"Une place en terrasse, s'il vous plaît" Devenir des paysages agricoles de Vésubie by Nicolas JULIEN

Nicolas Julien TPFE – CESP

« Une place en terrasse, s’il vous plaît »

Devenir des paysages agricoles de Vésubie, l’exemple de Pélasque Supérieur

École Nationale Supérieure de Paysage de Versailles - Marseille Site du Potager du Roi

Travail personnel de fin d’études pour l’obtention du Certificat d’Études Supérieures en Paysage soutenu le 28 novembre 2016 en salle du Potager, bâtiment La Figuerie à Versailles

encadré par Michel Audouy, paysagiste dplg et enseignant à l’ENSP avec l’aimable participation au jury de :

Caroline Mollie, paysagiste dplg Olivier Thaon, ingénieur, architecte dplg Philippe Dardelet-Doya, architecte hmonp Roland Vidal, enseignant-chercheur à l’ENSP

« Une place en terrasse, s’il vous plaît »

Devenir des paysages agricoles de Vésubie, l’exemple de Pélasque Supérieur

Nicolas Julien ENSP Versailles - Travail personnel de fin d’études CESP encadré par Michel Audouy, paysagiste dplg novembre 2016

rencontre

J double-page précédente : 1.

gniers, charmes et pins sylvestres ont adouci les pentes et les vallons.

depuis Lyon : Chartreuse et Vercors en Isère, Écrins escarpés

C’est sous leur couvert que l’ont parcourt les derniers mètres. Au

et puis la Drôme, le pays Diois, Sisteron, la Haute Provence,

tournant, un vieux tracteur esquisse un sourire ; tout au bout de

les environs de Digne le long de la route Napoléon, les gorges

la route quatre ou cinq maisons un peu gauches se dressent et

du Buëch aux eaux d’opale, les cents ponts de la haute vallée

revoient des reflets carminés : on est en haut.

varoise, les murailles d’Entrevaux, les gorges encaissées de la

Arrivé là, tout est brut, noueux, un peu rouillé et dur. Les terrasses à

Vésubie… Lantosque rayonne au loin, phare bariolé juché sur son

perte de vue scient la pente, de vieux châtaigniers presque secs

à-pic. Il faut monter cahin-caha le long des lacets qui amènent

jalonnent de-ci de-là les étages des prés aux reflets souples. On

à Pélasque. La route avale les cinq cents mètres de dénivelé qui

est fin mai, tout est vert, brebis et vaches seront bientôt menées

séparent la rivière Vésubie du hameau de Pélasque Supérieur.

jusqu’ici.

Autour, ce sont d’abord les oliviers, disposés en quinconce sur les

Le temps est clair et le soleil enthousiaste détache les montagnes

terrasses face au sud entrecoupées de parcelles hirsutes plus ou

du ciel, tout bas les gorges de la Vésubie donnent un spectacle en

moins abandonnées. Plus haut, les chênes pubescents, châtai-

mi-teinte. Tout autour, les coteaux se fendent d’éperons calcaires

Arrivée au hameau de Pélasque supérieur.

ci-contre : 2.

’arrive à moto, après avoir traversé mille paysages grandioses

Sur le chemin de Pélasque, thermomètre sous le 0°C au col de la Bonnette, route la plus haute d’Europe, qui culmine à 2 800 mètres d’altitude, toujours enneigé à la fin mai.

en saccades, qui escaladent l’azur à plus de 2000 mètres ; en face,

Dans la cuisine, la maison penche : au sol, la terre cuite plonge

les sapins obscurcissent l’ombre des versants tournés au nord. On

dans le coin sous l’évier et aspire tout ce qui roule, des cales sous

m’a dit qu’aux beaux jours il arrive d’apercevoir au loin, tout au

les meubles font l’affaire. Sous l’âtre un vieux poêle en fonte semble

loin, un petit morceau de mer de Nice, retenue dans la combe la

faire le pitre. Nous buvons dans du Pyrex, sur une table en Formica,

plus au fond.

la lampe-tempête est immobile sous la cheminée…

Une brise fraîche descendue d’un col nous avise de quelques

Derrière ses rideaux à carreaux, cette seule pièce dépeint la patine

mots de montagne sous l’oreille. Au-dessus de la maison, la source

de tout un monde : on vit ici comme il y a cinquante ans – d’ail-

gazouille : au contraire des pays de Provence où tout est déjà sec

leurs, l’horloge au-dessus de la table est arrêtée. La modestie des

et recuit, ici l’eau coule toujours. Le vallon foisonne d’une opulente

lieux est presque intimidante : le Pépé a vécu ici pendant un siècle.

verdure ; à l’inverse, les constructions au-dessus témoignent de la vie aride que menaient hommes et femmes lorsqu’ils se sont établis ici. La caillasse et les tôles, pas de luxe ni de fioriture, c’est d’un

Bienvenue à Pélasque.

monde modeste et laborieux que ces maisons rosées sont héritées, dans la pente et les éléments. C’est à la maison du Pépé que je rejoins Yana et Olivier. Tous deux m’accueillent avec le sourire et c’est déjà l’occasion d’ouvrir une bouteille. La route fut longue, mais cette impression de bout du monde est assez incomparable : de l’air et du silence. Seuls tintent le filet d’eau dans l’auge et les ci-contre : 3.

cloches des brebis dans l’air, un peu plus bas.

Dans la maison du Pépé, le vieux poêle.

sommaire rencontre �� 9 sommaire ��15 introduction ��19 chapitre 1

par monts et vallons, le pays de Vésubie ��31 chapitre 2

comme les vieux faisaient, poétique d’un monde révolu ��73 chapitre 3

quels paysans, quels paysages ? �� 157 chapitre 4

projet : de la vallée au hameau, la réhabilitation agricole de Pélasque Supérieur �� 207 conclusion �� 267 table des matières �� 273 annexes �� 277

introduction

Tout a débuté par un chantier. J’ai commencé à connaître la

Travaillant le mur écroulé, c’est la montagne tout entière que l’on

Vésubie lorsque j’y ai mis les mains, accompagné de trois amis

répare : du versant infertile, on eut l’intelligence et l’énergie de

chez Yana et Olivier, au cours d’un chantier participatif organisé

mettre à plat les flancs, par étages successifs le long des courbes

pour reconstruire un mur de soutènement partiellement effondré,

de niveaux, avant même que celles-ci ne fussent tracées sur les

juste à côté de la maison : prendre en main les outils, comprendre

cartes. Quelle force dans le paysage que ces lignes horizontales,

la technique, disposer, tourner, retourner les pierres, éprouver les

ces murs élevés, ces arbres tortueux accrochés tout à l’aplomb, et

formes, le grain du calcaire, et se casser le dos…

ces cinq ou six maisons rouges jetées sur les planches comme des

Ce chantier, c’était une manière de commencer à apprendre le

langage d’ici : depuis des siècles les hommes ont construit des

Le hameau de Pélasque supérieur est une vaste clairière

terrasses pour domestiquer les pentes inhospitalières et y cultiver

étagée, exposée plein sud à 800 mètres d’altitude, entourée

double page pp. 14-15 :

de quoi vivre. Aujourd’hui nous reconstruisons pour la beauté du

de forêts et d’alpes, de nature à l’allure sauvage. Le bois, la

Vue sur la vallée de la Vésubie, depuis la crête des Martourins, au-dessus du hameau des Crottes à Lantosque.

geste, pour retrouver le savoir-faire – et éviter que le jardin de la

pierre utilisée pour construire les murs, l’eau qui ruisselle, les

voisine ne s’effondre sur la planche du dessous – mais demeurent

arbres semblent exsuder de la montagne elle-même, ce sont

la terre, la pierre et le soleil qui cogne, les mêmes qu’autrefois, là où

de petits morceaux de montagne, des excroissances de ce

l’on a construit les restanques.

gros corps vert et gris. Les vieilles maisons et leur entourage

ci-contre : 5.

dés sur un tapis.

Les mains d’Andréas en train de positionner un bloc, lors du chantier de recontruction de terrasses de pierre sèche à Pélasque supérieur (juillet 2016).

forment un tout évident. Seuls dénotent les artefacts des années

parcouru les routes et chemins de Vésubie, et en ai visité tous les

récentes : les voitures, les tôles, les plastiques… Tout semble suivre

villages. De l’amont vers l’aval, ce sont huit villages accrochés au

un ordre sensible, logique, mais un peu bizarre toutefois, incomplet

rocher : Saint-Martin-Vésubie, Venanson, Roquebillière, Belvédère,

peut-être.

La Bollène-Vésubie, Lantosque (dont Pélasque fait partie), Utelle

L’arpentage des premiers jours, dans les bois, laissera deviner l’ampleur de l’ouvrage : nul hasard par ici ! Rien de sauvage

À Lantosque, j’ai relié à pieds ou à moto la quasi-totalité des

malheureux des restanques autrefois cultivées jusqu’à perte

hameaux qui composent la commune. Ce sont une quinzaine de

de vue. Voyez ces châtaigniers majestueux qui ponctuent le

quartiers composés de quelques maisons en grappes, ramassés

parcours, vestiges des vieux vergers ! Les maisons suivent une

dans la vallée ou parsemés sur les hauteurs, à bonne distance du

orientation bien précise, alignées dans la pente comme il faut

village, et souvent à plusieurs kilomètres les uns des autres. Point

pour que l’on puisse y accéder par le haut ou par le bas ; l’eau qui

d’isolement pour autant, tout le monde se connaît et peut se voir,

se perd aujourd’hui dans le vallon parcourait jadis les rigoles qui

dans la pente ; et la voiture aujourd’hui permet de gravir aisément

c’étaient les bêtes, les fruits et les légumes… Qui étaient-ils, par ici ? Quels étaient leurs outils, que cultivaient-ils ? Leurs chants ? Leurs histoires, leur langue ?

La maison de Pélasque Supérieur.

Levens est la porte d’entrée vers la vallée mais lui tourne le dos.

alentours ! Tous les bois environnants ne sont que le sort

entourent la maison pour irriguer les planches ; c’étaient les blés,

ci-contre :

et Duranus. À l’embouchure de la Vésubie, au confluent du Var,

Au delà du tableau romantique que la vue nous offrait, j’ai cherché à en comprendre l’histoire et les rouages. Porté par la curiosité, j’ai

les chemins abrupts. Au village, à Saint-Georges, à Pélasque, à Pical, au Figaret, aux Clapières, à la Vilette, aux Condamines et dans les autres coins de Lantosque., quatre ou cinq, peut-être six noms se répètent au détour des rencontres ou des histoires : ce sont les familles d’ici depuis toujours. Olivier en est un, de Vésubien. Yana son épouse et lui vivent à Lyon 23

comme de francs citadins, mais envisagent dans quelques années

à terme, peut-être d’ici dix ans, l’intention d’y rétablir une véritable

de vivre ici à Pélasque. La maison et les terrains étaient ceux des

activité agricole.

grands-parents, agriculteurs et enfants du pays. Les dizaines de

J’ai trouvé que leur installation, pour les questions qu’elle amène,

planches qui entourent la maison étaient autrefois cultivées de

formait un superbe sujet sur lequel se pencher : citadins en mal

céréales, de vergers et de potagers. Elles ont ensuite été pâturées

de campagne, héritiers projetant de vivre sur leurs terres, relance

par vaches et brebis, qui en ont bien abîmé les murs laissés à leur

d’une agriculture montagnarde, enjeux patrimoniaux et savoir-

sort. Aujourd’hui seules quelques unes de ces parcelles, et deux

faire, économie et écologie… Il a fallu dans un premier temps

des quatre granges demeurent utilisées par un éleveur qui en

faire le tour du propriétaire pour comprendre vraiment où je me

assure l’entretien en y menant ses bêtes en pâture.

trouvais, n’étant pas familier de l’endroit et lyonnais d’origine. J’ai

Depuis un an, Yana et Olivier rénovent la maison et les terrains, défrichant les restanques laissées à l’abandon, évacuant les déchets entreposés çà et là, replantant des fruitiers et relançant les cycles de fauche. Il s’agit de remettre en activité les terres, retrouver les techniques, réparer les blessures et rendre habitables les lieux.

ci-contre : 7.

Poutres en châtaignier, qui devaient soutenir un toit de chaume, sur la petite grange aujourd’hui en ruine à côté de la maison.

procédé par cercles concentriques, autour de la maison pour commencer avant d’aller au village, puis aux villages de toutes la vallée, à la découverte des paysages et des gens. J’ai parcouru le parc du Mercantour, les vallées voisines à la recherche d’ingéniosités, merveilles et maladresses, jusqu’à passer de l’autre côté de la frontière et constater la réalisation spectaculaire d’un vignoble

Cette année Yana a planté un petit potager de légumes rustiques,

italien perché sur une crête. Le voyage ne s’est pas arrêté là puisque

capables de tenir entre les visites. Tous deux passent désormais

ce sont aussi, dans l’ordre : la Drôme, l’Ardèche, le Puy-de-Dôme,

une semaine par mois à Pélasque, et ont bien l’intention de faire

la Dordogne, la Creuse, l’Allier, le Morvan, la Drôme et l’Ardèche

vivre la terre, en commençant par le voisinage de la maison. Avec

encore, la Lozère, les Cévennes, le Tarn, l’Aveyron, la Haute-Loire et 25

la Loire, et un détour par les Côtes d’Armor ; soient autant de desti-

mation, la sobriété énergétique, les migrations, et plus que tout, les

nations qui depuis le début de ce travail ont participé à m’aiguiser

forces vives et les gens qui aiment leur pays… sont, à mon sens,

l’œil, à la manière de ces voyages initiatiques qu’accomplissaient

autant de vecteurs de renaissance des campagnes. Je veux

les architectes à travers l’Italie et l’Europe. Ce fut mon pèlerinage

croire que la quatrième révolution industrielle ne soit pas que celle

en France, le suivant d’une longue liste entamée lorsque j’ai passé

d’un humanisme de droit urbain, mais bien une force de partage

le permis moto il y a sept ans, à la rencontre des campagnes d’à

capable de réparer une société qui n’a fait récemment que battre

côté. Il fut ponctué de découvertes, de personnes et de moments

et user la campagne.

superbes, d’occasion de constater l’ingéniosité et l’énergie millénaire des paysans sur leurs paysages.

ci-contre : 8.

Face aux crêtes des Lonas au premier plan, crêtes de Lause et de Verchière au second plan au fond au centre, de gauche à droite : la Cime de Roccasièra (1501 m), le Mont Férion (1412 m), le Brec d’Utelle (1604 m). En montant aux granges de la Brasque par la piste forestière depuis Roquebillière.

Le travail présenté dans ce document est la mise au propre de mes pérégrinations, recherches et prospections en Vésubie,

Nous nous trouvons aujourd’hui à une époque charnière où il

autour du hameau de Pélasque Supérieur. J’y interroge le passé

me semble qu’une attention soutenue devrait être portée sur les

agricole, omniprésent mais sinistré, autant que son devenir, en

campagnes. Alors que les enjeux environnementaux, la production

essayant d’illustrer le projet qui pourrait être celui de la Vésubie.

alimentaire, le tourisme, le devenir des paysages demeurent des

De nombreuses initiatives existent : jeunes agriculteurs passionnés,

sujets cruciaux pour l’avenir, des outils nouveaux apparaissent

associations œuvrant pour la remise en culture et la préservation

et pourraient bien former des leviers insoupçonnés pour le

du patrimoine, élus éclairés. Sans en faire le tour tout-à-fait, je

renouveau des espaces ruraux de France : les réseaux techno-

présenterai ici les rencontres qui m’auront été les plus marquantes.

logiques, le télétravail, l’agriculture et la consommation raisonnées

Enfin j’ai l’ambition que ces travaux de recherches et synthèses

portées sur la qualité, l’équité et les circuits courts, l’action commu-

puissent être le support de discussions et débats au-delà des murs

nautaire, les nouvelles vocations agricoles, la formation et l’infor-

de l’école ; aussi, ce n’est peut-être que le début… 27

chapitre 1

par monts et vallons, le pays de VĂŠsubie

Ce premier chapitre est une revue géographique des Alpes Maritimes, de la vallée de la Vésubie et du village de Lantosque. Décrivant largement les principales thématiques, il vise à en décrire le contexte géomorpholgique ainsi que le contexte actuel de gouvernance dans lequel la vallée de la Vésubie se situe. Il s’agit bien là de comprendre sur quelles bases se sont constitués les paysages et les habitats vésubiens, à mettre en perspective avec les enjeux actuels qui seront développés plus tard. Sollicitant de très nombreuses sources institutionnelles (IGN, BRGM, INSEE, Région, Département, Métropole, etc.) ou privées (archives de l’Amont, ouvrages historiques), j’ai tâché de présenter ici un tableau – non exhaustif – le plus objectif et juste possible, pouvant servir de base commune à la discussion.

Alpes Maritimes et Comté de Nice

La vallée de la Vésubie fait partie du Haut-Pays du département des Alpes Maritimes, en région Provence-Alpes-Côté-d’Azur. Elle se situe à environ 50 kilomètres au nord de l’agglomération de Nice, en prolongement de la vallée du Var qui constitue l’axe principal de communication entre la zone littorale et le Haut-Pays, en direction des Alpes de Provence, vers Digne-les-Bain au nord-ouest et Barcelonette au nord-est. La vallée de la Vésubie ainsi que celle de la Roya au nord de Menton sont historiquement des routes majeures de communication et de commerce avec les Alpes italiennes, notamment pour le portage du sel dans les villages des montagnes du Piémont. double page pp. 26-27 : 9.

Terrasses à oliviers maintenues en culture, au hameau de Saint-Georges, Lantosque.

ci-contre : 10.

La vallée de la Vésubie vue depuis la crête des Martourins, au-dessus du hameau de Loda. Lantosque est le village au centre de la photo, surmonté du quartier du Seuil (dit quartier des Casernes).

La région (Nice, Menton, vallées du Var, de la Tinée, de la Vésubie et une partie de la vallée de la Roya), sous la houlette du Comté de Provence dans le Saint Empire Romain Germanique, devient en 1388 les Terres Neuves de Savoie puis le comté de Nice, par la dédition de Nice à la Savoie. C’est en 1860 lors de la réunification

11.

10 km

Les Pays des Alpes Maritimes Géographie simplifiée et grands axes du département

italienne que le Comté de Nice est annexé par la France. 35

La Métropole de Nice Côte d’Azur

La Vésubie et Lantosque font partie de la Métropole de Nice Côte d’Azur, créée en 2011 et regroupant sous une unique intercommunalité 49 communes. Elle est issue des anciennes Communauté urbaine Nice Côte d’Azur et Communautés de communes de la Tinée, des Stations du Mercantour, de Vésubie-Mercantour et, plus tardivement, celle des Coteaux d’Azur, ainsi que la commune de la Tour-sur-Tinée. Elle est la première intercommunalité prenant la forme de métropole de France. Regroupant 536 000 habitants, la Métropole se compose de deux assemblées : le Conseil métropolitain, composé de 127 représentants des communes (dont 64 pour la ville de Nice) élus par les Conseils municipaux ; et le Conseil des Maires, regroupant les maires des 49 communes ayant une fonction consultative. Un président est élu par les conseilllers métropolitains (Christian Estrosi actuellement en poste depuis 2012). ci-contre : 12.

La ville de Nice au loin, depuis l’observatoire de la Madone d’Utelle.

La Métropole dispose de très nombreuses compétences, en particulier la gestion des réseaux (desserte et collecte), les transports, les ports, l’urbanisme et le développement de l’économie.

0 13.

10 km

La Métropole, la côte et la montagne Aire de la Métropole Nice Côte d’Azur

Un pays alpin

Le département est un pays contrasté comprenant un espace Argentera

côtier méditerranéen et des zones de moyenne et de haute montagne, le relief étant de plus en plus marqué vers le nord et la chaîne des Grandes Alpes. Une dizaine de sommets dépassent les 3 000 mètres d’altitude, surmontés par la Cime du Gélas dans

Alpes Ligures

Mercantour Pelat

le Mercantour. Le secteur alpin des Alpes maritimes, dont les limites dépassent largement les coutours administratifs du département, Préalpes de Nice

se compose de quatre massifs montagneux : -- à l’ouest, les Préalpes de Castellane, en partie sud du Var -- à l’ouest toujours, le Pelat entre la haute vallée du Verdon et la haute vallée du Var

Préalpes de Castellane

-- en partie centrale, le massif du Mercantour prolongé en Italie au nord par l’Argentera, entre la haute vallée du Var et la rive droite de la vallée de la Roya, à la frontière orientale -- les Préalpes de Nice entre la vallée du Var et de la Roya, au sud de la vallée de la Vésubie -- à l’est de la haute vallée de la Roya, les Alpes Ligures italiennes. 0

ci-contre : 14.

Panorama sur la vallée de la Tinée, pris en chemin sur la route des Millefonds, au-dessus de Valdeblore.

15.

1 000

2 000

3 000 m

Les Alpes Maritimes, pays contrasté Niveaux altimétriques

Venanson

réo

Saint-Martin-Vésubie

ée

Belvédère

Tin

Roquebillière

La Bollène-Vésubie

Lantosque

s Vé

Utelle

Duranus

o ill Pa

Va r

Levens

Bé

vé

La vallée de la Vésubie

La vallée de la Vésubie est déterminée par le bassin versant de la rivière Vésubie (393 km2), qui prend sa source dans le massif du Mercantour-Argentera, au lac Blanc et à 2 665 mètres d’altitude. Elle conflue 45 kilomètres en aval avec le fleuve Var entre les communes de Levens et Bonson, à 140 mètres d’altitude. La vallée de la Vésubie regroupe aujourd’hui 6500 habitants répartis sur huit communes : Saint-Martin-Vésubie, Venanson, Roquebillière, Belvédère, La Bollène-Vésubie, Lantosque, Utelle,

les autres vallées empruntaient systématiquement les crêtes et

Duranus. Levens, en partie située sur le bassin versant de la Vésubie,

imposaient des voyages longs et périlleux. Depuis la fin du XVIe

est plutôt associée aux communes de la vallée du Var.

siècle et jusqu’au milieu du XXe siècle, aucune route carrossable

La vallée de la Vésubie est aujourd’hui le point de passage privi-

ne permettait de liaison entre les vallées des Alpes Maritimes (Tinée,

légié pour rejoindre le Mercantour depuis la région de Nice. Les

Vésubie, Roya), accentuant les spécificités culturelles locales.

travaux de construction de la route au XIXe siècle dans le fond

La vallée de la Vésubie vivait alors des ressources issues de l’agri-

de vallée (actuelle M2565), rapidement doublée par un tramway,

culture, de la foresterie, du commerce et de l’artisanat local, avant

à droite

ont permis le désenclavement des villages qui y vivaient en quasi

de développer à la fin du XIXe siècle une activité de tourisme

Profils altimétrique des vallées de la Vésubie, de la Tinée et du Var.

autarcie, Les seuls chemins permettant la communication avec

thermal et de montagne, à l’usage estival des côtiers.

ci-contre : 16.

17.

La vallée de la Vésubie en vue d’oiseau. En premier plan à gauche, la vallée du Var dont la Vésubie est un affluent ; au fond, les monts du Mercantour ; en tiret noir la frontière italienne.

Hydrographie

À l’inverse d’autres départements méditerranéens, les Alpes Maritimes profitent d’une hydrographie très développée, avec une grande densité de rivières, ruisseaux et sources au débit relativement constant sur l’année. C’est la perméabilité des roches et la pluviométrie importante qui permettent l’émergence de nombreuses sources. Cet accès facilité à l’eau a favorisé, depuis de nombreux siècles, l’expansion d’une agriculture irriguée par un réseau sophistiqué d’aqueducs, de canaux et rigoles. La qualité des eaux, filtrant du massif du Mercantour, explique au XIXe siècle l’essor du thermalisme à Berthemont (commune de SaintMartin). C’est dans les années 1880 qu’est entreprise la réalisation du Canal de la Véubie, devant subvenir aux besoins grandissants en eau de l’agglomération de Nice avec l’engouement et l’explosion démographique sur la Côte d’Azur. Le torrent de la Vésubie ayant façonné d’impressionnantes gorges ci-contre : 18.

Torrent de la Vésubie, à hauteur du pont du Martinet au nord de Lantosque.

dans le calcaire, il est aujourd’hui pratiqué par les sportifs pour les parcours d’escalade, de canyoning et via ferratas.

19.

Vésubie, un château d’eau de Nice

Réseau hydrographique de la vallée et Canal de la Vésubie (1851-1885)

Géologie

Les environs du village de Lantosque sont constitués par un complexe géologique principalement sédimentaire, composé essentiellement de calcaires, grés et marnes (tons vert clair et orange sur la carte ci-contre), avec un banc de gypse discontinu sur la rive droite de la Vésubie (violet). Des granites et schistes (roches métamorphiques plus anciennes) affleurent ponctuellement en Vésubie, en particulier dans les zones élevées de la vallée (rouge). Cette composition s’explique par la présence d’une mer aux abords du massif du Mercantour-Argentera entre – 300 Ma (Permien) et – 5 Ma (Miocène), dont les sédiments se sont déposés au fond, issus de l’érosion des roches métamorphiques et de l’accumulation des coquillages et squelettes des micro-algues et animaux marins. Plus récemment, la présence d’un glacier jusqu’à – 20 000 ans ci-contre : 20.

La carrière de gypse de Lantosque, exploitée par l’entreprise Lafarge depuis le début des années 1960 pour la fabrication de plâtre. Le gypse était traditionnellement extrait par les habitants pour la fabrication du mortier de plâtre rouge qui fait la particularité de Lantosque.

(Würm) a provoqué un creusement de la vallée et la formation de moraines glacières. Cette action d’érosion se poursuit depuis par l’action de l’eau du torrent Vésubie, donnant lieu aux gorges très encaissées en aval de Lantosque et jusqu’à Levens.

21.

Une ancienne vallée glacière Carte géologique aux environs de Lantosque

Climat

Le climat de la Vésubie se caractérise par une très grande varia-

cultures telles que la vigne et l’olivier. Les bois sont essentiellement

bilité, influencé à la fois par le climat méditerranéen des plaines

composés de variétés méridionales (chênes pubescents, charmes-

côtières et du climat montagnard des altitudes élevées du massif

houblon, cotinus, pins sylvestres). Au-dessus (700-1200 mètres), la

du Mercantour. Il en résulte un fort ensoleillement sur l’année (le

neige en hiver est courante et ce sont là les hameaux les plus

département des Alpes Maritimes est celui qui reçoit le plus grand

élevés (Pélasque Supérieur, La Vilette, le Villars…). Les forêts sont alors

nombre d’heures annuelles en métropole), des températures adoucies en particulier l’hiver, ainsi qu’une pluviométrie importante et des formations orageuses régulières. Cette influence décroît à mesure que l’on remonte la vallée, ainsi les villages de Venanson ou Saint-Martin subissent un climat plus rude que les villages du début de vallée. À Lantosque, compte-tenu d’une grande amplitude altimétrique

ci-contre : 22.

Un orage de juillet passe sur Pélasque Supérieur.

composées de variétés plus rustiques (châtaigniers, merisiers…) et la culture de l’olivier n’est plus possible. Enfin l’étage supérieur (12002000 mètres), est celui des alpages et des forêts de résineux. On n’y retrouve plus d’habitations à l’année, mais seulement des granges qui étaient utilisées pour les céréales cultivées en altitude, les foins, les troupeaux et leurs bergers montés en estive. Dans l’Histoire de la Vésubie, c’est le froid qui a été la donnée la plus redoutée pour l’installation des hommes et l’agriculture. Ainsi les

(de 400 à 2000 mètres), on constate une différence assez marquée

meilleurs et plus chers terrains se trouvaient dans le fond de vallée

entre trois étages succesifs : dans le fond de vallée (400-700 mètres),

sur le versant le mieux exposé (à l’adret), tandis que les terrains

au niveau du village et des quartiers inférieurs (Pélasque, Saint-

moins bien exposés (à l’ubac) ou plus en altitude étaient les plus

Georges, Pical, les Condamines…), la neige est rare, les tempéra-

pauvres. Ainsi l’exposition et l’étage d’habitat étaient révélateurs

tures descendent rarement en dessous de 0°C et permettent des

du niveau social et de la rentabilité des terres. 47

Villages groupés de la Vésubie

Les neuf villages sont formés sur le modèle du village groupé fermé, typique du Haut-Pays des Alpes Maritimes. Cette forme urbaine, plus présente dans tous l’Arrière-Pays méditerranéen, dans une bande partant du nord de la Catalogne au nord de l’Italie, se compose d’un tissus très serré formé de manière asymétrique sur un socle rocheux, le plus souvent en situation dominante. Les constructions sont édifiées de manière continue et concentrique, de sorte que les façades forment une enceinte périphérique. Cette disposition introvertie répond parfois à un besoin défensif, mais résulte plus généralement de l’exiguïté des sites choisis, ainsi que de l’économie foncière et constructive au bénéfice des terres cultivables. Dans cette logique, les maisons sont hautes et regroupent toutes les fonctions sous le même toit. Les villages groupés répondent aux hameaux dispersés et fermes isolées, qui se positionnent comme un ensemble lâche au voisinage direct des parcelles cultivées. On distingue trois positions pour les villages groupés de la 23.

ci-contre : Le village de Venanson qui domine la vallée à environ 1 150 mètres d’altitude.

Vésubie : en situation de promontoire dominant, dominé en balcon 24.

le long d’un versant, ou bien en fond de vallée.

10 km

Le modèle répandu du castra traditionnel Villages groupés et perchés du Haut-Pays

Lantosque

Composé, en plus du bourg, de nombreux quartiers dispersés sur un territoire montagneux de 44 kilomètres carrés (altitude de 335 à 2000 mètres), Lantosque se situe sur un éperon rocheux à l’aplomb de la rivière Vésubie, à sa confluence en rive droite avec le Riou de Lantosque. Village groupé autour de son église, il est, avec Utelle, l’un des plus anciens villages de la Vésubie. Ayant lourdement souffert de l’exode rural depuis les années 1860 jusqu’au début des années 1980, Lantosque, dans une dynamique commune à toute la vallée, a vu sa population doubler entre 1980 et aujourd’hui pour atteindre 1318 habitants permanents en 2013. Le village se place en troisième position après Roquebillière et Saint-Martin parmi les villages de Vésubie (6500 habitants en tout sur les huit communes). ci-contre : 25.

Le village de Lantosque, depuis le pont du Martinet.

ci-dessus : 26.

