La Hollande (1840, Louis de Potter)

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De Potter

Écoute la voix du remple . Les Rois , t . ler , c . 8 . BRUXELLES . A. JAMAR , ÉDITEUR - LIBRAIRE , RFR DE LA RÉGKSCI, 8 . 1840

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LA HOLLANDE.

Imprimerie do Delevingne et Callewaert .

De Potter

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Écoute la voix du neuple . Las Rois , t , ler , c . 8 . NUK DR LA

RÉGKYCE , 8 , 1840

.

KONNITT BRUXELLES . A. JAMAR , EDITEUR - LIBRAIRE ,

LA HOLLANDE

d'autres1810,lafindumondepourlesuns,devaitêtrepourlafindenosmaux.Carquinevoitqu'ilfautnécessairementquequelquechosefinisse?quinevoitqu'ilfautquelechaossocialsedébrouille,sil'onneveutquelasociétéelle-mêmetombedanslaconfusion et l'anarchie? qui ne voit que nous sommes arrivés au terme des misères humaines ou au dernierjour de la vie humanitaire ?

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Il n'y a plus que les niais et les fourbes qui de mandent encore : Que veulent les peuples dans leur impatience? que veut le peuple? Être mieux, leur a-t-on répondu à satiété. Mais, me répliquait unjour un homme dontje ne saurais suspecter la bonne foi, lebienabsoluest une chimère, et le mieux c'est l'en nemidu bien quelconque. Cela est vrai, dis-je à mon tour, cela est vrai, comme raisonnement de table et de coin du feu. Mais pour ceux qui ne mangent ni ne se chauffent;pour ceux qui nesontque mal, qu'hor riblement mal ? ils ne songent guère ceux-là à votre bienabsolu;leur imputeriez-vousàcrimede chercher àdiminuerdequelquechosela sommedessouffrances auxquelles la société les condamne? Le mieux est l'ennemi du bien, soit; maisl'attente d'un mal moins insupportable est nécessaire à celui qui ne connait quelemalheursansmélangeaucun debien -être. C'est prudence aux heureux de la terre de ne pas risquer leursjouissancesréelles,quoiqu'imparfaites, contrela chimère du bien idéal : mais ce leur serait prudence

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C'est donc l'année aux grandes choses, l'année ré paratrice, qui rendra à l'humanité ses droits, à tout homme la possibilité de vivre, et de vivre sans s'hu milier, sans s'avilir,avec celle des'éclairer, de s'amé lioreretdeprospérer,l'année qui reconstituera la so ciété dans sa force et son honneur qu'elle croyait perdus. C'est l'année de l'espérance, l'année de l'a venir .

Que n'attend -on pas del'ère nouvelle où nous semblons devoir entrer! que n'a-t-on pas promis pour l'annéequicommence!Tiendra-t-elleplusqued'autres les promesses faites en son nom? Oui, parce qu'elle suit les autres années, et que,par conséquent,elleest à même de profiter de ce qu'elles ont produitavant elle,pourproduire davantage elle-même,afin queles Nonannéessubsequentesprofitentégalementdesesefforts.,parcequ'ilneluiestdonnéd'êtreà1839que, sauf les événements, tout juste ce que 1839 a été à 1838 .

Car ce désespoir deviendrait fatal à tous.

L'quvre de transformation sociale est lenteetsuc cessive. Elle se fait constamment,maispas plus pour nous qu'elle ne s'est faite pour nos pères, qu'elle ne se ferapournosenfants. Cette uvre se poursuit tou jours, mais seulement pourl'humanité.Nousn'avons sur nos pères que l'avantage de leur avoir succédé et de continuer leur tàche ; nos enfants continueront la nôtre . L'humanité l'achèvera .

Nous ne disposons ni de la baguette des fées qui

aussi, comme ceserait humanité, au lieu debriser le ceur de leursfrères dans l'affliction, de fortifier en eux lacroyancefondée en desjours meilleurs,afin de les sauver du désespoir.

opère des changements à vue, ni, bien moins encore, du pouvoir qui fait de rien quelque chose. Nous ne créonsjamais:etlorsquenousimprovisons, nos tra vauxne durent queletemps qu'ils nous ont couté.

Mais comment alors expliquer ces prédictions sisolennelles, si précises et si concordantes, du moins quantà l'époque assignée à leur réalisation ? Hé, mon Dieul d'une manière bien simple : les prédictions, aussi bien que les veux , les désirs, dérivent naturel lement dumécontentementgénéral, dumalaise géné ralement senti, du besoin urgent d'un changement profond et effectif s'il faut qu'un ordre quelconquesuccède au désordre universellement reconnu comme intolérable, enfin du sentiment instinctif dans l'homme,qui lui faitconclure de tout besoin réel, de toutvau raisonnableetjuste,àla satisfaction plus ou moins complète de ce besoin, à l'accomplissement plus ou moins prochain de ce veu.

Tout ce queleshommesontétablidebon,ontfondé destable,a été préparéde longue main et mûrement élaboré. Rien ne passe dans le domaine des réalités matériellesquecequiapréalablementétéproposépar l'entendement à l'entendement, ce qui a été pesé, discuté, contredit, et finalement imposé à notre être moral par les lois inflexibles de la logique, qui sont l'expression de l'essence intellectuelle même.

