La participation citoyenne à travers les processus de logements Remettre l’usager au coeur des projets urbains et architecturaux
Mémoire d’architecture Ecole Nationale Supérieure d’Architecture Paris Val de Seine 2022
Noémie Poupard
Mémoire d’architecture La participation citoyenne
Ecole Nationale Supérieur d’Architecture Paris Val de Seine 2021 / 2022 Encadrant de mémoire : Alessandro Mosca
Noémie Poupard
REMERCIEMENTS
En premier lieu, je tiens à remercier sincérement mon encadrant de mémoire, Alessandro Mosca, qui m’a accompagné et guidé tout au long de la rédaction de mon mémoire. Le remercier de son suivi régulier à travers lequel il a su m’orienter et alimenter ma réflexion. Vincent Laureau, pour son aide ponctuel, l’apport de ses connaissances et de son expérience. Je tiens à remercier Delphine Paillard et Nathalie Chazalette, les deux architectes avec lesquelles je suis ma formation en apprentissage, qui m’ont conseillé dans ce processus d’écriture. Merci pour la connaissance et l’apprentissage que j’acquiers depuis un an et demi dans cette structure de maîtrise d’oeuvre interne, qui m’a amené à ce sujet de mémoire. Je tiens également à exprimer toute ma gratitude à ma famille qui m’a toujours soutenue et encouragée tout au long de ces années d’études, ainsi qu’à mes amies avec qui j’ai pu échanger et partager notre expérience. Enfin, je remercie toutes les personnes qui ont participé de près ou de loin, à l’élaboration de ce mémoire.
SOMMAIRE Introduction
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I. L’utopie du logement à travers la demande des usagers
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A. L’originie de la participation citoyenne dans le logement
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• L’histoire de la participation du logement
14
• Les intérêts de cette pratique à travers le projet de l’Amla-Gare
17
B. Les différentes formes de participation au cours du siècle
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• Le mouvement des Castors
19
• L’habitat participatif
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• La nouvelle maîtrise : l’AMU
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C. Les outils participatifs dans l’élaboration d’un projet
27
• L’échelle de Sherry Arnstein
27
• Les budgets participatifs
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• Les enquêtes dédiées : non participation
30
• Les ateliers et conventions : participation symbolique
30
• Les chantiers participatifs : participation au pouvoir
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II. De l’hopital aux Grands Voisins vers la ZAC Saint-Vincent-de-Paul A. Une phase d’urbanisme transitoire par l’expérience des Grands Voisins
35 36
• Le rôle des associations
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• Les outils utilisés
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B. Le rôle des acteurs dans le projet d’éco-quartier
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• Les prémices d’un projet, par l’étude Lauzeral et cession par l’AP-HP
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• Le renouvellement des modèles, l’expertise de l’aménageur
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• L’équipe de maîtrise d’oeuvre urbaine au service de la ZAC
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C. Confronter le sens du lieu par le projet de Saint-Vincent-de-Paul
46
• Le projet
46
• La volonté d’installer une démarche de participation
50
• Les nouveaux outils utilisés pour le projet de la ZAC
50
• La nouvelle démarche d’habitat participatif
52
• La nouvelle démarche d’accession social et foncier pour le logement
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• La posture de l’usager par son engagement
54
• La participation au sein des ilôts Petit et Chaufferie
56
III. L’évolution de la participation citoyenne A. Les divers enjeux de la participation citoyenne
65 66
• Les enjeux politiques et économiques
67
• Les enjeux sociaux
69
• Les enjeux environnementaux
71
B. Les gains liés aux retours d’expériences de cette pratique
74
• La réalisation d’usages acquis
74
• Le développement de pratiques écologiques
75
• La valorisation des biens et du projet
77
C. Le devenir de la participation citoyenne
79
• Les limites de projet participatif
79
• L’évolution de projet participatif
80
Conclusion
87
Bibliographie
90
Annexes
94
• Lexique des Acronymes
94
• Documents complémentaires
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INTRODUCTION
Le secteur du bâtiment se constitue de divers acteurs qui contribuent ensemble à fabriquer une manière différente d’habiter et de façonner la ville. Cependant, au cours des siècles on voit apparaître une forte distinction entre acteurs professionnels et citoyens. Les acteurs professionnels, tels que les architectes, ingénieurs ou les métiers de la construction, participent à la conception et construction du projet. Tandis que les citoyens, sont seulement les habitants du projet architectural, à défaut de pouvoir le concevoir. L’accès à la conception de son logement, concerne alors que la construction d’une maison individuelle et non d’un ensemble bâti. En France, la démarche d’intégration du citoyen, habitant ou futur habitant, dans un projet de logement s’est seulement développé dans les années 70. Au cours de ces années, la volonté principale des citoyens est de libérer davantage leur parole sur les projets qui se mettent place au sein de leur environnement, que ce soit à travers leur environnement de travail ou d’habitation. Ils souhaitent pouvoir donner leur avis et acquérir un rôle dans l’élaboration d’opérations qui se construisent ou se rénovent. Le concept d’habitat participatif a été un élément clé et une continuité de cette démarche de participation citoyenne. En effet, elle a permis à la participation de se développer grâce aux grands intérêts qu’elle a suscité. Les mouvements et diverses expériences qu’a connu la France à cette époque ont alors permis une marginalisation de cette démarche de participation à travers tout projet, d’une simple concertation concernant des décisions publics à la réalisation de projet de logement. Les acteurs professionnels ont donc fait de plus en plus appel à la participation des habitants afin qu’ils puissent penser et fabriquer ensemble leur propre lieu de vie. L’enjeu de la participation est une démarche complexe, qui comprend un réel besoin de retrouver un sens au terme de « démocratie », d’échanges et de conception qui se regroupe autour de multiples actions. Quels sont alors les processus de logements dans un cadre participatif ? Par quels moyens et outils se constituent un projet de logement, tout en intégrant les usagers dès les premières phases ?
