation, il nous faut évoquer les acteurs de ce plan, en comprendre les motivations et les objectifs.
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LA MISE EN PLACE DU PLAN DE RÉNOVATION URBAINE « La politique de la ville consiste en un ensemble d’actions de l’Etat visant à revaloriser certains quartiers urbains (appelés quartiers de la politique de la ville) et à réduire les inégalités sociales entre territoires. Elle comprend des mesures législatives et règlementaires, dans le domaine de l’action sociale et de l’urbanisme, dans un partenariat avec les collectivités territoriales reposant souvent sur une base contractuelle. »20
20. Observatoire National de la Politique de la Ville, Lexique 21. Nommée Commission Générale à l’Egalité des Territoires (CGET) jusqu’au 1er janvier 2020 22. Agence Nationale de la Cohésion des Territoires, Observatoire National de la Politique de la Ville
La voici telle que définie par l’Observatoire National de la Politique de la Ville (ONPV), une mission intégrée à l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires (ANCT)21 chargée entre autres du suivi et de l’évaluation des politiques publiques menées dans les quartiers de la politique de la ville.22 Seulement, avant de définir plus clairement en quoi consiste cette politique, il paraît primordial d’évoquer son histoire et sa création, celle-ci étant intimement liée à l’histoire des grands ensembles. Nous aborderons ensuite les différents acteurs qu’elle implique ainsi que ses objectifs et ses moyens. Ceci nous permettra par la suite de comprendre dans quel contexte ce Plan de Rénovation Urbaine (PRU) de la Meinau a été décidé et mis en place.
Une stigmatisation croissante des grands ensembles Comme nous l’évoquions précédemment, la fin des années 60 et particulièrement les années 70 sont un moment clé dans l’histoire des grands ensembles, avec une crise qui va s’installer progressivement et qui va nécessiter des solutions fortes.
23. Blanc (Maurice), La « politique de la ville » : une exception française ?, in Espaces et Sociétés, n°128-129, janvier 2007, pp.71-86 24. David (Jérome), Politique de la ville : chronologie, in Revue française des affaires sociales, mars 2001, pp.15-22 25. France Inter, op cit
Dès 1977, suite à l’évolution de la population des grands ensembles, on craint une ghettoïsation de ceux-ci, et surtout l’émergence d’émeutes urbaines comme celles survenues aux Etats-Unis ou en Angleterre.23 Une première action sera mise en place avec les opérations Habitat et Vie Sociale (HVS),24 concernant une cinquantaine de quartiers de grands ensembles et qui portera déjà en elle l’essence de la politique de la ville, à savoir le travail transversal entre les différents ministères concernés. Néanmoins, cette action sera suivie de peu d’effets et se résumera principalement à une rénovation des logements. En 1981 ont lieu les émeutes des Minguettes. Ce qui sera considéré au début comme un fait-divers obtiendra rapidement une couverture nationale, de par l’ampleur et la longueur de cet évènement.25 Le gouvernement récemment mis en place par François Mitterand, élu quelques mois plus tôt, tentera d’apporter
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III - LA RENOVATION ET SES RAISONS
une réponse autre que celle des forces de l’ordre uniquement, avec pour mot d’ordre « pas de bavure policière ».26 De nombreux jeunes de cette banlieue de Lyon volaient des véhicules en ville pour faire des rodéos face aux policiers, avant de les brûler. Ceci durera de longs mois, de juillet à octobre. – Il est intéressant à ce titre d’écouter l’émission dédiée à cet évènement diffusée sur France Inter le 22 juin 2017, celle-ci retraçant les causes et les conséquences de cet été 1981. ( fig 2)
La crise touchant à sa fin, en octobre sont conviés de nombreux élus et chercheurs à des Assises pour l’avenir des quartiers d’habitat social, avec pour thème « Vivre ensemble dans la cité », et dont le but est de trouver des solutions et des actions concrètes à mettre en place pour sortir de la crise et en éviter de futures.27
Fig 2. Emeutes aux Minguettes, 1981
Ces assises conduiront à la mise en place d’un éventail de solution parmi lesquelles : - Les missions locales, des structures dédiées à l’insertion professionnelle des jeunes, dès 1982 ;28 29 - Les Zones d’Education Prioritaire, donnant aux établissements scolaires qui en font partie des moyens supplémentaires et plus d’autonomie, en décembre 1981 ;30 31 - La mise en place d’un Fonds Social Urbain, mettant en place une solidarité nationale envers les quartiers souffrant de graves disfonctionnements sociaux, en 1984 ;32 - Un premier plan de rénovation urbaine et architecturale porté par l’architecte Roland Castro et l’urbaniste Michel Cantal-Dupart, Banlieues 89, et concernant 116 quartiers ;33 - Enfin, les premières lois de décentralisation donnant plus de latitude aux collectivités territoriales en termes d’urbanisme.34 Ces différentes mesures sont portées par différents ministères (Travail, Education Nationale, Equipement, entre autres) de façon transversale. C’est cette convergence de différentes politiques dans un même but que l’on appellera politique de la ville.35 Par la suite, de nombreuses actions s’intègreront à cette politique de la ville, notamment le Développement Social des Quartiers (DSQ),36 avec deux
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26. Idem, env. 38:00 27. Le Monde, « Vivre ensemble dans la cité », 25 septembre 1981 28. Wikipédia, Missions locales pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes 29. David, op cit 30. Wikipédia, Zone d’Education Prioritaire 31. David, op cit 32. ibidem 33. ibidem 34. ibidem 35. Blanc, op cit 36. David, op cit
LA MISE EN PLACE DU PLAN DE RENOVATION URBAINE
37. ibidem 38. Légifrance, Loi n°2003-710 du 1er aout 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine
tournants majeurs. Le premier à la fin des années 1980, avec le Développement Social Urbain, remplaçant le DSQ, pour ne plus travailler sur le quartier seul, mais sur le quartier comme une entité dans un environnement urbain, et en prenant mieux en compte ses liens avec la ville.37 Le second en 2003, avec le vote de la Loi Borloo,38 qui entérine la création de l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU), principal acteur de la rénovation urbaine en France.
Une stigmatisation croissante des grands ensembles L’ANRU n’est bien évidemment pas le seul acteur de la rénovation urbaine, celle-ci est portée par de nombreuses structures dont la plupart interviennent pour le compte d’autres structures. Depuis 1998,39 les opérations de rénovation urbaine sont définies dans ce qu’on appelle les Contrats de Ville – et qui ont été remplacés de 2007 à 2013 par les Contrats Urbains de Cohésion Sociale (CUCS). Ces contrats constituent la base partenariale entre tous les acteurs de la rénovation urbaine et leurs partenaires et forment un projet d’ensemble au niveau d’un territoire, au service du développement économique, du cadre de vie et de la cohésion sociale des Quartiers de la Politique de la Ville (QPV).40 41 Dans la situation étudiée ici, le CUCS signé en 200742 - celui intégrant la première phase du projet de rénovation urbaine de la Canardière, donc, et à ne pas confondre avec le Contrat de ville 2015-2020 – intègre trois principaux types d’acteurs :
39. Légifrance, Circulaire du 31 décembre 1998 relative aux contrats de ville 2000-2006 40. Anciennement Zones Urbaines Sensibles (ZUS) et Zones de Redynamisation Urbaine (ZRU) jusqu’en 2015 41. Agence Nationale de la Cohésion des Territoires, Les contrats de ville 42. Observatoire Régional de l’Intégration et de la Ville, Contrat Urbain de Cohésion Sociale de la Communauté Urbaine de Strasbourg 2007-2012 43. Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine, Convention Strasbourg Meinau
- L’Etat, par le biais du Préfet de région, également délégué de l’Agence Nationale pour la Cohésion Sociale et l’Egalité des Chances (ACSÉ) ; - Les collectivités territoriales – Conseil Régional, Conseil Général, Communauté Urbaine, Municipalités concernées ; - Les partenaires institutionnels – Caisse des Dépôts et Consignations, Caisse d’Allocations Familiales, Association régionale des organismes HLM. On notera l’absence, parmi ces signataires, de l’ANRU. En effet, si elle est l’acteur le plus connu, elle ne met pas en œuvre directement la politique de la ville mais seulement le volet rénovation urbaine, nous l’évoquerons par la suite. Le premier acteur à citer est la collectivité territoriale : c’est elle qui porte le projet de rénovation urbaine et qui construit un dossier qu’elle soumettra par la suite à l’ANRU.43 Celle-ci a pour principale mission d’assurer le financement de l’opération et possède un rôle bien particulier. En effet, en tant que financeur, elle possède un droit de regard sur les moyens mis en œuvre dans le cadre du projet et peut parfaitement refuser le financement si le projet ne correspond pas aux objectifs et méthodes qu’elle approuve. On pourra citer à titre d’exemple
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III - LA RENOVATION ET SES RAISONS
le projet de rénovation urbaine du Chemin Vert à Boulogne-sur-Mer, dont l’ANRU s’est désengagée suite à des refus de démolition de la part du maire alors en place.44 En parallèle, l’ACSÉ apportait des financements pour le volet social du projet, dans une proportion bien minime par rapport au volet urbain : on parle en 2006 d’un budget de 500 millions d’euros pour cette agence contre plus de 30 milliards pour l’ANRU.45 Le projet approuvé et financé, les collectivités locales font alors appel à d’autres acteurs pour le mettre en œuvre : bailleurs sociaux, sociétés d’équipements locales, architectes-conseil, promoteurs privés, etc. En résumé, dans le cas présent, la Communauté Urbaine de Strasbourg (CUS)46 et en particulier ses directions territoriales assure la passerelle entre l’architecteconseil – Athanor et Axe-Saône puis Nathalie Tappia du cabinet Intensités – qui dessine le plan-guide du projet, les bailleurs sociaux – CUShabitat47 et la SIBAR – qui rénovent, résidentialisent et reconstruisent le parc locatif social, les différents promoteurs privés – qui construisent des logements en accession à la propriété, et enfin l’ANRU – qui apporte les financements. ( fig 3)
Impôt CDC
Financeurs
apporte les financements
ANRU
Architecte-conseil projettent
CUShabitat SIBAR
portent le PRU
Collectivité territoriale
46. Aujourd’hui Eurométropole de Strasbourg (EMS) 47. Aujourd’hui Ophéa
finance le CUCS
Préfet
CUS/EMS
conseille
45. Blanc, op cit
ACSÉ
finance le PRU
Intensités architectes
44. Bouchain (Patrick), Pas de toit sans toi, Réinventer l’habitat social, Actes Sud, Arles, 2016
portent le CUCS
Partenaires institutionnels
confie des lots
Promoteurs
Bailleurs
Fig 3. Fonctionnement du CUCS et du PRU
66
LA MISE EN PLACE DU PLAN DE RENOVATION URBAINE
Objectifs et méthodes de l’ANRU Comme évoqué précédemment, ces financements sont conditionnés à l’application des méthodes et objectifs de l’ANRU. La finalité affichée est de faire de ces quartiers des « espaces urbains ordinaires », intégrés à la ville, en en reprenant la diversité des fonctions, des typologies, des activités et des relations.48 Pour cela, trois objectifs principaux ont été définis : la diversification (des fonctions, des typologies et des statuts de logements – privés ou sociaux), la mutabilité (avec un découpage clair des domaines public et privé) et le désenclavement (avec une meilleure connexion aux quartiers alentours et à la ville-centre).49 En parallèle, d’autres objectifs sont poursuivis, comme l’insertion professionnelle, avec notamment une part des emplois générés par la rénovation urbaine réservés aux habitants du quartier. Pour poursuivre ces objectifs, l’ANRU s’est fixée un panel de moyens d’action : la démolition, la reconstruction de logements sociaux, la réhabilitation, la résidentialisation, l’aménagement de la voirie et la création d’équipements publics.50 Il paraît important de revenir sur trois de ces moyens d’action, à savoir la démolition, la résidentialisation et dans une moindre mesure, la construction en accession à la propriété, ceux-ci étant régulièrement critiqués.
48. Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine, Objectifs et fondamentaux du PNRU 49. ibidem
Tout d’abord, la démolition est-elle nécessaire ? Pour sûr, elle peut parfois être incontournable dans certains cas, mais est-elle nécessaire en tant que solution avancée de façon aussi systématique ? On parle ici de plus de 150 000 logements démolis sur un peu moins d’un million d’opérations liées au logement entre 2004 et 2014, soit plus de 15% des opérations menées.51 Par ailleurs, ces démolitions sont fortement incitées par l’ANRU, grâce à d’importantes subventions : la démolition est prise en charge à près de 80% par l’ANRU en moyenne, contre 39% pour la résidentialisation, 21% pour la réhabilitation et 12% à peine pour la construction.52 Ainsi, la démolition représente le plus gros poste de subvention de l’ANRU, à près de 23%, alors qu’il ne s’agit que du 5ème poste d’investissement. En clair, il paraît important de s’interroger sur les bienfaits et la nécessité de ces démolitions quasi-systématiques alors même que cet acte est d’une violence forte pour les habitants.53 ( fig 4, p.66)
50. ibidem 51. Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine, PNRU, les chiffres 2014 52. ibidem 53. Entretien du 1er octobre 2019
Ensuite, nous devons également nous interroger sur l’impact de la résidentialisation et de la construction en accession à la propriété sur les problèmes sociaux de la cité. D’un côté la résidentialisation, consistant en la clôture de certains espaces publics (bien que souvent possédés par les bailleurs et non la commune) en pied d’immeuble pour en donner l’usage exclusif aux
67
III - LA RENOVATION ET SES RAISONS
Part des investissements Démolition Construction Changement d’usage Requalification d’îlots Réhabilitation Résidentialisation Amélioration à la Qualité de Service Aménagement Equipements Espaces commerciaux Habitat privé Ingénierie
Subvention ANRU
7.2% 41.2% 0.1% 1.4% 12.3% 4.3%
22.6% 20.6% 0.1% 1.4% 10.1% 6.7%
0.6%
0.9%
15.2% 10.1% 1.6% 3.6% 2.5%
18.2% 11.3% 1.2% 2.7% 4.2% Fig 4a. Répartition des dépenses de l’ANRU en 2014
Nombre de logements Démolition Construction Réhabilitation Résidentialisation
151 500 141 000 335 900 361 400
Investissement moyen 22 000€/lgt 137 000€/lgt 17 100€/lgt 5 500€/lgt
Montant Taux moyen de moyen de subvention subvention 17 400€/lgt 78% 17 000€/lgt 12% 3 500€/lgt 21% 2 100€/lgt 39% Fig 4b. Opérations de l’ANRU sur les logements en 2014
habitants de cet immeuble. Le principal objectif est de mieux marquer la limite entre le domaine public et le domaine privé – mais dans quel but ?54 Dans les faits, l’on peut raisonnablement considérer cette mesure comme sécuritaire – dans le but d’éviter le deal en pied d’immeuble, par exemple – mais ce type de solution permet-il réellement de résoudre la cause des problèmes plutôt que leurs conséquences ?55 De l’autre côté, l’accession à la propriété, ou plutôt les typologies mises en jeu pour ces immeubles. Ceux-ci sont constitués le plus souvent en petits immeubles collectifs, sous la forme d’ilots,56 en référence à la ville constituée, pour « retrouver la rue ».57 L’on peut se demander si la forme architecturale est
68
54. ibidem 55. Vanoni (Didier) et Peillon (Pierre), « Débat – La rénovation urbaine en question, Deux analyses contrastées… », in Informations sociales, n°123, mars 2005, pp.88-97 56. Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine, Objectifs et fondamentaux du PNRU 57. Vanoni et Peillon, op cit
LA MISE EN PLACE DU PLAN DE RENOVATION URBAINE
pertinente : existe-t-il un réel intérêt à intégrer des ilots semblables à ceux de la ville historique dans un plan d’urbanisme suivant les préceptes de la modernité ? 58. Réso Villes, PNRU, NPNRU, ANRU ? Comprendre les politiques de renouvellement urbain des quartiers prioritaires
Le Nouveau Plan National de Rénovation Urbaine (NPNRU) tente d’adresser ces critiques – et d’autres encore, notamment en ce qui concerne l’arrêt des démolitions systématiques ou encore une meilleure intégration des habitants à l’élaboration du projet.58 Nous évoquerons ceci dans la dernière partie de ce mémoire.
69
ÉTAT DES LIEUX AVANT OPÉRATION
Maintenant que nous avons pris connaissance des différents acteurs et des méthodes en jeu, nous pouvons analyser le projet de rénovation urbaine mené à la Canardière. Nous commencerons d’abord par étudier les problèmes générés par le contexte sociologique du quartier, puis ceux qui découlent du plan original de Charles-Gustave Stoskopf. Enfin, nous nous pencherons sur les solutions architecturales et urbanistiques mises en œuvre pour les résoudre.
Un fossé sociologique entre deux populations au sein du quartier Comme évoqué précédemment, le quartier de la Meinau est marqué par une séparation très nette entre différentes populations. Cette séparation est à la fois sociologique et géographique et nous étudierons ici son caractère sociologique. Il est à noter qu’en fonction des jeux de données récoltés pour établir cette étude et celle qui suivra dans la dernière partie de ce mémoire, les limites géographiques des statistiques utilisées peuvent varier. En particulier, certains jeux de données concernant l’éducation ou l’insertion professionnelle sont aujourd’hui constitués à l’échelle du QPV Neuhof-Meinau en vigueur depuis 2015 et non plus à l’échelle de la Canardière seule – plus de précisions sur ce changement d’échelle seront apportées dans la partie suivante. Pour aborder la sociologie du quartier et ses problématiques, nous nous baserons principalement sur quatre familles d’indicateurs, constituées à partir de données de l’Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques (INSEE) qui nous sont accessibles. Ces indicateurs font partie de ceux retenus par l’INSEE dès 1990 pour l’étude des Zones Urbaines Sensibles (ZUS)59 ou, plus récemment dans les fiches thématiques Données sur les quartiers de la politique de la ville.60 Ainsi, les quatre familles d’indicateurs sont : - La population : démographie, composition des ménages ; - La formation et l’activité professionnelle : diplômes obtenus, décrochage scolaire, répartition des catégories socio-professionnelles ; - Les revenus : répartition des revenus déclarés et disponibles, taux de pauvreté, constitution du budget du ménage ; - Le logement : surface des logements, typologies, ancienneté dans le logement, ménages locataires ou propriétaires, équipement en véhicules.
70
59. Choffel (Philippe) et Moreau (Jacques), « Politique de la ville : quelles données statistiques pour les quartiers prioritaires ? », in Revue Française des Affaires Sociales, mars 2001, pp.39-53 60. INSEE, Données sur les quartiers de la politique de la ville
ETAT DES LIEUX AVANT OPERATION
Il est à noter pour la répartition des revenus que si les informations sur les revenus déclarés (issus du travail) sont disponibles à partir de 2006, celles sur les revenus disponibles (comprenant les prestations sociales ou les revenus du patrimoine) ne le sont qu’à partir de 2012. Enfin, les données statistiques utilisées sont – sauf indication contraire – indiquées à l’échelle de l’IRIS, échelle de référence de l’INSEE pour les données infra-communales dont les contours sont définis selon des critères géographiques et démographiques.61 Les contours des IRIS sont consultables sur Géoportail.62
61. INSEE, IRIS 62. Géoportail, Fond de carte « IRIS » 63. Kaës (René), Vivre dans les grands ensembles, Paris, Les Editions Ouvrières, 1963 64. INSEE, Données sur les quartiers de la politique de la ville, Estimations démographiques en 2015 65. INSEE, Evolution et structure de la population en 2006 66. INSEE, Population en 2006 67. Entretien du 19 novembre 2019
En termes de population, la cité de la Canardière n’échappe pas à la situation commune des grands ensembles en France, à savoir que leur population est plus jeune que la moyenne. Ceci était déjà décrit par René Kaës en 196363 et cela est globalement toujours d’actualité.64 Ainsi, si la pyramide des âges au niveau national se resserre en dessous de la tranche des 30-44 ans,65 ce n’est pas le cas à la Canardière66 en 2006. On constate à l’inverse un resserrement bien plus net au-delà de 60 ans comparé à la situation nationale. ( fig 5) En revanche, si l’on observe la situation au niveau des quatre IRIS du quartier, l’on constate que la situation est extrêmement disparate. Ainsi, dans l’IRIS Canardière Ouest Ouest, couvrant la majeure partie des immeubles de la SIBAR, on constate que la population est répartie de manière presque homogène, avec notamment beaucoup d’habitants de 60 ans et plus. Ceci corrobore avec la situation rapportée par la Direction de Territoire Neuhof-Meinau67 : les fonctionnaires logés par la SIBAR prennent progressivement leur retraite et ceci 75+
75+
60-74
60-74
45-59
45-59
30-44
30-44
15-29
15-29 0-14
0-14 1 000
500
0
500
1 000
6M
4M
2M
Canardière
200
75+
75+
60-74
60-74
45-59
45-59
30-44
30-44
15-29
15-29
0
2M
4M
6M
France entière
0-14
0-14 400
0
200
IRIS Canardière Ouest Ouest En jaune, les hommes ; en bleu, les femmes
400
400
200
0
200
400
IRIS Canardière Est Est Fig 5. Pyramides des âges en 2006
71
III - LA RENOVATION ET SES RAISONS
pose un problème majeur : un grand nombre de ces couples de retraités vivent toujours dans des logements de 3 pièces ou plus, provoquant une situation de blocage pour les familles avec enfants voulant s’y installer. Dans l’IRIS Canardière Ouest Est, partagé entre le domaine de la SIBAR et celui de CUShabitat, la pyramide se rapproche un peu plus de celle du niveau national. Enfin, totalement à l’opposée, dans les deux IRIS regroupant principalement des immeubles de CUShabitat, Canardière Est Est et Canardière Est Sud, la population est jeune, voire très jeune. On trouve une répartition des personnes âgées proches de la normale dans l’IRIS Est Sud, mais cela est probablement dû à la présence d’un petit ensemble de pavillons cossus au SudEst du quartier et faisant partie de l’IRIS. La pyramide de l’IRIS Est Est, elle, porte bien son nom : les personnes âgées sont présentes en nombre minime comparé aux populations les plus jeunes et la tranche des 75 ans et + est presque inexistante. Il se trouve que dans cet IRIS, la répartition des catégories socioprofessionnelles68 montre que l’écrasante majorité des habitants sont employés, ouvriers, retraités ou sans activité. En parallèle, l’observation des revenus médians69 montre que nous avons ici à faire à la partie la plus précaire du quartier. Sur l’ensemble des revenus cumulés de la zone en 2012,70 la part des prestations sociales dans ces revenus est de 31%, dont 11% sont des minimas sociaux, distribués aux personnes les plus précaires. A titre de comparaison, les prestations sociales ne comptent que pour 5% sur l’IRIS Ouest Ouest. Il a déjà été prouvé que l’espérance de vie dépendait énormément de la situation professionnelle et sociale du foyer71 et nous ne sommes font pas surpris de trouver dans cette partie du quartier moins de personnes âgées que dans le reste de la cité. ( fig 6) Artisans, commerçants, chefs d’entreprise Professions intermédiaires Employés Ouvriers Retraités
68. INSEE, Population en 2006
Sans activité Fig 6. Répartition des catégories socioprofessionnelles dans l’IRIS Canardière Est Est en 2006
En termes de revenus, si la situation est contrastée entre les différentes zones du quartier, la route de la Meinau, bordant la cité au Nord, constitue une réelle fracture entre deux mondes, avec des revenus doublés chez les habitants des villas.72 ( fig 7, p.71)
72
69. INSEE, Indicateurs de structure et de distribution des revenus en 2006 70. INSEE, Revenus, pauvreté et niveau de vie en 2012 71. INSEE, Espérance de vie à 35 ans par catégorie socioprofessionnelle et diplôme en 2013
ETAT DES LIEUX AVANT OPERATION
21 413€
25 340€ 7 723 € 6 666€
17 557€
13 259€ 7 414€ 5 538€
6 464€ 9 129€
15 557€
21 441€
17 500€ 22 837 €
En rouge, les IRIS dont le revenu médian est inférieur au seuil de pauvreté
Fig 7. Revenu médian déclaré par IRIS en 2006
Sur le volet du logement, la situation est, comme évoquée précédemment, disparate entre la SIBAR et CUShabitat. Ainsi, l’écrasante majorité des logements dans les IRIS couvrant le domaine de CUShabitat sont d’une surface comprise entre 40 et 100m², avec très peu de logements au-dessus, là où la SIBAR en propose davantage.73 Ceci se voit également dans la répartition des typologies de logement. Par ailleurs, peu importe l’IRIS étudié, environ la moitié des habitants vit dans le même logement depuis 10 ans ou plus et très peu ont emménagé dans les deux ans précédant l’étude. Il est cependant dur de tirer des conclusions de cette information : si l’attachement au quartier est bien présent parmi les habitants de la SIBAR et dans une certaine mesure, de CUShabitat, le fait que la population de ce bailleur soit plus précaire implique d’intégrer comme paramètre l’incapacité à déménager par manque de moyens. ( fig 8, p.72) 72. INSEE, Indicateurs de structure et de distribution des revenus en 2006 73. INSEE, Logement en 2006 74. ibidem
Enfin, dernière donnée concernant le logement : les habitants des secteurs à l’Est sont pour l’écrasante majorité locataires de leur logement, et surtout locataires de HLM. A contrario, dans l’IRIS Ouest Ouest, peu de HLM mais près d’un tiers des habitants propriétaires de leur logement, ceci correspondant à la présence de copropriétés tout à l’Ouest du quartier.74 Par ailleurs, les habitants de l’Ouest sont bien plus nombreux à posséder une voiture ou plus (78%
73
III - LA RENOVATION ET SES RAISONS
IRIS Ouest Ouest Ouest Est Est Est Est Sud
T1
T2 296 77 4 0
T3 353 111 110 79
T4 437 386 493 247
T5+ 471 279 370 221
417 165 105 116 Fig 8. Répartition des typologies par IRIS en 2006
d’entre-eux) que ceux de l’Est (53% et 68%).75 Ainsi, ce sont paradoxalement les habitants de l’Est qui sont dépendants des transports en commun alors que ce sont ceux de l’Ouest jouissent de la présence du tramway à proximité (environ 400 mètres de marche entre le secteur SIBAR et l’arrêt Emile Mathis, contre plus d’un kilomètre entre le secteur CUShabitat et l’arrêt Hohwart). Enfin, nous finirons cette étude des habitants du quartier avec quelques informations concernant la scolarité et la formation. Concernant le taux de scolarisation entre 15 et 29 ans76 est très disparate : il va de 50% dans l’IRIS Ouest Ouest à seulement 34% dans l’IRIS Est Est.77 Ceci peut être synonyme de deux phénomènes : d’une part une déscolarisation plus forte des élèves en fin de collège ou durant le lycée ; d’autre part un taux plus faible d’entrée dans l’enseignement supérieur. Il se trouve justement que dans la population de 15 ans et plus à l’Ouest, un quart des habitants titulaires d’un diplôme supérieur au niveau collège au moins sont titulaires d’un diplôme de niveau Bac+2 ou plus, un tiers titulaires du Baccalauréat ou d’un Bac Pro et un tiers environ d’un CAP ou BEP, ce taux élevé étant probablement dû à une population plus âgée et donc plus susceptible d’être titulaire d’un CAP/BEP que d’un diplôme de niveau supérieur à Bac+2.78 A l’opposée, à l’Est, très peu nombreux sont les titulaires d’un diplôme du supérieur et près de deux tiers du contingent possède un CAP ou un BEP. Enfin, il est intéressant de noter que l’on trouve bien plus d’étudiants de 18 à 24 ans dans le supérieur à l’Ouest du quartier qu’à l’Est quand la population de ce secteur est bien plus âgée en moyenne, et ce, même en chiffres bruts (293 étudiants en 2006 pour les trois IRIS Est cumulés, contre 326 pour le seul IRIS Ouest Ouest). Enfin, nous finirons sur les questions de sécurité, pour lesquelles nous n’avons pas de chiffres précis à disposition. Tout juste sait-on que de nombreux habitants et élus rapportent des faits de petite délinquance, de deal et surtout, d’explosion de voitures – en particulier à la Saint-Sylvestre.79 Strasbourg est depuis longtemps considérée comme « le feuilleton violent du réveillon »80 et si cela se réfère aujourd’hui plutôt au quartier du Neuhof, ces évènements ont bel et bien la Meinau pour origine. Le Maire de quartier nous rapporte le déploiement de charges de gendarmes mobiles pour endiguer cela le soir même.81 ( fig 9)
74
75. ibid 76. La scolarisation est obligatoire en France jusqu’à 16 ans seulement 77. INSEE, Diplômes – Formation en 2006 78. INSEE, Diplôme le plus élevé selon l’âge et le sexe en 2018 79. Entretiens 80. Libération, A Strasbourg, les médias ont-ils soufflé sur les incendies de voitures ?, 12 janvier 1998
ETAT DES LIEUX AVANT OPERATION
81. Entretien du 1er octobre 2019
En clair, la population de la cité de la Canardière est bel et bien marquée par de profondes inégalités tant en termes de démographie que de revenus ou de conditions de vie. Cette coupure est non seulement sociologique mais aussi géographique, avec un IRIS Ouest Ouest cumulant des Fig 9. Emeutes urbaines à la Meinau revenus confortables et de bonnes conditions de vie quand d’autres IRIS, et en particulier Est Est sont accablés par une situation de précarité de leur population. Il s’agira dans la sous-partie suivante de constater entre-autres si cette coupure géographique se traduit dans l’espace ou si les problématiques spatiales sont « équitablement réparties » dans le quartier.
Une urbanité inégalitaire ? Des entretiens réalisés et de l’observation du quartier, nous pouvons retirer trois ensembles de problèmes majeurs perturbant le bon fonctionnement du quartier : ceux liés à l’architecture et à la conception des bâtiments, ceux liés aux espaces publics et aux équipements et enfin ceux liés à la circulation et à l’enclavement du quartier. Comme rapporté par le Maire de quartier, il existe peu ou prou trois types de bâtiments à la Canardière.82 Le problème n’est pas tant le manque de diversité – on peut très raisonnablement penser qu’un bâtiment bien réalisé garde ses qualités propres même répété en plusieurs exemplaires – que le fait que dès qu’un type de bâtiment devient obsolète, c’est toute une partie du quartier qui en pâtit.
