LES BELGES DE 1830
1850 .
, PAR
NOVEMBRE
LA BELGIQUE DE 1850 De Potter.
Si 1850 se relève au niveau de 1830 , la patrie sera sauvée par la liberté qui luia donné l'êtie .
Page 21 . GA ABT 8 BRUXELLES, Chez Mayer et Flatau, rue de la Madelaine, ET LES PRINCIPAUX LIBRAIRES DU ROYAUME .
ET
Aux hommes politiques qui ontla noble ambition, pendant lescirconstances critiques qui se préparent, de se dévouer au service de leurs concitoyens etde leurpays :
L'auteuradressecette esquisserapide, destinée à mettre en reliefle rapport essentiel entre deux époques, celle de 1830 où il fallut que la Belgique se rendit indépendante ou cessåt d'exister, et celle de 1850 où elle doit revenir aux principes libéraux sur lesquels elle a étéfondée ou retomber dans la dé pendance et le néant.
Si le parallèle est juste, l'enseignement qu'il renferme ne sera pas perdu.
Si le retour aux principes de la révolution est nécessaire, pas ne sera besoin de répéter l'appel qui est fait ici aux sen liments généreux dont cette révolution a été l'expression et le résultat .
La libertéconstituelanationalitébelge. Tout honnêtehomme profondémentimbude la vérité que renfermece peudemots, et acceptant sans arrière-pensée les conséquences qui en dé coulent, est par cela seul apte à gouverner la Belgique, en y faisantdenouveau triompherle droitcommun.
Bruxelles, le 12 Novembre .
En 1830, la question belge avaitété nettementposée; aussi sa solution ne fut-elle qu'une affaire de circonstances et de temps .
Arrêtez le mal dès le principe : il est trop tard ponr remédier aux abus lorsqu'une ilsfois ont pris racine.
LES BELGES DE 1830 ET LA BELGIQUE DE 1850 .
Traduction libre . -
Dès que les uns et lesautres comprirent la portée de cettemachiavélique manoeuvre, l'Union fut conclueentreeux et devintindissoluble,jusqu'aumomentdumoinsoù elle auraitobtenu son résultat.Ettout despotisme fut impossible en Belgique, puisque les catholiques n'y permirent plus que les libéraux fussent opprimés, etqueleslibérauxdéfendirent les catholiques contretouteoppression.
Principiis obsta . Sero medicina paratur ,Cum inala per longas convaluere moras ,Ovid . REMED . AMOR .
Laquestion catholique,-celle qui enBelgique domineen-core toutes les autres, se confondait naturellement avec la questionnationale.Comme moyen d'exploitation, le gouverne mentdeGuillaumen'employait-il pasles libéraux aveclesquelsil faisaitleplussouventcausecommune, contrelescatholiques, et les catholiques qu'il avait soin de privilégier quelquefois,contre les libéraux ?
On s'était demandé: Les Belges se laisseront-ils bénévolement exploiter par les Hollandais? Laréponse, d'une manière ou d'une autre,un peu plus tôt, un peu plus tard, devait être une révolution . Et elle le fut.
Le cri: Libertéen toutetpour tous! retentit alors; il résumait merveilleusement le devoir de chaque parti, celui de pro tégeravanttoutlesautres partis dans l'exercice entier de leurs
Je ne dirai pas que le besoin de liberté pour fonder leur indépendance fit naitre chez les Belges la haine de tout gouvernement de parti, - car, sous n'importe quelle domination étrangère, ilsnese sontjamaissoumis patiemment à la partialité du pouvoir,- mais du moins il leur donna lieu à formuler cette haine et à lafaire passer, du caractère national, dans laconstitution politique de la nation.
LES BELGES DE 1830 > droits. Aussitôtque les partissesoutinrentégalemententreeux,la devise de Guillaumecessa d'être une vérité : son pouvoirbasé surl'antagonisme de ses sujets ne put plus se maintenir.
Dans ce sens, il est de toute vérité que la Belgique n'existeque parla liberté. Supprimezlalibertédanssesinstitutions,et l'état belge n'est plus qu'un vain mottracé sur le sable des ac cidents et que le moindre vent de l'imprévu vient effacer. Lesvéritables, les seules frontières de la Belgique indépendante, ce sont des libertés pratiques, des libertés réelles, plus étendues que partoutailleurs, etsurtout que chez ses voisins. La liberté constitue la nationalité belge. Avec la liberté dans les mæursdu peuple, la Belgique ne tomberajamaispourne plusse relever.En1830, on s'y est insurgé, non pour la patriequi n'existait pas encore, mais pour la liberté qu'on ne voulaitpoint se laisserarracheràjamais. C'esten mourant pourla li berté, que les combattants de septembre nous ont donné une patrie.
L'espritdela constitution belgeestla reconnaissancedufaitsocial, que nul ne possède levéritable principequidoit servir de lien intellectuel entre les hommes , de base immuable à l'or dre; que nul, dis-je, ne possède ce principe, au pointde pouvoir contraindre moralement tous les autres à l'accepter comme lui et à y conformer ses actions . C'est en même temps l'engage ment tacite pris entre tous, de ne point souffrir que personne soit matériellement forcé par lepouvoiràembrasser ou à feindred'embrasserune opinion quin'estpas réellementla sienne.
La lettrequi exprime l'esprit de la constitution est l'appli cation dela libertésans restriction à tout ce qui est doctrine.C'est la déclaration expresse que la lutte entre les opinions, quelles qu'elles soient, est dégagée de toutes entraves autresque celles que lui posent les lois de l'intelligence, le raisonne ment, l'influence morale; que la loi n'a point d'autorité dans
les débats intellectuels; que son domaine est exclusivement la protectiondesindividus et de leur propriété; que, tant que lavériténesesera pasmanifestée incontestablementaux hommesde manière à entraîner irrésistiblement toutes les convictions, le seuldevoirsocialserade s'entre-aimer,sans égardaucun aux opinionsquechacun professe de bonne foi et par amour pourla vérité dont il croit bien positivement yvoir les caractères. Le libéralisme; si l'on donneàce motlavaleurqu'il devrait rationnellement avoir, celle quiconsacre l'obligation d'admettre l'inviolabilité du libre examen pendant toute l'époque dudoute social; le libéralisme est conséquemment le partage du catholique qui respecte chez sesconcitoyens, touten déplorantce qu'il appelle leur aveuglement, le droit de repousser le catholicisme,autantqu'il estcelui du non-catholique qui s'opposeà ce que ses concitoyens soient le moins du monde troublés dans leur droit égal de confesser, de répandre et de consolider leur croyance.
