> > > ) RAPPORT D'UN MINISTRE, AMI DE SA PATRIE ET PEU ATTACHÉ A SON PORTE-FEUILLE , -AU ROI DES PAYS - BAS , SUR LA DISPOSITION ACTUELLE DES ESPRITS ET LA SITUATION DES CHOSES EN BELGIQUE . e Potter , Louis Joseph Antoine des, Bruxelles , IMPRIMERIE DE J. coché -MOMMENS. 1829. 1
26 Jan
D'UN MINISTRE, AMI DESA PATRIE ETDESES CONCITOYENS; ET PEUATTACHÉ ASON PORTE-FEUILLE (ON VOIT BIEN QUEC'EST UNE SUPPOSITION TOUTE GRATUITE),
Sire,
AgeDH 6041II IP67 RAPPORT
La seule chose qui m'étonne, c'est la longue et, je m dirai même l'inconcerable patience , avec laquelle les Belgessesont, depuisquinzeans,laissébercer pardes off 1,01 1 .
AU ROI DES PAYS -BAS , SUR LA DISPOSITION BRACTUELLE DES ESPRITS ET LA SITUATION DES CHOSES EN BELGIQUE .
Deux choses surtout, Sire, étonnent et inquiétent votre ministère , savoir la défiance générale qui fait que le peuple ne croit plus aux promesses du gouver nement, et l'union si inattendue des libéraux et des catholiques.Jenepartage ni l'un ni l'autre de ces sentimens.
'Al'époquemémorableoùunenouvellevievientani mer les esprits demesconcitoyens et hâter le dévelop pementdes destinées de votre beau royaume, la con fiancedontVotreMajestém'honore,m'imposeledevoiràlafoischeretsacré,d'yrépondreavecuneentièrefranchiseet,commel'ondit,lamainsurlaconscience.Sansautrejustificationnipluslongpréambule, j'entre en matière.
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Quantaux catholiques etaux libéraux, leur union n'apasplus de droità mesurprendre qu'àm'épouvan ter; car elle est naturelle. On ne la doit qu'au gou. vernement; et il dépendra toujours du gouvernement de la faire cesser quandilen aura envie.
> > mots quel'on avoit, àlafin , acquis le droit de croire magiques , puisqu'à peine prononcés, ils faisoient in continentcesser lesplusjustes réclamations, étouffoient les plaintes les plus légitimes , faisoient oublier les maux-soufferts, et disposoient à de nouveaux sacrifices. De temps en temps,Vos ministres ,Vosconseillers glis soient quelques-uns de cesmots dansdes discours d'ap parat, auxquels l'auguste bouche deV. M. donnoitune nouvellevaleur; puis ils s'endormoient tranquilles au bord d'un abîme, où ils devoient, jele prévoyois de puis long-temps,seprécipiter ense réveillant.
Cette union sepréparoitdelonguemaincommeune > n
Et de quoim'effraierois-je, Sire? Deleurchûtepro chaine et inévitable? Non, non : la patrie, mes conci toyens etV. M.,voilà ce quim'occupe;etil n'y arien àcraindrepour leur salut.Lapertedequelquesminis tres n'importe guère. Ce sonteux-mêmes d'ailleursqui: se sont perdus:ilsrecueillent oe qu'ils avoient semé; ilsn'ont vécu que poureuxseuls, qu'ils meurentaban. donnésdetout le monde ! Sauyons lapatrie :, lagéné rositén exige de nousqued oublierceuxqui ont man quédel'entraîner vers sa ruine. :
Lescatholiques, dansl'origine, ont, il faut l'avouer émis des prétentions inconstitutionnelles; les libéraux croyant àla constitutionnalitédugouvernement,l'aide rentidetousleurseffortsàles repousser Neufsencoredans la carrière de la liberté,les catholiquess'effrayoientmal àpropos decellede lapresseetdescultes,danslaquelle ilsnevoyoientqu'unearmepourlescombattre.Aussimalavisésqu'eux,leslibérauxsejoignirentaupouvoirpour forcer ceux qu'ilsregardoient commeleurs adversaires, à présenter le flanc à cette arme, sans leur faire sentir en même tempsqu'ellepouvoitaussileur servir de bou. clier, et même devenir pour eux, au besoin , un puis santmoyen d'attaque.Le ministère vigoureusementsou tenupar quelques écrivains zélés, abusa de sa facile victoire, etrestreignit lescatholiques jusque dansleurs droits de citoyens et d'hommes; etses aveugles auxia liaires, comptantsur de douces mais fallacieuses paro les, ne contribuèrent pas peu àlégaliser, sil'onpeutse servir de cette expression, une espècede despo isme dontonparoissoit nevouloir faireusagequepourhâter: letriomphe de la raison et du bon droit...