Le blason de Lantosque : « de sinople au pont alésé d’une arche d’argent maçonné de sable, soutenant un oiseau éployé d’or surmonté d’une rose aussi d’argent boutonnée aussi d’or. »

Par ailleurs on constate le rajeunissement récent de sa population, avec depuis les années 2000 un renforcement de la classe 0 - 30 ans, que l’on peut attribuer à de nouvelles installations (solde des 27.

entrées positif, solde naturel proche de l’équilibre mais négatif).

Vallée de Vésubie : trois sites Implantation des villages et typologies de couvertures

10. Communications La géographie accidentée et le climat rude ont toujours rendu difficiles les communications dans les Alpes Maritimes. Avec la pacification à la fin du Moyen-Âge, la Vésubie devient une route commerciale d’importance grâce au commerce du sel entre le port de Nice (alimenté par les salines de Hyères) et le Piémont. L’économie des villages se réorganise et profite du passage des caravanes de mulets et connaît une relative prospérité. À la fin du XVIe siècle, la vallée perd son statut au profit de la Roya lorsque l’on y décide la construction de la route royale pour commercer avec Turin. L’épidémie de pest à la fin du XVIe sicèle, signera l’abandon de la route du fond de vallée : tout le commerce passera désormais par la Roya. Les seules communications se font

ci-contre : 28.

La ligne de tramway de la Vésubie, arrivant au Suquet à Lantosque, vers 1920.

29.

Des vallées enclavées

Carte des réseaux routier et ferré des Alpes maritimes, 1900.

par les chemins de crête et les cols, inaccessibles plusieurs mois de

Ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle, avec les expéditions naturalistes et

l’année. Ces chemins difficiles sont de plus régulièrement parcourus

l’alpinisme dans le Mercantour, puis la montée du tourisme estival

par des bandes de brigands qui dépouillent les voyageurs. La

de montagne que la vallée vit un nouvel essor. On reconstruit la

vallée se replie alors sur elle-même.

route de la Vésubie pour la rendre carrossable (1874) puis ouvre 53

l’itinéraire actuel, partant de Plan-du-Var et traversant les grandes

(pont du Martinet à Lantosque, plusieurs viaducs entre Roquebil-

gorges en 1896. On construit la ligne de tramway (inauguré en

lière et Saint-Martin).

1909) rejoignant Saint-Martin, permettant d’accéder au Haut-Pays depuis Nice. Les villages connaissent alors une spectaculaire transformation avec la construction de nombreuses et riches demeures de villégiatures, ainsi que l’ouverture de commerces, restaurants et hôtels. Le tramway, ultra-moderne pour l’époque, permet de transporter efficacement personnes, denrées alimentaires et matériaux de construction ; il facilite les échanges entre les villages de la vallée ainsi qu’avec la Côte. Face à la concurrence de l’automobile, la fin de l’exploitation du tramway, considéré comme archaïque, est décidée en 1929, après seulement vingt ans d’existence. Les problèmes de fiabilité des

ci-contre : 30.

Lantosque et les aménagements pour le tramway : la construction d’une nouvelle route moins abrupte via le tunnel de Sainte-Claire, le pont du Riou (photo), la gare et les commerces, la route en rive droite de la Vésubie et le pont du Martinet.

La période d’après-guerre et les Trente Glorieuses font progressivement des cyclo-moteurs, puis de la voiture le moyen de transport hégémonique. L’enrobage des chemin et la création de nombreuses routes, entre villages et hameaux, ainsi que des axes transversaux entre les vallées (col de Saint Roch de Lantosque à Lucéram, col de Turini entre La Bollène et Sospel, col de Saint-Martin vers Valdebore) permet enfin la communication et accélèrent leur désenclavement. Dans les années 1960, les routes touristiques sont ouvertes pour pénétrer plus à l’intérieur du massif du Mercantour (routes de la Gordolasque, de la Madone des Fenestre, du Boréon).

machines, d’abord à vapeur puis électriques, l’écroulement d’une

Aujourd’hui, l’unique ligne de bus 730 assure la liaison en transport

arche du pont de Lantosque, et le terrible glissement de terrain

en commun avec Nice et la correspondance avec le train des

à Roquebillière en 1926 n’auront certainement pas aidé à son

Pignes à Plan-du-Var à Lévens, avec seulement un passage le

maintien. Ne demeurent aujourd’hui plus que certaines portions de

matin et un en fin de journée. Elle est complétée par des navettes

routes et déviations (route actuelle de Lantosque et tunnel sous la

locales permettant de rejoindre les villages les plus excentrés et la

chapelle Sainte-Claire), ainsi que plusieurs viaducs en béton armé

vallée de la Tinée. 55

11. Agriculture Le département des Alpes Maritimes vivait en autonomie agricole jusqu’à la seconde moitié du XIXe siècle. L’explosion démographique, la spéculation foncière et l’essor des transport ont progressivement fait disparaître une grande partie des surfaces cultivables de la zone littorale. La pression foncière intense, accentuée encore depuis les années 1960, place aujourd’hui le département en deuxième position après l’Île-de-France pour le prix des terrains. L’urbanisation est remontée dans le Moyen-Pays par les vallées autrefois dévolues au maraîchage, à la céréaliculture, la fruticulture et aux pépinières. Particulièrement violente et visible dans la basse vallée du Var et la vallée du Paillon, cette urbanisation a canalisé les eaux pour pouvoir en bâtir les rives d’industries, zones commerciales et infrastructures routières. Le Haut-Pays dont fait partie la Vésubie a été relativement épargné par l’urbanisation de la période moderne, et abrite aujourd’hui ci-contre : 31.

Le village de Belvédère, entouré de son système de terrasses encore très visible et fonctionnel.

la majorité des surfaces agricoles. Représentée autrefois par les 32.

polycultures, associant vigne et olive, céréales, maraîchage, vergers

10 km

Vésubie, un des greniers de la Côte Surfaces agricoles des Alpes Maritimes en 2010

et élevage, l’agriculture du Haut-Pays a très fortement diminué et progressivement glissé vers le tout-élevage, ovin et bovin extensif. L’exemple de Lantosque permet de bien illustrer ces modifications : en 1970, le village comptait 98 exploitations agricoles, d’une moyenne de 4,3 ha/expl., soit un total de 426 ha dévolus à l’agriculture. En 2010, ne sont plus que 17 exploitations agricoles, d’une moyenne de 99 ha/expl., utilisant 1680 ha sur la commune (source

: Agreste). L’agriculture, très contrainte par la topographie, traditionnellement conduite en terrasses n’a pas ou peu permis la mécanisation. Elle a très fortement régressé au profit de l’élevage, plus souple et adaptable aux contraintes du terrain. Cependant, les animaux escaladant les restanques ont accéléré leur dégradation, au point qu’une grande partie des murs de soutènement soient aujourd’hui menacés d’effondrement. ci-contre : 33.

Parcelles agricoles en restanques abandonnées récemment à Utelle. La ferme d’origine a été transformée en résidence secondaire, habitée seulement quelques semaines par an. Une lande sèche est en train de s’installer, si rien n’est fait elle se consolidera jusqu’à un couvert forestier spontané, du même type que sur le vallon au second plan (mélange de résineux et feuillus).

La Vésubie, autrefois autonome, est aujourd’hui déficitaire sur la balance agricole, vivant essentiellement d’importations. Par ailleurs, l’abandon de grandes surfaces autrefois cultivées a provoqué une rapide extension du couvert forestier, engendrant une grande transformation des paysages entre les années 1950 et aujourd’hui.

Une agriculture sinistrée 34.

Nombre d’exploitations agricoles entre 1970 (en haut) et 2010 (en bas)

12. Risques La mémoire humaine est insuffisante pour se souvenir des nombreux séismes et glissements de terrain qu’ont connus les villages de Vésubie. Lantosque a connu cinq épisodes majeurs depuis le XIVe siècle, avec notamment les séismes dramatiques de 1556 et 1564 qui détruisirent complètement le hameau de Loda et des maisons de Lantosque pour le premier, et une grande partie du village ainsi que son église pour le second. Le village est également sujet au risque d’effondrement de terrain, dû à la présence d’argile et de gypse dans le sous-sol qui lui confèrent une instabilité. Les cultures en terrasses et l’irrigation en été par les canaux fragilisent encore les sols en empêchant le sol de s’égoutter et d’absorber les pluies d’automne. Un exemple dévastateur eut lieu le 24 novembre 1926 à Roquebillière où, après un important orage, un glissement de ci-contre : 35.

Le vieux village de Roquebillière, partiellement emporté par les glissements de terrain du 24 au 30 novembre 1926. Des pluies torrentielles durant le mois de novembre et plusieurs séismes de faible magnitude ont décroché une partie de la montagne, s’affaissant et glissant jusqu’à la rivière. La catastrophe décide la création du nouveau village, en rive droite de la Vésubie sur un terrain plus sûr, et la désertion du vieux village.

terrain emporta une partie du village en détruisant 11 maisons et faisant 19 victimes. Le feu est également un risque important, rencontré tous les ans. En 2016, 7 feux de forêt ont été combattus à Lantosque, pour un 36.

total de 20 hectares partis en fumée.

Un risque sismologique bien présent

Extrait du Plan de Prévention des Risques Naturels de Lantosque avec zone inconstructible

13. Tourisme Trouvant son origine dans les expéditions naturalistes des alpinistes du début du XIXe siècle, le tourisme en Vésubie a explosé à la fin du XIXe siècle pour les bienfaits des montagnes du Mercantour. À la Belle Époque du tourisme hivernal sur la riviera (jusqu’à 1914), bourgeois de Nice et Anglais apprécient la fraîcheur de l’été, le thermalisme et le dépaysement des hauteurs du Haut-Pays, et sont à l’origine du désenclavement et de l’essor de la vallée. La construction de la route de la Vésubie puis la création du tramway permettront la transormation rapide des villages. Grandes demeures de villégiatures, hôtels et relais sont construits dans tous les villages, et en particulier en bout de ligne à Saint-Martin, qui connaît alors un renouveau économique inattendu. La Vésubie est rapidement surnommée la «Suisse niçoise», pour ses paysages verdoyants, son accessibilité depuis la côte et le charme de ses villages.

37.

38.

Le tourisme mondain de la Vésubie Publicité pour l’hôtel Regina de Saint-Martin, vers 1930

et plus populaire, importé des États-Unis (le short et les maillots courts sont importés dans les années 1920). Malgré la fermeture du tramway de la Vésubie en 1929, les séjours dans les villages par les familles aisées de la Côte se poursuivent grâce à l’automobile, et sont désormais ancrés dans les habitudes. Un tourisme d’hiver apparaît, promu par le Syndicat d’Initiative de la Côte d’Azur à travers les affiches, qui vantent les quatre saisons sur la Côte. De

La Grande Guerre passée, le tourisme de la région évolue. D’un

petites stations d’hiver sont créées et s’équipent de remontées

ci-contre :

tourisme essentiellement d’hiver sur la Côte d’Azur, mondain et

mécaniques aussi modernes que dans les stations des Alpes du

Alpinistes sur la Cime des Gélas, par Victor de Cessole (vers 1900).

pudique, on passe à un tourisme estival sur les plages décomplexé

nord. L’été sur la plage, l’hiver sur les skis, le pays niçois offre à deux 63

heures de voiture un éventail de loisirs unique en France. À Valdeblore au-dessus de Saint-Martin, la station de la Colmiane ouvre à la fin des années 1920. Après 1936 et l’attribution des congés payés, peu confrontée au tourisme de masse qui explose sur la Côte, la Vésubie maintient le tourisme mondain essentiellement estival du début du siècle. La tentative à la fin des années 1960 de développer le tourisme sur le modèle savoyard avec la construction des hautes constructions de béton de la Colmiane, ou de quelques 40.

immeubles à Roquebillière est un échec, alors que la population

ci-contre : 39.

Refuge et sanctuaire de la Madone de Fenestre dans le Parc National du Mercantour, point de départ des randonnées vers la cime du Gélas, le point culminant du Mercantour avec 3 143 mètres d’altitude. En été ce sont une très forte affluence et des centaines de voitures qui rejoignent les parkings.

La promotion des stations d’hiver Affiches publicitaires des années 1930

des villages est au plus bas et l’économie morose. Les villages se

secondaires – rénovées ou souvent construites sur le modèle

dégradent, font face à un fort taux de vacance et de nombreuses

du chalet savoyard – et le mitage des anciens terrains agricoles,

maisons abandonnées tombent en ruines.

soutenus par les pouvoirs publics qui misent sur le tourisme pour

C’est sans doute le regain d’intérêt pour les sports de montagne

dynamiser la vallée et son économie. Récemment, de lourds inves-

en été et la création du Parc National du Mercantour en 1979

tissements sont réalisés par le Département pour augmenter l’offre

qui font connaître à la vallée un nouvel engouement, toujours

de loisirs (pôle de loisirs et piscine naturelle de Roquebillière, station

d’actualité. Les enfants et petits-enfants des habitants des villages

thermale de Berthemont, Centre des sports de montagne à Saint-

redécouvrent, ceux-ci disparus, les qualités de la Vésubie lorsqu’ils

Martin), non sans lever les critiques à l’encontre d’une politique

héritent de terrains et maisons, que l’on transforme souvent en

du tout-tourisme, qui néglige certains aspects quotidiens des

maisons de vacances. C’est, depuis, l’explosion des résidences

habitants à l’année (santé, transports, agriculture…). 65

14. Le Parc National du Mercantour Le Parc du Mercantour fait partie des dix parcs nationaux de France. Ancienne réserve de chasse du Duché de Savoie, puis Réserve nationale en France, sa création en 1979 vise à protéger la faune et la flore présentes sur un territoire sauvage d’une très grande variété. Il regroupe aujourd’hui 21 communes et est jumelé avec le parc régional italien Parco naturale Alpi Marittime avec lequel il partage 31 kilomètres de frontière (massif de l’Agentera). Le Parc du Marcantour est connu pour ses sentiers de moyenne et haute montagne, notamment dans la Vallée des Merveilles aux 40 000 gravures rupestres, ou autour du lac d’Allos, plus haut lac naturel d’altitude d’Europe. Si la mission de sauvegarde des espèces et de préservation de l’environnement dans la zone centrale est louée unanimement, les conséquences liées aux activités du parc font encore l’objet de débats houleux. C’est par le Mercantour que le loup, disparu

41.

ci-contre :

depuis 1930, a refait naturellement son retour en France depuis

Vallée des Merveilles à la fin d’une belle journée de septembre.

l’Italie en 1992. Il est aujourd’hui présent dans l’Est, le Centre de la

42.

10 km

Le parc national du Mercantour Périmètres croisés du parc et de la Métropole de Nice

France et les Pyrénées. Ainsi depuis 25 ans la présence du loup

sur les écosystèmes et les paysages. Ainsi le lancement précipité

partage habitants, chasseurs, agriculteurs : le loup, bien qu’animal

et sans concertation du projet des Balcons du Mercantour,

indigène de la région, est souvent perçu comme un prédateur

prévoyant la création d’un itinéraire de randonnée en haute

des troupeaux et des hommes, et traîne avec lui tout l’imaginaire

altitude, la rénovation ou la construction de douze refuges, avait

de la bête sanguinaire à laquelle on l’a souvent comparée. Les

mobilisé contre lui associations, élus locaux et défenseurs de l’envi-

attaques des troupeaux à répétition, souvent dues à un manque

ronnement : l’objectif annoncé de rendre accessible la montagne

de protection et de gardiennage ainsi qu’à la taille des cheptels

au plus grand nombre, d’en faire «un produit d’appel accessible à

laissés en alpage, ne font qu’attiser les hostilités à son égard. Il

tout un chacun» (C. Estrosi), l’absence de concertation et les prévi-

semblerait cependant que les choses se calment et que les menta-

sibles répercussions sur la flore et la faune sauvages ont finalement

lités changent, aidées par l’information et les actions pédagogiques

eu raison de projet, abandonné en 2011.

menées par le Parc et les pouvoirs publics, ainis que la création du parc Alpha en 2005 au Boréon (site pédagogique autour du loup, où sont observables 22 individus en semi-liberté). ci-contre : 43.

Un loup du Parc Alpha au Boréon, photographié en août 2016. Voir l’animal en vrai permet de déconstruire les préjugés le concernant : pas plus gros qu’on chien moyen, le loup n’est pas la bête énorme et féroce dont on raconte les légendes. Dans le cadre superbement réhabilitées d’anciennes vacheries, un travail de pédagogie et d’information est présenté au public sous forme de scénographies très riches, tenant compte des points de vue divergents (éleveurs, scientifques, habitants) et proposant avant tout un regard écologiste à l’égard du loup.

Plus récemment, le Pôle Sport de Montagne de Saint-Martin, financé par le Département, fait également débat pour l’affluence supplémentaire à supporter par la vallée, pour le coût important

La forte affluence touristique dans le parc (800 000 visiteurs

du projet (23 M€HT) et pour sa gestion confiée à un organisme

annuels), en croissance constante et la politique de dévelop-

privé. Le programme de loisirs d’intérieur (piscine, salle d’escalade,

pement menée par le Département sont également pointées du

canyoning indoor, spa, animations sportives) est également remis

doigt. La multiplication des infrastructures d’accueil et de loisir, la

en cause alors qu’il s’implante au cœur d’un espace protégé tel

création de voies de circulation et de parkings, le trafic routier dans

que le Mercantour.

la vallée sont régulièrement dénoncés pour leurs conséquences

400

800 m

Commune de Lantosque ĂŠchelle 1/40 000

chapitre 2

comme les vieux faisaient, poétique d’un monde révolu

S’inscrivant dans une démarche ethnographique, ce chapitre vise à présenter les périodes marquantes de l’histoire de la vallée de Vésubie, les modes d’installation et d’agriculture des habitants, ainsi que leur quotidien. Centrée sur l’exemple de Lantosque et du hameau de Pélasque Supérieur, cette étude démontre en partculier les savoir-faire ancestraux mis en œuvre dans l’agriculture et l’architecture, l’ingéniosité que les femmes et les hommes ont su déployer en dépit des conditions de vie éprouvantes et l’ingratitude de leur environnement. Il s’agit également de montrer les influences successives qui en ont marqué la culture, ainsi que les changements profonds qui ont eu lieu depuis l’ouverture de la Vésubie sur le reste du monde à la fin du XIXe siècle et dans le courant du XXe siècle. Entre autres, l’essor du tourisme, l’exode rural, la guerre, la construction des routes, la désertion des parcelles agricoles, ont eu des conséquences sensibles qu’il convient aujourd’hui de qualifier et mesurer, puisque cela n’a encore jamais été fait, afin d’élaborer peu à peu un nouveau projet pour la vallée.

Jalons historiques

Aucun élément probant n’a permis à ce jour de remonter vérita-

rural prenant la forme d’habitations isolées (grottes, huttes, abris

blement à l’origine de l’occupation en Vésubie, cependant des

aménagés) ou de petits villages organisés sur des sites élevés

vestiges archéologiques très anciens (tessons de poteries) retrouvés

(crêtes, épaulements rocheux, bordure d’escarpements). Le village

aux abords de chemins indiquent une présence protohistorique,

d’Utelle en serait l’un des plus importants du Haut-Pays, ayant

et des échanges y ayant eu cours avant l’Antiquité. Des peuplades

été fondé par la tribu des Esubianii sur une position stratégique

Celtes et Ligures ont certainement infiltré par vagues successives

puisque permettant de contrôler à la fois la vallée de la Tinée et

les zones refuges que constituent les montagnes, depuis la bande

celle de la Vésubie. C’est à cette époque que commence à être

littorale vers les vallées (Var, Tinée, Vésubie, Roya).

employée la technique d’agriculture en terrasses ou restanques,

La mise au jour dans les Alpes Maritimes d’environ trois cent cinquante sites de castellaras – lieux d’habitat ligures que l’on retrouve également en Italie – permet d’attester d’un habitat

grossièrement construites le long des courbes de niveau sur des terrains défrichés, entre des murs de pierre sèche élevés pour rattraper la pente et de la terre ramenée à plat pour former des planches de cultures. 77

L’installation romaine entre IIIe et IIe siècles av. J.-C. se fera sur ces

Durant tout le Ier millénaire, la vie dans les vallées se serait spécia-

premiers emplacements des castellaras ; on constate toutefois

lisée entre les deux situations d’habitat : au profit du pastoralisme

que les sites proches des fonds de vallées seront privilégiés pour

pour les sites élevés des castellaras ligures, au bénéfice de l’agri-

fonder les oppidums de l’Empire. Les écrits romains décrivent alors

culture pour les oppidums romains en fond de vallée. Cette diffé-

les habitants ligures mis au pas – terme voisin de «barbares» ou

renciation disparaîtra peu à peu, au profit de l’association terres

«sauvages» – comme des personnages fort rustiques, mais habiles

cultivées aux abords du village / prés sur les hauteurs et alpages

en dépit de leurs conditions de subsistance ingrates : «Les Ligures,

pour l’estive, caractéristique des organisations plus récentes.

retranchés au fond des Alpes, entre le Var et la Magra, et cachés

Aux derniers jours de l’Empire Romain et une fois le Comté de

au milieu de buissons sauvages, étaient plus difficiles à trouver

Provence consolidé, s’amorce dès le IXe siècle un déplacement des

qu’à vaincre. En sécurité dans leurs retraites et par sa promptitude

populations vers les sites élevés des castelleras les plus vastes et les

à fuir, cette race infatigable et agile, se livrait à l’occasion plutôt au

mieux situés. Y sont fondés de nombreux castrums seigneuriaux,

brigandage qu’à la guerre.. […] Les Ligures sont durs, laborieux et

sortes de maisons fortes ou petits châteaux, dont on retrouve

sobres, ils ne vivent que du laitage et du fruit de leurs troupeaux.

les traces à l’emplacement de plusieurs hameaux de la Vésubie

Comme ils peinent sur un sol âpre et rocailleux, ils récoltent peu de

(Mannoinas, entre Pélasque et les Granges de la Brasque ; Mancel,

fruits et de blé. Ils construisent, sur les pentes, des murs de soutè-

vers Bonvillar, rive gauche en face de Loda, Loda, Saint-Colomban,

nement et y ramènent la terre végétale pour y faire quelques

etc.). Leur situation en promontoire permet alors d’y assurer surveil-

cultures. Ils sont braves et jaloux de leur liberté» (l’historien romain

lance et sûreté, ainsi que de rejoindre aisément les chemins de

Florus, à propos de la Guerre des Ligures., dans l’Abrégé de l’Histoire

crête. En effet, on profite du phénomène de réchauffement clima-

Romaine, Livre II, IIe siècle).

tique (Optimum Climatique Médiéval) ressenti à partir du Xe siècle,

qui autorise désormais l’emprunt des cols élevés, la communication

jusqu’à Saint-Martin. Les surfaces maximum mises en terrasses,

et le commerce plus soutenu avec les vallées voisines. Issus de la

observables aujourd’hui, exploitées et entretenues jusqu’à la fin du

dynamique de féodalisation, dite d’Incastellamento constaté dans

XIXe siècle datent ainsi probablement de cette époque.

tout l’arc méditerranéen, les villages sont, au XIe siècle, organisés en

Cet âge d’expansion se poursuit autour des XIIIe et XIVe siècles par

«plusieurs agglomérations : un ou deux bourgs fortifiés autour de

la création ou la consolidation de certains bourgs. Les villages

leur église et de leur château et formant chacun, au temporel, un

prennent

fief seigneurial et, au spirituel, une paroisse relevant d’un évêché.

châteaux, parfois repoussés sur les versants ou abandonnant

[Certaines] de ces agglomérations formaient un prieuré relevant

quelquefois les sites en promontoire pour des situations plus

d’une abbaye bénédictine qui y exerçait les pouvoirs temporels et

aisées (par exemple, Saint-Martin, à la confluence du Boréon et

spirituels» (Paul Canestrier, 1978).

de la Vésubie). Généralisant la forme urbaine groupée telle qu’elle

Malgré la création de ces petits bourgs fortifiés, l’habitat demeure

subsiste aujourd’hui, ces bourgs majeurs se constituent autour

majoritairement assez dispersé, organisé entre les castra et les

d’une chapelle ou église. Ils se caractérisent par la densité et la

fermes éparpillées aux côtés des terrains cultivés. Au moment de

hauteur des constructions, qui dressent leurs façades périphé-

cette période de prospérité, on constate dans toutes les Alpes une

riques en une enceinte continue ; par la concentration des

poussée du peuplement, qui conduit au défrichement massif, puis

fonctions ; et par l’étroitesse de leurs ruelles, arrangées de manière

à la mise en culture généralisée des versants. En Vésubie; face

plus ou moins concentriques.

à l’augmentation de la population de la vallée, ce serait à cette

La Vésubie jusqu’alors exclusivement agricole, devient commer-

période que des éleveurs et agriculteurs en recherche de nouvelles

çante, instituée en zone de passage privilégiée entre Nice, capitale

terres auraient fondé les villages à l’amont de Lantosque, montant

de la Provence orientale, les cols des Alpes et le Piémont italien.

leur indépendance en s’installant à distance des

Son rôle commercial croît avec le rattachement du Comté de Nice au Duché de Savoie en 1388, en devenant l’itinéraire de convoi du sel vers les montagnes italienne. La vallée porte en ce temps le nom de Val Lantosque, du nom du village alors à son apogée – dénomination qui perdurera jusqu’à la fin du XIXe siècle. Lantosque, reconstruit au surplomb de la rivière sur un éperon rocheux, forme une étape importante pour les voyageurs et messagers, qui y trouvent gîte et couvert avant le passage du Col de Fenestre (sur l’actuelle frontière avec l’Italie) dans leur expéditions pour le Piémont. La route, venant de Nice par les villages de Levens et Duranus, rejoint la Vésubie à Saint-Jean-la-Rivière et évite alors les gorges situées à l’aval, dangereuses et encore inaccessibles. La route de la Vésubie, axe commercial majeur pour Nice, est modernisée au XVe siècle par la construction de huit ponts, travaux diligentés par le Duché de Savoie, et devient Strada Ducale. L’essor commercial profite de plus en plus à Saint-Martin, qui devient la place principale pour le commerce du sel, comme l’atteste la présence avérée d’un magasin dédié dès 1455. 80

ci-contre : Partie Méridionale du Piémont et du Montferrat, par Guillaume de l’Isle, Premier géographe de Sa Majesté. Détail du Comté de Nice, 1742.

44.

À la fin du XVIe siècle, le projet de construction de la Strada Real, empruntant la vallée de la Roya, à la demande de Charles Emmanuel Ier, Duc de Savoie, amorce alors le déclin de la Vésubie. Les commerçants et voyageurs abandonnent rapidement la vallée au profit du nouveau tracé, plus rapide et moins éprouvant, qui devient l’épine dorsale de la Maison de Savoie en reliant Nice à Turin et Genève. Deux épidémies de peste, en 1590 puis en 1630, importées par des marchands provençaux, accéléreront l’abandon de la route menant à la Vésubie. La vallée vit désormais en quasi autarcie, ce qui a pour conséquences de développer ses particularités culturelles, mais aussi de glisser vers une économie de subsistance et un grand dénuement pour la population. Les chemins de crêtes sont rendus plus difficiles par le refroidissement climatique (Petit Âge Glaciaire), qui débute au XIVe siècle et terminera au XIXe siècle. Les cols sont alors enneigés une grande partie de l’année, et sont à leur tour

45.

siècle, comme l’attestent notamment l’église Notre-Dame-de-l’Assomption au fronton et retable baroques de Saint-Martin-Vésubie, ou la chapelle des Pénitents Blancs et son clocher à bulbe dans le vieux Roquebillière.

de moins en moins pratiqués. On constate toutefois que des

Pour pallier à une économie morose ne reposant plus que sur une

à droite :

échanges persistent avec les vallées environnantes, notamment

agriculture vivrière aux faibles rendements, et face aux calamités

Col de Tende dans la vallée de la Roya, vers 1855, dessiné et lithographié par Jacques Guiaud.

grâce l’architecture qui témoigne de l’influence italienne au XVIe

récurrentes dans la vallée (épidémies, glissements de terrain et 81

séismes, orages de grêle, incendies) qui détruisent récoltes et

Les suites de la Révolution Française formeront un épisode parti-

constructions, la population très pauvre trouve un soutien dans la

culièrement sanglant pour les vallées, notamment en Vésubie.

religion catholique.

Les années 1792 et 1793 opposeront en effet les troupes révolu-

Très pieux, ses habitants multiplient les constructions d’églises,

tionnaires françaises aux Barbets – des troupes civiles, issues

chapelles et monuments ; les cérémonies et processions revêtent

essentiellement du Haut-Pays, formées en milices – qui refusent

désormais une importance capitale au quotidien. Plusieurs

l’annexion du Comté par la France. Les batailles sont nombreuses,

confréries s’installent à partir du XIIIe siècle (Franciscains, Pénitents

les vengeances également, alors que l’armée officielle du Comté,

Blancs, Pénitents Noirs à Lantosque) et fondent de petits couvents,

sous dominance sarde a abdiqué dès les premiers temps du conflit.

qui partagent l’indigence de la vie paysanne alentours.

On retient notamment les exécutions sommaires commises contre

Au cours du XVIIe siècle, le Comté de Nice connaît de nombreux

des soldats français depuis le Saut des Français, sur la route de

conflits avec la France, dont il refuse la tutelle. Il faut noter en effet

Duranus, où plusieurs malheureux furent poussés dans le précipice.

l’occupation française en 1691 durant sept ans, puis la nouvelle

Cette période de troubles se poursuit jusqu’en 1814, à la chute de

occupation en 1706, qui destitue Nice de son rôle militaire en

l’Empire napoléonien, et au retour du Comté dans le giron italien.

détruisant la forteresse et les remparts. La guerre de 1744 à 1748, qui oppose à nouveau le Royaume de Sardaigne (Duché de Savoie rebaptisé en 1720) et la France, se déporte sur le Haut-Pays, conduisant aux pillage et saccage de nombreux villages.

Très marqué par l’histoire religieuse, Lantosque devient au IXe siècle fief de la puissante abbaye Saint Pons de Nice. Deux congrégations s’installent au XIIIe siècle : les Pénitents Blancs et les Pénitants Noirs, à qui l’on doit l’église Saint Sulpice dominant le village. Incendié en 1542 durant la guerre qui oppose le Duc de Savoie Charles III et le Roi de France François Ier, le village connaît par la suite de nombreux ravages : plusieurs tremblements de terres aux XVe, XVIe, XVIIe siècles et notamment ceux de 1556 et 1564, qui détruisent respectivement le hameau de Loda et le village entier

Retour à Lantosque

Attardons-nous, avant de poursuivre, sur le village de Lantosque, qui forme l’objet particulier de cette étude : celui-ci pourrait avoir été fondé après à la création de St-Colomban, au VIIe siècle au niveau de l’actuel hameau du Villars. La position actuelle aurait été choisie suite à un séisme dévastateur, vers 1150, détruisant une à droite : 46.