Le gouvernement qui est venu après lui a-t-il frappé, lui aussi, et frappe-t-il encore?- Ici nous passons de 1830 à-1850. Notrebutest de faire aujourd'huicomme ona fait alors, deposer franchementetclairementla question. Heureusementque ce n'est plus à une révolution à la résoudre. Un change mentdesystème réparerale mal s'il yen a eu de fait, etpermettra defaire le bien s'il y a moyen d'enfaire.
Legouvernement de Guillaume frappait, et il asuccombé.
En 1830, on avait assez de bon sens pour rejeter toute inter vention de la volonté, soit d'un seul, soit de plusieurs,soit de lamajorité et même de la presqu'unanimité,de répudier par con séquentl'actiondes lois,danslecercledesidéesetdeleurlibre mouvement.Toutarbitraire est impuissant pour combattre uneopinion. Je me trompe : l'arbitraire invoqué contre une opinionqui allait peut-êtres'évanouir, lui donne une nouvellevie etune vigueur nouvelle .
Depuis queledespotisme personnel ou légal a perdu la forcede supprimer les idées, il n'a plus nécessairement d'autre effetsur elles que de fairetriomphermomentanément l'idée contrelaquelle ilse déclare. Il suffit du simple bon sens et d'un peud'estime de soipour dire : Si le pouvoircroyait avoir raison, ilargumenterait; il frappe, donc, il sait avoir tort.
ET LA BELGIQUE DE 1850 . 1
Quand ongouverne au nom d'une opinion, et pourceux-làseulement qui la professent; par le fait même que les partisans de cette opinion accaparent touslesbénéficesde l'exploitation,surleursadversaires entombent touteslescharges.Cetétat de choses se résume bientôt dans la liberté dont jouit leparti dominant, d'enchaîner l'opinion qu'il condamne, et dansl'impossibilité où se trouve le parti dominéde défendre sonopinionà chances égales contre ceux qui l'attaquent à coup sûr.
Mais frapper un parti, c'est aussi favoriser exclusivementleparti contraire.
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Or, les ministèresde parti sontbien plus changeantsencore quelesmajorités, qui lesont autantquelesventsetles flots,sicélèbres parleur inconstanceou plutôtleur inconsistance:ilestimpossible qu'un parti demeureau pouvoir; par cela seulqu'ilest parti et qu'il agit conime tel, il commet des fautes. Devenupuissantparlesfautes du parti contraire, bientôt, ens'égarantdans la mêmevoie, il laisse la puissance rétourneraux mainsdecelui-ci. Chaque parti qui s'élève au pouvoir, profite ainsi,etprofiteamplementetsans scrupule,pour combattre lepartiopposé, de tous les moyens de despotisme qui avaientétépréparéspour l'écraserlui-même.Cestristesreprésailless'enveniment indéfiniment. Car l'arbitraire est toujours à l'usage duplusfort, quel qu'il soit, et le plusfaible,quel qu'il soitaussi,en estconstammentlavictime.Iln'yaderemèdecontre l'arbitrairequela liberté. La libertéestdonc la sauve-garde du faible et le frein du fort.
C'est précisément pour cela que 1830 a garantile pluspossible la liberté en tout et pour tous. Et sien 1850 nous
Commençons par déterminer avec précision ce que nous entendonspar frapper dela part d'un gouvernement.Ce n'est pas toujours infliger plusoumoinslégalement lespeines dont ona menacé ses adversaires, ou bienleur faire craindre l'applicationdeces peines. Sous ce pointdevue, lesdifférents sys tèmes qui ontétéessayés sur laBelgiquede 1830et les hommes qui les représentaient, sont, à peu de chose près, sans reproche. Essentiellement doux ou, pour mieux dire, faibles, ce n'est pas par les rigueurs directes qu'ils ont habituellement péché.
Etl'on appelaitcette action et réaction sans fin la continuation du système que 1830 avait inauguré!
J'ai ditque leroiGuillaume favorisait,tantôtlescatholiquesaux dépens des libéraux , tantôt les libéraux au détriment descatholiques,lui quin'étaitassurémentnicatholique ni libé ral, mais qui voulait être le maître, peu lui importait d'ailleursque cefût parlescatholiquesou parles libéraux. Le ministèrebelge agit-ildifféremment? Il n'a garde, puisqu'il se propose le même but. Libéral aujourd'hui, il affiche par intervalles une excessive tendresse pour le clergé qui pourrait lui nuire; ca tholique demain, il n'en fait pas moins main basse sur nos li bertés les plusprécieuses,quicependantoffrentseulesàla religion,dansnostempsde discussion illimitée,laprotectiondontelle a besoin plus que jamais .
Aceuxquimeconstesteraientl'identité desgriefs d'avantlarévolutionet des griefs de1850, je répondrais: Lepersonnel du parti anti-populaire, je diraisanti-libéral, si le mot libéral ne s'était pas prêté à tant et de si fausses interprétations,n'est-il pas, sauf quelques changements inévitables, le même actuellement qu'alors? La doctrine n'était-elle pas la même,ainsi que les moyens pour la faire prévaloir? L'orangiste de 1830ne se confond-il pas entièrementavec le prétendu libéralde1850? Nousétionsen1830gouvernésau profitdenos frèresdunord;niesommes-nouspasen1850administrés pour l'avan tage de nosfrères du midi? Le commerce hollandais nous im posait les lois dont il avaitbesoin; les industries wallonnes font subir aux intérêts flamands les mesures qui leur sont favorables. Et comme pour introniser l'injustice, il faut nécessaire
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Les différents partis qui sesont imposésà la Belgique depuis 1830, n'ont jamais voulu qu'unechose, savoir étendre etexalter le pouvoirafin d'ôter toute liberté à leurs adversaires.Decette manière, il y a toujours eu desvainqueurs et des vaincus, lesvaincus remportantla yictoire etlesvainqueurs se faisant battre à tour de rôle, ce qui perpétuait l'oppression, l'exploitation, ce qui l'exagérait mêmeau point dela rendre finaiement intolérable pour tous.
avons de nouveaux griefs à faire redresser, c'est parce que la liberté au moyen de laquelle 1830 avait redressé les anciensgriefs a été attaquée.