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La participation citoyenne est un sujet qui, je pense, est et sera en perpétuel ascendant. C’est une démarche à laquelle les citoyens accordent une importance croissante au fur et à mesure des années, notamment de nos jours après la crise sanitaire très contraignante auquel le monde entier a fait face en novembre 2019. Il y a un réel besoin et attente du citoyen à participer à toutes décisions publiques. Un besoin de recréer un lien social. Une envie de fabriquer et construire sa ville. Un désir d’habiter pleinement son logement et de s’y sentir bien. Les citoyens, de tous âges, ont un intérêt particulier sur les questions climatiques. Ils souhaitent faire changer les choses en faveur des enjeux envrionnementaux et face aux multiples rapports sur le climat qui ornent les réseaux. L’objectif de la participation vise à travailler ensemble afin de faire évoluer nos méthodes de processus de conception et de construction face à divers enjeux sociétaux.
La méthodologie de ce mémoire va s’axer sur trois parties, regroupant l’histoire de la participation citoyenne, aux diverses méthodes qui se multiplient de nos jours. Ce mémoire intègre tout d’abord le souhait de comprendre la participation au premier sens du terme, puis dans son évolution au cours des siècles jusqu’à aujourd’hui et demain mais principalement de se concentrer sur le citoyen et les acteurs. Le développement de leur rôle, leur action, leur évolution de comportements, mentalités et savoir-faire autour des projets architecturaux concernant les logements. La première partie porte sur l’utopie du logement à travers les demandes des usagers. Il s’agit de développer les idéaux et pensées des citoyens des années 70 où le terme de participation citoyenne a été créé. Cette partie expliquera ainsi, l’origine de la participation, les formes de participation qu’on retrouve au cours des siècles et les outils participatifs mis en place afin de contribuer à une participation active. La seconde partie analyse une étude de cas : le projet de la ZAC de Saint-Vincent-de-Paul, création d’un éco-quartier en plein cœur du 14ème arrondissement de Paris, une métropole active et dense. Un projet avec de nouvelles méthodes participatives et expériences multiples qui se concrétisent depuis 2015 pour une livraison en 2024, un projet long avec un intérêt intéressant et grandissant sur le concept de participation citoyenne. La troisième partie développe essentiellement, les gains et limites de la participation. Cette partie explique les enjeux de la société des divers époques face à cette participation de plus en plus présente, que ce soit les enjeux politiques et économiques, sociaux et environnementaux. Ensuite, il s’agira d’étudier les gains avec les retours d’expériences de certains projets et ce que cette pratique apporte à notre société et notre façon d’habiter. Puis pour finir, l’évolution de la participation en abordant des projets de logements ayant la volonté de rendre cette pratique plus accessible et simple à mettre en place afin que celle-ci soit appliquée dans tous les prochains projets de logements.
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Utopia, Yona Friedman
I. L’utopie du logement à travers la demande des usagers
L’utopie est « une œuvre de fiction littéraire sans lien avec la réalité »1, un « lieu imaginaire » de son latin « outopos », terme inventé par Thomas More au 16ème siècle. C’est une vision idéale d’une cité en fonction de son époque et de la politique de la ville à un moment donné. L’utopie définit un projet de société parfait, un modèle juste mais irréalisable. Un monde où les personnes seraient heureuses dans un lieu imaginaire, sans restriction politique ou religieuse. Le terme a évolué selon les époques, mais reste toutefois une notion qui renvoie à un imaginaire irréalisable. L’utopie et l’architecture sont alors étroitement liées. En effet, l’architecte façonne la ville idéale, la forme architecturale de chaque bâtiment et chaque logement qui ont ainsi une incidence sur nos comportements, nos façons d’habiter et de vivre en ensemble. C’est alors qu’on peut évoquer que la relation entre architecture et utopie apparaît évidente. « Imaginer une société idéale, c’est donc d’abord imaginer l’architecture idéale d’un lieu où vivre. L’utopie architecturale a réellement des préoccupations sociales et politiques. »2 Après la révolution industrielle du 19ème siècle, les architectes sont confrontés à la construction intensive de maison individuelle, toutes similaires, pour les ouvriers travaillant dans les usines. De nouveaux matériaux font irruption dans le secteur du bâtiment, de nouvelles méthodes de bâtir se façonnent, laissant l’utopie et l’architecte à ses rêves. Dès lors, on voit apparaître quelques années après, une nouvelle forme d’utopie: celle de la Ville Durable. Cette notion d’utopie devient un réel projet de société où les comportements et les attentes des citoyens ne sont pas les mêmes. Les citoyens veulent une société où on prend en compte l’aspect économique, environnemental et surtout social, un besoin de retrouver un lien entre citoyen. Cela induit également une autre forme de modèle, celui d’introduire la politique et l’administration à l’intérieur de chaque projet et ainsi, rendent compte qu’un projet architectural, ne peut se passer de cette participation citoyenne. « Parce que le domaine public a pour mission « d’assurer le bonheur collectif », les décideurs utilisent cette utopie comme un outil et un enjeu global, car il n’est pas de ville sans projet social implicite. »3
1 : MORE T. (1516), L’utopie [06/12/2021] 2 : L’influx (2017), L’utopie entre rêve et réalité [06/12/2021] https://www.linflux.com/art/lutopie-architecturale-entre-reve-realite/ 3 : L’influx (2017), L’utopie entre rêve et réalité [06/12/2021] https://www.linflux.com/art/lutopie-architecturale-entre-reve-realite/ 13
A. L’origine de la participation dans le logement • L’histoire de la participation dans le logement La participation citoyenne est un terme connu et utilisé depuis plusieurs millénaires. A travers chaque époque, l’intégration de l’usager dans la construction de sa propre maison ou celles de ses voisins était évidente. Tous les citoyens participaient à la conception et construction de leur ville ou village. Néanmoins, le mot « participation citoyenne » n’était pas encore défini comme tel à cet époque, c’est seulement au cours du 20ème siècle qu’il apparaîtra. L’ouvrage de l’architecte égyptien Hassan Fathy : « Gourna, A tale of two villages », qui s’est traduit « Construire avec le peuple »4 a permis de développer l’un des mouvements fédérateur de la participation en France. En 1945, cet architecte est chargé de construire un important village du nom de Gourna, près de Louxor. Il proposa des solutions révolutionnaires, qui deviendront un des plus grands lieux architecturaux du tiers monde. Ceci est dû à la nouvelle forme d’urbanisation moderne et humaine qu’il inventa, inspirée des traditions locales. Il forma les paysans-maçons sur les chantiers, tout en luttant contre une bureaucratie sceptique et corrompue. Pour cet architecte « un paysan ne parle jamais d’art, il le produit ». C’est par l’édition de son ouvrage, et une fois le projet reconnu en France, qu’il marquera les jeunes étudiants en architecture. Ceci engendra par la suite la création du mouvement des « Groupe d’Action Municipale » (GAM) qui prend forme au cours des années 60 en France, ayant un nouveau discours sur la participation et étant indépendant des partis politiques. Ces militants joueront un rôle primordial, partageant tous, le constat sur la non prise en compte des citoyens aux questions architecturales et d’urbanismes.