Et le peuple qui croit à la Providence, en d'autres terines à l'ordre moral, dont son bonheur à lui doit être la condition essentielle, le peuple a manifesté sa foi en proclamant qu'il serait heureuxen1840,... Ou que le monde finirait.

On nemecontesterapasdavantagequ'ilnefaudrait qu un raisonnement un peu plus éclairé et plus sain chez les égoïstesquijouissent, pourcalmerbeaucoup de souffrances et mettre un terme à bien des injus tices; c'est-à-dire qu'une fort légèreréforme dansles esprits redresserait la plupart des abus qui affligent et minent la société .

Personne, je pense, ne nieraque, pour la grande masse des hommes, la mesuredes mauxnesoit com ble, comme l'est la mesuredel'iniquitépourceuxque le sort a exceptés du malheur commun.

En cela comme en toutes choses, le principal est de commencer.Orilest temps etplusquetemps de com

Ici encore la voix du peuple est la voix de Dieu. Mais, comme tout oracle, cette voix pour être bien comprise a besoin d'interprétation. Voici la mienne.

Le but final de la société c'est le bonheur de tous les hommes . Ce but sera atteint . Mais ce ne sera pas de sitôt ; ce ne sera surtout pas en 1840.

Ce ne sera pas unc guerre de jalousie de cabinets,

La véritable lutte, la lutte sérieuse, sera indéfini ment retardée; elle serait même, si cela se pouvait, ajournée par les puissances : le cri En avant! sera poussé par les peuples ou par un peuple, par celui peut-être de la part duquel on s'attend lemoinsàcet acte de courage.

Ilnemanque plusque de savoir d'où partira le si gnal du grand remaniement. On acruquelque temps quece serait d'une guerreenOrient. Pour moi, je ne le pense pas.Lesgouvernements européensactuels, à la tête eux-mêmesdesabusquenousavonsàredresserpuisqu'ilsse posentpartoutenobstaclesàtoutredres sement possible, ne joueront pas leurexistence dans de provincesmisérablesquerellespourl'acquisitiondequelques.Nelesvoyons-nouspasconstammentse résignerà perdre même une partie de ce qu'ils pos sèdentpourseulementconserverletitredesouverains propriétaires? avec ce titre-là ils comptentbien re prendre unjour tout ceque la fortuneleura enlevé. Maisune foisévincésenprincipe,queleurresterait-il?

mencer; car bientôt ilfaudramontrer qu'il ya quel quechosede fait,si l'on ne veut que le peuple perde patience.C'est-là ce qui afaitfixerlamiseentrainde la réforme sociale à l'époque même qui se déroule sous nos yeux .

une guerre d'ambition et de conquête qui troublera fiancequelconquenotrestatuquopolitique;ceseraleréveild'unenation,lasseenfindevivred'espéranceetdecon,demandantdesréalitésetdesgarantiespourcesréalités.Cesera,nonl'antagonismedesintérêts matériels de quelques familles, mais l'incompatibilité entre les principes qui se disputent le monde, entre lajustice et la brutalité, la liberté et l'autorité, l'hu manité etleprivilége.

LaBelgiquealaissééchapperlaplus belledes occa sions pour se mettre à la tête du mouvement émanci pateur : elle peut avec le temps en saisir une nou velle.La questionreligieuse, d'un moment à l'autre, peut soulever une partie de la Prusse; la question de nationalité, les provinces italiennes et slaves de l'empire d'Autriche. La démocratie et l'aristocratie sont toujours en présence dans la Suisse; la nouvelle société et l'ancienne, en Espagne; la hideusemisère et le luxeinsultant, partout. Que serait-ce si les Alle mands voulaient une bonne fois etpour tout de bon constater leur droit imprescriptible à la liberté? Le radicalisme anglais, pour paraitre moinspressé, n'en devient que plus sûr de parvenir à ses fins, qui sont cellesde toutpouvoirpopulairequis'organise.

Je parle du vrai radicalisme, pris dans son sensvéritable, celuide progrèsindéfini,tendantversla ré novation lapluscomplèteetla plusparfaite.Etlespar

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Avec tant de motifs de perturbation, ne croyons pas à la stabilitédesmauxquiaffligentla société hu maine. Le tocsin sera sonné quelque part, et pour peu que le premier choc qui s'ensuivra soitsoutenu, lamêléebientôt deviendra générale.

Qui sait si la Hollande no donnera pasle branleen secouantsa machinegouvernementale, uséeaprèsun quart de siècle de service,jusqu'à être hors d'état de fonctionner pluslong-temps?LaHollande est demeu rée simple spectatrice de l'agitation que le besoin d'être mieux a , depuis quarante ans, excitée autour d'elle. Tandis que, fatigués par de longs efforts, ses

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tisans de celui-ci en Angleterreont montréaveccom bien de sagacitéils avaient sondé la question sociale, lorsqu'ils ont demandé au pouvoir de les soutenir dans leur lutte à mort contre les aristocraties héré ditaire et financière, quidominentle pouvoircomme elles oppriment le peuple.Le pouvoir ne lesa point compris. Quant aux radicaux prétendus qui ont le bouleversement et laviolence et les spoliations et les atrocités pourbut, ouquiles considèrent commedes moyens propres à faire atteindre le but de l'amélio ration et du bonheur del'espècehumaine,jenem'en occupe pas ici : ce sont des idiots ou des furieux . Je nelescrainspas davantage.Carla sociétéentièredont ils se déclarent les ennemis, est armée contre leur dangereuse démence.

voisins se reposent et reprennent haleine, les Hol Jandais semblent vouloir, à leur tour , s'élancer dans la licede lacivilisation progressive.