82. Entretien du 1er octobre 2019 83. Entretien du 17 mai 2019 84. Entretien du 19 novembre 2019 85. Wikipédia, Taille des logements en France
Si les immeubles de la SIBAR, même non-rénovés, restent plutôt confortables par rapport aux normes actuelles,83 ce n’est pas du tout le cas de ceux de CUShabitat. En effet, comme évoqué précédemment dans ce mémoire, les immeubles et les logements des deux bailleurs gardent des plans forts similaires avec pour seule distinction la profondeur du logement, de 12 mètres à la SIBAR et de 8 mètres chez CUShabitat. En résultent des logements bien trop petits dans le patrimoine de ce dernier bailleur, comme rapporté par la Direction de Territoire84 et comme évoqué dans la partie précédente. En effet, ces logements sont le plus souvent de type T3, mais d’une surface de 55m² environ, alors que la norme aujourd’hui se situe plutôt aux alentours de 65m² avec un minimum à 60m² dans du neuf et 54m² dans de la rénovation.85
75
III - LA RENOVATION ET SES RAISONS
Egalement, le Maire de quartier évoque la situation problématique des tours à la fin des années 2000 : « Quand j’avais visité cette tour un an auparavant, c’était la cour des miracles. C’est-à-dire que quand on me l’avait fait visiter, les relogements venaient de démarrer, mais j’en ai un souvenir... J’emploie à dessein le terme «cour des miracles». De la prostitution, de la drogue, des gamins qui courent au milieu de seringues... Vraiment la cour des miracles. »86 Il évoque également le fait qu’on ne sait pas faire, d’après lui, de l’habitat social de qualité sous forme de tour. Qui plus est, ces tours sont complexes à réhabiliter à cause de leur structure et leur image est catastrophique aux yeux des habitants qui les associent fortement à l’insécurité et à la délinquance, celles-ci étant concentrées aux pieds de ces immeubles.87 Enfin, elles posent un dernier problème majeur : celui de leur emplacement. En effet, deux d’entre-elles sont situées aux extrémités de l’avenue de Normandie et l’encadrent. Si la tour située à l’Ouest, la relation qu’elle a avec la place de l’Ile-de-France rend le problème moins important, celle située à l’Est empêche tout simplement l’avenue de déboucher sur la rue du Rhin Tortu qui borde le quartier : une petite rue – la rue de Picardie – relie péniblement les deux en contournant la tour, ce qui contribue à un certain enclavement du quartier et à une sous-fréquentation des abords de celui-ci.88 ( fig 10) Mais ce n’est pas le seul souci causé par la voirie : en effet, la disposition rigide
86. Entretien du 1er octobre 2019 87. CUEJ.info, Mathieu Cahn : « La diversification des formes urbaines est réussie » 88. Entretien du 1er octobre 2019
Fig 9. Débouché de l’avenue de Normandie en 2008
76
ETAT DES LIEUX AVANT OPERATION
des immeubles rend certaines rues tortueuses et l’évolution en tant que piéton dans le quartier est rendue complexe. Plus encore, l’absence totale de pistes cyclables89 rend la circulation à vélo dangereuse, un comble alors que la ville de Strasbourg est réputée pionnière en France sur ce mode de transport.90 Les espaces publics et les équipements posent eux aussi quelques problèmes. Une grande partie de l’espace public du quartier est situé entre les immeubles et est en réalité sur le domaine privé des bailleurs. Il n’est que peu investi par les habitants, en dehors du commerce souterrain.91 Par ailleurs, une grande différence de traitement est visible en fonction du bailleur : les pieds d’immeubles de la SIBAR bénéficient de végétation, d’alignements d’arbres et de mobilier, là où ceux de CUShabitat sont laissés vides en dehors de l’espace réservé au parking. Cette différence de traitement s’explique par le fait que les coûts d’entretien de ces espaces incombent alors aux bailleurs, qui les répercutent sur les habitants, et non à la collectivité comme à l’accoutumée.92 Les habitants de la SIBAR ayant des revenus plus élevés, leurs charges sont alors un poste de dépense d’autant plus important pour le foyer.93 A contrario, les locataires de CUShabitat n’ayant pas les moyens d’assumer cette dépense, l’entretien de ces espaces verts en est réduit à la part congrue et leur usage est donc fort limité. Cette structure foncière assez peu commune existe ailleurs à Strasbourg, dans le quartier de l’Esplanade.94
89. ibidem 90. Libération, Vélo : Strasbourg en connaît un rayon, 1 setpembre 2017 91. Entretien du 1er octobre 2019 92. ibidem 93. Entretien du 17 mai 2019 94. Rue89Strasbourg, Plongée dans l’opacité de l’Asere, le super syndicat de copropriétés de l’Esplanade
En termes d’équipements, l’on peut noter que ceux-ci sont principalement concentrés autour de la place de l’Ile-de-France et bénéficient donc plus facilement aux locataires de la SIBAR qu’à ceux de CUShabitat, plus éloignés. L’extrême Est du quartier ne bénéficie que de deux écoles à proximité, quand l’Ouest concentre les commerces et les différents services publics, ainsi que le collège de la zone. ( fig 11, p.76) En clair, la plupart des problèmes sont communs à tout le quartier et dépendent directement de sa conception. En revanche, les habitants de l’Est du quartier subissent en plus de cela des logements trop petits et un éloignement relatif des équipements de quartier. L’enjeu du Plan de Rénovation Urbaine ne sera alors pas uniquement d’améliorer le fonctionnement du quartier mais également de rééquilibrer celui-ci entre les différentes populations l’habitant.
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III - LA RENOVATION ET SES RAISONS
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Fig 11. Répartition des services avant la rénovation urbaine
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IV
DES MOYENS POUR QUELS RÉSULTATS ? Il est très clair que la cité de la Canardière s’est véritablement et durablement transformée depuis le début du Plan de Rénovation Urbaine. Certains endroits ont été complètement remodelés, tandis que d’autres ont été plus simplement réhabilités en tirant parti de la situation initiale. Cette dernière partie vise à étudier la rénovation et les premiers résultats de celle-ci, dans l’aspect du quartier, puis sur les habitants eux-mêmes. Enfin, nous aborderons la seconde phase de la rénovation urbaine, qui débute tout juste.
79
Place de la Meinau
LE PROJET ET SES MOYENS
C’est donc le 11 décembre 2006 que sera signée la Convention de rénovation urbaine de la Meinau-Canardière 2005-2010.1 Le projet est conséquent : combinée avec la rénovation urbaine de Hautepierre, ces deux plans comptent pour près de deux tiers du budget de l’ANRU investi à Strasbourg.2 Il totalise ainsi un budget de 232 millions d’euros pour 9 000 habitants environ et prévoit la démolition d’un peu plus de 600 logements et la construction, réhabilitation, reconstruction et résidentialisation de près de 3 000 logements.3 Le projet a été élaboré par le groupement d’architectes Athanor/Axe-Saône, avant d’être repris par le cabinet nancéien Intensités en 2013.4 Nous analyserons dans cette dernière sous-partie comment le projet ainsi constitué a cherché à résoudre les problèmes urbains et architecturaux évoqués précédemment.
Diversifier les habitats en assurant l’unité Nous l’avons évoqué à plusieurs reprises durant ce mémoire : l’offre de logements au sein de la cité de la Canardière est extrêmement standardisée tant en termes de typologies et de plan qu’en termes de situation – location ou propriété privée. Par ailleurs, et nous l’avons aussi évoqué, la diversification des formes de logement est l’un des principaux leviers qu’utilise l’ANRU pour apporter de la mixité dans les quartiers sur lesquels elle intervient. Principalement, cette politique vise à diversifier l’offre en intégrant du locatif libre (privé) ou de l’accession à la propriété, en partie à destination des populations vivant déjà sur place dans des logements sociaux, mais aussi en visant des populations extérieures au quartier pour y apporter de la mixité sociale. 1. ANRU, Convention Strasbourg Meinau 2. Ecole Normale Supérieure, Le quartier de la Meinau-Canardière 3. Eurométropole de Strasbourg, 2005-2015, l’expérience des projets de rénovation urbaine 4. Entretien du 25 novembre 2019 5. Eurométropole de Strasbourg, op cit 6. ANRU, Avenant simplifié 01 Strasbourg Meinau-Canardière 7. Eurométropole de Strasbourg, op cit
Par ailleurs, certains immeubles de logements sociaux étant détruits pour les besoins de la rénovation urbaine – nous y reviendrons, d’autres vont devoir être reconstruits. Ceci s’effectue en partie sur site et en partie hors du site, avec une ventilation de ces logements sur d’autres communes moins dotées.5 Ceci pose également la question du relogement des populations dont le logement est détruit. En effet, un avenant à la convention a été signé en 2009, suite à un changement de majorité à la mairie et donc à un changement de méthode.6 Notamment, celui-ci prévoit suite à une demande des habitants de réaliser une plus grande partie que prévue de ces reconstructions sur site : un peu plus de la moitié au final.7 Dans les faits, cela se traduit par deux formes de mises en chantier. D’un côté, les logements sociaux font l’objet de bâtiments ou d’ensembles de bâtiments relativement imposants par leur taille, avec une cohérence forte dans
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IV - DES MOYENS POUR QUELS RESULTATS ?
leur conception. De l’autre côté, les locatifs libres et les logements en accession à la propriété sont l’objet d’un ensemble de parcelles dont chacune est confiée à un promoteur différent, sur un processus similaire à celui par lequel les ZAC se conçoivent,8 avec une cohérence de l’emprise au sol – car plus ou moins imposée par l’ANRU – mais un traitement architectural parfois très contrasté d’un bâtiment à l’autre. Si les contraintes imposées par les fondamentaux de l’ANRU permettent ainsi une certaine forme d’unité, avec la création d’ilots aux franges du site, la lecture de celle-ci est totalement brouillée par la profusion de styles architecturaux différents. En revanche, Nathalie Tappia, de l’agence Intensités, estime qu’il est nécessaire d’apporter des silhouettes différentes dans le quartier, avec une certaine mesure : il ne faut surtout pas systématiser ceci, il faut simplement apporter de la singularité dans le projet.9 ( fig 1) D’un autre côté, la réhabilitation des logements existants fait l’objet d’un tout autre traitement. Ces immeubles ont déjà subi une réhabilitation légère dans les années 199010 avec notamment l’utilisation de différents matériaux de façade ayant plutôt mal vieilli. Ici, un premier parti pris en faveur de la sobriété : le retour à une teinte blanche pour tous les bâtiments dessinés par Stoskopf, comme à l’origine. Cela a pour principal but de remettre la trame bâtie en évidence, d’en améliorer la lisibilité. En effet, pour Nathalie Tappia, si d’ordinaire ce sont les contraintes géographiques qui fondent le socle du projet, dans le cas de la
Immeubles démolis
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Démolitions prévues
Constructions neuves
8. Voir la ZAC Danube à Strasbourg 9. Entretien du 25 novembre 2019 10. ANRU, Convention Strasbourg Meinau
Fig 1. Mises en projet et démolitions d’ici à 2025
LE PROJET ET SES MOYENS
Meinau, c’est bel et bien sur la trame bâtie que tout repose et c’est donc de cet élément que doit tirer parti le projet.11 ( fig 2)
11. Entretien du 25 novembre 2019
A cette échelle, la rénovation aura également été l’occasion de résidentialiser les pieds d’immeubles pour leur donner un statut – foncier et d’usage – plus défini.
Fig 2. Immeuble rue de Provence avant rénovation, 2008
Créer l’espace public En effet, l’un des problèmes dont souffrait la cité de la Canardière, comme de nombreux grands ensembles, était le manque de définition et de différenciation des espaces et de leurs statuts respectifs,12 comme le rapporte le maire de quartier : « C’est faux de parler d’espace public, il n’y a jamais eu d’espace public. La rénovation urbaine, elle a créé l’espace public, puisqu’avant la rénovation urbaine, tous ces espaces à usage public étaient des espaces privés propriété des bailleurs. Donc l’entretien pesait sur les locataires et non pas sur la collectivité, et l’un des enjeux de la rénovation urbaine, ça a été justement de mieux distinguer ce qui est du domaine public et ce qui est du domaine privé. »13
12. ibidem 13. Entretien du 1er octobre 2019
L’on peut voir encore aujourd’hui, dans les secteurs qui n’ont pas encore fait l’objet d’une rénovation, le problème évoqué : les espaces entre les immeubles ont un statut s’apparentant à celui d’un espace public, mais sans aucun usage clair. Le choix a été fait, en suivant les fondamentaux de l’ANRU, de résidentialiser ces pieds d’immeubles, le plus souvent en limitant l’accès aux habitants de ceux-ci mais en laissant l’usage de cet espace vert à l’ensemble des locataires. En revanche, certains immeubles de la SIBAR ainsi que les immeubles en accession à la propriété ont fait l’objet d’un traitement différent, en donnant l’usage
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IV - DES MOYENS POUR QUELS RESULTATS ?
exclusif de ces espaces aux locataires du rez-de-chaussée, sous forme de jardins privatifs.14 ( fig 3) Les quelques réels espaces publics, eux, se sont vus rénovés voire agrandis. Ainsi, la place de l’Ile-de-France, centralité principale du quartier, a vu son statut renforcé, notamment par le réaménagement de ses abords – notamment le parvis de l’Eglise Saint-Vincent-de-Paul, dans le but d’y intégrer un espace de jeu pour les enfants ou encore d’améliorer la disposition du marché du quartier.15 De l’autre côté du quartier, la destruction de quelques bâtiments, notamment de commerces, a permis une extension conséquente du square de la Peupleraie, faisant bénéficier aux habitants du Sud-Est d’un grand espace récréatif pour les enfants. Enfin, la destruction de quelques autres bâtiments a permis une meilleure mise en valeur du parc Schulmeister proche, et donc d’augmenter sensiblement sa fréquentation pour les habitants,16 au point de devenir l’un des éléments les plus identifiés par ceux-ci dans le cadre des entretiens.17 ( fig 4, 5 et 6, p.83-84)
14. ibidem 15. ibid 16. ibid 17. Entretiens du 17 mai 2019, 30 septembre 2019, 17 octobre 2019
Fig 3. Résidentilisation d’un immeuble de CUShabitat, 2019
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LE PROJET ET SES MOYENS
Fig 4. Square de la Peupleraie, 2019
Fig 5. Aire de jeu de la place de l’Ile-de-France, 2019
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IV - DES MOYENS POUR QUELS RESULTATS ?
Fig 6. Jardin interreligieux de l’Eglise St-Vincent-de-Paul, 2019
Fig 7. Plateforme bus de l’avenue de Normandie, 2019
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LE PROJET ET SES MOYENS
Redéfinir la voirie pour désenclaver En effet, le parc, dernier vestige du domaine Schulmeister, n’était jusqu’ici que peu fréquenté par les habitants.18 Ceci était principalement dû à un problème majeur du plan de Stoskopf, qui est celui des franges du quartier. Entre autres, la délimitation de l’avenue de Normandie par deux tours à ses extrémités lui donnait un statut plutôt confidentiel, alors même qu’elle constitue l’axe principal du quartier. Comme évoqué précédemment, à l’Est, seule la rue de Picardie rejoignait la rue du Rhin Tortu, en contournant péniblement l’une des tours. Le piéton arrivant jusqu’ici se voyait gratifié de la possibilité de traverser une route à deux fois deux-voies pour accéder au parc Schulmeister : « La rue du Rhin Tortu, c’était une deux fois deux-voies sur laquelle vous aviez 22 000 véhicules/jour, le parc Schulmeister, personne n’y allait, il avait beau exister, personne n’y allait parce qu’il fallait traverser quatre voies de circulation et donc les gamins, il n’était pas question qu’ils y aillent seuls, par exemple. »19 Tout l’enjeu était alors de permettre au quartier de mieux s’agripper à son environnement proche : le parc Schulmeister, le Baggersee et le quartier voisin du Neuhof. Egalement, la redéfinition de la voirie a permis l’intégration de pistes cyclables dans le quartier, permettant aux habitants de se déplacer plus aisément. Enfin, l’extrémité Est de l’avenue de Normandie profite dorénavant d’une plateforme bus, de même que la place de l’Ile-de-France, pour améliorer la desserte en transports en commun et notamment pour permettre un rabattement plus efficace vers les trois lignes de tramway proches : A et E à l’Ouest et C à l’Est. ( fig 7, p.84)
18. Entretien du 1er octobre 2019 19. ibidem 20. Entretien du 25 novembre 2019 21. ibidem
Le cheminement piéton a lui aussi fait l’objet d’un travail particulier, avec la possibilité laissée par certaines démolitions de rendre le cheminement moins tortueux, de permettre une lecture plus simple de l’espace. Si ces cheminements étaient déjà nombreux à l’origine, Nathalie Tappia a souhaité les améliorer pour constituer à terme une véritable trame piétonne.20 Enfin, un dernier travail conséquent a été fait sur l’aménagement paysager, notamment autour des voiries. Si la Canardière a été conçue comme un projet intégrant un traitement important des espaces verts, ceux-ci ne regroupaient que quelques essences d’arbres différentes. Le choix a donc été fait de diversifier celles-ci et d’apporter une végétation plus basse en bordure de voirie, notamment dans le secteur autour du square de la Corse, ceci dans un but esthétique, mais également pour favoriser l’émergence d’une biodiversité au sein du quartier, celle-ci se faisant rare dans les grands ensembles.21 Tout ceci doit concourir à la création d’une véritable trame verte au sein du quartier. ( fig 8, p.86)
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IV - DES MOYENS POUR QUELS RESULTATS ?
Fig 8. Square de la Corse, 2019
Redéfinir la voirie pour désenclaver Enfin, un dernier sujet traité est celui des équipements, qu’ils soient publics ou commerciaux. Ceux-ci étaient principalement concentrés autour de la place de l’Ile-de-France, donc vers l’Ouest du quartier. Ce pôle a été renforcé avec la création de commerces en rez-de-chaussée dans les nouveaux immeubles adjacents. Celui-ci a été complété par la création d’un pôle secondaire à l’Est, comprenant notamment des commerces de proximité. Egalement, les écoles ont également bénéficié du programme ANRU, avec des rénovations lourdes et la création d’une restauration scolaire sur place pour chacune d’entre-elles.22 Les équipements publics ont été rénovés pour certains, comme le centre médico-social, et reconstruits pour d’autres, comme le multiaccueil. Enfin, bien que cela n’entre pas dans le périmètre de la rénovation ANRU car réalisé dans les années précédant celle-ci, il est à noter l’extension de Pôle Sud par un bâtiment accueillant la médiathèque de quartier et le centre socio-culturel.23 ( fig 9)
22. Entretien du 1er octobre 2019 23. Archi-Wiki, Pôle Sud (Strasbourg)
Fig 9. Centre socioculturel, médiathèque et Pôle Sud, 2019
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LE PROJET ET SES MOYENS
La sobriété comme objectif ? En résumé, le réaménagement global du quartier a fait l’objet d’un traitement très sobre en termes de matérialité, pour à la fois éviter un mauvais vieillissement des aménagements et assurer une flexibilité de ceux-ci. Pour Nathalie Tappia, si certains quartiers comme Hautepierre ont besoin de montrer leur rénovation par une matérialité très visible, pour montrer qu’un geste fort y a été fait, elle estime que ce n’est cependant pas le cas à la Canardière.24 (Fig 10) En effet, les valeurs fortes présentes initialement à la Canardière donnent une base satisfaisante pour construire un projet les intégrant. Tout l’enjeu du projet est donc de permettre à ces valeurs initiales de continuer à vivre sur le long terme. La sobriété constitue alors un moyen et un objectif. Un moyen dans le sens où elle permet une pérennité des aménagements et une appropriation facilitée par les habitants de ceux-ci. Un objectif car en plus d’être garante des deniers publics et de leur bonne utilisation, le fait de devoir « investir beaucoup de matière grise pour faire le mieux avec le moins » incite à davantage de réflexion, de sensibilité et de retenue dans l’élaboration du projet.25 Elle explique enfin que le but du processus est de trouver le point d’équilibre entre ce qui est souhaitable et ce qui est possible et qu’il faut alors avoir un niveau d’ambition haut pour atteindre le meilleur point d’équilibre.
24. Entretien du 25 novembre 2019 25. ibidem
Maintenant que nous avons décrit le projet de rénovation et évoqué ses acteurs, ses moyens, ses objectifs, nous pouvons en étudier les premiers résultats, tant dans la sociologie du quartier que dans son urbanité et son architecture et ainsi définir si la Canardière est bel et bien un exemple de résilience.
Fig 10a. Voirie rénovée avenue Tolstoï, Hautepierre, 2019
Fig 10b. Voirie rénovée rue de Lorraine, Meinau, 2019
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UN QUARTIER MÉTAMORPHOSÉ...
S’il est un élément marquant des conséquences de la rénovation urbaine, il s’agit de la modification profonde de la silhouette du quartier. Le plan guide de Stoskopf était notamment défini par six tours, considérées comme des marqueurs urbains.26 Aujourd’hui, la moitié de ces tours a été détruite et l’autre moitié subira le même sort d’ici peu de temps.27 ( fig 11, p.89) D’un autre côté, le quartier a vu apparaître de nouvelles formes architecturales, notamment sous l’impulsion de Nathalie Tappia. L’ANRU promeuvant systématiquement la diversification des types d’habitat, elle a contribué à intégrer au projet diverses formes, comme l’habitat intermédiaire ou le petit collectif.28 Cette diversification est bienvenue – la diversité des formes est l’une des richesses de la ville constituée – mais la façon dont celle-ci est menée peut néanmoins poser question. En effet, comme évoqué dans la partie précédente, l’ANRU favorise une organisation en ilots des immeubles, notamment aux franges des quartiers, et l’on peut s’interroger sur la pertinence de ce choix. Si celui-ci est totalement compréhensible dans le cas d’un quartier voisin d’un morceau de ville constituée plus classique et elle-même composée en ilots, ce choix n’apparaît pas évident à la Canardière. L’on pourrait éventuellement objecter que la disposition des immeubles dessinée par Stoskopf crée de facto des ilots ouverts, mais alors pourquoi avoir fait le choix d’ilots ne suivant ni l’organisation spatiale ni l’orientation de la trame originale ? L’une des explications pourrait être le fait que ces ilots contribuent à « finir » le quartier, du moins mieux que ne le fait la disposition originale. Ces éléments singuliers signalent alors les frontières du quartier, d’autant plus que ceux-ci tirent parti des immeubles de Stoskopf et les intégrant dans l’ilot quand cela est possible. ( fig 12, p.89) Une dernière question se pose sur ces ilots : le choix de constituer des ilots ouverts plutôt que des ilots fermés identiques à ceux trouvables dans la ville constituée. Ceux-ci permettraient éventuellement d’être traversés et de ne plus constituer une frontière pour le piéton, mais l’intérieur de ces ilots étant résidentialisé et donc pas accessible au public, cet avantage n’existe tout simplement pas. L’on peut en revanche trouver un inconvénient majeur à cette forme : à l’heure où la transition climatique presse, peut-on encore se permettre de construire des bâtiments séparés dont nous devons isoler thermiquement cinq façades plutôt que trois dans le cas d’une constitution en ilot fermé ? Dans la directe continuité, l’on peut noter un programme de trois immeubles identiques côte à côte le long de la rue Schutterlin, chacun séparé de son voisin par quelques
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26. Entretien du 1er octobre 2019 27. Entretien du 19 novembre 2019 28. Entretien du 25 novembre 2019
UN QUARTIER METAMORPHOSE
Fig 11. Démolition d’une tour rue Schulmeister, non-datée
Fig 12. Ilots créés suite à la rénovation, secteur Corse
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IV - DES MOYENS POUR QUELS RESULTATS ?
mètres. Quel est l’intérêt de ces coupures, sinon d’éviter de laisser apparaître une barre plus longue encore que celles existantes ? Enfin, à l’échelle de l’immeuble, nous pouvons nous demander s’il est opportun de laisser une totale liberté plastique aux architectes. L’un des principaux points forts de l’architecture de Stoskopf cité par les différents acteurs de la rénovation est l’unité architecturale de la trame et des immeubles. Si elle constitue un point positif, pourquoi donc construire les immeubles neufs sans cohérence aucune entre eux ? Si la plupart des programmes gardent une certaine unité entre leurs bâtiments, celle-ci est totalement inexistante dès lors que l’on observe les bâtiments voisins. Ceci est visible de façon flagrante notamment au niveau de la rue Schutterlin où l’on retrouve pas moins de quatre styles architecturaux différents autour d’un même carrefour. ( fig 13, p.91) Nous évoquerons pour terminer les espaces publics : ceux-ci sont unanimement appréciés des habitants rencontrés.29 Notamment, l’apparition de pistes cyclables, de bancs, contribuent à faire du quartier un morceau de ville « comme un autre » : « Par exemple, la rue de Normandie, là, avec les sièges qu’on a mis, là, on voit que les gens s’assoient là, ils se reposent, regardent, contemplent, vivent, c’est beau. Quand je vois quelqu’un qui est là, là, je me dis que c’est beau, c’est bien. Ca fait sortir les gens de leur appartement pour être à l’air libre, en contact avec les autres. »30 ( fig 14, p.91) Ceux-ci regrettent en revanche la résidentialisation systématique des pieds d’immeubles : « C’est très regrettable cet aspect là. C’est vraiment très regrettable, parce que vous voyez, les espaces verts c’est important pour nous et surtout pour les enfants. Voilà, mon fils a besoin de jouer là en bas, mais il ne peut pas, il faut chaque fois demander l’autorisation. Si on ne doit pas aller au jardin ou au parc, on est obligés... […] Il faut demander à chaque fois aux parents «notre fils peut venir jouer ici ?» avec son ami. Donc les espaces, oui, ça manque. »31 Ces espaces deviennent alors progressivement aseptisés : « Oui, c’était plus libre que maintenant. Ca devient privatisé. […] C’est un aspect qui à la longue crée l’individualisme, l’isolement, vous voyez ? Parce que c’était un lieu de rencontres mais qui au final, à la fin, devient privé. […] Ca diminue la vie dans tous les sens. Ca diminue quoi ? La vie communautaire, la vie individuelle, vous voyez ? Là où les gens devraient se rencontrer, se parler, on se replie sur soi et cela crée même les troubles chez les gens. »32
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29. Entretiens du 17 mai 2019, du 31 septembre 2019 et du 17 octobre 2019 30. Entretien du 31 septembre 2019 31. ibidem 32. ibidem
UN QUARTIER METAMORPHOSE
Fig 13. Immeubles rue Schutterlin, 2019
Fig 14. Avenue de Normandie, 2019
93
IV - DES MOYENS POUR QUELS RESULTATS ?
De plus, si la nécessité de mieux différencier les espaces dans leurs usages était nécessaire comme dans bien des grands ensembles, l’objectif affiché par l’ANRU de mettre en place une séparation réelle entre domaine public et privé est-il si important ? Cet objectif ne poursuit-il pas une logique sécuritaire plus qu’une logique d’usage ? Car c’est bien l’un des griefs les plus communément rencontrés face à la résidentialisation.33 Appliquer systématiquement les caractéristiques d’immeubles en copropriété revient à séparer les immeubles les uns des autres et à nier même le grand ensemble dont la caractéristique principale reste que les immeubles forment un tout et sont supposés s’aider à « vivre mieux » entre eux. Enfin, les habitants continuent de profiter des qualités initiales du quartier, notamment de son emplacement et des parcs voisins et estiment avoir un attachement fort au quartier, ce qui est également rapporté par la Direction de Territoire.34 Les habitants interrogés sont globalement satisfaits de la rénovation urbaine et apprécient le calme revenu dans le quartier et la qualité des espaces publics aménagés.35 Seulement, ces améliorations dans le quartier ont-elles eu un impact sur les conditions de vie des gens ?
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33. Peillon (Pierre) et Vanoni (Didier), Débat – La rénovation urbaine en question, in Informations sociales, n°, mars 2005, pp.88-97 34. Entretien du 19 novembre 2019 35. Entretiens du 17 mai 2019, du 31 septembre 2019 et du 17 octobre 2019
MAIS DES RÉSULTATS SOCIAUX DISCUTABLES Nous développerons ici notre analyse sur la base des indicateurs choisis dans la partie précédente, de manière à vérifier l’évolution de ceux-ci. Les dernières données disponibles datent de 2016 – 2015 pour les revenus – mais nous permettent tout de même de tirer une tendance de tout cela.
