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Noëlie Le Cam - TPFE - ENSAPL Encadrants : Denis Delbaere & Laure Planchais

Mémoire

La Centrale qui cachait la Forêt Dans les Monts d’Arrée, arborer un pays moribond


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La Centrale qui cachait la ForĂŞt. Dans les Monts d'ArrĂŠe, arborer un pays moribond


Il sommeille en moi...

Un souvenir Comme ces espaces magiques que l’on traverse en train ; lieux de passage, paysage de transition, [et] où l’on ne s’arrête pas. Seulement ici, aucun train ne passe n’y ne s’arrête. Le temps se dilate. Au détour d’un col, on bascule ; un autre monde... « Vous êtes ici comme au balcon de l’Occident. L’hiver quand les vents font rage, quand du ciel bas les nuages déchirés pendent comme des haillons tragiques, le spectacle à quelque chose de dantesque » (Le Braz A.) Le paysage s’ouvre. Le long d’une pente douce l’eau s’écoule, murmure ; les marais se gorgent ; la végétation somnole. Ici règne une froide quiétude. Les bruits sont étouffés par une brume molle. Aucune ride ne marque le lac et l’eau calme y dépose une pellicule ocre-rouille. Sur les pourtours de cette cavité mouvante, on aperçoit l’échine rocheuse des Monts d’Arrée. Là se dresse l’ossature de schiste noirâtre du Roc’h Trévezel ; comme « un immobile guetteur sur le mouvant horizon des bois, des bourgs » (Le Febvre Y.). Le pays semble vide. Les bourgs camoués derrière les frondaisons paraissent endormis. Tout semble en somnolence. La vie est ralentie et, petit à petit la nature s’installe ; les parcelles s’enfrichent... Le lieu incite au voyage, notre esprit y vagabonde. Comme happé par l’horizon, notre regard s’égare au loin, dans les remous brumeux du Yeun. Ici chacun trouve l’oubli de ses devoirs et des agitations du monde, bercé par de « poétiques harmonies » (Souvestre E.). Cet espace est fait pour être vu, traversé, et arpenté ; il semble difcile de s’installer, de vivre. C’est un paysage, un "vrai". Non pas qu’il en existerait des faux, mais celui-ci est l’un de ceux que l’on se complaît à contempler et qui nous mène à un nouveau rapport d’ "être au monde". Comme si le temps n’y avait pas de prise, rien ne bouge. Croquis des tourbières réalisé le 26 février 2009

Noëlie Le Cam

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Il sommeille en moi...

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Un mystère... _ « Tiens tu vois là-bas au fond, c’est une centrale nucléaire. Mais elle ne fonctionne plus depuis plusieurs années maintenant.» A travers la brume épaisse qui couvre le lac, des tâches blanches apparaissent. Petit à petit mon regard s’aiguise et devine la masse imposante de la centrale nucléaire des Monts d’Arrée… Une centrale nucléaire ? En plein milieu, là ? Mais pourquoi ? Et si elle est arrêtée depuis tant d’années, pourquoi est-elle encore là ? Plus tard, il me parut plus ou moins évident qu’elle avait été construite ici pour ne pas nuire aux hommes. En effet, je voyais cet espace déserté comme un grand terrain militaire, un "no man’s land". Pas besoin de le clôturer, qui irait traverser ces marais pour s’approcher d’un tel monstre ? Cet espace me semblait une manière de jungle, impénétrable. Mais au lieu d’être humide et chaud, il était emprunt d’un "enfer froid". Trop sauvage… Hostile à l’homme ainsi qu’à toute autre chose hormis peut être à ceux qui errent encore entre deux mondes sans jamais connaitre le repos. Dans ce paysage désolé, Elle s’impose comme un artice tombé du ciel. Planté à la pointe est du lac, le dôme de béton semble étendre son champ d’impact. S’il l’on ne connaissait pas la région, on pourrait se demander si l’aspect de ce paysage n’est pas le fruit de cette centrale aux rayonnements mortels. Avec un peu de recul et une pointe de dérision, qu’un objet expérimental d’une dangerosité mortelle vienne se lover à la porte des enfers froids bretons, cela en fait sourire certains… Certes notre regard n’est plus le même qu’à l’époque, et cet objet révolutionnaire déchu pose de nombreuses questions depuis son arrêt dénitif en 1985. Certains diront qu’elle dénote dans ce paysage naturel et sauvage, souvent apparenté à ceux de l’Irlande ou de l’Écosse. Cela fait maintenant presque 50 ans (dont la moitié d’inactivité) que cette centrale participe à l’étrangeté du paysage des Monts d’Arrée. Et, bientôt nous dit-on, elle va partir. Pourtant qui pourrait dire à quoi ressemblait réellement le Yeun Elez avant son arrivée ? Et que va devenir ce paysage insolite sans son objet insolite ? "Dans ce paysage désolé, Elle s'impose comme un artice tombé du ciel"

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"Et si cette centrale était l'arbre qui cache la forêt ?"

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Aujourd’hui éveillée

Je pose sur ce territoire un nouveau regard. Une vision éduquée, façonnée, éclairée, ... une vision de paysagiste. Un mirage Et si cette centrale était l’arbre qui cachait la forêt ? Elle préoccupe, elle interroge, elle attire les regards. Obnubilé, elle nous maintient dans un présent continu. L’enjeu du démantèlement étant d’acquérir un savoir faire, l’avenir du terrain importe peu. « Le terrain restitué sera grosso modo une surface plane avec à l’emplacement des anciens bâtiments des sols constitués de gravats et certainement recouverts d’une couverture végétale » (Petitjean X.). Néanmoins pour le moment rien n’est encore envisagé. Pourtant, pendant ce temps, autour, l’espace bouge. Lentement, il ene… Son apparente stabilité n’est que le reet d’une temporalité plus large qui ne semble pas se jouer à l’échelle humaine. Il est la résultante d’un passé révolu, et les tentatives du Parc Naturel Régional pour le maintenir dans un état de conservation restent difciles à mettre en œuvre. Comment gérer ces espaces ? Les exploitations ne sont plus là et il faut trouver d’autres moyens d’agir.

Une opportunité Le territoire arrive aujourd’hui à un moment charnière qu’il ne faut pas laisser passer. Alors que le démantèlement se poursuit «sans but», beaucoup d’espaces inexploités continuent de croitre. Petit à petit les espaces s’enfrichent, se boisent, et moi, je vois dans cet "enement" du paysage une opportunité. Pourquoi vouloir aller à l’encontre de ce processus ? Surtout ici où la nature est si difcile à dompter. Pourquoi ne pas plutôt tenter de suivre le mouvement et de l’accentuer ? Ce que j’envisage, c’est de tirer prot de ces délaissés, de cette biomasse qui s’installe pour réorganiser le territoire et l’orienter vers de nouvelles productions d’énergie. Cependant, si le coté «sauvage» des paysages de la région est un attrait, il se doit d’être "orchestré".

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Sommaire

Yeun Elez, le moribond La création d’un paysage anthropique La construction d’un paysage mythique L’apparente harmonie du paysage

L’autre temps du paysage Deux visions du territoire, deux conceptions du paysage Le temps des questionnements Un nouveau regard « Reconversion » vers une centrale à biomasse

Arborer un pays moribond L’esthétique du moribond Planter où ?

Pour conclure Prospections & explorations bibliographiques Noëlie Le Cam

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Renouer avec son territoire

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Yeun Elez, le moribond

Le pays se meurt… Moribond. Ce paysage ci, est à l’image de ce qualicatif : des marais mouvants où il est imprudent de s’aventurer hors des sentiers battus au risque d’être pris dans les « tremblantes », des landes sèches et pierreuses où peu de choses poussent. Le paysage revêt ici une grandeur tragique. Un paysage dans toute sa splendeur, où l’homme enn dominé chemine en toute modestie. Le pays est moribond, c’est son histoire, son caractère, sa mélancolie ; et il serait regrettable de vouloir l’oublier.

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La cuvette des Monts d'Arrée Coupe géologique de principe nord-sud

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Au commencement

Au commencement, une dépression naturelle, un marais « ar Yeun Elez », encerclé par l’échine rocheuse des Monts d’Arrée. Il y a 600 millions d’années, le massif armoricain sortait de terre, faisant afeurer des roches de plus de deux milliards d’années. Les réchauffements et refroidissements successifs sculptent progressivement ce socle ; des crêtes de roches dures (schistes, quartzites et grès armoricain) s’hérissent tandis que les roches tendres se creusent. L’ensemble se recouvre peu à peu d’une vaste forêt ; humide et marécageuse en son centre, elle laisse afeurer les dents rocheuses des crêtes.

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La création d’un paysage anthropique

Le paysage du Yeun Elez n’a pas toujours été tel qu’on le connait. Cette terre fragile et désolée est le résultat de vagues successives de défrichement menées par l’homme.