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Autre analogie. L'esprit d'opposition au lourd despotismehollandaisse signala dèsleprincipe pardesstatistiquesoùellefit ressortir l'iniquité de la collation des emplois. La clameurcontre les fonctionnaires étrangers au pays n'est-elle pas gé nérale en 1850? Personne plus que moi ne désirerait qu'iln'yeûtd'étrangersnulle part; que partoutsur cette terre unhomme fût dans sa patrie. Mais pour cela il faudraitque lemorcellement de l'humanité en nations fût supprimé; et nous sommes loin encore depouvoirsongeràatteindre cebutgénéreux. En théorie,faisonsde lajustice absolue,delaraison pure; c'estau mieux:maisdansla pratique,partonstoujoursdes faitstels qu'ils sont, et établissons sureux notre justice d'application, c'est-à-dire la raison qui y est relative. Or, les faits, lesvoici. Nous formons une nation. Tous ceux qui ne font pas partie de cette nation sont des étrangers pour nous, comme nous le sommes pour eux. Il n'y a làde haine, d'hostilité, nid'une partni de l'autre; il ya le sentimentde propriété natio
Le million-Merlin , de sinistre mémoire, n'était pas autre chosequelemilliondontnotre pouvoirs'estfaitledispensateur? Et encore, à tout prendre, il y avait avant 1830 cet avantage,que nos florins répartis directement parle roi hollandaisquisecroyaitinamovible,l étaientdumoinsdansunbutsupérieur de prospérité publique; tandisquedans les mainsdes ministres belges qui savent à combien peu de chose ils tiennent, nosfrancs sont dépensés dans des vues mesquines et purement personnelles, de népotisme, de secte, de parti, de coterie.
> ment recourir à la force,la centralisation française, convention nelle etimpérialiste,est à l'ordre dujour. Le pouvoir voittout,sait tout, doit par conséquent tout faire, pouvoir disposer de tout; c'est là ce que noshommes d'état entendent par gouverner. Ils en concluent et très-logiquement, que puisque, pour agir, les citoyens ont besoin des inspirations ou du moins de l'autorisation du pouvoir, il faut de deux choses l'une, ou qu'ils ne pensent point du tout par eux-mêmes, ou que lepouvoir leur enseigne ce qu'ils doivent croire et penser.Un gouvernement bien centralisé suppose nécessairement le monopole universitaire, une presse stipendiée et asservie, etune réserve de ministériels toujours prêts à entrer en liceenvers etcontre tous,à lamoindrevelléité d'indépendance.
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Finalement, l'opposition belge en 1830 avait proscrit jusqu'à la langue dans laquelle on nous préconisait les doc trinesdupouvoir.Ehbien! la langueau moyen de laquelle s'introduisent chez nous l'esprit centralisateur français, les idées et les habitndes françaises de bureaucratie et de réglementa tion, les conditions en un mot dela sociétételle qu'on la comprendcheznosvoisins, finiraitpar êtrefrappéeenBelgique dela même réprobation. Le mouvement flamand ne fait-il pas. déjà sentir son influence, comme avant la révolutionlemouve ment anti -hollandais ?
nale, aussi vivace que le sentiment de propriété privée : chaque peuple portant les charges dont il est grevé, veut aussi jouirdes bénéfices attachés aumérite qu'il acquiert par l'accomplissement de son devoir. Comment devant ce sentimentle pouvoirjustifierait-il lechiffretrès-considérable, ilse monte à plusieurs milliers, de fonetions confiées à des étrangers en Belgique? Dans l'administration civile, c'estdéjà unabusgraveetune inqualifiableiniquité; maisdans l'armée, dans leshauts grades surtout, c'est pis encore, c'està la fois inique etplein de danger. Queferait l'officierétranger, si jamais nous étions entrainés dans une guerrecontre ses concitoyens?Tirerait-il l'épée?Ceseraitsemontrerindigne denousservir. Lalaisserait il au fourreau?Ce serait nousempêcher de nous servir nousmêmes . La franchise et l'honneur militaires nous rassurent con tre la supposition qu'il pourrait profiter de sa position pour nous trahir .
1830s'est insurgé contretoutpouvoir fort;je m'explique :contre tout pouvoir faisantdela force, làoùsuffisent lajusticeetla raison, làoù il fauts'en remettreàl'intelligencedechacun,à la liberté de tous; en un mot contretout pouvoir qui ne se borne pasà garantirla société, en respectant le droit commundechaqueindividu, celuid'agircommeil l'entend pourvu qu'il
* Ici les noms propres se pressent en foule sous notre plume ; mais , nenous faisons pas une guerre de personnalités . Nous attaquons les abus là oùnous les voyons, et sans ménagements pour les personnes qui malheureusenient en font partie . Nous laissons le reste à d'autres . Que d'autres aussi donnent le chiffre des sommes si scandaleusement jetées dans le gouffre des traitements, des cumuls, des sinécures, etc. , etc. , soit à des étrangers, soit àdes Belges : nous nous bornons à établir le droit , à fixer les principes , à préparer en un mot le travail pour ceux qui se sentiront le courage dansd'entrer des détails devant lesquels, nous l'avouons , nous reculoos effrayés.
Le pouvoir a cru détournerl'attentionde ses actes en décré tanten l'honneurdu congrèsdont il avaitdénaturé letravail,un
LES BELGES DE 1830 ne trouble point l'ordre, c'est-à-dire qu'il ne rompe point le lien social qui est l'harmonie entre toutes les volontés, aussi souvent qu'elle estréellement indispensable.
Hélas! noussommes en 1850, et les pas rétrogrades que l'on a hasardés dansces derniers vingtans nous font vivement sen ir le besoin de sortir sans délai de la crise oùnousjettent les usurpations du pouvoir. Attachons-nous à constaterici ces atteintes portées à la constitution : le peuple et sesreprésen tants comprendront qu'il est urgent defairele reste.