New Gourna à Louxor en Egypte, green prophet
4 : FATHY H. (1996), Gourna ; a tale of two villages, Ministry of Culture, 295p 14
Mai 68, l’apparition d’un mouvement, qui bouscule la France sous l’impulsion des étudiants parisiens, lassés de la société autoritaire dans laquelle ils sont piégés. Ils revendiquent multiples droits dont celui de libérer la parole des citoyens, afin qu’ils prennent part aux décisions publiques. Ce mouvement devient un catalyseur de mutations profondes de la société française. Notamment, par la réduction du capitalisme qui fait place à une société en voie de modernisation et ainsi développe la participation citoyenne. Cette démarche est mise en place à l’international, avec des projets d’urbanisme à Bologne en Itlie ainsi qu’à Zurich en Suisse. On retrouve également des précurseurs tel que Lucien Kroll, avec l’opération de la Maison Médicalisée, où sa démarche est fondée sur un principe : « l’habitat est une action, non un objet »5
Affiche du mouvement de Mai 68
« Quand les habitants ont des idées... Tout peut changer » Un des grands projets symbolique de participation en France reste le mouvement de « l’Alma-Gare » à Roubaix en 1979. La commune avait pour projet de démolir le quartier pour laisser place au confort des grands ensembles. Les habitants se sont donc mobilisés en créant l’Atelier Populaire d’Urbanisme (APU) pour défendre les valeurs et l’histoire de ce quartier ouvrier, qui rend fière chaque habitant. Pourtant, c’est seulement dix ans après que la commune cédera au projet de rénovation, pensé par l’APU. Cette lutte urbaine qui est aujourd’hui une référence, a été une vraie fusion du quartier et une démarche militante, valorisant le quartier à une échelle internationale.
5 : KROLL S., KROLL L. (2012), Tout est paysage, réédition Sens et Tonka [7/12/2021] 15
C’est dans les années 90 qu’on connaît un regain de cette pratique grâce à la réforme, mise en place par le Président Mitterand, nommée : la décentralisation. Ce mouvement de décentralisation territoriale est un mode d’organisation d’un État unitaire qui consiste à transférer des compétences de l’État vers des collectivités territoriales. Par le biais de cette réforme, les élus ont eu un changement de position politique face aux citoyens. Une proximité s’est créée entre les élus et les habitants des communes, grâce à l’installation d’un réel dialogue. Cette réforme a engendré des initiatives de la part de plusieurs communes afin de mettre en place des décisions et actions concrètes. « Mais il aura fallu attendre la promulgation de la loi du 4 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République pour que soit reconnu aux habitants de la commune le droit à être informés des affaires locales et à être consultés sur les décisions qui les concernent ».6 Dans ce cas, la participation citoyenne s’arrête seulement à de la consultation locale où les avis des habitants de la commune sont considérés comme une information et donc ne modifient en rien les décisions finales prises par le conseil municipal. Cette réforme reste évidemment importante et fait place à une grande avancée au sein du territoire, permettant aux habitants l’accès à la documentation, aux débats de certains conseils et d’exprimer leurs avis qu’ils soient ou non pris en compte.
Patrick Bouchain
La participation peine a être révélée et acceptée auprès des grands décideurs politiques mais également auprès des métiers de la construction. Néanmoins, Patrick Bouchain et quelques autres architectes voient la participation comme un élément phare du projet architectural ou urbain. Construire, l’agence toujours en activité, de Patrick Bouchain et Loïc Julienne, construit une pensée architecturale incluant la participation. Le premier concours qu’il remporte se porte sur la ville de Nantes en 1999, concernant la rénovation d’une ancienne usine de biscuits LU pour la transformer en salle de spectacle. Sa victoire est due aux forces de son projet pour la ville mais également à son budget deux fois moins élevé que les autres candidats concourants.
« Construire le programme en marchant, en dialoguant avec les utilisateurs et le bâtiment. Transformer plutôt que démolir. Consommer moins pour en donner plus ».7 Il se met alors dans la position d’un architecte-usager où son travail s’apparente à concevoir un projet par l’appropriation des usagers au site et au bâtiment. C’est avec cette gestion et démarche qu’il peut avoir cette liberté sur la forme qu’il emploie des bâtiments et de chaque rénovation qu’il effectue. L’utilisateur devient alors le programmateur architectural qui définit ses besoins et ainsi son programme.
Loïc Julienne
6 : BRUNET-LECHENAULT C. (2000), La décentralisation et le citoyen [06/01/2022] 7 : BOUCHAIN P. (2009), Interview de Jana Revedin pour le prox Global Award for Sustainable Architecture [06/01/2022] 16
• Les intérêts de cette pratique à travers le projet de l’Alma-Gare L’analyse du projet de l’Alma-Gare à Roubaix, va permettre d’avoir une meilleure compréhension des intérêts de la participation citoyenne à travers les enjeux sociaux et politiques. Ce quartier construit au 19ème siècle est constitué de courées destinées aux ouvriers des usines textiles de la ville. Ces courées sont des logements en brique situées dans le nord de la France dans les quartiers industriels, construits autour d’une cour où on y retrouve une pompe à eau à usage commun.