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Les premiers colons

O. Perrin, Défrichement Extrait du magasine Micheriou Koz, « les paysans des Monts d’Arrée »

L’abbaye du Relec, état en 1902 Croquis

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C’est au XIIème siècle que s’établit la base de l’organisation spatiale du territoire encore visible de nos jours. Les moines constituent les premiers véritables colons des Monts d’Arrée. Guidés dans ces contrées reculées et sauvages par un idéal religieux «prière, travail, étude, nourriture, sommeil», deux ordres se partagent ces terres hostiles, les cisterciens du Relecq et les hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem à la commanderie de la Feuillée. Ils ne peuvent s’occuper seuls du grand patrimoine rural qu’ils acquièrent. Ainsi pour attirer les défricheurs, ils instaurent un système de tenure particulier : la Quévaise Pour tirer partie des terres de l’Arrée, les moines proposent aux "paysans défricheurs" l’emplacement d’une maison, d’un courtil et d’une petite étendue de terre contre le paiement d’une rente annuelle : une partie en argent, une partie en nature. Ce dispositif va permettre de xer des populations agricoles sur leurs domaines. La base de la structuration agricole du territoire se crée peu à peu. Fondé sur un mode de vie communautaire, la quévaise s’accompagne d’un habitat groupé (unités agricoles souvent de structure circulaire entourées de champs ouverts et de communaux) et d’un système d’héritage particulier (transmission au plus jeune héritier mâle). Les terres en champs ouverts ainsi que les espaces communaux sont cultivés ou entretenus selon un principe d’entraide commune. Et la construction de clôtures, talus, haies y est interdite. La gestion des cultures sur les champs ouverts est basée sur la mise en repos des terres, période durant laquelle elles servent de pâturages. Les «communaux» sont des terres incultes (friches, forêts) et principalement des landes et marais. Réservées à l’usage de tous les habitants d’un même village, ils servent essentiellement à l’élevage extensif mais fournissent aussi de nombreuses autres ressources utiles : fourrage, litière, tourbe… Après cet important déboisement du Moyen Age, le milieu très pauvre laisse place à des landes et des tourbières.

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Un milieu à l’équilibre fragile

Evolution du territoire Coupe de principe nord-sud

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Durant plus de sept siècles le territoire des Monts d’Arrée va peu évoluer. Les habitants suivent une pratique d’exploitation complexe issue du Moyen Age, un fonctionnement agraire tourné vers la polyculture, tirant parti du moindre espace de ce milieu pauvre. « [les landes] ne sont pas hors de l’exploitation du sol, telle que le Bas-Breton la comprend, elles sont plutôt à la base même de cette exploitation. […] Il [le paysan] s’accommode très bien d’eux. Il vit avec eux, il les fait entrer dans sa conception personnelle de l’économie rurale ». (Vallaux C., La Bretagne. Etude de géographie humaine, 1905) Le «quotidien rural» : la garenne, le champ et la prairie Les garennes sont éloignées de la ferme. On y cultive en pratiquant l’assolement. Les parties les plus reculées sont vouées aux landes et fournissent la litière pour le bétail. Les champs autour des fermes sont les terres les plus riches et les plus faciles à fumer. On y pratique aussi la rotation des cultures : froment, betterave, avoine, trèe… Les prairies humides, où l’eau circule grâce à un système d’irrigation constitué de petits canaux. Les bas fonds trop humides sont laissés aux joncs et aux carex. Au cours des XVIIIème et XIXème siècles, les champs ouverts ou communs situés à proximité des fermes sont progressivement enclos. Des talus de terres et/ou de pierres délimitant des parcelles empêchent ainsi la divagation du bétail et assurent la protection des cultures. Par la suite l’enclosure s’étend aux terres «froides» (les landes) et crée ainsi le premier maillage bocager de l’Arrée.

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La construction d’un paysage mythique

« Plus l’espace est vide d’hommes et de leurs productions, plus il semble propice à la prolifération de mythes. On dirait que les humains ne peuvent laisser un lieu vacant. La cuvette du Mont Saint-Michel-de-Brasparts semble bien se prêter à ce peuplement imaginaire. » Le Guillou A. (1992) « L'investissement d'un lieu, le Yeun Elez dans les monts d'Arrée » Imaginaire de Bretagne, Actes du séminaire, p.43

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Images d’un lieu

Photographie prise depuis le Mont St Michel de Brasparts

FOURNIER (1977) L'ankou, Les aventures de Spirou et fantasio 27, ed. Dupuis, p.30

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La particularité morphologique de ce territoire a de tout temps stimulé l’imaginaire des hommes. Le paysage devient anthropomorphique, femelle en son centre humide et creux, mâle en ses pourtours « ossature puissante, modelé formidable, fait de rides et de crevasses et [de] muscles en saillies » (Le Febvre Y.). Ici, au cœur de l’Arrée, convergent les frayeurs des hommes. Et si l’on en croit le dicton, Dieu lui-même aurait renoncé à occuper ce territoire : « Tri zra dibosupl da Zoue Diveinañ Berrien Diradennañ Plouie Ha kompezañ Brasparzh »

« Trois choses sont impossibles à Dieu Enlever les pierres de Berrien Eliminer les fougères de Plouyé Et aplanir Brasparts »

Cet endroit représente en effet dans le folklore breton, la porte des enfers froids, le pays de l’Ankou, serviteur de la mort. Tous connaissaient le danger de s’égarer la nuit dans ces terres molles et tourbeuses peuplées d’êtres mythiques. On raconte que jadis, les âmes errantes étaient conduites dans le Yeun et précipitées à l’endroit appelé le Youdig (la petite bouillie en breton). Plus tard on dira « que les superstitions d’autrefois avaient leur source dans l’ignorance dans laquelle les gens étaient entretenus, loin des bénéces du progrès » (Barvec B.).

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Images des hommes

«Il ne faut pas longtemps pour y reconnaître le type, les débris de cette ancienne race qui n’a été précédée par aucune autre. Une forêt de chevaux s’étend sur leurs épaules et leurs descend carrément jusqu’aux reins, les pommettes des joues sont saillantes, le nez est large, la bouche très fendue, cette gure a quelque chose du lion ou du taureau.» Capitaine Conrier, Service Historique de l’armée 1829

Photographie et citations extraits du magasine Micheriou Koz, « les paysans des Monts d’Arrée »

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Dans ce milieu hostile, on trouve un peuple accordé à son milieu. Souvent présenté dans les descriptions comme des étrangers voir même des extraterrestres, le « loup sauvage » des montagnes est ignorant, sale, paresseux et ivrogne. Il est vrai que le système de quévaise n’a pas ramené les plus chanceux sur ce territoire bien au contraire. Les hospitaliers détenant le droit d’asile, les hôtes-défricheurs qu’ils attirent sur leurs terres sont souvent des personnes en rupture de ban avec la société qui voient dans ces terres une nouvelle opportunité. La chaine des Monts d’Arrée constitue, plus qu’une frontière physique, une véritable frontière culturelle et politique. « Au nord du Roc’h Trévézel, s’étendent les campagnes du Léon, verdoyantes et bien cultivées. Au sud, sur les marais de Botmeur, ottent des brouillards aux miasmes délétères » (Le Guennec L.) « La sérénité du nord – paysage vallonné, bocager, verdoyant – contraste avec la sauvagerie extraterrestre du sud » (Encyclopédie Hachette) Située à la limite entre le Léon et la Cornouaille, elle forme un monde à part.

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Une réalité

Cartes extraites du guide simplié des stations de l'Argoat

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Les Monts d’Arrée, le toit de la Bretagne Cartographie des cours d’eau

Toutes ces images attachées à ce territoire sont dictées par ses particularités géographiques. De nombreuses études mettent en évidence un état des choses, une évidence : le pays est physiquement défavorisé. Le climat y est plus rude, les précipitations plus élevées. La moyenne des jours de brouillard élevée à 107 fait de cette région l’une des plus brumeuses de France. L’eau s’inltre peu et les sols carencés se couvrent ici de lande, là de tourbières, empêchant toute culture intensive. De cette terre miséreuse découle des formes d’occupation de l’espace spéciques comme on a pu le voir plus tôt. D’autre part, l’aridité du milieu va aussi freiner l’évolution du territoire. Demeurant étrangère aux révolutions agricoles du siècle passé, la région se verra attribuer le qualicatif de « pays agricole moribond ». Petit à petit les terres impropres à la mécanisation ainsi qu’à la culture intensive sont abandonnées, d’abord dans les fonds de vallée puis sur les crêtes. Cette mésaventure laisse aujourd’hui une sensation d’un espace préservé encore vierge et sauvage, image d’une "vraie campagne" d’antan. Malheureusement cette non-exploitation conduit aussi progressivement vers une fermeture du paysage. Bien que pour arriver à une fermeture «complète» il faudra attendre probablement plusieurs dizaines voire plus d’une centaine d’années, peu de temps suft néanmoins à rendre ces terres impraticables. Et la restauration de ces milieux «impropres» demande par la suite des moyens importants. Par l’abandon, c’est aussi l’image négative qu’elles dégagent, reet d’un échec, qui inquiète.

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L’apparente harmonie du paysage

Si le territoire présent nous parait homogène, il est pourtant un chevauchement, un recouvrement de traces, stigmates du passé.

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Des terres convoitées Document tiré de « Éléments pour une histoire des paysages de tourbières en basse-Bretagne : l’exemple du Yeun-Elez », in Kreiz n°8

Photographie extraite du magasine Kreiz Breizh, 2ème trimestre 2001

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Au milieu du XVIIIème siècle, un nouveau mouvement se met en place. Mené par la bourgeoisie, il cherche à tirer parti des terres incultes de Bretagne par la création de prairies articielles et de boisements. D’abord lancé dans les grands marais de l’est et du sud-est, il se propage progressivement à l’ensemble de la province. Cet élan visant à partager et à « mettre en valeur les terres vaines et vagues » s’amplie considérablement après la Révolution. Dans le Yeun Elez, de nombreux affairistes revendiquent la propriété ou réclament des concessions de défrichement. Ces tentatives d’accaparements s’accompagnent de multiples révoltes de la part des riverains soucieux de maintenir sur ces communs leur droit d’usage "immémorial". Aucun de ces projets d’assèchement et de "valorisation" des marais ne voit le jour, mais le mouvement de partage s’installe. Ainsi, les terres du Yeun sont rachetées par les habitants à la commune qui manque de trésorerie. Ensuite le jeu des héritages redivise progressivement les parcelles. Ce morcellement du foncier a empêché une exploitation industrielle de la tourbière qui nous est transmis dans « un état de conservation écologique exceptionnel » (Hervio J-M.). Cette privatisation marque aussi un tournant dans le fonctionnement agricole : le premier maillage bocager se constitue, c’est la n des pratiques de transhumance.