Village de Lantosque, formé autour de l’église Saint-Sulpice (style baroque, consacrée en 1666, clocher reconstruit à la fin du XIXe siècle).

ainsi que son église. Le village n’échappe pas aux deux épidémies de peste en 1590 et 1630. Il est pillé par les troupes de Louis XIV sous l’occupation de 1707 à 1713, subit par la suite l’occupation franco-espagnole entre 1744 et 1747, ainsi qu’à nouveau celle des Français révolutionnaires en 1792-1793. Le village, vivant essentiellement d’une agriculture de subsistance,

grande partie du village original. Les villageois se seraient ainsi

connaît son pic de population au milieu du XIXe siècle (2573

écartés de ce site dangereux, pour s’installer en contrebas, au

habitants en 1858), avant que ne débute l’exode rural dans les

confluent du Riou et de la Vésubie.

années suivantes. 83

Période récente

Au début du XIXe siècle, le climat politique s’apaise et l’économie reprend de la vigueur quand le Royaume de Sardaigne entreprend, à sa restauration en 1814, diverses actions de modernisation sur son territoire : sont notamment prises les premières mesures d’urbanisme et de développement du tourisme à Nice. L’amélioration des conditions climatiques et des températures plus clémentes, la paix relative, l’absence de catastrophe et les progrès techniques permettent à la vallée et son agriculture de redémarrer et de connaître une nouvelle prospérité. La population croît à nouveau, pour atteindre son apogée dans les années 1850. Sur la Côte d’Azur et autour de Nice, c’est l’explosion : la Riviera attire dans un premier temps de nombreux riches Anglais et Russes, venant profiter de la douceur du climat en hiver, Nice devient cité balnéaire de premier ordre et s’enrichit considérablement. Les montagnes, autrefois perçues comme des territoires terrifiants et

inhospitaliers, voient leur réputation bonifiée aux grandes heures

ci-contre :

de l’alpinisme et des excursions naturalistes. Les plus hauts sommets

Construction de la route de la Vésubie, vers 1900.

47.

sont vaincus, on réalise des aménagements pour rendre les beaux sites accessibles. Les bourgeois de Nice découvrent ainsi le Haut-Pays, les villages sont plébiscités pour leur charme rustique et la beauté de leurs paysages ; la Vésubie est alors désignée sous l’appellation de «Suisse niçoise». Ses visiteurs fuient la chaleur des plaines pour profiter de la fraîcheur des montagnes. L’engouement touristique s’intensifie à la fin du siècle : de riches demeures de villégiature colorées sont édifiées et bénéficient à l’artisanat local ; hôtels et restaurants voient le jour, les commerces se multiplient, on jouit des bienfaits du thermalisme et crée plusieurs centres d’accueil pour les colonies d’enfants. L’ouverture de la route par Plan-du-Var qui traverse les gorges en

renouveau pour l’exploitation forestière, au Tournairet et à Turini,

1896 et la construction du tramway en 1909 améliorent l’accès à

qui devient industrielle et exporte bois d’œuvre et de chauffe.

la vallée depuis Nice, et profitent au quotidien des habitants. Le tramway, à vapeur puis électrifié, permet de charrier matériaux et

à droite : 48.

Le réseau ferré au départ de Nice en 1925.

de l’élevage, la pomme de terre et les petits fruits. C’est aussi un

Cependant, la vie rurale reste très difficile. L’industrialisation de la

denrées de villages en villages. Les cultures de la Vésubie, toujours

Côte, la prospérité économique et un meilleur accès à l’éducation

produites sur les terrasses, s’exportent vers Nice : Utelle fournit les

convainquent de nombreux enfants du pays à abandonner le

produits de l’olive, Lantosque les céréales, Saint-Martin les produits

travail aux champs, éreintant, pour tenter leur chance dans la 85

plaine. L’exode rural se généralise en France et n’épargne pas

La Première Guerre Mondiale coûtera un lourd tribut aux familles

la Vésubie, qui voit sa population permanente continuellement

(76 morts à Lantosque), décimant des fratries entières. Entre deux

décroître à partir de 1860. Aggravée par les deux Guerres, qui font

guerres, puisque la vallée est un tronçon de la ligne Maginot (forts,

perdre de nombreux hommes aux villages, la situation des familles

casernes et pièces d’artillerie construits autour des années 1930),

paysannes se dégrade.

la militarisation de la zone profitera à l’économie en temps de paix autant qu’elle demandera un effort considérable lors de la Guerre de 1939-1945 (de lourdes réquisitions pour nourrir les soldats). Parallèlement, le tourisme estival de montagne s’essouffle, concurrencé par le tourisme balnéaire d’été sur les plages – qui se développe dans les années 1920 – suivi du tourisme de masse avec les congés payés de 1936. Le tourisme alpin d’hiver fait toutefois son apparition et tente de se déployer dans les vallées proches de Nice. À Valdeblore, au-dessus de Saint-Martin, la station de la Colmiane est équipée de remontées mécaniques modernes, sur le modèle des stations de Savoie et Haute Savoie. Le modèle économique des Alpes Maritimes proposant la plage en été et la neige en hiver est séduisant, mais échoue à équilibrer les deux activités. Le tourisme de masse s’installe durablement sur la

à gauche : Excursions routières & maritimes au Départ de Nice, plan édité par la Ville de Nice et son Syndicat d’Initiative en 1956.

49.

Côte d’Azur en été et dans les Alpes du nord en hiver, laissant la

Sans relancer l’économie agricole, en chute libre depuis l’après-

Vésubie de côté.

guerre, la motorisation permet une franche amélioration des

C’est ainsi qu’après-guerre, la vallée souffre toujours d’une grande

conditions de vie des habitants : elle facilite les déplacements et

pauvreté. Son agriculture montagnarde, incapable de rivaliser à

améliore l’accès à l’information, aux loisirs, aux soins et à la vie

l’heure du remembrement et de la mécanisation, périclite et retrouve

sociale. Le travail aux champs profite de l’arrivée de la motoculture,

sa fonction vivrière. La culture de céréales est abandonnée, ainsi

mais demeure très contraint par la difficulté d’accès aux parcelles

que l’exportation de fruits et légumes. Pour compenser la baisse

et l’étroitesse des planches. Le maintien en état des murs, l’irrigation

des productions, l’essentiel des marchandises sont désormais importées. Les Trente Glorieuses apportent malgré tout leur lot de progrès, et modernisent un mode de vie jusque-là très archaïque, notamment dans les hameaux. Les aides sociales améliorent l’accès aux soins, garantissent des soutiens financiers aux plus démunis, en particulier pour les aînés, qui peuvent compter sur de petites retraites et non plus sur leurs seules cultures et la solidarité locale pour vivre.

gravitaire, la dispersion et les petites dimensions des parcelles exigent toujours beaucoup d’énergie aux agriculteurs et seuls quelques producteurs vendent encore sur les marchés locaux. À partir des années 1970, les politiques agricoles misent sur l’élevage extensif dans les montagnes et le regroupement des cheptels en grands troupeaux. Une grande partie des exploitations se consacrent désormais à l’élevage ovin et bovin, destiné

Grâce aux campagnes publiques de construction des réseaux,

à la production de viande et produits laitiers. L’absence du loup,

les chemins de mulets sont remplacés par des routes goudronnées,

éradiqué en 1932, amène à déconsidérer la protection systéma-

on amène l’eau courante, l’électricité et le téléphone aux maisons

tique des troupeaux, et le métier de berger disparaît. Dans les

dans les années 1960.

hameaux, les habitants conservent leurs potagers à proximité des 87

maisons, et se maintient une activité de troc entre voisins, encore

à la rareté du foncier dans la zone littorale, qui sont à l’origine

très courante aujourd’hui.

d’un nouvel intérêt pour la vallée. La création du Parc National

Grâce à la démocratisation de l’automobile, une nouvelle catégorie

du Mercantour en 1979 ainsi que le regain d’intérêt en été pour

socioprofessionnelle grandit : celle des travailleurs des secteurs

les activités de montagne provoquent une affluence touris-

industriels et tertiaires. La voiture permet d’exercer une activité à

tique croissante. Dans le même temps, la génération ayant quitté

distance de la maison, voire de rejoindre les environs de Nice tous

la vallée durant les Trente Glorieuses reprend contact avec son

les matins. C’est alors que s’amorce le mouvement pendulaire des

pays d’origine, en particulier lorsque se présentent les nécessité de

autos dans la vallée, aux horaires de bureau, tel qu’il est obser-

successions : c’est l’ère de la multiplication des résidences secon-

vable dans toutes les agglomérations de France.

daires. De nombreux habitants de Nice rejoignent leur maison

Mais la situation des villages de Vésubie demeure préoccupante.

pour les week-ends et les vacances aux beaux jours, et contri-

La population restée vieillit, les jeunes générations abandonnent

buent à moderniser ou réhabiliter les constructions.

majoritairement la vie paysanne de leurs parents et quittent la

De nouveaux habitants, travaillant dans l’agglomération de Nice,

vallée. La Vésubie connaît son seuil démographique autour de

trouvent en Vésubie un compromis entre proximité domicile-travail

1980, avec selon les villages une population trois à quatre fois moins importante qu’au XIX siècle. Le nombre d’exploitations suit le même e

mouvement, agriculteurs et éleveurs à la retraite ne trouvant pas de repreneurs : le secteur est en pleine déprise. Dans les années 1980 et 1990 c’est à nouveau le tourisme, combiné 88

et coût du logement. Que ce soit pour les résidences secondaires ou le logement permanent, les hameaux sont privilégiés, proposant une plus grande accessibilité en voiture, des facilités de stationnement, des logements plus grands et disposant d’un jardin. Dans les vieux villages en revanche, de très nombreuses habita-

Ce repeuplement-fantôme, s’il est un moteur considérable pour l’économie des villages, n’est pas sans conséquence sur leur physionomie. La promotion de résidences secondaires, vides une grande partie de l’année, privilégie les secteurs les mieux exposés et les plus accessibles, soit en général les meilleures terres agricoles. Généralement non exploitées, leurs propriétaires saisissent l’occasion de les revendre au prix fort, mais dans le même temps condamnent leur vocation agricole. Les restanques, résultats de siècles de construction et d’entretien par les aînés, sont ainsi tions demeurent vacantes, souvent mal adaptées, et l’état des immeubles se dégrade peu à peu. Cette situation est toujours d’actualité aujourd’hui : on constate un solde migratoire positif, de l’ordre de 2 % par an, qui compense un

ci-dessus : 50.

Le mitage opéré à Valdeblore, autour du village, sur les terrains qui étaient autrefois des prés et champs.

souvent détruites pour la création de voies de dessertes et pour la constructions des maisons. S’en suit le mitage inévitable des paysages, qui contraste avec l’habitat traditionnellement groupé des villages et des hameaux. De plus, l’importation de codes architecturaux ineptes, trouvés

solde naturel encore négatif (dû au papy-boom et à l’exode rural

dans le folklore savoyard, impose la figure du chalet alpin lasuré

actif jusqu’à la fin des années 1970). Le taux de vacance dans les

en dépit de toutes les règles de construction et de composition

vieux village reste élevé, en revanche, la demande de résidences

traditionnelles des villages. À ce sujet il faut noter que les années

secondaires ne cesse d’augmenter, soutenue par les investisse-

1980 et 1990 ont été les plus virulentes, et les exemples visibles à

ments publics pour promouvoir le tourisme en Vésubie.

Roquebillière, Saint-Martin ou Voldeblore sont nombreux. Un 89

travail de sensibilisation et de formation a été mené notamment

à ce problème : jusqu’en 2011 avec la création de la Métropole de

par la Direction Départementale de l’Agriculture, dès 1977, pour que

Nice, elles avaient la responsabilité de l’urbanisme, et en parti-

ce genre d’artefacts ne se propagent pas plus.

culier d’accorder ou non les permis de construire. Certaines ont

La meilleure culture patrimoniale, le suivi des recommandations et l’instauration de réglementations d’urbanisme ont semble-t-il permis d’endiguer la mode du chalet alpin. Les constructions plus récentes – en tout cas les maisons – semblent respecter mieux les codes architecturaux à travers le choix de pentes de toit, proportions des constructions, matériaux de façade et de couverture. Toutefois le mitage des surfaces agricoles, lui, persiste et signe, au moment où un regain d’intérêt pour l’activité d’agriculteur se manifeste dans les Alpes Maritimes et en Vésubie. De jeunes agricul-

dement de VRD importants supportés par la collectivité, et sans se préoccuper des conséquences sur les paysages et la valeur patrimoniale de leur village. Au contraire, d’autres communes se sont opposées à la diffusion des résidences secondaires. Il en résulte un maintien plus prononcé de l’activité agricole et une plus grande disponibilité des terrains, permettant la création de nouvelles exploitations, ainsi qu’une relative pérennisation des paysages. À l’heure où sont écrites ces lignes, les documents réglementaires et les plans locaux d’urbanisme (PLU) de chaque village de la

teurs généralement étrangers à la vallée et désireux d’y démarrer

Vésubie sont en cours d’élaboration à la Métropole de Nice. La

une exploitation sont confrontés à la raréfaction et au renchéris-

préservation de l’intégrité des villages et la régulation du mitage

sement des terrains disponibles, ainsi qu’à la spéculation pour des

de leurs abords devraient être étudiés, mais à ce jour demeurent

terrains abandonnés, dont les propriétaires espèrent tirer de bons

en suspens.

prix à la revente pour construction. À ce sujet, les communes se distinguent nettement par leur réponse 90

clairement pris le parti du laisser-faire, en dépit de coûts de raccor-

En suspens également, le sort des habitations des centres-bourgs, dont les nombreux exemples en ruines menaçant de s’effondrer

mettent en évidence l’absence de projet et le manque de moyens pour intervenir. On touche ici du doigt les difficultés généralisées à tous les territoires ruraux de France, où l’on déplore les centresbourgs sinistrés et leur difficile reconversion. Le tourisme, dans les zones les plus fréquentées, est une solution qui permet de mettre en valeur les qualités patrimoniales des villages et d’engager les processus de rénovation architecturale lorsqu’ils sont suffisamment attractifs. Cela a habituellement pour conséquences l’augmentation substantielle de la fréquentation en période touristique, mais également le maintien dans un état figé – et inadapté – des centres-bourgs qui, une bonne partie de l’année, sont totalement déserts. L’enjeu est sans doute de repenser l’habitat des bourgs sans timidité pour qu’ils s’adaptent et soient concurrentiels avec les modes de vie actuels et futurs. À ce jour, la question est loin d’être résolue et demeure cruciale, mais devrait être considérée avec une grande attention en Vésubie.

À l’heure de la Vésubie agricole

Revenons à la période dont sont issues la majeure partie des struc-

Sans non plus d’inclination béate – puisque c’était avant tout une

tures paysagères aujourd’hui observables, c’est-à-dire le temps

vie de peine menée dans la plus grande modestie –, je présen-

d’économie agricole : où l’on exploitait les terrasses, où l’on habitait

terai ici les traits d’existences que l’on pouvait trouver à Lantosque

les villages dans une économie circulaire, où à la fois tout était

et dans ses hameaux, notamment à Pélasque Supérieur. Cette

produit et tout était consommé sur place. Situons cette période à

précision est importante, car, si une relative homogénéité de

la deuxième moitié du XIXe siècle, alors que le tourisme n’en est qu’à

fonctionnement demeurait d’un village à l’autre dans la vallée,

ses balbutiements et que la vallée fonctionne encore presque en

l’organisation de l’agriculture et l’architecture, entre autres

circuit fermé.

techniques, pouvaient, elles, varier sensiblement.

Sans tomber le moins du monde dans le «nostalgisme»

Alors : comment habite-t-on ici ?

nauséabond du c’était mieux avant, je crois nécessaire au lecteur, comme il l’a été pour moi-même, de bien se représenter le mode de vie qui était suivi ici, les difficultés quotidiennes qui étaient rencontrées, mais aussi l’ingéniosité dont ont faisait preuve pour les amoindrir, ainsi que la collectivité, qui avait un sens élémentaire et primordial. Je crois en effet qu’il y a à tirer de ces vies de montagne des conclusions qui entrent en résonance avec des préoccupaci-contre : 52.

Scène de village à la Bollène-Vésubie, vers 1900.

tions éminemment contemporaines.

C’est le temps de l’agriculture employant essentiellement énergies humaine et animale, des communications à pieds, à cheval pour les plus aisés, à dos de mulets pour le transport de marchandises. Dans tout le Comté, on parle le Nissart, une langue proche du Provençal, influencée par l’Italien et le Français. Aujourd’hui, seuls de rares anciens n’en maîtrisent plus le phrasé et les nuances. On trouvera dans les lignes qui suivent quelques mots du vocabulaire courant dans la langue autrefois parlée en Vésubie. 93

Album de famille

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Association Montagne et Traditions (AMONT) L’Amont est la plus ancienne association culturelle de Vésubie. Fondée en 1981, elle se donne la mission de promouvoir le patrimoine bâti et culturel de la vallée et du Haut-Pays niçois, son histoire et ses évolutions. Elle fut créée au départ pour la fondation du Musée des Traditions Vésubiennes à Saint-Martin-Vésubie, dans l’ancienne usine hydroélectrique dont elle a mené la restauration. Cette équipe de passionnés a la gestion du musée et organise depuis 25 ans, grâce à son Centre d’Études Vésubiennes, expositions, manifestations, ateliers avec le collège de Saint-Martin, rénovations, chantiers archéologiques, mène des recherches et édite régulièrement différents ouvrages. Auto-édités par les Éditions de l’Amont, ces ouvrages sont regroupés dans trois collections : Les Carnets de l’Amont (livrets illustrés sur les monuments du Haut-Pays), la revue annuelle Patrimoines du Haut-Pays (ouvrage scientifique regroupant les contributions des chercheurs de l’Amont et celles des universitaires associés), enfin la collection Racines du Haut-Pays (thèses et ouvrages de fond). Ils ont été une ressource très riche et précise sur l’histoire des villages et des habitants, sur la culture spécifique de la Vésubie. En particulier il faut citer les écrits scientifiques et les abondantes inteventions d’Éric Gili, historien, ainsi que les témoignages généreux d’Antonin Steve dans ses Contes et Légendes, qui permettent d’imaginer tous les aspects de la vie paysanne de la fin du XIXe siècle dans les environs de Pélasque.

Contact Musée de l’AMONT, Musée du Patrimoine du Haut-Pays Niçois - CERAMONT Zone du Pra d’Agout 06450 Saint-Martin Vésubie

La rencontre au mois de septembre avec Jean-Michel Sivirine a été l’occasion de visiter le Musée de Saint-Martin et de profiter de ses commentaires avisés sur l’historique du musée et de l’association, sur les évolutions des villages et des paysages. Grâce à lui, j’ai pu récupérer, parmi le fond de l’Amont et sa collection personnelle, de nombreuses photographies et cartes postales anciennes de la vallée. L’essentiel des illustrations anciennes de ce document sont à mettre à son crédit. Ces clichés m’ont permis la reconduction de certaines prises de vue, à un siècle d’intervalle jusqu’à aujourd’hui. La comparaison des clichés anciens et des nouveaux a rendu possible de mesurer l’évolution rapide des paysages de la vallée, en recoupant avec les clichés aériens de l’IGN, et de mettre en image le mode de vie traditionnel de la vallée, aujourd’hui disparu.

amont06vesubie@gmail.com tél : 06 16 21 11 22

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ci-contre : 95.

Village de Lantosque.

Architectures lantosquoises

Il faut reconnaître à l’architecture de la Vésubie, en dehors

de décorum, que l’architecture courante aura négligé, privilégiant

des édifices publics (église, mairie.…), une très grande sobriété

l’utilitaire à l’ornement ? Ces trois suppositions répondent sans

constructive et décorative. À Lantosque, le matériau de prédi-

doute chacune en partie à cette question de l’enduit. Il faut par

lection est la pierre, extraite à proximité, grossièrement équarrie sur

contre remarquer, puisque c’est à nouveau très visible à partir des

la face externe, et assemblée en moellons irréguliers sur mortier de

photographies anciennes, que l’essor de la villégiature en Vésubie

chaux mais, plus couramment, mortier de plâtre. C’est ce mortier,

s’est accompagnée de constructions de type niçois (arcades, baies

issu des filons de gypse qui affleurent à de nombreux endroits de

cintrées, etc.) aux façades systématiquement revêtues à la chaux

la commune, qui donne aux constructions, combiné à la teinte

colorée, et que cet usage de l’enduit s’est ensuite répandu sur les

jaunâtre de la pierre (grès ou calcaire, parfois gypse dur), cette

façades de nombreuses maisons de villages autrefois découvertes.

couleur rouge caractéristique et particulière en Vésubie – le mortier

Aujourd’hui, cet état mixte de façades enduites aux couleurs

de chaux blanchâtre étant privilégié dans les autres villages.

chaudes (rouge, ocre, jaune, crème) et de façades à l’appareil

Les façades semblent ne pas être toujours revêtues, comme en

visible, persiste dans les vieux villages, en particulier à Lantosque.

attestent les photographies anciennes. L’étaient-elles au départ

Le bourg principal est caractérisé par sa grande densité de maisons,

puis, n’ayant plus les moyens financiers de refaire régulièrement un

organisées de manière plus ou moins concentrique sur les flancs

badigeon, les aurait-on curées en laissant, bon an mal an, l’appareil

d’un promontoire et surmontées du clocher. Prenant assise direc-

soumis directement aux intempéries ? L’enduit était-il l’apanage

tement sur le rocher ou une plateforme incultivable, on préserve

des plus fortunés ? L’enduit était-il considéré comme seul élément

ainsi les meilleures terres pour l’agriculture et l’élevage, on dispose 109

110

sur place du matériau de construction et l’on peut s’affranchir de

aveugles et flanquées de contreforts. Dans le cas de Lantosque,

fondations. L’église occupe le point le plus haut du bourg. C’est

cela correspond moins à une précaution d’ordre militaire qu’à une

à ses abords que l’on peut observer au mieux les villages voisins,

habitude que l’on retrouve partout en pays provençal. En effet,

la rivière et la route. Les maisons sont très hautes et comportent

la période pacifique de construction du village (au milieu du XIIe

souvent trois ou quatre étages. Obligatoirement mitoyennes, elles

siècle) et l’isolement de la vallée concourent à négliger fortifications

sont entrecoupées de ruelles étroites pavées, de venelles abruptes

et ouvrages de défense, comme en témoignent l’épaisseur réduite

et d’escaliers, au-dessus desquels on aménage ponctuellement

des murs d’enceinte et le nombre d’ouvertures.

loggias en encorbellement et autres tunnels afin d’augmenter les surfaces de planchers, très réduites. Chaque maison occupe en effet rarement plus d’une quarantaine de mètres carrés au sol, et contient toutes les fonctions réservées au bétail, à l’habitation, à la préparation et au stockage de provisions.

ci-contre : 96.

Morceaux de gypse passés au feu : après cuisson le gypse est utilisé comme liant aux mortiers et aux enduits à la place de la chaux, ce qui leur confère la couleur orangée spécifique de Lantosque.

Le système constructif des maisons est varié et reprend les techniques de type provençal ou piémontais. On observe cependant très régulièrement à Lantosque, semble-t-il pour les constructions les moins anciennes, un système traditionnel spécifique très rationnel qui préfigure une forme de fonctionnalisme avant l’heure. Les

Les emplacements à la périphérie du village, surplombant le rocher

poutres des planchers reposent, grâce à des corbeaux de pierre

ou de petites restanques cultivées de jardins potagers, sont les

saillants ou le plus souvent fichés directement dans la maçon-

situations préférées, pour leur accès supplémentaires à la vue et à

nerie, sur des piliers massifs de 1.50 mètres à 2.50 mètres de largeur,

la lumière, ainsi qu’aux terrains attenant aux village. Leurs façades

reportés en façade. Ces piliers parcourent le bâtiment de bas en

continues forment l’enceinte du village dans sa constitution

haut, reposant sur une fondation chaînée, ou directement sur le

médiévale. Cette disposition est héritée de la vocation défensive

rocher, et forment la trame de base du calepinage des ouvertures.

de telles façades sur les villages fortifiés (castra), qui pouvaient être

On loge en effet linteaux, seuils et appuis de fenêtres indépen111

Niveau 4

Niveau 3

Niveau 2

Niveau 1

Maison de village Ă Villars-sur-Var

112

damment de la structure porteuse, puis on réalise le remplissage

pose le plus souvent des tomettes de terre cuite, ou bien on laisse

des vides avec le même appareil maçonné. Les ouvertures

la chape apparente dans les habitations plus modestes.

(fenestras) sont donc alignées sur la verticale et régulièrement

Pour les constructions à façade sur mur gouttereau, on réalise

espacées à une distance entre axes de 2.50 mètres à 3.00 mètres.

une couverture à deux pans supportée par une charpente à

Leur proportion est verticale, proche d’un rapport de un pour deux.

chandelle (fermes traditionnelles à entrait, arbalétriers symétriques

Les ouvertures sont ornées d’un encadrement rechampi stuqué

et poinçon reposant sur les piliers périphériques). Pour les construc-

(poudre de pierre et chaux grasse) blanc, et sont accompagnées

tions à façade sur pignon ou pour les toitures plus simples, on

de volets battants à persiennes et jalousies (petit battant vertical),

réalise une charpente rustique dite méditerranéenne, sans ferme,

typiques de la région de Nice.

où des poutres de forte section reposent de mur à mur sur les piliers

Les murs gouttereaux sont le plus souvent en façade (faîtage parallèle à la rue) et les murs pignons sont alors pleins, mais le même système constructif peut être employé lorsque le mur pignon forme la façade (faîtage perpendiculaire à la rue), le mur gouttereau étant de fait plein.

ci-contre : 97.

Coupe, façade et plans de niveau d’une maison de village à Villars-sur-Var, comparable dans son organisation et son architecture aux maisons de Lantosque (tirés de l’Architecture Rurale Française : Comté de Nice, 1982).

et soutiennent la toiture. La couverture de tuile (tèule) canal est réalisée sur pannes horizontales et un voligeage de planches plus ou moins jointives, sans génoise, avec une pente comprise entre 22 et 26 degrés. La maison de village typique se compose donc ainsi : -- au rez-de-chaussée, sous moins de 2,30 mètres de plafond, et

L’organisation intérieure est également indépendante de la

préférablement à un niveau inférieur lorsqu’un accès extérieur

structure, et un cloisonnement est monté en colombage à pans

au village est possible, on trouve l’étable ou l’écurie (estable ou

de bois garni de torchis à la chaux ou au plâtre. Sur des planchers classiques alourdis d’une chape de chaux ou de plâtre bâtard, on

escudarìa). Sont logés quelques animaux parmi ânes, bœufs ou mulets – rarement chevaux réservés au voyageurs –, qui aident au convoi des marchandises. On limite leur nombre 113

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à moins de deux ou trois par habitation, pour l’hygiène et la

son presbytère. Au niveau de la rivière (rivièra) ou reliés à un canal,

sécurité, compte tenu de l’exiguïté du village.

sont actionnés grâce à la force motrice de l’eau la forge à martinet

-- au niveau intermédiaire, souvent double, on tient l’habitation, rejointe par un escalier intérieur : une pièce commune (couhina) servant de cuisine avec un foyer (camin à fuèc) ou

En dehors du bourg principal, l’habitat est organisé soit en

une table (taulié) et ses chaises (cadièra). La pièce commune

hameaux groupés soit sur un réseau lâche de maisons-fermes

deux lits de paille (lièch, gaï). Certaines maisons arborent une galerie couverte à balustrade en bois mouluré, ou un petit balcon lorsque le recul est suffisant, par exemple si la façade donne sur une place du village. -- au niveau supérieur, on trouve le grenier (galetas), parfois double, ouvert au vent et servant principalement de séchoir à fruits (sécadou, souleàire), notamment les châtaignes (castagnas).

Détails du village de Lantosque.

dispersées, complétés des constructions d’alpage pour les bergers à la belle saison. Le hameau groupé (casage) reprend l’organisation du bourg principal et s’organise sur un ou deux côtés du chemin d’accès. Les maisons sont tantôt alignées en chapelet (La Vilette, Les Clapières), tantôt amalgamées en gradins (Camari, Saint Georges).

On y stocke également le minimum de fourrage (fen) pour les

On ne compte pas plus d’une dizaine de maisons, plus imposantes

animaux – l’essentiel de la production étant gardée à l’exté-

que celles du bourg mais en reprenant la typologie. Ce sont en

rieur du village, pour prévenir le risque d’incendie (incendi, fuec)

effet souvent des demeures plus riches, de plus grande surface,

fort redouté.

98.

foulons et autres battoirs pour le chanvre et les tissus.

un poêle (pouòl), une pierre d’évier (aiguié), un seau (bidola) dessert les chambres (cambras), comportant chacune un ou

ci-contre :

(forja), la scierie (serrà), les moulins (moulin) à huile ou à farine, les

profitant d’un meilleur accès au soleil – grâce aux emplacements

Mêlés aux maisons, ou à distance réduite du village, on trouve

plus élevés – et d’un accès direct aux terrains cultivés. Ces maisons

les bâtiments d’utilité commune : le four à pain collectif (fourn), le

regroupent parfois plusieurs logements, jusqu’à quatre lorsque

lavoir (pesquié), la mairie (merià), l’école (escola), l’église (glèia) et

l’habitation est sur deux niveaux (voir exemple de Pélasque). 115

Maison à Pélasque

ci-contre : 99.

Coupe, axonométrie, élévation, et plans de niveau d’une maison-ferme à Pélasque, abritant quatre logements (tirés de l’Architecture Rurale Française : Comté de Nice, 1982).

