MAMA VOICE Edition 8 SEP-DEC 2015

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8eme Edition / Septembre - Décembre 2015

M a g a zi ne d ’ i n f o r m at io n s u r le s d r o it s d e s f e mm es

“Kahawa”Bora ya Kivu, ce café qui renait et attire de nouveau!

Campagne

«Rien Sans les femmes »

la lutte engagée des hommes et des femmes AFEM www2.afemsk.org 16, Avenue Kibombo, commune d’Ibanda Bukavu R.D Congo Telephone : +243 85 32 36 125 / +243 99 72 91 05 / E-mail : info@afemsk.org


SOMMAIRE

Editorial Le ‘Kahawa Bora ya Kivu’ ce café qui renait et attire de nouveau!

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Elections provinciales 2015 11,65% des femmes candidates au Sud-Kivu ! Sud-Kivu Deux numéros verts contre le viol, à la disposition de la population.

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CAMPAGNE « Rien Sans les femmes » : la lutte engagée des hommes et des femmes Une requête en faveur de la parité à la Cour constitutionnelle

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A Bukavu la lettre du G7 alimente les débats KALEHE Les pygmées veulent s’intégrer dans la communauté.

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Avis des Lecteurs sur les Editions precedentes

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SITE AFEM : www2.afemsk.org

16, Avenue Kibombo, Commune d’Ibanda Bukavu R.D Congo Telephone : +243 85 32 36 125 / +243 99 72 91 05 / E-mail : info@afemsk.org


Mama Voice / Septembre - Décembre 2015

Editorial

FEMMES, ÉLECTIONS, CONSTITUTION, UNE LUTTE CONTINUE Elles sont de plus en plus nombreuses à adhérer à la lutte pour le respect des droits des femmes. Elles réclament leur participation à part entière à la vie politique, économique, sociale, et dans d’autres domaines de la vie.

SITE AFEM : www2.afemsk.org

EQUIPE MAMA VOICE Coordinatrice Julienne BASEKE Rédactrice en Chef Douce NAMWEZI Sécretariat de Rédaction Maguy BUHENDWA Maquette & Design Nyiragongo Ngoma Production @Martin Lukongo Equipe de Rédaction Maguy BUHENDWA Jean-Paul BADIBANGA Marlaine ZAWADI Sarah NSIMIRE Eliane POLEPOLE

Dans le contexte des provinces du Sud et du Nord-Kivu, toujours marqué par une situation de ni paix ni guerre, l’actualité tourne autour des élections ! Bien qu’elles semblent incertaines il est intéressant d’examiner comment les femmes s’y préparent pour trouver leurs places dans la gestion de la chose publique. Cette année, un grand évènement a marqué la lutte pour la participation des femmes dans les instances de prise des décisions : la campagne Rien Sans les Femmes. La première phase de cette action a mobilisé plus de 200 000 signatures pour réclamer la représentation paritaire des hommes et des femmes dans les instances de prise des décisions, la révision de l’alinéa 4 de l’article 13 de la loi électorale et surtout le vote et la promulgation de la loi sur la parité. Cette phase a été suivie d’une requête en faveur de la parité introduite à la Cour constitutionnelle. La requête demande le retrait de toutes les dispositions de la loi électorale en inconstitutionnalité et est en examen à la Cour constitutionnelle. La promulgation de la loi sur la parité en août 2015 est un résultat qui nourrit les espoirs des femmes quoique son effectivité demeure un défi. A l’allure où vont les choses, les femmes du Nord et celles du Sud-Kivu sont plus que jamais déterminées pour revendiquer le respect de leurs droits en tant qu’être humain. Des provinces en villages, en passant par les territoires, elles acquièrent des connaissances sur leurs droits. Une situation qui permet à plusieurs femmes longtemps violentées, humiliées,discriminées, de transformer leurs peines en pouvoir et devenir des révolutions pour le changement positif dans leurs milieux.

Julienne BASEKE Coordinatrice


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Le ‘Kahawa Bora ya Kivu’,

ce café qui renait et attire de nouveau!

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lusieurs années après sa disparition, le café du Kivu –Kahawa ya Kivu- dans la langue swahili, retrouve petit à petit sa place sur le marché local, national et même international. La culture du café change la vie de plusieurs agriculteurs, tel que le montre cette histoire de Joséphine Matabaro.