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De grands bouleversements

Photographies, source internet

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Depuis longtemps le territoire possède un rapport étroit avec la production d’énergie. Les défrichements important du Moyen Age ont diminué les ressources en bois de chauffage, et la tourbe devient rapidement un combustible de remplacement. L’extraction de la tourbe permet d’entretenir l’équilibre de ce milieu grâce aux prélèvements annuels "raisonnables" des exploitations familiales. « En ce temps, du fait de l’exploitation (et du pâturage), le Yeun Elez était entretenu soigneusement et présentait une physionomie très différente de celle que nous connaissons aujourd’hui. Les arbres y étaient très rares alors qu’aujourd’hui les saules et la bourdaine colonisent le marais abandonné. Tout un réseau de voies charretières, soigneusement entretenues, desservait les divers secteurs d’extraction. » (Hervio J-M.) Par la suite, d’importants aménagements vont fortement transformer le paysage du Yeun. Là encore c’est l’énergie qui dicte ces transformations. En 1929, dans le but d’approvisionner en aval la conduite forcée de la centrale hydroélectrique de St Herbot, un barrage est créé près de Nestavel Bihan. Ces deux infrastructures vont d’un côté inonder près de 450 ha de tourbière, de l’autre assécher un chaos rocheux. Malgré les mécontentements de la population protestant aux cris de « Laissez-nous notre pain et notre feu », la majeure partie des meilleures tourbes est rendue inexploitable. L’extraction de tourbe prend n aux alentours des années 60-70 alors que s’annonce déjà une nouvelle révolution : l’arrivée de la centrale nucléaire des Monts d’Arrée, « EL4 ».

En 1962, l’arrivée de la centrale nucléaire propulse le pays dans la modernité. Extraits du lm documentaire de Brigitte Chevet, « Brennilis, la centrale qui ne voulait pas s'éteindre... », les réactions de l’époque par les habitants :

« Rien que du bien. Ça donne du boulot c’truc là »

« Ça fait un peu de changement dans le secteur, parce qu’autrement c’était mort. »

Sa venue est guidée par les "atouts" du pays : des températures moyennes basses, une faible densité de population et un lac pour refroidir le réacteur. Malheureusement, dès sa mise en service, elle est condamnée. En effet, les échangeurs mal calculés lors de la construction empêcheront le bon fonctionnement de la centrale jusqu’à son arrêt dénitif en 1985. Aujourd’hui, avec un peu de recul, on se rend vite compte que tous ces bouleversements qui ont "malmené" ce territoire l’ont aussi produit.

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La centrale nucléaire des Monts d’Arrée

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Un territoire morcelé

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Malgré tous ces bouleversements, la région possède encore les plus grandes tourbières de la région. Elles représentent pas loin de 1050 ha soit un quart de la surface tourbeuse de Bretagne. C’est le plus grand ensemble d’un seul tenant. Et comme me fait remarquer Louis-Marie Guillon, il est rare qu’une tourbière soit si vaste au point de constituer un véritable paysage en soi.

Perception depuis la D785, direction Morlaix depuis Brasparts Esquisses

Si le morcèlement du foncier issu du partage des terres du XIXème siècle a permis de préserver le milieu, il pose aujourd’hui beaucoup de problèmes de gestion. Réparties entre une multitude de propriétaires, il n’est pas toujours aisé de savoir à qui appartiennent chacune des parcelles. Dans le but d’homogénéiser l’ensemble et surtout de permettre « la mise en œuvre d’action de gestion », le Parc Naturel Régional d’Armorique lance aujourd’hui, avec l’aide du Conseil Général, une (nouvelle) politique d’acquisition foncière. Hiérarchisés suivant des niveaux de priorité, les périmètres sont dénis selon des critères environnementaux et un principe de conservation : « sensibilité des milieux naturels », « présence d’espèces rares », « risques de plantations de résineux », « gestion pour maintenir les milieux en bon état de conservation », etc. (Régnier M-C.) Ce principe pourrait-il s’apparenter à un retour aux communaux d’antan ? D’un point de vue paysagé, le découpage foncier engendre un territoire difcile à "explorer". Les parcelles les plus reculées sont vite impraticables. Pourtant rempli d’espaces "magiques" à valoriser, à l’heure actuelle ils sont inaccessibles ou presque. Dès que l’on pénètre un peu plus dans le territoire, la lecture devient plus difcile. Les hauts talus bocagers bloquent la vue même sur les espaces ouverts, types champs ou prairies pâturées. Certains sentiers n’aboutissent pas, et nous obligent à faire demi-tour. Dans le lot, quelques axes se démarquent par leur potentiel de vues dominantes : la D785 et la D14

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Perception depuis la D785

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Perception depuis la D14

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Articuler temps et espaces

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L’autre temps du paysage

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Tourbière de pente

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Tourbière ombrogène

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Lande tourbeuse

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Prairie mouilleuse

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Champ abandonné

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Taillis spontané

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Lande peu humide

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Lande fauchée

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Plantation d’épicéa de Sitka

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Anticiper l’avenir

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Deux visions du territoire, deux conceptions du paysage

« Au-delà de la difculté de dénir le mot, le paysage est d’abord le regard que l’on porte sur un espace. Dans le cas du Yeun Elez, au cœur des Monts d’Arrée, cette perception varie sensiblement selon l’observateur : apparemment homogène de l’extérieur, ce site est localement différencié en espaces hiérarchisés. Autrefois synonyme de sévérité, rejet, mise à l’écart de la part du visiteur, cet espace est aujourd’hui pour celui-ci un lieu attractif, évocateur de magie, dépaysement. La dimension paysagère devient dès lors une composante légitime du devenir de cet espace. C’est aussi dans son évolution que le paysage est le plus souvent cité : traduisant l’activité du « pays », cette évolution interroge sur le futur : si la friche, image d’abandon, inquiète l’unanimité, les plantations partagent ou opposent. C’est ici l’exemple à travers le paysage, d’une confrontation de deux concepts : un paysage de « qualité », valeur collective à protéger, ou bien un territoire défavorisé, à développer et à aménager, mais selon quels modèles ? » BARVEC Brigitte (1994) « Le paysage, création culturelle : l’exemple de six communes des Monts d’Arrée » Cahiers scientiques 1, Parc Naturel Régional d’Armorique, p.87

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Le temps des questionnements

Avec cette centrale qui s’en va, c’est aussi un tournant qui s’annonce. Comment projeter, comment investir l’avenir ? Au même titre que la centrale, beaucoup "d’objets" sont remis en question. S’ils n’ont plus d’intérêt économique, s’ils ne remplissent plus la fonction qui leur incombait, alors pourquoi les garder ? Ainsi, le barrage, et implicitement, le lac ; l’usine hydroélectrique de St Herbot, sa conduite forcée et son barrage sont autant d’objets dénués de sens. Pourtant les transformations qu’ils ont suscitées se sont aujourd’hui parfaitement intégrées. Elles font parti de l’histoire de ce paysage. Certaines de ces structures acquièrent même une valeur patrimoniale : comme par exemple le barrage de Nestavel « recensé dans un inventaire du PNR Armorique comme faisant parti du patrimoine bâti emblématique de la commune », il est même choisi pour illustrer la première de couverture du document ; ou encore le réservoir de St Michel classé en 2001 « Grand lac intérieur». Entre économie et patrimoine, le lieu commun, comme le présente aussi Brigitte Barvec, c’est le paysage. Commun aux deux visions posées sur ce territoire, il devient un élément moteur de développement de ce pays et pourrait être envisagé comme un terrain d’entente. Encore que la vocation de ce paysage n’est pas toujours pensée de manière similaire : s’agit-il d’une valeur collective, patrimoine à préserver comme un bien commun, ou s’agit-il d’une valeur propre, reet de l’activité du pays ? Alors que doit-on faire et « suivant quel modèle » ? Un paysage oui mais quel paysage ?

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L’enfrichement, le reet d’un échec

Enfrichement des zones humides

Enfrichement des champs abandonnés

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Si les points de vue divergent sur le paysage et sa vocation économique, tous s’accordent sur un point : la friche. Elle n’est pas appréciée. Reet d’un échec, de l’abandon progressif des terres, elle est la résultante d’une économie moribonde, d’une déprise agricole. « Pour les agriculteurs, la friche c’est la « rupture » avec le modèle paysan, fait de continuité, on travaille la même terre de génération en génération. Le phénomène provoque un sentiment de trahison, cela est d’autant plus vrai qu’il s’accompagne de la sensation de « retour au sauvage ». […] C’est donc la négation d’une continuité culturelle et d’un labeur civilisateur, le signe spatial des transformations profondes qui affectent le paysage social. La friche c’est aussi le témoignage du départ des autres, de l’isolement. » (Barvec B.) Elles conduisent d’autre part à un déséquilibre et une transformation écologique des milieux qui est, pour les « préservateurs d’espaces » comme le Parc Naturel Régional, peu souhaitable. Enn, elle est l’image d’une nature vierge et sauvage qui s’installe là où l’homme abandonne. Impraticable par l’absence de chemins, elle est synonyme de danger. La friche efface les repères, elle désordonne. Que devient alors le statut de ces espaces ? Ces terres vacantes peuvent-elles devenir des espaces disponibles ?