36. INSEE, Population en 2016 37. INSEE, Evolution et structure de la population en 2016
Tout d’abord, en termes de démographie, il apparaît clairement que la structure démographique de la population la cité de la Canardière a bien évolué. A l’échelle du quartier,36 sa composition se rapproche progressivement de celle de la population française dans son ensemble.37 A l’échelle de l’IRIS, les deux IRIS Ouest ont vu leur population quelque peu rajeunir, avec notamment l’arrivée de nombreux jeunes adultes dans l’IRIS Ouest Ouest. Dans les IRIS Est, la proportion d’habitants âgés de 30 à 59 ans a nettement augmenté, en particulier dans l’IRIS Est Sud. Enfin, il est à noter que ces deux IRIS ont vu fortement augmenter le nombre de femmes dans ces tranches d’âge, qui est 75+
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IRIS Canardière Est Est
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Fig 15. Pyramides des âges en 2016
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IV - DES MOYENS POUR QUELS RESULTATS ?
nettement supérieur au nombre d’hommes, on peut en déduire l’augmentation du nombre de familles mono‑parentales au sein du quartier. Dans son ensemble, la population de la Canardière reste donc plus jeune que la population française en moyenne, mais elle tend à s’en rapprocher. ( fig 15, p.93) Nous évoquions plus tôt la structure socio-professionnelle de l’IRIS Est Est comme explication quant au faible nombre de personnes âgées y vivant. Leur nombre a également légèrement augmenté, en même temps que la répartition socio-professionnelle a évolué : on retrouve dorénavant moins d’un quart d’ouvriers, près de 20% d’employés et l’on constate une légère augmentation du nombre de retraités. Egalement, le nombre d’artisans et commerçants a plus que doublé sur la période, même s’ils constituent un contingent minime face à ces trois catégories.38 ( fig 16) Artisans, commerçants, chefs d’entreprise Cadres Professions intermédiaires Employés Ouvriers Retraités Sans activité Fig 16. Répartition des catégories socioprofessionnelles dans l’IRIS Canardière Est Est en 2006
En termes de revenus, si l’on pouvait s’attendre à une augmentation de ceux-ci, il n’en est rien : ajustés à l’inflation, ceux-ci ont globalement baissé dans le quartier, qu’il s’agisse des revenus déclarés ou disponibles. Les revenus déclarés ont ainsi fortement baissé, quand les revenus disponibles n’ont subi qu’une faible baisse, ce qui traduit une augmentation de la part des prestations sociales dans le budget des foyers. Ceci est effectivement vérifiable : leur part a augmenté dans tous les IRIS, de même que la part des minimas sociaux. On peut en déduire que les habitants de la Canardière touchent donc en moyenne de plus bas salaires que dix ans auparavant.39 Cela se constate également dans l’évolution de la répartition des revenus selon le décile de population : tous les déciles ont vu leurs revenus diminuer. ( fig 17 et 18, p.95) Concernant le logement, la répartition des types de logements montre qu’il y a eu une légère évolution de l’offre, avec une augmentation de la part de trois pièces, mais une nette baisse de la part de 5 pièces et plus : leur nombre a certes légèrement augmenté dans les IRIS Ouest Est et Est Sud, mais il a très
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38. INSEE, Population en 2016 39. INSEE, Revenus, pauvreté et niveau de vie en 2015
MAIS DES RESULTATS SOCIAUX DISCUTABLES
40. INSEE, Logement en 2016 41. ibidem
fortement baissé, avec une division par deux dans l’IRIS Ouest Ouest, donc dans le patrimoine de la SIBAR.40 Il est également intéressant d’observer que la part de ménages installés depuis moins de 4 ans a fortement augmenté, passant d’un peu plus d’un quart en 2006, à un tiers en 2016, preuve que de nouveaux foyers se sont installés au sein du quartier, conformément aux objectifs. Il nous est malheureusement impossible d’obtenir des chiffres concernant les départs du quartier et les migrations au sein de l’Eurométropole et nous n’avons donc aucune information sur la façon dont les relogements affectent les habitants. Enfin, le taux d’équipement en voiture a baissé de 12% sur l’ensemble des IRIS contrairement à l’ensemble de la ville, conséquence d’une utilisation plus facile du vélo, dont la culture est déjà bien installée à Strasbourg.41 ( fig 19, p.96)
40 000 35 000 30 000 25 000 20 000 15 000 10 000 5 000 0
1er décile
Médiane
9ème décile
18 000 16 000 14 000 12 000 10 000 8 000 6 000 4 000 2 000 0
1er décile
IRIS Canardière Ouest Ouest
Médiane
9ème décile
IRIS Canardière Est Est Fig 17. Evolution de la répartition des revenus entre 2006 et 2015
22 643€ +5.7%
26 602€ +5.0% 8 071 € +4.5%
16 967€ -3.4%
11 971€ -9.7%
7 278€ +9.2%
6 347€ -14.4% 5 091€ -8.7%
10 511€ +15.0% 20 290€ -5.4%
5 134€ -20.6% 15 189€ -2.4% 17 830€ +1.9% 20 274€ -11.2%
Fig 18. Evolution du revenu médian ajusté à l’inflation entre 2006 et 2015
97
IV - DES MOYENS POUR QUELS RESULTATS ?
Enfin, concernant les diplômes et la formation, la situation a grandement évolué en dix ans. Si les taux de scolarisation des 15-29 ans sont restés stables et traduisent toujours une situation possible de décrochage scolaire dans la population étudiée.42 En revanche, la répartition des diplômes possédés par la population du quartier a changé. Parmi les habitants titulaires d’un diplôme de niveau supérieur au collège, c’est près de la moitié de la population qui est désormais titulaire d’un diplôme de niveau Bac+2 au moins sur l’IRIS Ouest Ouest et plus d’un quart sur l’IRIS Est Est. Considérant que l’accès au supérieur n’est pas plus fréquent dans la population qu’avant, on peut aisément imaginer que ces diplômes sont en grande partie ceux possédés par les nouveaux arrivants dans le quartier et non par les familles installées ici avant la rénovation urbaine. En clair, si les statistiques laissent voir une amélioration globale de la situation au sein du quartier, une analyse plus approfondie permet de comprendre que cette évolution des statistiques doit plus à l’installation de nouvelles populations dans le quartier que dans l’amélioration des conditions de vie de celles déjà installées. Nous pouvons désormais rendre nos conclusions sur la situation étudiée tout au long de ce mémoire, mais nous devons d’abord évoquer la suite de ce Plan de Rénovation Urbaine.
IRIS Ouest Ouest Ouest Est Est Est Est Sud
T1
T2 399 7 0 1
T3 454 114 70 87
T4 514 382 514 275
42. INSEE, Diplômes – Formation en 2016
T5+ 349 307 287 264
210 178 70 144 Fig 8. Répartition des typologies par IRIS en 2016
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UNE SECONDE PHASE POUR PROLONGER L’EFFORT Le 21 février 2014 est votée la Loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.43 Celle-ci prévoit notamment le financement du Nouveau Plan National de Rénovation Urbaine (NPNRU), pour prendre la suite du PNRU touchant à sa fin. Le PNRU a été l’objet de fortes critiques, notamment concernant les contextes locaux trop peu pris en compte ou la participation à la marge des habitants dans la conception du projet.44 Le NPNRU a donc pour objectif d’améliorer ces griefs, sans pour autant remettre en cause les fondamentaux de l’ANRU. L’on peut s’interroger sur ces améliorations. Comment peut-on mieux prendre en compte les situations locales quand le plan impose des objectifs nationaux ? De plus, le volet d’accompagnement social déjà délaissé avec le PNRU ne sera pas renforcé dans le NPNRU et l’on peut penser que l’ANRU ne tire au final que très peu de leçons des reproches qui lui sont faites. 43. Légifrance, Loi n°2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine 44. Boisseuil (Clément), Agences exécutives et reddition de comptes : le cas de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, in Revue française d’administration publique, n°160, avril 2016, pp.1155-1170 45. Ville et Eurométropole de Strasbourg, Contrat de ville 2015-2025 46. Entretien du 25 novembre 2019
Concrètement, à Strasbourg, le NPNRU est l’objet principal du Contrat de ville 2015-202545 qui intègre des quartiers supplémentaires dans le périmètre de la rénovation urbaine, notamment la Laiterie, seul QPV de Strasbourg centre. Au total, ce sont 18 quartiers qui sont dorénavant classés comme QPV, dont 13 pour Strasbourg. A la Meinau, le projet change d’échelle : la ZUS de la Canardière et la ZUS Neuhof-cités fusionnent pour devenir le QPV Neuhof-Meinau, pour mieux coller à la zone géographique dévolue à la Direction de Territoire NeuhofMeinau. Egalement, les enjeux qui étaient étudiés au sein du quartier selon des axes Nord-Sud principalement (avenue de Colmar et rue du Rhin Tortu) sont maintenant complétés par une étude des axes Est-Ouest, notamment autour du parc Schulmeister ou de la rue de l’Abbé de l’Epée, pour permettre au quartier de mieux s’accrocher aux pièces urbaines proches, et donc, notamment au Neuhof.46
99
CONCLUSION
Nous évoquions en introduction de ce mémoire l’hypothèse que la Canardière puisse être un exemple de résilience à travers la rénovation urbaine. Pour rappel, nous avions alors défini la résilience comme « la capacité d’une société à absorber des perturbations affectant sa structure ou son fonctionnement, à récupérer ses fonctions et à s’adapter pour se renforcer ».1 A travers l’exploitation de documents universitaires, d’articles de recherche, d’éléments de communication institutionnelle, de contrats, de visites de site, de données statistiques, d’entretiens avec les habitants et les acteurs de ce projet, nous avons pu analyser finement en quoi il consistait, quels en étaient les tenants et aboutissants. Nous nous sommes tout d’abord intéressés au contexte menant à la construction des grands ensembles de logements sociaux et à la politique de construction de ceux-ci menée par la ville de Strasbourg au sortir de la 2nde Guerre Mondiale, ainsi qu’à l’architecte à l’origine de la cité étudiée, Charles‑Gustave Stoskopf. Ces éléments nous ont permis de comprendre la genèse du projet, le contexte historique, géographique et économique dans lequel il s’est inscrit à sa construction. Nous avons ensuite étudié ce grand ensemble et plus particulièrement sa composition urbaine, celle-ci étant reconnue pour sa qualité. René Kaës la considérait « remarquable par la composition urbanistique et architecturale ».2 Nous avons également évoqué son tissu associatif dense, caractéristique de cette cité.3 Nous avons par la suite rassemblé un corpus de connaissances permettant d’aborder la rénovation urbaine de la cité, notamment en prenant connaissance du mode de fonctionnement de l’ANRU, des acteurs de la rénovation urbaine et surtout de la naissance de la politique de la ville. Nous avons alors pu dresser un état des lieux de la situation du quartier avant la rénovation. 1. confer Introduction, p.10 2. Kaës (René), Vivre dans les grands ensembles, Paris, Les Editions Ouvrières, 1963, p.55 3. ANRU, Convention de rénovation urbaine de la Meinau-Canardière
Enfin, nous avons évoqué les moyens qu’elle a mis en place pour régler les situations problématiques puis nous avons dressé un second état des lieux, cette fois-ci au sortir de la rénovation urbaine et brièvement évoqué la suite donnée par l’Eurométropole de Strasbourg à ce plan de rénovation. En clair, la logique de ce plan suit notre définition de la résilience. On peut la découper en trois temps : une situation initiale, avec ses qualités intrinsèques ; une
101
CONCLUSION
situation transitoire de perturbations nuisant aux qualités initiales ; enfin, une situation finale bénéficiant d’un fonctionnement amélioré grâce à la résilience. De cette étude, nous pouvons tirer plusieurs conclusions. En effet, le constat au sortir de la rénovation urbaine est quelque peu mitigé. Nous devrions mieux définir ce que l’on attend de la résilience et de la rénovation urbaine : doit-elle simplement améliorer le fonctionnement du quartier ou doit-elle également concourir à l’amélioration des conditions de vie de chacun de ses habitants ? On peut considérer le premier de ces objectifs comme atteint. Hormis quelques points négatifs, mais non rédhibitoires, les habitants comme les acteurs sont unanimes sur le meilleur fonctionnement dont bénéficie aujourd’hui le quartier. Cette cité qui était autrefois considérée comme la plus difficile de Strasbourg4 est aujourd’hui un quartier en cours de réintégration à la ville et l’on peut aisément penser qu’il le sera pleinement dans les décennies à venir, mais ceci est désormais du ressort des habitants et de la mairie et non plus de l’ANRU ou d’une quelconque politique de rénovation urbaine. Le second, lui, vient ternir en partie ce constat. Si l’amélioration du fonctionnement du quartier bénéficie bien évidemment aux habitants, elle n’a pas drastiquement changé leurs conditions de vie. Le quartier est toujours aussi fracturé entre deux entités – trois si l’on inclut la cité-jardin au Nord – et la situation n’a guère changé pour les habitants les plus précaires et fragiles. Les statistiques donnent en effet une vision en trompe-l’œil de la situation après opération : l’installation de nouveaux ménages plus aisés, plus éduqués change complètement la donne et seule une lecture fine des statistiques et une enquête sociologique approfondie pourra donner une vision d’ensemble de la situation. Face à cela, deux constats sont possibles. Soit la politique de la ville est incapable d’améliorer les conditions de vie des habitants et elle constitue alors un échec. Cette piste sera d’ailleurs l’objet d’un article de Renaud Epstein, sociologue spécialiste de la question, dans le courant du mois de janvier 2020. De même, Thomas Kirszbaum, également sociologue, estime que les moyens apportés ne font que « corriger à la marge un système défavorable ».5 Soit la politique de la ville se repose sur le fait que des populations plus aisées et éduquées s’insèrent dans le quartier et « tirent vers le haut » la population déjà installée, et auquel cas, cette politique pourrait rappeler le traitement des colonies par l’état français. Plusieurs chercheurs abordent déjà cette thématique, notamment Mathieu Rigouste, sociologue, sous le prisme de l’histoire de la police et plus particulièrement des Brigades Anti-Criminalité agissant dans les banlieues, dont
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4. Entretien du 1er octobre 2019 5. The Conversation, Fact Check : «Trop d’argent dépensé dans les banlieues» ?
les méthodes seraient dans la directe lignée de celles utilisées par les brigades en Algérie notamment.6 7 Peut-être que la réflexion autour de l’endo-colonialisme ici développée peut être étendue à la gestion de la population, d’autant plus que ces populations de banlieues sont souvent descendantes de personnes originaires de pays colonisés par la France. La nouvelle politique des Quartiers de Reconquête Républicaine mise en place depuis 2018 par Gérard Collomb, alors Ministre de l’Intérieur, a l’ait tristement en phase avec cette hypothèse. Le nom laisserait-il sous-entendre que les habitants de ces quartiers sont des ennemis de la République vivant sur des territoires à conquérir ? Les mots sont parfois lourds de sens. Dans tous les cas, la politique de la ville, si elle permet de changer résolument le cadre de vie des habitants, reste nuançable sur les changements sociaux qu’elle apporte. Nous avons évoqué durant ce mémoire que le budget dédié à l’accompagnement social des populations des QPV était minime par rapport à celui dédié à leur rénovation et leur réhabilitation. Cette donnée entre également en jeu : il est illusoire de penser que la seule rénovation d’un quartier permettra de changer radicalement les conditions de vie de ses habitants. En définitive, il y a bel et bien résilience dans la cité de la Canardière. Mais une résilience architecturale et urbaine uniquement. Les habitants et leurs problématiques attendront une autre politique, on l’espère, avec la même énergie que celle déployée dans la rénovation à proprement parler. Le sentiment d’appartenance des habitants à leur quartier est très fort, ils y ont un lien particulier, malgré les problèmes, malgré l’âge du quartier et l’on ne peut considérer cela que comme une réussite. Alors, plusieurs extensions de cette recherche sont possibles. Tout d’abord, les données statistiques les plus récentes concernent 2016, et la première phase de la rénovation urbaine, intégrée au PNRU, ne sera achevée qu’en 2020. Néanmoins, elles donnent une tendance et il est difficile de croire que cette tendance va s’inverser durant ces quatre années. En revanche, mener une recherche similaire sur la deuxième phase de la rénovation urbaine peut se montrer judicieux, d’autant plus que l’ANRU laisse plus de latitude aux municipalités dans la gestion des projets urbains inscrits au NPNRU. 6. Mediapart, Entretien avec Mathieu Rigouste : une généalogie coloniale de la police française 7. Rigouste (Mathieu), La domination policière, Une violence industrielle, Paris, La Fabrique, 2012
Egalement, le traitement plus approfondi de l’aspect sociologique ou plutôt social de la rénovation urbaine permettra peut-être de nuancer les constats dressés ici. Enfin, le prisme de la résilience que nous avons défini dans ce mémoire permet l’analyse de n’importe quel quartier de ce type. Chaque municipalité ayant sa façon d’accompagner la rénovation urbaine, il est probablement possible de
103
trouver d’autres quartiers où celle-ci aura été plus fructueuse sur un plan social. La mise en rapport de cette politique de la ville avec l’endo-colonialisme paraît également une piste à travailler, probablement la plus intéressente - mais complexe - à mon sens. Enfin, une dernière piste importante reste à exploiter : celle des conséquences de la destruction des logements. Celle-ci reste un acte violent envers les habitants et l’on doit être capables de remettre en cause notre recours systématique à cette solution. Chaque logement que l’on détruit, ce sont des souvenirs qui s’envolent pour ne jamais retomber au sol parmi les débris.
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ANNEXES
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ABRÉVIATIONS
ACSÉ : Agence nationale pour la Cohésion Sociale et l’Egalité des chances ANCT : Agence Nationale de la Cohésion des Territoires ANRU : Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine CUCS : Contrats Urbains de Cohésion Sociale CUS : Communauté Urbaine de Strasbourg DSQ : Développement Social des Quartiers DSU : Développement Social Urbain EMS : Eurométropole de Strasbourg ENSAS : Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Strasbourg HBM : Habitations à Bon Marché HLM : Habitations à Loyers Modérés HVS : Habitat et Vie Sociale INSEE : Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques IRIS : Ilots Regroupés pour l’Information Statistique JEEP : Jeunes Equipes d’Education Populaire MJC : Maison des Jeunes et de la Culture MRU : Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme NPNRU : Nouveau Plan National de Rénovation Urbaine ONPV : Observatoire National de la Politique de la Ville OPHLM : Office Public d’Habitations à Loyers Modérés PRU : Plan de Rénovation Urbaine PNRU : Plan National de Rénovation Urbaine QPV : Quartiers de la Politique de la Ville SCI : Société Civile Immobilière SCIC : Société Centrale Immobilière de la Caisse des Dépôts SIBAR : Société Immobilière du Bas-Rhin SICI : Société Immobilière de Construction Industrielle SIPMEA : Société Immobilière des Petites et Moyennes Entreprises TPFE : Travaux Personnels de Fin d’Etudes ZAC : Zone d’Aménagement Concerté ZUP : Zone à Urbaniser en Priorité ZUS : Zone Urbaine Sensible
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SOURCES
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INSEE Evolution et structure de la population en 2006 : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2131159?sommaire=2131185&geo=FE-1 Evolution et structure de la population en 2016 : https://www.insee.fr/fr/statistiques/4176909?sommaire=4176940&geo=FE1#consulter-sommaire Population en 2006 – Base infracommunale (IRIS) : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2028652 Population en 2016 – Base infracommunale (IRIS) : https://www.insee.fr/fr/statistiques/4228434 Indicateurs de structure et de distribution des revenus en 2006 (RFLM) : https://www.insee.fr/fr/statistiques/1893291 Revenus, pauvreté et niveau de vie en 2012 (IRIS) : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2507751 Revenus, pauvreté et niveau de vie en 2015 (IRIS) : https://www.insee.fr/fr/statistiques/4217503 INSEE, Logement en 2006 : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2028562 INSEE, Logement en 2016 : https://www.insee.fr/fr/statistiques/4228432 INSEE, Diplômes – Formation en 2006 : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2028251 INSEE, Diplômes – Formation en 2016 : https://www.insee.fr/fr/statistiques/4228430
Autres sources Agence Nationale de la Cohésion des Territoires, Les contrats de ville – URL : https://www.cget.gouv.fr/dossiers/contrats-de-ville Agence Nationale de la Cohésion des Territoires, Observatoire National de la Politique de la Ville – URL : https://www.cget.gouv. fr/ressources/etudes-et-evaluations-observation-prospective/observatoire-national-de-la-politique-de-la-ville ANRU, Avenant simplifié 01 Strasbourg Meinau-Canardière – URL : https://www.anru.fr/fre/Programmes/PNRU-Conventions/ Avenant-simplifie-01-Strasbourg-Meinau-Canardiere Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine, Convention Strasbourg Meinau – URL : https://www.anru.fr/fre/Programmes/ PNRU-Conventions/Convention-Strasbourg-Meinau2 Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine, Objectifs et fondamentaux du PNRU – URL : https://www.anru.fr/fre/ANRU/ Objectifs-et-fondamentaux-du-PNRU Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine, PNRU, les chiffres 2014 – URL : https://www.anru.fr/fre/Mediatheque/ Publications/PNRU-les-chiffres-2014 Archives de France, Loi Bonnevay instituant les HBM – URL : https://francearchives.fr/commemo/recueil-2012/39113 Archi-Wiki, Baggersee (Strasbourg) – URL : https://www.archi-wiki.org/Adresse:Baggersee_(Strasbourg) Archi-Wiki, Cité de l’Ill (Strasbourg) – URL : https://www.archi-wiki.org/Adresse:Cité_de_l%27Ill_(Strasbourg) Archi-Wiki, Cité de la Canardière (Strasbourg) – URL : https://www.archi-wiki.org/Adresse:Cité_de_la_Canardière_(Strasbourg) Archi-Wiki, Cité du Hohberg (Strasbourg) – URL : https://www.archi-wiki.org/Adresse:Cité_du_Hohberg_ (Strasbourg)?uselang=de Archi-Wiki, Cité Nucléaire (Strasbourg) – URL : https://www.archi-wiki.org/Adresse:Cité_Nucléaire_(Strasbourg) Archi-Wiki, Cité Rotterdam (Strasbourg) – URL : https://www.archi-wiki.org/Adresse:Cité_Rotterdam_(Strasbourg) Archi-Wiki, Pôle Sud (Strasbourg) – URL : https://www.archi-wiki.org/Adresse:Pôle_Sud_(Strasbourg) Archi-Wiki, Villa Schranz (Strasbourg) – URL : https://www.archi-wiki.org/Adresse:Villa_Schranz_(Strasbourg) CUEJ.info, Mathieu Cahn : « La diversification des formes urbaines est réussie » - URL : http://www.cuej.info/blogs/mathieucahn-la-diversification-des-formes-urbaines-est-reussie Ecole Normale Supérieure, Le quartier de la Meinau-Canardière – URL : http://www.geographie.ens.fr/Le-quartier-de-la-Meinau. html Géoportail, Fond de carte « IRIS » - URL : https://www.geoportail.gouv.fr/ carte?c=7.751537059062335,48.54854442778122&z=15&l0=GEOGRAPHICALGRIDSYSTEMS. PLANIGN::GEOPORTAIL:OGC:WMTS(1)&l1=STATISTICALUNITS. IRISGE::GEOPORTAIL:OGC:WMS(1)&permalink=yes INSEE, Diplôme le plus élevé selon l’âge et le sexe en 2018 – URL : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2416872 INSEE, Données sur les quartiers de la politique de la ville – URL : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2500477 INSEE, Données sur les quartiers de la politique de la ville, Estimations démographiques en 2015 – URL : https://www.insee.fr/fr/ statistiques/4170727?sommaire=2500477
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INSEE, Espérance de vie à 35 ans par catégorie socioprofessionnelle et diplôme en 2013 – URL : https://www.insee.fr/fr/ statistiques/2383438 INSEE, IRIS – URL : https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1523 Jeunes Equipes d’Education Populaire, Une brève histoire de la JEEP – URL : http://jeep.asso.fr/spip.php?article72 Journal officiel du 5 avril 1973, « Circulaire du 21 mars 1973 relative aux formes d’urbanisation dites « grands ensembles » et à la lutte contre la ségrégation sociale par l’habitat. », p.3864 URL : https://www.cnle.gouv.fr/IMG/pdf/Circulaire_du_21_mars_1973.pdf Le Corbusier, « La Charte d’Athènes », Points, Paris, 2016 Légifrance, Texte officiel et complet de la loi Loucheur, loi du 13 juillet 1928 établissant un programme de construction d’Habitations à bon marché et de Logements en vue de remédier à la crise de l’habitation – URL : https://www.legifrance.gouv.fr/ affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000522962&categorieLien=id Circulaire du 31 décembre 1998 relative aux contrats de ville 2000-2006 – URL : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte. do?cidTexte=JORFTEXT000000574669&categorieLien=id Légifrance, Loi n°2003-710 du 1er aout 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine – URL : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000428979 Légifrance, Loi n°2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine – URL : https://www. legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000028636804&categorieLien=cid Observatoire National de la Politique de la Ville, Lexique – URL : http://www.onpv.fr/lexique#P Observatoire Régional de l’Intégration et de la Ville, Contrat Urbain de Cohésion Sociale de la Communauté Urbaine de Strasbourg 2007-2012 – URL : http://oriv.org/wp-content/uploads/cucs_convention_cadre_cus.pdf Réso Villes, PNRU, NPNRU, ANRU ? Comprendre les politiques de renouvellement urbain des quartiers prioritaires – URL : http://www.resovilles.com/pnru-npnru-anru-comprendre-politiques-de-renouvellement-urbain-quartiers-prioritaires/ Rue89Strasbourg, Plongée dans l’opacité de l’Asere, le super syndicat de copropriétés de l’Esplanade – URL : https://www. rue89strasbourg.com/opacite-asere-super-syndicat-esplanade-129148 SIBAR, A propos de la SIBAR – URL : https://www.sibar.fr/propos-de-la-sibar SIBAR, Plaquette « La SIBAR », 1959 Stoskopf (Charles-Gustave), “Mes plans masse”, non-publié, non-daté, archives Nicolas Stoskopf, avec l’amabilité de Gauthier Bolle Union Sociale pour l’Habitat, Les HLM en expos, Musée virtuel du logement social, Les grandes lois entre 1889 et 1914 – URL : https://musee-hlm.fr/discover/focus/23#/home Université Paris I – Panthéon Sorbonne, La solution des grands ensembles – URL : http://e-cours.univ-paris1.fr/modules/uoh/ paris-banlieues/u5/co/3_1_1.html Ville et Eurométropole de Strasbourg, A la découverte des quartiers de Strasbourg, La Meinau – URL : https://www.strasbourg.eu/ documents/976405/1163507/0/8f8f787d-d171-1717-67fc-d2700addfa23 Ville et Eurométropole de Strasbourg, Cité de la Canardière – URL : https://www.strasbourg.eu/lieu/-/entity/id/686022 Ville et Eurométropole de Strasbourg, Cité Rotterdam – URL : https://www.strasbourg.eu/lieu/-/entity/id/685980 Ville et Eurométropole de Strasbourg, Contrat de ville 2015-2025 – URL : https://www.strasbourg.eu/documents/976405/156242 7/0/7f52fe7b-106a-2fe4-93c1-9635d34537f9 Ville et Eurométropole de Strasbourg, Les forêts rhénanes strasbourgeoises – URL : https://www.strasbourg.eu/forets-rhenanesstrasbourgeoises Ville et Eurométropole de Strasbourg, 2005-2015, l’expérience des projets de rénovation urbaine – URL : https://www.strasbourg. eu/projets-renovation-urbaine-10-ans-experience Wikipédia, Coop (Alsace) – URL : https://fr.wikipedia.org/wiki/Coop_Alsace Wikipédia, Elsau (Strasbourg) – URL : https://fr.wikipedia.org/wiki/Elsau_(Strasbourg) Wikipédia, Hautepierre – URL : https://fr.wikipedia.org/wiki/Hautepierre Wikipedia, Jean-François Gravier – URL : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-François_Gravier Wikipédia, Missions locales pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes – URL : https://fr.wikipedia.org/wiki/Missions_ locales_pour_l%27insertion_professionnelle_et_sociale_des_jeunes Wikipédia, Neuhof (Strasbourg) – URL : https://fr.wikipedia.org/wiki/Neuhof_(Strasbourg) Wikipédia, Participation des employeurs à l’effort de construction – URL : https://fr.wikipedia.org/wiki/Participation_des_ employeurs_à_l%27effort_de_construction Wikipédia, Taille des logements en France – URL : https://fr.wikipedia.org/wiki/Taille_des_logements_en_France Wikipédia, Zone d’Education Prioritaire – URL : https://fr.wikipedia.org/wiki/Zone_d%27éducation_prioritaire
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CRÉDITS DES DOCUMENTS
Partie I Fig 1 : Cités ouvrières de Longwy-Herserange, US National Archives and Record Administration, env. 1948-1955 https://commons.wikimedia.org/wiki/File:France._Longwy-Haut,_between_Longwy_and_Herserange._This_is_such_a_typical_ view_-_in_each_new_town_you_seem_always_to..._-_NARA_-_541675.tif Fig 2 : Cité HBM de 1930 à Paris, 97-99 av. Simon Bolivar, Wikimedia Commons https://commons.wikimedia.org/wiki/File:97-99_avenue_Simon-Bolivar_(square).JPG Fig 3 : Bombardements au Havre, rue de Paris, 1944, Bibliothèque municipale du Havre http://unesco.lehavre.fr/sites/default/files/styles/fo_popin_desktop/public/thumbnails/image/file0029.jpg?itok=tI7ROMed Fig 4 – Construction de la cité Rotterdam en 1952, Henri Salesse, Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme https://www.flickr.com/photos/reconstruction1945-1979/29322416791 Fig 5 – UC Bron Parilly, carte postale Estel, non-datée http://archipostalecarte.blogspot.com/2014/01/tout-est-sa-place.html Fig 6 - Construction de la cité des 4000 à la Courneuve, sur chemin de grue, 1964, Archives municipales de la Courneuve http://e-cours.univ-paris1.fr/modules/uoh/paris-banlieues/u5/co/3_4.html Fig 7 – Article de Maurice Rotival dans l’Architecture Française https://journals.openedition.org/etudesphotographiques/3409 Fig 8 – Emplacements des grands ensembles strasbourgeois – 1/50000 – production personnelle Fig 9 – Frise chronologique des grands ensembles strasbourgeois – production personnelle Fig 10 – Plans masses des grands ensembles strasbourgeois – production personnelle Fig 11 – Carte de la Meinau Fig 12 - Lithographie du Domaine Schulmeister, Frédéric-Émile Simon, La Meinau, 1855, in Strasbourg illustré en panorama pittoresque, historique et statistique de Strasbourg et ses environs par Frédéric Piton, Frédéric Piton, Strasbourg, 1855, Collections BNU Fig 13 – Carte postale des Usines Mathis, non-datée http://www.peinture-carrosserie-peugeot.com/histchaine.html Fig 14 – Construction de la cité de la Meinau, 1959, capture d’une vidéo de l’INA https://www.ina.fr/video/SXC9608261812/cite-de-la-canardiere-a-la-meinau-video.html Fig 15 – Charles-Gustave Stoskopf, 1960, Alice Bommer, collection Nicolas Stoskopf https://www.ina.fr/video/SXC9608261812/cite-de-la-canardiere-a-la-meinau-video.html Fig 16 – Tour Valentin Sorg, 2013, Claude Truong-Ngoc https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Strasbourg_tour_Valentin-Sorg_et_Cathédrale_Notre-Dame_sept_2013.jpg Fig 17 – Siège du Crédit Mutuel, 2010, Roland Burckel/Archi-Strasbourg https://www.archi-wiki.org/Adresse:Siège_social_du_groupe_Crédit_Mutuel_(Strasbourg)?uselang=en#/media/File:34_rue_du_ Wacken_Strasbourg_14502.jpg Fig 18 – Maquette de l’Esplanade, Archives de la Caisse des Dépôts et Consignations https://journals.openedition.org/alsace/2384
Partie II Fig 1a : Vue aérienne de la Canardière entre 1950 et 1958, Géoportail Fig 1b : Vue aérienne de la Canardière en 2019, Géoportail Fig 2 : Plage du Baggersee, 1936, Cinémathèque du Rhin Supérieur https://rhinedits.u-strasbg.fr/w/index.php/Fichier:Roue.jpg Fig 3 : Plan des secteurs, Plaquette SIBAR 1959, Gauthier Bolle Fig 4 : Orientation des bâtiments originaux encore existants, production personnelle Fig 5 : Principales voiries de la cité à l’origine, production personnelle Fig 6 : Cité du Quai des Belges, 1955, Archives de la Ville et de l’Eurométropole de Strasbourg, Archi-Strasbourg https://www.archi-wiki.org/Adresse:Cité_H.L.M._Quai_des_Belges_(Strasbourg)#/media/File:24_quai_des_Belges_ Strasbourg_63149.jpg Fig 7 : Tours et avenue de Normandie, 1967, Archives de la Ville et de l’Eurométropole de Strasbourg Fig 7b : Tours et avenue de Normandie, 1959, l’Architecture Française Fig 8 : Tour place de l’Ile-de-France, 2019, production personnelle
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Fig 9 : Système de cours, 1/2000, production personnelle Fig 10 : Immeubles, 1967, Archives de la Ville et de l’Eurométropole de Strasbourg Fig 11 : Plans d’étage courant d’une tour de la SIBAR (en haut) et de l’OPHLM (en bas), l’Architecture Française Fig 12 : Pieds d’immeubles de la SIBAR, 2019, production personnelle Fig 13 : Cour-jardin, 2019, production personnelle Fig 14 : Eglise Saint-Vincent-de-Paul, 2019, production personnelle Fig 15 : Supermarché SUMA, 1960, Editions d’Art Images de France Marasco & cie., Archi-Strasbourg https://www.archi-wiki.org/Adresse:Supermarché_SUMA_-_ATAC_-_SIMPLY_MARKET_(Strasbourg)#/media/File:1_rue_ de_Bourgogne_Strasbourg_46016.jpg
Partie III Fig 1 – Campagne de l’Union Nationale des HLM, 1987, Diamant Vert https://danielwappler.typepad.fr/.a/6a00d83451f7b469e201a51171d036970c-popup Fig 2 – Emeutes aux Minguettes, 1981 http://www.semeurscitoyens.com/2017/07/les-minguettes-9-juillet-1981-la-france.html Fig 3 – Organigramme ANRU, production personnelle Fig 4 – Tableau ANRU, production personnelle Fig 5 – Pyramides des âges, production personnelle Fig 6 – Répartition socioprofessionnelle, production personnelle Fig 7 – Revenus médians en 2006, production personnelle Fig 8 – Répartition des types de logements, production personnelle Fig 9 – Emeutes à la Meinau, Jean-Marc Loos https://i.f1g.fr/media/figaro/616x347_crop/2018/01/01/XVM6557588e-ef24-11e7-9096-73ddd6499d95.jpg Fig 10 – Tour rue de Picardie, capture Street View 2008 Fig 11 – Emplacement des services et commerces, production personnelle
Partie IV Fig 1 – Mises en projet et démolitions d’ici à 2025, production personnelle Fig 2 – Immeuble rue de Provence avant rénovation, 2008, capture Google Street View Fig 3 – Immeubles résidentialisés, rue Weydmann, 2019, production personnelle Fig 4 – Square de la peupleraie, 2019, production personnelle Fig 5 – Aire de jeu place de l’Ile-de-France, 2019, production personnelle Fig 6 – Jardin interreligieux, 2019, production personnelle Fig 7 – Plateforme bus, 2019, production personnelle Fig 8 – Square de la Corse, 2019, capture Google Street View Fig 9 – Centre socio-culturel, 2019, production personnelle Fig 10 – Comparaison Hautepierre et Meinau, 2019, captures Google Street View Fig 11 – Destruction d’une tour rue Schulmeister, non datée, Archives de la Ville et de l’Eurométropole de Strasbourg Fig 12 – Ilots formés secteur Corse, production personnelle Fig 13 – Rue Schutterlin, 2019, capture Google Street View Fig 14 – Avenue de Normandie, 2019, production personnelle Fig 15 – Pyramides des âges en 2016, production personnelle Fig 16 – Répartition socio-professionnelle en 2016, production personnelle Fig 17 – Evolution de la répartition des revenus déclarés entre 2006 et 2015, production personnelle Fig 18 – Evolution du revenu médian entre 2006 et 2015, production personnelle
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ENTRETIENS
17 mai 2019, Immeuble SIBAR, rue de Touraine VS (père) : 63 ans, fonctionnaire retraité de la DDASS puis DDCS MS (mère) : 66 ans, fonctionnaire retraitée du Service des Sports du CD67 AS (fils) : 30 ans, enseignant à Schiltigheim, n’habite plus sur place --AS : Tu peux juste nous rappeler un petit peu la démarche ? NC : Alors la démarche, c’est que je suis étudiant en Architecture, je pense qu’il a dû vous le dire, je suis en Master et donc j’ai un Mémoire à faire. Et moi, pour mon mémoire, je travaille sur la pérennité et la résilience des grands ensembles, donc ça veut dire, en gros, quelles sont les qualités qu’il peut y avoir dans les grands ensembles et comment la vie à l’intérieur a évolué, etc... En fait, la vraie question, c’est «Est-ce que ils sont pérennes ou pas ?». C’est à dire que s’ils sont pérennes, ils ont été bien conçus dès le départ et donc les gens continuent de vivre bien aujourd’hui, l’usage a évolué avec le temps, etc, mais ça n’a pas nécessité beaucoup de transformation ou autres. S’ils sont pas pérennes, ça a nécessité beaucoup de transformations pour les rendre plus vivables, etc. Je sais pas, par exemple, un bon exemple de grand ensemble pérenne ça pourrait être l’Esplanade, puisqu’encore aujourd’hui, sans rénovation, ça marche plutôt bien. L’exemple moins pérenne ce serait peut-être Hautepierre, puisque ça a nécessité énormément de travaux, et c’est encore loin d’être fini. MS : Puis l’Elsau aussi, je trouve. NC : Euh l’Elsau, pérenne ? MS : Non, justement ! NC : Ah, en effet ! MS : Là-bas je trouve que quand on voit maintenant ce que c’est, y’a plus de commerces, y’a pratiquement plus rien, là c’est... NC : Oui, c’est un quartier totalement délaissé. MS : Ah oui, c’est ça... AS : Ca va être rénové. MS : Oui, d’accord, mais ils en parlent là depuis vraiment très longtemps, ils avaient dit qu’il y aurait un centre commercial, là, c’est marqué «Ouverture prochaine» au moins depuis cinq ans et ils ont toujours rien à part le petit marché, hein ! NC : Ah oui, non, ils ont absolument rien, c’est un quartier qui est absolument délaissé. MS : Alors que chez nous, justement, y’a vraiment de tout, hein ! Y’a tout ce qu’il faut, y’a un centre commercial, y’a la poste, y’a des banques, y’a un marché, un boucher, enfin je trouve que y’a vraiment tout ce qu’il faut. NC : Du coup j’vais essayer de... MS : Oui oui, je vous en prie ! AS : Tu verras, on a pas la même... MS : La même vision ! NC : C’est normal, justement, en lisant les réponses, etc, et en parlant avec ma prof, on a remarqué que par exemple, AS a pas du tout la même vision sur certains points. VS : Bon, moi j’ai pas... MS : Oui, c’est moi qui ai répondu, parce qu’il était occupé, hein, donc ce serait bien d’écouter ce qu’il dit ! VS : Ah non non, pas du tout la même vision. Comme disait, dans ce qu’avait dit AS, la Meinau c’est trois groupes, la Meinau, c’est pas vrai, c’est quatre groupes. Parce qu’on oublie toujours que la Meinau, y’a une partie qui est industrielle et tertiaire.