3 > . suite n cessaire de la conduite du ministère envers les deux parties, c'est-à-dire, envers tout ce qui n'étoit pas lui-même ministère.
Mais ce furentbientôt ce bondroitetcette raisonelle même qui devinrent suspects,au pouvoir, dont ils con trarioientles vuesetgênaientlesopérations. Lescatho-,
Leministère avoit fait sans le savoir, et surtout sans levouloir,l'éducationconstitutionnelledelanation.Les partis long-temps divisés se rapprochérent, honteux d'avoir été dupes de leurs propres querelles, et plus encore d'y avoir en quelque sorte donné lieu en nour rissant des idéesabsurdes par celamême qu'ellesétoient intéressées et exclusives.Le catholique n'anathématisa plus laliberté des opinions, même religieuses, et il ac cepta avec toutes sesconséquences le droit qu'a chacun de manifester librement ces opinions par la presse, et de lesdéfendre par tous les moyens qu'avouent la rai la conscience et les lois. Le libéral, deson côté, oulephilosopherougitd'avoirpuexcepter la croyance des catholiques de la tolérancequ'ilréclamoitpourtou tesles autres. Plus de privilèges pourpersonne! éga son ,
4 > > > liques étoient réduits ausilence: leslibérauxparurent dangereuxàleurtour. On avaitépluchédessermonset des catéchismes; on interpreta desarticles degazettes: : et, aux abbés, les cours d'assises virent succéder les avocats et les hommes de lettres.
Ily eut un grandnombre de ces luttes oùles gen darmes et les geôliers furent toujours l'ultimaratio du ministère, qui se croyoit vainqueur parce qu'il punis soit. Il ne remarquoit pas que, peu-à-peu, les applau dissemens du parti spectateur de la défaitede ses pré tendus ennemis, devenoient de plus en plus rares, et qu'enfin ils avoientcesséentièrement.
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> litépour tous! libertéenlière, sans autresrestrictions que leslois et la morale! devinrentla devisedes deux partis; ou, pour mieuxdire, iln'y eutplus departis, iln'y eutplusqu'un seul peuple etuneseulevoix.
> autre que :
L'arbitraire, dès lors, de quelque couleur qu'il se parât,ne trouva plus de partisans, même parmi ceux dont il sembloit soutenirles intérêts : il fut également repoussé par l'opinion qu'ilsevantoitmomentanément deprotéger, etparcellequi luifournissoit desvictimes. Legouvernementestperdu,s'écrièrentlesministres. Moi, Sire, au contraire, jeme dis :lanationest sau vée; etle gouvernement, si enfin il devientprudenten temps opportun, aura toutgagnéparla fusion des opi. nions qui, en s'entrechoquant avec trop de violence, déchiroientson sein. Cette victoire, il l'aura rempor tée,non àses dépens, mais aux dépens de quelques hommes dont le sacrifice ne doit rien lui coûter, puis queleur système de gouverner leurs semblables n'est celui de les démoraliserpouravoir meilleur marché de leur opposition, de les brouiller pour les dominer avecplus de facilité, de les dépouillerdeleur caractère d'hommespour lesmener,lestondre, les dé pecercomme on faitdes moutons d un troupeau. Que sile vieil adage de la politique flétrie d'autre fois : Diviserpour régner, pouvoit encore séduire un ministèreau 19e siècle: « Eh!bien, oui, divisez, lui » dirois-je;mais songez bien qu'il ne vous reste plus,
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»aprèstantdegaucheries,tantdefautes, tantdebévues, »qu'unseul moyen de le faire. » Ce moyen levoici.
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Faitesfranchement droit, sansrestriction ni arrière pensée,auxjustesréclamationsdupeuple.Redressezgé: néreusement, noblement et, en quelque sorte, sponta nément les griefs que, dans d'énergiques écrits, la na: tion vousaexposés, dont les représentans de cette na: tion, dans de patriotiques discours., ont prouvé l'im portance. Vouslepouvez, puisqu'elle n'invoque quela loifondamentale, de la manière que la loi fondamen tale elle-même a prescrite; vousle devez, puisqu'elle ne vous demande que l'exécution entière de cette loi fondamentale que vous lui avez imposée malgré elle, qu'elleaccepte maintenant, maisendéclarantqu'elle l'a enfincomprise, et que, dès-lors, ellene permettra plus que vous interprêtiez contreellepour en faire un ins trument d'oppression et d'asservissement.