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Les plantations partagent et opposent

Plantation d'épicéa de Sitka dans les landes tourbeurses

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Si l’enfrichement des délaissés agricoles inquiète l’unanimité, les plantations elles soulèvent des polémiques. L’un dira que « c’est pour faire paysage, que l’on plante et éviter l’enfrichement qui lui ne fait pas paysage », l’autre dira « avec les plantations, y’a plus de paysage », et encore que celles-ci « mettent en danger l’écosystème et dénaturent les paysages ». (Barvec B.) Pourtant il semble que la mauvaise réputation de ces boisements résineux soit avant tout due à des problèmes de gestion. D’abord plantés aléatoirement sans plan d’orientation général mais au hasard des décisions de petits propriétaires, ces boisements en "timbres poste" forment aujourd’hui des tâches sombres éparpillées dans le paysage. On le voit aussi par les chiffres : 90% des exploitants de la région possèdent moins d’un hectare de forêt ! Les plantations de résineux, soutenues à l’époque par des subventions de l’État, n’ont en effet pas été contrôlées. Les plus dénoncées sont celles installées sur la presqu’ile du lac et sur les pentes intérieures du Yeun car elles dénaturent le paysage ouvert des tourbières. D’autre part, les plantations ne sont pas toujours entretenues. Comme si après les avoir plantées, l’exploitant les avait abandonnées à leur sort espérant revenir 30 ou 40 ans plus tard avec une belle forêt à couper. Seulement on ne s’improvise pas sylviculteur ! Et cela donne lieu à des situations étranges où l’exploitant, constatant les dégâts, replante entre les rangs de bois morts. Sur ce point, les travaux de Sophie Le Floch et de Philippe Deufc nous fournissent quelques informations. En effet, cela pourrait venir d’une mauvaise information en matière de gestion. Ces plantations résineuses réalisées dans les années 60 arrivent à maturité. Les premières coupes démarrent. Le paysage se transforme brutalement autour de cette cuvette et il est nécessaire de penser différemment les futures plantations. Et il y en aura d’autres car il s’agit d’une essence productive : le Sitka. Il suft encore de regarder les chiffres : les plantations de Sitka représentent seulement 7% de la surface boisée de Bretagne. Or, elles correspondent à 70% de la production de grume de la région qui provient à 60% des Monts d’Arrée. Noëlie Le Cam

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Un nouveau regard

Autrefois perçu comme un espace maudit, le paysage des Monts d’Arrée revêt aujourd’hui un nouvel attrait. Son histoire et ses légendes attirent. Il devient un lieu de dépaysement, où l’on vient chercher du sauvage, du naturel, du "vrai". Ce basculement arrive avec un important changement des mentalités actuelles. La société moderne cultive de nouveaux idéaux basés sur un autre rapport "homme-nature" où la nature devient une ressource "épuisable". « Refusant une partie du monde donné à vivre, la société paysagiste cherche à faire advenir d’autres solutions représentant des alternatives écologiques, sociales et esthétiques. Elle ne se résigne pas aux paysages qui lui sont imposés par les activités économiques et les politiques publiques : zones industrielles abandonnées, rivages suburbanisés, rivières polluées, etc… La société paysagiste rêve de paysage aimables, aux ambiances sereines, où l’eau des ruisseaux et l’air respiré sont purs » (Donadieu P.) Ainsi il semble que le regard porté sur cette «terre moribonde» ait changé, du moins d’un point de vue extérieur. Et il est étonnant de constater que nalement c’est "’échec du pays" qui devient aujourd’hui son atout. Il est l’image d’un pays qui lui n’est pas allé trop loin et ne s’est pas dénaturé comme ses voisins. Il a conservé sa personnalité, et ne reète pas une homogénéisation agricole qui donne à nos campagnes un même visage. Ses caractéristiques "rustiques" le désignent comme le reliquat d’une Bretagne "originelle" qui faut à tout prix préserver comme une singularité régionale.

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Une identité

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Si pour un observateur extérieur cet espace représente de façon évidente une entité humaine et géographique, une étude des années 90 nous montre que la représentation de ce territoire par les "natifs" est elle hiérarchisée. Le territoire est présenté dans une opposition basée sur des particularités géographiques notamment climatiques qui tendent à renier une relation identitaire avec ce Yeun "central". Pourtant, en 1993, un nouveau mouvement est en marche avec la création de la Communauté de Communes du Yeun Elez. Elle regroupe à l’origine six communes, Botmeur, Brasparts, Brennilis, Loqueffret, Plouyé et St Rivoal, puis est rejoint par Lopérec en 1999 et La Feuillée en 2000. La création de cette intercommunauté montre un territoire qui se cherche et s’identie autour d’un espace commun, le Yeun Elez. Dès lors, ce dernier devient le symbole d’un caractère commun à valoriser. Pour cela la CCYE acquiert diverses compétences par les communes dont, l’aménagement de l’espace, le développement économique, la protection et la mise en valeur de l’environnement ainsi qu’une politique du logement et du cadre vie. Le pays ne peut pas suivre la même dynamique que ses voisins. Les sols pauvres ne sont pas adapté à de l’exploitation intensive. Il faut alors trouver une valeur propre à ce territoire, ses atouts. Ce qui n’est pas toujours évident lorsqu’il est dépeint d’une façon négative, fait de "moins et de plus" : moins ensoleillé, climat plus rude, précipitations plus fortes, gelées plus importantes, brouillard plus élevé, etc. De nouvelles préoccupations basées sur l’atout principal de ce site, le paysage fabriqué par l’importante quantité d’espaces naturels, proposent le développement touristique de la région. Un des projets d’actualité de la CCYE est, par exemple, la création d’un sentier communautaire. Ce dernier propose une boucle de 90 km qui passera par chaque bourg des communes.

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Une politique de préservation

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La région comprend une surface importante d’espaces naturels : landes, crêtes rocheuses, tourbières, rivières, lacs. Ceux-ci recouvrent plus de 50% de la supercie des communes. En effet, c’est ici au cœur des Monts d’Arrée, que l’on trouve le plus vaste ensemble de landes atlantiques de France, ainsi que le plus grand complexe de tourbières de Bretagne (DOCOB Monts d’Arrée). L’ensemble représente environs 15 000 ha. La dépression du Yeun Elez de 2 000 ha comprend, elle, 1 050 ha de tourbières soit un quart des surfaces tourbeuses de Bretagne. Comme il a été dit plus tôt, il est rare que celles-ci soient si vastes au point de constituer un véritable paysage en soi. Et elles sont même dénies comme étant « d’intérêt patrimonial national ». Tous ces milieux fragiles engendrent de fait de nombreuses protections. Les principales sont, d’une part, l’inscription du site en 1966 (des études sont aujourd’hui menées dans le but d’un classement) ; d’autre part, l’ensemble landes-to urbières ainsi que quelques zones humides et cours d’eau sont répertoriés en zone Natura 2000, cette dernière est prise en charge par le Parc Naturel Régional d’Armorique.

Propriétés et périmètres d'acquisition, Document fourni par le PNRA

Créé en 1969, le Parc Naturel Régional d’Armorique est le deuxième PNR de France. Il recouvre quatre territoires très contrastés du Centre-Bretagne : les îles de la mer d’Iroise, la presqu’île de Crozon, l’Aulne maritime et les Monts d’Arrée. Extrait de la charte 1997-2007 du Parc : « Ces entités géographiques qui composent le territoire du Parc possèdent des atouts différents mais ont en commun de constituer une zone défavorisée, à l’écart des pôles urbains » « La coexistence d’un patrimoine naturel et culturel riche et varié, sur ce territoire économiquement fragile, voire défavorisé a constitué le principal critère en faveur de la création du Parc » « Face à la nécessité de maintenir la qualité de cet exceptionnel patrimoine et d’assurer le développement économique, dans une région où l’homme a constamment façonné son environnement, la structure Parc Naturel Régional a semblé constituer une formule nouvelle, adaptée à une situation fragile » Ainsi, une des vocations principales du Parc lors de sa création est de permettre le développement d’une région défavorisée. Pourtant, c’est avant tout sa vocation de "préservation" qui est mise en avant et encouragée par une majorité. En effet, le parc est perçu par tous comme un moyen de « concrétiser une politique de conservation ». « Nul doute que le Parc Naturel Régional d’Armorique, dont la nouvelle charte prévoit « d’assurer la gestion et l’entretien des espaces naturels » remarquables de son territoire, se trouvera là [Monts d’Arrée] une nouvelle ambition. » (Hervio J-M.) Aussi, aujourd’hui il lance une politique d’acquisition foncière avec le soutien du Conseil Général an de pouvoir gérer au mieux ces milieux fragiles. Pourtant comme le souligne Louis Marie Guillon, responsable de la mission environnement au PNRA, la politique d’acquisition du Parc n’est pas une réelle solution car l’économie de ces milieux ruraux est agricole avant d’être touristique. Le développement de pratiques agri-environnementales pourrait être une solution. D’autres études très récentes, suivant les mêmes intérêts d’un «paysage de qualité à préserver», se base sur le principe d’un consentement à payer qui permettrait son entretien. Cela pose question. Le paysage serait-il alors pensé comme un "décors" de vie ? On notera par ailleurs, qu’un point de vue diverge avec la politique du Parc concernant le boisement des crêtes. En un mot, il semblerait qu’aujourd’hui l’évolution fasse peur. Le pays a subit déjà tellement de grands bouleversements, qui d’autant plus se sont souvent soldés par un échec. Dorénavant, il faut faire attention.