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lité,Si, lorsque nous, Belges,nous avons élevéla voix pourréclamer contre leur insuffisance etleur partia pourdemanderqu'elles fussentsuppléées dansce qu'elles offraient de défectueux, et pour exiger leur application stricteetéquitable, si nosconcitoyensd'a lors,lesHollandais,nousavaientappuyésdeleursvæux et de leurs moyens , nous eussions évité les uns et les autres une révolution qui nous a coûté d'énormes sa crifices, et une séparation qui nous affaiblit jusqu'à l'impuissance; etla libertéque nousavonsachetéede notre sang et de celui de nos frères , nous l'eussions conquise ensemble, pour eux et pour nous, pacifi quementet sans crainte dela reperdrejamais.

Il y a dix ans, les institutions du royaume des Pays-Bas étaient déjà incomplètes, illusoires, mau vaises en unmot; ellesnesont pasmeilleures aujour d'hui : au contraire,dans les dix années qui viennent des'écouler,nousavonsavancéetellesont vieillid'au tant .

Et le pouvoir que nous aurions forcé de respecter nosdroits,yauraitgagné,lui,deconserverleroyaume qui lui aéchappé, et de nepas risquer devoir échap peraussi celui qui lui reste.

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Il n'y a plus àreculermaintenantpourl'opposition hollandaise:le pas estfranchi;àmoinsde sesuicider elle-même danslagénération présenteet pour vingt cinq ansaumoins, il faut qu'elle marche. Les ambi tions et les vanités particulières, dans le parlement etaudehors, auront beau y résisteroul'entraver, on aura beau avoir peur de trop et trop bien réussir, comme c'est l'ordinaire dans toutes les tentatives re centes d'undéveloppement social,le mouvements'en poursuivra tout de même,et, tantôt plus lentement, tantôt plus vite, ou sourdement, ou enseignes deployées, il approchera lesHollandaisdu but'etleleur fera atteindre enfin. Quoi qu'elle en ait, c'est surles traces del'opposition belge de1828 que l'opposition hollandaise de 1840 doit marcher. Après nous avoirflétris des épithètes de brouillons et de révoltés, de séditieux et de révolutionnaires, les Hollandais bien tôt s'honoreront des mêmes titres.

Carje supposeque, pourse créer une nouvelle le galité, unelegalitémoinsillégitime, en d'autresmots, un ordredechosesmoinsdésordonné,ils n'hésiteront pas long-temps à franchir les limites de la légalité à laquelle ils veulent se soustraire. Ce n'est quesur ceterrainexclusivementqu'ilspeuventespérerde triom pherdu pouvoir, lequel, tant qu'on demeure fidèle à l'ordre établi dont il est la clef de voute, y defie teus les efforts et résiste à tous les chocs.

Nous avons renversé les droits antérieurs qu'af fectait le roi des Pays-Bas, il faut bien que les Hol landaisaussi lesprennent corps à corps. Car à moins que tous les pouvoirs , comme nous l'avons écrit dans la constitution de 1831 , n'émanent. de la nation , le peuple ne pourrajamais faire prévaloir ses droits à luisurles droitsquele gouvernement prétendrait te nir d'ailleurs.

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Commenous,ilsdemanderontlaresponsabilitédes ministres.Maisqu'ils sachentquecela nemèneàrien, n'estrien.Laresponsabilitéestlaconséquencedetout acte intelligent; elle est le devoir de quiconque fait avecdiscernement, c'est-à-dire avec liberté. Tousles depositairesde l'autorité sont donc responsables en vers ceux qui la leur confient, tous, le chef de l'état compris;ou il n'y a plus de souveraineté nationale, pas de représentation reelle, aucune responsabilite quelconque,sice n'est illusoireet dérisoire,de la part dequi quece soit.

Combien faudra - t - il encore de ministères se culbu tant les uns les autres, wigh outory, doctrinaire outiers-parti, catholique ou libéral, et, quoique tou joursdifférents, toujours également absurdes; com bien faudra-t-il de dynasties sapées, traquées, la pidées, chassées, avant que le principe que nous proclamons soit reconnu par les hommes du pou voir? « L'hérédité n'est qu'un mot, » aditM.Thiers;

Amoinsqu'ilnesoitbienclairementdémontréque le service public, loin de conférer des droits nefait qu'imposerdesdevoirs,devoirsdeplus en pluslourds et rigoureux à mesure qu'on monte l'échelledes pou

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Posons les faits franchement et nettement : le pu blic est le maitre, et le seul maitre; le pouvoir est à son service comme il està sesgages. Et pour se con vaincre qu'ilest bien servi, ilfaut que le public voie constamment le pouvoir agir sous ses yeux, qu'il en contrôle tous les actes,lesjuge, etles récompense ou les punisse .

responsabilité, il est indispensable qu'il y ait publicité entière et de tous les détails de l'administration, de ceux surtout qui touchent aux intérêts évaluablesen argent, c'est-à-direde toute es pèce d'opérations de finances, de tout compte quel conque. C'est là où les hommes sont le plus sujetsà faillir; et là aussi, lors même qu'ils sont irréprocha bles, qu'on les soupçonnele plus facilementde nepas l'être. La publicitemet tout à la foisàcouvertles in térêts du public etla réputationdes particuliers.

j'ajoute:elle n'aura de sensque lorsque la responsa bilité sera une vérité . Le fils du roi qui aura répondu personnellement des actes de son gouvernement,pourra compter de succeder au trône où il offrira les mêmesPourgaranties.qu'ilyait

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voirs nationaux jusqu'au dernier échelon inclusive ment, le gouvernement sera un privilege d'exploita tion quechacun s'étudiera à rendre le plus productif possible, et le peuple une vacheà lait que, du nour risseuren chefaudernier garçon d étable, toustrai rontjusqu'ausang.