Maintenant, l’avenir du café ne lui fait plus peur, sa joie est immense, un futur meilleur se dessine sous ses yeux : “ Le café vient de renaitre, le café vient de renaitre, le café vient de renaitre!”, répète sans cesse Joséphine toute excitée. Le fait de voir de nouveau le café pousser et être cueilli dans son champ la réjouit et la rassure : « ce n’est plus un rêve désormais! »

Natifs de Katana dans le territoire de Kabare, les parents de Joséphine appartiennent à cette génération dont la seule activité qui gênerait le revenu pour la plupart des familles était le café: « Mes parents ont vécu du café, mes frères, mes sœurs et moi-même avons été nourris, vêtus et même scolarisés grâce au café (…) c’était une richesse pour les familles il y a une soixantaine d’années (…)», raconte Joséphine Matabaro, une soixantaine.

Le café endormi depuis 1992 Après la zaïrianisation, les belges, les indiens et d’autres exploitants du café quittent la région. Quelques années après, d’autres acheteurs qui valorisaient la culture du café disparaissent les uns après les autres. L’avenir du café devient sombre, trouver les clients devenait de plus en plus difficile. Les rares personnes qui venaient de la ville de Bukavu pour acheter le café exigeaient une grande quantité mais payaient à un moindre prix.

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Les cultivateurs sont alors contraints d’aller chercher des clients dans un des pays voisins de la RD-Congo, au Rwanda: « ça n’a pas été facile ! J’ai vu des cultivateurs se noyer au cours de leur traversée par pirogue, maltraités à leur arrivée au Rwanda, le prix leur imposé, et ne rien gagner à la fin!», Joséphine relate. Avec cette expérience, les cultivateurs de café dans les territoires de Kabare -particulièrement ceux de Kabamba- et Kalehe en général, se sont découragés. Ils ne cherchaient plus des acheteurs, le caféier a commencé à servir de bois de chauffe pour la cuisine. Arrachés les uns après les autres, les caféiers ont disparu des champs.


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« ça n’a pas été facile ! J’ai vu des cultivateurs se noyer au cours de leur traversée par pirogue!»

Ressusciter le café coûte que coûte En 2011, Catholic Rescue Service (CRS), commence ses interventions dans les territoires de Kabare et de Kalehe. Après l’exploration, ils ont conclu que les terres et le climat de ces territoires, demeurent propices pour reprendre la culture du café. L’idée derrière est d’exécuter des projets avec les cultivateurs du café réunis en coopérative. Préconisé et réalisé, en 2013 le rêve de plusieurs cultivateurs devient une réalité : passant par Eastern Congo Initiative (ECI), le CRS donne aux cultivateurs réunis en coopérative, des machines et des matériels nécessaires et adaptés pour accroitre la production du café. Actuellement, Joséphine est membre du conseil de surveillance de la Coopérative des Producteurs du Café de Kabamba (CPCK) qui s’est assigné comme objectif de «promouvoir la culture du café et d’améliorer les conditions de vie des cultivateurs du café».

«Maintenant j’ai un revenu qui me permet de répondre aux besoins de ma famille. Chaque année je produis près d’une tonne de café que je revends auprès de la CPCK qui achète à très bon prix. Cette coopérative joue un rôle crucial dans l’achat du café», relate Joséphine toute heureuse. Désormais, Les investisseurs viennent de partout pour soutenir la culture du café dans le Sud-Kivu. En juin 2015, un groupe d’investisseurs venus des Etats-Unis, de la Corée du Sud et de l’Angleterre ont participé à un concours de dégustation du café. A l’issu de la dégustation, ils ont conclu que la qualité du café produit par la CPCK est parmi les meilleures. Ainsi, ils ont promis de porter le Kahawa Bora ya Kivu à la connaissance du marché international.