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«Reconversion» vers une centrale à biomasse

« Parce qu’il ne faut pas faire n’importe quoi, mais que ne rien faire n’est pas non plus une solution »

Le paysage est avant tout perçu comme le reet de l’activité du pays. Et ici, bien que sensiblement naturel, il est aussi un paysage construit par cette centrale, construit par son rapport étroit à la production d’énergie. Aujourd’hui, si la valeur économique des terres disparaît, que faut-il faire ? Peut être… essayons d’imaginer… Dans 10, voire peut-être 20 ans la centrale nucléaire sera complètement démantelée, laissant place à un espace « semi-naturel ». Imaginons alors que dans une trentaine d’années, protant des structures déjà existantes, une centrale à biomasse s’implante dans la région. Celleci permettrait de valoriser les résidus des productions sylvicoles alentours, en les utilisant comme matière première lors de la combustion. Or, 30-40 ans c’est aussi le temps de maturation d’une forêt. Dans cette perspective, il est aujourd’hui nécessaire d’envisager l’accompagnement de cette « transformation » progressive du paysage vers cette nouvelle économie, pour permettre de gérer un équilibre entre les paysages « économiquement viables » d’un point de vue touristique (protection, préservation et surtout mise en valeur), et d’un point de vue sylvicole (biomasse, résidus de production, quelles surfaces lui accorder, quels besoins…).

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Fonctionnement d’une centrale à biomasse

Le fonctionnement en quelques points :

1/ La combustion : La biomasse est brûlée dans une chambre de combustion. 2/ La production de vapeur : En brûlant, la biomasse dégage de la chaleur qui va chauffer de l’eau dans une chaudière. L’eau se transforme en vapeur, envoyée sous pression vers des turbines. Une partie de la vapeur est aussi récupérée pour être utilisée pour le chauffage. C’est ce que l’on appelle la cogénération. 3/ La production d’électricité : La vapeur fait tourner une turbine qui fait à son tour fonctionner un alternateur. Grâce à l’énergie fournie par la turbine, l’alternateur produit un courant électrique alternatif. Un transformateur élève la tension du courant électrique produit par l’alternateur pour qu’il puisse être plus facilement transporté dans les lignes à moyenne et haute tension. 4/ Le recyclage : À la sortie de la turbine, la vapeur est à nouveau transformée en eau grâce à un condenseur dans lequel circule de l’eau froide en provenance de la mer ou d’un euve. L’eau ainsi obtenue est récupérée et re-circule dans la chaudière pour recommencer un autre cycle. Les fumées de combustion sont dépoussiérées grâce à des ltres et sont évacuées par des cheminées. (Sources internet)

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Il existe différents types de biomasse, et donc différents procédés d’exploitation. La biomasse ligneuse, comme il est envisagé ici, est essentiellement utilisée dans des procédés à base de combustion. Ici, « il est envisageable d’installer une centrale à biomasse d’une puissance de 30MW » (Tom R.), ce qui équivaut environ à la moitié de la production énergétique de l’ancienne centrale nucléaire des Monts d’Arrée (72MW). Dans cette hypothèse, le besoin en matière première correspondrait à un approvisionnement en « broyats » de 60 000 m3/an. Pour donner quelques ordres de grandeur : Centrale biomasse de 30 MW 60 000 m3/an Plantation de résineux 1 100 à 1 300 plants/ha Production de résidus Première éclaircie : 15-20 ans - 400 plants/ha 100 m3/ha Deuxième éclaircie : 20-26 ans - 250 plants/ha 150 m3/ha Coupe rase : 35-40 ans Réellement exploitable : 1 000 m3/ha (pour 500m3/ha de grume) 45 à 55 plants/ha Ces données sont en partie des estimations faites à partir des informations collectées.

En me basant sur ces données, et en tenant compte de l’intégralité d’un cycle de production, les résidus de production seraient en moyenne de 30 à 35m3 par hectare à l’année. Etant entendu que cette estimation moyenne suppose une forêt composée de plantations de tous âges.

Les boisements de la CCYE Botmeur Brasparts Brennilis La Feuillée Lopérec Loqueffret St Rivoal Total

résineuses 45,6 ha 435,5 ha 191,1 ha 313,4 ha 515 ha 343,5 ha 295,8 ha

feuillues 2,5ha 24,9 ha 33,9 ha 0,9 ha

2139,9 ha 62,2 ha NB : Il existe d’autre part, des surfaces importantes de taillis, environs 775 ha sur l’ensemble de la CCYE Plouyé La commune de Plouyé est (quasiment) dépourvue de bois Données fournies par le CRPF Bretagne à recouper avec les informations issues de la chambre d’agriculture

Après quelques calculs, on remarque rapidement que la surface résineuse est déjà sufsante pour alimenter une centrale de 30MW, on peut donc envisager une production plus importante et/ ou plus variée en exploitant les délaissés. Il est important de noter en revanche que les boisements existant sont tous approximativement du même âge ce qui signie qu’aujourd’hui l’approvisionnement de la centrale en résidus ne pourrait être continu.

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Les possibilités offertes

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Ces possibilités offertes sont de deux ordres et s’installent dans une réciprocité entre un territoire qui possède des potentiels et une centrale à biomasse qui propose des alternatives. Tout d’abord, le territoire formé par la communauté de communes du Yeun Elez, possède de nombreux avantages qui justient le choix de ce site parmi d’autres pour accueillir une centrale à biomasse. Il existe déjà ici une « base électrique » grâce à l’ancienne centrale : un réseau de lignes à haute tension, une surface d’accueil importante (environs 60 ha, à l’endroit de l’ancienne centrale nucléaire), des transformateurs (maintenus pour le fonctionnement des turbines à gaz existantes). De plus, la région possède d’importantes surfaces de boisement qui ne sont pas valorisées à l’heure actuelle. Ces boisements sont de trois types : Les premiers correspondent au boisement spontané des zones humides délaissées par l’agriculture. L’âge et le développement de ces boisements sont très variés. Les plus vieux peuplements ont une cinquantaine d’années. On y trouve en majorité des espèces pionnières comme du saule, du bouleau, du chêne… Ces espaces représentent une surface importante des communes (plus de 30% sur Brennilis par exemple). Complètement abandonnés de tous, personne n’en tire prot. L’accès y est complètement impossible. Seuls les chasseurs s’y rendent. Le deuxième type de boisement correspond aux bois de feuillus dans lesquels « on ne fait pas grand-chose » (Tom R.). On y récolte uniquement de temps à autres du bois pour le chauffage. Le bois n’a ici pas beaucoup de valeur : « il serait envisageable de l’exploiter pour de la production de plaquette ». Ce type de boisement se retrouve notamment sur la commune de Loqueffret. Les derniers sont les « boisements travaillés ». Ils sont généralement plantés avec du résineux, parfois en mélange avec du feuillus. Ces plantations ont une réelle valeur économique. L’essence la plus productive et la mieux adaptée à la région étant l’épicéa de Sitka. Planté ici en masse, c’est une essence très controversée qui est à l’origine d’une opinion négative quasi unanime. Pourtant « la richesse forestière des Monts d’Arrée vient de ces résineux ». En effet, il possède de nombreux avantages par rapport aux autres essences : il pousse deux fois plus vite et cela sur n’importe quel sol. Aujourd’hui, les espaces boisés seraient sufsants pour envisager d’alimenter une centrale à biomasse de moyen gabarit (30MW), mais ils ne sont simplement pas valorisés à l’heure actuelle. Beaucoup d’entre eux sont des boisements spontanés qui pourraient également être exploités à des ns aussi bien économiques que touristiques à condition de prévoir des travaux d’enrichissement et de défrichement. Des espaces naturels à valoriser, Carte des différents types de milieu

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Mais les boisements ne sont pas appréciés à leur juste valeur. Et pour cause, d’un coté ils sont le fruit d’une expansion sauvage "hostile" à l’homme. De l’autre, plantés de manière articielle, ils ne sont pas pensés de façon raisonnée ni raisonnable et nuisent à la qualité des paysages (valeur économique et identitaire de la région).

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Les possibilités offertes

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Par ailleurs, le projet d’installation d’une centrale à biomasse offre de nouvelle possibilité au territoire lui-même. En effet, l’idée ici n’est pas de planter ces milieux spéciques qui font la singularité de la région. D’ailleurs, cela ne serait pas viable car ces milieux pauvres demanderaient un travail d’amélioration trop important et très probablement stérile. D’autre part le but est surtout d’imaginer ces boisements en complémentarité, ils serviraient à mettre en valeur ce complexe « landes-tourbières ». Ainsi l’arrivée de ces boisements peut être imaginée comme un moyen de restructurer les espaces vacants en les orientant vers une production ligneuse gérée cette fois-ci. Certains espaces sont nécessairement à préserver pour leur qualité paysagère d’autant plus qu’il n’est pas envisageable de les planter. Situés dans des zones trop reculées cela demanderait des aménagements trop conséquents. Ceci serait peut être envisageable à plus long terme, après un premier cycle de production (soit environ 30 ans). Mais pour le moment il faut se concentrer sur les anciennes terres agricoles et planter progressivement pour limiter les coûts d’un investissement massif qui pourrait s’avérer vain. Il faut donner le temps à cette forêt de s’installer. Et du temps il y en a. En revanche, une centrale de ce type pose aussi certaines contraintes liées à l’exploitation du bois. La réorganisation des réseaux viaires existant notamment est aujourd’hui un sujet qui inquiète car les exploitations sylvicoles produisent déjà beaucoup de dégâts. Enn, la forêt dans l’imaginaire collectif représente un bien public, on y pénètre ouvertement pour se balader, cueillir des champignons, etc. De ce point de vue, le boisement des délaissés semble être un moyen de trouver un bon compromis entre une valorisation touristique et une économie forestière. Cependant, cet accaparement des forêts par tout un chacun n’est pas très apprécié des exploitants forestiers. Il faudrait alors penser ces espaces de manière à faire cohabiter une gestion sylvicole et un « tourisme vert ».