NC : Oui, avec la Plaine des Bouchers ! VS : Oui, la Plaine des Bouchers. Donc par exemple, on peut citer comme grand service tertiaire la CARSAT. C’est pas rien, quoi, c’est les caisses de retraite, avec une histoire forte en Alsace-Moselle, et qui redistribuent je crois, un ou deux milliards, quoi. C’est pas rien, quand même, hein, comme institution. Après, le reste, avec les industries, je sais pas si ça existe encore Spiertz ? MS : Ah non, non non non ! VS : Y’avait encore un secteur industriel assez... MS : Enfin y’en a beaucoup qui sont plus là, Clark aussi, enfin tout ça, c’est fini. VS : Bon, là aussi c’est un secteur en mutation. MS : C’est plutôt devenu tertiaire, maintenant, je dirais. VS : C’est entre les deux, c’est et tertiaire... MS : Y’a Pôle Emploi qui est installé, là chez nous, hein NC : Bah après, la Plaine des Bouchers, parce que j’ai dû travailler dessus au premier semestre, ça devient tertiaire mais ça reste quand même pas mal industriel. VS : C’est ça. NC : J’crois c’est le deuxième bassin d’emplois industriels à Strasbourg après le Port du Rhin. Si j’me plante pas, c’est 8000 emplois. VS : C’est pas rien, quoi. AS : 8000 emplois industriels ? NC : Non non, il me semble que c’est 8000 emplois au total MS : Avec le tertiaire. AS : Parce que y’a plus grand chose en industrie, y’a Johnson & Johnson, y’a Legrand MS : Oui, voilà, c’est ce que je voulais dire, Legrand NC : Y’a pas aussi Carambar, là, qui a son usine ? MS : Ca, c’est Suchard, à Krimmeri, oui ! Oui, c’est bien là, Carambar, c’était Suchard avant, oui. AS : C’est vrai, bien vu ! MS : Ouais, y’a pas que cette rue là, y’a d’autres quartiers. VS : Après, y’a la partie cossue, avec les villas, cette Meinau un peu bourgeoise, installée. Mais quand je dis bourgeoise, c’est pas péjoratif, c’est euh... AS : Des médecins, quoi. VS : Ouais, mais c’est quand même une entité sociologique assez précise, quoi. J’pense comme classe un peu plus, fin c’est quand même plus riche. Puis j’pense que la valeur immobilière doit être forte, quand même sur cette partie là. MS : Oui, parce que y’a des sacrées maisons, hein ! VS : Après, là... AS : Entre les villas et la cité, attends juste, d’après les géographes de l’Eurométropole, c’est une des ruptures sociologiques les plus fortes qui existent. Vraiment la rupture avec le plus d’inégalités... MS : Ah ouais ? Ca on trouve pas ailleurs, alors ? AS : Pas aussi forte. MS : Aussi visible ? AS : Et aussi nette, pas aussi proche. C’est un géographe de... NC : T’as un nom, peut-être ? AS : Faut que je regarde, mes notes... VS : La Meinau, c’est combien, c’est presque 20000, c’est en dessous de 20000 habitants ? NC : Alors j’ai plus le chiffre en tête... VS : J’ai cherché, j’ai vu 17000 alors que j’étais parti sur beaucoup plus, je sais pas... NC : Possible que ce soit vers les 18 à 20000... VS : D’accord, oui. VS : Après, y’a l’entité HLM qui se diviserait en deux, y’a les HLM publics et cette SIBAR, qui était destinée aux fonctionnaires, donc c’est pas
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la même population. Nous dans le temps, on habitait Rue Schulmeister où là c’est vraiment une frontière où les centre d’intérêts étaient différents. Où on habitait ? MS : C’était le début de la cité SIBAR et de l’autre côté c’était HLM. C’est à dire que dans la même rue, que ce soit... Si c’était pair ou impair, c’était pas la même chose. VS : Les lieux où on faisait les courses étaient différents. C’est à dire qu’ici, y’a le supermarché, donc et dans le fond, dans la rue de Normandie, y’avait aussi un supermarché, et le clivage faisait un peu comme ça. Fin, un peu schématique parce que bon... Et la question de la SIBAR, c’est des fonctionnaires, donc c’est quand même une autre... C’était des personnes qui étaient dans l’administration. MS : Et les douaniers ! VS : Y’avait aussi les militaires, dans le temps. Les aviateurs, surtout ! MS : Et moi, quand j’étais à la Rue d’Anjou, au début, tout une partie, tu vois comme ça, tout une partie était vraiment pour la Douane. Ca c’était vraiment y’a très longtemps, parce que là, comme l’a dit AS, j’ai l’impression qu’ils prennent des gens qui ne sont plus fonctionnaires. VS : Maintenant c’est un peu différent, hein. Parce qu’il semblerait que la SIBAR soit réachetée entre guillemets par un office, fin y’aurait des transferts au profit de j’sais plus quel HLM de la ville. AS : Ah, c’est possible qu’ils veuillent fusionner. NC : Avec la SIBAR ? Parce que moi, de ce que je sais, la SIBAR c’est le Bas-Rhin ? MS : Oui, Société Immobilière du Bas-Rhin. AS : Mais je crois que les offices HLM de moins d’une certaine taille... NC : Ah oui oui, c’est vrai, ils doivent se regrouper ! VS : Donc y’aurait quelque chose qui serait annoncé. Bon, y’a pas beaucoup de publicité parce que l’association des locataires de la SIBAR, c’est révélateur, elle est un, organisée et finalement j’suis pas sûr que y’ait beaucoup d’adhérents et j’suis pas sûr qu’elle soit puissante. Elle a le mérite d’exister et j’crois qu’elle a une intervention relativement marginale. J’veux dire, elle est pas déterminante par exemple sur, je dirais, les travaux à faire dans les appartements ou la question de la répartition des charges comme y’a eu l’année passée... L’année passée, y’a eu un problème de répartition des charges et j’veux dire, l’association a juste fait le lien et redonné l’information mais bon, ils ne vont pas plus loin. MS : Ils vont pas plus loin, ils sont pas combattifs. VS : Non, c’est pas ça mais bon... NC : Ils ont peut être moins de leviers d’action que, par exemple l’association des habitants de l’Esplanade, aussi. MS : Oui, je pense. NC : Parce qu’à l’Esplanade, l’association gère quasiment le quartier en fait. MS : Ah ouais ? VS : Maintenant ici, ça a le mérite d’exister, y’a des gens qui travaillent mais ça a pas un impact a priori fort, moi c’est comme ça que je le sens, après je veux dire, je me suis pas non plus intéressé à cette question de l’habitat, de... AS : Vous votez pas aux élections ? Si ? MS : Non, y’a pas d’élections... VS : J’ai jamais entendu parler d’élections. NC : Non, c’est pas un office HLM donc y’a pas d’élections. MS : Non, j’ai pas du tout entendu parler... VS : On sait pas comment ça fonctionne finalement... MS : Mais vous alors, vous faites pas que ce quartier là ? NC : Non, moi c’est toute la Cité de la Canardière, donc d’ici à... MS : Oui, mais là vous avez dit l’Espla... Vous semblez bien connaître. NC : Ah non non, c’est un exemple, je fais juste, je travaille juste ici. Parce que l’Esplanade, ça a déjà été beaucoup étudié, etc, mais la Canardière ça a jamais été étudié. VS : Ensuite, y’avait dans le temps un service SIBAR... Pour moi, la SIBAR c’est un peu l’entretien extérieur, à l’intérieur j’en sais rien, mais avant y’avait un service SIBAR qui était quand même de qualité, j’ai l’impression que y’a une sorte de... Moi la vision que j’ai, d’une sorte de désengagement. Alors est-ce que ce désengagement est lié aux futurs transferts, moi c’est le sentiment que j’ai. Et j’dis toujours, comme ça, qu’est-ce que ça veut dire,
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j’suis peut-être fou aussi, mais la SIBAR c’est plus la SIBAR. Mais peut-être je me trompe, hein. Bon, et enfin elle aura sûrement une vision différente, parce que c’est souvent elle qui appelle et comme elle est connue et insistante aussi. MS : Oui c’est sûr, dès que y’a une panne d’ascenseur, moi j’me dis, j’vais appeler, mais les gens ils font rien. C’est à dire que si moi, maintenant je fais rien, je suis sûre que l’après-midi, personne aura appelé, parce que les gens, ils croient que ça tombe de la Lune, alors que moi je le fais parce que je sais qu’on peut appeler, mais eux aussi ils le savent. Vous voyez ce que je veux dire ? VS : Enfin t’es pas la seule à appeler non plus hein ! MS : «Oui Madame S.», je suis connue, parce que je suis là aussi depuis longtemps, hein ! VS : Ensuite, le patrimoine intérieur des appartements, j’ai l’impression que, comme ça, de l’extérieur, la SIBAR s’en désintéresse, sauf quand y’a un départ de locataires... MS : Ils refont tout de A à Z. VS : Oui, y’a des chances. MS : Non, non, c’est pas des chances, parce que moi j’ai vu l’autre fois, les gens qui habitent en bas, j’ai vu l’intérieur, ils leur ont mis un sol super et tout, là je crois qu’ils refont de A à Z. Non, mais parce que simplement, ce qu’il y avait y’a encore quelques années, quelques décennies, ils vous donnaient une petite prime, c’est à dire par pièce, par exemple on disait on veut refaire deux ou trois pièces, ils vous donnaient X francs, c’était des francs à l’époque, donc et je trouve que ça aidait un peu les gens à le faire, mais ça ils ne le font plus, donc les gens ils font ce qu’ils veulent VS : La dernière fois, c’était quoi, y’a 25 ans, peut-être plus ? MS : Et le sol, si, vous changez le sol, ça ils font plus non plus, maintenant, mais je veux dire, moi je vois pas les choses comme toi parce qu’ils ont quand même fait des tas de choses, niveau mise aux normes VS : Oui, mais c’est obligatoire dans tous les appartements, c’est une obligation légale MS : Oui, mais quand tu compares avec le privé NC : Oui, y’en a qui les font pas VS : Oui mais maintenant y’a quand même des contrôles plus... Plus réels des appartements, y’a des sociétés extérieures qui sont chargées un peu de voir tout ce qui est question thermie... MS : Parce que Monsieur le voit bien, là, comment c’est, les prises et tout ça, ils ont refait VS : Mais c’est la dernière fois ! MS : Mais quand on compare avec les privés, quand on voit parfois ce qu’on voit... NC : Même en dehors du privé, hein, dans le public, y’a certains offices HLM en tout cas où c’est clair que la mise aux normes, ils poussent jusqu’au bout pour ne pas avoir à la faire... MS : Ouais, je comprends pas, ça... Chez nous ils ont quand même fait partout, hein. VS : Moi le sentiment que j’ai c’est ça. Après, fin, ça fait l’objet un d’une appréciation, deux, discutable, j’peux me tromper, mais je pense que je suis pas le seul à percevoir ce... désengagement, j’vais pas dire désengagement ou désintérêt, mais un peu, transition un peu, entre les... AS : Les concierges, les concierges on les voit plus. VS : Non, y’a plus de concierges. MS : Non, mais y’a des gens qui bossent... AS : Non, mais M. G... MS : Ah oui, les permanences, oui y’a des permanences, mais j’veux dire, là on voit quand même ce qu’ils font, écoute, là ils ont quand même fleuri... VS : Oui, mais c’est extérieur, c’est... MS : Les poubelles, ils les lavent, est-ce que tout le monde le fait, laver les poubelles ? VS : Non, mais c’est pas forcément les services qui passent, ce matin le camion est passé, ils ont lavé MS : Oui, mais je veux dire, c’est quand même notre propriétaire qui demande ça. C’est quand même bien, je trouve. Ils les lavent chaque quinze jours, chaque mois, moi je sais pas si c’est partout, et moi je connais des gens qui sont dans un secteur privé, je vois les problèmes qu’ils ont, quand ils ont
un problème de fuite, de chose comme ça, le propriétaire il veut rien faire, on a beau demander, supplier, je sais pas mais moi je trouve qu’ici c’est pas comme ça. NC : Oui non, c’est clair que même moi, je vois bien, moi j’ai pas de souci uniquement parce que mon immeuble est quasiment neuf, sinon... Tout mon entourage qui est dans le privé... MS : C’est une agence ? Quand t’as un petit problème, est-ce que ça va, ils te réparent et tout ? AS : Bah oui... MS : Fin ici quand même, moi je trouve, quand même. VS : Ceci dit on paie des charges aussi, hein MS, pour ça. MS : Oui, mais tout le monde en paie, ça ! VS : Oui, mais j’veux dire tu paies quand même les charges, t’as une contrepartie de services qui va au-delà des charges... MS : Oui et en plus on paie une somme assez élevée ! VS : Au-delà des fuites, quoi. NC : Vous payez combien de charges ? MS : Ben dans les 250 par mois, c’est une somme élevée par rapport à notre loyer. VS : On a pas un gros loyer... MS : Mais je dois dire, c’est bien géré, une fois par an, justement ça c’est la loi qui prévoit, mais je sais pas si c’est le cas partout, y’a ce qu’on appelle le décompte de charges, mais ils le font vraiment, une fois par an, et en principe, parce que le gros chapitre, c’est bien entendu le chauffage, mais j’veux dire, il nous est déjà arrivé qu’ils nous rendent 400 euros. Vous voyez, j’veux dire... NC : 250 chauffage inclus dedans ? MS : Oui, oui. AS : Et l’électricité ? MS : Non, les charges, voilà, c’est pas l’eau chaude, parce que chez nous l’eau chaude c’est électrique, c’est le chauffage, et c’est ça le poste le plus lourd et donc, justement y’a un an, ils nous avaient expliqué qu’ils avaient mis en place une nouvelle chaufferie et avant qu’elle se mette en route, bref, etc, on avait pas eu tellement d’argent de solde, mais en principe ils le gèrent bien et souvent ils rendent entre 3 et 400 euros. Alors moi je préfère payer par mois une somme un petit peu importante mais pas qu’on vienne en juin me dire «vous devez encore 500 euros», des choses comme ça. Voilà. NC : J’ai une question, est-ce que vous savez si dans les immeubles de la SIBAR c’est uniquement du locatif ou si y’a aussi des propriétaires dedans ? VS : Pour moi c’est du locatif, mais je sais que y’a de nombreuses années, y’avait un programme notamment sous Giscard d’Estaing qui voulait faciliter l’accession à la propriété, mais ça a jamais été... Ca a été un peu lettre morte... MS : Non je crois pas, parce que là, au-dessus du café Martine, ça c’est de trucs qui ont été construits et qui ont été vendus, donc c’est des propriétaires, là-bas. VS : Ici, on aurait pu acheter notre appartement depuis le temps qu’on y est, l’appartement est payé. MS : Mais ça on nous l’a pas proposé. VS : Mais SIBAR non plus n’a pas non plus activé le processus. NC : Parce qu’en fait, je sais que y’avait eu, pas longtemps après l’inauguration justement du quartier de la Canardière, y’avait eu des plaquettes éditées par la SIBAR, des plaquettes publicitaires, etc. MS : Oui, exactement, pour de la vente, oui. NC : Mais justement, je sais pas si c’est pour de la vente ou pour de la location et je me pose la question, vous, même si la SIBAR c’est du logement pour fonctionnaires, etc, vous avez choisi de venir ici, vraiment ou on vous a dit «Vous allez dans le quartier de la SIBAR» ? VS : Le problème, c’est que c’est 35 ans en arrière. J’vais dire, un, l’avantage d’être ici c’est d’être sur Strasbourg, souvent le lieu des fonctionnaires c’était la Cité Administrative, ce qui fait que c’était pas trop loin. Un des grands avantages de ce quartier ici, c’est qu’avec le tram, il est très proche du centre-ville et finalement on est pas trop loin de la gare, par exemple. La gare c’est, combien, un quart d’heure, vingt minutes en tram, c’est pas rien, quand même. MS : Mais attends, pour bien répondre, c’est à dire que effectivement, nous on est là depuis, c’est pas compliqué, AS avait un an, donc depuis 30 ans, c’est pas un secret de dire son âge, et en fait ce qu’il s’était passé, ce qu’il
se passait, donc on était fonctionnaires, tous les deux, et donc on s’est inscrits et c’est là où on nous a demandé, est-ce que vous voulez aller à Hautepierre, vous voulez aller à l’Elsau, la Meinau, à la Rue Bidule, Place de Bordeaux, et c’est pour ça qu’on a dit «La Meinau». Donc c’est un choix, et on a eu de la chance qu’on nous le propose. VS : Toi, oui, mais pas pour moi parce que j’savais pas... MS : Bah moi c’était comme ça ! VS : On m’aurait dit Hautepierre à l’époque, j’aurais dit oui... MS : Au départ, c’était géré à la préfecture, c’était un service, parce qu’il y a quand même marqué partout maintenant «Conseil Départemental du Bas-Rhin» et y’a quand même, il faut pas oublier que c’est un conseiller départemental qui est président de la SIBAR. Donc vous voyez ? VS : Oui, mais dans les préfectures, t’as la gestion, y’a un droit de réserve pour les fonctionnaires, c’est les fameux 5%. Mais moi à l’époque, moi à l’époque j’savais même pas, quand j’suis arrivé à la Meinau j’savais même pas comment ça s’écrivait, la Meinau. En fait, la Meinau, quand j’ai vu la première fois écrit «La Meinau», j’me suis dit «mais moi, j’aurais pas écrit comme ça la Meinau». En fait, moi j’disais toujours à un moment donné quand je passais à la Meinau, quand j’habitais au Neudorf, j’disais «jamais j’y habiterai». Ensuite, j’y habite, fin on habite depuis longtemps, j’lui ai dit «j’voudrais pas changer de quartier», mais aujourd’hui j’suis plus nuancé. Pourquoi ? Parce que, moi le quartier, quand on travaillait, finalement, cette partie là, c’est quand même une cité relativement dortoir. Faut dire les choses comme elles sont, un exemple, y’a pas de restaurants ou peu et... Les restaurants sont sur... MS : Mais y’en a VS : Oui, mais un ! MS : Y’a le Thaïlandais, aussi... VS : Oui, mais il marche pas fort, le Thaïlandais. MS : Oui, mais il est là quand même ! VS : Y’a pas de culture à proprement dite de quartier, y’a pas de culture comme... Au Neudorf, y’a une culture, au Neudorf, ici y’a pas de culture, j’vais dire y’a un restaurant qui est route de la Meinau, mais au sein même, quand on pénètre, y’a pas... NC : C’est un quartier qui est assez peu pratiqué par les habitants, on va dire. VS : Oui, c’est ça, y’a. AS : C’est pas comme à Schilick, à Schilick y’a plein de restos. VS : Les restaurants c’est plutôt sur l’avenue, mais ici y’a pas. Quelque chose pour moi qui est une immense inconnue, c’est Pôle Sud. Pôle Sud, pour moi, j’sais pas ce que c’est, j’crois qu’on a voulu faire une sorte de contrepartie de ce qu’on a fait au Maillon, je sais que c’est on va dire, centré danse, mais j’serais incapable... J’ai jamais été à un spectacle, par exemple. J’vais dire, Pôle Sud n’a pas pour moi une attraction dirigée vers les habitants du quartier, à la fois multiculturalisme, etc... Je sais même pas si y’a des artistes qui viennent chanter, je sais pas. Je sais pas. MS : Bien sûr, c’est moderne, ils font de la danse contemporaine, ça nous intéresse pas tellement... VS : J’ai l’impression que ça s’adresse, fin j’sais pas, moi Pôle Sud... MS : Y’a des cours, qui sont donnés là-bas. VS : Autant la bibliothèque, elle était bien faite et tout, autant Pôle Sud, moi, je sais pas, je sais pas. Je sais pas si culturellement y’a une osmose avec ce qui est proposé aux habitants du quartier. J’sais pas c’que t’en penses ? AS : Ouuuh, j’pense que c’est pas pratiqué par les gens du quartier. MS : Y’a quand même le centre culturel. VS : Bah oui mais c’est grave quoi, une belle institution qui est pas vraiment ouverte sur les gens du quartier... MS : Mais c’est plutôt pour les gens, comme on dit, des villas. Si, je vois beaucoup de jeunes, là-bas, prendre des cours, VS. Puis notre fille aussi était là-bas, pendant j’sais pas combien de temps, elle a pris des cours de danse et tout, y’a quand même aussi le centre culturel à côté, où y’a quand même pas mal de jeunes qui y vont, je trouve. AS : Tout ce qui est spectacle, je... VS : Non, spectacle y’a pas. MS : C’est clair que c’est des spectacles un peu d’élites, c’est sûr VS : Un peu d’avant-garde, qui correspond pas à mon sens au quartier. Alors que j’veux dire, y’a quand même un multiculturalisme qui pourrait être
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exploité à travers la danse et la musique, par exemple. Y’a pas, y’a pas. Alors, je sais pas si ça marche, pour moi c’est une grosse inconnue, mais j’peux me tromper, là aussi, parce que j’fréquente pas. J’suis pas attiré, j’ai pas un réflexe de me dire «Tiens, qu’est-ce qu’il propose, le Pôle». J’ai le sentiment que y’a pas de vie de quartier, véritablement. Mais après, moi, j’me suis aussi engagé dans le mouvement associatif... Pour nous, le truc important c’est qu’on a pour l’instant un logement qui était pour 4 personnes, qui devient par force des choses pour 2 et quand même le loyer, le loyer est pas très élevé. AS : Combien ? VS : 650. 650 euros. MS : C’est même un petit peu moins. VS : Ouais bon, on va dire 650 euros. MS : Tout compris, ça veut dire le loyer, les charges, un emplacement de garage, aussi, le chauffage, oui, c’est important le chauffage. NC : Combien de mètres carrés ? VS : 100 mètres carrés. MS : 110 mètres carrés. C’est un grand appartement, je sais pas, si vous voulez voir ? NC : Peut-être après, on fera un petit tour, comme ça je pourrai dessiner un peu. VS : Ouais, c’est un appartement que je trouve pas mal conçu, ouais, pas mal. C’est clair, c’est quand même un avantage pour le moment, mais j’ai entendu dire que si y’avait un transfert sur une autre société, y’aurait peut-être un réajustement de loyers, sachant qu’ici y’a peut-être 70% des personnes qui sont dans notre cas, c’est à dire des familles qui étaient à la base avec deux ou trois enfants, lesquels sont partis, qui se retrouvent avec des surfaces... Or, j’pense que c’est pas dit, mais la SIBAR aimerait récupérer ces appartements pour les louer. Pour moi c’est une source quand même d’interrogation. MS : On verra bien... VS : Mais y’a pas forcément mélange des populations SIBAR et mélange des populations HLM. J’pense que les lieux de rencontre c’est là le supermarché ici, voire la poste. C’est là, un peu, les lieux de rencontre. Mais j’suis pas forcément convaincu que le marché du jeudi soit un lieu de rencontre pour tout le monde. Ils ont restructuré l’espace du marché, on a l’impression qu’il est beaucoup plus fermé, y’a eu des, à mon sens beaucoup moins de commerçants... Je sais pas comment dire, mais c’est quand même... Ethnocentré. Ah oui, c’est clair, moi la fois passé, j’ai dit à ta mère, j’étais au marché, j’étais étonné du nombre de femmes et de jeunes filles portant, je sais pas comment ça s’appelle, y’a juste le visage, quoi. Ca, y’avait pas. Les commerces, j’vais dire, j’ai l’habitude des marchés, le marché du Neudorf... NC : C’est devenu un peu communautaire, on va dire ? VS : Oui, y’a à mon sens une évolution forte vers un communautarisme. Moi, le marché que j’aime bien, c’est celui du Neudorf, ou celui du centreville, là j’me retrouve à travers tous les types de commerces. Là, très honnêtement... MS : Et y’en a un à Schilick ? AS : Très petit. NC : Y’a les halles de Schilick. MS : C’est où, ça ? J’me demande ? AS : Ca marche pas, ça marche pas... NC : Peut-être que ça viendra, après... MS : Vous habitez où ? NC : Moi j’habite quartier gare, près du Musée d’Art Moderne. MS : Ah, je connais bien, je travaillais Rue Hirn ! Alors j’dis je connais bien, maintenant, oui, la Rue Hirn c’est tout proche, c’est à deux pas de la station Musée d’Art Moderne. C’est là où y’a Pôle Emploi, ça c’est la Rue Hirn ! Donc on était là-bas, je connais un petit peu. Moi j’dois dire que je, comme ça, quand je le vois, moi j’aime pas tellement, vous êtes dans quelle rue ? NC : Moi, j’suis Boulevard de Nancy. MS : Et ça vous plaît le quartier ? NC : Ouais, franchement ! VS : Y’a beaucoup de travaux, en ce moment, non, ça devient compliqué ? NC : Ouais, y’a beaucoup de travaux, mais... MS : C’est vivant, c’est sûr !