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Maguy Buhendwa/Bukavu


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Elections provinciales 2015 :

11,65% des femmes candidates au Sud-Kivu ! « Chaque liste est établie en tenant compte de la représentation paritaire homme-femme et de la promotion de la personne avec handicap. La non réalisation de la parité homme-femme ou la non présence d’une personne avec handicap ne constitue pas un motif d’irrecevabilité de la liste concernée »

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ur 1 141 candidats engagés dans la course aux élections provinciales au Sud-Kivu, on compte 133 femmes seulement, soit 11,65 % des femmes. Ce chiffre a été rendu public par la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), après l’opération de sélection des candidatures jugées recevables aux élections provinciales. Dès lors se pose la question du respect des engagements pris par les dirigeants congolais à travers les textes pour accroitre la représentativité des femmes. Longtemps préconisée, jamais réalisée Depuis l’adoption et la promulgation de la constitution en 2006, qui prône la participation des femmes à son article 14, le respect de la parité exigée à cet article reste un défi pour les dirigeants congolais. La preuve en est que la loi électorale votée le 15 février 2015 n’exige pas la mise en œuvre de cette parité! « Chaque liste est établie en tenant compte de la représentation paritaire homme-femme et de la promotion de la personne avec handicap. La non réalisation de la parité homme-femme ou la non présence d’une personne avec handicap ne constitue pas un motif d’irrecevabilité de la liste concernée », dispose l’article 13 de cette loi électorale à son alinéa 3. Aucune mesure contraignante pour les partis politiques « Le président de mon parti politique disait que les femmes qui se sont présentées comme candidates aux élections provinciales ne sont pas fortes et influentes comme le sont les hommes, elles ne vont pas nous remporter des

sièges (…) à quoi bon les aligner sur la liste ? Peut-on parler d’une course perdue d’avance ?», s’interroge une femme ayant requis l’anonymat et dont

pour le Progrès (PCP). Parti qui a aussi aligné 2 femmes sur sa liste électorale aux élections provinciales.

« la non réalisation de la parité

homme-femme ou la non présence d’une personne avec handicap constitue un motif d’irrecevabilité de la liste concernée le nom n’a pas été retenu sur la liste de son parti politique. La loi électorale ne favorisant pas le respect de la parité aux élections, les partis politiques s’en sont servis pour écarter les femmes. Dans une analyse faite par l’Observatoire de la Parité en juillet 2015, sur 147 partis politiques de la province du Sud-Kivu, seulement 56 ont déposé des listes électorales avec une moyenne de 2 femmes sur chaque liste. « Cette loi électorale est une véritable distraction pour matérialiser la parité! Si on disait par exemple que « la non réalisation de la parité homme-femme ou la non présence d’une personne avec handicap constitue un motif d’irrecevabilité de la liste concernée », les responsables des partis politiques se sentiraient dans l’obligation d’aligner les femmes sur les listes. Mais comme ce n’est pas le cas, les partis ont encore écarté les noms des femmes et pourtant elles sont présentes et actives dans les partis politiques », paraissant bouleversé, explique Aimé Jules Murhula, secrétaire du Parti Congolais

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»

Sur tout le pays, 23 518 personnes ont déposé leurs candidatures auprès de la CENI dont 1988 femmes, soit 11, 4 %. Qu’attendent les dirigeants congolais pour appliquer la parité homme-femme pour améliorer l’accès des femmes aux postes politiques ? S’interrogent les militantes des droits des femmes. Mobilisées, les femmes se disent prêtes à soutenir les candidatures acceptées Malgré le faible nombre des femmes sur les listes électorales, les organisations internationales et nationales se mobilisent à travers leurs programmes pour amener les hommes, les femmes et les jeunes à voter pour ces candidates qui ont été retenues sur les listes électorales. Déjà la campagne dénommée « Rien Sans les Femmes » a contribué au vote de la loi sur la parité. Reste à soutenir ces femmes qui ont été retenues sur les listes électorales.

Eliane Polepole/ Bukavu


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Sud-Kivu :

Deux numéros verts contre le viol, à la disposition de la population. « Un personnel qualifié et permanent est déjà disponible pour recevoir les appels. (473333 et 0897000222) ces numéros vont non seulement prévenir le crime -viol- mais aussi sauver les vies des femmes et des filles survivantes ».