Dessin représentant les habitants et militants de l’APU, illustrateur inconnu
En 1966, les habitants de ce quartier avait demandé la réhabilitation de leurs logements qui était en train de devenir de plus en plus insalubre. Cependant, la commune avait décidé de détruire ce quartier plutôt que de le rénover, avec l’intention d’y construire des logements sociaux : les grands ensembles. La lutte urbaine et les manifestations ont commencé seulement en 1973, où était déjà à cette date mis en place la mobilisation des habitants, des associations et des militans de l’Association Populaire Familiale (APF). Le projet de la commune, à cause de sa volonté de reconstruire des grands ensembles, a pris du retard, ainsi les habitants ont pris ce retard pour s’investir dans cette lutte urbaine. L’objet de cette lutte était leur demande pour avoir accès à : « l’assurance d’un relogement décent, la réglementation de l’indemnité de réinstallation, l’interdiction de démolir tant que tous les habitants ne sont pas relogés » (Collectif 1982, p.26)8. 8 : ORZDIRLIK B., TERRIN J-J.,équipe ICADD, (2012), Le projet négocié dans un contexte de développement durable : méthodes et outils participatifs, Insitut CDC pour la recherche, 145p [07/12/2021] 17
«Roubaix : l’APU. Naissance d’un mouvement populaire de résistance aux expulsions», illustrateur inconnu
Dans la même année, en 1973, l’Atelier Populaire d’Urbanisme (APU) se met en place, face aux décisions politiques qui se prennent. L’APU reste toutefois un lieu ouvert à tous les habitants du quartier et de la ville qui veulent lutter ensemble dans l’optique de garder chacun leurs logements. Les intentions des habitants étaient alors de trouver un moyen pour palier à ce délogement. Pour ainsi parvenir à leur but, ils ont organisé des réunions de travail, constituées de militants, citoyens, techniciens, architectes, urbanistes..., pour proposer par la suite un contre-projet de réhabilitation et de partage basé sur l’auto-gérance. Le mouvement des citoyens de Roubaix a été perduré grâce à ces réunions qui a permis de montrer à la commune l’importance pour les habitants de continuer cette lutte. L’enjeu étant de proposer un projet viable, les militants de l’APU ont alors mis en place des enquêtes, des sondages mais également des visites de projets créés et livrés au sein de la ville. Cette démarche a permis aux habitants de faire ressortir les points positifs ou négatifs du projet visité et pouvoir ainsi élaborer des contres propositions de projet se basant sur ce qui a déjà été réalisé. Il y a eu également le langage entre techniciens et habitants qui n’était pas le même, une incompréhension de la part des habitants au fur et à mesure des réunions se faisait ressentir, poussant le citoyen à se sentir de moins en moins utile. En effet, lors des réunions de projet entre architecte, maître d’ouvrage et bailleurs, nous avons tous le même langage ce qui facilite les échanges et la compréhension du projet ce qui mène ainsi plus facilement et rapidement à une conclusion. Quand l’usager prend alors part à ces réunions, il y a une barrière à cause de l’incompréhension des termes trop techniques utilisés. La participation citoyenne au sein de projet de logement n’est pas seulement de faire participer le citoyen aux réunions et faire du chantier participatif. L’objectif est de réfléchir ensemble en amont et mettre des outils en place pour que l’échange lors des réunions s’effectue avec moins d’animosité possible. Le citoyen doit alors se sentir utile et compris, que la barrière de la langue s’efface. Le but de cette participation est de ne plus rendre l’habitant comme militant et opposant mais plutôt comme un interlocuteur compétent ayant une vraie connaissance.
« On agit, on réfléchit, on construit »9 La solution proposée par l’APU est d’avoir leurs propres techniciens et ce grâce au travail de l’Aide Technique (AT). L’AT est un service d’aide à cette lutte qui, à travers les réunions, « traduit » et explique les termes techniques aux habitants leur permettant d’avoir les armes pour se défendre. L’implication de l’Aide Technique a marqué un tournant dans la démarche de l’APU qui a donné la capacité aux habitants du quartier de se mobiliser et d’élaborer des propositions techniquement réalisable. L’Aide Technique a également réalisé un travail approfondi sur la reprise des études à l’origine du projet, défendant l’idée d’une réhabilitation et montrer la légitimité de cette participation au processus du projet. 9 : ORZDIRLIK B., TERRIN J-J.,équipe ICADD, (2012), Le projet négocié dans un contexte de développement durable : méthodes et outils participatifs, Insitut CDC pour la recherche, 145p [06/01/2022] 18
B. Les différentes formes de participation au cours du siècle • Le mouvement des Castors Au sein de cette notion de « participation citoyenne » y figure plusieurs formes de participation. Au cours du 20ème siècle, différentes formes de participation naissent ou renaissent, liées à un besoin grandissant de la part des habitants. Ces différents mouvements, qui seront expliqués ci-dessous, intègrent cette démarche de participation citoyenne, mais abordent plutôt le concept de l’auto-construction. Cette forme de participation est initiée par les habitants eux-mêmes et non pas par le fait de faire appelle à un maître d’ouvrage qui intègre l’usager à différentes échelles du projet. Ce sont deux démarches différentes mais qui semblent nécessaire d’aborder.
Bulletin d’étude technique et administrative des problèmes de la construction, Association culturelle des castors de Pessac 19
L’un des premiers mouvements coopératifs, qui a marqué l’histoire de France est celui des Castors. Après la seconde Guerre Mondiale où il y avait un manque de près de 5 millions de logement et que l’État tardait à reconstruire, les habitants se sont alors regroupés pour former ce mouvement. Les Castors ont ainsi apporté leur propre réponse à cette crise du logement, en mettant en avant cette phrase « l’union fait la force ».