Etqu'est-ce a fait réussir les hommes de 1830 dans cette ceuvre où il ne s'agissaitde rien moinsque defairedescendre,des meurs sociales dans les institutions politiques et les lois civiles, le droitindividueldel'intelligenceavectoutesles conséquences que le raisonnement en déduit?
court passage au gouvernment des affaires, ne cessèrent d'in sister pourque lepouvoir fùt au plus tôt dépouillé de toute force nuisible par cela seul qu'elle est inutile, de loute forcepropre à fairecourber les intelligences etlesvolontéssousunjougarbitraire.Ilsémancipèrentla pensée, la parole, la presse,l'enseignement, les croyances, leculte,les associations, lesrassemblements, les théâtres; ils abolirent toute distinction d'ordre, de classe, de caste, tranchons le moi, toute distinctionquelconque devant la loi, entre les citoyens tous égaux à ses yeux,etdevantêtre également traités parelle;ilsrendirentau foyerdomestique et àlacommune, cette agglomération familiale de plusieurs foyers, toute leur indépendance.
Lachoseestfacileà concevoir: la plupartde ceshommes nese figuraientprobablementpasqu'il leur seraitpossibledegar der en tout ou en partie lepouvoir dont la nécessité du moment les avaitinvestis; il yen avait certes parmieux quin'auraient pasvoulu le garder.Ceux-là sachantfortbien quel'arbi traire c'est la liberté poursoi seul, et repoussantdetousleurs voeux et de tous leurs efforts cette liberté illimitée du pou pourvoir,plusfunesteencorequ'ellen'estfausse,établirentlalibertétous,seulevéritablelibertéparcequ'elleestsansacceptionniexceptiondepersonne.Ceshommesdoncpendantleur
Est-ce làcequ'onafait depuis?
Pasplus que tout autre, le peuple belge n'est dépourvu dusentimentqui porte le faible à aimer l'autorité, lapuissance,parce qu'ilenattend protection, justice. Mais comme tout autre, quand son attente est déçue, il invoque la liberté. Cette libertén'est pas, ainsi que le pouvoir voudrait le faire croire,l'anarchie, la licence: c'esttoujourslajusticeetrienqu'elle;etc'estl'ordre aussi,caril n'ya pointdejustice dans lechaos. Lalibertéestloind'être l'ennemiedupouvoir : sonbutestl'équi
LesBelges,dit-ondansles bautesrégionsdu pouvoir,sontingouvernables.- Celaestvraidanslesensqu'onydonneau mot gouverner . Mais ce ne l'est aucunement dans le vrai sens de ce mot.Oui,les Belges sont ingouvernablesministériellement par lant, en ce qu'ils ne veulent pas être gouvernés plus qu'il nefaut,ence qu'ils nese laissent gouvernerquetoutjustepourquel'ordre se conserve; en ce qu'ils se refusentà subir l'actionin cessantedu pouvoir qui prétend réglementer jusqu'auxmani festations de leur raison et de leur conscience . Ils ne souffriront jamais que, par un dédale de petites lois qui servent au mi nistère à faire sentirsa présenceetsoninfluence entous lieuxet en toutes choses, il élargisse sans cesse la sphère du pouvoiraux dépens des libertés publiques, tantôt de l'individu ou de la famille, tantôt de la commune.
monumentplusoumoins solide:puisilen afait célébrer l'érection dans les phrases stéréotypées du parlage officiel; et il a convié àfraterniser pendant lescérémoniesuséesd'uneparadegouvernementale,lespremiersmandatairesde lanationetceux qui ne semblentêtrevenusaprès,que poursaperleuroeuvreparla base. Maistout cela n'a trompé personne. Ce qu'on faisait étaittrop peu si l'on voulaitréellement raviver l'esprit issu dela révolution; c'était tropsi l'onavaitsimplementl'intentionque le public supposa, celle d'éblouir les niais pour les empêcher d'y voir. Certes, l'aveu solennel qu'ils gouvernent aunom de la constitution serait fort édifiant de la part des ministres, si ces messieurs n'entendaient pasparlà les amendements interprétatifsque les législateurs quiontsuccédéauxauteursdecetteloi y ontintroduits. Un aussi étrange mélangede lachè vre révolutionnaire avec le chou despotique ne peut convenir qu'aux doctrinaires dont il est la conception et aux pension naires du budget qu'ils y ont inféodés.
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A quoi tendent si ce n'est à l'exécution du plan que je signale,cetteexubérance d'établissements,tous relevant du pou voiret conséquemmentsous la dépendancedeceuxqui l'exer cent;cescommissionsetsous-commissions,cesmissions ordinai resetextraordinaires,quisontdeschargespourle publicetdesinstrumentspourlesministres; cette légion de fonctionnaires, deprofesseursetd'instituteurs,d'hommesdelettresetd'artistes, d'industriels, denégociants, d'agriculteurs, etde tantd'autres,enchaînés àla bienveillance du pouvoir,rivésau patronagedu gouvernement;cettenuéedesalariés,-jecomprendsdanscette catégorietousceuxquiontobtenu ou àqui onprometquelque chose,ceuxquicraignentdenepasoudeneplusavoirpartauxlargessesgouvernementales,auxgratificationsdetoutessortes;
la manie du pouvoir est d'enrégimenter et de salarier une partiede la nation, afin de faire maneuvrer lana tion toute entière militairement ou plutôt mécaniquement , comme on fait fonctionner une machine dontil n'ya plus, une fois qu'elle est bien établie, qu'à renouveler les rouages, pré parés delonguemainetfaçonnéscomme ilconvientpour les be soinsde l'entre-prise. C'estune idée fixequia précipitélepou voir dans une voie fatale où il se perdra, alors même qu'il croira s'être entouré de tous les éléments de puissance et de durée. Je le demande aux moins clairvoyants : le ministère belge est-il plus fort en 1850 qu'il ne l'était en 1849 ? Il a cependant dans cet intervalle accru son bataillon sacréde plu sieurscentainesdefauteurs,forcémentvoués,maisvouésquand même, à son bon vouloir.
lé, et ellecharge le pouvoir de l'atteindre. Gareà lui s'il viseailleurs! Tout pouvoir injuste tombera ; tout pouvoir tombé a étéAujourd'huiinjuste.