Les étables occupent le niveau inférieur, ainsi qu’une ou plusieurs

niveau repose sur le même système constructif associant piliers et

caves voûtés destinées à la maturation des fromages, tandis que

remplissage en maçonnerie. Elle est constituée d’une charpente

chaque logement dispose le plus souvent de son entrée privative.

méditerranéenne et est couverte de tuiles canal ou de chaumes

Les étages d’habitation sont alors formés sur un module qui peut

de seigle. Dans le cas du chaume, les gluis (les bottes de seigle)

être doublé symétriquement par rapport à un mur de refend ou

sont maintenus par un système de liens associant seigle torsadé

une cloison, composé d’une pièce à vivre et de deux chambres

et branches de saule croisées. Les granges peuvent être accom-

juxtaposées. Il se peut qu’elles intègrent, en plus des fonctions

pagnées de petites constructions rudimentaires, qui reprennent le

d’habitation, certaines fonctions d’usage collectif au village, telles

principe des granges mais sur un plan carré d’environ trois mètres

que four à pain et pressoir à fruits. Leur usage est alors réservé à

de côté, et construites en pierre sèche. Il s’agit de séchoirs destinés

ses seuls habitants lorsque l’accès se fait depuis la maison, mais

aux fruits (secadoù), notamment aux figues. À partir des années

peut être collectif lorsque, par exemple, le four dispose de plusieurs

1960, toutes les toitures de chaumes sont remplacées par de la tôle

corps dont un est accessible à l’extérieur.

ondulée, plus durable et plus simple à mettre en œuvre

Plusieurs granges (grangias) accompagnent le hameau, construites

En dehors des hameaux groupés, des maisons-fermes forment un

en maçonnerie sur un plan rectangulaire d’une cinquantaine de

maillage de constructions dispersées, voire isolées. Ces maisons sont

mètres carrés. Ces constructions assez simples ont deux niveaux

disposées au milieu des terrains cultivés, reliées les unes aux autres

disposés dans la pente, par lesquels on accède aux pignons

par un réseau de chemins de mulets. Reprenant le type constructif

soit par le bas pour l’étable fermée par une porte, soit par le haut

des maisons de hameaux groupés, elles sont parfois construites

pour le fenil, ouvert au vent et séparé du niveau inférieur par un

sur la base d’un module composé d’une pièce commune et deux

plancher. La toiture à deux pans transversaux aux courbes de

chambres, puis, par l’ajout d’un module supplémentaire, agrandies 117

Réalisation d’une toiture en chaume de seigle (Vésubie)

Grange à Belvédère

118

Intérieur d’un abri de berger à la Brigue (vallée de la Roya)

successivement pour loger les enfants lorsqu’ils fondent une famille.

est construit des bâtiments de la bergerie (jassaria) : une ou deux

La maison-vieille de Pélasque Supérieur a ainsi été agrandie

vacheries, (vacaria) destinées à abriter vaches et moutons, une

deux fois, comprenant à terme quatre logements. À nouveau, ces

fromagerie (froumagerìa) associée à une ou plusieurs caves (crota),

maisons-fermes sont accompagnées de granges et séchoirs.

l’abri (cabana, jas, jassa) du berger (patre).

Hameaux et maisons-fermes isolées, ainsi que les planches de

À cette altitude et compte-tenu des ressources différentes, les

culture, occupent vallons et versants depuis la rivière (400 mètres)

techniques constructives sont différentes de celles présentes au

jusqu’à environ 1000 mètres d’altitude. Au delà, le climat d’hiver

village, au profit du bois de mélèze. Pour toutes les constructions,

souvent accompagné de neige et de froid rend difficile l’habi-

on réalise un soubassement en pierre – sèche pour les granges,

tation à l’année, bien qu’elle soit pratiquée au delà de 1200 mètres

maçonnée pour les autres fonctions – qui accueille, parfois à demi

dans les villages situés plus à l’amont. À Lantosque, les sommets et

enterrée, la fonction principale (étable, fromagerie, cave, logement).

les espaces supérieurs sont dédiés au pâturage des bêtes, à la

Ce premier niveau est couvert d’une voûte pour les caves, partiel-

production de fourrage et, ponctuellement, à la culture de céréales

lement ou totalement couvert d’un plancher pour les autres

de dernier recours. Sur ces terrains pauvres et frais, les rendement

bâtiments. Les combles, accessibles par l’extérieur dans la pente,

médiocres permettent une petite production de subsistance face

ou par l’intérieur lorsque celui-ci forme une mezzanine, servent de

aux fléaux qui peuvent toucher les cultures régulières, tels que

grenier à vivres et de fenil pour les bêtes. Les pignons à hauteur de

la sécheresse ou la grêle qui provoquent la perte des récoltes. À

combles sont clos par un bardage vertical de planches de mélèze.

nouveau, les prés sont accompagnés de granges pour le fourrage. ci-contre : 100.

Illustrations d’une bergerie et d’une grange (tirées de l’Architecture Rurale Française : Comté de Nice, 1982).

La charpente plus ou moins rudimentaire soutient une toiture à

Plus en altitude, on trouvera l’alpage destinés à l’estive du cheptel

deux pans couverte par de longs bardeaux de mélèze refendu,

communal. Situé à plusieurs heures de marche du village, l’alpage

selon une pente comprise entre 45 et 60 degrés. 119

120

Cultiver les pentes

À Lantosque, on construit en moellons de grès ou de calcaire,

niveau de la route – qui n’est encore qu’un chemin de terre – ce

plus rarement de gypse, extraits sur place, montés au mortier de

sont les vignes (vignas), montées sur des treilles de châtaignier

gypse pour les maisons, en pierre sèche pour les granges et les

comme on peut en voir en Italie. Les oliviers (óuliviés) descendent

restanques. Au bas du village, scieries, forges et moulins marchent

aussi jusqu’ici, plantés, tout comme les ceps de vignes, juste à

à la force motrice de l’eau de la rivière ou de canaux au Rivet, au

l’aplomb des murs irréguliers (bancaous ou aberge) de pierre

Suquet, au Pivol…

sèche, qui soutiennent les restanques. Tout autour du village,

Au village, les champs les plus profonds et les prés les plus riches

leurs touffes grisâtres ponctuent régulièrement le versant sur une

se situent près de la vésubie, parfois sur des îles, de préférence

hauteur impressionnante.

sur l’adret, c’est-à-dire le versant exposé plein sud face au soleil.

La montagne est striée de ces terrasses à perte de vue. Les planches,

Le ruissellement emportant irrémédiablement les argiles et les

profondes de quelques mètres seulement, rarement plus de trois

oligoéléments vers les points bas, on y mène les cultures les plus

ou quatre, sont semées de céréales, communément désignées

gourmandes que sont les légumes et les fruits, parfois des céréales,

sous le terme générique de blé (gran ou blad). Reportés au bord

et c’est ici que les récoles sont les plus abondantes. Les bêtes

de la planche, les arbres laissent le passage au cheval Mérens ou

pâturent dans des prés-vergers jalonnés d’arbres fruitiers : pomme

au bœuf qui tire le soc, dirigé par l’agriculteur qui trace le sillon.

(poum), poire (pèra), coing (coudoun), prune (afatou), châtaigne (castagna), etc. 101.

ci-contre : Village de Lantosque, vers 1930.

Sur le même versant juste au-dessus, c’est-à-dire rejoignant le

À Lantosque, on cultive surtout le seigle (sègue), pour le pain (pan), ainsi que pour le chaume (coust), dont on couvre le toit des plus petits édifices. De-ci de-là, une petite grange de pierres (grangia ou 121

122

oustaou) ou de planches (butièra) se dresse sur peu de hauteur, pour y stocker outils et foin à proximité du champ. On limite ainsi les allers-retours avec le village ou la maison, très éprouvants à cause de la déclivité à franchir, les pentes sont en effet très prononcées et les chemins irréguliers. D’un niveau à l’autre, un petit escalier fait de pierres en console, fichées profondément dans le mur, permet de rejoindre la planche suivante (faissa). À partir de la route qui parcourt la vallée le long de la Vésubie, des chemins plus ou moins larges amènent aux hameaux. Depuis le village de Lantosque, un chemin rejoint le hameau de Saint-

le climat est assez doux, pour peu que l’on soit à l’adret. Les gelées

Georges, duquel on rejoint Pélasque ou Pélasque Supérieur, par

d’hiver ne sont pas fréquentes et l’air réchauffé par le soleil remonte

un sentier de mulet qui offre une vue spectaculaire sur la vallée.

vite le long des versants.

C’est, avant de rejoindre Pélasque Supérieur, aux environs de ci-contre : 102.

Cadastre napoléonien recollé, village de Lantosque aux abords de la Vésubie, vers 18001814 (plusieurs sections manquantes). On voit nettement l’importance des cultures, qui occupaient tous les terrains fertiles et bien exposés.

à droite : 103.

Vue de la vallée cultivée à l’aval de Lantosque, depuis le chemin du Tournairet en direction du Fourcat, vers 1920.

Saint-Georges que l’on trouve les derniers oliviers, soit autour de 700 mètres d’altitude. On surplombe alors le premier étage des cultures, où la moindre surface de terre arable est cultivée. Seuls espaces négligés, les pierriers (clapiés), les zones où la roche

Pour assurer l’irrigation durant l’été, des canaux branché sur de lointaines sources permettent d’apporter l’eau au plus près des planches cultivées. Leur construction et l’entretien sont partagés entre tous les utilisateurs qui disposent d’un droit de canal. Au

affleure, notamment les bancs de gypse où ne poussent qu’une

début de la saison lors de la remise en eau, tous les proprié-

pauvre garrigue (genévriers, buis, cotinus). Jusqu’à cette altitude,

taires de prés et champs remontent ensemble le lit du canal pour 123

124

curer les branchages et les mottes effondrées. Ils remontent les

Sur les versants opposés par rapport à la Vésubie, exposés au

parois effondrées et refont la prise d’eau afin que le canal assure

nord (à l’ubac), le manque de soleil et l’humidité plus forte rendent

son office sans encombre durant toute la saison. Le droit d’eau

plus difficiles les cultures et amoindrissent les récoltes. Des parcelles

est évalué au prorata des jours de travail fournis par chacun à

sont pourtant aménagées et quelques fermes modestes y sont

l’entretien du canal, ou par le paiement d’une somme correspon-

installées. Mais la plupart de ces surfaces mal exposées sont

dante. La «tournée» de l’eau réglemente l’utilisation de l’eau pour

dévolues au pâturage. La montagne, que l’on voit aujourd’hui

les propriétaires, selon un roulement qui court généralement sur

couverte de résineux de la base au sommet, est en effet en ce

une semaine, et qui donne droit, à jour et heure fixes, à l’utilisation

temps-là totalement défrichée pour qu’y paissent brebis et vaches.

de l’eau pour ses parcelles. Les propriétaires ayant chacun droit

À l’étage supérieur, entre 700 et 1000 mètres, on trouve les hameaux

à tant d’heures tel ou tel jour s’organisent pour «faire tourner»

les plus épars, constitués de seulement cinq ou six maisons-fermes

l’eau de parcelles en parcelles au moyen de bouchons de terre,

disséminées parmi leurs cultures. À cette altitude l’olivier ne survivant

qui agissent comme des vannes que l’on ouvre d’un coup de

pas, les fermes disposent de parcelles éloignées qui permettent de

houe. Parfois, lorsque le nombre de parcelles est très important la

cultiver et de produire l’huile, indispensable au quotidien. En effet,

tournée est réalisée par un ou deux arroseurs-suiveurs, payés par

l’électricité n’arrivant pas dans les hameaux les plus reculés avant

les propriétaires, qui le chargent d’ouvrir aux bonnes heures du

les années 1960, l’huile d’olive est la principale source de lumière

jour et de la nuit l’arrivée d’eau à chacun lorsque vient son tour. Le

disponible. L’énergie électrique commence à être déployée au

suiveur est rémunéré pour son travail et invité à partager le repas

village avec la construction du tramway, on utilise également

de la famille du propriétaire chez qui il se trouve lorsque le soleil se

les lampes à pétrole plus performantes, mais elles demeurent

lève, à midi et au crépuscule.

réservées aux familles les plus aisées. C’est donc la lampe à huile,

ou grillées, forment avec le seigle et les fromages la base de la nourriture quotidienne. Une parcelle basse sera destinée à l’olivier et quelques vignes, tandis que d’autres fourniront le fourrage pour les bêtes en hiver. Avec le raisin, on produit le vin léger bu tous les jours aux repas et aux champs. Les fruits sont consommés directement ou séchés pour agrémenter les repas durant l’hiver, et l’on en réservera un volume que le bouilleur de crus ou un alambic moins officiel transformeront en marcs et autres liqueurs. La partie des fruits de moindre qualité petit récipient de fer dont sort une mèche allumée, qui fournit une

et la plupart des déchets reviennent aux cochons. Le surplus des

faible lueur lorsque le soleil est couché pour les familles pauvres

bonnes récoltes est parfois descendu au village ou apporté aux

des hauteurs.

hameaux voisins, à dos de mulets, en échange d’autres produits

Les propriétés sont éclatées en de nombreuses parcelles, dont

104.

à droite : Le mulet est utilisé pour le transport de marchandises entre les hameaux et le village (Belvédère, vers 1920).

ou contre un peu d’argent.

l’exploitation différenciée permet de subvenir à toutes les néces-

Enfin on disposera de parcelles forestières, parfois loin de la maison,

sités. Les terres les plus proches de la ferme sont celles cultivées

pour fournir le bois d’œuvre et assurer le chauffage. Parfois, on

de légumes et de céréales. Un peu plus loin, on disposera de prés

profite d’un filon parcourant un terrain pour extraire le gypse et

pour les animaux, de champs de lin et de chanvre pour les tissus et

les blocs pour la construction des bâtiments. Le gypse, destiné à la

les cordes, de vergers plantés de châtaigniers, de pruniers, poiriers,

fabrication du plâtre et des mortiers, est cuit dans un four rudimen-

pommiers. Les châtaignes, réduites en farine, cuisinées en soupe

taire constitué d’un trou dans le sol couvert d’une voûte en pierres, 125

dans lequel le minéral sera maintenu au feu pendant deux jours. Virant au rouge une fois cuit, il est ensuite battu à l’aide d’un gros maillet pour le réduire en poudre. Les restanques sont elles construites avec les pierres trouvées sur place, écartées de la terre arable lors de la construction et à l’usage. La gestion des troupeaux est intéressante pour ses différences entre hiver et été. En hiver, les bêtes de chaque propriétaire paissent sur ses terrains, à plus ou moins grande distance de la ferme, où sont construites une ou deux granges – souvent par paires – pour que les bêtes puissent s’abriter le soir, et pour le stockage du fourrage. Chaque troupeau est alors composé de quelques vaches, chèvres et brebis, que le propriétaire entretient pour les produits laitiers et les lainages que l’on fabrique pour les besoins de la famille. La traite des vaches, permet de produire le lait (lach), la crème (cremà) et le beurre (burre), et surtout le fromage (froumai, chastre). On fabrique trois types de fromage, réalisés le plus souvent dans la cuisine : la tomme (tóma ou toumèta), issue d’une première cuisson du lait auquel on aura soustrait la crème. On moule et égoutte le 126

ci-contre : Homme préparant le fromage sur le poêle de la cuisine comme on pouvait le voir en Vésubie (à Sauze-Vieux-la-Vigière en 1982).

105.

caillé (càiet) dans des formes en bois qu’on frottera au sel et laissera

aux différents propriétaires. Deux pesées de lait dans le courant

maturer plusieurs semaines. Une deuxième cuisson permet la réali-

de l’été permettent de définir la part de chacun, en fonction de la

sation de la brousse (broussa), une sorte de fromage frais. Enfin, une

production de ses bêtes.

troisième cuisson avec le liquide donnera le brousse, une spécialité très locale fabriquée avec le caillé de la troisième cuisson, mêlé à du vinaigre et laissé fermenté plusieurs semaines, voire plusieurs mois pour un goût très prononcé. Les fromages sont réalisés par la famille, sur le foyer de la cuisine, avec les ustensiles courants : quelques seaux, un chaudron (paióu), des faisselles en terre cuite ou en vannerie et des claies de séchage dans la cave.

Les foins, tout comme les moissons des céréales, sont faits en communauté. Autour de la fin mai lorsque les prés à fourrage sont hauts, l’association des propriétaires de prés tourne de parcelle en parcelle pour la première coupe, qui fournira la plus grande partie du fourrage pour l’hiver. Les hommes travaillent ensemble à la faux (dai), lorsque le temps est au plus sec et permettra de sécher le foin sur place. Une fois bien sec après plusieurs jours à l’air, le foin est

Pour l’été, les troupeaux sont regroupés pour former un grand

rassemblé à la fourche (fourca) et au râteau (rastèou) puis disposé

cheptel, mené en transhumance vers l’alpage communal. À travers

dans un grand tissus noué (tende, lansoulas) ou un filet de corde

les chemins, les bêtes sont menées en estive par les propriétaires et

tenu par deux grandes perches (berihoun) que l’on transporte sur

un ou des bergers. Les propriétaires, à tour de rôle durant la saison

le haut du dos. Le foin est ensuite entreposé dans le fenil à l’étage

assureront la surveillance des troupeaux à la bergerie, parfois

de la grange la plus proche et sera passé dans l’étable au niveau

aidés ou remplacés par un ou des bergers contractuels. C’est le

inférieur dans la crèche pour les bêtes directement via une trappe

surveillant du troupeau qui assure alors la fabrication des fromages.

(tromba) ménagée dans le plancher. On procède à une deuxième

Une répartition est convenue oralement pour déterminer la part

coupe à la fin août lorsque le regain est suffisant, et parfois à une

qui revient au façonnier en guise de salaire, et la part revenant

troisième dans le courant de l’automne si le temps le permet. 127

aqueduc à Roquebillière

canal d’irrigation du Farguet à Lantosque

canaux d’irrigation autour de Pélasque

128

canaux d’irrigation autour de Roquebillière et Belvédère

canal du Farguet, partiellement à l’air libre

Abreuver la montagne

Parmi tous les dispositifs employés pour l’agriculture, le système d’irrigation est l’un des plus sophistiqués. Construit sur un mode gravitaire, il se compose d’un réseau hiérarchisé de conduites : -- un captage est réalisé en amont des terrains sur une source de débit suffisant. Ce captage est parfois à grande distance des cultures (par exemple à Pélasque Supérieur, le canal de la Cerisière prend sa source aux Granges de la Brasque, à quatre heures de marche)

ci-contre : 106.

Les systèmes d’irrigation repérés grâce aux données SIG et les éléments visibles de ces systèmes lors de visites : le canal général, qui peut être connecté à une source à plusieurs kilomètres de sa destination emprunte différents ouvrages pour passer les obstacles. À l’origine de simples rigoles en pierres étanchées à l’argile ou en terre cuite, la plupart des canaux, par souci d’entretien, ont été busés dans les dernières décennies. Au niveau des parcelles, un jeu de conduites, rigoles, vannes et bouchons permet de diriger l’eau auprès des plantations.

à droite : 107.

Une rigole encore visible au pied d’un mur. On ménage régulièrement des brèches qui irriguent la planche en peigne.

-- un aqueduc est construit pour amener l’eau aux planches les plus élevées. À l’origine simple rigole étanchée à l’argile, il est ensuite construit au moyen de tronçons de terre cuite. Pour franchir les obstacles, des ouvrages parfois importants sont réalisés (aqueducs maçonnés). Aujourd’hui, les canaux encore en activité ont été pour la plupart busés dans des conduites fermées, afin d’en limiter l’entretien. Les canaux ouverts demandaient en effet beaucoup de soin pour, au printemps avant la remise en eau, curer les feuilles et branches qui pouvaient l’obstruer et en reconstruire les parties abîmées -- branchés directement sur l’aqueduc par des vannes rudimentaires, plusieurs vallons successifs permettent de libérer l’eau dans la pente en direction des planches inférieures

-- depuis les vallons, un second jeu de vannes permet de diriger l’eau vers les terres d’un propriétaire ou d’un autre -- chaque propriétaire construit sur ses terrains un réseau de rigoles et de conduites souterraines pour diriger l’eau sur des planches précises, en éviter certaines, etc. -- enfin, chaque planche dispose d’une rigole au pied du mur qui la surplombe, réalisée par une simple butte de terre linéaire à une vingtaine de centimètres du mur. Régulièrement, un coup d’outil dans la butte ménage à l’eau un passage qui ruisselle ensuite au pied des cultures. L’eau arrosera les plantations et s’infiltrera dans la terre, avant de percoler à travers le mur inférieur et sera recueillie dans la rigole de la planche du dessous, etc. 129

130

Travaux de pierre et de paille « J’ai bien observé ces matériaux, aucune scie ne peut les attraper et, sous l’outil, ils éclatent comme du mauvais verre. Nous en ferons quelque chose. Fraîchement taillée, la pierre est claire, chaude, ocre jaune, avec le temps elle deviendra grise et dorée. La lumière semble y déposer tour à tour les couleurs du prisme, gris composé, imprégné de soleil. Les blocs bruts arrachés au sol, calibrés et burinés, deviennent matériaux nobles ; chaque coup, chaque éclat apparent, sont témoins de l’énergie et de la persévérance. » Fernand Pouillon, Les Pierres Sauvages, 1964. Avec Mathilde, J-P et Andréas, nous nous sommes retrouvés à Pélasque Supérieur chez Yana et Olivier pour la reconstruction d’un mur de soutènement en pierre sèche écroulé. Durant une semaine, nous avons expérimenté cette technique traditionnelle sans mortier, fort durable lorsqu’elle est bien exécutée, c’est-à-dire lorsqu’elle respecte les principes simples qui en assurent la solidité :

ci-contre : 108.

Instants de chantier, lors de la reconstruction du mur de soutènement en juillet 2016 à Pélasque Supérieur. À trois endroits, le mur en partie effondré a été remonté avec la technique de la pierre sèche, sur les conseils d’Olivier. Colonne de droite : les foins de la deuxième coupe, à la fin août. Séchés en andains au soleil, ils sont transportés dans une tende pour leur entreposage (Olivier à la manœuvre avec la tende).

• pour du soutènement, il est nécessaire de respecter un fruit de l’ordre de 5 à 10 % de la hauteur, indiqué par le positionnement d’un cordeau • le profil général du mur sera élargi à la base, pour assurer son maintien face à la poussée horizontale de la terre. L’épaisseur décroît à mesure que l’on monte, et le rapport entre l’épaisseur et la hauteur sera compris entre un pour deux et un pour trois. De gros blocs fondés dans la terre ancrent la base et permettent de monter le premier lit. • les blocs sont disposés sur deux parements : le parement extérieur, qui constitue la façade du mur et que l’on tâchera de garder régulier, et le parement intérieur, plus grossier, qui assure le blocage des pierres. Quel que soit le parement, chaque bloc est disposé de manière à ce que sa face supérieure soit systématiquement inclinée vers le talus. On procède par lits successifs plus ou moins horizontaux, et la surface de chaque lit doit également former une pente vers le talus, du parement extérieur vers le parement intérieur. On renforcera la cohésion dans l’épaisseur en disposant des pierres longues en boutisses. Ces trois principes, apparemment simples, constituent toute la technique du montage du mur, qui, s’il est bien monté, doit pouvoir tenir plusieurs siècles avant reconstruction. C’est la porosité du mur et le drainage des eaux vers l’arrière grâce à la pente des blocs qui assurent sa résistance dans le temps, en divisant par trois la poussée horizontale de l’eau par rapport à un mur plein.

131

132

De la ruralité organisée à l’abandon des paysages

À la vue du panorama pittoresque qui s’offre à nous lorsque l’on

pente d’une manière un peu trop régulière, et forment des lignes

demeure à Pélasque, la permanence des terrasses et les vertes

qui longent les courbes de niveaux.

montagnes semblent une évidence, comme si ce paysage avait

C’est en arpentant les chemins forestiers que l’on prend conscience

toujours été là et allait perdurer. C’est oublier la composante temps

de l’ampleur des transformations : les terrasses recouvrent la majeure

dans ce paysage, bien trop lent pour qu’on remarque ses évolu-

partie de la rive droite de la Vésubie, et tout cet horizon couvert

tions au jour le jour, et pourtant capable de profonds change-

était autrefois cultivé. Émergent seulement de ces bois jeunes les

ments à l’échelle de la décennie. En attestent les photogra-

châtaigniers pluricentenaires, sages fatigués et déplumés aux

phies aériennes, les cartes postales et les dires des anciens, qui expliquent comme toute la montagne était nue, nappée de cette multitude de stries horizontales, et comme le travail de l’homme en avait façonné les pentes, cela de la rivière jusqu’aux sommets. Les versants terrassés sont à présent partiellement, voire totalement ci-contre : 109.

Saint-Martin-Vésubie, vers 1910.

à droite : 110.

Route forestière (construite en 1994-1996) au-dessus de Pélasque Supérieur en allant vers Rastuna, où deux immenses châtaigniers bordent le chemin parmi les pins sylvestres.

immergés sous les bois, apparus et consolidés en moins de soixante ans. En résulte une image de montagnes vertes et couvertes. En y regardant de plus près, lorsque le soleil tombe et que les rayons rasent les cimes, celles-ci semblent en effet s’échelonner dans la 133

134

troncs colossaux. Ils sont la preuve de l’ampleur des espaces agricoles d’autrefois, comme l’indique leur ramure à la naissance bien trop basse pour des arbres de forêt. En chemin toujours, on croise des chênes taillés en émondes, des cerisiers rendus à la vie sauvage et des buis alignés, qui ont pu être plantés là par les hommes pour la façon des outils. On rencontre aussi des constructions ruinées, quasiment rendues à la terre, groupées par deux ou trois, qui devaient former autrefois une ferme isolée ou un groupe de granges. La photographie aérienne est éloquente : les environs de Pélasque, complètement découverts en 1945, sont aujourd’hui couverts aux trois quarts. Ne se démarquent plus des forêts que les quelques

ci-contre : 111.

Un châtaignier vieux de plusieurs siècles, dernier vestige de terrains cultivés (planches de céréales ou vergers) en bordure d’un chemin entre La Clua et le Farguet.

à droite : 112.

Éboulements dans les ravins de Cialancia, Saint-Sauveur-sur-Tinée, 1888 (photographie du Fonds des Eaux et Forêts).

extensif en alpage ou l’exploitation du bois ont mené à découvrir

clairières encore pâturées comme celle de Pélasque Supérieur.

de grandes partie des versants. L’accroissement de la population,

Cette situation résulte de campagnes de plantations réalisées dès

provoquant la multiplication des terrains cultivés et l’extension

le début du XXe siècle, ainsi que de l’abandon successif des terrains

des alpages, ainsi qu’une surexploitation du bois, ont maintenu

d’alpage, puis des terrains de culture durant l’exode rural.

ces espaces ouverts, comme en attestent les photographies

À la toute fin du XIXe siècle en effet, l’Administration des Eaux et Forêts

anciennes. Afin de limiter les pénuries pour les décennies à venir et

constate le dénuement généralisé des montagnes françaises,

la dégradation des sols – l’absence de couvert favorisant mouve-

notamment dans les Alpes où le défrichement massif pour l’élevage

ments de terrain et ruissellement des eaux –, les Eaux et Forêts ont 135

Lantosque village

Pélasque Supérieur

ci-contre : Autour de Lantosque, espaces ouverts et semiouverts manifestement dévolus à l’agriculture en 1945. Selon l’altitude, on retrouve : oliveraies, maraîchage, céréalicultures, vergers, châtaigneraies, prairies à foin, pâturages. En orange, les innombrables terrasses de pierre sèche, technique employée en Vésubie depuis l’Antiquité.

136

113.

Lantosque village

Pélasque Supérieur

ci-contre : 114.

Une grande partie des espaces dévolus à l’agriculture en 1945 sont aujourd’hui couverts par la forêt (en gris). En orange, les terrasses cultivées en 1945 sont aujourd’hui pour beaucoup couvertes par la forêt (plantations de résineux dans les années 1960 et enfrichement suite à l’abandon des terrains). Les restanques de pierre sèche ainsi que de vieux châtaigniers témoignent du passé agricole lorsque l’on se promène en forêt.

137

138

(pins sylvestres dans la vallée, épicéas et mélèzes en altitude) et des bois de feuillus ou mixtes sur les prés et les terrains anciennement cultivés de la vallée (érables champêtres, sycomores, chênes pubescents, châtaigniers, merisiers, frênes, tilleuls, charmeshoublon, noisetiers, sorbiers, etc.). Aujourd’hui, ces bois ne sont quasiment pas exploités – ce qui explique le développement rapide – hormis pour le bois de chauffe que chaque propriétaire prélèvent sur ses propres parcelles. La Vésubie fut pourtant une région de production de bois de grande qualité, destiné notamment à la construction de navires sur les chantiers navals de Nice. Aux environs de Lantosque, le bois

115.

116.

mené une campagne publique de plantation, notamment sur

provenait des forêts du Tournairet au nord (entre Utelle, Lantosque,

les alpages désertés avant la Guerre de 1914-1918. Ces forêts, parmi

Roquebillière, Venanson, Clans et La Tour) et de Turini au sud (entre

les plus anciennes observables aujourd’hui, composent l’essentiel

Lantosque, La-Bollène-Vésubie, Moulinet et Lucéram). Jusque dans

des forêts communales, comme à Lantosque autour des Granges

les années 1970, plusieurs grumiers par jour allaient et venaient

ci-contre :

de la Brasque, où bien peu d’alpages ne subsistent. Ces planta-

Vestiges de forêts d’altitude, vallon de la Braisse, Saint-Dalmas-le-Selvage, 1899.

tions réalisées au début du XXe siècle, bien aidées par l’enfri-

à droite :

chement spontané dans les décennies suivantes, ont conduit au

Peille, plantation de pins noirs par les agents de l’Administration des Eaux et Forêts, 1899.

développement des forêts de résineux sur les anciens alpages

dans ces montagnes. L’activité forestière perdure aujourd’hui à Turini, comme en témoignent plusieurs coupes franches récentes, mais à un rythme beaucoup moins soutenu. La majorité des terres sont aujourd’hui en déshérence. 139

140

10. Menaces sur l’identité de la vallée La beauté des paysages de France tient à leur grande diversité

quelques fruits. On ne peut qu’être humble devant la puissance

sur des échelles restreintes. Dans les Alpes Maritimes, cette densité

déployée pour fabriquer ce paysage systématique – et utilitaire

paysagère est particulièrement évidente, à la croisée de la mer,

avant tout – mais ô combien poétique.

des plaines et de la montagne. C’est cette diversité qui a généré

Malgré tous leurs efforts, les paysans n’ont jamais pu obtenir de leur

l’engouement touristique pour la région, et qui garantit encore

labeur plus qu’un niveau de vie modique. Les faibles ressources

son attractivité. Il apparaît ainsi absolument nécessaire d’en

de ces habitants sautent aux yeux lorsque l’on pénètre dans les

assurer la pérennité, de conforter ce statut exceptionnel et de

maisons les plus anciennes, comme à Pélasque Supérieur, où dans

mettre en œuvre des dispositions de protection, de valorisation,

certaines d’entre-elles, jusqu’à l’après-guerre, on vivait dans une

de modernisation. Car les classements patrimoniaux, les réserves

vingtaine de mètres-carrés par famille… L’absence de décor dans

naturelles, les zones sanctuarisées telles que les parc nationaux et

les maisons, hormis l’encadrement des fenêtres passé à la chaux et

le Mercantour ont prouvé leur efficacité, mais ont peut-être aussi

de rares éléments de menuiserie, traduit également la pauvreté de

conduit à négliger les zones hors-périmètres. Comme si les réserves

ces habitants.

paysagères qu’elles constituent étaient des prétextes pour gâcher les paysages voisins. ci-contre : 117.