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Les moyens à mettre en oeuvre

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Avant de développer un projet, il faut poser des orientations d’action générales liées à cette nouvelle économie « biomassique ». Quatre axes principaux ressortent : - Optimiser la production sylvicole - Diversier les plantations - Proposer des alternatives - Conduire l’exploitation Ces premières intentions assez générales ont le mérite de poser des questions de fond sur la forme que prend cette nouvelle organisation du territoire. Elles permettent d’installer un paysage varié et variant lié aux nécessités de cette centrale à biomasse. - Augmenter et optimiser les productions sylvicoles, mieux gérer les espaces forestiers : des boisements sauvages et/ou mal entretenus Comme nous avons vu plus tôt, certaines exploitations sont mal entretenues, voire "abandonnées" durant le temps de maturation. Celles-ci participent à l’image négative des forêts résineuses. D’autre part, il existe de nombreux boisements « sauvages » dont on ne tire plus aucun prot. Par exemple sur St Rivoal où des bois de résineux détruits par un incendie dans les années 60-70 repoussent de manière spontanée. Il est donc important d’apprendre à mieux gérer la forêt. Cela doit passer par un accès à l’information pour les exploitants qui se disent aujourd’hui « peu informés sur les moyens de gestion d’une forêt ». Par exemple, en créant des structures de médiation, et pourquoi pas un institut de recherche ("laboratoire") qui travaillerait en collaboration avec les exploitants pour expérimenter de nouvelles formes de gestion. D’un point de vue paysagé, modier l’image négative de ces espaces c’est avant tout repenser la manière de les aborder en travaillant les limites des exploitations. C’est aussi varier les perceptions que l’on en a, qu’elles soient lointaines ou plus rapprochées. Et de ce fait, l’implantation des nouvelles exploitations doit aussi être pensée par rapport à une réalité physique du terrain : topographie, ruissellement, perspectives, perception depuis les axes routiers, etc. Ces plantations sont notamment un moyen de "décrire" un relief. - Diversier les plantations pour mieux répartir les apports en matière première de la centrale : des coupes rases importantes qui « brutalisent » les sols et les mœurs. Une centrale à biomasse nécessite des apports réguliers en matière première. Or, les boisements de résineux plantés dans les années soixante, sont tous du même âge et arrivent donc à maturité en même temps. Les coupes démarrent et modient brutalement le paysage. Partout et en même temps de grands espaces s’ouvrent. Il faut attendre ensuite plusieurs années (4-5 ans) avant de replanter car cela demande une "restauration" du terrain (nettoyage, dessouchage, etc.). De plus, les résidus des exploitations ne sont pas "recyclés". Ils sont laissés sur place et recouvrent les sols d’un tapis acide. Rien ou presque ne peut reconquérir ces milieux. Il est nécessaire de repenser ces plantations dans le temps en envisageant différents rythmes de maturation. Pour éviter l’épuisement du sol, il est essentiel de mettre en place une rotation des productions en proposant une diversité des types de boisements. Les zones humides autour des cours d’eau pourraient accueillir des taillis à rotation courte pour une production "rapide" de biomasse (saules et bouleaux par exemple). Les plantations de production de bois d’œuvre doivent aussi permettre un apport plus régulier et donc être plantées avec des années de maturité différentes. La supercie maximum des coupes doit être limitée an d’éviter l’érosion et favoriser par endroit une régénération spontanée.

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Les moyens à mettre en oeuvre

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La diversité des essences et des types de plantations produit aussi de nouvelles formes d’espace. Elle construit un nouveau paysage aussi lié à une géographie : coteau, vallon, zone humide, etc. Différentes formes, différentes couleurs se côtoient. Les variations du temps de croissance produisent des volumes et des masses mouvantes qui rythment le paysage. L’organisation interne de ces plantations mixtes (orientation de la trame, composition de la mosaïque et forme des "bouquets") inue sur la manière d’orienter les ouvertures lors des coupes successives. - Proposer des alternatives, pour préserver les milieux spéciques : des espaces fragiles difciles à entretenir. Les moyens actuels pour entretenir les landes et les tourbières sont encore difciles à mettre en place et ne semblent pas envisageables à long terme. Avec l’arrivée de cette centrale "vorace", l’exploitation de la lande pourrait jouir d’une nouvelle valeur en tant que combustible. Il faut voir de même la faisabilité avec la Molinie des zones tourbeuses. Le pâturage expérimenté sur certaines zones après fauchage pourrait éviter l’extension rapide de la Molinie qui se développe exclusivement l’été. Celui-ci pourrait aussi être mis en place sur certaines zones en boisement spontané en complémentarité avec une gestion sylvicole. En effet, le sylvo-pastoralisme est un moyen de gestion bien adapté à ce type d’espace de faible productivité. Ces propositions « alternatives » installent un paysage moins dense qui est lié à la pauvreté de certaines terres. C’est un paysage extensif qui marque une différence avec ses régions voisines plus riches (le Léon et la Cornouaille) sont autant de manières d’animer un paysage. En outre, le fait de travailler ces espaces plus pauvres dans des logiques de « cohabitations » entre deux types de culture pose aussi des questions d’accessibilités. Le dimensionnement des chemins agricoles, par exemple, doit répondre à différents besoins : l’acheminement du bétail, la circulation d’engins sylvicoles, ainsi qu’aux "délassements" humains. - Conduire l’exploitation, pour réduire l’impact des transports liés à l’exploitation des bois. L’exploitation forestière suppose des moyens lourds à mettre en œuvre. En effet, les engins utilisés sont imposants, et produisent souvent beaucoup de dégâts. Ils détériorent les sentiers, et obligent parfois au redimensionnement des voiries. Cela inquiète les municipalités car ils pourraient nuire à la densité du maillage bocager. Les réseaux viaires doivent donc être rééchis an de s’adapter aux différents usages. Les nouvelles plantations devront proposer un réseau interne à la production et l’exploitation. Ici, les couloirs formés par le passage des lignes à haute tension à travers les boisements pourront correspondre aux artères principales des exploitations car elles conduisent naturellement à la zone d’implantation de cette future centrale.

Les axes internes à l’exploitation forestière dessinent de grandes percées dans le paysage. De grandes « drèves » se dégagent dans une masse sombre et permettent de s’orienter. A la manière d’une « dissection », elles opèrent une ouverture sur un fonctionnement interne. C’est l’artère principale de la forêt, et c’est aussi là que l’on prend conscience de l’activité sylvicole, "produit" de cette forêt.

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Le projet...

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Arborer un pays moribond

C’est déjà un fait, les espaces abandonnés poussent, mais c’est aussi un contexte politique orienté vers des questions environnementales : Car il est important de renouveler nos forêts si l’on veut qu’elles entrent dans une logique de développement durable. En effet, une forêt «absorbante» (en carbone) ne l’est qu’en pleine croissance. Lorsque la forêt vieillie les individus qui la constituent produisent autant de C0² voire plus qui n’en consomment ! Il faut alors favoriser le prélèvement d’individu "mûr", par des éclaircies en bouquet. (Suivant les propos de Roger Tom exploitant forestier)

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L’esthétique du moribond

L’objectif de ce projet de paysage est aussi de montrer qu’il est possible de projeter sans dénaturer, de révéler l’espace. C’est un pays et un paysage "dépaysant" qui est caractérisé par une poésie singulière. Comme nous avons pu le remarquer plus tôt, cette poésie du moribond est aussi ce qui fait l’identité du territoire. Ainsi, le projet de paysage qui accompagne l’installation d’une centrale biomasse devient une manière d’afrmer cette identité ; un moyen « d’arborer un pays moribond ».

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Les formes spatiales

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Pour commencer, il est essentiel de déterminer les formes spatiales qui portent cette "esthétique moribonde". Tout d’abord les formes de cet espace moribond ne sont pas uniquement le reet d’une "mortitude". Il est important de comprendre qu’une vision négative n’est pas intrinsèquement une vision pessimiste. C’est une philosophie. Elle n’est pas pour autant optimiste, mais est porteuse d’une poésie. C’est donc un vocabulaire de formes et de situations spatiales spéciques qui conduisent à cette mélancolie. La brume pour commencer est un élément important de ce territoire. Comme nous avons vu plus tôt, la région possède un nombre très élevé de jour de brouillard par rapport à la moyenne nationale. Cette brume quasi permanente engendre de fait des rapports à l'espace particuliers. Notre vue brouillée nous mène à éveiller nos autres sens et particulièrement l'ouïe. Ainsi la brume nous met dans un rapport de proximité avec notre environnement et nous rend attentif : au bruit du sol que l'on foule, à l'eau qui s'écoule, au vent qui s'engouffre... Une attention particulière doit de ce point de vue être portée aux matériaux utilisés notamment pour les revêtements de sol en s'attachant à leur acoustique. D'autres adjectifs qui qualient ce lieu sont à prendre en compte dans l'élaboration des formes du projet : la fragilité, l'équilibre, la modestie, la simplicité. Il est important de penser les aménagements dans une sobriété menant même à une certaine monotonie. Les formes, les proportions, les matériaux simples se répètent et s'installent ponctuellement dans l'espace. Les aménagements "doivent" être fragiles et éphémères, comme une trace qui s'efface progressivement et devient presque imperceptible. Ils s'usent mais peuvent être remplacés facilement grâce à leur simplicité de forme et de mise en oeuvre.