- cette profusion de subsides dont tous les contribuables fournissentlesfonds etque lesministresrépandentsurlesprovin ces, les communes, les associations, les corporations, les industries, lesindividus,ici poursoutenir, là pourrécompenser, làencore pour encourager, làenfin pour réparer un malheursouffert,réel ou supposé, toujourscommesile pouvoirdonnait dusien, comme s'ilaccordait unegrâce qui lui coûte à lui unsacrifice,tandis qu'il ne fait querestituer leplussouventsans discernementniraisoncequ'ilaenlevésansjustice,sansdroit?
14 LES BELGES DE 1830
ET LA BELGIQUE DE 1850 , 15 > >
J'aiparlédu nombre sans cesse croissant des places, à titre avoué ou secret, créées par le pouvoir.J'ajoutequ'ellessont la récompensedes plusserviles:carleseul mériterequiscomme la condition sine qua non pour les remplir est le dévouement passif et aveugle , corps et ame, science et conscience;le seulmérite estla prostitution la plus souple.Cequifaitacquérirledroitdeservir l'état comme on s'exprime,ce sont exclusivement les services rendus ou à rendre en toute occasionauxministres. Eton couvre l'humiliation de ceux qui se soumettent ainsi à baiser l'ergot ministériel, d'honneurs, detitres, de dignités, de décorations; on dissimule pour eux lalivrée de la servitude sous les galons dont elle est chamarrée; onrelève leurhonte par degros traitements. Il est vrai quecela coûte; mais c'est l'étatqui paie : il estvraique celaruine,mais seulement le peuple; qu'importe?
Ce qui importeuniquement, c'est que lanation,-la nationenrôlée d'abord, puis la race moutonnière, enfin, sous la pression de l'une et de l'autre , tout le reste, tourne à droite ou à gauche au commandement; pleure ou rie par ordre; prenne, selon la consigne, ses habits de fête ou de deuil; batte desmainsou siffle;parle ou se taise. Ce qui importe,c'est que, toujours tremblantsousla férule brandie contre les récalcitrants, elle aille même au de-là de ce qu'on désire d'elle , et que parson excès de platitude elle fatiguejusqu'à ses maitres. On estûr alors, et c'est là le point principalque, dans les grandes
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Aquoi tend le partipris de convertir tous lesdroits en priviléges que le pouvoir octroie, qu'il peut refuser, et quepar conséquentil n'accorde qu'au zèle qui a fait ses preuves? Etquand je dis lous lesdroits, cen'est pas une figure :jusqu'aupauvre même qui veut jouir du droitd'être secouru dans les limites du possible, doit se soumettre à l'abnégation complètede toute dignité, de toutevolonté, de toute personnalité. Car le pouvoirpeutretirersa faveur aupauvreprivilégié,qui alorsdevientun pauvre abandonné, un pauvre dans toute l'horreurdu mot .
Un ministre, est-ce donc essentiellement un homme payé fort cher pour faire passer l'argent des poches de tous danscelles desplus habiles ou des plus rampants, des plus impor tuns ou des plus avides?
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Se figurer que les Belges puissent se résigner longtempsà cerôle honteux, seraitimpardonnable pourquiconque, belgelui-même, aurait la pluslégère idée du caractère national,connaîtrait l'histoire de Belgique, et saurait que, vouloir nous faire acheter desvergespour qu'onnous batte, a toujours ététrop de plus de moitié de la part de ceux qui gouvernaientnos provinces.Il n'estpointdepeuplequis'accommode moins quele nôtre de l'immoral moyen de gouvernement qui consiste à placer les hommes entreleurintérêtetleurdevoir,c'est-à-dire, entre la nécessité de manquer à lajustice ou de compromet tre, sinon leur existence, dumoins leur position.
> occasions, lesélections par exemple, etles délibérations légis latives , il n'y aura jamais de dissentiment sérieux, et que sur de simples instructionsministérielles,sur la moindre circulaire adresséeaux fidèles, les bulletinsserontdéposés etles lois votées commeparunseul homme. Après quoi lepouvoir n'auraplusqu'àse louerdu touchant accord qui règnera entre lui etses représentants, ses électeurs, son peuple, comme entre leberger et son troupeau, ses chiens.
LES BELGES DE 1830
Dès1830,on réclamaitenBelgique un gouvernementàbon marché. Celanevoulait pas dire,commeona prétendu lefaire croire, un gouvernement quinedépensât rien ou quidépensat moinsquecequ'exige leservicequi luiestimposé.Celasigni fiait seulement un gouvernement qui, à l'exemple de tout bon et honnête chefde famille, dépensâtle nécessaire et le dé pensât bien; qui fitmarcher tous les services le plus simple mentetle plus économiquementpossible; qui nejetât point les revenus publics à des intrigantsde toutpays; qui nedissipat point l'argentdescontribuablesendépensesstériles d'ostenta tion, en faslueuses profusions d'une vanitépuérile,en frivoles démonstrations sanshonneurcomme sans profit;quin'endettâtpoint l'état pour l'envelopper dans un vaste réseaude séduc tionetdecorruption d'oùl'antiquebonne foi etlavieille libertébelges ne pussent plus troubler la quiétude ministérielle. 1830 n'a point fait tout ce qu'il pouvait et devait sous ce rap port; aussi, le malquela révolution n'a pascoupéà sa racine a-t-il acquisde redoutables proportions,et 1850, il faut l'espérerpourle salut de lanation,yporteralahache d'une réfor me radicale .
Le gouvernementn'est pointun but,mais un moyen; l'exer cice du pouvoir n'emporte pas de droits, il impose desdevoirs. Lepouvoir estchargéde conserver l'ordre dans la so ciétéoù le gouvernement doitrendre lemoins possible à plaindre le nombre d'hommes le plus grand possible. Celas'ob tient ailleurs qu'en Belgique à unprix beaucoup moins élevéà etpardesvoies beaucoupplus directes quecelles oùnos différents ministères nous trainentsi péniblement.
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L'état tel qu'il est constitué a plusde besoinsque de ressources. Que faire pour rétablirl'équilibre? S'opiniâtrer dansla voie ruineusedesemprunts? ce serait marcherà la banqueroute. Augmenter leschargesanciennesou en créer de nouvel les? cela est devenu impossible. Il fautau contraire diminuerles impôtsexistants, et surtoutles asseoir d'une manière moins iniqueetmoinsabsurde.Quantauxdonsvolontaires, aux souscriptions, onatrop et tropignoblementabusédece moyendebattre monnaie pour qu'il produise encore quelque résultat.D'ailleurs, une souscription ouverte par l'enthousiasme, est pargénéralementcombléeparlebudget;etledonquiacommencéêtreplusoumoinsvolontaire,finittoujoursparêtretoutà fait forcé.
