Que faire? (1830, Louis de Potter)

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QUE FAUT - IL FAIRE ? PAS PLUS HÉSITER QUE S'AGITER, MAIS AGIR , PAR DE POTTER . Salus populi , suprema lex. ! BRUXELLES , CHEZ TOUS LES LIBRAIRES . I or MARS 1848 .

La réponse me paraît simple, facile : Al'extérieur, beaucoup et tout de suite;

QUE FAUT - IL FAIRE ?

A l'intérieur, rien immédiatement; successivementet progressivement , beaucoup aussi .

Nosvoisinsviennentdeconquérirlalibertédelapresse, la liberté d'enseignement , la liberté d'association et de réunion, dont ils nejouissaient pas; ils ont fortbien fait. Nous, nous avons toutes ces libertés; nous avons même plus : nous avons le droit de vouloir davantage. Légale mentetSANS RÉVOLUTION, nouspouvons, parl'intermédiaire du pouvoir législatif, et de la manière prévue par la Con stitution (art. 131), réviser, c'est-à-dire modifier, telle outelle disposition de la loi fondamentale, la supprimer, la remplacer par une autre .

Il faudrait être difficile pour ne pas se contenter , provi soirement du moins, de cette sphère d'action politique.

Un grandévénement, un événementgrave vientde s'ac complir à nos portes, nous pourrions presque dire sous nos yeux .

Que devons-nous faire ?

Mais nos voisins ont chassé violemment leur dynastie et changé la forme de leur gouvernement ..... Ils ont eu pour cela leurs raisons , dont ils étaient seuls juges . Avons-nous les mêmes raisons, nous? Jugeons également, et pourbien juger, examinons avec calme, sans nous passionner.

Et n'oublions pas davantage que , si en 1830 nous avons fait ce que nous voulions et comme nous le vou lions, malgré les circonstances, nous ne pourrions faire aujourd'hui quecequelescirconstancesnouspermettraient, ce même à quoi elles nous convieraient en quelque sorte. Sans être taxé d'un orgueil ridicule, on est fondé à dire, me semble-t-il , que la position est différente du tout au tout .

Mais, ne l'oublions pas : nous étions en 1830. Nous pouvions tout faire . Nous sommes maintenant en 1848 ; nous devons partir de ce que nous avons fait.

Réfléchissons donc froidement que ce que nous aurions pu établir autrement alors, établir mieux, si l'on veut, se

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Si j'avais eu l'honneur de siéger au congrès constituant en 1830 , certes la république aurait eu un bulletin de plus . Un roi me semblait alors un meuble de luxe , fort en dis proportion avec le modeste ménage que nous avionsà or ganiser,très-onéreuxparlessoinsetlesdépenses aux quel les il nous entraînerait, etinutile, pourne pas dire plus, à notre future nationalité .

Que si, la monarchie votée, j'avais commis l'inconsé quence de me prononcer en faveur d'un des candidats au trône, ce n'eût certes pas été dans lesfamilles de rois ou de princes étrangers que je fusse allé déterrer mon élu . Je prévoyais trop bien les embarras quenousaurait suscités tôt ou tard un pareil choix .

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trouve maintenant établi tellement quellement, si l'on veut encore, mais établi, mais consolidé par dix-huit années d'existence , mais fonctionnant tant bien que mal et sans ces frottements qui font plus qu'user une machine à la longue, qui s'opposent au jeu de ses ressorts et qui la brisent .

Supposons un instant qu'il fallût renverser, serait-ce le moment de procéder à cette cuvre de démolition , d'y songermême?Voilàla question principale,etj'yrépondrai librement par la négative .

Un droit est un droit , sans distinction , sans différence possible; ou il n'y a pasdedroitdu tout. Ne serait-il pas bon, utile, urgent de proclamer hautement cette vérité, d'en prendre acteet de la faire consacrerdanscette occa sion solennelle, par une reconnaissance pleine et entière

Nous sommes comme le voyageur surpris au milieu d'une vaste plaine parune soudaine bourrasque. Il pour raitêtremieux vêtu pour se défendre contreles éléments. Mais quilui conseillerait de sedéshabiller sous le coup de la tempête et de changer de vêtements? Ne vaut-il pas mieux qu'il se ramasse, pour ainsi parler, sur lui -même et se blottisse , en attendant la fin de la tourmente . Il avi sera ensuite pourl'avenir s'il y a lieu.

J'aidit que, s'il me semblaitopportundene pastoucher inconsidérément au frèle édifice qui nous abrite , de peur que , par l'enlèvement même du plus insignifiant en apparence de ses ornements , on n'en ébranlât la structure , il fallait assurer cet édifice par tous les moyens possibles contre les accidents du dehors . Je m'explique .

Faut-ilrenverser tout? C'est là une question secondaire et qui n'est pas de saison .