Photo des castors, Association culturelle des castors de Pessac
La première opération a commencé en 1948 à Pessac sur un terrain de 12 hectares, dans l’idée de construire 150 logements. Les Castors ne construisaient pas seulement leur propre maison individuelle mais des quartiers entiers. « Les gens qui travaillaient sur les maisons ne savaient pas si c’était la leur ou celle du voisin, une fois qu’elles étaient terminées, elles étaient tirées au sort »10 raconte Eric Tortereau, le coprésident de l’association des auto-constructeurs Castors Rhône-Alpes. Malheureusement, les habitants ont du faire face à un manque de moyen pour concevoir leurs logements. Cependant, le concept d’apport-travail créé par Gëorgia Knap en 1921 a permis à l’habitant de s’engager afin d’investir un temps de travail sur le chantier, pendant ses jours de congés, soirs ou week-ends. Le temps de travail est estimé à 650 heures pour leur projet. Pour pouvoir construire ce projet le temps que les habitants ont donné a été considérable : « quelqu’un qui travaillait 50 heures par semaine pouvait donner seulement 10 heures de travail en plus sur le chantier. Beaucoup de gens qui se sont lancés, ont abandonné. »10 explique alors Eric Torterau. Chaque habitants réunissaient ses compétences afin de construire ensemble les logements. Ainsi, les savoir faire se transmettaient permettant à chacun d’exploiter de nouvelles capacités afin de créer un lien social fort entre castor.
10 : 19h39 (2020), HOR L., L’histoire des Castors, [06/01/2022] https://www.18h39.fr/articles/ils-construisaient-leurs-maisons-tous-ensemble-puis-les-tiraient-au-sort-lhistoire-des-castors. html 20
En 1949, le concept d’apport-travail est reconnu par le ministère de la reconstruction ce qui engendre un engagement des entreprises privés, publics ou des collectivités locales. Celles-ci participent à la création de nouvelles coopératives qui permettent la valorisation de ce mouvement et contribuent à un engouement dans toute la France. On voit apparaître plus de 214 chantiers en moins de deux ans, dont près de 10 000 logements, qui permettront à une classe modeste d’accéder à des logements conforts, très en avance sur leur temps. Cette notion de participation citoyenne est poussée encore plus loin que le simple fait de construire leurs logements, comme l’attribution par tirage au sort, l’auto-gestion de l’eau, également la création d’une coopérative alimentaire et d’une bibliothèque.
Photo des castors sur le chantier d’une construction d’une maison, Association culturelle des castors de Pessac
Ce mouvement ne perdurera malheureusement pas dans le temps, avec l’apparition en 1955, de la politique des grands ensembles créée par l’État, mettant en avant la construction rapide d’immeuble de logement. En effet, les grands ensembles prennent la place de ce modèle d’auto-construction, laissant ce mouvement se délester au fur et à mesure des années. Le retour des coopératives des castors s’effectue dans les années 2000, mais n’exerçant plus la même pratique. Elle a maintenant pour but d’aider les usagers dans des chantiers afin d’obtenir des prix sur des matériaux écologiques, de permettre d’obtenir une aide technique ou administrative mais surtout de pouvoir échanger avec les autres castors afin de garder ce lien social. 21
• Le mouvement de l’habitat participatif Une autre démarche similaire se met en place après les expériences coopératives de l’après Seconde Guerre mondiale dans les années 70 : « l’habitat participatif ». A partir de la création du mouvement des Castors, l’habitat collectif auto-géré, sous son autre nom, a connu une ascension après le mouvement de Mai 68 et les années hippies. L’habitat participatif est définie d’après la loi ALUR, créée en mars 2014, comme une « démarche citoyenne qui permet à des personnes physiques de s’associer, le cas échéant avec des personnes morales, afin de participer à la définition et à la conception de leurs logements et des espaces destinés à un usage commun, de construire ou d’acquérir un ou plusieurs immeubles destinés à leur habitation et, le cas échéant, d’assurer la gestion ultérieure des immeubles construits ou acquis ».11 Le principe de l’habitat participatif est de disposer d’un espace privatif, appartement ou maison, mais surtout d’espace commun à partager, un jardin ou des pièces communes au sein du l’ensemble bâti. Ce sont les groupes d’habitants à l’initiative de cet habitat qui vont créer leur logement avec, ou non, l’aide d’un bailleur ou d’un maître d’œuvre. Ils ont en commun des principes de développement durable et la volonté de créer une communauté. Le but est de favoriser le lien social et de consommer autrement afin de réduire l’empreinte écologique. Photo d’habitants d’un habitat participatif en 1982 Dès la conception, va s’en suivre des réunions entre habitants, commanditaires de l’opération, afin de trouver un architecte pour pouvoir réaliser leur projet. Les logements ne sont pas similaires les uns aux autres, chacun est libre de concevoir son habitat à sa manière, cependant les espaces communs sont conçus avec la participation de chacun. Les avantages de l’habitat participatif sont multiples. Tou d’abord, car chaque logement est adapté aux besoins de chaque habitants. Puis, un lien social fort se créer avec des ambitions identiques : la vie en communauté, réaliser des économies et porter un projet en faveur de l’environnement.
Les Jardies de Meudon est le projet type de l’habitat partagé, faisant parti des toutes premières opérations d’autopromotion des années 70. Ce terme « désigne la suppression du promoteur dans le processus de construction de logement. Dans les faits, le promoteur n’est pas nécessairement totalement supprimé, mais son rôle est alors réduit au simple apport économique, et a peu d’influence sur la conception du projet. ».12 L’idée de se concerter pour bâtir ensemble un habitat auto-géré a pris naissance en 1971, et pour d’autres un an après, quand un terrain de 2200m² a été mis en vente dans le quartier de Bellevue.