Et, soit ditenpassant, toutebanqueroule estjuste quandellenefroisseles intérêtsque de quelques agio leurset qu'elle sauve tout unpeuple; c'est unremède héroïque appliqué à un mal désespéré, une mesure de salut général, justifiée par le danger commun : clle est utile, parce qu'elletue cette espèce de crédit qui permet à une génération de fous de faire porter les conséquences deses extravagances par plusieurs générationsdevictimes.

Ce n'est pastout.Demêmequ'iln'yaque desdroits nationaux, il ne peut y avoir qu'un trésor national, que despropriétés nationales. On ne contestejamaisà ladettepubliquesaqualité dedettenationale;pour quoi lesmoyensd'y faireface,et touslesmoyenssans exception, ne le seraient-ils point? Car, ce sont sur tout les besoins royaux, les dépenses dans l'intérêt dynastique et les profusions de la cour qui partout ont fait de cette deite un véritable chancre rongeur , auquel il faudra bien finir par appliquer le fer et lefeu de la banqueroute.

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A enjugerpar lavoie où ilsse sont engagés, ilest à croireque, bienau contraire, ils prendront à tâche dejustifier pleinement par leurconduite les révolu lionnaires belges de 1830 .

Je parle ici pour touslespeuplesobérés et surtout pour les Hollandais, qui doivent succomber sous le poids donton lesaccable, s'ils nese håtentde lejeter loin d'eux. Je reviens maintenant à la Hollande spé cialement .

La question estde savoir si la maison régnante y sera assez sage, je nedispasseulement pouraccorder ce que le peuple demande, mais encore pour s'empresserd'offrirau peupletoutcequ'ilaintérêtetdroit a demander .

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SilesNassaugardentrancuneàlarévolutionbelge, le tourle plus sensible qu'ils puissent lui jouer, c'est de mettre incessamment les Hollandais en possession pacifique de ce que les Belges n'ont conquis qu'a la lapointedel'épée.Ceseraitaussilapluscomplètecommeplusnobledesvengeancesqu'ilspussenttirerdeladynastiequiestvenueenBelgiqueyremplirleurplace.

Ou Guillaume accordera trop peu, ou il accordera troptard.Sila nation secontentedesesconcessions,ce sera à recommencer. La question doit être débattue

et jugée au fond; la decision n'en aurait été qu'a journée. Mais sila nation persiste; oh! alors...

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Quel étrange aveuglement. Les leçons du passé seront-elles donc toujours perduespour l'avenir? Au moyen âge, la monarchie se voyait, comme aujour d'hui, réduite à sa plus simple expression; elle était compriméeaupointden'avoiraucunelibertédemou vement, entre unenoblesseguerrièreet hautainequi ne voulaitun chefque de nom, et la bourgeoisie, le corps social d'alors, qui cherchait à reconquérir sa place dansla société. La monarchie s'obstina-t-elleà servir d'instrument à la noblesse pour que celle-ci continuàt à écraser les bourgeois comme elle pesait sur le monarque? Non, certes : elle eut ses grands hommes alors, qui méritèrent beaucoup de l'huma nité entière tout en faisant fort bien leurs affaires propres. Et les communes surgirent comme par en chantement; etle pouvoir, en les protégeant,se reIrempa à la liberté qu'il venait de relever à ses côtés etqui ne demandait qu'à être son alliéelaplus fidèle. Etlessuperbes grands vassaux ne furent bientôt plus que de vaniteux chambellans, dont la redoutablear mure s'était convertie en livrée de cour .

Aujourd'huic'est la bourgeoisieelle-mêmequi, en richie par la liberté, se fait représenter sur le trône, et,aunomdel'orqu'elle possède, dominele pouvoir qu'ellecharge delui garantirsonoret dele multiplier

16 àl'infini. Lepeuple,lui, n'aquecequ'ilgagnechaque jour, en s'inféodant àla bourgeoisie, en sevendant à la bourgeoisie,en se prostituant à la bourgeoisie. La bourgeoisie exercesurluilesmêmesdroitsquela no blesseexerçaitjadissur loutlemonde;jen'enexcepte, ni les plus atroces, ni les plus infàmes. La vie de l'homme lui appartient; car elle peut lui refuser du travail : l'honneur de sa femme et de ses filles est à elle; car elle a toutes lesjouissancesà faire partager, elle peut condamner à toutes les misères. Qu'on pé nètre dans l'intérieur des grands établissements in dustriels, des ateliers, des manufactures, des fa briques, et quand on y aura entrevu les secrètes conséquences de l'esclavage moderne, on n'osera pas dire quej'exagère.