Les banquettes cultivées, édifiées pour répondre à des nécessités fonctionnelles, forment une superbe composition spatiale qui dialogue avec le village (Utelle, vers 1900).

Constatant le grand dénuement dans lequel vivait tout une population et en particulier celle des hameaux, on comprend

Que signifie ce paysage perdu ? Il est le vestige de deux mille ans

mieux pourquoi les dernières générations ont délaissé le travail

de travaux à la main de femmes et d’hommes pour contraindre

aux champs. Ainsi les terrasses, tout comme les vieilles maisons, les

la terre et rendre habitable la montagne en permettant d’en tirer

granges, les outils, les terrains ont-ils représenté le fardeau d’une 141

142

vie qu’on l’on a fuie, car synonyme de privations et d’épreuve

spécificités s’émoussent. Car il s’agit bien de reconnaître l’identité

physique quotidienne. L’abandon des paysages en Vésubie

singulière des paysages de Vésubie, comme les pages précédentes

résulte tout compte fait du renoncement à cette vie besogneuse.

ont essayé de le montrer. C’est cette identité dont il est question

On remarque en effet une sorte d’amertume lorsque l’on en discute avec les représentants de la génération d’après-guerre

Il s’agit de s’écarter des notions de «paysages naturels» et de

qui en majorité a refusé la misère de ses parents et est partie le plus

«paysages traditionnels», qui figent une image un peu fantasmée

souvent à Nice. Il y a de la douleur, et de la gêne aussi, lorsque l’on

et immuable, mais bien plutôt d’en avoir une lecture sociale et

aborde avec eux la manière dont tout cela a évolué. Ils regrettent

temporelle. La dimension sociale du paysage implique alors de

en effet unanimement la mise en ruine de nombreux terrains et

connaître son passé, ses évolutions, puis son devenir, et donc d’en

bâtiments, mais peinent à croire à leur remise en état ou en culture.

établir le projet. Car en l’absence de projet, comme les dernières

Comme si cet abandon des paysages était par la force des

décennies l’ont démontré, le laisser-faire génère de nombreuses

choses une fatalité. C’est cette amertume sans doute qui nourrit

répercussions qui tendent immanquablement à un appauvris-

un discours rencontré à plusieurs reprises et un peu désabusé, qui

sement global.

considère l’agriculture morte en Vésubie, ou bien quelque chose de rétrograde que le progrès a mis de côté. Comme si l’agriculture ci-contre : 118.

Mitage aux abords du nouveau village de Roquebillière. La multiplication des résidences secondaires s’est faite aux dépens des meilleurs terrains agricoles, exposés@ plein sud. En crontrebas du village, le centre de loisirs financé par le Département, comportant terrains de sport extérieurs, gymnase et piscine naturelle de plein air.

aujourd’hui : elle qui est menacée et s’effrite de jour en jour.

Un appauvrissement social tout d’abord, puisque l’absence de vision et de projet pour l’agriculture a conduit à faire disparaître le

en Vésubie n’était plus possible.

pan de société à l’origine même de la fondation des villages et de

On constate ici à quel point paysages et homme sont interdé-

la construction de la vallée : les paysans. Ont disparu les hommes

pendants, comme les premiers ont été façonnés par le second,

qui nourrissaient les hommes, de telle sorte que c’est désormais

et comme, dès qu’ils sont délaissés, ils se métamorphosent et leurs

surtout le marché-gare de Nice qui nourrit la vallée. 143

144

ci-contre : 119.

• l’utilisation de filets de chantier en plastique est courante pour fermer les prés, de même que les tôles ondulées, qui sont très visibles dans le paysage • les restaurations et l’auto-construction interviennent parfois sans souci du système constructif, de la composition de façade, des matériaux • une souche de châtaignier sur un mur bétonné, surmonté d’une clôture en grillage plastifié • l’utilisation de matériaux bas de gamme, le réemploi, le manque de culture architecturale, le non recours aux artisans et l’auto-construction « Casto » conduisent à des drames architecturaux… • les murs maçonnés pour remplacer la pierre sèche, en dépit d’une apparente solidité lorsqu’ils sont neufs, sont souvent mal construits et ne supportent pas la pression de l’eau : ils finissent pas s’éventrer. La pierre sèche, par sa grande porosité, est soumise à trois fois moins d’effort horizontal qu’un mur plein. Un mur de pierre sèche bien construit peut durer 500 ans avant reconstruction • certaines solutions irréfléchies conduisent à saccager l’aspect des murs, comme ici un béton projeté qui ne pourra que s’écrouler à court terme

C’est également un appauvrissement économique, puisque l’on a

profit du seul milieu forestier. De nombreux écosystèmes dépen-

renoncé à une multitude de ressources ; on a créé, d’une société

dants des activités humaines ont disparu.

auto-suffisante, une société qui ne vit plus majoritairement que de

Enfin c’est un appauvrissement paysager, puisqu’on a réduit

ses importations.

la qualité des espaces et des vues en négligeant une réflexion

C’est un appauvrissement culturel, puisque ce sont les savoir-

globale des implantations et des modes de construction, puisqu’on

faire, les histoires, les métiers que l’on a laissés de côté. La perte des

a favorisé la banalisation des aménagements en négligeant l’inté-

savoir-faire et le non-recours à l’artisanat conduisent aux erreurs

gration des architectures et équipements, et puisque l’évolution

le plus visibles lorsque l’on visite les villages : le bétonnage des

naturelle spontanée a tendance à homogénéiser les territoires.

murs de pierre sèche – qui ne fait que les fragiliser –, le recours aux matériaux de chantiers pour les clôtures, l’utilisation de fausse pierre et autres matériaux qui tranchent avec les matériaux traditionnels des villages, etc. Ainsi c’est également un appauvrissement moral, lorsque l’on n’a pas su faire perdurer le legs des générations précédentes, et qu’on démolit leur travail par des rénovations hasardeuses ou pour l’installation de résidences secondaires.

C’est en fait un phénomène comparable à ce qu’il advient des zones périurbaines où la consommation d’espace et l’absence de réflexion sur l’aménagement du territoire provoquent une juxtaposition de lieux ingrats et non qualifiés. Ainsi il apparaît urgent de corriger le tir par une politique ambitieuse et consciente des enjeux en cours pour que la qualité des espaces forment une préoccupation partagée, et que chacun, de l’instal-

C’est un appauvrissement écologique, puisque toutes les anfrac-

lation d’une clôture à la réalisation des infrastructures et équipe-

tuosités, tous les milieux différents et leurs zones de contact, les

ments publics, œuvre à la qualité paysagère.

lisières qu’engendrait le système agricole tendent à disparaître au

145

146

vers 1910

120.

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2016

153

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chapitre 3

quels paysans, quels paysages ?

Ce chapitre, en regard aux évolutions récentes constatées en Vésubie, entend mettre en évidence quels sont les enjeux principaux de l’habitat et de l’agriculture dans la vallée. Les difficultés du secteur agricole ont eu de nombreuses répercussions sur les paysages, mais également sur toute une organisation rurale qui fut autosuffisante, mais est désormais dépendante de ses importations : en terme d’emplois, où la majorité des habitants permanents travaillent hors de la vallée ; en terme de ressources, où l’essentiel des produits consommés viennent de l’extérieur ; pour l’économie, où les politiques du tourisme et des loisirs ne misent que sur l’affluence d’estivants et les activités de loisirs. À l’opposé de ces directions discutables, des forces vives apparaissent et militent contre la déprise agricole et pour la remise en fonctionnement d’une activité mettant en scène producteurs locaux, moyens de distribution et consommateurs dans une dynamique de circuits courts. L’affluence touristique et l’intercommunalité permise par la Métropole pourraient contribuer à un véritable projet territorial de réhabilitation de l’économie et des paysages agricoles.

double page pp. 153-153 : 128.

Le village de Valdeblore et la station de ski de la Colmiane, le mitage des anciens pâturages et les pistes à travers la forêt en arrière-plan.

ci-contre : 129.

Vaches à Bastié, près de Pélasque Supérieur.

Vers une nouvelle agriculture

L’agriculture vivrière et l’élevage tels qu’ils étaient pratiqués

envisager une agriculture qui ne serait pas fondée sur une pratique

autrefois pour subvenir à tous les besoins (nourriture, habillement,

économique en énergie et soucieuse de son impact écologique.

outillage et équipement, chauffage, lumière, construction) n’est

Ainsi, les terrains de Vésubie ne sont pas compatibles avec une

certainement plus réaliste aujourd’hui. Les fortes contraintes de site

industrialisation de l’agriculture, telle qu’elle est pratiquée «en

limitent l’accessibilité des parcelles et la surface cultivable dépend

conventionnel». C’est ce qui explique l’impossibilité d’y implanter

de la construction et de l’entretien coûteux en énergie des murs

les «grandes cultures» sur des hectares. Mais ce modèle de

de soutènement.

monoculture et de mécanisation est aujourd’hui remis en cause

Aussi la seule agriculture – y compris l’élevage – réaliste sera celle

et des alternatives ont déjà prouvé leur efficacité. En maraîchage

capable d’être rentable économiquement (capable de payer

particulièrement, les cultures raisonnées et écologiques – certifiées

convenablement son entrepreneur) et viable compte-tenu des

bio ou non – ont démontré leur rentabilité, parfois très supérieure

conditions climatiques et géographiques. De même, on ne saurait

aux modèles conventionnels, notamment grâce à l’association de 161

162

ci-contre : 130.

La vallée de la Vésubie vue depuis le village de Lantosque en direction de l’amont, avant l’arrivée du tramway, vers 1905.

cultures et aux pratiques de préservation du sol (voir le rapport de

prés pentu. L’élevage de volailles n’est en revanche pas problé-

l’INRA de 2015 sur la ferme du Bec-Hellouin en Haute-Normandie,

matique a priori, et d’autres espèces pourraient être étudiées à

qui conclut à un chiffre d’affaire potentiel de 50 K€ pour 1000 m2

l’élevage, notamment les animaux atypiques tels que sangliers ou

de surface en permaculture).

cerfs, faisans, etc.

Les cultures à forte plus-value, telles que l’olive, les épices et

Si certaines cultures sont possibles et devraient être rentables en

notamment le safran, les plantes destinées aux cosmétiques et

Vésubie, il ne faudrait pas croire à une indépendance agricole

huiles essentielles, les petits fruits, les noix et châtaignes, les arbres

de la vallée : en France, il faut en moyenne 3000 m2 de cultures

truffiers, ou l’apiculture sont également indiqués, car adaptées à

pour nourrir une personne. Ce chiffre tient compte des cultures

la culture en banquettes en ne nécessitant pas de mécanisation.

de céréales et de légumineuses qui nécessitent de très grandes

L’élevage pour sa part est assez peu compatible avec les terrains

surfaces et une mécanisation quasiment obligatoire. En Vésubie,

couverts de restanques, les gros animaux (moutons, chèvres,

cela équivaudrait, pour nourrir les 6500 habitants permanents, à

vaches, chevaux, ânes) détruisant les murs en passant de

18 000 hectares en culture, une valeur totalement disproportionnée

planches en planches. La présence de murs parfois hauts rend

(environ seize fois le total des terres en culture permanente dans

dangereuse la présence d’animaux, qui peuvent chuter. Ainsi on

le département des Alpes Maritimes en 2010). Également, le climat

privilégiera les terrains sans restanque – mais peu disponibles en

semi-montagnard permet difficilement d’envisager des cultures sur

Vésubie – à moins de procéder à des aménagements particuliers

les mois d’hiver, étant soumis aux gelées et aux chutes de neige.

: protéger le bord des planches par l’installation de clôtures avant

Ainsi il faut concevoir la future agriculture Vésubienne comme une

l’aplomb des murs, remplacer les restanques par des banquettes

agriculture qualitative plus que quantitative, capable de produire

sur talus, ou bien terrasser pour retrouver une configuration de

localement la plupart des fruits et légumes d’été, dans une approche 163

164

favorisant les circuits courts. La qualité du terroir, reconnu depuis

800 000 visiteurs annuels, et ce chiffre est en augmentation

longtemps, doit permettre de valoriser la production et d’envisager

constante. On constate une production de fromages, de miel, de

des circuits de distribution avec Nice notamment. Plusieurs restau-

fruits et légumes très inférieure à la demande touristique, malgré

rateurs de la Côte d’Azur se fournissent en effet déjà en Vésubie

des moyens de distribution encore peu développés (marchés et

auprès de maraîchers capables de leur fournir des fruits et légumes

quelques commerces de détail). Il est ainsi aisé d’imaginer un fort

de haute qualité et notamment des variétés anciennes locales ou

potentiel de développement, en particulier si l’on multipliait les

rares. Associée à cette démarche qualitative, la création d’appel-

modes de distribution (maison de pays, relais sur la Côte, restau-

lations, de labels, de marques permettent d’augmenter la visibilité

ration et hôtellerie) ou la variété des productions (légumes anciens,

et de garantir la qualité des produits. C’est une démarche qui a

variétés locales, produits transformés, etc.).

porté ses fruits dans de nombreuses régions de montagne, qui ont su promouvoir leur agriculture et la développer grâce notamment aux appellations de fromages et charcuteries, fruits et légumes aussi. On retiendra notamment les fromages de Savoie et HauteSavoie, la charcuterie et les légumes du Sud-Ouest, l’oignon doux des Cévennes, etc.

ci-contre : 131.

Maison à Camp de Millo, le village de La Bollène-Vésubie au fond.

En fin de compte, on constate les multiples opportunités qui doivent garantir le succès d’une nouvelle agriculture en Vésubie. De jeunes agriculteurs y croient, et investissent pour monter leur ferme : depuis une dizaine d’années, plusieurs installations dans toute la vallée ont permis de ralentir le déclin du nombre d’exploitations, et insufflent une approche plus moderne des modes d’exploitation. En

Le tourisme en plein développement en Vésubie apparaît comme

multipliant les postes de production (élevage, maraîchage, petits

une opportunité de faire valoir une telle agriculture, voire de la

fruits, épices, confitures, etc.) et les modes de distribution (bouche

déployer au delà de ses seuls villages, en particulier en direction

à oreille, marchés, commerces, sites internet, restauration, etc.) ils

de la Côte d’Azur. Le Parc du Mercantour par exemple accueille

sécurisent leur activité en permettant à la fois un chiffre d’affaire 165

166

plus sûr face aux aléas et la garantie de vendre la totalité de leur

vert, réhabiliter les espaces ruraux et apporter des arguments

production au meilleur prix. De même, la création de sites internet et

supplémentaires d’attractivité pour l’habitat permanent. Il pourrait

l’organisation d’événements permettent de promouvoir leur travail

être source de développement social, et permettre un accès facilité

et de le valoriser en le faisant connaître au plus grand nombre.

au logement et au travail dans une région sous pression. En effet, au moment où les villes sont saturées et connaissent

132.

Des opportunités à saisir

une grave crise du manque de logements et du mal logement, les campagnes ayant subi un fort exode rural ont de nombreux

Dans une vallée où les grandes actions publiques sont clairement

logements vacants à proposer. Favoriser l’adaptation des bourgs

tournées en faveur du développement de l’offre de loisirs, l’agri-

ruraux aux modes de vie modernes est un enjeu crucial sur lequel

culture en pourrait être l’alternative au tout-tourisme. En effet, la

de nombreuses recherches sont menées depuis quelques années.

mono-orientation économique conduit irrémédiablement à des

Il est assurément indispensable de réinventer l’espace rural pour

effets néfastes et des déséquilibres : risques dus à la non-diversi-

équilibrer l’occupation du territoire, limiter la surconsommation

fication des sources de revenus, mise en cause des coûts écolo-

d’espace dans les agglomérations et endiguer les déserts humains

gique et économique, effets potentiellement destructeurs dus à la

dans les campagnes.

surfréquentation des territoires naturels et à la multiplication des

Favoriser l’agriculture est également un engagement fort face aux

résidences secondaires, volatilité des pratiques de loisirs, suréqui-

crises actuelles et celles à venir : elle est un élément de réponse

pement des villages et des espaces naturels, trafic routier, etc.

aux défis écologiques tels que le rapprochement des lieux de

ci-contre :

L’agriculture pourrait devenir un levier supplémentaire pour la

production et de consommation, la maîtrise des impacts humains

Constructions abandonnées, vers le Farguet à Lantosque.

vallée. Le développement agricole pourrait appuyer le tourisme

sur l’environnement ou la préservation des écosystèmes. 167

168

133.

La relance de l’agriculture interviendrait également comme moyen

charge à domicile, et effectuer ponctuellement des déplacements

de réhabiliter les paysages et l’habitat ruraux, alors que la demande

ou rejoindre son entreprise sans que ça ne pose trop de difficultés.

de cadre de vie de qualité, et notamment l’accès aux espaces

La vallée n’est toutefois pas encore à niveau pour être vraiment

extérieurs et à la nature n’a jamais été aussi forte. Pourquoi ne pas

concurrentielle. L’offre de transports en commun est très insuffisante

voir là aussi une solution aux crises migratoires en cours, où de

(ligne 730, en direction du centre de Nice un passage le matin et le

nombreuses personnes dans la nécessité pourraient trouver un

soir) et accessible seulement depuis les villages de fond de vallée

lieu d’habitat peu coûteux, subvenir à une partie de leurs besoins

(des navettes supplémentaires permettent de rejoindre les villages

en nourriture en cultivant, et participer au projet collectif de recon-

perchés). Ainsi pour les trajets domicile-travail, le véhicule personnel

quête de la vallée agricole.

semble difficile à supplanter, tant les distances sont importantes

Par ailleurs, les technologies actuelles permettent d’envisager un

entre hameaux et villages et rend irréaliste une offre généralisée

mode de vie rural mais moderne et économique, en plein dévelop-

de transports en commun.

pement mais que l’on ne sait pas encore définir précisément. Il faut

D’autre part, le développement d’un internet de dernière génération

considérer les opportunités offertes par les moyens de commu-

se fait attendre : inévitable aujourd’hui, l’accès à un réseau fiable et

nication et de transports, qui permettent le télé-travail sur tout

performant fait partie des critères importants pour l’installation et

ou partie de l’emploi du temps. Ainsi la bonne accessibilité de la

est un axe de développement à ne pas rater. Le coût conséquent

vallée de la Vésubie (Lantosque est à une heure de Nice) depuis

de ces infrastructures était le principal frein à leur extension : la

les grandes infrastructures de transport (autoroute, aéroport, gare

Métropole, grâce à ses moyens plus importants, pourrait s’engager

ci-contre :

TGV) en font un excellent cadre au travail à domicile. Un travailleur

Ruines de granges sur les hauteurs de Saint-Martin-Vésubie, dont il ne reste plus que les soubassements en pierre sèche.

sur de telles pistes.

en bureau à Nice pourrait aisément effectuer une partie de sa 169

Être agriculteur en Vésubie : l’état actuel

Depuis la fin des années 1970, où le tourisme reprenait de l’entrain

personnes en âge de travailler, ainsi qu’au pic démographique de

et le solde démographique redevenait positif dans les villages,

la période d’après-guerre (papy-boom). La promotion de l’élevage

l’agriculture n’a fait que renforcer son déclin entamé un siècle plus

dans les zones de montagne a fait disparaître le maraîchage.

tôt. Entre 1970 et 2010, le nombre d’exploitations a été réduit plus de

Par ailleurs, l’installation d’une enseigne de grande distribution à

cinq fois : à Lantosque par exemple, de 96 exploitations en 1970,

Roquebillière dans les années 1990 a précipité la fin des marchés

on est passé à seulement 17 quarante ans plus tard (recensement

communaux, qui formaient jusqu’alors le principal canal de distri-

agricole de 2010). Manifestement, alors que toutes les énergies

bution des productions agricoles.

étaient mobilisées pour développer l’agriculture industrielle dans le pays, l’agriculture et l’élevage de Vésubie n’ont pas réussi à s’adapter et n’ont pas pu rester concurrentiels. Les dernières générations issues de familles d’agriculteurs n’ont pas, en grande majorité, repris le flambeau et ont engendré un vieillissement de la population d’agriculteurs. Dans les Alpes Maritimes, la moyenne d’âge des exploitants s’élevait à 54 ans en 2010, dont la répartition des classes d’âge est éloquente : 41 % des agriculteurs ont plus de 60 ans, 48 % ont entre 40 et 59 ans, et seulement 11% des agricul134.

La situation agricole est aujourd’hui particulièrement alarmante et le secteur n’est plus maintenu que par une poignée d’agriculteurs, qui occupent souvent une activité salariée, ou qui sont à la retraite, et pour lesquels le maraîchage n’est qu’un complément. L’élevage semble se porter mieux, avec plusieurs exploitations ovines et bovines qui vivent des produits laitiers et de viande, ainsi que d’autres exploitations d’élevage de chevaux, d’ânes, de rennes qui profitent notamment du tourisme vert.

ci-contre :

teurs ont moins de 40 ans. Cette répartition correspond à la chute

On constate depuis une dizaine d’années un regain des

Chablis de châtaignier, dans les environs du Farguet à Lantosque.

vertigineuse des vocations dans les années 1980-1990 pour les

vocations pour l’agriculture en Vésubie, notamment de la part de 171

jeunes non issus du milieu agricole et disposant le plus souvent

comme une activité sans avenir et incapable de fournir un niveau

d’une formation de niveau supérieur. Ils se réclament plutôt d’une

de vie décent à ses opérateurs, à l’image de l’agriculture qui était

agriculture paysanne, soucieuse des cycles naturels, sobre, sans

pratiquée il y a cinquante ans. Il en résulte une incompréhension

intrants chimiques et parfois certifiée biologique – bien que le coût

de la part de certaines personnes qui ont vite fait de cataloguer

élevé de la certification puisse être un frein.

comme marginaux ces étrangers venus en Vésubie pour cultiver

Pour ces nouveaux agriculteurs, s’installer n’est pas facile : très peu de terrains agricoles sont disponibles et sont vendus à prix élevés. Le recours au bail agricole est difficile à mettre en place, car contrai-

ci-contre : 135.

La ferme de Katarina et Robin à Saint-Martin-Vésubie, qui produisent fruits et légumes sur un terrain maraîcher de 7000 m2 en associant les cultures. Ils élèvent également une trentaine de chèvres et quelques ânes.

– et qui manifestent probablement une forme de jalousie envers ces jeunes qui réenchantent des terrains que les Vésubiens ont abandonnés.

gnant pour les propriétaires (durée du bail de 9 ans minimum,

Il faut pourtant voir que ces nouveaux agriculteurs ne vivent pas

modalités d’exploitation peu maîtrisables, entretien des biens loués

comme les aïeux : issus d’une culture plus urbaine que rurale, les

à la charge du propriétaire). De plus, de nombreux terrains étant

«néos» sont mobiles, connectés et n’hésitent pas à convoquer

boisés, leur droit d’usage a pu évoluer vers le régime forestier, ce

arts et culture dans leur activité. C’est ainsi que plusieurs agricul-

qui implique un changement d’usage et de lourds travaux de

teurs de la vallée font partie d’une association d’art circassien qui

remise en état pour y réimplanter une activité agricole. Enfin, les

organise tous les ans le festival Bouge Ta Montagne au Boréon, où

petites dimensions des parcelles et l’imbrication des propriétés

musique, spectacles et ateliers se mêlent à un marché des produc-

compliquent la constitution d’une exploitation d’un seul tenant.

teurs locaux.

Les nouveaux agriculteurs doivent malheureusement parfois faire

Cette énergie déployée semble faire des émules, comme en

face à la dévalorisation du métier dans l’esprit commun et aux a

attestent de prochaines installations, portées par plusieurs initia-

priori faciles : on considère souvent le maraîchage notamment

tives qui militent pour promouvoir un renouveau agricole. 173

174

Gestion des terres et difficultés foncières

En Vésubie encore plus qu’ailleurs, la composition foncière du terri-

de grandes surfaces pour être rentable. De plus, les servitudes

toire est une difficulté à surmonter pour engager un projet agricole.

anciennes pour les droits de passage de chemins et autres droits

Les agriculteurs souhaitant s’installer se heurtent en effet aux

aux canaux d’irrigation compliquent encore l’usage, d’autant que

dimensions souvent faibles des parcelles, qui en limitent la valeur,

ces accords sont souvent verbaux ou mal précisés au cadastre.

ainsi qu’à la discontinuité des propriétés : souvent imbriquées les unes avec les autres, possédant des terrains disséminés à différents étages, les propriétés éclatées font perdre en efficacité à l’exploitation. En effet, les politiques de remembrement massif menées sur tout le territoire français dans les années 1960 et 1980 n’ont pas eu d’effets dans la vallée puisqu’elles étaient associées de l’agriculture intensive et des grandes cultures, impossibles en montagne. La composition cadastrale est ainsi héritée des siècles passés et nécessiterait aujourd’hui une remise à niveau. Les innombrables petites parcelles sont en effet un frein à la vente et à l’achat, donc à l’évolution des terrains, ainsi qu’à leur exploitation. C’est valable pour l’agriculture, mais aussi particulièrement problématique pour 136.

ci-contre :

l’exploitation forestière, qui pourrait offrir une partie de la solution

Parcelles cadastrales autour de Pélasque, des Comndamines et Loda, à Lantosque.

face au boisement intensif, mais qui nécessite une gestion sur

Les difficultés liées aux successions sont un autre frein à la ré-exploitation des terres : les héritiers souvent partis de Vésubie ne sont pas toujours conscients de toutes leurs propriétés ou n’y assurent pas d’entretien ; les désaccords entre héritiers multiples conduisent au foisonnement des indivisions, qui gèlent tout projet potentiel et conduisent le plus souvent à la ruine des terrains et des bâtiments ; les accords à l’amiable pour le regroupement et l’échange de parcelles sont parfois très difficiles, certains propriétaires refusant tout changement ; enfin les difficultés d’entente reposent quelquefois seulement sur des conflits familiaux, quand ce n’est pas le refus de voir s’installer des personnes qui ne sont pas du pays (les «recampés»)… Toutes ces complications, associées à la spéculation sur les 175

176

terrains à construire ou pouvant le devenir, sont à l’origine de la

ou métropolitaine agricole. C’est ce qu’a mis en place la Ville de

très faible disponibilité des terres pour ceux qui en cherchent.

Toulouse, dès 1976, en créant la première régie agricole publique.

Un grand nombre de parcelles et de constructions finissent en

Aujourd’hui, sur 250 hectares lui appartenant, la commune salarie

ruines lorsque leurs propriétaires les négligent, puis s’enfrichent et

via la régie six personnes à temps plein, qui fournissent annuel-

deviennent les bois observables un peu partout.

lement 6000 tonnes de céréales, légumineuses, fruits, légumes et

Face à cela, il apparaît évident d’opérer des changements profonds, que le pouvoir public, à l’image des remembrements passés, pourrait mettre en œuvre. Ce remembrement pourrait être incité en particulier par la récente Métropole de Nice, qui dispose de moyens de communication et d’action en jouissant de la compétence de l’urbanisme. Associée à la SAFER, qui dispose d’outils légaux pour promouvoir l’agriculture (droit de préemption ci-contre : 137.

La Maison Vieille de Pélasque Supérieur est la maison la plus ancienne du hameau. Datant probablement de la fin du XVIIIe siècle, elle a été agrandie deux fois. Elle comporte quatre logements et a été habitée jusqu’au milieu du XXe siècle. Au cadastre, la maison est découpée en cinq parcelles et elle est la propriété de quatre propriétaires différents : conséquence de cette situation, la maison se dégrade dangereusement, sans qu’aucune action ne soit entreprise par les propriétaires pour la rénover et empêcher sa ruine.

notamment), la Métropole pourrait ainsi améliorer exploitabilité des terrains ainsi que leur potentiel et conforter une démarche engagée de promotion de l’agriculture.

jus pour les cantines scolaires. C’est également le choix fait par la ville de Mouans-Sartoux dans les Alpes Maritimes, en créant une régie agricole sur un domaine de 4 hectares, cultivés par un maraîcher municipal fournissant les cantines de la commune. Ce genre de projets rejoint les initiatives récentes pour remettre en culture des terrains en évacuant les difficultés foncières grâce au prêt de terres. C’est ce que mène l’association les Potagers de la Vésubie, depuis 2015, pour promouvoir une agriculture locale et aider à l’installation de jeunes agriculteurs. En élaborant un contrat d’engagement (un commodat) réunissant le propriétaire, l’agriculteur et l’association, les Potagers de la Vésubie permettent

Un engagement supplémentaire pourrait être de racheter, à

à des agriculteurs qui n’auraient peut-être pas pu le faire sans

l’échelle communale ou métropolitaine, des terrains pour y installer

de s’installer. En un an et demi d’existence, ce sont déjà quatre

sous contrat des agriculteurs, voire y créer une régie municipale

exploitations qui ont été lancées par l’association. 177

178

Instituer le projet d’agriculture

On connaît aujourd’hui les risques encourus à laisser disparaître une agriculture traditionnelle locale dans les campagnes : dépendance alimentaire, banalisation des paysages, appauvris-

-- mettre en œuvre un plan d’actions issu de la Convention

faire, «franchisation» des enseignes commerciales, etc.

culture des Alpes Maritimes,

agriculture locale, durable et diversifiée. La Trame Verte et Bleue du Code de l’Environnement préconise en ce sens l’amélioration de

Le quartier des Granges à Venanson : la prise de conscience d’une identité de village à conduit à rénover terrains et bâtiments pour maintenir une composition traditionnelle. De même, les constructions neuves sont permises et s’intègrent au tissu existant en respectant les codes architecturaux locaux (gabarit, pente de toit, schiste pour les murs de soutènement et soubassement, mélèze en parement et toiture, etc.).

ou biologique sur le territoire, cadre de partenariat entre la Métropole et la Chambre d’Agri-

sitions institutionnelles qui recommandent le soutien à une

138.

nement en produits locaux et issus de l’agriculture raisonnée

sement des écosystèmes, perte d’emplois, abandon des savoir-

L’enjeu est primordial, comme le suggèrent les différentes dispo-

ci-contre :

-- dynamiser le développement de l’agriculture et l’approvision-

-- soutenir les activités du Haut-Pays ayant des impacts positifs sur la biodiversité. Ces différentes dispositions devraient être le reflet d’une politique territoriale volontariste, engagée dans un projet de développement combiné au projet paysager : il ne s’agit pas seulement

la qualité et de la diversité des paysages grâce au maintien des

d’accorder subventions ou d’accompagner le montage d’opéra-

agricultures locales et biologiques. À l’échelle locale, la réalisation

tions ponctuelles, mais bien de définir un projet ambitieux pour la

imminente des Plans Locaux d’Urbanisme Intercommunaux (PLUI)

réhabilitation du paysage agricole dans le Haut-Pays. Or un tel

prévoit l’intégration d’objectifs similaires dans les réglementations

projet n’est pour le moment pas réellement à l’œuvre et les actions

locales. Le programme de l’Agenda 21 de la Métropole de Nice

visibles en faveur des paysages et de l’agriculture sont encore

Côte d’Azur, publié le 10 mars 2010, s’engage à :

bien trop timides. De même, les collectivités (Région, Département,

-- mettre en place une politique foncière et paysagère,

Métropole) manquent de relais ou animateurs locaux, impliqués 179

180

au niveau local et ayant une connaissance pratique des sites et de leurs acteurs.

touristiques, les changements d’usage de terrains agricoles en

On ne peut que déplorer en effet que des moyens comparables

pression immobilière -- la faiblesse des réseaux de distribution, peu adaptés aux petits

engagés pour l’agriculture ou la réhabilitation des paysages. Il est

producteurs et à la valorisation de leurs produits, le manque

de retombées économiques du niveau de celles engendrées par le tourisme, et pourtant il faudrait comprendre comme l’enjeu est grand lorsque l’on envisage les répercussions sur le temps long. Si rien n’est fait, tout concourt à un appauvrissement généralisé de l’identité des villages et paysages agricoles du Haut-Pays. Tel qu’on l’a fait remarquer plus haut, ajoutés aux difficultés géographiques, de nombreux points durs entravent aujourd’hui le franc développement d’une nouvelle agriculture dans le Haut-Pays : -- la faible disponibilité des terrains, engendrée par la multiplication des propriétaires et le manque d’outils de concertation pour l’échange et le regroupement de parcelles ci-contre : Un vieux châtaignier, fusionnant avec le mur qui le soutenait. Vers le quartier du Farguet.

terrains constructibles, l’influence de la Côte d’Azur et sa forte

à ceux employés au développement du tourisme ne soient pas

clair que de telles dispositions n’entraîneraient pas à court terme

139.