Une poésie du moribond

Cette esthétique est aussi liée à un regard que l’on porte sur ce territoire. Celui-ci s’inscrit dans une relation, un rapport entre l’espace et l’observateur qui se joue dans une manière de traverser ses espaces, de les parcourir. C’est une attitude, et donc une « posture » dans l’espace. C'est par exemple jouer sur un rapport "dominant-dominé".

Esquisses

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Carte topographique et réseau hydraulique

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Où planter ?

Face à ce territoire au relief marqué, deux lignes de crêtes se dégagent, une au nord, une au sud, et encerclent la cuvette du Yeun Elez qui s'écoule vers l'est.

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Les boisements

Carte des boisements articiels et spontanés

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Les boisements existants se concentrent sur la ligne de crête sud. L'est de la cuvette est aussi boisé mais ici les plantations constituent de petites parcelles (timbres-poste). Les zones de boisements spontanés (en vert foncé) correspondent à des délaissés agricoles notamment dans les fonds de vallée ou sur les landes qui se recolonisent spontanément après des tentatives de plantations résineuses. La crête nord, elle, est recouverte de lande sauf à un endroit à l'ouest où elle rejoint la crête sud. Noëlie Le Cam

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Des réseaux qui longent et traversent

Carte axes importants

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Deux axes principaux traversent le territoire. La D785 à l'ouest, est l'axe le plus intéressant d'un point de vue paysager car il suit le rebord de la dépression et permet de découvrir cet espace central. L'approche que l'on a du territoire varie en fonction de l'arrivée depuis le nord ou depuis le sud. Par le nord, on longe les landes pour doucement descendre vers l'intérieur de la cuvette. Depuis le sud, l'arrivée est transversale. De Brasparts, on aperçoit les monts boisés qui en se rapprochant se morcellent, puis au détour d'un col on bascule dans le Yeun. Noëlie Le Cam

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La centrale à biomasse

Carte du réseau électrique (lignes à haute tension)

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La zone d'accueil de la centrale biomasse correspond à celle de l'ancienne centrale nucléaire. Depuis ce point, un réseau de lignes à haute tension se disperse sur le territoire provoquant des tranchés importantes dans les zones boisées.

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Installer un cordon boisé

Carte d'orientation des boisements à venir

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L'idée est alors de concentrer les boisements à venir pour la production de biomasse sur la frange sud en exploitant les délaissés agricoles. Cette concentration permettrait de mettre en valeur l'espace central du Yeun Elez en marquant plus fortement la différence entre l'arrivée par le sud (porte) et l'arrivée par le nord (couloir) depuis la D785.

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Pour conclure

Au-delà du fait de vouloir proposer une réelle solution, ce travail personnel de n d’étude est avant tout une manière d'ouvrir de nouvelles perspectives. La confrontation des points de vue présents gèle les tentatives. Dans l’inquiétude de voir disparaître ce paysage unique, on opte pour l’abstention (mieux vaut ne rien faire que mal faire et détruire le peu qui reste). Cependant, l’état des choses n’étant pas éternel, contrairement aux apparences, il pose nécessairement la question de son évolution. Les aides et subventions mises en place par le biais du Parc Naturel Régional ne semblent pourtant pas être une solution envisageable à long terme. Le Parc se penche d’ailleurs aujourd’hui vers une politique d’acquisition pour « permettre une simplication du foncier et la mise en œuvre d’actions de gestion » (Régnier M-C). Face à cette situation qui s’enlise, l’idée est alors d’éveiller le regard que l’on porte sur ce territoire, de montrer qu’il est possible d’envisager une «mobilité fertile» du paysage qui ne nuise ni à sa qualité ni à sa singularité. Bien au contraire, l’objectif est ici d’envisager le boisement comme une opportunité, un moyen de mettre en valeur la «poésie des lieux».

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Prospections & explorations bibliographiques

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Rencontres & entretiens

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Petitjean X. (29.10 .08), Directeur de la centrale nucléaire de Brennilis Le démantèlement est prévu pour 2020-2025 (soit 10 à 15 ans), les bâtiments situés hors de l’INB (zone « entreprise) sont conservés. Le terrain restitué sera grosso modo une surface plane avec à l’emplacement des anciens bâtiments des sols constitués de gravats et certainement recouverts d’une couverture végétale. La reconversion du terrain : elle est envisagée dans la partie nord (base de loisir) autour de la maison du lac, en revanche rien n’est prévu sur la partie sud qui reste propriété d’EDF, cependant celle-ci pourra être revendue suivant les finalités. Les déchets : les moins radioactifs seront stockés dans l’Aube (710km), pour les plus radioactif il n’existe pas encore de site d’enfouissement profond, ils seront stocké temporairement dans l’Ain (870km)

Gruat J-V. (18.02.09), Maire de Brennilis Deux problématiques différentes sur la commune : à l’ouest liée aux exploitations forestières, à l’est liée une zone humide remarquable à protéger. Une convention a été signée avec Bretagne vivante pour garantir la préservation et l’entretien de la zone humide. D’autre part, le CG cherche à créer une réserve foncière sur cette partie de zone humide à préserver. Aménagement d’une promenade le long du lac (environ 1km de Nestavel-Bihan à Nestavel-Braz). Il est envisagé la réalisation d’un sentier communautaire pour la Communauté de commune du Yeun Elez passant par chacun des bourgs (le tracé n’est pas encore fixé) La centrale, la commune n’a pas de position particulière à son égard. L’installation d’une centrale à biomasse envisagée par EDF pose question (restructuration du réseau viaire, impact sur le tourisme). Le barrage de forme rare fait parti du patrimoine bâti de la commune, l’usine hydroélectrique de St Herbot à un aspect patrimonial (production électrique « symbolique »).

Simon J. (19.02.09), Conseiller municipal à Brasparts Les objectifs principaux de la commune : maintien de sa population ainsi que de son activité économique (faible & décroissante). À contacter : la CCYE qui possède la compétence développement touristique ainsi qu’économique.

Holder E. (19.02.09), Responsable de sites de l’association Bretagne Vivante Il existe deux moyens d’entretenir les landes et landes tourbeuses, soit par pâturage (demande un investissement humain assez important), soit par fauchage (environ 2 fauches en 5 ans). Lorsque que la lande a atteint le niveau arbustif, il est nécessaire de la restaurer par girobroyage avant de passer au fauchage. Quant aux tourbières, elles évoluent faiblement, donc demande peu d’entretien. L’association cherche à étendre son travail de protection à l’arrière Venec grâce notamment à un programme d’acquisition foncière lancé par le CG.

Guillou Y-C. (25.02.09), Maire de St Rivoal Il y a un fort taux de résidences secondaires : 38% (pour 53% en principales). Les objectifs de la commune sont maintenir la population, rendre la commune attractive, construire. La commune possède une importante superficie d’espaces naturels (50%), un important patrimoine bocager, une bonne surface est boisée (3/4 des plantations artificielle sont de l’épicéa de Sitka, il y a aussi un peu de Douglas). Un contrat signé entre le PNRA et un éleveur ovin permet la gestion de la lande autour du Monts St Michel (pâturage des moutons de mai à septembre). L’exploitation de la lande par fauchage n’est pas très rentable car réalisée seulement tous les 4-5 ans.

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Rencontres & entretiens

Sites internets consultés

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Régnier M-C. (29.02.09), Chargée de mission Natura 2000 au Parc Naturel Régional d’Armorique Le PNRA subventionne les agriculteurs grâce aux programmes variés d’aides financières dont il se porte candidat (OGAF, OLAE, CTE, CAD, et MAE). Ces aides portent sur la conservation et préservation des landes et prairies humides. Des contrats Natura 2000 sont aussi proposés au non-agriculteur. Le périmètre Natura 2000 doit être révisé pour mieux coller aux réalités et besoins du site. Une politique d’acquisition foncière est aussi engagée avec le CG pour « permettre une simplification du foncier et la mise en œuvre d’actions de gestion ». Certaines propriétés (en espaces naturels) ne sont pas gérées (c'est le cas de Brasparts). Le PNRA a aussi pour mission l’entretien annuel des chemins et aménagement liés aux sentiers de randonnée.

Guillon L-M. (09.03.09), Chargé de mission environnement au Parc Naturel Régional d’Armorique Il me fait remarquer que le Parc a été créé en premier lieu dans le but de « promouvoir le développement économique » dans le centre Bretagne et que l’acquisition foncière n’est pas une réelle solution. L’économie de marché de ces milieux ruraux est avant tout agricole avant d’être touristique (proposition d’un développement d’agriculture environnementale ?). De nouvelles questions sont d’ailleurs soulevées concernant « l’économie de l’environnement et du paysage ». La gestion des landes peut se faire par le biais d’une valorisation agricole, (ex. mise en place d’un système d’estive sur 200ha de lande). Le balisage des sentiers de randonné est entretenu par le Parc, en revanche c’est la CCYE qui gère le débroussaillage. Une volonté de la part de la commune de Botmeur a été retenue par le Parc concernant la mise en valeur des tourbières (animations…)

Caudal P-Y. (24.04.09), Technicien-aménagiste à l’ONF Les essences arborées qui poussent spontanément autour du réservoir St Michel sont le bouleau, le saule. Le frêne et l’aulne sont deux autres essences qui peuvent pousser à l’état naturel dans ce type de milieu. Le bois léger que l’on en tire sert comme bois de chauffe. Dans cette zone les plantations de feuillus sont de qualité médiocre et les résineux de moyenne qualité.