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eux numéros verts de lutte contre le viol sont désormais à la disposition de la population du Sud-Kivu depuis le 21 octobre 2015. Il s’agit des numéros 473333 et 0897000222 déjà opérationnels pour servir d’écoute et d’orientation des survivantes de viol. Ces numéros ont été donnés officiellement par le ministre en charge de la santé, Dr Mwanza Nangunya dans le cadre de la campagne « Non au viol, brisez le silence ! ». Ce qui s’est passé au 21 octobre 2015 Devant le bureau de la division provinciale de la santé, se trouve une foule de près de 100 personnes composée des femmes, des hommes, des jeunes, des journalistes, des médecins et des activistes des droits de l’homme. Sur leurs t-shirts, on peut lire NON AU VIOL. Déterminés, Ils sont en train de se diriger vers le lieu appelé place de l’indépendance, des sifflets à leurs bouches émettant des sons, symbole d’alerte. A la place de l’indépendance où la manifestation a eu son point de chute, plusieurs manifestants ont exprimé leur satisfaction quant à l’innovation du gouvernement congolais dans la lutte contre le viol. « Nous saluons l’engagement du gouvernement Congolais dans la lutte contre le viol tout en espérant cette fois que ce fléau ne se fera plus entendre ». Des numéros au service de la nation Dans son exposé, le ministre de la santé a montré que ces numéros vont servir d’écoute, d’orientation et de prise en charge holistique de survivantes : « Un personnel qualifié et permanent est déjà disponible pour recevoir les appels (…) ces numéros vont non seulement prévenir le crime -viol- mais aussi sauver les vies des femmes et des filles survivantes ». La présentation officielle de ces numéros d’alerte a déjà été faite à Kinshasa, Kongo Centrale, Goma et Bukavu. Le reste des provinces vont suivre de manière progressive. L’initiative du numéro d’alerte pour la lutte contre les viols est l’initiative de la conseillère du chef de l’Etat en matière de violences sexuelles et le recrutement d’enfants au sein des groupes armés, Jeanine Mabunda. Elle est appuyée par le gouvernement congolais en collaboration avec deux organisations des Nations Unies dont UNFPA et ONUFEMME.

Jean Paul Badibanga/Bukavu

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Campagne « Rien Sans les femmes » la lutte engagée des hommes et des femmes

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a représentation paritaire des hommes et des femmes dans les instances de prise des décisions, la révision de l’alinéa 4 de l’article 13 de la loi électorale, le vote et la promulgation de la loi portant modalité d’application des droits des femmes (loi sur la parité homme-femme), telles sont les demandes des membres de la synergie pour la campagne «Rien Sans les Femmes» pour une meilleure participation des femmes aux instances de prise des décisions. Il a été constaté que les femmes congolaises restent sous représentées dans différents domaines et institutions du pays du sommet à la base. « Ainsi, à titre illustratif, il y a lieu d’observer qu’au gouvernement national actuel, 7 femmes sont aux affaires contre 40 hommes(soit 14 ,8%),

l’Assemblée nationale compte 52 femmes sur 500 députés nationaux (soit 10,4%) et le Sénat 6 femmes sur 108 sénateurs (soit 5,5%). Au niveau des provinces, il n’y a aucune femme gouverneur sur 11anciennes provinces de la RDC (soit 0%) et toutes les Assemblées provinciales sont présidées par les hommes. Au niveau de 15 nouvelles provinces issues du démembrement, on compte 2 femmes commissaires spéciales», précise la présidente de l’Observatoire de la Parité, Espérance Mawanzo. Ces statistiques ont été utilisées comme arguments pour légitimer la campagne et mobiliser les gens. Avec un focus sur les articles qui parlent de la parité en occurrence l’article 14 de la constitution et l’article 13 de la loi électorale, la synergie pour la campagne «Rien Sans les Femmes» a conclu qu’il est temps de mener des actions de revendications de cette parité.

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« C’est par exemple l’article 13 de la loi électorale à son alinéa 3 dispose que chaque liste est établie en tenant compte de la représentation paritaire homme-femme et de la promotion de la personne avec handicap ». D’où vient alors l’alinéa 4, nous citons : « La non réalisation de la parité homme-femme ou la non présence d’une personne avec handicap ne constitue pas un motif d’irrecevabilité de la liste concernée ». « Nous demandons que soit levée l’incohérence dans cet article qui entrave à la participation des femmes! », réclame les membres de la synergie pour la campagne « Rien Sans les Femmes », au cours d’une conférence de presse à Bukavu. La campagne se focalise sur les violations institutionnelles et législatives dont souffrent les femmes, à travers un plaidoyer basé sur la préparation des élections de 2015-2016.


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La victoire des hommes et des femmes !