Pour avoir une idée exacte de ce qu'est, dans son beau idéal, la bourgeoisie régnant sans interme diaire etsans opposition, il faut rétrograderjusqu'au directoire de la France républicaine : corruption et nullité, faiblesseetbassesse,cupiditéet mauvaisefoi, tout pourde l'oret rien que pour de l'or; c'étaient là les m urs de lacaste souveraine, si bien prisespour base de leurgouvernementparses délégués, qui trô naient dans la boue comme les montagnards avaient trôné dansle sang. Bonapartevint :aulieude repren drel'æeuvredelarépubliqueaupointoùla convention l'avaitsuspendue, puisque le plus difficile et le plus pénible élait fait, puisque le terrain était déblayé et

C'est lerôlequ'ilsjouentencore, àlahontede l es pècehumaine dontilsfontpartie,pourlemalheurdu peuple qu'ils foulent par ordre, et exclusivement à l'ignoblesatisfactiond'uneclassed'hommesplusineplesencorequ'avides,quiéventrentlapouleauxaufsci'orpourygagnerquelquespoignéesdemenugrain.

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que toute opposition à une régénération sociale s'était evanouie , il recula devant l'honneur de fonder un édi lice vraiment humanitaire. Il ne vit que l'ancienne sociétédétruite,etne vouluttenircompte quedessou venirs qu'elleavaitlaissésaprèselle etdesdébrisqu'il en voyait sous ses pieds : etavecces vieilleries et ces rêveries il tenta de reconstruire . Il n'y avait réellement debout quelepeuple,la bourgeoisie etlui. S'ilavait tendu la main au peuple, la grande révolution com mencée par la constituante était accomplie et nous n'aurions plus eu à en subir d'autres. Il aima mieux évoquer un quatrième élémentquele tempsavaitdé composé de longuemain, que la société avait rejeté comme une forme usée et inutile; cet élément c'est l'aristocratienobiliaire.Qu'enarriva-t-il?Lanoblesse fut une ombre sans corps, plus ridicule encore que vaine; mais le peuple avait été sacrifié, et le bour geoisisme seul se maintint au comptoir social ou, Napoleon tombé, les rois qui l'ontsuivi n'ont plus eu à desservir que l'emploi de premiers garçons de boutique.

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Leprésentestaux groscapitaux : le peuple le sent, et tout enserésignant momentanément au fait, il ne veut cependant pas que ce fait passe en droit. L'ave nir doit être au travail et à l'intelligence; et l'intelli gencene doitpas apparteniruniquementaux riches: les lumières sont un droit pour quiconque est orga nisé de manière à pouvoir en acquérir,qu'ilait d'ail leursdel'argent ou qu'il n'en ait point.

Si,dansl'époquecritiquede transitionoù se trouve l'Europe, le pouvoir quelque part plantait son éten dardaumilieudupeuple,labourgeoisiebientôtserait remiseà la place qu'elle doit occuper dans lahiérar chie politique, et sans espoir d'en plus sortir; tout commeautrefois, lorsqu'il s'estjointàlabourgeoisie, les tyranneauxàdonjonsont descendus pourjamaisà l'insignifiance de seigneurs d'antichambre .

C'est toujours le même but à atteindre:celui de la aucivilisation,duprogrès,celuidubonheurdeshommes,moyendel'actionetréactionharmoniquesansfindelalibertéetdupouvoir.Laliberté,c'estlaforce;lepouvoir,c'estl'orga nisation. La forcedupeuple sera reconnuelejouroù le pouvoir aura fait alliance avec ellc; et de cejour datera l'organisation de la démocratie sur laquelle seule désormais peut s'appuyer un pouvoir essentiel lement fort et durable .

Pour peu que le pouvoir tardàt à conclure celle al liance, le peuple serait réduit à se faire pouvoir lui même ; il le devrail et le ferait.

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Aulieu de soutenirlescommunes, si lepouvoirs'é tait armé contre elles ou seulement les avait abandon nées, elles n'en seraient pas moins devenues libres: ellesle seraient, à lavérité, devenues plus laborieuse mentet plus tard;mais elles leseraient devenues: et àdéfaut d'une réforme intelligente, c'eûtétéuneré volution violente qui leur eûtrendujustice.Le pou voir aurait succombé dans la débâcle.

La force organisée n'a pas besoin de combattre pour remporter la victoire : elle se pose, et tous les obstaclesdisparaissent.Lepeupleaujourd'hui les ouvriers, les proletai res) possède pourle moinsautant de lumièresqu'enpossédaient les bourgeois industrielset commerçants lors de la féodalité héréditaire. Il faut que la féoda lité financière abdiquedevant lui, comme lanoblesseavait abdiqué devant elle. Non pour que le peuple règne, à Dieu ne plaise! ce n'était pasà régnernonplus que la bourgeoisie aspirait; mais àla réalisation de sesdroits, du droit commun, à la liberté. Elle les aconquis, le pouvoir aidant;que maintenant le pou voir aide le peuple à conquérirlessiens.

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Est -ce une révolution , et celle fois une révolution sociale, c'est-à-dire, profonde sans aucun doute, et peut-être terrible, que l'on veut? et s'y expose-t-on dansle seul espoir, jem'exprimeainsiavec les mono manes de conservation, de retarder de quelque peu l'affranchissement du peuple? Ce serait un égoïsme bienstupide.