Cetimmensepas étantfait, attendez-en avecpatience le résultat. Le pouvoir s'étant montré juste, ce résuls tat ne pourra que lui être favorable, la conséquence d'un devoir rempli étant toujours un droit assuré.. De deux choses l'une arrivera immanquablement : ou les catholiques, devenus sincèrement citoyens d'un état, libre, et, moyennant la certitude de n'êtrejamaisvexés par personne, renonçant une bonne fois à jamais gêner les autres , seront les zélés partisans d'un, gouvernement tolérant etprotecteur; et alors, à quoi
> > yon lescombattre? ou bien ( j'avoue que toutpermet de présager un meilleur avenir : les dangers passés, kes engagemens si formellement pris, la concorde si patriotiquement jurée,l'équitéet la liberté si solennelle ment invoquées pour présider à une ère nouvelle, doivent nous rassurer à jamais); ou bien ,dis-je, ils reproduiront des væux indiscrets, voudront relever une domination, dont letemps,la raison publique et les progrès de la civilisation ont faitjustice : dans ce cas, je le répète, presque impossible, le gouvernement aura toujours assez de forcepourles fairerentrer dans lesvoies de la droitureet de nos institutions, et tout homme desens, tout patriote lui prêterapour celasa plumeet son bras.
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Je ne parlepas icide simples controverses, dedis cussions purementlittérairessurdesopinionsspéculati ves, auxquelles dessoinsmajeurs etsurtoutplus urgens on fait faire trève depuis quelque temps. Celles-là re naitront, sans doute, aussitôt que les grands intérêts serontdes deux côtés unis à couvert. Mais jamais elles ne doivent attirer l'attention du gouvernement, dont l'influence et le contrôle ne doivent s'étendre que sur les actes. Ces débats, lorsqu'aucun des partis n'invoque l'intervention du pouvoir , se terminent toujours , en dernière analyse, au profit de la raison.Etnous avons tout lieu de croire que dorénavant le gouvernement seraassezsagepour demeureren dehors de discussions
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8 . tantôt les uns, qui ne sontpas de son ressort, et que les citoyensse garderontbien deplaider devantlui des procès où les vainqueurs perdent ordinairement plus en frais qu'ils ne peuvent gagner sur le fonds de la cause.
Je crois , Sire, m'être suffisamment étendu surle comptedes libéraux et descatholiques. Ma conclusion que j'émets sans hésiter, est qu'on a eutortde remar quer la distinction de ces deux partis. Le gouverne ment commela loi ne doit voir quedes citoyens. Que ces citoyens se partagent entre eux comme ils l'entena dent; qu'ils se disputent sur ce que bon leur semble; que tantôt les autres fassent des prosé lytes; qu'ils se recrutent par l'enseignementoupar la presse: peuimporte.Cela n'empêche pasde gouverner, ni debien gouverner; c'est-à-diredene gouvernerque tout juste autant qu'il le faut, sans esprit de coterie ou de secte, sans pédanterie de régent de collége ou commérage de cour, sans cetatillonnage qui prétend tout savoir , toutrégler, semêlerde tout.
Jele demande aux esprits non prévenus : en quoi, parexemple, le dogme dupouvoirmême temporel du papesurles souverains gêneroit-il V.M., si ceux qui le professent, obéissent aux lois, honorent votre per sonne et votre dynastie? La réponse du catéchismero main qu'ilfaut fuir les hérétiquescomme lapeste, et la clause du serment des évêques qu'ilfaut les perse cuter, seront-elles considérées comme plus dangereuses
9 > > dans votreRoyaume, quela croyance protestante qui assimile lamesse à un acte d'idolâtrie, si, en dépit de ces opinions, les catholiques vivent en paix avec les protestans leurs concitoyens , et si leurs pasteurs s'estiment fort honorés de dîner à la table de vos mi nistres,sans distinctionde communion religieuse, tout aussi bien que les réformés laissent tranquillement le prêtre à l'autel élever l'hostie qu'il présente à l'ado ration desfidèles?Daignez, Sire, en croiremavieille expérience :ce ne seroit jamais la doctrine que vous imposeriezqui triompheroit desesrivales. Éclairezvo tre peuple, et laissez au temps à faire le reste: la bonne doctrine fera des prosélytes à mesure que la raison fera des progrès. La cour de Rome, de l'ou blions jamais, eut ses plus chauds etses plus dange re x partisans dans les Pays-Bas autrichiens, alors précisément que l'Autriche s'attacha à la combattre..Ce zèle de controversistes s'étant calme, joséphistes et ultranontainsredevinrenttoutbonnementcatholiques; et, bourgeois deleur métier, vécurent sans inquiétude ni haine,soumis aux magistrats etàleur curé. Ce n'est que depuis que vos ministres, s'érigeant en doc. teursin utroque, ont voulu remettre le fébronianisme à la mode, quel'Anti-fébronius mérita leshonneursde laréimpression. Cessons de faire les sacristainset, gou. vernantsans acception depersonnes ni de ectes dans l'intérêt de tous, bientôt les seules affaires réellement 2 .