Nicolas M. (29.04.09), Technicien forestier au Centre Régional des Propriétaires Forestiers de Bretagne Les sols autour du Yeun sont très pauvres et acides, il faut s’éloigner vers le nord-est pour commencer à trouver des bonnes terres (les schistes tendres seront plus appropriés). Les deux essences qui possèdent un vrai avantage économique dans la région sont l’épicéa de Sitka et le châtaignier (en moindre proportion). La gestion des espaces sylvicoles est ponctuelle : le gros est lors de la plantation (labourage profond), puis une première éclaircie systématique, une seconde sélective (1/3 d’enlever à chaque fois). L’abattage finale est mécanique pour les résineux alors qu’il reste encore « manuel » pour les feuillus. Les plantations mixtes sont subventionnées par le CG, elles tendent à s’étendre vers des mélanges feuillus-résineux. Cependant les plantations de feuillus ne sont pas rentables, leur coût est 2 à 3 fois plus élevé.

http://www.brennilis.com http://www.yeun-elez.com http://www.crpf.fr http://www.bretagne.ecologie.gouv.fr/ http://fr.wikipedia.org/wiki/Site_nucl%C3%A9aire_de_Brennilis http://patrimoine.region-bretagne.fr http://www.recensement.insee.fr http://agreste.agriculture.gouv.fr http://www.geoportail.fr

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Lectures

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Barvec B. (1994), « Le paysage, création culturelle : l’exemple de six communes des Monts d’Arrée », in Cahiers Scientiques 1, Parc Naturel Régional d’Armorique, p.87 à p.91. L’auteur met en avant une perception dualiste du territoire. D’une part, « il semble que l’on ait glissé d’un sentiment davantage basé sur la répulsion, la mise à l’écart, vers un sentiment d’attraction, de mise à la mode du lieu […] La région des Monts d’Arrée est présentée aujourd’hui comme le reliquat d’une situation régionale originelle » dont la beauté sauvage est à protéger. D’autre part, une inquiétude sur l’avenir économique de ce territoire dû à la déprise agricole. Les plantations sont sujettes à de nombreuses polémiques, un forestier dira « c’est pour faire paysage, que l’on plante et éviter l’enfrichement qui lui ne fait pas paysage », tandis que d’autres diront « avec les plantations, y’a plus de paysage » ou encore que celles-ci « mettent en danger l’écosystème et dénature les paysages ».

Clément B. (1994), « Notice de la carte d’occupation du sol du Yeun Elez et du réservoir Saint Michel », in Cahiers Scientiques 1, Parc Naturel Régional d’Armorique, p.20 à p.26. Ce document dresse un inventaire très précis des différents milieux situés aux alentours proches du réservoir St Michel avec une description approfondie de leurs caractéristiques pédologiques, floristiques, etc. accompagnée d’une carte des milieux (cf. annexe n).

Commune de St Rivoal (2007), Projet de carte communale, rapport de présentation, Habitat et Développement Bretagne & commune de St Rivoal, 65p. Dachary-Bernard J. (2004), Approche multi-attributs pour une évaluation économique du paysage, Thèse pour le Doctorat ès Sciences Economiques, Université Montesquieu – Bordeaux IV, 306p. p.114

// Les enjeux paysagers sont présentés ainsi : deux types de problématiques, premièrement est soulevé «la question d’un renouveau des bocages des Monts d’Arrée», deuxièmement concernant les landes, l’interrogation porte sur «les moyens pour maintenir un paysage de lande traditionnel».

p.133

// Ici le boisement est défini comme un problème contre lequel le PNRA prend des mesures de deux types. Face à l’enrésinement volontaire : définition précise des zones à vocation forestière, élargissement du périmètre de non-subvention à l’enrésinement et aides publique pour petits boisement de feuillus « bocagers » ; face au boisement spontané de la lande dû à la déprise agricole : OGAF 1993, puis CTE 2000.

p.134

// Il est noté la volonté de conservation & restauration du bocage (opération du PNRA « paysage de reconquête ») concernant le bassin versant du Drennec.

De Parades B. (1967), Légendes de l’Argoat : les Monts d’Arrée, photographies de Jos Le Douaré. Deufc P. (2005), « La fermeture des paysages dans le Massif central : regards d’habitants sur une question d’experts », in Cahiers d’économie et sociologie rurales 75, p.76 à p.96.

Noëlie Le Cam

p.93

// À noter concernant la perception des espaces (cf. tableau) : les boisements artificiels sont perçus de manière négative par les agriculteurs («symbole de dévalorisation») alors que les non-agriculteurs sont plutôt « indécis » (faible intérêt esthétique ou forêt domestiquée et rentable) ; d’autre part bien que la brousse (état de fait) est vu positivement par les non-agriculteurs (espace de liberté, symbolique d’une nature sauvage et mystérieuse), l’enfrichement lui (état dynamique) n’est «pas encore une gêne majeure» ; enfin le défrichement est symbole de « prise de conscience d’un échec à palier » pour les agriculteurs, de saccage pour les non-agriculteurs.

p.94

// «... une forme d’appropriation de ces espaces boisés passe par des pratiques spatiales autres qu’agricoles comme la chasse, la cueillette, le sylvopastoralisme, les coupes de bois de chauffage, etc. (Cohen et al., 1997). […] un modèle paysager mixte où des « parcours bien tenus » coexisteraient à côté de « landes boisées » semble trouver bien plus de résonance chez les enquêtés. […] Or, actuellement les transformations du paysage émanent beaucoup plus du jeu des intérêts des différents acteurs locaux que d’une réflexion et d’une action collective sur le paysage (Lifran, 2003). […]En leur donnant une vocation spécifique (pastorale ou écologique), on sous-estime les autres fonctions de ces espaces,[…]. Il s’agit donc de s’interroger à terme sur la façon de préserver l’accès du public aux espaces ruraux, tout en luttant contre la fermeture du paysage et en permettant l’expression des usages multiples.»

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Lectures

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Glaude C. (2004), Le paysage agricole, un produit joint de l’agriculture, Éléments théoriques et empiriques, Mémoire de diplôme, ENSA de Monpellier - UM1 Faculté de Sciences Économiques, 95p. p.6-7

// Définition du concept de multifonctionnalité de l’agriculture : «l’agriculture produit des produits agricoles de base et des produits autres, dont le paysage agricole», l’idée est d’appréhender ce concept par le biais de la «théorie de la production jointe», le paysage agricole étant l’un des coproduits agricoles. L’étude vise à «définir un cadre d’analyse de la production de paysage agricole»

p.43

// Il est relevé que l’activité économique principale des Monts d’Arrée est l’activité agricole, ainsi qu’une activité touristique bien développée.

p.45

// Il est reconnu un intérêt paysager propre au site : l’existence d’éléments paysagers intéressants au regard des transformations qu’ils supportent mérite d’être souligné (Deuffic and Perez 2001)

p.47

// Les attributs paysagés retenus dans cette étude sont les mêmes que dans la thèse de Dachary-Bernard : la lande, le bocage et bâtis agricole.

Guillou A. (1992), « Investissement d’un lieu, le Yeun Elez dans les Monts d’Arrée », in Imaginaire de Bretagne, Actes du séminaire, p.41 à p.62. Hervio J-M. (1999), « Éléments pour une histoire des paysages de tourbières en Basse-Bretagne : l’exemple du Yeun-Elez », in Kreiz 8, p.137 à p.144. Cet article donne une information précise sur la construction de ce paysage singulier, chronologie historique des pratiques et usages. Eléments à coupler à ceux du magazine Michelou Koz 9

Hervio J-M. (2001), « L’exploitation traditionnelle de la tourbe dans le, Yeun Elez au XXème siècle », Kreiz Breizh 2, p.42 à p.50. Cet article décrit les us et coutumes associées à la pratique traditionnelle de tourbage. Eléments à coupler à ceux du magazine Michelou Koz 9

Le Bras A., Magie de Bretagne. Cet ouvrage est un recueil de légendes.

Le Floch S. & Deufc P. (2002), « Bois et forêts dans les territoires ruraux, vus dans les Monts d’Arrée et sur le Plateau de Millevaches », in Forêt-entreprise 144, p.54 à p.56. p.54

// Ici est traité la question de la perception des bois et forêts dans ces territoires choisis en raison de «l’augmentation significative de leurs espaces boisés».

Est mis en évidence : un attachement très fort à la terre bien que défavorisée ; aux yeux des habitants, les atouts sont environnementaux (beauté du paysage, importance et qualité de l’eau) et sont à préserver ; le tourisme est perçue comme une activité économique d’importance «(au premier rang pour les Monts d’Arrée)» et susceptible de se développer. p.55

// Forêt Limousine : insatisfaction = produits transformés hors zone de production ; satisfaction = cueillette (bien que mal perçue par les propriétaires).

Dans les Monts d’Arrée : «peu semble croire à son (forêt) développement futur», les préoccupations environnementales sont dominantes (landes, bocage). Les sylviculteurs limousins se disent mieux informés en matière de gestion que ceux des Monts d’Arrée. À noter que le territoire limousin «est vu comme une zone de production forestière» contrairement aux Monts d’Arrée où «la forêt occupe une moindre place tant en termes économiques qu’en termes d’occupation du sol».

Tangi L. (2005), « les paysans des Monts d’Arrée, les tireurs de tourbe », Michelou Koz 9, p. Tavennec R., « La quévaise ou la condition paysanne dans les Monts d’Arrée », La feuillée au vent de l’histoire 4-5, publiés par l’association An Folled

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