La campagne a débuté depuis le mois d’avril 2015 par une conférence de presse. Cette conférence a débouché aux conclusions selon lesquelles les organisations membres doivent élaborer une pétition pour revendiquer la représentation paritaire homme-femme aux instances de prise des décisions. En juin 2015, plus de 200.000 signatures sont récoltées par la synergie dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu. Le mois suivant, constitués en délégation, les membres de la synergie se sont rendus à Kinshasa et ont remis les pétitions au président de l’Assemblée nationale, Aubin Minaku qui a qualifié cette action d’être parmi « les meilleures que la RDC n’ait jamais connue ».

En Août 2015, le président Joseph Kabila promulgue la loi sur la parité. « Nous sommes fiers que les actions de la campagne « Rien Sans les Femmes » aient contribuées à la promulgation de cette loi longtemps aux tiroirs » satisfaite, raconte Julienne Baseke, coordinatrice de AFEM. La campagne a été initiée par 12 organisations. Maintenant plus de 50 organisations sont impliquées à travers le pays, en plus de plusieurs adhésions individuelles. La vision : étendre la campagne sur toute l’étendue du pays, et faire de la campagne un mouvement national solide et solidaire des organisations de la société civile défendant les droits des femmes et partageant un but commun.

Maguy Buhendwa/Bukavu

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Sud-Kivu:

une requête en faveur de la parité déposée à la Cour constitutionnelle. « Tout est entre les mains de la Cour maintenant, nous attendons sa décision finale pour enfin espérer au changement et au respect de la constitution. » Espérance Mawanzo.

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ne requête a été introduite à la Cour constitutionnelle pour le retrait de toutes les dispositions de la loi électorale contraire à la parité. La requête est déposée par la directrice nationale de l’Observatoire de la Parité, Espérance Mawanzo. Faisant usage de son droit – inscrit à l’article 162 de la Constitution -« toute personne peut saisir la Cour constitutionnelle pour inconstitutionnalité de tout acte législatif ou réglementaire», Espérance Mawanzo explique que sont en inconstitutionnalité, certaines dispositions de la loi n°15/001 du 12 février 2015 modifiant et complétant la loi n°06/006 du 9 mars 2006 portant organisation des élections présidentielles, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales.

Des dispositions inconstitutionnelles L’inconstitutionnalité que nous dénonçons consiste en la violation flagrante de plusieurs dispositions de la Constitution de la République, en l’occurrence les articles 5, 12, 13, 14, 60, 207, 215. «(…) il s’agit des articles qui tiennent à la prise en compte de la parité homme-femme, aux frais de dépôt des candidatures à différents niveaux des élections, aux conditions d’éligibilité exigeant d’être détenteur d’un titre académique ou scolaire et au déni d’éligibilité du mandat public de chef de l’Entité Territorial Décentralisé (ETD) chefferie (…)», peut-on lire dans la requête. Ces dispositions ont eu un impact négatif lors de la publication des listes de candidatures retenues aux élections provinciales avec un nombre réduit des femmes : « près de 4% seulement ! »

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« Pourtant l’article 5 de la constitution fixe de manière limitative les conditions d’éligibilité : être congolais de l’un ou de l’autre sexe, être âgé de 18 ans révolu, jouir de ses droits civils et politiques. Il ne peut être envisagé de voir la Loi ajouter des conditions d’éligibilité supplémentaires à celles qui ont été fixées de manière volontairement limitées par le Constituant », peut-on encore lire dans le document. La requête jugée recevable par la Cour. La Cour a jugé recevable la requête et après examen elle a délégué un rapporteur chargé de la documentation des faits allégués. « Tout est entre les mains de la Cour maintenant, nous attendons sa décision finale pour enfin espérer au changement et au respect de la constitution », dit Espérance Mawanzo. L’Observatoire de la Parité est une organisation non gouvernementale basée à Bukavu. Elle est spécialisée dans le suivi effectif de la parité entre les sexes et de la promotion de la femme congolaise en République Démocratique du Congo.