Maisil est temps d'examiner la question des griefs dont le peuple s'est plaint, d'abord par la voie des journaux , puis par celle des pétitions qui, de toutes lesprovinces, de toutesles villes, de tous les villages, ont été adressées aux députés de la Nation.
Un gouvernementfoible se laisseroit arracher pièce àpiècedesconcessionsqu'ilneferoit qu'à la dernière extrémité,malgrélui,ettoujoursobsédé par l'idée que c'est une propriété qu'on lui enlève, des droits dont on le dépouille. Le gouvernement de V. M. voudra
10 importantes'occuperont les citoyens, et les ergoteries scholastiques retomberontdans l'oubli d'où quelques imprudensapprentispersécuteurslesavoienttirées.
Pardonnez, Sire, à ma franchise; c'est celle d'un serviteur, mais non d'un courtisan de V.M.: Vous devez, Sire, écouter la voix de vos sujets méconlens ; vousdevez faireplus : vous devezexaucerl'eurs yeux. Si quelques individus seulement avoient fait entendre des cris isolés, j'auroispermisà vos ministres de révo quer,pendantquelquesinstans, en doute le justefon-' dement de leurs réclamations. Mais, après unelonga nimité que j'admire, aumoment où la patience alloitdégénérer en coupable apatbie , la nation tout entière s'estlevée comme unseul homme, et soutenue par les défenseurs naturels de ses droits , elle vous a éclairé mieuxqu'aucun ministre n'auroit pu le faire, sur le péritable état des choses.
Mais une nouvelle carrièreexige aussi des hommes nouveaux pour la parcourir. Ce seroit peu connoître le c ur humain que d'en attendre l'approbation sin mère de principes diametralement opposés aux priri cipes qu'il avoit adoptés, avoués, vautés et soutenus. avec acharnement. Or, ce qu'on n'approuve pas avec conviction,onnel'exécutequ'avec tiédeur etmêmeavec répugnance,sitantestqu'onn'ymetencoredesobstacles.Deuxsurtoutde.yosministres,Sire,sontdevenus
Loin donc de diminuer votre autorité en condam nant ouvertementlaconduite de vos ministres, et en re venantavec dignité de la fausse route danslaquelleils s'étoient engagés, vous l'augmenterez, Sire, detout l'amour de vos sujets et de la sanction inappréciable que donne auxactionshumaines lecachetdelajustice et de la vertu .
2 > II prouver qu'il est fort; et il le fera dès l'instant que, reconnoissantlajusticedes demandesqui luisontfaites il cédera promptement, volontairement et avec joie. Car, neledissimulons pas , on ne fonde solidement un trône que sur l'équité, etaffermir unrègnen'est autre chose qu'appliquer les lois de l'éternellemorale à l'art de gouverner ses semblables. Par conséquent, tantque ceseravotrepeuple qui auraraison contrenous, quel quefoibles que paroissent ses moyens de réussir, la force sera deson côté, ct, tôt ou tard,lavictoire coue ronnera sa persévérance.