-- le prix élevé du foncier, favorisé par la spéculation dans les zones

-- les petites dimensions des parcelles et l’éclatement spatial des propriétés

de soutien par les élus locaux (emplacements sur les marchés payants, suppression de jours de marchés au profit d’autres évènements touristiques, etc.) En réponse à ces difficultés, les collectivités territoriales pourraient mettre en place des outils et moyens de développement, tels qu’il en émerge de plus en plus dans les village, grâce aux initiatives privées et associatives. En premier lieu, il s’agirait d’organiser des concertations entre propriétaires pour permettre un remembrement des parcelles agricoles. Cela favoriserait un meilleur entretien des propriétés en réduisant l’éloignement des parcelles, ainsi qu’une simplification des successions et des actes de vente. Pour les propriétaires, disposer de biens regroupés plutôt que de parcelles dispersées – conditionnées par l’agriculture de subsistance des siècles passés – 181

182

correspondrait mieux aux besoins contemporains et permettrait

centraux qui reçoivent trop peu de lumière. De même, intégrer des

de valoriser leurs terres. Une telle action devrait être menée avec le

architectures audacieuses résolument contemporaines est préfé-

concours de la SAFER, dont les compétences et les moyens d’action

rable à la réalisation de pastiches architecturaux, qui sont un

(droit de préemption notamment) pourraient intervenir en ce sens.

non-sens urbain. Il faut en effet garder à l’esprit que les villages et

À l’achat, ce serait la possibilité pour les acquéreurs d’accéder à

les bâtiments ont toujours évolué pour servir avant tout l’usage des

des ensembles plus grands et unifiés, plus accessibles donc valori-

habitants, optimiser la construction et les coûts. Il convient donc

sables par l’agriculture.

d’envisager les villages non comme un décor sous cloche, comme

Par ailleurs, la vocation agricole des terrains devrait être garantie et protégée, afin de limiter l’étalement urbain et de préserver la constitution groupée des villages. Indirectement, une telle protection constituerait un levier de rénovation des centres-bourgs, en favorisant les réhabilitations plutôt que les constructions neuves. À ce sujet il convient de mesurer les interventions sur le bâti ancien, afin de le moderniser et l’adapter aux usages modernes. En ce sens, ci-contre : 140.

Extrait de la Fresque du Bon Gouvernement à Sienne, de Ambrogio Lorenzetti, en 1348. Dans ce décor idéalisé, le gouvernement royal promeut la ville moderne et organisée de la Renaissance, ainsi que des campagnes cultivées qui utilisent des techniques évoluées pour augmenter les récoltes et façonner les paysages (notamment, la culture en terrasses, visibles en partie gauche).

il est nécessaire de ne pas hésiter à remettre en cause l’organisation traditionnel du bâti. Par exemple, créer des ouvertures dans le tissu construit dense pour ménager de petits espaces et faire entrer la lumière, en particulier aux emplacements d’immeubles ruinés, peut permettre d’augmenter la qualité d’usages des immeubles

les protections du patrimoine ont parfois tendance à produire, mais bien plutôt comme des lieux de vie pour les habitants, confortables à l’usage et modernes. L’engagement politique fort devrait en outre soutenir et développer les réseaux de distribution et la promotion des producteurs locaux sur les circuits courts. Intégrer la production et le commerce dans les dispositifs publics constitue une solution intéressante : pourquoi ne pas envisager pour les communes ou les intercommunalités l’acquisition de terrains fertiles et de salarier, via une régie agricole, un ou des agriculteurs pour les besoins communaux (écoles, crèches, cantines professionnelles, maisons de retraites, etc.) ? De telles initiatives existent en France, bien que peu médiatisées. 183

184

La récente opération dans la ville de Mouans-Sartoux (Alpes

légiant les variétés locales adaptées aux conditions géogra-

Maritimes), ou l’initiative plus ancienne de la Métropole de Toulouse

phiques et climatiques.

sont à ce titre des projets exemplaires, répondant à la fois à la nécessité de maintenir une agriculture locale, à l’engagement de se fournir de produits de qualité cultivés à faible distance, à la lutte contre l’étalement urbain ou le mitage des territoires.

ci-contre : 141.

Gravures en noir et blanc « Fructification des montagnes arides, des terres incultes et repopulation des eaux de la France ». F. A. Rauch, état initial et état projeté. Annales européennes de physique végétale et d’économie publique, 1821.

ci-dessus : 142.

Deuxième de couverture de l’ouvrage Le Théâtre d’Agriculture et Mesnage des Champs : « Ici est représenté tout ce qui est requis et nécessaire pour bien dresser, gouverner, enrichir et embellir la maison rustique » (1605), d’Olivier de Serres, agronome français qui considérait l’agriculture comme le premier des Arts.

En définitive, il s’agirait de renouer avec l’institutionnalisation de l’aménagement agricole, tel qu’il a pu en exister au XIXe siècle, après la Révolution, lorsque l’État a pris les mesures pour moderniser et rationaliser l’agriculture. À cette époque, l’aménagement du territoire est

Enfin, les collectivités locales devraient se faire le relais de formation et

confié aux corps de l’ingénierie publique (ingénieurs agronomes,

d’information auprès du grand public pour prescrire des pratiques

ingénieurs ferroviaires, génie civil, etc.) dont la sensibilité intègre la

d’aménagement et de construction performantes, économiques, et

qualité d’insertion paysagère des ouvrages et aménagements.

cohérentes avec leur environnement. On pense notamment aux

L’agriculture est alors élevée au rang de projet d’utilité publique et le

clôtures, privées ou agricoles, régulièrement construites avec des

Ministère en charge engage de vastes politiques de mise en valeur

matériaux peu adaptés et criards dans les paysages (tôles, filets

et de modernisation des terres cultivables. C’est dans cette filiation

avertisseurs en plastique en guise de clôtures…). L’encadrement

que la politique publique devrait se placer, en instituant l’agriculture

de ces pratiques permettrait de mieux harmoniser les aménage-

comme véritable projet de société. Il s’agit finalement de restaurer

ments humains dans leur contexte construit ou naturel. L’emploi

la beauté dans la politique territoriale et considérer l’agriculteur

de matériaux issus du site (bois, pierre) est généralement une

comme l’acteur de ce grand «Théâtre d’agriculture et Ménage

valeur sûre. Sur les pratiques agricoles, les prescriptions devraient

des Champs», tel qu’Olivier de Serres affectionnait de qualifier la

s’orienter en faveur de modes de gestion raisonnés et sobres, privi-

campagne à la fin du XVIIe siècle. 185

Des acteurs du paysage Patrick et Franck (Parc National du Mercantour)

Patrick et Franck sont gardes-moniteurs au Parc. Rencontrés à la Maison du Parc à Saint-Martin, fins connaisseurs de la vallée et de ses évolutions, j’ai pu m’entretenir avec eux sur de nombreux sujets, et notamment ceux qui fâchent. Défenseurs des paysages, des écosystèmes et des savoir-faire traditionnels à travers leur métier, mais convaincus également au quotidien qu’il faut préserver l’identité des villages, ils ne manquent pas de critiquer certaines évolutions récentes amenées par l’explosion des résidences secondaires et l’économie de loisirs. Entre autres, ils militent pour ne pas céder à l’imaginaire folklorique alpin, véritable non-sens en Vésubie (chalets savoyards, etc.), ni à l’étalement des village et au mitage des terrains qui condamnent agriculture et pastoralisme. Sans langue de bois, ils témoignent des évolutions irrémédiables qui ont déjà eu cours, en particulier dans le fond de vallée à l’orée du Mercantour. Franck est organisateur des Rencontres de Venanson, son village, association qui organise depuis 2008 des activités multiples autour d’une thématique annuelle, en suscitant discussions et débats. Lors de la dernière rencontre début octobre, il est intervenu au sujet de la forêt, sous l’intitulé « entre naturalité et ressource économique, quelle dualité ? ». En présentant le milieu forestier sous l’angle écologique en tant que milieu naturel caractéristique dans une région de montagne, et sous l’angle économique en tant que ressource pour les filières de construction et de l’énergie, il a mis en évidence les oppositions qui demeurent à son sujet et les pistes de réflexion à suivre, non sans susciter de réactions. Patrick m’a accordé, le temps d’une demi-journée, l’occasion de parcourir avec lui les chemins du Parc du Mercantour et constater les travaux entrepris par lui et son équipe. Les gardes sont avant tout garants de la préservation des espèces faunistiques et floristiques du parc, en réalisant des suivis de populations et assurant surveillance et conseil auprès des randonneurs. De plus, ils dirigent des actions de rénovation du territoire (réouverture de prés-bois pâturés, de clairières, campagnes de coupes forestières) ainsi que du patrimoine bâti (vacheries, fromageries, granges) en vue d’y maintenir et développer le pastoralisme et la confection de fromages. Ils accompagnent également l’accueil du public, en dirigeant travaux de rénovation et de construction avec le souci de respecter les techniques traditionnelles et de limiter les nuisances (par exemple, sur la restauration du sanctuaire de la Madone de Fenestre ou celle du village de Mollières, abandonnée depuis plusieurs dizaines d’années et isolé à l’intérieur du parc).

186

Contact Maison du Parc National du Mercantour de Saint-Martin-Vésubie 8, Avenue Kellermann 06450 Saint-Martin-Vésubie Vesubie@mercantour-parcnational.fr tél : 04 93 03 23 15

Association Les Potagers de la Vésubie Fondée à l’été 2015, les Potagers de la Vésubie œuvrent pour relancer une économie agricole en Vésubie. Aux dires d’Hélène, la présidente hyperactive, de nombreux objectifs ambitieux sont annoncés : dans un premier temps, il s’agit de remettre en cultures les terres abandonnées, de valoriser une agriculture locale, de proposer des fruits et légumes de grande qualité cultivés en Vésubie pour la Vésubie. Tout cela avec le souci de l’écologie et de rémunérer équitablement les agriculteurs pour leur travail. «Li Ourt de la Vesubia»

Un an après le démarrage, ce sont quatre terrains qui ont été mis à disposition par des propriétaires, Projetderelatif à l'activité soucieux voir revivre leurs terres, qu’ils ont parfois vues couvertes de légumes il y a longtemps. Sylvain est le premier agriculteur à réalisée parà l'association s’être installé, la Bolline au-dessus de Valdeblore. Il y pratique une agriculture naturelle, saine et locale. Des terrains à Lantosque, à Saint-Martin vont être prochainement mis en culture par de jeunes agriculteurs, qui ont longtemps peiné pour trouver des terrains où s’installer. Ainsi Edwige s’installera cet automne sur une parcelle à Lantosque. L’association n’a le rôle que d’intermédiaire, et n’intervient pas dans l’exercice de l’agriculteur. Son activité est alors organisée par un contrat (commodat), signé entre les trois parties : • l’agriculteur, qui devient usager sans bail, a la jouissance du terrain et s’installe sous une forme indépendante (cotisant solidaire, exploitant individuel ou société) • le propriétaire, qui s’engage à faciliter l’activité de l’agriculteur et à ne pas vendre le terrain en période de récolte • l’association, qui met en relation les deux parties, assure la mise en état préalable des parcelles et la communication du projet HM/LPDV/082016

Contact Association les Potagers de la Vésubie 23, rue Jacques Barraja 06450 Saint-Martin-Vésubie

Au-delà de la seule remise en culture, l’association nourrit le souhait de mettre en place tout un système de valorisation et de distribution des récoltes : un laboratoire de transformation, pour réaliser confitures, huiles essentielles et autres produits, ainsi qu’une maison de pays, comme il en existe dans d’autres régions, afin de prendre le relais des marchés durant l’hiver, et de maintenir en permanence un point de vente ouvert au public. Un autre chantier est en cours, le montage d’un projet FAEDER (Fond Européen Agricole de Développement Rural) pour la rénovation et la remise en service d’un moulin à olives à Lantosque. Ce serait l’occasion de remettre en marche une activité perdue depuis des décennies, et d’avoir à nouveau la possibilité de produire une huile locale, alors que de nombreuses parcelles d’oliviers sont encore en culture (Utelle et Lantosque notamment). D’autres projets à suivre...

Lespotagersdelavesubie@gmail.com

187

Mélanie (Venanson) Nantaise et travaillant à l’origine dans le secteur culturel, Mélanie a démarré son activité de maraîchage en 2010 à Venanson, sur des terrains bien exposés en contrebas du village. Sur un peu plus de deux hectares, elle cultive safran, légumes et fruits rouges, qu’elle vend trois fois par semaine sur les marchés de Roquebillière et de Saint-Martin. Soucieuse de multiplier les modes de distribution de ses produits, elle vend aujourd’hui une partie de ses récoltes à des restaurateurs à Nice. Avec Christophe son compagnon, bûcheron à Saint-Martin, elle a entrepris de rénover la maison et les terrains qu’elle occupe afin de leur redonner leur vocation agricole d’origine. Pour cela, il a fallu défricher le boisement qui s’était développé et occupait une partie de l’espace de culture, reprendre l’assise du terrain pour le rendre cultivable à plat, en veillant à préserver la terre végétale et la remettre en surface, enfin amender et aérer la terre de sous-bois pour la rendre cultivable. Depuis son installation, quatre serres-tunnels ont été montées, permettant d’avoir une récole plus précoce et plus durable sur la saison. Mélanie cultive sur 2700 mètres carrés, dont environ 1000 mètres carrés sont dévolus au safran, le reste étant dédié à la culture de légumes et de petits fruits. Avec Christophe ils ont également remis en état une châtaigneraie nécessitant un éclaircissage et ont planté cette année des chênes truffiers, qui ne donneront pas avant plusieurs années. En plus de vendre ses produits frais, Mélanie fabrique confitures et conserves qui complètent, avec le safran qu’elle prépare elle-même, son étal de fruits et légumes au marché.

Contact La Cabane à Safran Mélanie Cassard et Christophe Marro 284, route des Granges 06450 Venanson

L’ensemble de ses récoltes sont bio : elle explique accepter une petite perte de rendement et parfois quelques aléas, en ayant la certitude de pouvoir garantir la qualité de ses productions, sans chimie. Elle s’emploie par ailleurs à respecter les cycles de rotation, à pailler les cultures et à amender la terre en semant des engrais verts. En fin de saison, elle débâche les tunnels afin de laisser la pluie et l’air rejoindre le sol, couvert tout l’été,. Voyageuse dans l’âme mais passionnée par son travail, Mélanie affirme ne pas vouloir en changer de sitôt, profitant du décor splendide des montagnes et étant quotidiennement en lien avec les saisons et la terre.

Contact@lacabaneasafran.fr lacabaneasafran.fr

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PLAN DE LA FERME

Katarina et Robin (Saint-Martin-Vésubie) Dans leur ferme sur les hauteurs de Saint-Martin, Katarina et Robin se sont répartis les rôles : Katarina se charge du maraîchage, Robin des chèvre et de la fabrication du fromage, tous deux préparent les produits et les vendent au marché. Sur leur propriété d’environ deux hectares entourée de châtaigniers, Robin mène un cheptel d’une trentaine de chèvres et fabrique des fromages dans une ancienne grange qu’il a rénovée. Katarina, dans un théâtre aux restanques bien exposées, cultive sur 6000 mètres carrés légumes et fruitiers en suivant les méthodes de ce qu’elle préfère appeler agriculture naturelle : culture sur butte, paillage généralisé, absence de traitements chimiques, consommation raisonnée d’eau, fertilisation avec le fumier des chèvres, respect des cycles et de la dynamique des écosytèmes. Le terme convient bien à leur exploitation, qui abrite également ânes, chiens, chats et poules : à la manière d’un écosystème autonome, le fumier et le rebut du fourrage des chèvres sont directement employés au potager pour amender les cultures. La ferme les nourrit eux avant tout, et la production sera vendue au marché de Saint-Martin, ainsi que de temps en temps par Katarina à Nice. Cultivant exclusivement des variétés régionales, Katarina commence cette année à sélectionner ses semences directement dans ses propres légumes. Elle reprend un travail de sélection ancestral abandonné avec l’industrialisation et la standardisation des variétés : en privilégiant les plans les plus vigoureux et les plus fructueux, elle cherche à recréer des variétés adaptées au sol, à l’exposition et à leurs 1200 mètres d’altitude. Comme le dit Robin, «pour le maraîcher, la base c’est la semence. Comme un chef, c’est sa créativité qui doit faire que ses légumes soient différents de ceux du voisin. C’est quand même triste de trouver sur le marché des légumes tous identiques d’un étal à l’autre.»

Contact Les Chemins de Berthemont Katarina et Robin Chemin de Berthemont 06450 Saint-Martin-Vésubie

Militant pour une agriculture créative et humaniste, Katarina et Robin souhaitent promouvoir une agriculture raisonnée et raisonnable, capable de nourrir les hommes localement avec des produits sains et diversifiés. Pour cela ils organisent depuis deux ans avec le collectif Uto-Piste le festival Bouge ta Montagne ! qui invite, lors d’une grande fête autour du cirque au début de septembre, les habitants et visiteurs à participer à des ateliers et découvrir produits et producteurs locaux. Une manière de montrer l’énergie qu’ils mettent dans leur travail toute l’année, et de passer le relais pour que d’autres rejoignent le mouvement.

Robindelannoy@gmail.com uto-pistes.com

191

Dominique (Lantosque) Dominique s’est installé au Mirail, face au village de Lantosque il y a seulement un an. Comme pour Katarina, Robin et Mélanie, devenir agriculteur est une reconversion pour ce Normand d’origine. Sur des terrains remis en culture cette année, il cultive fruits et légumes en respectant les grands principes de l’agriculture naturelle, avec un paillage systématique des sols, un apport régulier de matière organique et une rotation entre les quatre grands groupes d’espèces : légumineuses (apport d’azote), légumes-racines ou légumes-bulbes, solanacées, et cucurbitacées – les unes apportant aux autres et permettant de ne pas épuiser les sols. Pour le moment, Dominique expérimente beaucoup, en s’essayant aux techniques de la permaculture telles que cultures sur butte ou sur paille. Il compte ainsi déterminer de manière empirique les techniques les mieux adaptées à ses terrains, à leur exposition et au climat de Lantosque, en laissant le temps faire son office. Il peut compter sur Katarina et Robin, installés depuis plus longtemps, ainsi que sur Gérard son voisin, qui cultive son jardin depuis une dizaine d’année. Avec eux il échange outils, coups de main et les résultats de leurs expérimentations, et le bilan pour cette première est déjà très positif. Pour le printemps, il montera une première serre, afin d’allonger la période de récolte, à la fois plus précoce au printemps et plus tardive à l’automne, et mettra en exploitation de nouvelles planches pour doubler la surface en culture.

Contact

Soucieux de prolonger le travail millénaire des paysans et de maintenir en état les restanques, il rénove peu à peu et remonte les murs de soutènement abîmés. Par ailleurs, Dominique souhaiterait faire vivre les terrains et les ouvrir à un nouveau public. Comme Katarina et Robin, il fait partie du collectif Uto-Piste, qui organise formations, rencontres et spectacles pour tous les âges autour des arts du cirque. Ainsi il envisage de créer dans sa ferme un éco-lieu, qui regrouperait sur le même sol agriculture, cultures circassienne et artistique dans un esprit d’échange solidaire. Et pourquoi ne pas l’ouvrir aux enfants de l’école du village, qui trouveraient sur ses terrains la place d’expérimenter, à deux pas du village…

Dominique Foucard Quartier Mirail 06450 Lantosque smilodon@laposte.net

193

194

De nombreuses opportunités

De nombreux facteurs confirment le potentiel agricole de la

de services d’une grande agglomération, etc. Cette proximité avec

Vésubie. En premier lieu, la qualité du terroir, reconnue depuis

une zone urbaine d’importance forme un atout supplémentaire

longtemps : l’excellent ensoleillement, le climat montagnard

pour la promotion et la vente de leurs produits. L’offre de restau-

d’influence méditerranéenne, les facilités d’irrigation, l’isolement

ration, d’hôtellerie ainsi que de nombreux points de ventes poten-

face aux maladies et parasites, permettent d’y envisager la plupart

tiels en multiplient les opportunités de distribution.

des cultures sans pesticides et de garantir la meilleure qualité de

L’affluence touristique élargit considérablement le potentiel de

production. Autrefois, on louait les fruits rouges qui descendaient

la vente au niveau local. La demande est en effet croissante et

de la vallées par cageots, ainsi que la production maraîchère et

favorable à une agriculture qualitative. Les touristes attachent

les fruits à pépin et noyaux. Preuve que cette qualité n’est pas

de plus en plus d’importance à privilégier les produits locaux et

disparue, plusieurs restaurateurs haut de gamme de Nice s’appro-

artisanaux : en été, les productions de fromages, fruits et légumes

visionnent en Vésubie.

et miel sont aujourd’hui très inférieures à la demande, bien que

D’autre part, ce territoire rural est situé à proximité d’une grande ville, Nice, ce qui lui confère une grande attractivité pour le tourisme et l’habitat, mais aussi pour l’installation de nouveaux éleveurs ci-contre : 143.

La carrière de gypse de Lantosque, au quartier Saint-Georges, exploitée par Laffarge depuis les années 1960.

l’essentiel des ventes soient réalisées seulement en vente directe et sur les marchés. On peut donc compter sur une grande marge de progression et sur l’absence de concurrence entre producteurs.

et cultivateurs. Cette nouvelle génération d’agriculteurs est

L’émergence de plusieurs initiatives pour relancer l’agriculture et

souvent issue d’une culture citadine et reconnaît à la Vésubie de

faciliter l’accession des terrains aux agriculteurs confirment cet

nombreux arguments : proximité des réseaux principaux, niveau

intérêt grandissant. Des actions locales se multiplient et pourraient 195

influencer les politiques territoriales dont l’investissement pour l’agri-

effet de garantir la diversité des paysages, pour la biodiversité, mais

culture est encore peu sensible.

aussi parce que c’est la source principale de valorisation du pays

La multiplication des expérimentations et des résultats probants

ci-contre : 144.

Détail, du hameau à la vallée.

pour le tourisme et l’habitat : c’est bien avant tout la richesse et la

pourrait permettre d’infléchir les orientations politiques au niveau

beauté du territoire qui en génèrent l’intérêt. Le maintien de ces

intercommunal et de concrétiser les objectifs annoncés de valori-

paysages travaillés par l’homme depuis tant de siècles est donc un

sation de l’agriculture. À ce sujet, la Métropole apparaît comme

acte de sauvegarde de la culture et de l’identité du pays.

l’interlocuteur et l’opérateur privilégié en Vésubie pour monter de

La multiplication des exploitations et des fermes peut, de plus,

tels projets. Elle mène d’ailleurs déjà depuis 2014 des opérations de

constituer un attrait supplémentaire dans une logique de tourisme

mise en exploitation de terrains, notamment dans la vallée du Var.

vert et s’inscrire dans un cercle vertueux de promotion d’une

La prise de conscience pour la sauvegarde des écosystèmes et de

agriculture durable. Dans l’imaginaire collectif, la présence de l’agri-

la biodiversité intervient également en faveur d’un retour à l’agri-

culture est ancrée dans l’identité rurale et saluée par la population.

culture. En multipliant les milieux et favorisant les zones d’échanges,

De nombreux propriétaires souhaitent remettre en culture leurs

l’agriculture – sous sa forme paysanne raisonnée, associant les

propres terrains, le plus souvent sous une forme gratuite, Ainsi, ils

cultures et proscrivant la chimie – est le vecteur de biodiversité le

participent à un projet commun valorisant. Cet engagement rejoint

plus efficace, tel que l’expriment les directives de la Trame Verte et

d’autres initiatives qui entretiennent interactions sociales, intergé-

Bleue et des engagements des collectivités territoriales.

nérationnelles et convient à la fois aux habitants et touristes dans

La réhabilitation de l’agriculture est en outre le moyen le plus

un esprit de partage. L’agriculture est alors placée au croisement

économique et le plus logique pour combattre la banalisation des

d’activités culturelles et artistiques, offre des sujets autour desquels

paysages et l’enfrichement généralisé des pentes. Il convient en

se retrouver. 197

Aides et ressources

Pour s’installer ou pour développer leur activité, les agriculteurs

• La Chambre d’Agriculture des Alpes Maritimes

peuvent faire appel à plusieurs organismes d’accompagnement et

Interlocuteur institutionnel principal des agriculteurs dès lancement

d’aide financière. La liste suivante, sans être exhaustive, regroupe

de leur activité, la Chambre d’Agriculture en assure le cadre adminis-

les principaux acteurs auxquels les jeunes agriculteurs peuvent

tratif. C’est auprès d’elle que le statut de l’agriculteur est défini : suivi

faire appel pour les aider à monter des projets d’installation ou de

parcellaire, cotisant solidaire, agriculteur exploitant (exploitation

développement, en partant de l’échelle locale :

individuelle ou société). C’est le nombre de personnes présentes sur

• Les associations de la Vésubie : l’Amont, Le Potager de la Vésubie, Reises, le Groupement d’Études et de Développement Agricole et Rural (GEDAR), le Foyer Rural d’Utelle Les associations visent chacune à préserver et promouvoir l’agriculture traditionnelle en Vésubie. En mettant en relation propriétaires et agriculteurs, montant des projets participatifs, organisant des rencontres et des formations, elles soutiennent les jeunes agriculteurs, promeuvent les savoir-faire traditionnels, les modes de culture durables, les circuits courts, la culture vésubienne et la vie sociale de la vallée.

la ferme, leurs liens de parenté éventuels et leur rapport à l’exploitation qui vont principalement orienter votre choix vers tel ou tel statut. D’autres éléments seront à prendre en compte (activités pratiquées, statuts fiscaux et sociaux, etc.). La Chambre d’Agriculture dispose également de ressources permettant l’apport d’aides à l’installation, de prêts bonifiés et de formations.. • Le Point Accueil Installation (PAI) À l’échelon départemental, les PAI apportent information et suivi auprès de personnes désireuses de créer une activité agricole. Ils aident notamment à définir le montage économique, à l’élaboration

198

des documents réglementaires ou les demandes de subventions, et

les jeunes agriculteurs, les syndicats apportent le réseau d’autres

orientent vers les différents interlocuteurs.

agriculteurs installés, un soutien pour l’élaboration de projets, des

• L’Association pour le Développement de l’Emploi Agricole et Rural des Alpes-Maritimes (ADEAR) Basée sur un réseau de «paysans-tuteurs» à travers le département, l’ADEAR soutient les projets d’installations agricoles et la transmission de fermes. Elle apporte aux jeunes agriculteurs un appui dans l’élaboration de leur projet et la recherche de solutions adaptées à leurs besoins. L’ADEAR intervient en proposant des formations et rencontres en lien avec les autres départements de la région PACA, afin de promouvoir une agriculture paysanne à taille humaine permettant une vie décente aux agriculteurs et des produits de qualité, sans remettre en cause les ressources de demain.

moyens d’intervention auprès des élus et des Chambres d’Agriculture, et forment un force de proposition pour l’évolution du métier. En particulier, ils mènent débats et discussions avec les pouvoirs publics, les entreprises de l’agro-alimentaire, fabricants de machines et outils agricoles, etc. À l’échelle d’une exploitation, ils peuvent intervenir auprès de la Chambre d’Agriculture pour les actions d’urgence telles que l’équarrissage, appuyer certaines demandes de subventions et soutenir l’élaboration de projets. • La Métropole de Nice À la demande des communes, la Métropole fournit des études de faisabilité (qualité des sols, exposition, accessibilité, capacités d’irrigation, capacité de production) sur le potentiel d’exploitation de

• Les syndicats agricoles (Confédération paysanne, FNSEA, Jeunes Agriculteurs, Coordination rurale, MODEF…)

terrains acquis par elles en vue d’y installer ou d’y préserver une

Les syndicats agricoles représentent les agriculteurs afin de

candidature pour la recherche d’agriculteurs intéressés par s’ins-

défendre leur mode d’exercice et d’en garantir la pérennité. Pour

taller sur les terrains. Elle accompagne le porteur de projet et fournit

activité agricole. En second temps, elle peut formuler les appels à

199

une aide financière en complément des aides accordées par le

à usage agricole, qu’elle peut faire valoir à défaut d’acquisition à

Département ou la Région.

l’amiable. Elle intervient notamment en réalisant :

Durant l’année 2016, cinq projets de ce type ont vu le jour avec le soutien de la Métropole. Le modèle le plus courant est l’acquisition de terrains par une commune, et la signature d’un bail agricole pour l’exploitant du ou des terrains. La métropole intervient également avec la SAFER pour accompagner la préemption sur des terrains agricoles à vendre, sur notification de la Chambre d’Agriculture. • La Société d’Aménagement foncier et d’Établissement Rural (SAFER) La SAFER est un établissement privé d’intérêt général qui achète, gère, aménage et revend des terrains à usage ou vocation agricole. Elle a pour objectif de dynamiser l’agriculture et les espaces forestiers, de soutenir l’installation de jeunes agriculteurs, de protéger

200

-- des études foncières et conseil aux communes -- des actions d’achat de biens agricole et vente à des agriculteurs, aux collectivités et établissements publics ou aux personnes privées s’inscrivant dans un projet de développement de l’agriculture régionale -- un accompagnement de projets agricoles reconnus d’intérêt général -- l’entretien ou la gestion de terres avec mise en location ou occupation temporaire par des agriculteurs -- des travaux d’aménagement pour améliorer les conditions d’exploitation ou la qualité paysagère • Le Département des Alpes Maritimes Le Département peut allouer des subventions aux agriculteurs. Il dispose d’un panel de programmes accordant des aides : -- à la filière bois

l’environnement, les paysages et les ressources naturelles et

-- à la modernisation des exploitations

d’accompagner le développement de l’économie locale. Elle

-- aux coopératives d’utilisation du matériel agricole (CUMA)

dispose notamment d’un droit de préemption sur tous les terrains

-- à l’installation de jeunes agriculteurs

-- assurance contre les aléas, la grêle

employées dans l’architecture des granges et vacheries d’alpage,

-- au développement de l’apiculture

les acteurs du parc peuvent conseiller les personnes désireuses de

-- à l’installation ou au passage en agriculture biologique

réaliser des rénovations ou réhabilitations dans les règles de l’art.