Je ne citerai en exemple que la seule exploitation du che min defer. Presque partout elle rapporte; chez nous seule ment c'est une lourde imposition. Et une imposition pour le peuple, tandis que le pouvoir en use comme de sachose.Il ytrouve une armée de fonctionnaires pour l'entretien desquels ilne nousépargnepas, et que, quand bon lui semble, il peut faire agir comme il lui plait. Et il concède à volonté les avantages auxquelslesvariations du tarifse prêtent, pourrémuné rertout à la fois la soumission de certainesprovinceset punir la raideur de certaines autres, moins dociles ou , en termes ministériels, moins gouvernables.
On aura beau dire et beau faire, la stabilité qui est le vraigouvernement, ne peut s'obtenir en Belgique, dans les circons tances socialesoùse trouve l'Europe,que par le respect le plus religieuxpourlalibertéetpourtoutesleslibertésen lesquelles ellese subdivisedansl'application. C'estpour l'avoirméconnu que le pouvoir d'avant 1830, franc du moinsdanssondespotisme,adûcéderlaplaceau pouvoirrévolutionnaire.Si le gou >
Et elle comprend qu'elle ne peut plus vivre sice n'estsous un pouvoir qui, sanségard à ses propresopinionsspéculatives,laisse à chacun sa liberté, maintienne à chacun son droit, et administre dans l'intérêt égal de tous.
verneinentqui,depuis1830,asuccédéàlarévolution,continuaitàfoulerauxpiedsparlefaitunevéritéàlaquelleilestforcé de rendre hommage en paroles, il se préparerail de périlleuxembarras. La duplicitédes libéraux quileur fait condamner chez les catholiques les abus de pouvoir qu'eux-mêmes vou draientencorecommettre,esttombéedanslemême mépris quecelle descatholiquesblâmant leurs adversairespour lesfautesdont ils regrettent de neplus être dans le cas de se rendre coupables. Quand les uns et les autres se sont mutuellement bafouéset honnis, charivarisés, insultés,vexés et pillés,ilsn'en sont ni plus puissants niplus heureux; etlaBelgique perden grandeur et en dignité, l'autorité en considération et en force, ce qu'ils perdent eux-mêmes. M. De Theux a fait attribuer au pouvoir la nomination des bourgmestres et échevins, et c'est M. Rogier qui les nomme; M. Rogier monopolise l'enseigne ment aux mains du pouvoir, et M. De Theux n'aura plus qu'àlelivrerau clergé. Qui gagneàcejeu-là?Certesce nesontpas lesjoueurs. Et c'est bien moins encore la Belgique quiest siindignementjouée.Ilseraitsuperflu, je pense, d'avertir ici que les noms deMM. DeTheux etRogier, n'ont aucunement pour objetdemet tre en scène les individus dont ils rappellent le souvenir : cesontdesimples types, les incarnations des systèmes auxquels la Belgiquedoitéchapper sielleestdestinéeà vivre, dont elle veut se dégager parce qu'elle veut vivre.
Nous en avons eu récemmentune preuve saisissante. Lesderniers troubles de France auraient pu,malgré le bon sens du peuple belge,donner occasionchez nousàdes dangersgraves, silemécontentementgénéral quelescatholiquesavaientexcité dans le pays n'était précisément venu à se calmer par leur retraite. Les catholiques l'ont bien senti eux-mêmes, puisqu'ils ont prêté un concours sincère augouvernement de leurs successeurs qui étaientalors en mesure pour affermirl'ordres'ilsn'empietaient point sur la liberté.
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Les libéraux s'imaginèrentavoir sauvé la patrie parce que
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la patries'étaitsauvéeelle-même en empêchant lescatholiquesdela perdre.Maintenant, si lesmêmescirconstances se représentaient, ce seraient les libérauxqui devraient se retirerafinque les effortspourse débarrasser d'eux n'exposassent pointle paysà desconvulsions qui compromettraient son existence.
Les dernièresélections eussent signifié tout cela,si la manifestation del'opinionn'avaitété refroidie par les inqualifiables maladressesdesadversairesde ceuxqu'elle devaitstigmatiser, maladresses qu'avec beaucoup de raison on attribua à un défaut de fixité dans les principes. Et néanmoins, il faudra bienfinirpar tout subordonner aux principes si l'on a en vue d'organiser quelque chose qui persiste touten progressant.
Cela ne démontre-t-il pas à ladernière évidence que, jus qu'ici,ni libérauxni catholiquesn'ontétéà lahauteur de leurmission? Cette mission cependant n'exigeait pas de grands efforts pour la bien remplir : elle se résumait toute entièredans la fidélité à ne point dévier de la route tracée par la révolution, le gouvernement provisoire et le congrès.
Voilà, me paraît-il, le véritable état des choses distinc tementdéterminé. On se demande comme sous Guillaume :Les Belges qui, pasplus aujourd'huiqu'avant 1830, nerecon naissentchez eux de peuple conquérant ni de peuple conquis,selaisseront-ils exploiteràmerci etmiséricorde?Car la ques tion de savoir par qui, est ici tout accessoire.Il importe eneffet fort peuau peuple que ses exploiteurs soient étrangersou nationaux, qu'ils s'emparent de l'enseignement comme pro testants,comme libérauxoucommecatholiques,qu'ilsrégententetsubsidientlacommuneau nomdu gouvernement paternel, ou dupouvoirfort,oude la centralisation. Ilneveutqu'unechose, mais il la veut résolument : c'est de jouir de toute sa libertépratique de penser et de croire ; c'est de régler lui -même et sanslecontrôleministériel,lesaffairesquine regardentque lui et dont l'issue n'est pas de nature à troubler le repos public ouànuire àlaprospéritégénérale; c'estd'employerà cet effetles ressources qui lui sontpropres sans qu'ellesaientà passer par la maindesministres, d'où elles nesortentque sous la for mede faveurs, si tant est qu'elles ne servent encore de moyenspour accroîtreetétendre l'influence du pouvoir.