C'est enchoisissant d'autres conseillers que vousles déclarerezresponsables moralement et légalementde
12 a lui : impopulaires.L'un afaitbeaucoupdemal, etn'amême faitque dumal; la nation n'a jamais rien attendude l'autren'apoint encorefaitle bien que ses conci toyens avoient droit d'espérer de son élévation à une desplus éminentes dignités de l'état. L'uns'estopiniâ. tré dans l'erreur; l'autre, s'il a osé proclamer la vé rité., l'a fait avec cette timidité qui, en cédant à de perfides insinuations, finitpar devenir complice dela perfidie. L'ascendant del'un n'a servi qu'à nous éga rer ; lesbonnes intentions que nous supposons à l'au tre n'ont pas suffi pour nous remettre dans la vraie voie. Le peuple ne voit dans l'un qu un despote; il a long-tempsregardé l'autre comme celui quidevoit l'af franchir et le rendreheureux : il ne lui demande plus rien maintenant, las de toujours demander en vain, et ne voulant plus désirer sans espoir d'obtenir. Il est disposé cependant à luirendretoute sa confiance à la moindre démarche qui prouveroit la volonté de bien faire, au premierfaitqui indiqueroit dela résolution , de la constance et de la fermeté. Il faut , Sire , sacrifier l'unà vous-même et au salut de l'état : à l'autre, il faut lui laisser regagnerl'amourdu peuple, qu'alorsil préférera à son porte-feuille; et qu'il neperdraplus, aussitôt qu'il se montrera toujours prêt à quitter ce porte-feuille pour conserver l'amour du peuple.
Leplusurgentaprèscelaseradedébarrasserlapresse de ses entraves : le moyen en est simple; il ne faut pour celaqu'abolir la législation exceptionnelle quin'a que trop long-temps accablé et flétri lapensée,et qu'il est devenu éminemment dangereux de laisser exister encore un seul jour, un seul instant. La n'est qu un moyen d'émettre des opinions, et les opinions sont libres; il n'y a pas lemoindre péril à leslaisser librement se combattre, puisqu'en définitive la vérité finira toujours par écraser le mensonge. Mais elle est aussi un moyen de faire le mal : eh! bien ; le mal n'est-il pas prévu et puniparla loi? ilne serapasplus exempt de châtiment pour avoir été commispar la presse
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leurs actes, comme ils doivent l'être sous un regime constitutionnel tel que celui dont V. M. est le chef. Et, de peur que cette déclaration ne paroisse encore un principesans applicabilité, il serabon deproposerune loi sur la responsabilité ministérielle, spécifiant à-la fois dequels chefs les ministres pourront être mis en accusation etles peines quela haute-cour leur infligera. Dans cetteloi, la nécessité d'une investigation publi que sans cesse exercéesur tousles actes du pouvoir, le mérite qu'il y a pour le moindre citoyende dévoiler les abus etd'en signaler les auteurs, etl'impossibilité de calompier un fonctionnaire, un magistrat , un mi nistre, comme tels, seront formellementet solennelle. ment reconnus .
Alalibertédepenser, de parleret d'écrire se ratta cheévidemment la liberté d'enseigner. Laparole et les livres sontun enseignementcontinuel,qui réforme,mo. difieet change leshommes, etavec eux leurs doctrines etjusqu'àleur enseignement lui-même. Qu'une loisage etlibérale constitue cetenseignement de manière à ce qu'ilnesoitplusdorénavant à la merci,del'arbitraire, demanièreàcequelalettreseuledelaloi etnonlepoua voir de ses agens l'autorisentselon leurcaprice, nièresurtout à ce que, cessant de l'enchaîner dans sa marche, commepouren prévenirles abus, onne fasse plus quelesurveillerpourréprimeret punirle mal dont déterminéilseroitcause,demanièreenfinàcequelebutseulenétant:,lechoixdesmoyenspropresàyparvenir: soient laissés à la sagacité de chacun. Une pareille loi est facile à faire et demande fart peu de temps si l'on .. de ma
14 presse.Iln'estpasbesoin d'enchaînerlapresseou dela soumettre à l'inconstitutionnelle censure des impri meurs, libraires et colporteurs, sous prétexte de co propriété, coopération ou complicité, pour l'empêcher de provoquer directement à la sédition, d'outrager ou decalomnierlescitoyens,de saper le pactesocial, etde mettre en doute la légitimité de la dynastie régnanto. Ilsuffit pour cela de punirlaprovocation directe,l'ou. . trage et lacalomnie, ainsi que les atteintesportées àla loi fondamentaleetàla forme établiedu gouvernement, par la presse comme de toute autre manière.