Maguy Buhendwa/Bukavu


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Kalehe :

Les pygmées veulent s’intégrer dans la communauté. “Depuis des siècles, et naturellement, les pygmées du territoire de Kalehe vivent dans la forêt, qu’ils considèrent comme étant leur milieu de prédilection. Aujourd’hui, à la faveur des multiples sensibilisations dont ils sont l’objet, ils veulent quitter la forêt pour vivre dans des villages avec d’autres communautés. Malheureusement, longtemps isolés dans la forêt et ignorés par d’autres communautés, ils se butent à une sorte de discrimination de la part de ces communautés.” Nomades et sans terres L’histoire renseigne que les pygmées sont reconnus comme étant les premiers habitants de la République Démocratique du Congo, RDC. En territoire de Kalehe, dans la Province du Sud-Kivu, les pygmées vivaient dans le Parc National de Kahuzi Biega (PNKB) et ses environs, avec comme principales activités de survie la chasse et la cueillette. Depuis leur expulsion du PNKB, ils ont trouvé refuge dans les villages riverains où ils n’ont ni case, ni espace à cultiver. Les chefs coutumiers de ces villages se sont arrangés pour leur attribuer des portions de terre en vue de leur faciliter l’installation et l’intégration. Mais compte tenu de l’état avancé de dénuement, et de discrimination dont ils sont victimes, les pygmées vendent ces portions de terre à vil prix pour se retrouver encore sans propriété et, donc, demeurer nomades.

Victimes des préjugés et fausses croyances

Nombreuses personnes restent convaincues que les pygmées ont difficile à vivre en dehors de la forêt. Madame Lushombo M’shwagi, Chef du groupement Mbinga/Sud, en territoire de Kalehe, s’inscrit dans cette logique en déclarant : « Les pygmées ne peuvent pas habiter dans les mêmes villages avec d’autres communautés car ils sont, de nature, nomades. Et donc, ils ne peuvent pas vivre longtemps à un même endroit où ils ne peuvent trouver ni gibiers, ni fruits et autres plantes sauvages à cueillir pour se nourrir ».

Il faut reconnaître, à côté de ce jugement subjectif, que le souci des pygmées de s’intégrer dans d’autres communautés est souvent et surtout anéanti par des préjugés et de fausses croyances sur eux, de la part des communautés Havu de Kalehe. Certaines Havu de Kalehe pensent que les pygmées sont des sous-hommes à causes de leur petite taille. D’autres vont jusqu’à confirmer la croyance selon laquelle épouser une femme pygmée c’est s’attirer tous les malheurs du monde! Comme le raconte, Françoise Mawazo, la quarantaine révolue : « Depuis ma jeunesse, mes grands parents disaient que si un jeune homme Havu épouse une fille pygmée, il s’attire un malheur tel que tous les membres de sa famille peuvent mourir. C’est ainsi que c’est un tabou pour les hommes Havu d’épouser des femmes pygmées ».

Des conflits par souci d’acceptation. Cette discrimination basée sur des préjugés et fausses croyances est souvent à la base des conflits ouverts entre les pygmées et les communautés Havu du territoire de Kalehe. M’Muhindo, une femme pygmée habitant le village Bushulishuli, à plus de 17 km de Kalehe Centre témoigne : « il nous arrive souvent de nous bagarrer avec les Bahavu à cause de leur mépris et déconsidération à notre égard. Ils nous insultent en disant que nous sommes très sales et que nous sentons mauvais. Que nous ne méritons pas de vivre avec eux car nous sommes des sous-hommes. Pourtant, malgré notre morphologie, nous sommes tous des êtres humains car ayant les mêmes organes et le même sang rouge qui coule dans nos veines ». Qu’à cela ne tienne, les pygmées de Kalehe ont un grand souci de vivre avec d’autres communautés, en dehors de la forêt, et ainsi s’intégrer dans la civilisation. La plupart d’entre-eux veulent faire étudier leurs enfants et les maintenir en bonne santé car, disent-ils, dans la forêt il n’y a ni école, ni hôpital. Les pygmées de Kalehe, et peut-être de partout ailleurs en RDC, ne demandent que d’être acceptés par d’autres communautés en vue de leur intégration pour une cohabitation pacifique.

Marlaine Zawadi / Bukavu

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A Bukavu :

la lettre du G7 alimente les débats. « C’est une façon de sauver la démocratie en danger à l’heure où des tenants du pouvoir sont enclins, par un désir inassouvi, à charcuter la constitution à leurs intérêts égoïstes »

C

ette lettre a suscité des réactions au sein de la classe politique du Sud-Kivu et la société civile. Les points de vue ont été partagés. Certains encouragent l’initiative. D’autres la jugent inopportune et dangereuse à la veille des échéances électorales qui demeurent, à priori, un sérieux défi à relever en RD-Congo. Kake Bulindi de l’UNC, un parti de l’opposition pense que ces partis frondeurs ont dit ce que déclare depuis longtemps l’opposition en rapport avec l’intention malicieuse du chef de l’Etat actuel à s’accrocher au pouvoir. Cet acteur politique estime que plusieurs

signes avant-coureurs ont démontré à la face du monde le souci de la majorité présidentielle à violer la constitution qui interdit au président de la république d’aller au-delà de deux mandats.

peuple, la démarche de ces sept partis n’est qu’une arme de distraction massive. Elle est inopportune, lance, le kabiliste, qui rappelle que les linges sales se lavent en famille.