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NC : Après, c’est pas si compliqué, parce qu’avec les travaux justement, y’a beaucoup moins de circulation qu’avant, puisqu’ils ont enlevé quoi, ils ont enlevé quatre voies de voitures sur les six, donc maintenant on circule aussi beaucoup plus facilement à pieds, etc, dans le quartier, c’est... MS : Mais ça restera pas, c’est dû aux travaux ? NC : Si, si, ça restera puisqu’ils font passer le tram et y’aura plus que deux voies de toute façon pour les voitures. MS : Bah tant mieux, si c’est plus calme ! NC : Ah oui oui. MS : Mais bon, ce quartier, ça dépend. NC : Les premiers mois ça a été un peu embêtant, parce que c’était beaucoup bouché le soir, etc, maintenant les gens ont compris qu’il fallait passer ailleurs, c’est pas plus mal. Après le quartier, franchement, c’est... MS : Vous êtes bien, là. NC : Ah oui oui, c’est bien, les loyers sont pas très chers, y’a tout sur place. MS : Oui, vous êtes près de la ville aussi. VS : Y’a aussi une caractéristique de ce quartier, c’est que y’a un dialogue interreligieux qui est bien structuré, et y’a des choses, y’a ce fameux jardin interreligieux derrière l’église St-Vincent de Paul. Là aussi, y’a de l’activité, j’pense que c’est... Y’a une bonne activité paroissiale. MS : Ils s’entendent bien, tous ! VS : Chez les catholiques, les protestants, les musulmans... MS : Les baptistes, tous. VS : Ouais, même les baptistes. Y’a un dialogue religieux, interreligieux qui est assez bien organisé. MS : Y’a des fêtes parfois, et tout. VS : A un moment donné, je sais pas si ça existe encore, mais la paroisse St-Vincent de Paul organisait la Fête des Peuples, c’était souvent en début d’année, et c’était quelque chose de bien fait, vraiment la fête des peuples, quoi. Mais je pense que y’a une activité paroissiale qui est forte. Mais dans toutes les paroisses, St-Vincent ou St-Amand, y’a une structuration, une activité qui est forte. Y’a quelque chose dont on parle jamais, c’est les jardins ouvriers. Alors je sais pas comment. MS : Mais ils sont où ces jardins ? NC : Ils sont au Sud, je crois, entre le quartier et le Baggersee. VS : Oui, tu sais au Schulmeister, dans la partie Schulmeister, vers le truc y’a les jardins ouvriers et quand tu vas vers la Meinau, au bout de la Rue Tortue, y’a les jardins. MS : Ah oui, effectivement, près du... VS : Et près aussi du Stade de la Meinau, y’a des jardins ouvriers, mais bon... MS : Au parc Schulmeister VS : Ouais, c’est un petit ilot, près du Stade de la Meinau. MS : Mais sinon, je trouve que c’est un quartier vert, on a le... VS : Moi je sais pas si c’est un quartier vert. MS : Moi je trouve que c’est un quartier vert, hein. Quand on arrive, y’a quand même beaucoup d’arbres, de plantations, Rue Staedel, tout ça, c’est quand même très très vert. VS : Enfin on en profite pas tellement... MS : Ah si, on se promène quand même parfois au Staedel et tout ça. VS : Oui, mais au Baggersee on y va jamais, MS... MS : Plutôt l’hiver, mais ne va pas se baigner. VS : La dernière fois on est allé au Baggersee quand ? MS : Pour se promener, pas se baigner. NC : Moi j’ai quand même une question par rapport aux lieux de rencontre, etc, est-ce que les gens qui sont dans les villas par exemple, ils pratiquent aussi ces lieux de rencontre, ils viennent faire leurs courses au supermarché, ils vont à la poste ici, etc ? VS : Ouais, j’pense, là, la poste... MS : Oui, ils viennent ici, parce que y’a aussi Frick & Lutz, vous savez c’est un truc un peu luxueux, comme dit AS quand t’étais petit, «Fric & Luxe», hein tu te souviens. Donc je pense que les gens des villas, ils viennent ici, quand même pour faire leurs courses, parce que sinon ils ont rien d’autre de toute façon, donc ils viennent ici, pour acheter le pain et tout. Oui, je pense que oui. VS : Et aussi quelque chose qui a changé, enfin on l’a pas trop vu parce
qu’on est un peu à l’opposée, c’est tout ce qu’il y a partie rénovation HLM. MS : Là, ça a beaucoup changé, les grandes tours, y’en a plus que deux ! VS : Quand je vois les appartements, les immeubles, c’est quand même très différent de ce qu’il y avait avant. MS : Ah ouais ! VS : Alors je sais pas si c’est les même personnes qui y habitent... MS : Mais c’est vrai, quand on en voit qui ont deux ou trois étages, c’est quand même autre chose que les tours qu’il y avait avant... VS : Oui, puis, l’architecture c’est pas mal. MS : Moi je trouve que c’est bien construit. VS : Sans dénaturer le quartier, je trouve que c’est pas mal. MS : C’est très très bien fait. NC : Justement, parce que y’a, moi de ce que j’ai compris en regardant les cartes, etc, y’a eu assez peu de démolitions et de reconstructions derrière, y’a pas eu une énorme intervention comme par exemple à Hautepierre ou autres... Ca a été quand même plutôt léger. VS : Non, c’est vrai. MS : Oui, y’en a pas eu beaucoup. NC : J’crois que y’a eu 7 ou 8 petits immeubles qui ont été construits et 2 ou 3 grandes barres... VS : Après, y’a des tours qui ont disparu, quoi. MS : Oui, y’a des tours qui ont disparu, et aussi, là où on était, à la Rue Schulmeister, c’était un truc énorme, y’avait 9 étages, quand même ! Oui, là c’est un changement total ! VS : Y’avait des tours... MS : Y’avait des tours, puis maintenant ils font des petits immeubles qui sont vraiment bien. VS : Disons que c’est pas une opération d’ensemble mais y’a eu des... MS : Y’a eu beaucoup de choses de faites quand même ! Dans le cadre de l’ANRU. NC : C’est vraiment par petits points, etc que ça a été fait. MS : Oui, dans le cadre ANRU, ils ont fait beaucoup de choses. Parce que justement, quand on est là depuis longtemps comme moi, parce qu’en fait, moi j’habitais dans ce quartier déjà en 73, vous voyez ? Ca fait 46 ans, donc là c’est évident que y’a un changement, hein ! Y’a plus ces grandes barres, ces grandes tours... NC : Alors j’ai une question qui peut peut-être paraître un peu bizarre par rapport au supermarché qui est derrière. VS : Derrière où ? MS : C’est à dire, derrière ? NC : Y’a le supermarché, le Auchan je crois ? MS : Le petit Auchan, près de la Poste ? Oui ? VS : Oui, il est là, oui ! NC : Alors parce que donc vous, ça fait depuis 73 que vous êtes là... MS : Tous les noms qui ont changé ? NC : Non, c’est pas l’histoire des noms ! Il me semble que ce supermarché là, ça a été le premier supermarché ouvert en France en fait. Et du coup je me demandais si, quand vous étiez arrivée à la Meinau, c’était déjà habituel pour vous de pratiquer par exemple un supermarché ou autres ? MS : Oui, oui. NC : Okay. VS : Le premier supermarché Auchan, c’était dans le Nord. MS : Oui, parce que c’était pas un Auchan, c’est pas ça, ce qu’il a dit. VS : Non non, mais j’veux dire le premier... MS : Il a dit le premier supermarché de quartier. Mais c’était pas Auchan du tout dans le temps ! NC : Oui, non, c’était Suma. MS : Oui, c’était le Suma, oui. Mais il était déjà ouvert et puis je trouvais ça normal d’y aller. NC : Oui, d’accord, c’était normal, vous aviez déjà l’habitude. MS : Oui, c’est ça, tout à fait, ouais. VS : Bon, y’avait un Mutant à côté, mais ça a pas... Marché, je crois ? MS : Non, c’est pas ça, c’est qu’il a été... Non, c’est pas ça, ça dépendait de Coop et la Coop, elle a eu un problème et donc ils ont du fermer. Mais contrairement à ce que tu dis, y’avait beaucoup de gens qui y allaient et justement, ils pratiquaient... VS : Où ça ?
MS : Au Mutant, y’avait beaucoup de gens qui y allaient, mais c’était pas le même public qui allait, parce qu’avant c’était, avant Auchan, c’était un Simply ou j’sais plus quoi. Donc c’était pas le même public, les gens qui vont au Mutant que les gens qui vont au Simply. Et c’était pas la même gamme de prix et c’était pas pareil. NC : Maintenant, tout le monde va de toute façon... MS : Bah oui, puisqu’il y a plus que ça et maintenant y’a une salle de sport. AS : Y’a un Lidl qui est à côté, aussi. MS : Enfin, à côté, il est à côté... VS : Ouais, c’est là-bas, ouais. MS : Il est, enfin si vous avez pris le tram, il est à deux pas... C’est à côté, oui et non, j’veux dire, si tu veux faire tes courses, c’est un petit peu loin quand même, tu vois ce que je veux dire ? Mais y’a un Lidl. VS : J’pense aussi, la bibliothèque... Alors y’a une maison de jeunes, aussi, mais maintenant j’ai pas de... On la pratique pas. Une maison de jeunes, j’pense que ça marche bien, mais j’pense que... J’en ai parlé, la bibliothèque, on a... J’trouve que c’est une belle bibliothèque, qui est bien faite, qui est agréable... MS : Ah ouais, ça c’est sûr, comme toutes celles qu’on a... VS : Non non, c’est bien, ça... Par rapport à ce qu’il y avait avant... Nan, c’est bien fait, elle a bien été faite... MS : Oui, et ce que je voulais aussi dire, ce qu’on avait dit avec toi, c’est que, quand, au tout début quand on y était, donc, y’a trente ans, y’avait beaucoup de coursives, vous savez ? Des petits espaces, on pouvait passer, comme ça, les petits chemins... Et tout ça, ils ont fermé, je suppose que y’avait des petits trafics, vous voyez ce que je veux dire ? NC : Oui, des petits chemins qui traversaient dans le quartier, un peu partout ? MS : Oui, voilà, c’est ça, des coursives et tout ça. Et ça, ils les ont fermées, éventuellement je pense que c’était lié à des petits trafics, quoi. Mais vous voyez, c’est vrai que, quand on est ici... Fin, moi ce que je perçois, c’est comme si y’avait deux mondes. C’est à dire, je... je... Bien entendu que y’a des jeunes qui sont partis en Syrie, après tu dis que c’est ton quartier, y’a des trafics de drogue... VS : Ca veut dire que y’a une activité, quand même... MS : Mais, ça se passe pas... Ici, pour moi. VS : Oui, mais c’est proche, quand même. MS : Si, pour moi, c’est pas la rue de Touraine, je sais que c’est très proche. VS : Ah bon ? MS : Mais c’est plutôt avenue de Normandie. Ca c’est une rue un peu chaude, moi j’la vois comme ça. VS : Mais y’a pas que là, MS, y’a aussi du côté du Baggersee... MS : Oui, voilà, ça c’est les HLM, à la rue Arthur Weeber, à la rue Loucheur... VS : Y’avait quand même, une année, deux ou trois ans, y’avait des descentes de police costaudes ici, hein ! MS : Oui, tout ça, là-bas. VS : Oui, mais c’est pas loin ! MS : Tout le quartier de la Meinau, c’est le quartier Meinau, ouais. VS : Et tu sais pas quelle est l’activité réelle, tu sais pas... Et quand y’a des descentes de flics, c’est 6h du matin et c’est pas un bonhomme, c’est le RAID ou le GIGN qui viennent, quoi. MS : Et aussi on a toujours pour le premier janvier... VS : Nous on est périphériques, quelque part on est périphériques mais quand tu regardes... Je dirais, l’autre bout du diamètre, c’est pas loin 400m... MS : Non, c’est pas loin du tout. Et aussi, le 31 décembre, j’avoue que j’suis contente quand c’est fini, parce que c’est quand même... Un peu chaud, hein, voyez... C’est pas vraiment ici, mais vous entendez bien que jusqu’à 1h, 2h, y’a cette tradition stupide des pétards, là, et on est jamais vraiment tranquilles, hein. Et c’est vrai que dans notre rue, j’ai déjà assisté à une voiture qui a brûlé, ça c’est vrai. Ca fait vraiment... AS : Quand ça ? MS : Si si, moi je l’ai vue. VS : Y’a eu un feu de poubelles, aussi... MS : Mais là, c’était une voiture et je dois dire qu’ils viennent très très
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vite, ils viennent pratiquement sans faire de bruit, puis ils éteignent ça, je dirais presque en quelques minutes, vous voyez ? Puis après, voilà, on voit plus rien. Mais sur le coup, ça vous fait vraiment peur, hein ! Ca, c’est... Spectaculaire. VS : Après y’a une association de prévention... MS : L’APAM ? VS : Alors, mais l’APAM existe plus en tant que telle, elle a été rattachée à notre... AS : A la JEEP, non ? VS : Ouais, enfin quelque chose comme ça, ouais. Alors j’sais pas, ouais... Fin moi j’en ai été trésorier à un moment donné, quoi. Mais je sais pas comment... Comment maintenant elle intervient, quoi. Et là aussi, ils avaient un regard intéressant sur... Sur le quartier, quoi. Et... Ils proposaient pas mal d’activités, notamment. Donc j’sais pas si c’est encore actif, je sais pas... Si c’est actif ou pas, quoi. Mais, par contre ce qui est relativement difficile ici, c’est d’avoir des salles. Avoir des salles, c’est pas évident, quoi. MS : Des salles ? VS : Bon, la paroisse elle peut proposer... MS : Ah, quand tu veux louer des salles ! VS : Ouais, ouais, c’est pas forcément... MS : Oui oui, moi je trouve que ça, on a pas la chance qu’ils ont dans les petits patelins ! Vous voyez, dans les petits patelins, ils ont partout des salles... VS : Des salles polyvalentes... MS : Vous pouvez louer... Moi je sais très bien ce qu’on a construit dans toutes ces communes, ils ont beaucoup plus de sports, d’équipements sportifs que y’a dans les villes. NC : Bah, c’est que dans les villes, ils sont plus grands, mais... Forcément, c’est regroupé à certains endroits, quoi. VS : Oui, puis la partie SIBAR, c’est une partie de fonctionnaires, donc forcément, y’avait un volume de mutations. J’vais dire... Les militaires, par définition, ça restait pas longtemps. Après, tout ce qui était profs, ça aussi, y’avait... MS : Oui, ça bougeait. VS : Donc forcément, c’était quand même conçu ici comme une cité fonctionnaire, avec une vie... Marquée aussi par les mutations. Je sais pas comment a été pensée la Meinau, quoi. Au-delà des villas. NC : Je sais que toute la partie Cité de la Canardière, etc, même ici, ça a été conçu... A la base, ça devait être une espèce de... Quartier parc, si on veut. Ce qui explique pourquoi y’a énormément d’espaces verts entre les barres, etc, surtout dans la partie, euh... Ca fait depuis tout à l’heure que je pointe par là alors que c’est par là ! MS : Ouais, ça c’est la Canardière, c’est ça, là ! NC : Donc c’est pour ça que y’a énormément d’espaces verts. VS : Donc y’a des espaces verts ? Parce que j’en ai pas trouvé... AS : Bah franchement, y’en a plein ! MS : Moi je trouve aussi ! VS : Nan mais tant mieux, comme ça, ça me donne un... Dire tiens, c’est vrai... Je le vois pas, quoi ! MS : Oui ! NC : Quand on passe entre les... Quand on arrive... Alors, je sais plus c’est laquelle, la grande rue qui passe au Sud, rue du Languedoc et... Je crois, rue de Provence ? MS : Oui, ça c’est les quartiers HLM, justement. NC : Oui, où quand on passe là, on a les immeubles qui sont sur le côté, à 45°, et y’a toujours des grandes... Des grands dégagements engazonnés, etc. MS : Oui, moi je trouve, quand même, que y’a pas mal d’espaces verts, oui. AS : Là, même, près de chez Klein. VS : J’ferai attention ! AS : Pense après Klein, tu sais, là où elle habitait ML, là aussi y’a plein plein d’espaces verts. C’est pas très aménagé, d’ailleurs... NC : Non non, c’est pas très aménagé, mais c’est clair que quand on... Enfin moi la première fois que je suis passé dans le quartier, etc, c’est quand, c’était y’a deux mois, quelque chose comme ça ? J’suis arrivé justement par là et... Bon, quand c’est ensoleillé, etc, c’est assez agréable, même si c’est des barres HLM, c’est assez agréable parce que y’a des grandes ouvertures, des grandes perspectives, etc.
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VS : Après bon, la place de l’Île de France aussi a été refaite, place de jeux, parc familles... MS : Ouais, là c’est bien, elle a été bien refaite ! AS : Elle est bien refaite, ouais ! VS : C’est pas mal, ouais. C’est pas mal. Après, la vie associative, je sais pas... J’ai pas trop d’idées, je sais que... Fin nous on s’y intéresse pas. Mais... Je sais pas. Parc Schulmeister, nous on s’y promenait, mais... Y’a longtemps, quand on habitait rue Schulmeister, quoi. AS : Qui a été refait aussi, y’a moins de dix ans, et bien refait. VS : J’arrive pas bien à voir, finalement, ce quartier. Avant, quand je bossais, je rentrais à la maison, mais depuis que je suis retraité, j’avoue que j’suis pas... J’suis pas utilisateur de ce quartier, à part faire les courses, la bibliothèque... J’ai quand même un rayon... Ou quand je fais du vélo, si, quand je fais du vélo, j’vais au Baggersee... MS : Alors que moi, non, moi j’vais à la poste, partout, moi j’aime bien... VS : Oui, mais tu connais pas toute la Meinau, la Meinau dans la partie HLM, derrière Normandie, tu la connais pas. On y va pas. AS : Pourquoi vous iriez, d’ailleurs ? VS : Bah j’veux dire, y’a rien... MS : Non, j’vais pas y aller, mais j’veux dire... VS : Sauf que j’me perds en bagnole, ça m’est déjà arrivé de m’y paumer, mais euh... J’veux dire, cette partie là, on la connait pas. MS : Moi, parfois, quand je prends le tram, je passe exprès par la rue du Poitou et tout ça, je passe par derrière et tout ça... VS : Oui mais y’a une partie que tu connais pas, la rue Weeber... MS : Oui, mais j’ai pas envie d’y aller ! Non, j’connais pas ! Mais eux ils connaissent pas notre rue non plus ! VS : Non, mais c’est... Voilà, y’a une partie qu’on connait pas bien... MS : Oui, bien sûr. MS : Sinon, le stade n’est pas loin, alors j’vous dis pas ici, demandez à AS ! VS : Alors moi, j’le situe pas à la Meinau, le stade. NC : Comment ça, vous le situez pas à la Meinau ? VS : Non, je le situe moi au centre-ville... Neudorf, centre-ville, mais moi, j’en ai encore discuté avec AS, j’vais dire... NC : Non non, mais c’est intéressant... VS : J’ai pas le réflexe de dire «le stade de la Meinau» est à la Meinau, pour moi c’est le Neudorf, même si y’a la ligne de chemin de fer qui fait la démarcation, quoi, mais. MS : Krimmeri - Stade de la Meinau, pourtant ! VS : Oui, bah je sais bien, mais... NC : Non mais en vrai c’est intéressant, parce que ça, je travaille beaucoup dessus... VS : Les frontières ? MS : Les perceptions ? NC : Parce qu’en fait, enfin moi, dans les cours que j’ai actuellement, j’ai un séminaire sur l’Atlas métropolitain de Strasbourg et c’est assez marrant de voir les différences de perception des quartiers que les gens ont parfois. VS : Mais moi c’est ma propre truc, quoi... MS : Oui, bien sûr, tu peux dire ce que tu veux. VS : J’ai pas tout de suite le réflexe de penser que le truc le plus important, j’dirais en termes de capacité d’accueil, c’est 25000 personnes, c’est plein de gens, etc, et j’ai pas le réflexe de le mettre à la Meinau. Moi, je le racole vraiment au Neudorf, quoi. MS : Ah ouais, alors que pour moi c’est Meinau et c’est après, pour moi que ça commence le Neudorf. Comme tu as dit, après la ligne de chemin de fer. MS : Mais moi je trouve que c’est quand même un quartier calme, hein. Rappelle-toi, tu sais Benjamin, quand il venait dormir chez nous, il était toujours super étonné ! VS : Bah ouais, et la semaine qui a suivi, c’est là où on a brûlé la bagnole ! MS : Oui, bon d’accord ! VS : Il disait «Ah, vous avez de la chance !» et dans la semaine qui suivait, c’est la première fois... Et pourquoi on a brûlé une voiture ici ? C’est parce que là, y’avait des bancs, y’avait du trafic de drogues, d’accord ? Et
les gens, ils s’y voyaient, donc ce qu’il faisaient, il appelaient la police. Et la contrepartie, c’est «Ah, vous nous embêtez pour le trafic, on va brûler une voiture.» C’était un avertissement, juste, tac tac. MS : Bon, ça c’était juste une fois. VS : Le trafic de drogues existait avant, MS ! MS : Oui, bien sûr ! VS : Y’avait du trafic de drogues, c’est pour ça que y’a plus de bancs, les bancs ont été retirés pour éviter ça, quoi. MS : Ouais. Sinon je trouve que c’est quand même calme, ici, comme quartier. VS : Cette partie, elle est très... Elle est... Je dirais marginale, un peu machin, mais quand tu vas dans la Meinau, tu le sais pas. NC : Je réfléchis à ce que j’ai encore à... vous poser... Ah oui, si, j’avais quand même... Un truc. Parce que c’était ce qui nous... Justement avec ma professeure, c’était ce qui nous avait fait le plus tiquer, c’est parce que AS, à la fin de son questionnaire a parlé des réseaux islamistes... VS : Pour moi c’est clair, moi j’pense que y’a un salafisme... NC : Justement, c’est assez marrant que par exemple, AS en parle, mais, si je comprends bien c’est vous qui avez rempli le questionnaire, vous, vous en avez pas parlé, ça vous est pas venu à l’esprit... MS : Oui, exactement... NC : Parce que vous le voyez pas, parce que vous... VS : Non mais j’pense que, enfin... Moi, quand j’ai dit «marche un petit peu ethnocentré», j’avais un petit peu amorcé, quoi. Moi, clairement, y’a un réseau islamiste, ici, qui est un réseau salafiste et qui va être aussi marqué par l’arrivée des populations tchétchènes. C’est clair. MS : J’y ai pas pensé, à ça... VS : Mais moi, c’est pour ça qu’je dis, nous on est périphériques par rapport à une Meinau qu’on ne connaît pas... Moi j’pense que y’a des réseaux islamistes, oui, clairement. MS : Moi, je vois pas ces choses... VS : Non, parce que toi, tu veux pas les voir. Mais y’a une vérité comme ça. Et c’est ça qui me fait peur, présentement, au quartier de la Meinau, c’est ça qui me fait peur. Moi, j’vais aller jusqu’au bout de mon raisonnement. A terme, j’ai peur que Strasbourg, une partie de Strasbourg devienne une pétaudière. J’veux dire par là, qu’est-ce que c’est Strasbourg ? C’est le centre-ville, la Neustadt, c’est quoi, c’est une carte postale. On va dans la prolongation, on a le Parlement Européen, on a le Quartier des Quinze et on a la Robertsau, ça c’est les quartiers qui sont, bon... Mais en périphérie, y’a quand même une arrivée de toutes... Voilà, faut pas, peut-être, l’enregistrer, mais toutes formes de populations qui viennent des Balkans, de Tchétchénie, et qui viennent aussi avec leurs propres mafias. Trafics, mafias, etc, et j’ai peur qu’un jour, ça devienne une pétaudière, tout ça. Ca c’est mon propre sentiment, voilà. Et quand je vois les mafias albanaises qu’il y a, j’veux dire, moi j’ai quand même peur, c’est pas des... Et ça existe ! Le racket, ça existe, le trafic de drogues, ça existe et la prostitution, ça existe. Moi, avant la retraite, j’ai travaillé sur le fameux truc, ce qu’on appelle le budget Accueil, Hébergement, Insertion, le bloc 177... Donc forcément, j’avais connaissance assez pointue des populations qui venaient sur Strasbourg, notamment ces populations des Balkans. Mais aussi, on avait d’autres informations qu’on recoupait avec la région, la préfecture aussi, y’a des informations... Y’a quand même à s’inquiéter. Et honnêtement, y’a une vérité, c’est que y’a une mafia albanaise qui s’installe en France, de façon pérenne, qui tient le marché de la cocaïne et qui tient le marché du trafic de migrants, prostitution, etc. Moi, je sais que y’avait de la prostitution infantile. Infantile. Ca existe, ça, la prostitution infantile... Bon, et c’est ça qui me fait peur, c’est qu’on est dans un système qu’on ne maîtrise plus, avec des cultures qu’on ne connaît pas, par exemple les tchétchènes, ce sont des... C’est un Islam radical, c’est pas... L’Islam qu’on connaît, c’est clair. AS : Ouais, mais après, ces gens là, ils s’intègrent, hein. VS : On sait pas trop s’ils s’intègrent, parce que y’a une... Il y a quand même un communautarisme, avec la loi... Fin y’a la Loi du Talion, fin non, pas le Talion, mais, on dira... MS : Ils ont leurs propres règles, tu veux dire. VS : C’est clair. MS : Leur propre code d’honneur, comme chez les turcs. VS : Et quand tu regardes, la ceinture Ouest de Strasbourg, elle est aussi
concernée. MS : Y’a eu beaucoup de bagarres à Hautepierre et tout, entre les clans... VS : Non, c’est des questions de territoires, de trafics et de territoires. MS : Oui oui, c’est ça, oui. Mais ça, ils en avaient parlé, ça. C’était à Hautepierre. VS : Et j’suis quand même étonné de voir que y’a quand même 6 jeunes qui sont partis y’a 3 ou 4 ans faire le Jihad, quoi. C’est quand même pas rien, 6 jeunes dans un quartier, j’veux dire, c’est organisé, avec des liens, etc. Moi j’ai un de mes jeunes du football qui est en taule ! 5 ans de taule, ouais ! AS : Pour ? VS : Bah il était dans un drôle de truc. MS : Il participait à quoi, déjà ? VS : Il allait vers la Syrie, voilà. Il allait vers la Syrie, pas clair, non non. Il a eu 5 ans de taule... MS : T’es sûr qu’il a rien fait de plus ? VS : Non, je sais pas trop... De toute façon, j’avais suivi son procès, parce que le gamin... C’est lui qui a notre disque, là, j’avais suivi son procès et le juge a dit «Moi, j’arrive pas à comprendre», quoi. Les autres ont eu 10 ans, lui il a eu 5 ans. Donc ça, c’est quelque chose qui me... MS : Oui, c’est sûr... VS : J’veux dire, y’a quand même une activité, y’a quand même des réseaux, et quand la police elle vient ici, c’est le RAID qui vient, c’est pas le... Alors je sais pas comment tout ça se fait, le brassage, j’veux dire... Moi j’aimerais bien qu’on me dise effectivement que ça s’intègre bien et c’est bien, finalement. Mais si c’est pour créer des zones de trafic comme y’a ici, ça existe aussi à la Meinau, c’est connu, hein ! J’veux dire, Meinau, Neuhof, y’a des liens inter-quartiers sur les trafics, ouais. C’est ça qui me fait peur. Après, j’peux me tromper aussi... J’sais que c’est souvent des mafias qui sont dures... MS : C’est un peu ce que tu dis avec Hautepierre, y’a eu vraiment des grosses... Des gros clashes entre les clans, on va dire. VS : Justement, c’est la question des territoires... MS : C’est pour les territoires, ouais. VS : Les trafics de drogue, moi j’veux avoir une emprise dessus, toi tu veux pas, point barre. Mais bon, aussi, y’a du trafic de drogue à la Meinau, faut pas non plus se leurrer, quoi. J’avais vu une fois une livraison et j’comprenais pas, y’avait deux jeunes sur un scooter, ils arrivaient au bout de la rue. Et j’dis «Pourquoi ils roulent sur le trottoir vite ?», c’est quand même dangereux, y’a des escaliers, etc... D’un seul coup, y’en a un qui a mis sa capuche et j’ai compris qu’ils allaient livrer, ils avaient quelqu’un... Il est allé livré. Et j’ai compris après pourquoi ils allaient vite, pourquoi il a mis sa capuche, y’avait quelqu’un qui attendait et puis ça s’est vite fait, quoi, il donne la main, il met l’argent, etc, fin bon. Après ici, je sais pas si y’a une grosse activité politique, je sais pas. Dans le temps, y’avait quand même une activité plus forte, parce que j’veux dire, y’avait un PS organisé, qui n’y est plus. Y’a plus de PS, ici, c’est clair. Y’avait un PS organisé, voilà. AS : Y’avait le RPR, aussi, non ? VS : Ouais, y’avait... C’était plusieurs... Parce que, à l’époque, y’avait aussi André Bord qui était là, ensuite Daniel Hoeffel qui était un... Fin c’était son quartier, donc y’avait une... C’est pas rien, c’est quand même Daniel Hoeffel. André Bord, c’est pas rien, Daniel Hoeffel, c’est pas rien, donc y’avait... C’était des gens qui... Comment dire... Connaissaient leur quartier. Hoeffel connaissait bien son périmètre. Il visait pas n’importe où, il connaissait tout, il venait aux assemblées générales... Moi quand j’étais trésorier de l’APAM, il venait, il venait avec la mairie... MS : C’est aussi parce qu’on a arrêté depuis, chaton, c’est pas pareil. VS : Oui, ils viennent, mais... NC : C’était un ancien maire de quartier, c’est ça ? VS : Non non, c’était le conseiller général du quartier. MS : C’était un ancien président du Conseil Départemental... VS : Qui était aussi président du Conseil Général, quoi j’veux dire, c’est pas... MS : Et ancien ministre ! VS : Et donc un ancien ministre ! Et il venait, quoi. Il avait cette qualité, c’était un homme... MS : Oui, il suivait bien son canton ! VS : Oui, puis c’est un homme... Abordable. MS : Il habitait pas le quartier, mais il suivait bien son canton.