L'entière indépendancedupouvoirjudiciaire estvi vement réclaméepartousles Belges. C'est unedette sa crée du ministèrequi, en ne l'acquittant pasdepuistant d'années, s'est exposé de gaîté deceur àse faire accu serdenourrir desintentionsperfides,jedirois presque > >
> aréellement l'intentionderenonceràl'espècedemonoi pole qu'on s'accoutumoit à regarder comme un droit pour cela seul qu'on avoit réussi à en consommer l'u surpation.Si, aucontraire, on veut ne lâcher qu'à con. trecæurquelques anneaux de la chaîne,si on veut n'a l'air de rendre la liberté, en couvrant seu lement d'un masque hypocrite lepouvoir absolu dont on est bien résolu de conserver le bénéfice, il faudra plusieurs moisde combinaisonspourinventerun pareil chef-d'æuvre de fourberie et d'imposture. Sur ces en trefaites, vos ministres devront traîner les choses en longueur; et lescommissions deconsultation, derévi sion , de législation sonttoujourslàenpareille nécese sité pourprêter leur bénévole assistance. Maisellesne tromperont plus personne.
C'estlàce qu'en argot ministérielon appellegagner dutemps. Jel'appelle,moi, Sire, enperdre, et perdre letemps leplusprécieux pour V. M., pendant lequel la bonne foietla promptitude lui auroient attiré des millions debénédictions, qu'elle mérite, et quedesmi nistres maladroits font expirer sur les lèvres où elles se formoient.
15 voir que
16 sinistres.Quecepouvoir soitorganisé leplus tôtpossi ble;mais que les hommes qui doivent enêtreinvestis soient choisis enconscienceparmi ceuxqui sontdoués des plus vastes connoissances,de la plus saineraison, et surtout du caractère leplus honorable. Qu'aucune nominationne soit, ni la récompense de services ren dusau pouvoir, ni le paiement anticipé de services à luirendre. C'est direassezqu'uneimmense responsabi lité-pèsesurl'homme nouveau queV.M. chargera d'un dessoinsles plusimportansde son règne. Demauvais jugesrendentjusqu'auxbonnesloisimpuissantes:ayons debons jugesqui garantissent la nation, même contre demauvaises lois.Si toujoursdes tribunauxindépen dans composés demagistrats inamovibles avoient dis cuté nos droits, nous n'aurionspasaujourd'hui àdé leplorertantetdesidéplorablesinjusticesquiontulcérécæurdetouslesbonsethonnêtescitoyens.
Lesmagistrats sonthommeset, par conséquent, su jets à l'erreur; plaignons-lesquandl'erreur est, pourainsidire,inevitable : mais ilssontsoumisaux passions qui aveuglent, et l'erreur qu'alors ils commettroient peut être prévenue. Votre Majesté sent que c'est du juryqueje veux parler. Faites à votre peuple qui le sollicite,l'inappréciabledon d'une institution dont tout le monde civilisé a reconnula valeur. Il seroit superflu d'en énumérer ici les avantages, qu'il n'est pluspermis d'ignorer lorsqu'on a lamoindre notion des travaux >
13 et des progrèsde l'esprithumaindanslederniersiècle. Qu'il mesuffisc de dire que le jurycontribue puissam . ment à attacher le citoyen aux intérêts de ses sém blables et à ceux de sa patrie; qu'il lui fait sentir, mieux que toute autre chose, sa dignité de citoyen ; et qu'ilest enfin une èspèce d'assurance mutuellecon: tre les abus de notre organisation sociale, ainsique contre l'ignorance et la méchanceté des hommés. Et puis, Sire, c'est assez qu'une grandepartie de vossujets en aientexprimé lebesoin. Une autrepartie, ilestvrai, semble le repousser encore. Eh! bien; tout1 peutseconcilier : que,réservantle jury dansles juge mens ordinaires pour des temps où l'habitude et la conscience de son utilité auront vaincu les égoïsmes, les plus récalcitrans, on borne son introduction aux causes politiques , aux procès de la presse , où le pou, voir; à lafoisjuge etpartie, rendnécessaire l'interven tion de citoyens désintéressésetimpassibles, quipro tégent la foiblesse imprudente contre la haine et l'a charnement de la force. Quand même cette interven. tionne seroitpas impérieusement réclamée dans l'in térêtdela sureté individuelle, elle le seroit dans celui du pouvoir lui-même et pour la justification de ses actes.En effet, ses sentences en matière politique et de presse, tant qu'elles ne seront pas appuyées sur la décision d'un jury national, paroîtront toujours dictées par la vengeance, et ceux qu'il aura frappés 3 .