11 : Loi ALUR (2014), article L. 200-1 12 : Auto-construction (2016), L’autopromotion, [17/12/2021] https://www.autoconstruction.info/societe-et-autoconstruction/l-autoconstruction-dans-tous-ses/autopromotion/ 22
Ce projet a été mis en place par dix familles, qui faisaient toutes parties du Groupe d’Action Municipale (GAM) et engagés dans différentes associations au sein de la ville. Le projet débutent par l’organisation de plusieurs réunions afin d’aborder ensemble, les envies de chacun pour arriver à des idées emblématiques de la notion de participation. On retrouve ainsi des sujets de participation comme le devoir de respecter l’autonomie de chaque famille qui habitera au sein de ces logements. Les projets d’habitat auto-géré se focalisent essentiellement sur la création d’espace commun, ce qui représente 10 à 15% de la surface construit du projet. Le but étant de faire de ces espaces, des lieux d’échanges entre usagers mais également vis-à-vis des habitants de la ville. Le dernier point important retenu dans ce concept est la qualité architecturale que formera cet habitat. Les habitants ont le désir de sortir de ce mouvement moderne de l’époque pour concevoir des habitats hors « cubes ».
Maquette du projet des Jardis, par Glaude Guislain
L’architecte en charge du projet choisi par les habitants, est Claude Guislain architecte et acteur engagé de la réflexion architecturale et urbaine, afin de sensibiliser les habitants au devenir de la ville. Il travaillera sur le projet, choisissant d’habiter avec les habitants pour être plus proche d’eux afin de mieux comprendre les enjeux. La phase de programme durera deux mois, s’en suivra l’achat du terrain en 1973 et le début des travaux en 1974. Les Jardies sont composés de coursives, permettant de circuler, de se rencontrer et ainsi de renforcer la communication, un élément majeure de la participation. Ce projet permet également de renouer les liens avec la ville, mettant à disposition des salles communes et des services connexes utilisés fréquemment par les associations. « C’est après trois ans d’études, de montage et de chantier, que dix familles dont celle de l’architecte, soit alors vingt adultes et autant d’enfants, s’installent dans leur nouvelle habitation. A mi-chemin entre l’immeuble collectif et les maisons individuelles superposées, le bâtiment affiche une structure poteaux-poutres en béton très tramée. »13 Aujourd’hui, les Jardies restent un lieu où de nombreuses activités continuent d’avoir lieu, contribuant à faire de ce projet un modèle dans l’habitat participatif. 13 : Revue AMC (2018), Claude Guislain, pionner de l’habitat participatif, n°267, p65-73 [17/12/2021] 23
• La nouvelle maîtrise : l’AMU La notion a évolué et fait aujourd’hui place à une nouvelle forme de participation donnant une place active et décisive aux usagers : l’Assistance à Maîtrise d’Usage (AMU). Cette notion récente est une réponse apportée à la demande et au besoin des usagers, à participer à l’élaboration dès la conception d’un projet. Elle se positionne comme le troisième terme d’un ensemble déjà formé par la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre. Le maître d’ouvrage est le commanditaire ; le maître d’œuvre est le mandataire et la maîtrise d’usage est l’usager. Celui-ci intervient en général une fois le projet terminé pour investir le logement. C’est à ce moment là que la différence est importante, l’assistance à maîtrise d’usage va maintenant intervenir en amont, ayant la possibilité de prendre part aux décisions et de prendre en compte sa parole. L’AMU apporte une composante sociale avec une posture et une méthodologie qui dépasse la simple mobilisation d’outils d’animation, en reliant tous les acteurs du projet dans une démarche commune de co-construction.
Dessin de l’AMU, Libre Blanc
En 1984, le Ministère de l’Équipement lance le programme Conception et Usage de l’Habitat (CUH) qui vise à améliorer l’intégration des problématiques d’usage dans les pratiques de conception. Michel Bonnetti et Michel Conan, du département des sciences humaines du CSTB, développent des expériences liées à ce domaine. Ils défendent alors le fait qu’un habitat est un lieu partagé, qui devrait être conçu par l’ensemble des maîtrises. L’évolution de cette pratique amène la recherche et l’envie d’une meilleure adhésion des habitants aux projets d’aménagements ou d’équipements des communes, qui se formalisent au travers de la mise en place des Conseils de Quartier créer en 2002. En parallèle, il y a également la multiplication
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des projets d’habitats participatifs, abordés précédemment, dans lesquels les habitants sont acteurs tout au long du processus de conception et construction. « C’est en 2013 que les membres du réseau ont choisi le terme d’AMU. En faisant écho à l’AMO (Assistance à Maîtrise d’Ouvrage), l’acronyme permettait de conférer une identité appropriable par les professionnels du bâtiment et de valoriser la place des usagers au sein des projets de construction. »14
L’AMU a été développé pour pallier aux enjeux actuels du réchauffement climatique et notamment aux taux d’émissions de gaz à effet de serre (GES) que produit le secteur du bâtiment. Le constat est tel que le secteur du bâtiment consomme aujourd’hui près de 42% de l’énergie en France. Pour ce qui est des émissions de GES, 1m² de bâtiment neuf construit représente 1 tonne de CO215 sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment. 1 tonne de CO2 est l’équivalent d’un aller/retour Paris-NewYork en avion. Cette tonne de CO2 correspond, d’une part, à 60% de la phase construction, dont la fabrication des matériaux, leur transport, leur stockage, la livraison, la mise en œuvre et Répartition de la consommation d’énergie par secteur d’activités le traitement des déchets en fin de vie. L’autre part est celle de la phase d’exploitation du bâtiment, son usage, qui représente 40%, dont la consommation de chauffage, d’électricité, d’eau, etc... L’importance des choix réalisés au moment de la conception est alors primordial, pour réussir à réduire cet impact du secteur du bâtiment. Pour cela, les professionnels se forment aux nouvelles techniques de construction, d’isolation et aux nouvelles énergies. Néanmoins, cette approche n’est pas suffisante à l’égard des enjeux de la performance énergétique, par exemple : travailler d’un point de vue technique sur la consommation de chauffage n’est pas suffisante pour pallier le confort thermique que ressentira l’usager du bâtiment. La performance énergétique dépend du mode de vie et de l’utilisation des usagers. C’est pour cela que cette maîtrise parait alors primordial dans l’élaboration d’un projet, permettant des gains sur les consommations à long et moyen terme, pour aller vers une efficience durable du bâti.