Soyons plus rationnels. Sans dépouiller personne deses droits acquis, mettons tout le monde à même d'en acquérir. Cela ne veut pas seulement dire : « Déclarons que toutlemonde a la permissionde les acquérir; » ni même : «Déclaronsque toutlemonde enjouit; » carce seraitse moquertrop cruellement ceConstaterdesquatre-vingt-dix-neufcentièmesdugenrehumain.ledroitdesperclusàsemouvoirlibrement,n'estpasleurrendrel'usagedeleursmembres.Rétablissezavanttoutleursantéetleursforces;aprèsquoi,silaloileurpermetdemarcher,ilsmarche ront .

Vousdites : « Tous lescitoyens sont égaux devant laloi. » Jeréponds: qu'importe, si,déjàinégaux par leurnature, ils sont encore plus inégaux dansla so ciété et en vertu du vice organique de ses institutions? Que leur sert leur prétendue égalité légale, si elleest impuissante contreleur inégalité sociale? L'e galité moderne est donc un mensonge aussi formel que constitutionnel. Les citoyens ne sont égaux en

lepauvreaurait-il lemoyen d'userdeses droits politiques s'il manque desmoyens de soutenir envers et contre tous son droit à vivre? Et supposé qu'il aitla vie assurée, pour lui et pour sa famille, par son travailou, s'il estinvalide, parle secours de l'état, supposé même qu'il eût le temps requis pour faire valoir ses droits, a-t-il reçu l'éducation et l'instruction nécessaires dans l'état actuel de la civili sation pour parler en citoyen, juger et décider en citoyen, c'est-à-direen membre du souverain natio nal? Évidemmentnon.Or,depuisquetousexaminent, l'empiren'est plus à la force passivement soumise : il ne peut être au nombre, c'est-à-dire à la force tu multueuse, quefortpassagèrement.L'empireestdonc aux lumières, aux idées, à la logique.

Mais on ne nait pas avec des idéesacquises niavec unelogiquearmée de pied en cap : on apporte seule menten naissantdes dispositionsplus ou moins heu reusesà s'éclairer etàraisonnerjuste.Lereste,ilfaut le chercher danslaculture, l'exercice et lesoccasions d'appliquer.

aucune manière, puisque,malgrétous les droits ron fants que nosgrimoiresreprésentatifs leuradjugent, les uns peuvent tout cequ'ils veulent, et que lesautres ne peuvent rien de ce qu'ils doivent désirer le plus.Comment

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Hé bien! tout cela est monopolisé entre les mains du petit nombre. Les riches seuls vendent ou font vendre les lumières, et les riches seuls peuvent les acheter. Le pauvreest donc nécessairementet, si cet ordre dechoses pouvaitseperpétuer, irrévocablement unparia,unilote social, taillableet corvéableàmerci, portant lejoug de lois faitespar d'autres et pour ces autres, et, parconséquent,leplussouventcontrelui.

Cependant,jele placedanslapositionla plus favo rable que nos pactes lui aient encore faite : je parle du peuplejouissant théoriquement de tous sesdroits constitutionnels,souslesinstitutionslespluslibérales,c'est-à-dire,làoùlesloisémanentd'uncorpschoisi directementparla deux-centièmepartie delanation, dans la centième partie de cette même nation, seule enmesure pouracceptercemandat.Jevaisplus loin : j'accorde que le corps élu, décoré du titre de repré sentation nationale, fasse valoir pratiquement le fa meux principe de la responsabilité ministérielle, ce qui met de tempsàautre à la disposition de cecorps les portefeuilles dont il dépouille les doublures de la royauté inviolable. N'avouera-t-on pas que là aussi le que reconnu par la fiction législative l'égal du riche, du puissantet de l'homme d'état, n'a en réalité d'autre droit que de croupir dans l'igno rance, de végéter dans la misère, et deseconsumer lentement dans l'oppression et l'exploitation, en un mot que de mourir en détail s'il n'aime mieux mou pauvre, bien

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L'hérédité a fait son temps: la richesse est parve nue auplus haut point de sa puissance. La noblesse n'est plus qu'un souvenir historique. La prépondé rance exclusive de l'or est encore un fait; mais ce fait, pasplus que ceux qui l'ont précédé,ne pouvantimmobiliserle monde,va lui aussi s'engloutir dans le domaine du passé. Le fait qui s'avance, c'est le triomphede l'humanitéentière.Lepeuple,jeuned'es péranceetde foi,connaitsondroitau bonheur et en exige la réalisation.Hâtons-nous de l'éclairer sur le droit de tous, même de ceux qui jusqu'à ce jour l'ont privé du sien, afin qu'il prenne sans ôterà qui que ce soit; c'est-à-dire,afin qu'iljouisselui aussi de

L'empireest aux lumières, à lalogique, ai-je dit; et il doitl'être. Maisc'est aux idées morales,à la lo gique de la raison, qui est l'intelligence humanitaire comprenant l'intérêt de tous les hommes et de tous les peuples, ou l'avenir de l'humanité; non à cette logique étroite quine considèrequel'intérêt matériel du moment, qui individualise tout, calculetout, éva lue tout en espèces sonnantes,large plaie qui, sous le nom d'égoïsme, ronge notre société et paralyse son élanprovidentiel vers le progrès.

rirtout d'une pièce, que de se laisser tuer par lasociété à coups d'épingle, à moins qu'il ne s'arrache lui-mêmeàce supplice dechaqueinstantparquelque acte de désespoir plus expéditif?