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peu...
VS : C’était un homme abordable, j’dirais. Il représentait bien un petit
MS : Mais tu sais, ça ils font tous, ils suivent bien leur canton, c’est pareil, Bierry maintenant il suit bien le canton de Villé, tout ce qu’on veut, voilà. Ca ils le font tous, quoi. Mais c’est vrai, il venait, tout ça... VS : Et je pense que le fait que y’ait eu un... En fait, l’Imam de Strasbourg, c’était pas... C’était un Imam africain, c’est à dire que sa position, il n’entrait pas dans les zones de conflit qu’il y avait entre, par exemple, les différentes... Mouvements... J’vais dire, entre les musulmans algériens, les musulmans marocains, il n’entrait pas là-dedans. Il avait vraiment un impact charismatique, ce qui fait que c’était... J’pense que ça aussi, ça a du aussi permettre une sorte de contrôle, via l’influence qu’il pouvait avoir sur les familles, quoi. MS : Et y’avait aussi certains prêtres qui étaient aussi... Qui étaient importants, comme le Père Bouché, que tu connais, qui faisait beaucoup de choses. VS : Oui, mais y’avait un dialogue religieux qui intégrait aussi le Rabbin... AS : Y’a une synagogue à la Meinau ? MS : Oui, y’a une synagogue... VS : Petit synagogue. MS : Y’a une église baptiste et même une mosquée, non, y’en a pas une petite ? VS : Y’a des salles de prière ! MS : Y’a des salles de prière... VS : Mais on sait pas où elles sont ! MS : Et donc deux églises catholiques, protestantes, mais tout ce monde là s’entend très bien. VS : Oui, y’a une dialogue fort, c’est important, ça. MS : Voilà, c’est ce que j’allais dire. Sinon, y’a quand même, mais ça je pense que vous savez, je sais pas dans quelle rue, y’a aussi la mosquée Sultan je sais pas quoi... VS : Ca c’est la mosquée turque, oui. MS : Oui, voilà, y’en a une aussi ! NC : Oui, celle qui est en construction, là. MS : Non non, c’est une... VS : Si, elle est en construction. MS : Non, y’en a une... VS : Rue de la Fédération ? MS : Voilà. VS : Elle est en construction, elle est en train d’être refaite. MS : Ah, voilà, mais elle existe depuis longtemps. Et plus l’autre, bien sûr, qui est au bout de la rue du Rhône, fin, ça c’est plus vraiment chez nous, donc je sais pas. Tu sais, celle qui est près du collège Pasteur ? NC : Ah oui, je vois, celle qui est près du collège Pasteur... Oui non, c’est plus du tout la Meinau, là. MS : Y’a quand même aussi pas mal de turcs qui la fréquentent, qui vont au Pro Inter aussi, y’en a vraiment pas mal... VS : Non mais l’avantage de cet Imam là, c’est qu’il pouvait rassembler les turcs, les marocains, les algériens, quoi. C’était... C’est un atout fort. C’était un atout fort, ça. Puis il a été décoré y’a deux ans, je crois, par le préfet, pour son action... Pour son rayonnement, quoi. MS : Mais sinon, quand on pense à ce qu’il y avait avant et maintenant, moi quand je pense, je trouve que maintenant c’est quand même beaucoup mieux, y’a eu quand même... Je pense que y’a certains commerces qui ont bénéficié des fonds européens. Ca j’en suis sûre. AS : A la Meinau ? Moi j’suis pas sûr... MS : Si si, la boulangerie Lambert, ça c’était sûr, hein. VS : Je suis sûr, Martine en a peut-être bénéficié aussi... MS : Tu sais, la patronne avait été reçue à Paris au Ministère... Et puis quand je compare, dans ma tête je vois que là, maintenant, c’est quand même pas mal, ce qu’il y a. Je pense que y’a certains médecins qui s’installent aussi parce que y’a des franchises aussi, peut-être, c’est des secteurs... VS : Y’a aussi une régie de quartier, j’pense... MS : Qui est importante, mais ça c’est HLM aussi... VS : C’est important parce que c’est un lieu de formation aussi... NC : Régie de quartier ? C’est à dire ? C’est quoi ?
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VS : En fait, une régie de quartier c’est... AS : C’est pour du social. VS : C’est à la fois une structure économique et sociale. C’est à dire qu’on va faire de l’insertion, de la réinsertion à travers un service... MS : Le jardinage, des choses comme ça. VS : Oui, entretien, des choses comme ça, quoi. MS : Oui, c’est ça, c’est très important aussi. VS : Ca s’appelle Meinau Services... MS : Si vous savez pas, il faut voir ça. VS : Et j’vais dire, ça aussi ça... Alors je sais pas quel est l’impact, mais y’a deux aspects, quoi. Y’a un aspect social où on fait de la formation, puis économique parce que, comment dire, ça... Ca a un impact sur l’entretien, etc... Et qui existe toujours, d’après ce que je crois savoir. AS : Oui, oui. VS : Alors c’était compliqué, la régie de quartier à l’époque, quand on l’a installée, parce que y’avait deux associations qui étaient rivales... AS : Qui et qui ? VS : Bah y’avait l’association du... Je sais plus comment elle s’appelait, puis l’APAM, ils avaient deux conceptions très différentes. L’APAM avait une version un peu... L’APAM était sur l’action mais sur l’idéologie en même temps. AS : C’est les socialistes, non ? MS : Ouais, non, un petit peu de gauche. Un petit peu. VS : Et l’autre association était plutôt sur une culture de gestion. On gère un dispositif, etc. Alors je sais pas, l’action sur... Les Restos du Coeur, est-ce qu’on l’intègre à la Meinau, ou pas ? C’est sur la Meinau ou pas ? MS : Oui, elle y est, je crois, l’antenne. VS : En fait, je pense qu’il y avait une vie associative qui a permis, justement... Y’a eu des leaders associatifs... Je sais pas si y’en a encore. MS : Et puis y’a aussi, à la station Krimmeri, une antenne du Secours Populaire Français, qui est aussi importante... Y’a beaucoup de gens qui y vont prendre des choses. NC : Bon, je pense qu’en soi, niveau vie de quartier, etc, on a quelque chose d’assez complet... Maintenant, j’ai peut-être encore quelques petites questions, niveau... On va dire, niveau spatial. Ca va être des questions qui peuvent vous paraître bizarres, ou je sais pas... MS : Non non, allez-y ! NC : Alors, dans le questionnaire, je vous ai demandé l’endroit le plus emblématique du quartier... MS : Moi j’avais dit la place de l’Île de France. NC : Ce serait quoi le plus bel endroit du quartier, peut-être, pour vous ? MS : Ah, le plus bel endroit ? NC : Celui que vous trouvez le plus agréable... MS : Pour moi, c’est le quartier Staedel. La rue Staedel. C’est... En fait, c’est... On va dire, l’endroit qui mène au stade, justement, c’est au bout de toutes ces... De ce quartier de villas, là, et y’a un grand espace vert... Comme ça, quand on voit de loin, on dirait un petit peu un green de golf, vous voyez, quand on voit de loin. Et y’a l’eau qui est pas loin, et moi j’trouve que c’est très très beau, ça. Et ça j’aime bien, j’aime bien me promener là-bas... Donc pour moi, c’est sans conteste ça. Et toi, VS ? VS : Je sais pas, MS, très honnêtement. L’endroit le plus beau ? MS : Baggersee aussi, parfois, c’est très joli. Quand on se promène, pas pour se baigner. NC : En tout cas, celui que vous considérez comme le plus agréable. MS : Oui, voilà. Qu’est-ce que tu trouves, toi, plus agréable ? Et toi aussi, AS, tu peux répondre, hein ! AS : Je réfléchis ! Je me suis jamais posé la question, en fait. VS : Ouais, moi c’est un peu pareil... AS : Moi je trouve que le quartier villas, c’est plutôt sympa, en fait. MS : Oui, le quartier villas, alors. VS : Ouais, alors, le quartier des villas, c’est clair, c’est un quartier fort agréable. MS : Surtout au printemps, quand y’a les arbres en fleurs, là c’est merveilleux ! VS : Après, moi j’aimais bien, quand même la place de l’Île de France, y’a quelque chose d’un peu... Joyeux, sur cette place.
MS : Oui, et ils l’ont refait pour les petits, j’trouve que c’est pas mal ! Enfin notre petit fils aime bien y aller ! Ouais, la place de l’Île de France elle est sympa aussi, elle est bien refaite, quand même. VS : Après, un endroit agréable, la bibliothèque, clairement ! MS : Ah, ça je l’ai même pas dit, c’est le premier des premiers ! Oui, elle est bien, cette bibliothèque. Mais je dois dire qu’elle le sont toutes dans l’Eurométropole. On a beaucoup de chance, je sais pas ce que vous en pensez. NC : Oui oui, moi je fréquente de temps en temps la bibliothèque Malraux, elle est bien. MS : Ah, elle est mieux que bien, elle est super ! VS : Ah, j’adore moi, cette bibliothèque ! MS : Quand on va là-dedans, moi je trouve, on trouve, mais des choses ! C’est incroyable ! Y’a un choix ! NC : Mais Malraux, c’est... Les architectes qui ont fait ça, c’est Ibos et Vitart, je crois et c’est une grosse agence d’architecture française, qui a très peu construit. En fait, ils proposent énormément de projets, etc, et en général ils sont pas retenus, mais les quelques choses qu’ils construisent sont toujours assez... Je crois, ils doivent avoir peut-être une dizaine de bâtiments construits en France... MS : Ouais, on a de la chance, hein ! Niveau bibliothèques, culture et transports ! Il faut le dire ! Moi je trouve ça merveilleux ! NC : Non, mais je suis d’accord avec vous. MS : Moi, ça me permet d’aller, comme ça, parce que moi je conduis pas, donc je prends le tram, quoi, j’peux aller partout, dans toutes les bibliothèques de la ville en tram, je trouve ça super ! Et ça me fait connaître des quartiers, vous voyez ? Ca c’est super, on a vraiment de la chance ! VS : Non mais je suis plus proche, dans le questionnaire, des réponses d’Antoine... MS : Oui, mais je lui ai dit que c’était moi, là, ça. T’avais dit que t’avais pas le temps ! VS : Nan mais c’est... Je regarde ta vision, je me dis, bon, par exemple, le truc des espaces verts, bah j’serai attentif aux espaces verts, maintenant, parce que pourquoi... MS : Oui, parce que leurs dires ont corroboré, quand même ! VS : Non, mais trois pour qui, bon... J’serai attentif à ça, c’est clair, parce que j’avais pas le sentiment... NC : Mais de façon assez curieuse, je trouve que du point de vue espace verts, enfin du point de vue spatial, la partie cité Canardière, vraiment, est plus agréable d’un point de vue spatial que la partie SIBAR. VS : Ici ? Ouais. NC : Parce qu’ici, entre les immeubles, etc, c’est beaucoup cloisonné. Y’a du grillage, etc, ce qu’il y a pas de l’autre côté, de l’autre côté on peut passer comme on veut entre les immeubles. VS : Parce que moi j’disais, ici, à la limite, il manquerait d’espaces verts. Bon, l’espace vert, pour nous, c’est là, mais bon, on le fréquente pas. Par exemple y’a aussi les jardins... NC : Et puis c’est pas un réel espace vert comme de l’autre côté. De l’autre côté, c’est vraiment des grandes esplanades... MS : Mais là, si vous dites qu’on passe et tout ça, comme je vous ai dit, chez nous avant, c’était comme ça. On pouvait passer avec les coursives... NC : Mais y’a pas de chemins, là-bas. C’est vraiment juste, y’a les immeubles, y’a du vert, y’a le petit parking en bas, etc, et c’est vraiment... C’est pas qu’une question de pouvoir marcher, ou traverser ou autres. C’est le regard peut traverser et se faufiler dans les endroits, etc, ce qui est moins le cas dans la partie ici du quartier. MS : Voilà, encore d’autres questions bizarres ? VS : Après, Strasbourg c’est une ville verte, Strasbourg, je trouve. NC : Ca, oui. VS : J’m’en suis rendu compte à la retraite. J’m’en suis jamais rendu compte avant, parce que finalement, vélo, boulot, vélo, machin... C’est une ville verte, c’est une ville verte. NC : Je sais pas si vous êtes déjà allés au parc du Heyritz... MS : Le Heyritz ? VS : Si si, ouais. NC : C’est le meilleur parc de tout Strasbourg ! MS : C’est nouveau, et on va beaucoup au parc des Deux-Rives, aussi. On a découvert... Enfin, on a découvert, on a redécouvert, oh, si, c’est quand
même, moi je trouve... Le symbole du pont, là, moi j’adore, entre la France et l’Allemagne ! NC : Non, moi j’ai une petite préférence pour le Heyritz. MS : Oui, le Heyritz, ça c’est bien aussi. Et d’ailleurs, tout ce quartier, maintenant, ça c’est super ! VS : On a la chance d’avoir une ville avec de l’eau ! MS : Oui, et une ville universitaire, comme tu dis souvent ! Très important pour mon mari ! VS : Une ville avec une université au centre-ville, je crois que c’est une chance ! NC : Oui oui, ça c’est très rare ! Parce que les campus ont toujours été mis en périphérie... VS : C’est le patrimoine immobilier qui n’est plus adapté, quoi... NC : Bon, ça nécessite des rénovations, quoi... Qui ne sont faites que très lentement... VS : Oui, si vous regardez toute la partie Neustadt, l’université Neustadt, j’veux dire... NC : Après l’endroit le plus agréable, ce serait quoi l’endroit le plus désagréable ? Ou celui où vous vous sentez mal, peut-être ? MS : Bonne question... NC : Si vous avez vraiment pas de réponse ou autres... VS : C’est une réponse aussi ! NC : Oui, voilà, c’est une réponse ! Y’a des quartiers où y’a pas d’endroits où on se sent particulièrement gêné, ou mal à l’aise... MS : Mais bon, je dirais que ça, c’est un peu fort, mais c’est vrai, avenue de Normandie... AS : Mais c’est plus la même chose que y’a... 5 ou 10 ans... MS : Ouais, c’est ce qui plairait le moins, on va dire... VS : Tu dis ça dans quel sens ? Ca a changé ? AS : Ca a changé, parce qu’avant y’avait des regroupements ici ou là... Plein de gens et de jeunes qui trainaient. MS : Oui, là, tu trouves que ça va mieux maintenant ? AS : Bah... J’habite plus à la Meinau, mais... Comme ils ont refait, cassé les grosses tours, tout ça, y’a plus ce lieu de rassemblement... MS : Bon, ce qui est bien, c’est que la rue, elle est super large, moi j’aime bien, cette petite impression, mais c’est peut-être là où j’aimerais le moins aller, sans que vraiment je me sente pas à l’aise... C’est un peu fort, ça. VS : Moi, j’étais à peu près sur le même endroit, mais sans me sentir... MS : Voilà, bah moi non plus, je me sens pas mal à l’aise ! Mais ça me plaît pas super. VS : Je veux dire, j’irais pas... Je suis pas forcément à l’aise, mais je... Parce que je connais pas, finalement. J’y vais pas. MS : Par exemple, quand tu commences à faire une promenade à pieds, VS, on va plutôt vers la rue Staedel, vers les villas, on va plutôt par là... VS : Y’a une partie qui a été bien refaite, mais quand tu es à l’intérieur, je sais pas... MS : Ouais, moi j’pense que ce serait ça. Et toi, AS ? AS : Bah j’ai dit, avenue de Normandie, avant, mais après, maintenant... VS : Ouais, la Normandie, c’était dégradé... MS : Au début, oui, c’était terrible. Mais là, j’pense que ça doit aller mieux. AS : C’est de l’habitat précaire, hein... VS : Puis, j’avais déjà été chez une dame, j’crois que les logements à l’intérieur, ils étaient pas terribles... AS : Ah, l’indienne, c’est ça, non ? VS : Ouais, la dame indienne, ouais. C’est vrai que c’était un peu... AS : Oui, c’était exigu, quoi. MS : C’est vrai que là, les notres sont grands. VS : Pourtant c’était une partie qui avait aussi bénéficié de l’aménagement, de rénovations, non ? MS : Oui, sûrement, c’est sûr. Non, mais là, moi je trouve que dans cette partie de la rue, c’est à dire Canardière, Touraine, c’est vraiment des grands apparts. Puisque, à la base, y’a même des 6 pièces ! Nous c’est un 5 pièces, et avant j’habitais à la rue d’Anjou, j’habitais dans un grand 2 pièces et quand on est partis, quand on était tous ensemble, on avait un 4 pièces, un 4 pièces qui faisait... 57m² ou 67m², je veux dire, c’est vraiment... Les pièces, elles étaient petites, hein. Et la cuisine...
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AS : Où ça ? MS : Au Schulmeister. VS : Y’a un endroit où j’me sens absolument pas à l’aise, c’est au marché, j’me sens plus à l’aise. Y’a trop de... Moi c’est le sentiment que j’ai, y’a trop de... Y’a trop de voiles, là y’a beaucoup, quoi. J’ai plus l’impression d’être très honnêtement dans un... Tu me dirais «C’est Bagdad»... AS : Roh, t’abuses... VS : Non. AS : Roh, franchement... MS : Non, mais il est pas le seul à le dire... VS : T’as jamais été ! AS : Si, j’y suis allé ! VS : Quand, la dernière fois ? AS : Bah 2012, 2013... MS : Ah non, AS, ah non non, là ça n’a plus rien à voir ! Bon, moi, je ressens pas aussi fort que lui, mais ce qu’il faut dire, c’est que... VS : J’ai l’impression de plus être chez moi, là. MS : Le marché, là, depuis qu’ils ont refait la place de l’Île de France, c’est plus pareil, c’est à dire qu’avant, tous ces marchands là, ils étaient dans l’autre partie, ils étaient avenue de Normandie et tout ça. Et autour de la place, y’avait le poissonnier, y’avait le type qui vient de la cambrousse avec ses poulets, tout ça... Bah ces gens là, apparemment ils sont plus là, tu vois ? Parce que y’a eu des travaux pendant, je crois, deux ans et donc, maintenant, c’est plus du tout pareil. Et moi, je connais des gens... Bon, Chantal, tu la connais, son mari, il est d’origine algérienne... C’est même elle qui l’a dit, elle a dit «On dirait que c’est Bagdad» et tout... Non non, il faut que tu ailles, ça n’a rien à voir... VS : C’est vrai que moi j’y étais y’a 15 jours... J’ai dit, franchement... Beaucoup de jeunes filles... Avec des trucs noirs... Fin, des... Franchement. MS : Le marché, c’est plus le même, donc j’pense qu’il a perdu... VS : Ca veut pas dire qu’il soit pas sympathique... Mais j’avoue que je me retrouve pas là-dedans. Y’a plus ces marchés que y’avait... MS : Avant, ils étaient plus ensemble... Tu vois, y’avait un gars qui vient de Kilstett, un autre, y’en avait un qui vendait... Il étaient mélangés... VS : Ah y’a plus tellement ça, hein... MS : Mais là, maintenant, tous les gens qui étaient certainement dans une autre partie de la rue, ils sont... Non, mais faudrait que tu viennes, parce que d’abord, on arrive même plus à passer, y’a tellement de trucs, d’échoppes et tout, et puis ils vendent leurs produits, tu vois... C’est vrai que ce sont deux mondes parallèles. C’est à dire, maintenant ils font Ramadan en plus... Moi, personnellement, je les prends comme ils sont, de toute façon... VS : Non, mais c’est pas ça, c’est à dire que y’a un phénomène communautaire très fort, c’est ça que ça veut dire. Et après, faut, voilà... MS : C’est un peu l’Elsau, alors... Parce que là-bas, ils sont comme ça, les marchés, hein. NC : Le marché de l’Elsau, c’est pas tant que c’est communautaire, c’est surtout que y’a plus grand chose. Et étant donné que le marché n’est plus attractif, etc, bah y’a plus que, justement, ces vendeurs, locaux, qui sont du quartier, qui continuent d’y aller... MS : Oui, c’est ça. Moi, les gens, là-bas, je les plains... NC : C’est pas comme, par exemple, le marché du Faubourg National, qui a déménagé maintenant sur la place du Musée d’Art Moderne... Maintenant, il s’est agrandi, y’a beaucoup plus de choix qu’avant. Maintenant je sais que y’a tout un stand de fruits et légumes d’Alsace... VS : Oui, y’a des commerçants qui veulent plus venir... MS : Mais la question que je me pose... Est-ce que il restera là-bas ou quand les travaux seront finis... NC : Oui oui, il restera là. MS : Ah, il restera au musée, là, ouais. AS : Oui, parce que y’aura le tram, aussi. NC : Oui, voilà. Et bon, je sais que beaucoup de gens râlaient au début en disant «Oui, c’est plus Faubourg National», etc... Au final, le marché est beaucoup plus agréable maintenant. MS : C’est un plus, oui. NC : Parce que les allées sont grandes, y’a de la place et le marché peut encore s’agrandir, il prend pas toute la place ! MS : Parce que dans le temps, il était de l’autre côté de la rue, partie de
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la Petite-France, quoi, et puis après il est parti là-bas. Mais c’est vrai que c’est un petit peu... Ce sont deux mondes qui se côtoient mais qui ne se parlent pas, tu vois. Enfin, moi je me sens bien. VS : Bon, c’est ma façon de le voir... C’est une appréciation... Autant j’aimais bien y aller avant, autant maintenant, j’ai plus de bonheur à y aller. NC : Alors, une autre question peut-être plus bizarre... Une chose que vous aimez dans le quartier, alors pas... Une chose que je peux prendre en photo, par exemple ? Ca peut être un endroit, ça peut être un petit morceau d’immeuble, ça peut être un arbre, quelque chose que vous aimez dans le quartier et que vous arrivez à visualiser. MS : Alors moi, ce serait l’église rue Christian Pfister, je réponds à la question ! C’est l’église de notre famille, parce que voilà, on s’est mariés là, on a baptisé nos enfants... NC : C’est l’église... MS : L’église protestante, avenue Christian Pfister. Voilà, moi c’est ça. Une petite église toute mignonne, toute simple et qui a beaucoup de sens pour nous, pour notre histoire. Voilà, pour moi c’est ça. VS : Pour moi c’est le même endroit. Je le photographie en été, en hiver, quand y’a floraison des arbres... MS : C’est magnifique au printemps ! VS : Ouais, y’a quelque chose de paisible, là. MS : Et toi, AS ? Ah bon, l’Eglise aussi ? Parce qu’il a été baptisé, mais c’est pas de sa faute, hein, il avait que 6 mois et il pouvait pas dire «Je veux pas» ! AS : Non, moi je crois, c’est le stade. MS : Ah, t’as pas dit le stade ! VS : Oui, mais avant j’ai dit que je le mettais pas à la Meinau, donc forcément... MS : Donc le stade pour AS, c’est sans conteste. Vous avez peut-être vu le badge sur la porte et sur la boîte aux lettres ? NC : Non non, j’ai pas vu. MS : Vous avez pas vu ? Bah faut le voir, parce que c’est le badge du Racing, voilà ! Et bizarrement, personne ne l’a arraché, encore ! VS : Ah, ça c’est le test, j’attends qu’on me l’arrache, oui ! NC : Moi y’a pas longtemps on m’a volé mon sticker «Stop Pub», je me suis dit «Mais qui fait ça ?» MS : Ah, c’est fou, hein... Moi je me demande souvent, mais qui est-ce qui peut faire... NC : L’autre question un peu bizarre, et normalement je pense que ça devrait être la dernière. Je vais vous demander chacun de me décrire un parcours dans le quartier. MS : C’est à dire une promenade que j’ai envie de faire ? NC : Oui, c’est ça, c’est exactement ça, une promenade dans le quartier. Parce qu’en fait, je vais essayer, avec toutes les personnes que je vais interroger dans le quartier, parce que je commence à prendre des contacts, etc, je vais faire des reportages photographiques, sur les promenades, les endroits qu’ils me décrivent, avec pour but de les compiler et de m’en servir dans mon mémoire. MS : Bah une promenade, bah... Voilà, alors je partirais donc encore une fois vers les villas, comme on dit tout le temps, et qu’on fait d’ailleurs souvent, au Staedel, et puis après je passerais à la rue du Rhin Tortu, en faisant une incursion au parc Schulmeister, et puis je reviendrais par la route de la Meinau. Donc je reste à la Meinau. Parce que nous, ce qu’on fait parfois, on fait ça mais on va beaucoup plus loin, on va jusqu’au Schluthfeld, on va même jusqu’en ville, parce qu’il faut qu’on marche quoi, et tout, mais là je me contente de répondre à votre question pour le quartier ! VS : Ah moi, ce serait la même balade, hein. Finalement, inconsciemment, tu choisis un quartier, quand tu te balades. Inconsciemment, tu te dis «je vais là, je vais là, je vais là»... Je m’attarderais quand même un petit peu place de l’Île de France, c’est clair, j’aime bien... Près des villas, revenir effectivement pas les côtés, c’est... MS : Sinon, de temps en temps, j’aime aussi aller de l’autre côté, c’est à dire rue du Languedoc et aller faire un tour au Baggersee... On se promène aussi parfois là-bas. VS : La dernière fois, c’était quand ? MS : Mais en hiver, on s’était promenés ! Moi, j’aime bien le lac et tout, mais pas l’été pour m’y baigner !
VS : La fois passée, j’y étais, j’ai été faire une photo et j’me suis fait harponner par quelqu’un... MS : Qui voulait pas qu’il soit pris en photo ? VS : Ca, faut faire attention, je m’suis fait harponner deux fois. MS : Dans le quartier de la synagogue, j’suis jamais tranquille tu sais. VS : Moi, le quartier de la synagogue, à Strasbourg, j’adore ce quartier là, je fais des photos, rue Sellenick ! En plus y’a un recoupement avec les zones art nouveau et tout. MS : Ouais, il prend les arbres, il prend les maisons et tout, mais on sait jamais ce que les gens ils pensent, hein. VS : Mais c’est un quartier qui est très surveillé, y’a des caméras, j’crois non ? NC : Rue Sellenick ? VS : Ouais, doit y’avoir des caméras, donc je veux dire, si on me voit plusieurs fois avec un appareil photo, vont pas se poser des questions de pourquoi... Bon, c’est un milieu fermé aussi, là, la communauté juive. Mais c’est un quartier que j’aime bien. J’aime bien même les gens avec leur... MS : Leur costume ? VS : Ouais, leur costume... Même quand y’a... Comment ça s’appelle, chez eux, quand y’a le carnaval ? MS : Euh, Pourim ! VS : Pourim ! Les gamins ! Jamais vu ça ! Les gamins, ils sont déguisés avec des costumes, j’ai jamais vu, quoi. Les enfants avec des barbes, etc etc. MS : Et toi, AS ? Bah lui, il irait à pied jusqu’au Stade de la Meinau, hein. AS : Par les villas. MS : Voilà. AS : Ouais, voilà, franchement, c’est... MS : Puis d’ailleurs, ils aiment bien aller au stade ! VS : Et quand tu vas à l’intérieur même de ces villas, tu découvres des choses que t’as jamais vues ! NC : Dans les villas ou dans le quartier ? VS : Dans le quartier villas. Y’a des rues qu’on prend pas, mais quand j’les prends à vélo, y’a des arbres, y’a des jardins... MS : Y’a des gens qui ont des maisons ici, ça doit valoir une fortune. C’est des super maisons.