Ce n’est pas l’avis de Pascal Katagondwa du parti présidentiel, le PPRD. Pour lui, c’est une si haute trahison que de s’auto exclure de la majorité présidentielle pour des intentions malsaines prêtées à Joseph Kabila. Tant qu’il ne s’est jamais prononcé sur cette question, toutes les déclarations le mettant en garde contre un troisième mandat sont inutiles. Et, en cette période où le gouvernement congolais se mobilise à organiser des élections libres, démocratiques et transparentes tel que le veut le

Une audace louable

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Du côté de la société civile, le débat prend forme à ce sujet. Les organisations féminines délient la langue pour encourager cette démarche. Solange LWASHIGA, secrétaire exécutive du caucus des femmes congolaises du Sud-Kivu pour la paix estime qu’en réalité le chef de l’Etat devrait s’entourer de gens qui lui disent haut la vérité même si elle pourrait le gêner.


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Elle croit savoir que les signataires de ces partis frondeurs peuvent s’être trompés dans la procédure mais ils ont fait preuve d’une liberté d’expression courageuse au lieu de se taire en laissant le bateau chavirer. Et ainsi, cautionner l’illégalité. Frederick Mushagalusa du cadre des concertations de la RDC est d’avis que cette lettre ouverte écrite à Kabila envoie un message clair à des degrés divers. Ils ont trouvé un angle d’attaque contre les ennemis d’une alternance démocratique à la magistrature suprême en 2016 au sein de leur plate-forme. « C’est une façon de sauver la démocratie en danger à l’heure où des tenants du pouvoir sont enclins, par un désir inassouvi, à charcuter la Constitution à leurs intérêts égoïstes », tempête cet acteur de la société civile, toujours prompt, à crier à toutes tentatives de retoucher la Constitution.

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Dans ce sens, Ghislain Murhola du bureau de coordination de la société civile renchérit : « l’intérêt commun des congolais au regard de l’enjeu électoral de l’heure est le respect de la démocratie. Sinon, le pays court dangereusement le risque d’un scénario burkinabé avec le dictateur Blaise Compaoré qui a voulu modifier la Constitution afin de rester au pouvoir malgré ses 27 ans de règne sans partage ». A rappeler que sept partis politiques de la Majorité présidentielle ont interpellé lundi 14 septembre 2015 Joseph Kabila, en tant qu’autorité morale de cette famille politique sur la situation politique actuelle. Ces partis dont le MSR, l’ARC, l’UNAFEC plaident pour l’organisation des élections dans le délai constitutionnel qui aboutisse à l’alternance politique en RDC.

Jean Paul Badibanga/Bukavu


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Le commerce transfrontalier Rwanda-RDC, un casse-tête pour les vendeurs à Goma.

Il est six heures du matin, les femmes, les hommes et même les jeunes, vendeurs des produits vivriers et articles divers s’empressent déjà pour aller de l’autre côté de la frontière – au Rwanda- faire des achats et rentrer à Goma pour les revendre.

A

la petite barrière, une douane Rwando - Congolaise située au quartier Mapendo, à l’est de la ville de Goma. « plus de 3.000 vendeurs sont rançonnées chaque jour par les services officiels au sortir et à l’entrée de la douane Congolaise ». A ces services se joignent d’autres personnes appelées « les antis-gagnes ». Qui se font passer pour des agents de sécurité. L’accès à la douane Congolaise est quelque fois conditionné par l’achat à 200 francs congolais d’un jeton bien que son acquisition soit officiellement reconnue gratuite.