-- à l’élevage -- à l’amélioration de l’habitat rural -- à la création de contrats d’insertion • Le Bois Vivant, Association des Communes Forestières et pastorales des Alpes-Maritimes Principalement dédiée à la promotion, au développement et à la modernisation de la filière bois dans les Alpes Maritimes, l’association met en lien les propriétaires, les exploitants forestiers et les entreprises du bois. Elle dispose de ressources pour accompagner et conseiller les projets d’exploitation en foresterie. • Le Parc National du Mercantour Actif sur les espaces naturels comme auprès des agriculteurs et

Avec la création du label «Esprit Parc National», c’est aussi un carnet d’adresses des producteurs et artisans qui se construit, ainsi qu’un moyen de valoriser les productions locales en offrant une visibilité et un gage de qualité supplémentaires. • Le Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement Principalement concerné par l’architecture, l’aménagement et leur intégration urbaine et paysagère, le CAUE est une source de conseil sur la rénovation et la préservation du patrimoine bâti. Accessible par les collectivités comme par les particuliers ou les professionnels, le CAUE dispose d’un carnet d’adresses d’entreprises et peut être le relais d’initiatives telles que des chantiers-écoles.

études concernant la biodiversité, les phénomènes climatiques

• Le Centre d’Études et de Réalisations Pastorales Alpes Méditerranée pour la gestion des espaces naturels par l’élevage (CERPAM)

ou les savoir-faire traditionnels. En particulier sur les techniques

Cette association dédiée au suivi de l’élevage extensif en région

éleveurs dans le périmètre du parc, le Parc mène régulièrement des

201

PACA regroupe de nombreux membres (Chambres d’Agriculture,

-- à l’installation de jeunes agriculteurs

syndicaux agricoles, groupements pastoraux, filières économiques

-- à l’installation ou au passage en agriculture biologique

d’élevage, organismes forestiers, collectivités locales, gestionnaires

-- aux initiatives favorisant la biodiversité et la qualité de l’eau

d’espaces naturels, instituts de recherche, Association Régionale

-- aux initiatives œuvrant pour le développement de l’activité

des communes forestières) et dispose de relais départementaux. Elle accompagne collectivités locales et agriculteurs pour le développement du pastoralisme. Elle réalise des expertises environnementales ; aide à la création de contrats agri-environnementaux entre les éleveurs et l’État ; coordonne des projets d’aménagement ou de rénovation de bâtiments pastoraux ; mène des actions de prévention des feux de forêt : des actions d’héliportage de matériel sur les zones non desservies par des chemins ; réalise les expertises qui concernent les attaques de prédateurs ; enfin coordonne la création d’associations foncières pastorales et accompagne la réalisation de convention pluriannuelle de pâturage. • La Région Provence-Alpes-Côte-d’Azur La Région PACA dispose d’un grand nombre de programmes d’aides aux agriculteurs. Elle propose notamment des subventions : 202

agricole et la préservation de l’environnement -- aux investissements liés à l’amélioration des consommations énergétiques, au recours aux énergies renouvelables, à la gestion de l’eau et à la réduction des déchets -- à la modernisation et la mécanisation des exploitations -- à la recherche agronomique et à la promotion de produits régionaux -- aux actions de développement des circuits courts -- à l’emploi de salariés agricoles et au renouvellement des générations -- à la formation professionnelle et au remplacement ponctuel des agriculteurs sur leur exploitation -- aux actions en faveur de l’égalité des chances et des sexes -- aux organisations syndicales -- aux initiatives d’animation et de communication en faveur d’une agriculture régionale -- aux collectivités pour la préservation des espaces agricoles

-- à la représentation de de l’agriculture dans les projets territoriaux

-- le programme de Coopération Territoriale Européenne (coopération interrégionale, transnationale et transfrontalière)

-- à l’installation en pastoralisme

-- L’Instrument Européen de Voisinage de la Méditerrannée (coopération entre les pays méditerranéens)

-- aux initiatives de coopération méditerranéenne ou internationale -- aux manifestations locales en faveur des traditions et de l’agriculture régionale

-- le programme LIFE (environnement et climat) -- le programme «Enjoy it’s from Europe» (promotion des produits agricoles de l’Union)

• L’Union Européenne L’Union Européenne soutient les collectivités locales et en particulier la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, pour les investissements visant à développer l’agriculture, la préservation de l’environnement et des paysages à travers plusieurs programmes : -- le Fonds Européen de Développement Régional (emploi dans les PME) -- le Programme Interrégional du Massif des Alpes (ressources alpines et développement durable, filière bois, risques naturels) -- le Fonds Social Européen (formation, accès à l’emploi, emploi jeune, lutte contre les inégalités) -- le Fonds Européen Agricole de Développement Rural (productivité du secteur agricole, emploi) -- le Fonds Européen pour les Affaires Maritimes et la Pêche 203

chapitre 4

projet : de la vallée au hameau, la réhabilitation agricole de Pélasque Supérieur

En regard à l’analyse qui a été menée ces derniers mois, j’ai déterminé des propositions systémiques territoriales pour fonder un projet public et faciliter la réhabilitation des paysages agricoles du Haut-Pays et de la Vésubie. C’est dans ce cadre que le projet spatial se constitue, selon trois niveaux d’intervention : - à l’échelle de la vallée, la constitution d’une organisation rationnelle de mise en commun des ressources, des moyens de transformation et de distribution des produits de l’agriculture et de l’élevage - à une échelle intermédiaire, le projet de réhabilitation du hameau de Pélasque Supérieur à Lantosque, comme projetpilote ou expérimental, mais dont les composantes pourraient être adaptées à d’autres espaces agricoles de la vallée - à l’échelle de l’aménagement, des propositions pour l’adaptation et la modernisation des terrains agricoles, la réhabilitation des constructions et l’implantation de cultures, avec le souci de leur bonne insertion paysagère et architecturale.

Un projet de territoire

Intervenir par le projet de paysage dans le pays de Vésubie invite

trois quarts des terrains autrefois découverts qui appartiennent

en premier lieu à évaluer la manière dont il a pu évoluer à diffé-

désormais au domaine forestier. Dans le même temps, l’activité

rentes échelles de temps, et en particulier au cours du siècle passé.

agricole subit une déprise importante avec un nombre d’exploita-

À l’image de nombreux paysages ruraux français, force est de

tions en baisse constante depuis 1950.

constater que les dernières décennies ont opéré de profonds changements dans le mode de vie et les pratiques agricoles, qui ont eu des conséquences très visibles sur les paysages.

double page pp. 206-207 : 145.

Vue sur la vallée depuis Pélasque Supérieur.

ci-contre : 146.

Quartiers du Fourcat et du Seuil à Lantosque.

La commune connaît cependant un essor sensible depuis le milieu des années 1980 et l’engouement qui suit la création du Parc National du Mercantour. Si cet avènement touristique offre

Se focalisant sur la commune de Lantosque, représentative des

de belles opportunités pour dynamiser la vallée, il s’accompagne

phénomènes apparus dans toute la vallée de la Vésubie, des

d’une agitation dont il convient de mesurer les conséquences. Le

centaines d’hectares de terres cultivées depuis plus de mille ans

fort trafic automobile, la multiplication des résidences secondaires,

sont désormais couverts : en cinquante ans, ce sont plus des

la pression promotionnelle, la transformation des commerces, le 211

développement de l’offre de loisir, etc., sont autant de sujets à inter-

sation et les attentions à son bénéfice : la collectivité doit permettre

roger. Les multiples exemples alpins ou balnéaires ont montré à

l’émergence d’un projet associant la Côte à son Arrière-Pays.

quel point il est nécessaire pour les gouvernants d’être attentifs aux évolutions rapides et intenses que le tourisme peut engendrer. Sans le considérer comme une menace ni renier les opportunités de développement économique et social que le tourisme peut apporter, il convient d’être prévenant et d’anticiper en particulier ses répercussions sur le paysage en tant que bien commun à transmettre. À ce sujet nombre de répercussions sont déjà à

La responsabilité des élus ne saurait évacuer celle des bénéficiaires et usagers du domaine privé. À ce titre, les initiatives individuelles d’habitants, d’agriculteurs, de promoteurs, commerçants ou industriels peuvent conduire à des transformations de grande ampleur dont la seule régulation verticale ne peut être suffisante. C’est à nouveau la prise de conscience collective qui doit faire naître les initiatives positives pour le bien et l’espace communs. C’est cette

déplorer en Vésubie.

prise de conscience qui peut juguler – sans accabler – les usages

Par ailleurs, le regroupement des instances de gestion du territoire

malheureux par la compréhension des effets néfastes sur les

et le déplacement des compétences posent question dans un

paysages qu’ils engendrent et des solutions alternatives pour les

pays contrasté tel que les Alpes Maritimes, autant qu’ils permettent

éviter. À ce titre l’éducation, l’accès à la formation et à l’information,

d’envisager une approche globale et solidaire de ses probléma-

la diffusion de guides et l’organisation d’ateliers, notamment grâce

tiques : la Métropole de Nice, dont Lantosque fait partie, associe

aux associations ou aux écoles sont à valoriser.

touristes et lieu de tourisme dans un espace commun de projet (la majorité des visiteurs de la Vésubie sont issus de Nice et environs). Le sentiment d’appartenance à un même territoire doit pouvoir favoriser les initiatives d’échange, de partage, de responsabili-

En Vésubie, un projet de réhabilitation des paysages agricoles poursuivrait trois objectifs : -- au niveau territorial, une réorganisation des modalités d’occupation des sols agricoles et le développement d’outils favorisant

la réinsertion de nouvelles exploitations. Cet objectif reviendrait aux collectivités territoriales, représentées localement par des animateurs au plus proche des sites et des personnes

Un engagement de la collectivité

Pour mener à bien un projet de renaissance de l’agriculture, un

-- au niveau de la vallée et des villages, la mise en place d’un

travail de fond doit être mené par la Métropole, interlocuteur

système de coopération agricole : mutualisation de moyens

privilégié grâce à ses moyens d’actions et ses compétences. Elle

d’exploitation, de transformation et de distribution des produits,

dispose de plus d’une échelle d’intervention à la fois territoriale –

promotion au niveau local et à proximité de la vallée, multipli-

vision globale et coordination – et très localisée au niveau des

cation des canaux de distribution, création de labels, appella-

communes et hameaux – connaissance fine du «terrain» et des

tions ou marques… Cet objectif reposerait sur une organisation

acteurs.

associative voire publique, soutenue par les collectivités -- au niveau des hameaux et des sites agricoles, la réalisation d’un référentiel d’aménagement et de gestion évolutif, mettant en évidence des principes communs pour l’utilisation de matériaux et matériels dans le paysage. Ce référentiel formerait le support de discussion et d’expérimentation dans une démarche d’amélioration des pratiques et pourrait être animé par l’association ou l’organisme public. La collectivité pourrait intervenir à cette échelle très locale par le support technique ou certains aménagements tels que voies d’accès, chemins, travaux lourds de terrassement ou de défrichement, mise à disposition de matériaux, etc., dans un souci de valorisation et d’harmonisation des espaces agricoles.

L’objectif : se doter des outils pour faire valoir l’agriculture du Haut-Pays Pour atteindre cet objectif, les thèmes suivants sont à approfondir : -- Restaurer l’agriculture comme projet de territoire, alternative au tourisme de masse, insoutenable sur le long terme -- Renforcer les actions publiques en faveur d’une agriculture qualitative et adaptée aux contraintes de site -- Mettre en place des outils fonciers en faveur des agriculteurs : le remembrement des montagnes pour regrouper les petites parcelles, la création d’une plateforme foncière plus efficace et accessible (co-construite avec la SAFER) -- Sanctuariser les terres fertiles dans les documents d’urbanisme, pour les préserver durablement des constructions dispersées 213

les hameaux hameau

Marchés locaux

Hotellerie Restauration Thermes

Moulin à huile

La Coopérative gestion : associative communale métropolitaine ?

La Maison de pays

bie

Vésu

vente à l’année

Écoles Maisons de retraite

produits frais et transformés

Laboratoire de transformation Épiceries fines Hôtellerie Restauration

Nice et la Côte

Édifier un nouvel écosystème rural

L’un des écueils de l’agriculture traditionnelle du haut-Pays, en mauvaise posture depuis des décennies, est de n’avoir su moderniser en particulier ses moyens de valorisation et de distribution. La qualité des produits étant reconnue depuis fort longtemps, la chaîne de vente reposant essentiellement sur la vente directe de voisinage et les marchés communaux pourrait être étendue et tirer meilleur parti de l’affluence de touristes, très demandeurs de produits typiques et de qualité.

ci-contre : 147.

Organisation d’un système coopératif de promotion des produits agricoles de Vésubie : • mise en réseau des fermes dispersées dans les hameaux, • mutualisation des moyens de transformation des produits, • valorisation par un label ou une marque identifiable, • distribution permanente grâce à la maison de pays en complément aux marchés communaux diffusion auprès des professionnels du tourisme et des collectivités • rayonnement des produits vésubiens vers la Côte et mise en place d’un approvisionnement durable

L’objectif : garantir la rentabilité et la pérennité d’une nouvelle agriculture en Vésubie -- Un système de coopération agricole : organiser un système de mutualisation des moyens et de distribution des produits plus efficace pour aider les agriculteurs à étendre leur rayonnement et assurer un revenu toute l’année, y compris hors des périodes de tenue des marchés grâce à un point de vente permanent (la Maison de Pays) -- Les Potagers de la Vésubie : ayant accompli de nombreuses actions en seulement un an et demi d’existence, l’association poursuit une démarche exemplaire à soutenir, par son dynamisme elle apporte peut-être la promesse du renouveau ?

Un guide de prescriptions paysagères

D’initiative commune entre collectivité et acteurs locaux, un guide de prescriptions évolutif présenterait les solutions d’aménagements agricoles les plus efficaces sur l’aspect technique, économique et répondant au mieux à la qualité d’insertion paysagère et architecturale. L’objectif : fournir un référentiel d’aménagements agricoles, une illustration des procédés efficaces, garantir leur bonne insertion paysagère et patrimoniale -- Toucher agriculteurs et privés sur la valorisation des paysages -- Les fiches thématiques pour illustrer, donner des idées et donner des réponses adaptées pour éradiquer les solutions par défaut -- Le suivi et la participation de la collectivité à la réalisation de certains aménagements grâce aux moyens de la Métropole 215

217

1. Les clôtures L’installation de clôtures basses est nécessaire pour garder les troupeaux, les diriger et pour protéger les murs de soutènements. En effet les bêtes qui escaladent les murs les abîment très vite et provoquent irrémédiablement leur effondrement. On excluera les tôles et autres filets de signalisation en plastiques pour réaliser les clôtures, peu adaptés et très visibles dans les paysages. L’association de treillis soudé de chantier et de piquets de bois (châtaignier, robinier, chêne) ou de fers à béton est toute indiquée : facile à mettre en œuvre et à déplacer, le treillis soudé rouille en surface et s’accorde admirablement à la pierre des murs.

Grillage galvanisé sur la périphérie À la périphérie de l’exploitation, il est donc impératif de clore les zones à risque par une clôture solide d’au-moins 1,60 mètre, bien tenue au ras du sol. Le grillage galvanisé noué, ou « grillage à moutons » est économique, peu pregnant dans le paysage et garantit la protection contre cervidés, blaireaux et sangliers qui sinon dévasteraient les cultures. La hauteur de 1,60 mètre à distance de tout promontoire doit protéger les troupeaux contre les renards et les loups. L’ajout de fils électriques au bas et en haut à l’extérieur de la clôture peut être nécessaire.

clôture pour les planches pâturées ou cultivées en fers à béton et treillis soudé

4. Plantation d’arbres fruitiers ll est souvent d’usage en Vésubie de planter les arbres fruitiers à la bordure des planches, quasiment à l’aplomb des murs. Cette habitude permettait de préserver la surface cultivable des planches, mais participe aussi à la longévité des terrasses : l’arbre développe son système racinaire en arrière du mur et agit comme un ancrage en profondeur de la terre. De plus, il régule l’humidité à proximité du mur et limite la migration des fines, qui ont tendance à colmater les assemblages des murs et provoquer leur effondrement.

plantation d’arbres fruitiers en amont du chemin pour préserver la vue

219

5. Installation de serres adossées La largeur réduite des planches de culture complique l’installation de serres : sur les portions de terrasses suffisamment rectilignes, il est possible d’installer des demi-tunnels, adossés aux murs de soutènement. La largeur de culture réduite convient aux fruits et légumes de petit développement, qui profiteront de la réverbération lumineuse et l’inertie thermique des murs. Il faudra veiller à ancrer solidement le piètement du tunnel dans le sol, en haut et en bas.

Proﬁter de l’inertie thermique des murs Adosser les serres aux murs des terrasses permet d’adoucir les écarts de températures en profitant de l’inertie thermique des murs : la pierre emmagasine l’énergie thermique durant la journée et la restitue la nuit (c’est le déphasage), ce qui favorise la bonne pousse des végétaux, à la manière d’un chauffage de la serre. Ce déphasage permet en outre d’adoucir les températures basses en particulier la nuit : on profite alors d’une croissance et d’une fructification plus précoces, ainsi qu’un allongement de la saison au-delà des premières gelées. serre adossée, qui profite de l’intertie thermique du mur

2. Les soutènements Les banquettes, terrasses ou restanques font partie intégrante des paysages agricoles de la Vésubie. Cette conformation étagée permet de retenir la terre arable dans la pente, qui sinon serait emportée par l’eau rapidement. Ces terrasses étaient construites à la main et étaient dimensionnées pour le traval manuel ou la traction animale, et ne sont plus toujours adaptées aux pratiques modernes. Le terrassement mécanique étant beaucoup plus efficace que la force humaine, on peut envisager de reprendre les banquettes pour les élargir ou les régulariser et d’opérer un soutènement par talus, dans un verger par exemple pour pour des prés pâturés. Le talus doit avoir une pente inférieure à 1 : 1 (3 : 2 préférable) et doit être impérativement semé dès sa réalisation.

Les murs de pierre sèche Les soutènements en pierre sèche demandent un minimum d’entretien pour garantir leur pérennité. Il faut veiller à ce que les végétaux ne colonisent pas la face du mur : les espèces ligneuses en grossisant poussent les blocs et les font tomber, menaçant l’intégrité des murs. La plantation d’arbres à l’aplomb des murs avec un léger retrait (30 cm) est traditionnellement pratiquée en Vésubie et participe à leur longévité : les racines croissent vers l’arrière de la planche et ancrent la terre en arrière du mur. De plus, elles limitent la migration de fines (particules de terre qui ont tendance à colmater les interstices et fragiliser le mur) et régulent l’humidité à proximité du mur. banquettes sur talus dans un verger

221

3. Évolution des murs de pierre sèche Il n’est pas toujours possible de maintenir en bon état les murs de soutènement traditionnels en pierre sèche : état trop mauvais, passage d’engins, terrain pâturé, etc. C’est la pression horizontale de l’eau et la colmatation des pierres qui conduit à sa destruction spontanée. Le passage d’animaux, et en particulier le gros bétail peut précipiter en très peu de temps la destruction complète des soutènements. Dans les terrains aux banquettes trop abîmées, il peut être intéressant de maintenir le pâturage de chèvres ou moutons, qui se satisferont de terrains accidentés, pour à terme que le terrain reprenne une forme de pré en pente. Attention de ne pas surpâturer durant cette période pour assurer un couvert végétal permanent et limiter l’érosion de la terre (plantation d’arbres par exemple).

différents états de dégradation des murs de pierre sèche

6. Irrigation des planches : système Sprinkler

les portions

L’irrigation était autrefois réalisée uniquement par un jeu de rigoles et de vannes, à travers

dossés aux

lesquelles on dirigeait l’eau pour qu’elle innonde les planches à arroser. Ce système

mes de petit

demandait beaucoup de travail pour entretenir les rigoles et faire tourner l’eau de planches

rmique des

en planches. Un système moderne canalisé est aujourd’hui bien plus efficace : très durable

haut et en

et facile à manipuler, un réseau de tuyaux permet d’amener la juste quantité d’eau et donc de limiter la saturation d’eau dans la terre, qui fragilise les murs de soutènement.

Irriguer par aspersion en demi-cercle Grâce aux arroseurs de type Sprinkler, il est possible d’irriguer une planche en aspersion en reutilisant les rigoles anciennes : les tuyaux sont dirigés au pied des murs et les arroseurs jalonnent le terrain régulièrement sur sa longueur. Les jets sont réglés pour arroser seulement les cultures et préserver le mur. L’arrosage et le parcours des tuyaux sont indépendants du sens des sillons ou des buttes cultivées, permettant une grande liberté d’installation.

irrigation par système Sprinkler le long du mur

223

7. Réhabilitation de deux granges en gîte rural Les granges étaient autrefois utlisées comme étables, greniers à foin et lieux de stockage de matériel et de denrées. Localisées au plus près des cultures, elles permettaient d’abriter les bêtes au prés, et de stocker les outils et les productions agricoles à proximité des planches cultivées. L’agriculture de subsistance qui était pratiquée ayant disparu, les granges sont souvent abandonnées à leur sort et finissent de ruines. En opérant une réhabilitation minimale, il est possible d’y envisager une activité de gîte d’été, profitant des vues exceptionnelles qu’elles offrent sur les montagnes, et de leur configuration en duplex.

Ensemble de deux granges à Pélasque Supérieur Réparties sur deux niveaux dans la pente, les granges comprennent une étable au niveau bas sur terre battue et un grenier-fenil au niveau supérieur sur plancher de châtaignier. Chaque niveau dispose d’une entrée distincte (la liaison haut-bas est assurée par une trappe à foin). dimensions intérieures : - niveau bas : 7,5 x 4,5 m, soit 35 m2 - niveau haut : 8 x 5 m, soit 40 m2

Les granges en l’état actuel

ockage de

De nombreuses granges sont aujourd’hui à l’état d’abandon et tombent en ruines. Pourquoi ne pas

d’abriter les

envisager à proximité de la ferme un lieu d’accueil de public, pour du tourisme vert, pour les woofers ou

es planches

pour des participants aux chantiers de formation ? Grâce au climat doux en été et à l’exposition plein

anges sont

sud très favorable, seuls des travaux minimums d’isolation sont nécessaires. La réhabilitation concerne

vité de gîte

la pose d’huisseries aux ouvertures, à la création d’un escalier entre les niveaux, le cloisonnement et la reprise des sols.

e leur confi-

Plan du niveau supérieur

Les granges réhabilitées

Plan du niveau inférieur

225

Un projet-pilote : le hameau agricole de Pélasque Supérieur

Afin de synthétiser l’ensemble des recherches effectuées et d’illustrer le renouveau agricole de la Vésubie, j’ai choisi le hameau de Pélasque Supérieur comme support d’expérimentation pour le projet.

Les activités présentes actuellement (usage des terrains, habitations, etc.) servent de base de travail mais pourront évoluer aux différentes phases pour améliorer le projet et aboutir à une configuration jugée optimale. De même, pour des raisons pratiques, on s’affranchira ici des difficultés liées aux dispositions cadastrales et à la juxtaposition des propriétés, qui posent un problème assez inextricable.

Ses dimensions importantes, sa bonne exposition et son intégrité spatiale sont des atouts pour y envisager l’installation de nouvelles exploitations agricoles, associant notamment cultures maraî-

Situation

chères et élevage. Puisqu’il est encore proche de sa configuration agricole d’origine (terrains entretenus, restanques et système d’irrigation en état, habitat groupé), une telle intervention nécessiterait des moyens limités. D’autre part, il regroupe les caractères communs

ci-contre : 148.

Hameau de Pélasque, vu d’oiseau depuis l’ouest.

Pélasque Supérieur est un hameau rattaché au village de Lantosque. Il est situé sur la rive droite de la Vésubie et sur le flanc sud-est du massif du Tournairet.

à la plupart des terrains cultivables de la Vésubie (restanques,

Perché entre 800 et 900 mètres d’altitude sous la Cime Clos de

système d’irrigation gravitaire, granges disséminées). À ce titre, le

Raut, le hameau est à environ six kilomètres du bourg principal par

hameau pourrait constituer un exemple d’aménagement et une

la route (M 373), qui monte depuis le village à flanc de montagne, à

base de référence pour la réintroduction de l’agriculture dans

travers les oliviers via le quartier de Saint-Georges, le haut de Pical,

d’autres hameaux.

puis Cougnas. La route poursuit à travers un bois jeune, mêlant 227

Lantosque village

Pélasque Supérieur

200

400 m

Environs de Pélasque Supérieur échelle 1/20 000

229

résineux (pin sylvestre) et feuillus (châtaignier, chêne pubescent, charme-houblon, merisiers…) dont il est difficile de dire lesquels ont été plantés de main d’homme et lesquels ont grandi spontanément. La route se termine par un série de lacets lorsque l’on arrive dans la clairière formée par le hameau, puis meurt en cul-de-sac sur les dernières maisons. Le hameau est exposé dans la pente face au sud et domine de loin la vallée de la Vésubie et le clocher de Pélasque (hameau principal, en contrebas). Grâce à la bonne exposition, on profite ci-contre : 149.

150.

d’un climat plutôt favorable, abrité des vents dominants, et l’altitude

Vue schématique du hameau, avec en vermillon les habitations, la route construite en 1964 et le réseau de chemins qui permettait d’atteindre tous les terrains cultivés. En haut à droite, le chemin qui rejoint le quartier de Saint-Georges et le village de Lantosque. Deux vallons parcourent le hameau de haut en bas, alimentés par le canal d’irrigation de la Cerisière, toujours en fonctionnement, qui prend sa source aux granges de la Brasque. De chaque vallon partent conduites et rigoles grâce auxquelles on irriguait les planches de manière gravitaire en faisant «courir» l’eau sur les différentes parcelles.

de moyenne montagne est en partie compensée par un ensoleil-

à droite : Vue aérienne de 1945, montrant le hameau de Pélasque sans encore la route qui y mène aujourd’hui, ainsi que l’importance des terrains cultivés, en grande partie recouverts aujourd’hui.

lement optimal toute l’année.

État des Lieux

Le hameau de Pélasque Supérieur est une clairière d’environ

Le sous-sol est ici composé en majorité de grès d’Annot – qui

douze hectares recouverte de terrasses, exposée plein sud.

autorise l’implantation d’espèces calcifuges telles que le châtai-

Aujourd’hui cinq maisons y sont habitées, ainsi que deux résidences

gnier – et présente ponctuellement des inclusions de schiste et

secondaires occupées par intermittence. Les constructions sont

de calcaire. Le hameau est bordé sur l’est (en direction de Saint-

disposées en chapelet autour de l’ancien chemin communal,

Georges) par un versant de calcaire argileux très sec, comme en

visible en travers des terrasses mais aujourd’hui discontinu.

témoigne la végétation méditerranéenne calcicole présente : buis, genévrier, cotinus, lavande, etc.

Ce chemin de mulet qui rejoignait le quartier de Saint-Georges

231

était le seul moyen de communication avec les autres hameaux

La configuration spatiale des terrains le positionnement de la route

et le village, avant la construction de la route en 1964. C’est à cette

assurent une assez bonne accessibilité. Ce sera un atout pour

époque que les maisons ont été connectées aux réseaux d’élec-

l’exploitation, qui permet d’envisager la mécanisation de certains

tricité et de téléphone.

travaux.

Autrefois cultivés par les familles qui vivaient là, les terrains sont à

Plusieurs bâtiments sont aujourd’hui inutilisés et s’abîment :

l’heure actuelle maintenus en état par le pâturage de moutons,

c’est le cas de deux maisons anciennes (la Maison-Vieille et la

vaches, chevaux et ânes appartenant à quatre éleveurs. L’orga-

Maison-Haute) et de plusieurs granges disposées sur les terrains.

nisation agricole du hameau demeure aujourd’hui très lisible,

Leur devenir est à étudier, de même que leur rénovation et leur

comme en témoigne la vue aérienne, grâce à l’entretien suivi des

éventuelle réintégration à l’activité agricole (pour la transformation

planches et la relative intégrité des murs de soutènement.

de produits, le stockage…), voire leur changement de vocation

Le système d’irrigation traditionnel est toujours en état de fonction-

ci-contre : 151.

La Maison-Vieille de Pélasque Supérieur, cnostruction la plus ancienne du hameau, qui pourrait dater de la fin du XVIIIe ou du début du XIXe siècle.