30 septembre 2019, Immeuble SIBAR, rue Schutterlin CA, 60 ans, vacataire dans l’Education Nationale --NC : Quand est-ce que vous êtes arrivé à la Meinau ? CA : A la Meinau depuis 87. NC : Quand vous étiez à la Meinau, vous étiez dans quel coin du quartier ? CA : Dans ce coin ici, dans le grand bâtiment qui se trouve là, rue de Champagne, 5 rue de Champagne, le tout grand bâtiment qui reste, là. NC : Et comment est-ce que vous êtes arrivé à la Canardière ? Vous êtes arrivé par choix, à cause du métier ? Dans quel cadre ? CA : D’abord, quand je me promenais, je voyais que ce quartier, c’était un très beau quartier. Donc je voyais son emplacement et puis sa configuration et j’ai trouvé que c’est un beau quartier et quand il fallait faire le choix, alors j’ai fait le choix de ce quartier. NC : Et aujourd’hui, avec les rénovations qu’il y a eues puis le recul que vous avez sur le quartier, vous le trouvez toujours aussi beau, agréable ? CA : Oui, je le trouve aussi beau et agréable parce que, bon, j’ai participé dans les discussions de travail de son aménagement et de sa rénovation et au départ, c’était un peu réticent parce que, vous voyez, vous êtes habitué à
une certaine configuration et quand on doit changer, ça fait un peu peur, le changement, mais du coup, à la fin, on est content. Moi je suis très content de ce qui se passe, de ce qu’on a fait. Seulement, nos anciens bois, là, les anciens arbres, là, qui faisaient un peu plus beau, qui faisaient un peu plus majestueux l’avenue de Normandie... Bon, nous espérons que à la longue, quand les autres vont pousser ça sera aussi beau. NC : Et par rapport à la rénovation toujours, moi dans les études que j’en ai fait, et caetera, bon, les endroits qui ont été rénovés, en tout cas les immeubles qui ont été démolis et reconstruits sont pas forcément reconstruits au même format, pas forcément dans la même trame que le reste de la cité, et en particulier, en fait, il y a les espaces verts qui ont été privatisés pour les habitants voisins, directs, plutôt que laissés pour l’ensemble du quartier. Est-ce que vous, vous regrettez ça ou vous trouvez que c’est une bonne chose que les gens aient leur propre jardin en bas ? CA : Bon, c’est très regrettable. C’est très regrettable cet aspect là. C’est vraiment très regrettable, parce que vous voyez, les espaces verts c’est important pour nous et surtout pour les enfants. Voilà, mon fils a besoin de jouer là en bas, mais il ne peut pas, il faut chaque fois demander l’autorisation. Si on ne doit pas aller au jardin ou au parc, on est obligés... Il a ses camarades en bas, alors on doit à chaque fois... Il faut demander à chaque fois aux parents «notre fils peut venir jouer ici ?» avec son ami. Donc les espaces, oui, ça manque. NC : C’était plus libre avant... CA : Oui, c’était plus libre que maintenant. Ca devient privatisé. C’est un des mauvais aspects de la rénovation où on cherche l’argent au détriment de... Parce que ça fait aussi le vivre ensemble... Et du coup, ça diminue. C’est un aspect qui à la longue crée l’individualisme, l’isolement, vous voyez ? Parce que c’était un lieu de rencontres mais qui au final, à la fin, devient privé. Ca c’est un aspect qui dans le futur, je pense qu’il faut privilégier le sens commun. Parce que quand on cherche l’intérêt, l’argent, ça diminue la vie. Ca diminue la vie dans tous les sens. Ca diminue quoi ? La vie communautaire, la vie individuelle, vous voyez ? Là où les gens devraient se rencontrer, se parler, on se replie sur soi et cela crée même les troubles chez les gens. NC : Et donc vous, avant la rénovation, justement, ces espaces verts, publics, vous, vous les pratiquiez, au quotidien ? Vous alliez rejoindre des amis, passer du temps en bas ? CA : Oui, oui, c’était un lieu de rencontre, et surtout pour les enfants. Les enfants jouent. Bon, je sais que y’en a déjà qui n’aiment pas les enfants, hein. Y’en a. Mais les cris d’un enfant, ça ne peut pas déranger. Ca peut pas déranger, parce que c’est la vie. Là où l’enfant joue, c’est qu’il y a une vie. Je sais qu’il y a des gens qui n’aiment pas la vie, bon. C’est leur choix. On transmet la vie à travers les enfants qui naissent et qui vont grandir, il faut qu’ils aient des espaces pour se divertir. NC : Bon, ça, que ce soit avant ou après la rénovation, est-ce que vous avez déjà songé à partir quartier, à vivre ailleurs ? Ou vous êtes vraiment attaché au quartier ? CA : Moi je suis très attaché au quartier. Je suis très attaché au quartier. Si je dois vivre ailleurs, il faut que j’aie une propriété privée, donc une parcelle, où je suis seul. Alors là, oui, si j’ai des moyens, je pourrais trouver une parcelle seul où j’aménage selon mon goût. Sinon, c’est un beau quartier, c’est un très beau quartier, la Meinau. NC : Et du coup, vous, c’est quoi les principales qualités que vous trouvez au quartier, ce qui fait que vous le trouvez beau, agréable ? Je pense qu’il y a les espaces verts, déjà... CA : D’abord il y a les espaces verts. Ensuite, les espaces entre les maisons, les bâtiments. Et puis la mixité entre les villas de particuliers et les maisons sociaux, les HLM. Tu vois, y’a de ce côté là les villas et de ce côté c’est les HLM. C’est le même quartier et on se rencontre, donc y’a des lieux de rencontre, donc les lieux de culte, les marchés... NC : Alors, on va dire, quand les premiers grands ensembles ont été faits, et caetera, il y avait eu au début une volonté de vraiment mélanger les populations et caetera au sein même des immeubles et ce dont on s’est rendus compte au fur et à mesure, c’est que justement, le fait qu’on ait différentes classes sociales au sein même d’un immeuble, sur le même palier, générait des tensions. Et donc là, ici, dans le cas de la Meinau, les classes sociales ont été mélangées mais au sein du quartier, c’est-à-dire dans les différentes zones du
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quartier, celle de CUShabitat, celle de la SIBAR, et caetera... Est-ce que vous pensez que justement, le fait que ces populations soient à la fois mélangées mais quand même légèrement séparées on va dire... Que les gens habitent avec des gens qui leur sont plus semblables comme voisins, est-ce que vous pensez que c’est un des éléments qui a fait qu’il y ait moins de tensions dans le quartier, peut-être ? Plus d’apaisement. CA : Vous savez, c’est un peu de ça, parce que bon, il y a comme je vous disais... La configuration a été faite de manière qu’il y a des villas, puis les maisons sociaux, puis il y a aussi du privé, des privatisations, il y a des grands bâtiments qui sont privés et je ne vois pas vraiment de tensions entre les gens... Jusque là, il y a pas de tensions. Des tensions, ce qu’on pourrait plutôt dire, c’est que, ici, c’est surtout les enfants, là, qui font du bruit avec des motos. Il font des rodéos à travers le quartier et là ça crée des tensions, ça. Ca c’est vraiment quelque chose qu’on apprécie pas. Oui, ces bruits là, la nuisance. Il y a eu des gens qui sont partis à cause de ça. Ca, oui, c’est vraiment un fléau, la nuisance. NC : Et sinon, mis à part ces problèmes de rodeos, il n’y a pas de tensions vraiment palpables dans le quartier, il n’y a pas vraiment de souci d’après vous ? CA : Le souci, c’est les groupuscules de ceux qui s’adonnent à des ventes et achats de haschisch, là. De ceux qui fument, là. Ca, ça crée vraiment un problème à la Meinau. Je pense qu’ici, quelque part de ce côté, il y avait des petits magasins, des petites boutiques, là, et c’était le lieu où les jeunes là allaient souvent et ils restaient là en train de parler, il semble que ça faisait mal aux riverains. Parce qu’ici, c’était le lieu de rencontre pour vendre leur matière, quoi. NC : Et pour vous, ça a l’air, justement ces problèmes de deal, ça a l’air d’être vraiment un gros problème dans le quartier ou vous pensez que c’est peut-être moins présent que dans d’autres quartiers, par exemple le Neuhof ou Hautepierre ? CA : Bon, par rapport à d’autres quartier c’est moins, hein. C’est moins, hein ! Mais seulement, dans ce quartier ici, la Meinau, ce qu’on dit c’est que c’est un quartier calme mais qui renferme des éléments très dangereux. Calme avec des éléments très dangereux. Il y a deux ans, maintenant ça s’est calmé un peu, chaque année, vers la fin de l’année, Noël et bonne année, il y avait des véhicules qu’on brûlait. Chaque année, dans ce quartier-ci. Maintenant, à deux ans, c’est moins. Ca a diminué un peu. NC : Une des personnes que j’ai rencontrées par avant soulignait le même problème. Il disait que, il y avait justement ces problèmes de véhicules qui brûlaient jusqu’à il y a quelques années et il avait cité aussi le fait qu’il y avait des jeunes qui s’étaient radicalisés... Alors, pas beaucoup, mais je crois cinq ou six qui étaient partis au Moyen-Orient faire le Djihad. CA : Par rapport à cela, par rapport à ce que je disais, pour les gens qui brûlent... Je pense pas qu’il y a un lien, mais seulement, ici à la Meinau, il y a quelques années en arrière, il y a eu des jeunes gens qui étaient radicalisés. Qui étaient radicalisés et qui... Il y en a certains qui sont partis faire le Djihad. On en a eu trois qu’on avait arrêtés. Ensuite... En tout cas, la Meinau, il y avait toujours des gens très dangereux mais qui ne faisaient pas de danger ici, mais qui étaient des dangers à l’extérieur. Donc ceux qui sont partis au Djihad et même ici, tu vois, là, il y a une école élémentaire ici d’application, il y avait un monsieur qui travaillait là, qu’on avait arrêté à Paris parce qu’il s’apprêtait, il se préparait à faire des attaques. Donc, et puis il y a, je pense... Deux ou trois ans... On a fait les perquisitions, là, en face de l’église, du centre socioculturel, de ces bâtiments, là, on a trouvé des armes et des munitions, tu vois ? NC : Au centre socio-culturel ? CA : En face ! NC : Ah, en face... CA : Oui, donc on a trouvé des armes, des munitions. Je pense que c’est des gens, là, radicalisés, qui vivaient là... Pourquoi il avaient des armes, pourquoi ils avaient des munitions, ça on le sait. Et puis ensuite, il y a quelques années en arrière, tu vois, là, on vient d’achever les bâtiments, là... Il y avait un gros HLM, là, les gens se sont entretués, là. Il y a eu des morts. Donc, c’était un quartier calme, apparemment, dont des éléments dangereux vivaient là. C’était un quartier apparemment calme, hein, on le voit pas comme un Neuhof, hein, avec des grosses bavures publiques, mais dont les gens dangereux y vivaient. NC : Alors maintenant, je vais peut-être passer sur des questions qui
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sont peut-être plus... Plus légères... Mais, plus, justement, autour de l’aspect du quartier et même aussi de votre logement, est-ce que... Ce logement, ici, vous y habitez depuis combien de temps ? CA : Depuis 2003. NC : Et l’immeuble, vous l’appréciez ? Enfin, l’immeuble, le logement, vous les trouvez bien ? Ou vous leur trouvez des défauts ? CA : C’est... L’espace, c’est bon, le seul défaut, c’est l’humidité. Je pense qu’il y a un défaut dans... Je sais pas où je puis situer celà, il y a un défaut et si tu regardes, il y a, en bas, là, les coups... Donc la peinture, donc sort... Tu vas voir, là, dans les toilettes, tu vas voir... NC : Ouais, la peinture s’écaille, en effet. CA : On ne sait pas ce que c’est. On sait pas c’est quel défaut. Bon, ils ont fait le système d’aération, hein, donc l’habitat est aéré, mais de l’autre côté, là, c’est tellement fort que l’air passe et que l’on sent que l’air passe. Ca fait froid. Et l’hiver, c’est vraiment... Cet air là continue à passer, là. Et ça donne tout ce qui est... L’air froid de l’extérieur entre. On disait que non, c’est pour lutter contre les... Comment on appelle ça ? L’humidité, en tout cas la maison doit être bien aérée, mais en tout cas, dans le système là, l’air passe très fort, de manière que ça... NC : Donc ils ont... Si je ne me trompe pas, l’immeuble là est neuf... CA : Neuf, oui, nous sommes les premiers à y habiter. Dès qu’on a terminé, nous étions les premiers à occuper l’appartement. NC : Donc du coup pour un immeuble neuf ils ont mis... Je sais pas si vous connaissez un peu ces systèmes là, bon c’est totalement à part, mais pour la ventilation, c’est juste qu’ils ont mis une simple flux, c’est à dire qu’on a juste une bouche qui aspire l’air et l’air rentre par les fenêtres. CA : Mais c’est pas ça, l’air entre partout... Tu vois, dans... NC : Les prises ? CA : Dans tout ce qui est prises, dans tout ce qui est endroit là où y’a quelque chose, l’air passe. NC : D’accord, donc le logement est pas étanche. C’est vrai que j’ai le problème là aussi chez moi, mais bon c’est plus léger. Enfin je pense, parce que j’ai pas de problème d’humidité dans la pièce... CA : Non, ici, vraiment, pendant l’hiver on sent très fort. NC : D’accord... Donc possiblement pas aux normes d’un bâtiment neuf, ou en tout cas, pas à ce qu’on attend d’un bâtiment neuf... CA : Oui, avec les normes écologiques et les... NC : Oui, parce qu’aujourd’hui on installe beaucoup de la ventilation double flux, c’est à dire que ça aspire l’air, mais en même temps ça recrache de l’air mais qui est pur, qui est aspiré directement de la toiture avec un système qui fait qu’on a pas de perte de chaleur ni rien. Mais c’est vrai que c’est étonnant qu’ils aient pas installé ça pour un immeuble en 2014. Bon, je pense que c’est pour faire des économies. CA : Et pareil, ils ont fait le système américain, cuisine et salon tout ensemble... C’est différent pour nous les Africains, nous, nous aimons manger la nourriture préparée et non pas semi-préparée, là... Nous aimons préparer chaque jour. Alors là, il faut peut-être acheter une hotte, là, pour la fumée... NC : Ah oui, en effet, y’a pas de hotte ! CA : Oui, il faut une hotte, là... NC : Oui, parce que c’est vrai que moi, par exemple, cet été, j’étais en stage dans une agence où on dessinait beaucoup de logement social et je sais que nous, notre... Enfin la personne avec qui je bossais insistait vraiment pour qu’on fasse des cuisines qui soient fermées et totalement équipées, etc, parce qu’il savait qu’il y a... Particulièrement les populations d’Afrique et du Maghreb, etc, qui aiment bien avoir une cuisine complète, quoi. C’est vrai qu’on essayait de faire attention à ça, mais tous les architectes ne pensent pas à ça... CA : On est en Europe, on doit faire selon les coutumes d’ici et bon... La cuisine, je sais que pour la plupart, ils ne cuisinent pas, ils vont dans les restaurants... Ils font juste quelque chose, peut-être quelques plats chauffés, parce qu’il va chauffer, il a pas besoin... On dit que c’est le système américain. Mais nous on est pas habitués à manger du préchauffé, là, non. On doit chauffer la nourriture, parce que tout ce qui est... Pour moi, ça c’est ma conception, tout ce qu’on fait pour chauffer et consommer, je sais que pour conserver il faut avoir un truc pourri pour conserver, les conservants, là. Ce conservant n’est pas neutre. Alors il faut la chaleur pour neutraliser ça. C’est
pour ça qu’on aime cuisiner. NC : Après, c’est sûr que de toute façon c’est quand même agréable d’avoir une vraie bonne cuisine, quoi. CA : Même si on va au restaurant, on chauffe toujours. NC : C’est vrai qu’en France y’a un peu de ça. Bon, moi je suis d’origines portugaise et italienne et c’est vrai que du côté portugais, il y a des grandes cuisines où tout le monde cuisine en même temps, etc, et en Italie ils ont deux cuisines, en général ! CA : Ca c’est vrai, Italie, Portugal, Espagne, ils savent bien cuisiner, là ! NC : Mais du coup, mis à part ces soucis là, vous vous sentez à l’aise dans le logement ? CA : Oui, on est à l’aise, mis à part ça... On dirait qu’on est traversés par le vent, quoi ! C’est le seul aspect que j’ai trouvé un peu plus marquant comme aspect négatif. Quand on est dans les chambres, parce que les chambres sont de ce côté là, on sent l’air passer. NC : Oui, donc c’est des problèmes vraiment de construction plus que de conception. CA : Peut-être que quand on construit récent... Comment on fait on sorte que ce soit pas si fort ? NC : Et vous avez beaucoup de contacts avec les habitants du quartier, les voisins de l’immeuble ? CA : Ceux qui vivent à l’autre porte, oui. Les trois, là, les deux qui sont là, très souvent. On est au même étage, on se croise, on parle. Et les autres, là, dans les autres bâtiments, les autres portes, c’est plus là où notre enfant a des camarades. NC : Et plus loin dans le quartier, vous avez des contacts ? Avec le conseil citoyen, par exemple, ou des associations ? CA : Dans les associations, oui, dans le conseil citoyen et dans l’église aussi, nous avons des groupes de rencontre très souvent. NC : Je sais que les personnes que j’avais interrogées avant, je sais plus s’ils étaient chrétiens ou protestants, enfin catholiques ou protestants plutôt, mais eux, ils notaient qu’il y avait un fort dialogue inter-religieux, entre justement... CA : Les catholiques, les protestants, les juifs et les musulmans. NC : Vous aussi vous notez ça ? CA : Oui oui, ça c’est un peu particulier à la Meinau, avec notre jardin inter-religieux, ici, y’a cet effort là d’échange entre les religions, les confessions religieuses qui favorisent l’acceptation des autres, quoi. Qui est différent de moi, qui a une autre vision du monde, parce que la religion ça donne la vision de l’homme sur terre. Donc on voit les autres et on les respecte dans ce qu’ils sont. Quand on connaît quelqu’un, quand on est en contact avec lui, on peut dialoguer, on peut le respecter, et les masques tombent et les barrières commencent à s’écarter, quoi. NC : Je sais qu’ils m’avaient dit que c’était beaucoup grâce à un ancien imam du quartier qui apparemment avait fait beaucoup pour ce dialogue là... CA : Il y avait un curé, de cette église, là, qui était très fort dans le dialogue, qui favorisait ça. Et puis il a trouvé, à l’époque, des pasteurs et des imams, et même des rabbins qui étaient pour ça. Et c’est comme ça que ça a été lancé et que c’est resté. Parce que les initiateurs étaient d’accord. NC : Quand y’a des fêtes religieuses d’autres religions, vous, vous mêlez aussi un peu à ça ? CA : Oui, il y a certaines fêtes avec les autres confessions...Et à partir d’ici ils ont décidé de faire la fête des peuples. NC : Oui, ça ils m’en avaient parlé, oui. Et avec les différentes rénovations qu’il y a eues jusqu’ici, vous trouvez que le quartier a beaucoup changé dans son aspect, dans ses habitants ? CA : Bon, je vais dire qu’actuellement, là, il y en a d’autres qui arrivent, des nouveaux... Des nouveaux qui arrivent. Bon, souvent on est pas en contact direct, on les voit, on les croise, on se salue, mais on a pas de contact direct. Y’a des nouveaux de ce côté ici. De l’autre côté, la route là, c’est la route de Normandie, y’a beaucoup d’immeubles qui sont là mais ce sont des gens qui arrivent... Ce sont des gens, on est pas en contact avec eux. On sait qu’ils sont là, oui. NC : Et en termes... Vraiment, d’aspect, les rues, etc, ça a beaucoup changé ? CA : Là ? NC : Enfin, quand vous vous promenez dans la rue, vous vous dites que
ça a changé, quand même, le quartier, beaucoup ? CA : Oui, oui, oui. Par exemple, la rue de Normandie, là, avec les sièges qu’on a mis, là, on voit que les gens s’assoient là, ils se reposent, regardent, contemplent, vivent, c’est beau. Quand je vois quelqu’un qui est là, là, je me dis que c’est beau, c’est bien. Ca fait sortir les gens de leur appartement pour être à l’air libre, en contact avec les autres. NC : Et dans la façon dont vous pratiquez le quartier, est-ce que ça a changé, est-ce que ça a provoqué des changements, est-ce que vous pratiquez toujours les mêmes endroits depuis que vous y êtes ? Vous allez toujours aux même endroits ou vous avez un peu changé de repaires, je sais pas, dans les commerces, ou les cafés, ou les parcs où vous allez ? CA : Disons... Ce sont les différents endroits ou les lieux de rencontre des gens qui n’ont pas beaucoup changé. Les commerces, pas beaucoup. Les jardins sont les mêmes, jusque là. Bon, les commerces, il n’y a que l’autre, là, qui a réouvert, mais avant ça existait et après on a fermé et quelqu’un a repris. Sinon, pas beaucoup de changements. NC : Et dans la vie de quartier, vraiment, moi j’ai l’impression, je vois ça de l’extérieur, mais j’ai l’impression que ce qui contribue beaucoup au fait que le quartier fonctionne, c’est le fait qu’il y ait une place, la place de l’Ilede-France, qui est vraiment un lieu central dans le quartier, le fait qu’il y ait des petits commerces, y’a des cafés aussi, ce qu’on trouve pas souvent dans les grands ensembles, et y’a des équipements, avec la bibliothèque, le centre socio-culturel... Vous, c’est des lieux que vous pratiquez ? Est-ce que vous pensez qu’ils sont importants, vraiment, dans le quartier ? CA : Oui, c’est très important, ces lieux là. Y’a le centre socio-culturel, y’a la bibliothèque municipale, y’a les différents commerces, c’est important. Il y avait un grand commerce qui avait fermé de l’autre côté là, mais à la place ils vont faire la maison de santé, là. Bon, peut-être que c’était pas nécessaire d’avoir plusieurs commerces à la fois ? En tout cas il est parti, moi j’ai pas beaucoup senti ce départ là. Peut-être parce que j’étais pas trop habitué à aller. Peut-être que ceux qui le fréquentaient, ça a été plus fort, mais moi... NC : Les personnes que j’avais interrogées me disaient qu’elles faisaient leurs courses à Auchan et que y’avait effectivement ce magasin, je crois que c’était un Mutant, qui était là, et que aussi justement me disaient qu’ils avaient pas ressenti ce départ, enfin cette fermeture, justement parce qu’eux allaient à Auchan et que c’était pas forcément les mêmes populations qui allaient au Mutant. Eux aussi, ils étaient habitants de la SIBAR, fonctionnaires, etc, eux ils me disaient que c’était plutôt les habitants du côté de CUShabitat qui allaient au Mutant. Peut-être qu’eux ont plus ressenti cette fermeture, enfin je saurai ça dans les prochaines semaines quand j’irai interroger par là-bas. Et donc en tout cas, la présence de ces services, de ces commerces, c’est peut-être ce qui fait que vous ressentez pas forcément le besoin d’aller ailleurs pour aller chercher vos trucs du quotidien, quoi. Donc on peut vivre entièrement dans le quartier, quoi ? CA : Oui, dans le quartier. Par contre, par exemple, ils sont en train de faire la rénovation de Lidl, et ça on ressent, parce qu’on fréquente plus Lidl que le petit Auchan, ici. Avant, qui était Simply, maintenant qui est devenu Auchan. Lidl était un peu plus... On va dire que Auchan... On aimait plus aller là qu’à Auchan. NC : Alors je vais finir avec les dernières questions qui sont peut-être un peu plus bizarres, mais ça c’est vraiment des questions pour architecte, en fait... Si je vous demande de citer un endroit que vous trouvez beau, dans le quartier, ou agréable, ce serait lequel qui vous vient à l’esprit en premier ? CA : Baggersee, l’étang de Baggersee, là. C’est beau pendant l’été. Et ensuite... La place... NC : La place de l’Ile-de-France ? CA : Non. NC : Non ? Ah, je vois, celle où y’a les anciens bâtiments... CA : Les étangs, là. NC : Le parc Schulmeister ? CA : Le parc Schulmeister, oui, c’est agréable, bien conçu. Et puis après, il y a la place de l’Ile-de-France, avec les enfants, c’est vraiment bien conçu pour les enfants. Et j’aime bien aussi cette configuration, les rues qui sont larges, il y a de la place pour les piétons, on se déplace en sécurité avec les enfants, mais seulement le danger ce sont ces fous, là, qui roulent avec les motos, même sur les passages piétons, sur... Là où ils ont pas leur place, quoi. NC : Et si je vous demande, maintenant un endroit que vous trouvez
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désagréable, où vous vous sentez pas à l’aise dans le quartier ? CA : Désagréable dans le quartier... NC : Après vous pouvez aussi ne pas trouver d’endroit particulièrement désagréable. CA : C’est désagréable de marcher à pieds sur l’avenue de Colmar. Ca, c’est pas agréable, là, y’a les voitures qui passent, on se sent un peu en insécurité. NC : Y’a trop de passage, trop de conflit ? CA : Oui, c’est un peu serré serré. NC : Je sais que les personnes que j’interrogeais avant que jusqu’à il y a quelques années, avant la rénovation, ils auraient répondu sans hésiter l’avenue de Normandie, mais qu’aujourd’hui ils la trouvent justement très agréable, c’est aussi votre cas ? CA : Moi, je la trouve normal, quoi. Moi, l’aspect des arbres qui étaient là, pour moi, ça faisait beau. Ca ne me dérangeait pas. Seulement ce qui est désagréable, c’est quand ces jeunes gens là, qui roulent à moto, à vitesse, qui roulent sur l’avenue, sur la chaussée, c’est très dangereux, ça. NC : Et si je vous demande un endroit pour vous que je devrais photographier, quelque chose que je devrais photographier dans le quartier ? Ca peut être un endroit que vous trouvez beau, ou un endroit qui vous tient à cœur, où vous avez un souvenir, peut-être... CA : Je dirais le jardin inter-religieux, c’est assez unique dans son genre. NC : Et l’avant-dernière question, la dernière pour cette série de questions un peu bizarres... Si je vous demande un parcours de balade dans le quartier, vous, vous me feriez passer par où ? CA : Bon, je pars d’ici, je passe dans le parc Schulmeister, puis les étangs, là, puis jusqu’à la fin du parc et de là, on va vers le cimetière, derrière le cimetière et là, nous arrivons à Baggersee, à l’étang, la plage. De l’autre côté, je reprends en passant dans la rue du Rhin Tortu, là, jusqu’au côté du terrain de football, le stade, y’a un petit parc là, c’est aussi un endroit agréable pour se promener, avec les gens. NC : Et donc une dernière question... L’architecte... Bon, la plupart des bâtiments ont été dessinés par le même architecte, qui a dessiné le plan du quartier, etc et quand il a dessiné tout ça, on va dire, il a essayé de faire une espèce de «ville-jardin», avec beaucoup d’espaces verts, où on sent vraiment la végétation, etc. Est-ce que vous, vous vous dites qu’il a réussi là-dedans ? CA : Bon, je sais qu’ici on peut dire... Y’a des jardins publics. Bon, peut-être c’est la civilisation d’ici... Les espaces... Il a bien fait, il a bien fait les espaces. Mais si les gens ont besoin, ils n’ont qu’à aller dans le jardin pour aller jouer avec les enfants, mais entre les bâtiments, il n’y a pas d’autre endroit pour se rencontrer que les jardins qu’on a déjà faits. Ca, c’est un aspect, c’est la culture d’ici. NC : En fait, les espaces entre les bâtiments sont pas assez investis, vous voulez dire ? CA : C’est à dire qu’il n’y a pas de place libre entre deux bâtiments où, par exemple, les enfants peuvent jouer, là. Ils ne peuvent aller jouer que dans les jardins, où là, ici, place de l’Ile-de-France où bien ici, parc Schulmeister, c’est tout. Entre les bâtiments, ils peuvent pas...