Plus de mouture ni d'abattage! a été le cri ani verselcontre des impôts odieux. Il faut les abolir.Cela peut et doit, par conséquent, être fait, aujourd'hui, sans retard et àl'instant même. Car, on ne sauroit se le dissimuler, la nation s'épuise ; des économies sont nécessaires, sontindispensables,sonturgentes. Que l'on commence donc par décider le non-remplacement de la mouture et de'l'abattage, et que l'on cherche en suitecomment on se passera de ce que ces taxes pro:: duisoient. C'est là le plus pressé. Quand on y aura pourvu, l'on pourra s'occuper à loisir d'un nouveau système d'impositions, moins ruineuxpour le pays, et assis de manière à ce que le pauvre prospère, que l'hommeaiséne s'appauvrissepas,etque lerichecesse d'accumuler et de concentrer de plus enplus en ses mains la fortune du peuple. La plus grande division possible des biensdel'état, etparcemoyen unerépar tition aussijuste que le comporte l'organisation de la société, du bonheur auquel chacun de ses membres a un droit égal, doit être le but de toute administration sage, équitable, humaine.
En général, Sire, les dépenses publiques sont trop élevées, ellessont excessives : un systèmemilitairehors deproportion avec l'étendue de notre territoire, notre population, nos moyensetnosbesoins; unelégion dé
18 > > commecoupables, seront, parlepublic,plaints comme victimes.
> toute'espèce,multipliésà l'in finidansleseul intérêt du ministère qui ne croit jamais pouvoir se faire assez de créatures, avoir assez d'es clavesdévouésauxmoindredes sescaprices; une profu sionscandaleuse depensions accordées,soità gens dont la nation n'a jamais reçu aucun service, soit mêmeå gensqui,pourunrien, l'eussent peut-être trahíe;dehon. teuxsalairesjetésàdesétrangersimmondespournousin. jurier,nouscalomnier, etnous façonner, autantqu'ilest eneux,parledécouragementàlapathie,parlavilissementàl'oppressionetàlaservitude:voilà,Sire,lagan grène qui ronge le royaume et qui, si l'on ne se båte de l'arrêter lorsqu'il en esttemps encore, pénétrera jusqu'au cæur.
. Il est un autre justesujetde plainte : c'estcelui de la tyrannique obligation deseservird'unelangue quel'on ne sait pas, dans des cas où la connoissance la plus par, faite lesa languepropre suffit à peine au citoyen pour établir ses droits ou pour les défendre en cas de contes tation. L'homme,Sire, qui a conseillé àV. M. lamons trueuse expropriation morale d'une grande partiede vos sujets, au moyen de la mesure envertu de laquelle la langue françoise etceux qui la parlent ont été mis hors du droit commun des Pays-Bas, doit être consi déré comme votre plus mortel ennemi, s'il n'est lemi nistreleplus inepteque jamais roi aitchargé desesal faires. Daignez,Sire, excuserlarudesse de mesexpres
19voratrice d'employésda
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20 > sions :: mon indignation n'en trouve jamais d'assen fortes,lorsqu'ils'agit de stigmatiser des actes dontle seuleffet possible est d'accumuler des haineset depré parer des malheurs. Leministère avoit, dit-il, leprojet de nous séparer de la France. S'il dit vrai, Sire, et il est seul juge de ses intentions, sa bonne foi est à cou vert; mais ce n'est qu'en faisant le pluscomplétement divorce avec le bon sens qu'il la sauve. Il en eût été tout autrement si, en opposition avecsesparoles, il n'a voit eu réellement d'autre but que de déguiserdeson mieux la révoltante partialité qu'il vouloit montrer pour les Hollandois, et quia si profondément blesséles Flamands. La langue, en effet, paroît n'avoir été que lemoyen et le prétexte pour livrerles provinces du Midi à celles du Nord, comme on livre un peuple sub jugué à l'exploitation de ses vainqueurs. Et Dieu sait jusqu'à quel point d'avides spéculateurs ont fait et font encore touslesjours fructifier cette riche et, ils le sup posent du moins, inépuisable agence! V. M. ne peut ignorer la vérité de ce que j'avance : qu'elle jette un coup d'eil sur ses différens départemensministé riels, sur ses ambassades à l'étranger, en un mot sur toutes les branches de l'administration, et elle verra leNord dominant, humiliant, écrasant et dévorant le Midi, après cependant que ce Midi avoit généreuse mentpayé ses dettes, et pendantqu'inégalementrepré senté aux États-généraux, il soutient aussi inégalement
et toujours à son détriment les charges de l'état. Et qu'on ne dise pas que toutes les lumières sont hol landoises et protestantes : j'en appellerai à la seule expérience, etjedemanderai comment jusqu'à ce jour ces hommes sans préjugés, ces hommes si éclairés, si sages, si supérieurs à leurs frères dédaignés, nous ont gouvernés, où ils nous ont conduits, où maintenant ilsprétendent nous conduire?