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Veut-on mettre pour tout de bon la Belgique à l'abri du
danger dontéventuellement elle peut être entouréed'unjourà l'autre?Il fautalors,et il faut sans délai,la doter d'un minis tère franchement libéral, non pour le personnel mais pour les idées, non parla protestation contre les abus auxquels la dominationdu particatholique peut donner lieu,mais par les intentionslesplusloyales etlesplus arrêtées de renoncer scru puleusement à tout abus de pouvoir quelconque. C'estassezdirequece ministère doitsurtout ne pas être anti-catholique.
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LaBelgique, les catholiquesà sa tête,- gardons-nousde, -l'oublier!--a,la première,inauguré la liberté en tout et pour! tous, sansreculerdevantlestempêtes, devant lescatastrophes,donton lui criaitde toutes parts que cetteliberté était grosse. Eh bien! sous sonaction, l'auvre orageuse et destructive s'estconvertie en un mouvement régulier etcalme; et si quelques signes detourmente apparaissentà l'horison, c'estuniquementà cause des tentatives qui ont été si inconstitutionnellement faites pour enlever au peuple le fruit de sa conquête de 1830, formuléedans les actesdugouvernementrévolutionnaired'alorset ratifiées parle congrèsnational.
Ce n'est pas tout : les griefs principaux étant redressés, il faudra hardiment entrer dans la voie des réformes sociales . Là aussi, puisquenous le pouvons, nous devonsdonner l'exem ple. Etcette carrière n'offre pas plus d'écueils que celle de laliberté que,depuis bientôtunquart desiècle,nousparcourons avec tant de bonheur . Du reste, les économies à réaliser seront déjà un premier pas, etelles faciliteront singulièrement le second pas essentiel, celui d'un système d'impôts à établir sur une base moins impopulaire. Les réformes sociales sont toujours avantageusesquand elles sont possibles et rationnelles, c'est-à-dire quand, pour les effectuer, on ne va au-devant quedes vrais besoins de la société,et qu'on ne cherche à y satis faireque pardesmesures compatibles avec la justice ou avec
Tant quel'enseignement sera menacé detomber sous la di.rection du pouvoir à laquelle la révolution semblait l'avoirsoustraitesansretour;tantque les communesneserontpasenpossession de toute la liberté que la révolution a reconnuecomme leur droit, le peuple n'aura point de confiance dansle pouvoir qui, sousn'importe quelle couleur,seprésentera pourle gouverner .
les droits de chacun et de tous, et conciliables avec l'ordre de choses existant. Sur ce point, les libéraux, qu'ils s'intitulentd'ailleurs politiques ou socialistes, et les catholiques doivent être d'accord. Les premierssont, le sachantou sans le vouloir,entraînés par toute idée qui promet une amélioration dans le sort du peuple; et pour les seconds l'amour des hommes, de tous leshommes, c'est Dieu (Deus est charitas), selon l'admi rable expression de saint Jean .
Tout cela, du reste, se fera pour ainsi parler tout seul; il aura suffi de ne plus y mettre obstacle. Car, pour être un ministre et un excellent ministre en Belgique, pas n'est besoind'un esprit rompu aux détours de l'ancienne politique, aux ruses du moderne économisme; deux qualités seulement luisont inspensables, unegranderectitudede jugementetune irréprochable probité. Cela concerne les catholiques aussi bien que les libéraux : un seul distributeur de grâces, soit que lesfaveurs ministérielles se paient en services, soit qu'elles s'é changent contre des écus,un seul tripoleur, et il y en a dansles deux partis", qui serait toléré dans un cabinet, y devien drait infailliblement une cause de chute, en devenant le centre d'une nouvelleagenced'abus etde scandales. Toutes les capacités au contraire, je parle des capacités avouables, se grou peront d'elles-mêmes autour d'un ministère d'honnêtes gens,n'ayant pointd'autreconscience publique queleur conscienced'hommes privés, ni d'autre tactique gouvernementale que la droiture danslesvues, et l'énergie nécessaire pourles réaliser.
C'est là tout le congrès, et mieux que le congrès; car c'est toutela révolution, quin'était en définitive qu'une protestation à main armée contre l'arbitraire, la corruption et la servilité.Revenonsde bonne foi aux principes de cette révolution et à l'union désintéressée de toutes les opinions pour faire le bien,union au moyen de laquelle la révolution a triomphé. Si 1850 se relève auniveau de 1830, la patrie sera sauvée par la li berté qui lui a donné l'être.
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L'ordre et la tranquillité sont à ce prix.
Il ne serait guère difficile d'en nommer plusieurs ; et il n'y aurait pointcalomnie puisqu'ils se sont dévoilés à l'auvre , ni même médisance, car lestripotages ministériels et administratifs ne sont plus maintenant un rèremys pour personne . Mais , comme j'ai déjà averti, les noms propres ne sontpas de mon ressort ; je m'en tiens aux généralités : à chacun sa tâche.
L'union catholique-libérale belge est tout autre chose que la coalition française Thiers-Montalembert. Nos idées de liberté en tout et pour tous peuvent ne pas convenir à M. Thiers qui
Or, qu'on nes'y trompe point: l'ordre etla tranquillitésont toutce que lespeuples,désormais désillusionnés sur le reste, demandentà leursgouvernements. La monarchie etla république ne sont plus que des faits qu onaccepte quand ils sont ac complis, etauxquelson tientparcequ'on craintlechangementqui est toujoursun désordre provisoire. Le peu d'hommes qui par système préfèrent encore unede ces deux formes à l'autre, sont mûs comme le vulgaire par l'amour de la stabilitéetde la paix.Ceuxqu'effraie lanécessité,lorsque le monarqueviole lesconditionsde l'ordre, de recourir àune révolution pour les rétablir, ceux-làsont républicains, du moinsen théorie. Ceuxau contraire,aux yeuxdesquels la républiqueestunecause incessante d'agitation etdevariabilité,sontmonarchistes.Nesait-on pas généralement qu'un président est un roi à terme légal, etqu un roi n'estqu'un président dont la loi n'a pas déterminé l'époque desortie? Et une pareille distinction, on pourraitdire sansdifférence, vaut-elle la peine de beaucoup s'arrêterà faire un choix ?