(habitat, gîte rural…).

nement : alimenté par le canal de la Cerisière, le hameau dispose

Enfin, le choix des activités agricoles à installer sera effectué avec le

de plusieurs vallons raccordés au canal qui permettent l’irrigation

souci de leur rentabilité sur le plan économique, et de leur intérêt

des différentes planches. Sa gestion est cependant de plus en

sur les plans écologique (coût énergétique, adaptation au climat

plus difficile : les travaux nécessaires à son maintien en état et à

et au terrain) et social (valeur qualitative, patrimoniale). Les aména-

sa modernisation sont aujourd’hui gérés par une association dont

gements ou adaptations seront également déterminés par leur

le nombre d’adhérents et leur disponibilité pour participer aux

efficacité et leur coût, ainsi que par leur capacité d’insertion et de

travaux diminue à mesure que l’activité agricole disparaît.

préservation des paysages.

233

152.

153.

154.

155.

241

156.

243

État initial : 3 qualités de terrains > meilleurs terrains : planches larges et en bon état, mécanisation possible (vert) > planches étroites et accès limité, état intermédiaire (jaune) > planches en mauvais état dû au pâturage intense (bleuté)

244

De belles qualités agricoles et paysagères > exposition plein sud > irrigation fonctionnelle > terrains disponibles et en assez bon état > hameau habité

245

Une proposition d’organisation

On réalise en premier lieu des actions préalables d’organisation de l’espace du hameau en tant que clairière agricole : l’aménagement des accès, le défrichement d’une partie des bois sauvages, le dégagement du vallon pour rendre visible l’eau et favoriser les écosystèmes inféodés aux milieux humides. Le potentiel : -- du maraîchage de plein air et sous serre, en cultures associées (éventuellement en agroforesterie) : 4 hectares -- des vergers avec arbres de plein vent et palissés sur les murs : 2 hectares -- des terrains pâturés sur le mode actuel, avec vaches, moutons, chevaux, ânes (en rotation avec d’autres hameaux, éleveurs extérieurs) : 2,5 hectares

ci-contre : 157.

La Maison-Haute, appuyée contre un bloc de grès affleurant.

-- au global, on envisag un revenu pouvant générer au moins 5 à 7 salaires (pour mémoire, en maraîchage, 1 unité de travail équivaut à 0,7 hectare, potentiel grandement amélioré grâce à la permaculture et autres techniques à forte densité de plantation).

Le programme = une activité agricole mixte : -- polyculture maraîchère, associant fruits et légumes et favorisant les espèces locales. Une production de semences est envisageable dès les premières années pour aquérir à moyen terme une autonomie et prolonger la tradition paysanne de sélection des variétés -- fruticulture (arbres et petits fruits), notamment des variétés anciennes, plus rustiques face aux maladies, de fruits à pépins, de figues et de châtaignes, très présentes à Pélasque -- pâturage grâce aux éleveurs extérieurs qui mènent leurs bêtes sur différents hameaux, le fumier récupéré sert à fertiliser les cultures -- plantes aromatiques et médicinales, pour la confection d’huiles essentielles, de bases pour la pharmacie et les cosmétiques (produits à forte valeur ajoutée, marché en forte croissance et faible production en France) -- apiculture, pour renforcer la pollinisation des cultures, pour la production de miel et la confection de produits transformés pouvant être vendus à l’année -- formation aux techniques : la rénovation de maison ou de granges permet d’accueillir un public à la recherche de 247

Défrichement du vallon > ouverture des vues sur la clairière lorsque l’on arrive, redonner l’unité spatiale > rendre visible l’eau et favoriser le milieu humide le long du vallon (plantes et insectes) > création de prés-bois

défrichement du vallon et nouvelle lisière

un pré-bois pour les chevaux

Prévoir les installations de serres > plutôt à l’amont pour préserver les vues

installation de serres-tunnels

serres adossées installation de serres-tunnels

249

Zones de cultures > maraĂŽchage > cultures sous serres > petits fruits > vergers > plantes aromatiques

Élevage > pâturage : en rotation comme aujourd’hui (trois éleveurs) > bovins, caprins, ovins, > apiculture

251

connaissances sur les savoir-faire. On peut envisager un centre de formation à géométrie variable sur les techniques agricoles ou architecturales, l’accueil de séminaires… -- tourisme rural : la création de gîtes dans des bâtiments anciens permet l’accueil de touristes verts à la découverte des sentiers ou de la ferme, profitant d’un hébergement rustique et original dans les vieilles maisons ou les granges.

-- l’efficacité pour répondre au besoin -- la qualité perçue et l’incidence visible sur les vues et les paysages En illustrant différents exemples significatifs (accès, clôtures, portails, installation de serres, irrigation, etc.) le guide présente des solutions optimisées pour garantir la meilleure insertion des activités agricoles dans leur environnement. Sur un temps plus long, le projet met en œuvre un parti d’aména-

ci-contre : 158.

Les murs de soutènement dont l’entretien est éprouvant mais qui forment l’armature du paysage de restanques.

Aménagements, adaptations, suivi

gement pour la réhabilitation du hameau, des maisons anciennes et de leurs abords directs. Le projet entend réhabiliter les structures,

La dernière échelle d’intervention concerne les aménagements, les

les bâtiments, les cheminements et la disposition des espaces dans

équipements et les matériaux à mettre en œuvre. Il s’agit de définir

cet ensemble aujourd’hui partiellement en ruines. L’enjeu se situe

un cahier des charges grâce au guide à l’usage des agriculteurs.

en particulier au niveau des trois maisons les plus anciennes, dont

Les propositions sont établies sur la base d’exemples de fermes

deux sont aujourd’hui très dégradées, et qui sont les témoins de

visitées durant les derniers mois et de recherches documen-

l’architecture dans les hameaux de Lantosque.

taires sur les savoir-faire traditionnels de la Vésubie. Sous forme de

Le chemin historique qui permettait de rejoindre le hameau de

prescriptions, ces différents éléments prennent en compte :

Saint-Georges et le village est aujourd’hui partiellement démoli

-- la facilité de mise en œuvre

et impraticable. Dans le projet, il est réhabilité pour accueillir les

-- l’accessibilité des matériaux

randonneurs et informer sur la constitution du hameau dans le

-- l’économie et la durabilité

courant du XIXe siècle. 253

10. Le chemin de Saint-Georges Itinéraire historique principal pour rejoindre les autres hameaux depuis Pélasque Supérieur, le chemin de Saint-Georges est aussi celui autour duquel le chapelet du hameau s’est constitué depuis le XIXe siècle. Emprunté vers l’aval, le chemin dévale la pente jusqu’à rejoindre le torrent de la Vésubie au fond de la vallée aux Condamines. Suivi vers l’amont du hameau, le chemin parcourt le massif du Tournairet jusqu’à l’alpage communal, aux Granges de la Brasque, à près de cinq heures de marche et 1800 mètres d’altitude. Pélasque Supérieur est donc une étape de l’itinéraire rejoignant le point haut et le point bas du village de Lantosque. Pour la valeur symbolique et patrimoniale qu’il véhicule, le chemin de Saint-Georges pourrait être le fil rouge d’une rénovation des ci-contre : 159.

Le chemin de Saint-Georges et les maisons qui ont constitué un chapelet dans la pente.

bâtiments et des terrains avoisinants et constituer une trame de projet.

à droite : 160.

Le chemin de Saint-Georges parcourant la montagne, du torrent de la Vésubie aux alpages du Tournairet.

255

256

Éclairer l’entrée au hameau L’arrivée en contrebas du hameau est aujourd’hui peu lisible, le chemin est en partie démoli et largement enfriché. Les murs de soutènement sont pourtant bien là, mais couverts de ronces ou de clématites, éboulés par endroits. état existant

Il faudrait valoriser l’entrée du chemin à Pélasque Supérieur, en contrebas du hangar : on défriche les arbres et arbustes qui bouchent la vue, on redessine le chemin à travers les fourrés, on remet d’aplomb les murs abîmés pour marquer le croisement entre la ci-contre : 161.

route et le chemin.

On devine le chemin qui contourne le hangar près du virage puis traverse la route, puis gravit les terrasses jusqu’au boisement. état projeté

257

258

Dessiner la lisière, dégager le chemin Une fois la route franchie, on distingue tout là-haut les maisons, mais le chemin meurt rapidement dans le bois qui a tout envahi. En contrebas, une grange est immergée dans les arbres, et l’on ne lit pas la forme de clairière du hameau. état existant

Il faudrait valoriser l’entrée du chemin à Pélasque Suépérieur, en contrebas du hangar : on défriche les arbres et arbustes qui bouchent la vue, on redessine le chemin à travers les fourrés, on remet d’aplomb les murs abîmés pour marquer le croisement entre la ci-contre : 162.

route et le chemin.

Le chemin une fois traversé la route remonte la pente en direction du hameau, puis se perd dans le bois sauvage. état projeté

259

260

Réhabilitation de la Maison-Vieille La Maison-Vieille est la première maison à avoir été construite dans le hameau. À l’origine étroite et haute, elle a subi deux extensions par le côté pour adjoindre des logements supplémentaires. Elle est en mauvais état aujourd’hui, mais abrite encore des

état existant

intérieurs traditionnels «dans leur jus».

Une

réhabilitation

l’ensemble

du bâtiment est peu envisageable, compte-tenu des lourds travaux à y entreprendre. Une rénovation du corps ci-contre : 163.

La Maison-Vieille à gauche, la Maison-Haute à droite et la maison du Pépé au-dessus. La Maison-Vieille a subi plusieurs agrandissements par rapport à sa forme étroite et symétrique d’origine. Elle est aujourd’hui en mauvais état structurel (lézardes importants dans les murs, planchers en mauvais état, menuiseries non fonctionnelles) et nécessiterait de lourds travaux pour sa réhabilitation.

principal permettrait de réduire l’investissement et de valoriser le chemin, lui aussi rénové en remontant ses pierres de rive et sa callade d’origine.

état projeté

261

262

La grange et le four Arrivé aux dernières maisons, le chemin se perd après avoir contourné la ruine d’une petite grange dont ne restent que les murs, et qui était peut-être jumelée. Les restanques émoussées et le chemin disparu, on peine à comprendre comment tout cela était organisé.

état existant

Une fois le chemin restauré, les restanques sont reprises, leurs murs remontés pour retrouver un étagement cohérent. La petite grange était autrefois couverte d’un toit de chaume de seigle, technique jadis courante mais aujourd’hui disparue en Vésubie. ci-contre : 164.

L’arrivée du chemin, qui contourne par la gauche la Maison-Vieille, puis une petite grange en ruine. Les nombreuses différences de niveaux, les murs abîmés rendent l’espace peu lisible et peu fonctionnel.

Lui redonner un toit permettrait de retrouver la méthode traditionnelle.

état projeté

263

264

Réhabilitation de deux granges en gîte d’été Plusieurs granges sont disséminées dans les restanques à Pélasque Supérieur.

Aujourd’hui

certaines

sont utilisées pour y rentrer les brebis, d’autres sont à l’état d’abandon. état existant

Ces

bâtiments

rustiques

sont

néanmoins facilement aménageables : d’une surface au sol d’environ 40 mètres carrés sur deux niveaux, les granges disposent toujours d’un accès haut et d’un accès bas, sont toujours bien orientées et offrent des vues spectaculaires. À Bastié par exemple, un couple de granges adossées au rocher ferait ci-contre : 165.

un superbe gîte rustique.

Les granges de Bastié, vues du haut en direction de la vallée. La vue est spectaculaire ! état projeté

265

conclusion

On peut affirmer qu’il semble inévitable d’associer au projet local un

Bien-sûr, il vise à remettre en exploitation des terrains que seule

système territorial adapté et porteur. Pour l’agriculture en Vésubie,

l’agriculture a les moyens d’entretenir et de protéger de l’enfri-

c’est donc tout une dynamique à l’échelle de la vallée, voire métro-

chement généralisé.

politaine, à mettre en place pour garantir la viabilité et la pérenni-

Par ailleurs véritable projet social, il doit concourir à une meilleure

sation de nouvelles exploitations.

organisation de l’habitat et à une valorisation des villages. L’habitat

En particulier, il s’agit de valoriser au maximum les potentiels d’une

rural doit évoluer pour répondre aux enjeux et aux besoins contem-

telle agriculture en ayant une démarche commerciale engagée et

porains. À cela, l’agriculture apporte sans doute une réponse plus

ambitieuse : privilégier les circuits courts, orienter vers des pratiques

équilibrée et valorisante que le tourisme, en apportant une forme

raisonnées et durables, se différencier en apportant une plus-value

d’autonomie au territoire basée sur ses propres ressources et son

(variétés anciennes, label, etc.), développer les ponts entre la Côte

identité. Investir dans l’agriculture, c’est renforcer l’identité rurale qui

et l’Arrière-Pays, garantir une régularité de production.

a constitué tout le Haut-Pays faire obstacle à la banalisation et la

Le tourisme estival pratiqué dans le Haut-Pays est sans doute le

sous-urbanisation galopante.

levier de développement le plus adapté, en étant synchronisé

L’enjeu est d’instaurer une économie plus juste, basée sur la qualité

avec les cycles de production : la demande est la plus forte au

des produits et les savoir-faire. C’est également de revaloriser le

moment où la production est à son sommet, durant les mois d’été.

travail de la terre en permettant à l’agriculteur de produire dans

D’autre part, la réhabilitation agricole est la composante essentielle

des conditions décentes. Il s’agit de renouer l’agriculture à son

d’un projet d’utilité publique de valorisation des paysages dont

socle et de la réhabiliter comme source de paysages diversifiés.

la portée n’est pas seulement de maintenir en activité des terres.

De redécouvrir, enfin, le luxe de la campagne… 269

table des matières rencontre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

sommaire ��15 introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 chapitre 1

par monts et vallons, le pays de Vésubie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14.

Alpes Maritimes et Comté de Nice La Métropole de Nice Côte d’Azur Un pays alpin La vallée de la Vésubie Hydrographie Géologie Climat Villages groupés de la Vésubie Lantosque Communications Agriculture Risques Tourisme Le Parc National du Mercantour

35 37 39 41 43 45 47 49 51 53 57 61 63 67

chapitre 2

comme les vieux faisaient, poétique d’un monde révolu . . . . . . . . . . . . . . . . . 73 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10.

Jalons historiques Retour à Lantosque Période récente À l’heure de la Vésubie agricole Album de famille Architectures lantosquoises Cultiver les pentes Abreuver la montagne De la ruralité organisée à l’abandon des paysages Menaces sur l’identité de la vallée

77 83 84 93 94 109 121 129 133 141

chapitre 3

quels paysans, quels paysages ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8.

Vers une nouvelle agriculture Des opportunités à saisir Être agriculteur en Vésubie : l’état actuel Gestion des terres et difficultés foncières Instituer le projet d’agriculture Des acteurs du paysage De nombreuses opportunités Aides et ressources

157

161 167 171 175 179 186 195 198

chapitre 4

projet : la réhabilitation agricole de Pélasque Supérieur . . . . . . . . . . . . . . . . . 207 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11.

Un projet de territoire Un engagement de la collectivité Édifier un nouvel écosystème rural Un guide de prescriptions paysagères Un projet-pilote : le hameau agricole de Pélasque Supérieur Situation État des Lieux Actions préalables Une proposition d’organisation Aménagements et adaptations Le chemin de Saint-Georges

conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

211 213 215 215 227 227 231 247 247 247 255 267

table des matières �� 273 annexes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 277 1. 2. 3. 4.

Note méthodologique Bibliographie Web Table des Illustrations

279 284 286 287 273

Parce que réalisé seul ce travail n’aurait jamais été aussi fourni, je tiens à remercier les personnes qui m’ont facilité la tâche et accordé de leur temps, accueillis chez eux, aidé à rassembler informations et illustrations, à comprendre ce drôle de monde, à aimer mes recherches et les personnes que j’ai rencontrées, qui m’ont aimé… Par ordre d’appartion : Merci à Andréas, à Olivier et Yana, à Jean, à Marie, à Mathilde et J-P, à Pierre, à Alain, Sophie, à Marie, à Marie-Laure, à Nico et ses parents, à J-M et Pauline, à Julia, Vincent, Sophie, Marie, Nathalie – la fine équipe –, à Michel, à Jean-Michel, à Franck et Patrick, à Mélanie, Katarina et Robin, à Dominique, à Philippe, à Bruno, à Nono et Camille, à Mathieu, Marie, à Hélène, à Caroline, à Roland, à Odile et Patrick, à ma famille enfin et mes parents, qui m’ont toujours suivi et soutenu, qui m’ont permis d’être ici et de m’y plaire. Ainsi qu’à tous ceux que je n’aurais pas cités mais qui auraient aimé l’être.

275

annexes

Note méthodologique

J’ai eu à cœur il y a quelque temps une formule de Pierre Sansot

Au départ de ce travail, je m’étais demandé quelle attitude

qui, à la relire aujourd’hui, demeure parfaitement à propos et

adopter pour formaliser un projet d’école, en essayant d’y insuffler

me permet de réaliser à quel point l’intuition que j’avais eue s’est

les apprentissages réalisés cette année, ainsi que mon bagage

confirmée en entrant à l’école du Paysage :

d’architecte sensibilisé au Paysage. J’ai découvert la Vésubie

« Si la notion de paysage mérite d’être honorée, ce n’est pas seulement parce qu’elle se situe de façon exemplaire, à l’entrecroisement de la nature et de la culture, des hasards de la création et de l’univers et du travail des hommes, ce n’est pas seulement parce qu’elle vaut pour l’espace rural et pour l’espace urbain. C’est essentiellement parce qu’elle nous rappelle cette terre, la nôtre, que nos pays sont à regarder, à retrouver, qu’ils doivent s’accorder à notre chair, gorger nos sens, répondre de la façon la plus harmonieuse qui soit, à notre attente. » Pierre Sansot, 1983.

grâce à un ami, et m’y suis plongé sans a priori, et sans problématique : il est apparu que le pays devait me fournir le sujet, et le projet devenir celui de la Vésubie. Je me suis posé un certain nombre d’objectifs, que j’ai plus ou moins respectés, mais qui ont formé une trame de travail au jour le jour et durant les mois de prospective. En premier lieu, mais c’était déjà l’objet de toute l’année à Versailles, il fallait que j’assouvisse certains désirs formés à l’école d’architecture, où j’ai regretté le manque de travail sur le terrain et une 279

forme d’idéalisme, voire l’ignorance de certains sujets qui forment

à Pélasque Supérieur, une semaine ou dix jours par mois depuis

pourtant des enjeux majeurs de notre société. Je pense notamment

juillet, a été la condition exceptionnelle de cette étude de terrain.

aux champs de l’écologie, à l’agriculture, à la mise en péril des paysages traditionnels et naturels, à l’évolution de l’habitat et des viviers économiques dans les zones rurales, parmi tant d’autres.

en place un lieu d’échanges, de débat autour du sujet commun des paysages, et former un outil de médiation – toute proportion

Il me fallait, pour ce travail conclusif, mettre en évidence les apports

gardée – entre de nombreux acteurs qui ne se rencontreraient pas

de treize mois à l’ENSP, intenses, riches, éprouvants autant qu’émou-

habituellement. À plusieurs reprises les discussions avec les uns et les

vants, mais densément instructifs ; et ainsi mesurer le pas de côté

autres ont suscité des prises de contact qui aboutiront peut-être à

réalisé depuis l’entrée à l’école. Je peux maintenant affirmer non

de nouveaux projets. Je pense en particulier aux échanges avec

seulement que mon regard et mon rapport au monde ont mûri,

l’association Les Potagers de la Vésubie, qui devraient permettre la

mais que cette aventure dans le paysage aura des répercussions

mise en culture prochaine de terrains à Pélasque Supérieur ou

certaines dans mes choix de vie futurs.

la remise en état d’un moulin à huile à Lantosque. Par l’entrée du

J’ai voulu croiser les dimensions et les points de vue, en abordant l’échelle territoriale tout autant que l’échelle de la construction, de l’outil, du nœud ; en bref m’approprier la géographie et recon-

280

Au fil des rencontres, il m’est apparu que ce travail pouvait mettre

travail d’étude, il s’est agi d’explorer une démarche opérationnelle, qui pourrait dans les temps à venir déboucher sur des réalisations concrètes.

naître les gens qui l’ont faite et la font encore. Il fallait que ce «projet

Avant d’en arriver là, je suis passé par différentes phases de recon-

d’école» se fasse essentiellement hors les murs, à la rencontre des

naissance du site et d’apprivoisement du «genius locci», suivant

personnes et des lieux, qu’il s’inscrive dans une démarche réaliste,

une progression pas vraiment linéaire. Lors de ma première visite en

voire réalisable, et optimiste. La possibilité de demeurer à résidence

mai, passés l’émerveillement et la vision touristico-romantique des

lieux, j’ai tâché de prendre contact avec la Vésubie sans a priori,

sèche, remontant le mur de calcaire et de grès blocs par blocs.

porté par une grande curiosité et bien aidé par Olivier qui m’a

Nous avons pris une journée pour randonner dans les montagnes

rapidement enseigné les grandes lignes de l’endroit : le hameau

du Tournairet, jusqu’aux granges de la Brasque. L’endroit est

agricole de Pélasque Supérieur, les quelques vieilles maisons, la

intéressant en plus d’offrir des paysages spectaculaires, puisqu’il

grande pauvreté des gens d’autrefois, etc.

fut le lieu d’un camp militaire de la ligne Maginot, plus récemment

Il y avait un monde disparu qui avait marqué la terre, les choses avaient évolué mais semblaient toutefois fonctionner. Les vaches, les moutons paissaient, les murs semblaient tenir et les maisons étaient habitées, le soleil brillait et la vue était magnifique : y-avait-il besoin d’un projet ici, fallait-il plus qu’un simple entretien ? Les premiers arpentages qui ont suivi se sont avérés décisifs, lorsque j’ai reconnu les traces d’évolutions massives et récentes, les abandons, les erreurs qui avaient visiblement modifié les paysages.

d’une colonie de vacances, mais surtout l’alpage de Lantosque, avec sa vacherie toujours en activité, et le point de captage du canal d’irrigation qui alimente Pélasque Supérieur. J’ai appris bien plus tard que le massif du Tournairet était le château d’eau de plusieurs village des vallées de la Vésubie et de la Tinée. À la mesure du pas, on touchait sans le savoir à tous les sujets qui formaient le quotidien des gens d’ici : la montagne, l’eau, l’élevage et l’agriculture, les communications de village en village. Les histoires du Pépé racontées par Yana et Olivier, la lecture d’ouvrages

Bon an mal an, j’ai poursuivi le travail de recherches, pour éprouver

historiques, les nouvelles écrites par Antonin Steve sur Pélasque

les techniques et les histoires d’ici. Point d’orgue de ces recherches,

ont permis petit à petit de faire le lien entre ce que l’on avait vu

le chantier organisé fin juillet, pour remonter un pan de mur écroulé.

(l’eau qui coulait dans le canal, les granges perdues dans la forêt,

Avec plusieurs amis, Olivier et Yana sur leur terrain, nous avons

la vacherie dans les sapins, les vieux châtaigniers, les restanques

appris et mis en pratique les techniques de construction en pierre

ruinées) et ce qui avait été l’organisation de tout une société. Plus 281

tard, les textes de Pouillon, Giono, Pagnol, Deaudet m’ont raconté

Autrement dit, la richesse culturelle et paysagère ayant été créée

l’ambiance qui devait régner dans ces hameaux perdus. La visite

et transmise par l’agriculture, j’avais mon sujet. Eh oui, comment ne

des vieilles maisons, la découverte des outils, les foins d’août avec

pas imaginer l’agriculture et les agriculteurs comme les garants

Olivier ont affiné encore ces ambiances imaginées.

des paysages, comme ils l’avaient toujours fait, alors que tous les

S’en est suivi un arpentage plus large, à moto, pour connaître tous les hameaux de Lantosque, puis visiter les villages voisins, puis les vallées voisines, voire même passer en Italie, pour saisir les particularités de l’ancien Comté de Nice et de ses influences, et constater à quel point les villages se rassemblent dans leurs différences. Les formes sont proches, mais les matériaux, les mises en œuvre, les cultures diffèrent. C’est à ce moment-là que j’ai pu

282

potentiels existent pour le soutenir et leur garantir des conditions de vie bien plus confortables qu’autrefois : le tourisme vert et la demande de produits locaux de qualité, la visibilité du Parc du Mercantour, les moyens d’action de la Métropole de Nice, la bonne santé économique de la région, les moyens de (télé)communication, pourquoi pas une forme de symbiose entre le littoral et ses montagnes…

affirmer que la Vésubie, à l’instar de toute la campagne française,

Pour formaliser un tel projet, il fallait désormais recueillir les avis

se trouve aujourd’hui à un moment charnière : un monde paysan

de tous les acteurs de l’agriculture – anciens, agriculteurs, élus

en crise, une urbanisation des villages qui en banalise l’identité,

locaux, associations, commerçants, collectivités territoriales –

une politique territoriale surtout motivée par le tourisme, un enjeu

pour comprendre l’organisation en place, les projets en cours

écologique encore à peine considéré… C’est la lente agonie de

et ceux à venir, reconnaître les forces vives de la vallée. C’est de

la vie rurale, que l’on laisse mourir sans même imaginer qu’elle

ces rencontres et discussions que je retire le plus d’éléments pour

puisse se moderniser et former une solution pertinente à sa propre

juger des possibilités qui existent et constituer un projet qui tienne

succession.

compte des opportunités présentes ou à venir et de la viabilité des

propositions. En effet, la visite de plusieurs exploitations m’a permis

pourquoi ne pas organiser une exposition, ou une petite publi-

de constater les capacités des terrains et la somme d’énergie

cation à diffuser, pour qu’à nouveau ce projet ne soit pas qu’un

nécessaire pour les exploiter, cela afin de garantir un dimension-

projet d’école…

nement et des choix crédibles dans mes propositions. À l’issue de ce vaste travail d’analyse, j’ai choisi de proposer un projet de réhabilitation agricole du hameau de Pélasque Supérieur, qui par ses composantes pouvait devenir une sorte de projet-modèle, capable de mettre en image les trois niveaux de réflexion qu’il me semble obligatoire d’étudier : une nouvelle organisation en réseau de l’agriculture et de la distribution de ses produits, à l’échelle de la vallée ; une organisation spatiale raisonnée et adaptée à l’échelle du hameau, pour une efficacité optimale ; une description des systèmes techniques, rénovations et aménagements à réaliser pour harmoniser le paysage et garantir sa pérennité. Ce projet pourrait devenir une base de discussion, de comparaison et d’information pour ce qu’il est possible de faire en Vésubie, un argument pour convaincre que l’agriculture n’y est pas morte et qu’elle peut, qu’elle est déjà en train de se réinventer. À terme,

283

Bibliographie

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Table des Illustrations

- Première de Couverture : Nicolas Julien (NJ) -- n1. p.9 : NJ -- n2. p.9 : NJ -- n3. p.11 : NJ -- n4. p.19 : NJ -- n5. p.19 : NJ -- n6. p.21 : NJ -- n7. p.23 : NJ -- n8. p.25 : NJ -- n9. p.33 : NJ -- n10. p.33 : NJ -- n11. p.33 : Michel Perréard, 1977 -- n12. p.35 : NJ -- n13. p.35 : NJ (sources : IGN/Métropole NCA) -- n14. p.37 : NJ -- n15. p.37 : NJ (sources : Métropole NCA/NASA) -- n16. p.39 : NJ (source : Google Earth) -- n17. p.39 : Emmanuel Martone, 1923 -- n18. p.41 : NJ -- n19. p.41 : NJ (sources : IGN/Métropole NCA/ OpenstreetMap) -- n20. p.43 : NJ -- n21. p.43 : BRGM -- n22. p.45 : NJ -- n23. p.47 : NJ -- n24. p.47 : DTA 06, 2003 -- n25. p.49 : Michel Perréard, 1977 -- n26. p.49 : NJ -- n27. p.49 : Wikipédia -- n28. p.51 : collection J.-M. Sivirine (Amont) -- n29. p.51 : carto-mondo.fr -- n30. p.53 : collection J.-M. Sivirine (Amont) -- n31. p.55 : NJ (source : Apple Plans) -- n32. p.55 : NJ (sources : IGN/Corinne Land Cover) -- n33. p.57 : NJ -- n34. p.57 : Agreste, 2010 -- n35. p.59 : collection J.-M. Sivirine (Amont) -- n36. p.59 : PPRN Lantosque, 2001 -- n37. p.61 : Delcampe.net -- n38. p.61 : collection J.-M. Sivirine (Amont) -- n39. p.63 : NJ -- n40. p.63 : -- n41. p.65 : NJ -- n42. p.65 : NJ (sources : Métropole NCA/NASA)

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-- n89. p.103 : CPArama.com -- n90. p.103 : CPArama.com -- n91. p.103 : Delcampe.net -- n92. p.104 : CPArama.com -- n93. p.104 : CPArama.com -- n94. p.104 : CPArama.com -- n95. p.107 : NJ -- n96. p.109 : NJ -- n97. p.111 : Michel Perréard, Paul Raybaud, 1982 -- n98. p.113 : NJ -- n99. p.115 : Michel Perréard, Paul Raybaud, 1982 -- n100. p.117 : Michel Perréard, Paul Raybaud, 1982 -- n101. p.119 : collection J.-M. Sivirine (Amont) -- n102. p.121 : Archives Départementales 06 -- n103. p.121 : photorail.fr -- n104. p.123 : CPArama.com -- n105. p.124 : Michel Perréard, Paul Raybaud, 1982 -- n106. p.127 : NJ (sources : IGN/Métropole NCA/ OpenStreetMap -- n107. p.127 : NJ -- n108. p.129 : NJ -- n109. p.131 : Bibliothèque Cessole -- n110. p.131 : NJ -- n111. p.133 : NJ -- n112. p.133 : Conseil Départemental 06 -- n113. p.134 : NJ (sources : IGN/Google Earth/Métropole NCA) -- n114. p.135 : NJ (sources : IGN/Google Earth/Métropole NCA) -- n115. p.137 : Conseil Départemental 06 -- n116. p.137 : Conseil Départemental 06 -- n117. p.139 : CPArama.com -- n118. p.141 : NJ -- n119. p.143 : NJ -- n120. p.144 : collection J.-M. Sivirine (Amont) -- n121. p.145 : NJ -- n122. p.146 : collection J.-M. Sivirine (Amont) -- n123. p.147 : NJ -- n124. p.148 : collection J.-M. Sivirine (Amont) -- n125. p.149 : NJ -- n126. p.150 : collection J.-M. Sivirine (Amont) -- n127. p.151 : NJ -- n128. p.159 : NJ -- n129. p.159 : NJ

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