14 : Réseau AMU (2019), Le Réseau de l’Assistance à Maitrise d’Usage [27/12/2021] https://www.reseau-amu.fr/ 15 : Bâtiment Bas Carbone, Le Référentiel technique BBCA [27/12/2021] https://www.batimentbascarbone.org/referentiel-technique-bbca/ 25
Dessin de l’AMU, Libre Blanc
Aujourd’hui, l’AMU est perçue comme une maîtrise complexe. C’est une approche qui nécessite plus de temps, d’écoute et d’être en accord avec les professionnels du bâtiment. Les professionnels de l’AMU participent à trois types d’action : • Ils réalisent des missions ciblées en s’associant à des professionnels existants tel que des urbanistes, des AMO, des architectes, etc... • Ils forment / sensibilisent des acteurs du territoire et du bâtiment à la culture et aux pratiques de l’AMU ainsi qu’accompagner des architectes au cours d’un projet • Ils sont missionnés sur un temps long du projet en tant que « chef d’orchestre »16 Plusieurs projets intégrant l’AMU ont déjà été mis en œuvre. Pour exemple, la MOA Habitat 44 a construit 64 logements sociaux à destination des aînés. Cette opération a été initié en 2016, pour une durée de deux ans. L’objectif de ce projet était de repenser le logement social pour et avec les aînés à très faible revenu, afin de créer un lieu où il y aurait une entraide mutuelle. Pour mener à bien le projet plusieurs outils ont été mis en place, comme des ateliers qui ont permis de requestionner le modèle et l’écosystème économique, faire émerger un « écosystème de services » à destination des habitants et organiser des rencontres à proximité du futur équipement.
Les types de participation au cours des derniers siècles ont été nombreuses et différentes. Cependant, elles sont complémentaires et contribuent à l’amélioration de la pratique dans l’évolution de la participation. Elles ont toutes un objectif commun : libérer la parole afin de construire un projet pour et par tous. L’évolution se fait notamment par la mise en place de divers outils qui aident le citoyen a s’orienter et aux acteurs professionnels de situer l’échelle de participation.
16 : Livre Blanc (2020), Le livre blanc de l’Assistance à Maîtrise d’Usage [27/12/2021] https://www.reseau-amu.fr/ 26
C. Les outils participatifs dans l’élaboration d’un projet • L’échelle de Sherry Arnstein comme premier outil
Des outils peuvent être mis en place afin d’assister des opérations comme celles citées précédemment. Plusieurs outils existent et ce à diverses échelles de participation, on retrouve notamment l’échelle de Sherry Arnstein, concept pour jauger son taux de participation au sein d’un projet. Cette échelle qui énonce plusieurs modèles de participation a été mis en place par Sherry Arnstein en 1969, notamment au moment du projet de l’Alma-Gare. Ce schéma de participation a été complété par Roger Hart, qui affirme que la participation est un droit fondamental du citoyen. Plusieurs modèles de participation ont été conçus à différentes échelles, permettant à la collectivité ou bien au maître d’ouvrage et au maître d’œuvre, de décider à quel moment l’usager pourrait intervenir au sein du projet. Dès lors, on retrouve 8 niveaux de participation, qui vont de l’implication la plus faible à l’implication la plus importante au sein de chaque projet d’aménagement. Les niveaux 1-2 révèlent d’une « non participation », les niveaux 3-4-5 d’une « participation symbolique » et les niveaux 6-7-8 d’une « participation au pouvoir ». On pourrait penser que les degrés d’implication sont différents selon la situation locale, les ressources, les besoins mais également du niveau d’expérience. Cependant, la participation montre que peut importe la position du citoyen, chacun peut s’engager à sa manière dans le projet et c’est là tout l’enjeu de cette démarche. 8. Contrôle citoyen : une communauté locale gère de manière autonome un équipement ou un quartier 7. Délégation de pouvoir : le pouvoir central délègue à la communauté locale le pouvoir de décider un programme et de le réaliser 6. Partenariat : la prise de décision se fait au travers d’une négociation entre les pouvoirs publics et les citoyens 5. Conciliation : quelques habitants sont admis dans les organes de décision et peuvent avoir une influence sur la réalisation des projets 4. Consultation : des enquêtes ou des réunions publiques permettent aux habitants d’exprimer leur opinion sur les changements prévus. On ne tient aucun compte de leur avis 3. Information : les citoyens reçoivent une vraie information sur les projets en cours, mais ne peuvent pas donner leur avis 2. Thérapie : « traitement » annexe des problèmes rencontrés par les habitants, sans aborder les vrais enjeux 1. Manipulation : information biaisée utilisée pour « éduquer » les citoyens en leur donnant l’illusion qu’ils sont impliqués dans un processus qu’ils ne maîtrisent en aucune façon17
Echelle de Sherry Arnstein, 1979
17 : ICEM, LE GAL J., La participation démocratique aux décisions et échelle de participation [07/12/2021] 27
Les niveaux de participation cités précédemment sont précis et témoignent d’une réflexion à partir d’études sociologiques. En France, une autre échelle s’est construite qui reprend, plus globalement, le principe des 8 niveaux. Ce processus place le citoyen dans une fonction d’accès aux actions et décisions et plus comme acteur. L’échelle de participation en France est connue sous quatre points : 1. L’information : condition nécessaire mais non suffisante de la participation politique : revient à donner les clés nécessaires à la compréhension d’une décision. 2. La consultation : permet aux habitants de s’exprimer sur leurs difficultés quotidiennes, de faire entendre leur avis sur les projets d’organisation de la ville et d’être écoutés, sans accéder à la prise de décision. 3. La concertation : implique l’intervention de non-décideurs, tout au long de la constitution d’un dossier, de l’instruction à la décision. L’habitant a donc un pouvoir d’expertise, au même titre que les professionnels techniciens. 4. La participation décision : implique un partage du pouvoir de décision qui laisse plus ou moins de pouvoir aux citoyens qui peuvent participer à la délibération, à la co-production de la décision et à la gestion d’un budget.18
Echelle de participation en France, Fédération des centres de Vienne
18 : L’influx, 2017, L’utopie entre rêve et réalité [06/12/2021] 28