Ils vouloient nous nationaliser, nous rendre moins François! Eh! qui enBelgique songe àla France, si ce n'est lorsqu'il y a lieu d'établir entre elle et nous un parallèle à notre:désavantage? S'y est-on jamais fait fautede citerl'AngleterreetlesÉtats-Unisd'Amérique, aveclesquels néanmoinson n'apasde languecommune, aussi souvent qu'on a trouvé dans ces gouvernemens. des institutions à envier, des exemples à suivre? Ne sera-ce que lorsque l'on y parlera allemand, que l'on admireratelle mesure des royaumes de Bavière et de Wurtemberg? N'est-ce pas dansceux de nosjournaux écrits en françoisque l'on avoué à l'exécrationpubli que les Villèle, les Peyronnct et les Corbière?Etles feuilles libérales du Nord n'ont-elles pas consacréleurs colonnes hollandoises à exalter la belle profession de foi du ministère actuel chez nos voisins relativement à lalibertéde la presse?
Il est vraiment honteux, Sire, de devoirrappelerà certains de nos prétendus hommes d'état, avec les élé a
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22 > > mensles plus communs de l'artdegouverner, les plus simples règles du raisonnement.
Mais de quoi se douteroient-ils?ils neconnoissentni leshommes nileschoses; ilsnecomprennent rien àno tre position,rien à l'esprit général dusiècle où ils vi rent. Que feroient-ils pour notre avenir? le passé est poureux sansleçons, et leprésent'ne leurimporte que pour euxseuls. Qu'ont-ils besoin d'interrogerles faits, pourvu qu'ilsvivent etqu'ilsrègnent? Sans yues déter minées, sans plan fixe, sans système, ils marchent à l'aventure , occupés d'un seul etunique soin, celuide ne pas lâcher le portefeuille ; craignant d'ailleurs, avant toutes choses, chez quiconque les approche, lè talent et les lumières qui feroient ressortir leur nullité et serviroient à dévoiler lcur marche honteuse etincertaine, ainsi que la forced'ame et la fermeté de caractèredevant lesquellesleur foiblesse et leur pusil Fanimité paroîtroient dans touteleur turpitude. Étran gers à toutsentiment noble et élevé,ils nesemeuvent qu aiguillonnésparlevilstimulantdel'intérêtpersonnel, ou poussés,par une läche peur de perdre leur place et leurs appointemens; et, jugeant tous les autres d'après eux-mêmes, les promesses et les 'menaces sont aussilesseuls mobiles qu'ilsconnoissent etqu'ilsmettent en uvre pour remuer les hommes. Les malheureur! ils ne savent donc pas que, hors de l'atmosphère cor ruptrise des cours , il est encore des caurs généreux.
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> qui ne sont sensibles qu'à l'honneur, et des cons. ciences pures auprès desquelles échouent tour-à-tour les séductions et les rigueurs; que n'ébranlent point les faveurs; que n'effraient point les disgrâces?
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J'ai répondu, Sire, avec franchise et impartia lité, à l'appel de V. M : puisse-t-elle apprécier les motifs qui ont guidé ma plume ! Je vous devois la vérité; je vous l'ai dite tout entière , sanshésita tion ni détours : ma tâche est remplie. Mon veu le plus ardent est pour le bonheur et la gloire de V. M. Vous serez, Sire, aussi heureux quevous lemé ritez, etvotre règneservira demodèleàtous les règnesà venir,si,changeantavecles hommesque vous avez em ployés jusqu'ici, le système au moyenduquel ceshom . mesontmisl'étatàdeuxdoigts de sa perte, vous n'écou tezenfinquevotreproprejusticeetl'amourquevousavez pourvotrepeuple.Entouré deministreset de conseillers loyaux, vous n'entendrez plus, Sire, autourde vous que louanges et bénédictions; etellesauront, celles-là, toute la valeur que peut leur donner unenation prose père et libre.
Bruxelles, le 4 ayril.
91-4d.rthrita
Photomount Pamphlet Binder Gaylord Bros. Inc. Makers Syracuse, N.Y.PAT. JAN 21 , 1908