Telle qu'ellea été conclue en 1830 en Belgique,ce n'étaitpour personne la renonciation à ses convictions. Comment y aurait-on renoncé si on avaitété sincère et qu'on voulût l'êtreencore? Pourquoi y aurait-on renoncé, puisque précisément l'Unionavait pour but d'en garantir la complète et libre profession ?
Ne perdons jamais de vue que le constitutionnalisme, sur tout lorsqu'il se manifeste sous la forme radicale que lui a imprimée notre congrès, modifie profondément les anciennes idées monarchiques : ce qui pour les légitimistes étaitune dynastie de rois, est pour nousquine reconnaissons d'autre sou veraineté que celle de la nation, une famille, non plus essen tiellement, mais bien accidentellement privilégiée dansl'état. Dans nos maurs, la royauté n'est plus transmise avec le sang; elle procède de la volonté de tous : ne voyons-nouspas, sans qu'ily ait aucunement eu pour cela de transfusion duliquidevital,les exilés passer roisetlesroisretourner en exil? Mais revenons à l'Union .
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Avec le libéralisme et le catholicisme de 1830, le monde moral peutmarcher : le premier, initiateur des doctrines qui tendent à rénover la société; le second, modérateur de l'espritd'innovation, et ne lui laissant le champ libre que lorsque la réforme proposée est palpablement utile, d'un succèsassuré,et qu'il estdevenu plus dangereux pour la conservation de l'or dre de la repousser que de l'accueillir.
Le doctrinarisme, lui, proclame que le but social sera atteintlejouroùsesadeptes gouvernerontsansconteste, les ca tholiques eux-mêmes étant réduits à les seconder pour avoirleur part dans les bénéfices de la domination anti-catholique.Les doctrinaires n'admettent de religion que comme complé. ment au code pénal, et de prêtres que comme suppléant les officiers du parquet et les gardes-ville. C'est contre eux quel union catholique-libéraleaétéfondée, c'est contre eux qu'elle doit être raffermie .
Nous n'excluons de cette ligue que les seuls doctrinaires. Ceux-ci, il estvrai, veulentaussi la liberté, mais rien que dans leur sens, ou du moins ils ne laissent de liberté aux au tres quepour marcher dans ce sens-là : ilsorganisent ce qu'ilsappellentlaliberté, de manièreàce qu'il n'en reste plus pour personne, si ce n'est pour eux, à moins quejouant sur les mots on ne nomme liberté l'obligation de faire ce qu'ils permettent. Cette catégorie d'hommes incorrigibles, protestants politi ques, aussi inconséquents que leursprédécesseurs les protestants en matière de foi,et aussi exclusifs, aussi secs, aussi in tolérants qu'eux, doit être sévèrement écartée du maniement des intérêts publics.
Et qu'on ne m'objecte pas que généralement les doctrinai res sont, du moins dans les occasions solennelles, observa teurs rigoureux des pratiques de la religion dans laquelle ils
n'ajamaiscruà lacompatibilitéde la libertéavec l'ordre, et àM. deMontalembertqui n'ycroit plus; nousne nousen inquié tons guère. Ces idéesvontà notrepetitetaille; etn'en déplaiseaux grands faiseurs d'outre-Quiévrain, nous regardons en corecomme notre ancre de salut la ligue patriotique qui aconsacré chez nous le droit de chercher librement la vérité et de pratiquer librement la justice, droit que chacun de nousrespectechezcelui même quil'exerce tout autrement que lui .
BRUXELLES , IMPRIMERIE DE A. SERES , RUE DE LA FIANCÉE .
LES BELGES DE 1830 ET LA BELGIQUE DE 1850 .
Je termine comme j'ai commencé.
Reprenons loyalement et surtout fermement nos larges sen liments de générosité, de fraternité, -- ici on peut le dire sans craintede provoquerla raillerie, - notre noble élan de 1830, auquel nous devons tout, les institutions qui nous régissent, lecalme dont nous avonsjoui pendant la fièvre de bouleverse mentdontnous voyionsles ravagesautour de nous, etjusqu'ànos progrès futurs dans la voie du perfectionnementetdu bien être social .
Ou bien, si nous ne le pouvons pas, si nous nous sentons audessous de cet effort de courage et de désintéressement, résignons-nousdebonne grâceà patauger dans le bourbierde l é goïsme qui absorbe tout, delacupidité qui prime tout, de la vanitéqui se fait honneur de tout,même de sa bassesse.Soyonsâpres à la curée des riches appointements, des suppléments d'appointements, des frais de logement, de déplacement, d'a meublement, de bureau, d'écurie, et que sais-je moi? Puis,grassementrepus, laissons-nous entraînersans résistance, cor rompus etcorrupteurs, maitres et valets, aujourd'hui par laSacristie,demain parla Loge,toujourspar le pouvoir qui paie; et, comme saisis de vertige, précipitons-nous tous ensembledans le tourbillon de l'anarchie, qui attire à lui la civilisation européenne etqui inira par l'engloutir.
sont nés. Car, je dé ie de répondre à ce dilemme : Ou il y achez eux conviction religieuse intime, et alors leur doctrina risme implique une notable brêche à leur raison; ou ilsne sontqu'hypocrites, et dans ce cas une brêche plus large encoresemanifeste à leur conscience. Or, on ne saurait trop le répéler, c'estune question devie ou de mort pour la Belgique de 1830,au milieudes événements critiques qui tiennent l'Europe ensuspens, que d'être gouvernés par des hommes d'un bon sens éprouvé et d'une moralité au-dessus de tout soupçon, voulant laliberté pour tout le monde, et sachant qu'elle est inconcilia ble avec la partialité, avec l'injustice.
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L'A , B, C de la science sociale, ou signification claire et ra tionnelle de quelques mots dont la valeur indéterminée en tretient la confusion dans les esprits et le désordre dans leschoses .
Laréalitédéterminéeparleraisonnement, ou questionssociales sur l'homme, la famille, la propriété, l'ordre, la justice et sasanction nécessaire, la religion. In -8° de 500 pages.
Catéchisme social. In - 18 .
En vente du même auteur .
Dela liberté et de toutes les libertés,à proposd'un projetde loi sur l'enseignement moyen. Br. In-8°.