21 toutes ses facultés, et de la liberté qui les résume, et del'aisance qui permet de les appliquer, et du sa voir qui les vivifie, et de la verlu qui les légitime .

Place!Le peuplevient au nomduDieu qu'iladore, et quin'est pasplusle Dieu des capitaux que le Dieu du blason, mais le Dieu du genre humain. Gloire aux noms illustres des hommes qui ont servi leurs semblables par leur énergieetleur force; reconnais sanceaux richesses quiontfaitfructifierl'industrieet lecommerce, les sciences et les arts! Maisjustice au peuple! et justice entière, c'est-à -dire égalité, non plus écrite mais effective, non plus en théorie mais pratique, non plus en droit maisde fait,non plusen uneautre vie uniquement,maisdèsla vieprésente et sur la terre, où la volonté de Dieu doit aussi être faile comme au ciel .

Quelleest la mission de la société humaine? c'est de compléterl' uvre de la création , de dominer la nature pour réparer par l'intelligence les imperfec

C'est là la bonnenouvelle qui a été annoncéeà ce peuple, ilyaura tantôt deux mille ans. Il lui fut dit alors que toutes les iniquités sociales auraient un terme, et ce terme il l'attend encore. Et lorsqu'à de rares intervalles, il manifeste quelquesigne d'impa lience, on l'accuse d'êtretroppressé.Blasphême !

Celase pouvait, tant quele peupleacruquec'était pour son bien àlui.Ils'estaperçuenfinquec'estuni quement pourlebiendes privilégiés. Cela ne sepeut plus.

3 .

Gouverner est une science, administrer est une science,juger estunescience,parleretpenser sontdes sciences : et toutes sont occultes; la société ajeté sur elles un voile épais qu'elle ne lève que pour les pri vilégiés. Aux autres, on leur dit : « Vousdevez être, m et nous savons comment; vous devez être ton dus et nous savons jusqu'où:allez et faites, quand nous trouverons que vous allez trop loin, nous vous arrêterons; quandnous aurons décidé que vous avez fait mal, nous vous punirons. »

Envérité,lasociété appelleles réactionset les ven geances; et si l'heure de lajustice ne sonnebientôt, les vengeances éclateront atroces, abominables, mais prévues, mais prédites, mais, tranchons le mot, mé ritées .

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tions de la matière, de soutenir la faiblesse, de sou lager la souffrance, d'éclairer, d'améliorer, d'unir. Que fait-elle?Elle écrase les faibles, elle enlève tout espoiraux malheureux, elle épaissit les ténèbres au tour de l'immense majorité des hommes, elle leur rend le vice nécessaire, le crimeinévitable, elle sus cite, elle perpétue les discordes et les haines.

26 je dirai

Jeunesse,quifoulezlesoldela civilisation siprofon démentébranlédepuisundemi-siècle,partantde révo lutions, etaujourd'huiencore oscillantsouschacunde vos pas, c'est à vous que je m'adresse. Vous entrez dans la société avec des idées, des meurs, une religion nouvelle. Partagez vos généreuses con victions avec le peuple. C'est leseul terrain où cette desbonnesemencepuissegermer.Faitespénétrerauseinmasseslesprincipesquelesgouvernementsdevront finirpar adopter et par répandre eux-mêmes s'ils ne veulentqu'une lutteépouvantablene bouleverse tout, ne confondetout, ne permettederéédifierquesurde sanglantes ruines. Mêlez-vous aux hommes simples que des intentions puresaniment,quelezèledubien excite , maisà qui il manque la science pour qu'ils se dirigentpareux -mêmesetn'agissent que surleurs propres idées. Dites-leur que cette science-là, dont vous leur développerez l'objet, est leur propriété, comme à vous, comme à tout le monde; que la société la leurdoit; que la leur interdire, directement ou indirectement, en la leur refusant ou en les met tant dans l'impossibilité de l'acquérir, c'est leur inter dire l'eau et le feu de l'esprit,c'est tuer l'ame, et ne laisser vivrele corpsquepour qu'il pourrisse dans la fange del'erreur,del'asservissementetduvice. Dites leur qu'il faut qu'on la leur donne cette science, et que si on s'obstine à la mettre à haut prix, il faut qu'on leurdonne de quoi lapayer.

Et criez sur les toits à la société menteuse et lache quis'en va, quesielle neprodigue au peupleles tré sors de la vraie science et de toute la vraie science , non de celle qui apprend seulement à épeler les arrêtés municipaux et à supputer les douzièmes des contributions, mais de celle qui enseigne à se con duiredans lemonde social, àrendreà chacun ce qui lui est dù et àen exiger sondroit, etquidémontrele pourquoi de toutes ces choses, c'est-à-dire qui rend incontestableleprincipemoral d'oùdécouleledevoir humain; criez, dis-je, à la société qui s'en va, quesiellene s'empressedeprodiguerces trésorsjusqu'ici cachés, le peuple prendra n'importe où la clef d'or qui ouvre la porte du temple de la sagesse, et qu'a vanttoutautreusage,il seservira dela sciencecontre ceux qui enont fait silongtemps pourluile fruit de l'arbre de mort .