Les agents recouvreurs de la douane Congolaise, mandatés par différents services tels que la Direction Générale de Migration (DGM), la Direction Générale des Recettes administratives et

culent les vendeurs pour exiger d’eux le paiement des taxes. Petites soient-elles, ces taxes varient d’un service à un autre, en nature ou en espèce, équivalant de 1000 à 2000 francs congolais par colis de marchandises. Difficile d’échapper à la vigilance de ces hommes et femmes agressifs qui rançonnent les vendeurs, ravissent même des produits auprès de ceux qui manquent le montant exigé, certaines victimes encaissent souvent des pertes de leurs biens. Charlotte Mbiya relate son triste témoignage : « J’ai été atrocement giflée par un agent de l’OCC qui tenait à soutirer quatre œufs de mon bassin. Déséquilibrée, je me suis retrouvée dans un ravin, mon bassin renversé. Rien n’a été récupéré de mes cinq plaquettes d’œufs d’une valeur de 15dollars dont J’espérais réaliser un bénéfice de 2.000 francs congolais. »

« Nous demandons à l’Etat con-

golais de faire respecter les textes qui régissent les services affectés aux commerces transfrontaliers

»

domaniales (DGRAD), l’Office Congolais de Contrôle (OCC) et le Programme National d’Hygiène aux Frontières (PNHF), le nombre exact de ces derniers difficile à déterminer, se tiennent en ligne aux alentours des bureaux et bous-

Selon Pierre Bashoshere, secrétaire de l’association des vendeurs d’huile de palme à Goma, ces douaniers devraient être traduits en justice si ces victimes manifestaient le souci de dénoncer leurs cas pour l’honneur de leur dignité.

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Il poursuit que les douaniers agissent selon leur propre gré parce qu’ils savent que l’arrêté provincial du 18 février portant organisation du petit commerce frontalier épargne les vendeurs de toute taxation de produits dont la valeur globale est inférieure à cinq cents dollars américains. A propos, un responsable d’un des services douaniers qui préfère garder l’anonymat affirme que : « le pourcentage que les services douaniers doivent verser au trésor public ne provient pas de ce petit rançonnement mais plutôt des commerçants reconnus par la loi. Dans tout ce que nous voyons ici, mes collègues cherchent seulement à remplir leur poche ». Face à ces tristes réalités, la fédération des Entreprises du Congo (FEC) est en train d’instaurer un système qui va regrouper les vendeurs en association. Et cela à travers son programme de contribution d’appui aux initiatives patronales (CAIP), un moyen de les aider à échapper aux tracasseries de tout genre. Toute fois Monsieur Kembo Amunasi, le superviseur du dit programme en appelle à la responsabilité du gouvernement : « Nous demandons à l’Etat congolais de faire respecter les textes qui régissent les services affectés aux commerces transfrontaliers pour pallier à ce problème qui les gangrènent tant au niveau provincial que national ».

Sarah Nsimire/Goma


Avis des lecteurs sur les éditions précédentes... Solange Shagayo, directrice des programmes à la radio Star

La représentation des femmes dans ce magasine est une innovation. Leurs rôles au sein de la communauté, les images véhiculées d’elles sont positives et constituent d’éléments nouveaux pour moi.

Akim Byoshi, élève à l’institut Kitumaini

Je n’étais pas au courant que malgré les revendications, l’Etat congolais n’est pas capable de réaliser ses promesses. Aussi je ne savais pas qu’il n’y a que 7 femmes dans le gouvernement et que les sinistrés de la catastrophe naturelle de Kalehe se sont pris en charge par des moyens traditionnels qui sont dangereux.

M’bachu Bahati Nyenyezi, chargée des programmes à la cité de la joie/V-DAY/RDC

Je dois toujours soutenir l’inscription et le maintien des filles à l’école, pour qu’elles aillent plus loin. A travers nos programmes, nous devons renforcer l’éducation civique afin d’améliorer le quotidien des congolais.

Cito Mihigo, chef de projet à l’Innovation pour les Droits de l’Homme et de l’Environnement (IDHE)

Je suis à la page par rapport aux activités qu’exercent les femmes de la province du Sud-Kivu dans différents domaines de la vie grâce à ce magazine.

Anicet Balezi, élève à l’institut Bwindi

Ce magazine contient des informations intéressantes. Je souhaiterai que vous en produisiez chaque mois, voire chaque semaine.

AFEM www2.afemsk.org 16, Avenue Kibombo, Commune d’Ibanda Bukavu R.D Congo Telephone : +243 85 32 36 125 / +243 99 72 91 05 / E-mail : info@afemsk.org



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