» Que nos deux droits se prêtent mutuellement appui . » De notre part , nous le savons bien , l'appui sera pure > ment moral; mais il n'en sera que plusimportant pour » vous . En reconnaissant notre droit , vous vous serez » montrés justes; vous aurez prouvé que vous êtesvrai » ment forts.

N'est-il pas à supposer, n'est-il pas, on pourrait dire certain , que ce discours , nullement diplomatique , mais tout à fait propre au temps et aux hommes, ne manque rait point son but, pendant quela générositédelavictoire prime encore tout calcul d'intérêt , tout égoïsme aussi bien national qu'individuel ?

de ce qui vient de se passer chez nos voisins,et que nous exprimerions à peu près dans les termes suivants, non pas officieusement mais officiellement :

« Vous avez usé de votre force chez vous , sur ce qui » ne dépendait que de vous seuls : c'était votre droit et » nous y applaudissons sans arrière-pensée. Notre force » à nous est fort peu de chose, comparée à votre force; » mais notre droit est égal au vôtre. Et en vertu de ce » droit, chez nouset sur les choses qui nedépendentque » de nous, notre force est égale à la vôtre aussi ; elle est » l'exercice de notre droit .

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» Et si d'autres voulaient abuser contre nous de la » violence , ce serait à vous seuls que nous aurions re » cours ; ce serait dans vos bras que nous chercherions » un refuge et que nous le trouverions .

Pendantqu'il n'est etnepeutencoreêtrequestion quede frontières rationnelles , des frontières que tracent les moeurs, les habitudes, les intérêts, les droits acquis , en un mot la volonté des peuples ; et non de ces frontières naturelles , de »

C'est à nous à user des moyens que la Constitution met à notre disposition .

C'est aux chambres à l'y pousser . Et si les chambres se taisent ?

ART . 25. Tous les pouvoirs émanent de la nation . Art. 18. La presse estlibre.

Envoilàplusqu'ilne faut pour seconderlegouvernement s'il est de bonne foi, de bonne volonté et actif ; pour le faire sortir de son apathie, s'il s'endort dans une fausse sécurité, ou à stimuler son zèle , s'il tergiverse devant des considérations auxquelles les circonstances ôtent toute valeur ; à le contraindre moralement au cas qu'il s'obsti ne à oublier que, si l'ordrepublicestunequestion d'exis tence , l'existence elle-même est supposée pour qu'il puisse y avoir ordre, et que par conséquent, le salut de la na tion est la suprême loi, comme la nécessité est le plus absolu des maîtres .

Et si le gouvernement ne fait rien ?

ART. 21. Chacun a le droitd'adresser aux autorités pu bliques des pétitions signées par une ou plusieurs per sonnes .

Eh bien! qu'on se hâte de prononcer ces paroles de justice et de paix, de dignité et d'indépendance. Mais qu on se hâte; car il y a péril et péril immense, il y a dangerde mort nationale, dans la demeure.

Art . 19. Les Belges ont le droit de s'assembler paisi blement .

ART. 20. Les Belges ont le droit de s'associer.

conquérante et despotique mémoire, auxquelles servent de prétexte un fleuve ou des montagnes ou la mer ?

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» Et si d'autres voulaient abuser contre nous de la » violence , ce serait à vous seuls que nous aurions re » cours ; ce serait dans vos bras que nous chercherions » un refuge et que nous le trouverions . » N'est-il pas à supposer, n'est-il pas, on pourrait dire certain , que ce discours , nullement diplomatique , mais tout à fait propre au temps et aux hommes, ne manque rait point son but, pendant que la générositédelavictoire prime encore tout calcul d'intérêt, toutégoïsmeaussi bien national qu'individuel?

Pendant qu'il n'est etnepeutencoreêtrequestion quede frontières rationnelles , des frontières que tracent les mæurs , les habitudes, les intérêts, les droits acquis, en un mot la volonté des peuples ; et non de ces frontières naturelles , de

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« Vous avez usé de votre force chez vous , sur ce qui >> ne dépendait que de vous seuls : c'était votre droit et » nous y applaudissons sans arrière-pensée. Notre force » à nous est fort peu de chose, comparée à votre force; .) mais notre droit est égal au vôtre. Et en vertu de ce » droit, chez nouset sur les choses qui nedépendent que de nous , notre force est égale à la vôtre aussi ; elle est » l'exercice de notre droit .

de ce qui vient de se passer chez nos voisins , et que nous exprimerions à peu près dans les termes suivants , non pas officieusement mais officiellement :

>> Que nos deux droits se prêtent mutuellement appui , » De notre part, nous le savons bien, l'appui sera pure » ment moral; mais il n'en sera que plusimportant pour » vous . En reconnaissant notre droit , vous vous serez » montrés justes ; vous aurez prouvé que vous êtes vrai » ment forts .

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