1er octobre 2019, Mathieu Cahn, Eurométropole Entretien avec Mathieu Cahn, maire de quartier de la Meinau ; adjoint chargé de l’animation, de l’évènementiel, du Conseil des jeunes, de la politique jeunesse, de la vie associative, de l’éducation populaire, de la coordination de la politique de la ville, de la lutte contre les discriminations ; vice-président de l’Eurométropole de Strasbourg en charge de la politique de la ville, du renouvellement urbain de Cronenbourg, Hautepierre, Meinau et Neuhof, de la gestion des aires d’accueil ---
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NC : Première question, où habitez-vous, si vous habitez dans le quartier ? MC : Non, je n’habite pas dans le quartier. NC : D’accord, et vous habitez où ? MC : Centre-ville. NC : Donc j’imagine que vous pratiquez assez peu le quartier en tant que citoyen, vous le pratiquez plutôt en tant qu’adjoint ? MC : Les deux, ça reste le quartier où je suis le plus. Je connais mieux la Meinau que le quartier où j’habite. NC : Ce quartier, vous me le décririez comment ? Comment vous le percevez quand vous le traversez ? MC : Vous parlez de la Meinau ou de la Canardière ? NC : La Canardière. MC : Comme probablement historiquement assez emblématique de ces constructions de grands ensembles telles qu’on les avait faites dans les années 60/70, avec des constructions rapides, mal foutues, standardisées et une place disproportionnée laissée à la voiture. Mais un quartier qui aujourd’hui a changé. Je pense qu’il avait la capacité de muter. Donc oui, je pense que ce qui frappe, enfin ce qui frappait, c’est moins le cas aujourd’hui, c’est le fait que ce soit standardisé. Il y a trois types de bâtiments à la Meinau, pas plus. NC : Par rapport à la place disproportionnée de la voiture, dans les plans d’origine dessinés par Stoskopf, il y avait environ 60% de la surface qui était dédiée aux espaces verts. Dans les faits, aujourd’hui cela s’approche plutôt de 45 à 50%, de mémoire. Mais donc vous voyez plus la place de la voiture plus que la place de la nature, du végétal dans le quartier, avant rénovation ? MC : Avant rénovation et après le plan de Stoskopf, on a quand même eu un grignotage qui a été extrêmement fort, probablement qu’initialement le quartier était structuré autour d’une place importante de la nature, mais ce n’était pas comme on le fait aujourd’hui, c’était une nature très encadrée. Mais je pense qu’au fil du temps, la place de la voiture était déjà importante, mais au fil du temps, ça a complètement grignoté et ensuite, on voit qu’on était sur une époque mythifiée de la Charte d’Athènes, d’un certain nombre de principes d’aménagements qui amènent à avoir parfois des immeubles très standardisés. Probablement rationnels mais peu vivables et des logements trop petits. NC : Et donc, ces rénovations, vous pensez qu’elles ont apporté quoi de vraiment positif et quoi de potentiellement négatif. MC : Et bien il suffit de regarder la Meinau il y a 12 ans, parce que vous disiez «pourquoi est-ce qu’on vit mieux à la Meinau qu’à Hautepierre ou Neuhof». C’était pas vrai il y a 12 ans. La Meinau en 2005, c’était des émeutes urbaines, qu’il n’y a pas eues à Hautepierre. Je mets Neuhof à part, mais il y a 12 ou 15 ans, la Meinau était un quartier moins bien... Réputé plus difficile qu’Hautepierre. On a des gamins qui sont morts dans des cages d’ascenseur, on a... Il y a eu un certain nombre de faits dramatiques au début des années 2000 et qui ont fait que la Meinau était un quartier, peut-être à l’époque beaucoup plus stigmatisé que ne l’était Hautepierre. Et moi j’ai encore connu en 2008, au 31 décembre, ou en 2009, des charges de gendarmes mobiles pour dégager l’avenue de Normandie le soir de Nouvel An. Donc ça n’est historiquement pas vrai de dire que c’est mieux à la Meinau qu’à Hautepierre. Les habitants le disent, mais les habitants d’Hautepierre vous diront la même chose. Parce qu’il s’est développé forcément un sentiment d’attachement, qui fait... Qui est lié à la Meinau en grande partie à un mode de fonctionnement du quartier qui fait que les équipements, notamment les écoles, soient facilement accessibles. Aujourd’hui ça a l’air d’aller de soi, mais le centre socio-culturel n’a que 15 ans, Pôle Sud pas beaucoup plus, si on parle de la salle de spectacle, ou la médiathèque. Avant, il y avait certes déjà la MJC, Pôle Sud, mais on avait des équipements au centre, on avait beaucoup d’espaces verts, ce qui fait qu’on a des habitants qui sont quand même plutôt attachés à leur quartier. Qu’est-ce qu’a apporté la rénovation urbaine, en maintenant 12 ans ? De la diversité, d’abord. La diversité des formes, la diversité des architectures, la diversité des populations. Ca a permis de favoriser des parcours résidentiels, c’est à dire que sans généraliser et sans être dans le monde des Bisounours, on a des gens qui ont pu accéder à la propriété issus du logement social, que ce soit
de la Meinau ou d’ailleurs. On a pu faire du logement social différent, plus qualitatif. On a pu restructurer des logements sociaux et finalement faire en sorte que la Meinau, tout en restant un quartier d’habitat social, un quartier populaire, ne soit plus exclusivement un quartier d’habitat social, qu’on ait de la diversité et qu’en plus on puisse progressivement lutter contre le sentiment de dire qu’on est dans une zone de relégation, c’est-à-dire une zone où l’on va parce que l’on a pas le choix, que parce que l’on a pas la possibilité d’aller ailleurs et on a aujourd’hui des gens qui choisissent d’habiter à la Meinau, qui choisissent d’y rester, qui choisissent d’y venir. Et ça, je crois que ça change assez fondamentalement l’approche qu’on peut avoir du quartier et l’approche que les habitants peuvent avoir d’eux-mêmes. NC : C’est vrai que ça m’étonne un petit peu, parce que les habitants que j’ai pu rencontrer jusqu’ici, ce sont des habitants qui sont là depuis longtemps, je crois de mémoire depuis 1983 et 1987, pour leur arrivée à la Meinau, pour les deux plus récents que j’ai faits. Et eux m’ont dit qu’ils n’avaient jamais songé à partir de la Meinau, même avant rénovation. Alors après, ces habitants là habitent dans la partie SIBAR, est-ce que c’est fondamentalement différent ? MC : Ah oui, c’est fondamentalement différent. Vous avez une hiérarchie dans le logement social, avec un découpage qui passait, qui passe encore un peu par la rue Schulmeister. A l’Ouest de la rue Schulmeister, vous avez la SIBAR, bailleur social du département qui ne logeait quasiment que des fonctionnaires de catégories B et C, donc ce qu’on appelle des classes moyennes, clairement. Beaucoup de militaires, de gendarmes, de gens de la fonction publique territoriale, de fonctionnaires d’état. Donc une forme de logement social... On ne va pas dire «de luxe», parce que ce n’est pas l’idée, mais en tout cas, des gens plus favorisés au sein du logement social. Ca reste relatif. Et en plus avec un bailleur qui a eu des politiques de peuplement qui ne sont pas allées vers plus de mixité, mais qui a plutôt encouragé justement une politique de peuplement qui confortait cette approche là, ce qui fait qu’aujourd’hui le patrimoine de la SIBAR est occupé par beaucoup de vieux ménages, beaucoup de retraités. Mais par exemple, si vous demandez à des gens qui sont de l’autre côté de la rue Schulmeister, donc du côté de CUShabitat, ils vous diront que pour quelqu’un qui est à CUShabitat, l’ascenseur social, c’est de passer à la SIBAR, mais c’est impossible. Et très vite, ils vous parleront de discrimination. Et je ne suis pas complètement sûr que si on remonte dans le temps, aujourd’hui les processus d’attribution empêchent ça, mais je pense que si on remonte dans le temps, je suis pas sûr qu’ils aient tort de parler de discrimination. Et je pense même qu’il y avait un accord tacite entre les bailleurs pour que cela se passe comme ça, dans les années 70/80. Donc vous avez deux Canardière, clairement. Et la rénovation urbaine a beaucoup plus porté sur la Canardière Est, donc sur le patrimoine de CUShabitat, anciennement CUShabitat, aujourd’hui Ophéa, que sur la SIBAR. La SIBAR a rénové, ils ont démoli une tour, ils ont rénové un certain nombre d’immeubles, mais ils n’avaient pas besoin de la rénovation urbaine. Enfin pour la SIBAR, la rénovation urbaine, et ce n’est pas un reproche, ça a été une opportunité de poursuivre un entretien de patrimoine qui était fait plutôt correctement, avec des espaces extérieurs de qualité, là où de l’autre côté, côté Ophéa, les choses étaient beaucoup plus dégradées. NC : Et par rapport à ces espaces publics, suite à la rénovation urbaine, un certain nombre d’habitants m’ont dit regretter... En fait, entre les immeubles, on avait quand même avant un espace vert qui était facilement traversable, etc, ce qui existe encore à certains endroits dans la partie CUShabitat, mais aujourd’hui on a de plus en plus des immeubles en forme d’îlots, plutôt qu’en barres avec l’espace du rez-de-chaussée, le jardin, qui est privatisé pour les logements qui sont au rez-de-chaussée, ce qui est certes bénéfique pour les habitants du rez-de-chaussée... MC : Ca, c’est uniquement à la SIBAR. NC : Mais en tout cas, ils me confirment regretter justement cet aspect là, par rapport à la rénovation urbaine. Pour eux, c’est vraiment le point noir de la rénovation urbaine. Qu’on avait de l’espace public qui était un peu privatisé, justement. MC : Il n’y a jamais eu d’espace public. C’est faux de parler d’espace public, il n’y a jamais eu d’espace public. La rénovation urbaine elle a créé l’espace public, puisqu’avant la rénovation urbaine, tous ces espaces à usage public étaient des espaces privés propriété des bailleurs. Donc l’entretien pesait sur les locataires et non pas sur la collectivité, et l’un des enjeux de
la rénovation urbaine, ça a été justement de mieux distinguer ce qui est du domaine public et ce qui est du domaine privé. Ce qu’on appelle la résidentialisation. Alors la résidentialisation, je sais que c’est un truc qui peut être discuté. Moi, quand on parle de résidentialisation, je donne toujours le même exemple : quel habitant d’un quartier autre de Strasbourg accepterait que son hall d’immeuble soit un lieu de passage dans lequel tout le monde puisse accéder ? Personne. Personne. Et donc la résidentialisation, c’est simplement ça, c’est dire «ceci est un espace privé, n’y entrent que ceux qui ont quelque chose à y faire ; ceci est un espace public qui par nature appartient à tout le monde.» Après, dans le cas spécifique... C’est ce qu’il se fait à CUShabitat... Dans le cas spécifique de la SIBAR, ils ont fait le choix, notamment sur l’avenue de Normandie et uniquement sur l’avenue de Normandie, sauf erreur de ma part, sur les trois immeubles qui sont au début de l’avenue de Normandie, de créer des jardins en rez-de-jardin qui sont effectivement à usage exclusif des habitants. Ca, c’est un choix du bailleur. Ce n’est pas un choix de la rénovation urbaine. C’est un choix qui relève du bailleur. Nous, le choix, c’est effectivement de dire qu’on souhaite distinguer. Alors ça se traduit effectivement par de la clôture, par des mécanismes de fermeture, mais on souhaitait distinguer entre ce qui relève du privé et du public. A la fois pour les raisons que j’évoquais avant et parce que ce qui relève du domaine public est à la charge du contribuable et de la collectivité, ce qui relève du domaine privé est à la charge du bailleur et des locataires. NC : D’accord, donc il n’y a pas eu de pression par exemple de l’ANRU pour pousser à ça ? C’est vraiment un choix ? MC : Alors, la résidentialisation, c’est un principe fondateur de l’ANRU. Mais pas les jardins, pas ce que vous me décrivez à la SIBAR. Qui n’a rien à voir avec la résidentialisation. Là, c’est un choix du bailleur de doter certains logements de jardins privatifs en rez-de-jardin. On aurait très bien pu envisager que tout en résidentialisant ces espaces soient à la disposition de l’ensemble des habitants de l’immeuble. Ca, ce n’est pas l’ANRU qui l’a imposé. NC : Par rapport aux équipements... Dans les différentes études que j’ai pu lire, dont une de René Kaës et Chombart de Lauwe, qui était menée sur la fin de la construction de la Canardière, mais il y avait déjà des habitants, ils expliquaient qu’il n’y avait à ce moment là pas du tout d’équipements. Vous m’avez dit qu’il y avait plus de 15 ans avant la MJC... Aujourd’hui, on a un certain nombre d’équipements, est-ce que vous pensez que l’équipement est présent en nombre suffisant, est-ce que vous pensez qu’il faut en développer plus au vu de la population du quartier ? MC : Alors, la Canardière, c’est le quartier de la ville où le nombre d’équipements, où le nombre de places par habitant pour la petite enfance est le plus élevé de la ville. C’est le seul quartier de la ville où chaque groupe scolaire a sa propre restauration scolaire. Donc on ne déplace pas les gamins pour qu’ils aillent manger. C’étaient des choses que j’ai voulues, dans l’ANRU, qu’on donne la priorité à ces questions d’éducation. Donc je pense qu’aujourd’hui, les équipements dont dispose la Canardière sont parmi les plus performants de la ville. On a, pour un quartier de 7500, 7800 habitants, pas que pour le quartier, mais il y a trois écoles qui se partagent le territoire, quatre maternelles et trois primaires, vous avez un centre socio-culturel, une médiathèque, une scène de danse nationale, un équipement... Toute une bande d’équipements sportifs au Sud, avec tennis, foot, espaces naturels avec le Baggersee... Je connais peu de quartiers aujourd’hui qui sont aussi bien dotés en équipements. Et d’ailleurs, comme on a enquêté à plusieurs reprises chez les habitants, c’est l’un des points forts de la Canardière, avec les espaces verts et la rénovation urbaine. C’est plus contrasté sur la question des commerces. NC : Justement, je comptais aborder la question des commerces par la suite. Pour rester juste un tout petit peu sur les équipements, en termes de fréquentation, est-ce que vous connaissez un peu le public qui fréquente ces équipements, est-ce que c’est uniquement les habitants de la Canardière ou c’est aussi les habitants qui habitent de l’autre côté de la route de la Meinau, dans la partie plus cossue du quartier ? MC : Le centre socio-culturel, la médiathèque, Pôle Sud, ce sont des lieux de mixité. Pas de diversité, de mixité. De mixité sociale. A l’inverse, pendant très longtemps, c’est en train de changer mais lentement, le centre socio-culturel était très peu fréquenté par les habitants de la Canardière côté Ophéa, à l’Est. C’était vu comme le centre socio-culturel fait pour les
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bourgeois de la SIBAR. Je crois que c’est en train de changer avec le temps, progressivement, mais oui, les gens de l’ancienne Meinau viennent à la médiathèque. La plupart des commerces, boucherie, laboratoire médical, tabac, vous avez toute une série autour de la centralité commerciale qui est la place de l’Ile-de-France, il y a le marché le jeudi et les gens viennent de toute la Meinau, donc oui, c’est un lieu... Tout ce qui est autour de la place de l’Ilede-France est un lieu de centralité qui dépasse la Canardière. NC : Oui, c’est vrai que par rapport à la place de l’Ile-de-France, ce que je constate au fur et à mesure, c’est que justement, on a une centralité qui rayonne, on va dire, au-delà du quartier. C’est ce qui permet d’avoir un peu de croisements entre les populations environnantes... Vous, vous pensez que c’est un des aspects qui fait que le quartier fonctionne bien, aussi ? MC : C’est effectivement un des aspects qui fait qu’on a une vie sociale plus dense. Après, on a aussi un tissu associatif qui est extrêmement fort, historiquement. Ce sont des explications qui font que ça fonctionne, ça vit bien. Pas trop mal. NC : C’est vrai que dans l’étude, toujours, de René Kaës, en 1963, c’est vrai qu’il parlait déjà à ce moment là, d’un tissu associatif qui se mettait en place alors que le quartier n’était pas fini, ce qui est quand même assez impressionnant. MC : Oui, le tissu associatif est ancien et très fort. NC : En particulier, il y avait un prémisse de MJC à ce moment là... MC : C’est l’ancien Pôle Sud. Pôle Sud est une ancienne MJC. NC : Par rapport aux commerces, eux aussi sont fréquentés au-delà de la Canardière ? MC : Ca dépend des commerces. Ca dépend, mais oui, on a la boulangerie qui est place de l’Ile-de-France, on a le salon de thé, la boucherie... La boucherie, elle est très peu fréquentée à l’inverse par les habitants de la Canardière Est. Plutôt fréquentée par les habitants de la SIBAR et de l’ancienne Meinau. Mais vous avez une petite supérette, «chez Aslan», qui est à la fois fréquentée par des gens qui recherchent des produits particuliers, notamment Halal ou autres, mais qui est aussi fréquentée par le tout venant parce qu’ouverte le dimanche, parce la boucherie est réputée, même si elle est Halal, il y a des gens qui ne mangent pas Halal qui viennent chercher chez lui. Et d’ailleurs, c’était un des enjeux de la rénovation urbaine en refaisant la place. Le marché s’est intégré complètement et a arrêté de se disperser un peu partout. C’était de conforter cette fonction de centralité. NC : Alors toujours en termes de commerce, on va dire, plus informel... Des habitants m’ont parlé de problèmes de deal, en disant que justement, suite à la rénovation urbaine il y avait moins de soucis. Vous, vous le constatez aussi ? MC : Oui, clairement. Les chiffres de la sécurité... Bon, c’est un ensemble, c’est pas que la rénovation urbaine, mais l’accompagnement de la rénovation urbaine, les moyens que ça génère, les politiques publiques qui sont déployées autour, les restructurations urbaines, on a beaucoup moins de problèmes de... On va pas dire qu’il n’y en a plus ! Mais on a beaucoup moins de problèmes de marché souterrain. Et on a moins de problèmes aussi d’incivilités en tous genres. Il y en a encore. NC : Justement, dans l’entretien que j’ai mené hier, on me disait que justement, la seule incivilité notable que eux percevaient... MC : Les scooters ? NC : Oui, c’est ça, les scooters et le rodéo. MC : C’est la seule incivilité gênante pour le quotidien à laquelle, pour l’instant, on a pas trouvé de solution. On est un peu impuissants face à ça. Il n’y a pas de solution miracle, on a beau éduquer, former. Après, ou on rend les rues totalement... Ou on en fait des parcours du combattant pour tout le monde ou alors les scooters passent. Voilà, on a pas de solution miracle là-dessus. On a beaucoup de choses qui sont faites quand même mais que les gens ne voient pas, parce que ma doctrine en la matière est «pas de poursuite», pour pas mettre en danger qui que ce soit. Il y a beaucoup de saisines qui sont faites après, à partir des plaques où à partir d’actions de repérage grâce à la vidéo-protection. Il y a beaucoup de scooters saisis, mais il y en a encore. Mais aujourd’hui, ce n’est pas propre à la Meinau. C’est plus fort à la Meinau, parce que ça reste... C’est plus fort en perception parce que ça reste vraiment le dernier grand phénomène d’incivilité auquel on arrive pas à lutter de manière suffisamment efficiente, mais on a le problème dans tous les quartiers en politique de la ville.
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NC : En termes de mixité, on a la route de la Meinau qui présente une fracture urbaine plutôt importante, est-ce que vous pensez qu’elle est vraiment préoccupante ? MC : Elle l’a été, elle l’est moins. C’était une vraie frontière. En même temps, c’est l’histoire de la Meinau. Si vous prenez des photos d’avant la cité de la Canardière, vous arriviez route de la Meinau, c’était les champs. Voilà, c’est ça la réalité, aussi. Ca continue, clairement, si on regarde d’un côté ou de l’autre, on voit qu’on est pas sur la même typologie urbaine, mais ce n’est pas une frontière infranchissable. Et ça l’est de moins en moins. Après, on trouve des choses marrantes, comme quand on réaménage la place de la Meinau, au bout, qui était un rond-point avec 24 de voirie de chaque côté avec un espace vert central sur lequel il se passait strictement rien et qu’on mène une concertation et où on se rend compte au final que ce que nous proposions et qui a été retenu, une voirie de 3.5m qui fait le tour, en zone 30, de la place centrale qui a été largement agrandie, quand on a fait les concertations, on a quand même eu des habitants, cette fois-ci bizarrement côté Canardière, qui nous disaient «non non, mettez toute la voirie de l’autre côté, faites une double-voie de l’autre côté, nous on veut pouvoir traverser à pieds directement» alors que nous, on l’a conçue comme étant accessible de tous les côtés, on avait des habitants de la Canardière qui nous disaient... Ce que je n’ai pas eu de l’autre côté, côté villas. Ils étaient plutôt favorables au projet, mais côté Canardière, je me souviens des habitants, notamment du conseil de quartier, parce que c’est la seule fois en 12 ans où je n’ai pas suivi le conseil de quartier, notamment j’ai eu un avis défavorable sur le projet et j’ai choisi de passer outre, parce que j’étais convaincu après quatre réunions de concertation que le conseil de quartier n’était pas représentatif sur ce coup là. Mais c’est vrai qu’on avait des gens du conseil de quartier qui nous disaient «on veut pouvoir y aller à pieds, de la Canardière à l’espace vert central de la route de la Meinau sans traverser de route, donc mettez 14 mètres de voirie de l’autre côté, parce qu’en plus on veut continuer à y aller en bagnole, etc». C’est la dernière fois que j’ai vu cette fracture d’un côté et de l’autre. Aujourd’hui, cette place fonctionne, les gens viennent des deux côtés... NC : Et ça date de quand, ça ? MC : C’était en 2011 je crois ? NC : C’est vrai que le conseil de quartier, je les ai rencontrés ce samedi et le premier échange que j’ai entendu de leur part, c’était que toutes les places de parking devant le conseil de quartier étaient prises sauf une et ils se plaignaient que ce n’était pas assez accessible et que du coup, personne ne venait au conseil de quartier parce qu’on ne pouvait pas venir en voiture. MC : On a un désaccord avec le conseil de quartier sur la place de la voiture. C’est à dire qu’eux sont convaincus que l’attractivité des commerces de l’avenue de Normandie est liée à la voiture, ce qui est juste complètement aberrant. Et s’ils pensent que les gens ne viennent pas au conseil de quartier parce qu’ils ne peuvent pas y venir en voiture, c’est tout aussi aberrant. Ils sont au cœur du quartier, il y a d’autres raisons pour lesquelles les gens n’y vont pas le samedi matin ! Mais on a un vrai désaccord sur la place de la voiture. Ils sont sur un truc qui est assez surprenant, mais ça montre bien que c’est pas encore unanime, la place de la voiture. NC : C’est sûr que c’est encore un gros sujet même en 2019... Je vais finir sur quelques questions qui sont plus légères... D’après vous, c’est quoi le plus bel endroit du quartier ? Ce sont vraiment des questions de perception, on va dire. MC : ... C’est un endroit qui n’existe plus ! NC : L’avenue de Normandie avant la rénovation, avec les arbres, peutêtre ? Parce qu’on me l’a cité hier ! MC : La vue depuis la tour 28 avenue de Normandie qu’on a démolie. Mais ce n’était pas le plus bel endroit, parce que je n’aurais jamais voulu y vivre, dans cette tour. Mais la vue depuis le dernier étage était absolument incroyable, parce qu’on avait une vue sur la Meinau qui s’étalait à ses pieds, avec la Cathédrale en fond, juste une vue incroyable. Après, je pense que l’un des plus beaux endroits aujourd’hui à la Meinau, c’est le parc Schulmeister, notamment sa partie Sud, j’ai une préférence. NC : C’est vrai que c’est rare de trouver des tours où on a une belle vue et qui soit réservée à du logement social, c’est assez rare... MC : C’était l’inconvénient des tours. La vue était magnifique, mais quand on a lancé la concertation, on a eu une petite polémique avec l’Ordre des Architectes qui avait... Enfin, ce n’était pas l’Ordre, c’était un architecte
ou deux... J’avais annoncé à l’époque qu’il était prévu de démolir une ou deux tours mais que l’objectif pour moi, c’était de démolir les six tours. Et en fait, ces tours structurent le plan historique de Stoskopf. Et donc, des architectes m’ont expliqué que c’étaient des marqueurs urbains et que j’étais en train de totalement renier, défoncer le plan établi par Stoskopf. Et je me souvient leur avoir dit «pas de problème, écoutez, je vous trouve un appartement au dernier étage de votre marqueur urbain, vous y habitez six mois et on en reparle.» C’était un peu méchant. Mais voilà, c’est vrai que c’étaient des très belles vues, mais c’est très mal construit et les tours concentrent tous les problèmes aujourd’hui. Après, ce n’est pas l’habitat vertical qui est un problème, ça je le dis toujours. C’est la façon dont on le fait dans le logement social. On ne sait pas faire de la verticalité dans le logement social qui soit de qualité. Après, ce n’est pas le problème de la verticalité. Vous regardez les Black Swans, je parle pas de l’aspect esthétique, je parle de l’aspect qualitatif, on voit bien que la qualité de construction... Ce n’est pas la verticalité qui pose problème. NC : C’est plus une question de budget, peut-être. MC : Evidemment. NC : Les bailleurs sociaux sont un peu contraints... MC : Toutes ces tours, c’est aussi des questions de coûts, c’est des coursives extérieures, etc... NC : D’après vous, ce serait quoi l’endroit le plus désagréable du quartier ? Si vous en trouvez un. MC : Moi, je peux en trouver que je n’aime pas, mais de là à dire désagréable... Je ne suis pas très fan du parking à l’arrière du centre socioculturel. C’est quelque chose que j’aimerais bien qu’on arrive à reprendre et à le retravailler. En plus, c’est la propriété de la collectivité, mais on l’a pas très bien réussi. Je trouve qu’il est... Certes, il n’est pas bétonné, il y a des arbres, mais sans même parler de ce qu’il peut s’y passer, je trouve qu’il fait un peu... Je trouve qu’avec la manière dont l’autour s’est transformé, ça fait un peu minable, au milieu. NC : Est-ce que vous auriez un endroit à la Meinau où vous avez un souvenir, un lien particulier, un endroit qui vous tient à cœur ? MC : Il y en a plusieurs ! Je pense que c’est probablement la démolition des tours. Et donc la première, la 2 rue Hoffner, la première tour dont j’ai présidé la démolition comme élu en 2009. Et c’est probablement ma première vraie confrontation avec ce qui allait être la rénovation urbaine. Parce que c’était compliqué. Quand j’avais visité cette tour un an auparavant, c’était la cour des miracles. C’est-à-dire que quand on me l’avait fait visiter, les relogements venaient de démarrer, mais j’en ai un souvenir... J’emploie à dessein le terme «cour des miracles». De la prostitution, de la drogue, des gamins qui courent au milieu de seringues... Vraiment la cour des miracles. Et en même temps, quand l’année suivante elle est tombée, c’était la première grosse, mais il y a eu une tour avant, mais dans mon mandat, c’était la première grosse démolition, ça m’a fait un peu bizarre. De me dire... Je crois qu’on ne s’y habitue jamais. Maintenant que je suis en charge de la rénovation urbaine sur tous les quartiers, j’ai assisté à beaucoup de démolitions, je pense qu’on ne s’y habitue jamais, mais ça m’a fait bizarre. On était en train de démolir des logements dans lesquels des gens avaient vécu. C’est un acte qui est violent. Et j’avais ressenti la violence de l’acte. Et en même temps, j’avais aussi vu des habitants plutôt réceptifs, qui trouvaient que c’était bien. NC : Enfin, la dernière question. Si je vous demande un parcours de balade ou de visite du quartier, vous me feriez passer par où ? MC : Oh, je le fais souvent ! Alors, je vous ferais démarrer au collège Lezay-Marnesia pour remonter par la rue du Poitou, puis par la rue d’en face, remonter vers la SIBAR, reprendre la rue de Lorraine, vous arrivez place de l’Ile-de-France, vous faites un petit tour autour de la place. Après, il faut passer par Schutterlin, sur l’arrière, remonter sur la place de la Meinau, reprendre le long de la rue du Rhin Tortu, ce qui permet de voir le parc Schulmeister et les transformations. Descendre jusqu’au cimetière Sud, longer le cimetière Sud, parce qu’on a eu les premières opérations de diversification, remonter par l’intérieur du secteur de la Corse et remonter ensuite, alors deux itinéraires au choix, le long de la rue de Provence pour voir les équipements sportifs et autres ou alors repiquer par l’intérieur, au pied de la tour 15, dans la partie qui n’est pas encore réhabilitée, longer le square de la Peupleraie, prendre la rue Brion, la rue Weeber, pour déboucher en face de l’école de la Canardière et reboucler sur l’avenue de Normandie. C’est notre
parcours. Après, on l’adapte, on accueille plein de groupes, on fait visiter les habitants... Et donc selon le temps qu’on a, selon ce qu’on veut montrer... Aujourd’hui c’est un parcours qui nous permet de montrer, parfois on le fait dans ce sens là, parfois on démarre par la rue Weeber pour montrer la Meinau d’avant et après on va dans la Meinau d’aujourd’hui. NC : C’est vrai que c’est intéressant cette question de la balade que je posais un peu innocemment au début, je me rends compte que ça montre à quel point les endroits du quartier sont identifiés par les gens, parce que sur quasiment tous les entretiens, tout le monde me fait passer quasiment par le même sentier de balade. Toujours du côté du Rhin Tortu, de Schulmeister... MC : Mais parce que... Alors c’est pas que pour ça, mais c’est la traduction concrète de la philosophie d’aménagement de la Meinau. L’un des enjeux de la rénovation urbaine, c’est le désenclavement. Et quand on parlait d’enclavement à la Meinau, c’était pas un enclavement de mobilité, le tram A était déjà là et y’avait pas encore la C, mais c’est que quand vous aviez ces tours et que l’avenue de Normandie était pas percée, la Meinau se terminait sur un bloc bâti. La rue du Rhin Tortu, c’était une deux fois deux-voies sur laquelle vous aviez 22000 véhicules/jour, le parc Schulmeister, personne n’y allait, il avait beau exister, personne n’y allait parce qu’il fallait traverser quatre voies de circulation et donc les gamins, il était pas question qu’ils y aillent seuls, par exemple. Et vous aviez la tour 28, qui dans sa logique de marqueur urbain fermait complètement le quartier et pour sortir, vous aviez juste la rue de Picardie qui faisait un tour autour et c’était pas évident. Aujourd’hui c’est un axe où on a moins de voitures, on a le parc Schulmeister, il y a des aménagements de modes actifs... Il n’y avait pas de pistes cyclables ! Et voilà, on a structuré les choses... Là où avant, c’étaient des tours qui structuraient, aujourd’hui c’est des pôles de centralités, avec un pôle vert autour du parc Schulmeister qui est en connexion avec la cité de la Canardière et en ouverture, un pôle de centralité qui dépasse la cité de la Canardière et qui est un pôle de centralité commercial avec la place de l’Ile-de-France, et l’avenue de Normandie qui fait le lien. Et donc on a relié les deux, et après avec les urbanistes... Avec des logiques qui maintenant vont se prolonger, puisque l’un des axes de l’ANRU 2, c’est même de penser, quand on est sur la rue de Provence, en bas, que vous allez sur le pont de la rue de l’Abbé de l’Epée, vous passez sur Neuhof, maintenant on pense même l’aménagement urbain, les logiques urbaines en partant de l’avenue de Colmar jusqu’au bout du Neuhof dans un axe Est-Ouest, là où généralement on était en Nord-Sud. Donc oui, c’est la traduction concrète de la philosophie qu’on a essayé de mettre en place.
17 octobre 2019, Conseil Citoyen de Quartier JLA - 64 ans, électricien retraité PW - 70 ans VL - 71 ans, architecte retraité CG - 65 ans, Animateur socioculturel RLB - 74 ans, conducteur de travaux retraité KS - 76 ans, Technicien retraité
19 novembre 2019, Direction de Territoire Neuhof-Meinau 25 novembre Tappia
2019,
Nathalie
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La rénovation urbaine et la politique de la ville remplissent-elles leurs objectifs ? C’est en somme la question à laquelle ce mémoire tente de répondre. Nous y introduisons la notion de résilience, inspirée par la définition que différents champs d’études lui donnent, qui constituera le prisme à travers lequel nous tenterons de dégager un réponse. Entre étude architecturale, sociologique et statistique, ce mémoire tente de faire l’analyse, à l’issue de sa première phase, de dix ans de rénovation urbaine dans la cité de la Canardière, à Strasbourg, qui s’est véritablement métamorphosée.