Retracez avecvivacité et chaleurle tableau dontje vous ai rapidement esquissé les principaux traits. Ce hideuxtableauestsouslesyeuxdetous,ettouslesyeux désormais y distinguerontàlapremièrevuejusqu'aux plus petits détails. La conspiration légale et perma nente de la force et de la ruse contre la faiblesse et la simpliciténedoitplusêtreunmystèrepourpersonne.Etceladureraitéternellementainsi!Impossible.Sic'étaitlàlederniermotduprogrèsetlerésultatfinaldelacivilisation,ilfaudraitabjurerlacivilisationet

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28 leprogrès, renierla véritéet lajustice,et maudire la Providence.Iln'yauraitplusd'humanité,plusd'hom meségauxentre eux comme frères, parce qu'enfants dumêmeDieu :iln'y aurait plus quedes êtres à face humaine, tous méchants et tous plus ou moins mal heureux,intelligentspourmieuxsenuireetconnaître leur triste destinée, libres pourtroubler l'ordre im muable qu'une sage fatalité aurait pu imposer à la matière brute .

Non, cela nedurera pas et nesaurait durer.Il faut même que cela finisse bientôt ou, du moins,que cela commence bientôt à finir . L'année 1840 doit ouvrir la voie de la réforme humanitaire. C'est le terme qui a été posé à la longanimité populaire par les hommes vraiment de sensetde cæurqui ont pour fin le bon heur de touspar des moyens qui ne nuisent à per sonne. Et le peuple a de la mémoire : il serait dan gereux de laisser passer ce terme sans montrer au moinslabonnevolonté d'admettreleprogrès, d'apla nir les obstacles qui s'opposent à toute amélioration, et de faire disparaitre graduellement le privilege qui assure à quelques-uns les jouissances et écrase tousles autressous les charges.Ce privilége est celui des lumières auxquelles tous ont droit, et qui, par conséquent,doiventêtre à ladispositiondetous, gra tuitement commel'air que l'on respire, etcommela nourriture que tous devraient pouvoir toujours de mander, soit au travail, soit à la société. Or les lu

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mières,je ne saurais assez le répéter, sont exclusive mentà la richesse, et le pouvoir exclusivement aux lumières; et le pouvoir concentreles richesses et les lumièresdansquelquesmains,quinelaisseront échap per le pouvoirque devant l'organisation du peuple. neTantqueceprivilégeabsurdeplusencorequ'odieuxserapasbattuenbrèchedirectementeténergiquement,legrandnombreneferapasunpas.

Etalors il s'en feraà son tourunepropriétéexclu sive, au détriment du pelit nombre dépossédé, qui bientôt,àson louraussi, formera denouveau la pres que totalitédelamassesociale. Levainqueur,devenu jalouxdesonbonheur,commesi, nepas le faire par tager, ce n'était pas le saper avantqu'ilse consolide, le vainqueur opprimeracomme ilaétéopprimé.

Si la Hollandeest lapremièreà poserlepied dans la carrière sociale, qu'elle y entre hardiment, sans hésiter, sans crainte d'êtreemportée trop loin: celle crainte est puérile pour tout un peuple; elle n'est raisonnable chez les hommes prudents que lorsque quelques-uns pressés d'arriver veulent faire forcer le pasaux autres.Iln'y a pointpour nousde lerme as signableauprogrèssocial.Allons,allonstoujours.Mais

A moins que, d'un saut, il ne franchissel'espace qui le séparedubien-être.

allons tous ensemble : et assurons bien notre démar che;c'est-à-dire, entendons-nous etattendons-nous: ayons une connaissanceparfaite de l'espaceà parcou rir, rendons-nous clairement compte dubut à attein dre, et traçons exactement la route qui doit nous y, mener le plus vite,avec lemoinspossible depeinesetde sacrifices,et leplus degaranties destabilité.

Aujourd'hui ou demain, en 1810 ou dans les an nées qui suivront, plus tôt qu'on ne pense quoique moinstôtqu'on ne ledésire,lesHollandais, oun'im porte quel autre peuple letentera, feront dans cette carrière humanitaire desprogrèsrapides,ct prépare ront, avec leur propre bonheur, le bonheur de la vieille société européenne tout entière, qui, depuis près de vingt siècles, se traine dans l'ornière politi que où l'ont fourvoyéeledespotisme etla barbarie.

Celafait,silesvieillesdynasticss'entêtentàsemettre en travers du mouvement , et si aucune autre ne s'é

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Qu'aurons-nous alors à faire, nous Belges? Rien autre chosequ'àdonnerla main à nosanciens frères, ou à latendre auxfrères nouveaux quenousaura in diquésla réforme entreprise: carle premier résultat de celle-ci sera de faire fraterniser tous les peuples quil'adopteront,etqui se hâteront demettresousl'é gide de l'unionpolitiqueles bienfaits dela liberté so ciale .

Et ce sera véritablement un bon debarras de plus pourles peuples.

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lève pour le seconder, l'humanité apprendra peu à peu àse passer d'elles.Elle eùtavancéplus prompte ment, pousséc parun pouvoirdéjàorganisé etse con fondant spontanément avec elle. Mais ce pouvoir de meurant sourdà nos prières et à nosavertissements, nous le laisserons en arrière ou lui passerons sur le corps.Nous auronsplus de difficultésà vaincre, une plus rude guerre à soutenir. Mais notre cause est sainte. Dieu est pour nous : il nous a livré le temps etl'espace; et les dynasties,désormais inutiles, s'éva nouiront enfin avec l'aristocratie de naissance et l'a ristocratie d'argent, avec l'ignorancedes masseset la demi-science de leurs prétendus maitres.

20 Février .

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