• Les budgets participatifs La forme de participation la plus répandue est les budgets participatifs, ceuxci « sont des processus normés qui répondent à une volonté d’inclusion des citoyens dans les décisions de la collectivité. ».19 C’est en 1988 qu’est né le terme de « budget participatif » à Porto Alegre au Brésil, pour ensuite se diffuser à travers le monde. En France, l’apparition de cette notion s’effectue au début des années 2000 dans une quinzaine de villes françaises, qui sont en grandes partie communistes, dans une perspective de justice sociale. La pratique évolue, pour en 2014, connaître une augmentation avec six collectivités engagées dans ce processus. Cette démarche suit un déroulement précis qui s’effectue en quatre phases et mode de participation : • Le dépôt des projets par les habitants, sur un site dédié • L’analyse des projets proposés • Le vote des projets par le Conseil municipal • La mise en œuvre du projet retenu L’enjeu principal de cette approche est d’inclure les habitants dans une démarche citoyenne et d’orienter la démarche vers les enjeux de chaque collectivité. Depuis plusieurs années, l’enjeu majeur est en faveur de l’environnement, ainsi plusieurs collectivités orientent leur démarche vers cette notion. Les acteurs qui peuvent participer à un budget participatif sont définis, selon un cadre, élaboré en amont par l’organisateur de cette démarche. Le cadre peut être assez ouvert, laissant les habitants proposer des idées / solutions pour la commune. Plusieurs options sont définies telles que : l’âge minimum à la proposition d’un projet, la zone d’habitation dans le cadre d’un projet localisé, le lieu de travail de ceux qui travaillent dans une ville mais n’y réside pas, ou encore la participation de personnes physiques ou morales comme des associations ou entreprises. Les organisateurs peuvent également placer des urnes au sein de la ville expliquant le projet et ainsi permette à un plus large public, n’ayant pas accès à internet de participer en mettant leur avis. Ceci favorise l’inclusion de tous types de citoyens, donnant à chaque action et aux divers projets un impact plus important. Pour finir, il y a également la question des sommes engagées. Le budget participatif signifie « l’affectation d’une partie du budget de la collectivité à la réalisation de projets d’investissement proposés et choisis par les habitants. ».20 Les montants attribués peuvent varier d’une commune à l’autre, d’une année à l’autre, et sont en fonction des moyens de l’organisateur.
19 : Cap Collectif (2021), BENEDETTI T., Comprendre le budget participatif [27/12/2021] https://cap-collectif.com/2021/04/08/comprendre-le-budget-participatif/
La ville de Saint Denis a été l’une des villes pionnières sur la question du budget participatif. Entre 2018 et 2020, la démarche initiée par la ville s’intitulait « budget citoyen », organisé en trois parties : deux consultations : l’une sur le cadre de vie, l’autre sur le budget municipal et un appel à projet sous la forme d’un budget participatif.20 Depuis 2021, le budget participatif a été renommé et s’appuie aujourd’hui sur le terme de budget d’investissement. Ce budget est d’un montant de 200 000 euros pour 111 000 habitants, le but est d’érigé la participation des habitants à la réalisation des projets. Ce système mis en place par la ville a été conçu pour simplifier l’accès à l’initiative des habitants et permettant d’élargir le champ des projets réalisables. Par exemple, ce concept a permis à des projets, pour l’éducation et la jeunesse, d’aboutir.
• Les enquêtes dédiées, outil de « non participation » Dans une autre forme de participation, moins technique, on retrouve les enquêtes dédiées telles que les sondages, les formulaires ou encore des boîtes à idées. Tout d’abord, les boîtes à idées sont mises en place dans certaines communes, permettant la récolte de projets, d’avis sur certains sujets proposés par la ville et sur lesquels les décideurs n’ont pas encore débattu. Cette démarche a pour but de percevoir si les habitants de la commune sont favorables à certaines idées évoquées par les élus ou autres, avant de prendre une décision. Cela permet également de proposer des idées de la part des habitants anonymement, ce qui rend les personnes les moins aptes à participer ou communiquer lors de réunions, à rendre tout de même compte de leurs avis. On retrouve, dans le même concept, le questionnaire/sondage. Celui-ci répond au besoin de consulter une population et d’obtenir des résultats ciblés sur un sujet donné. C’est un outil simple à mettre en place pour l’administration de la ville mais également facile à utiliser pour l’utilisateur. En 2016, l’Assemblée de la nouvelle région, nommée Occitanie, a été adopté par un processus consultatif impliquant les citoyens des deux régions d’origine, à savoir : Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées. Dans un premier temps, la population a soumis des propositions à un comité. Ensuite, la mise en place d’une consultation auprès des citoyens a été instauré, ce qui a permis de retenir une proposition sur les six retenues. Pour finir, les avis donnés de la part des citoyens sur les propositions sont analysées par les élus régionaux puis votées pour retenir qu’une seule proposition. La consultation a été effectué par environ 3,5% de la population des deux anciennes régions jumelées, ce qui est un pourcentage important pour un projet participatif au niveau d’un territoire.
• Les ateliers et conventions, outil de « participation symbolique » L’implication des citoyens se développe également avec des ateliers collaboratifs par la mise en place des conventions, où les citoyens peuvent dialoguer et confronter leurs idées et solutions. Cette instance a été initié après le mouvement des « gilets jaunes » lors du Grand débat National avec l’annonce de plusieurs mesures, dont celle d’une Convention citoyenne pour le climat instaurée en 2019. La Convention traite des 20 : Les budgets participatifs (2021), Budget participatif de fonctionnement, quels retour ? [27/12/2021] https://lesbudgetsparticipatifs.fr/budget-participatif-de-fonctionnement-quels-retours/ 30
questions environnementales et économiques. Notamment, celle de la rénovation thermique des logements, mais également d’autres questions sur plusieurs sujets telles que l’agriculture, les mobilités, etc... L’objectif premier de cette Convention est d’impliquer les citoyens de toutes cultures, horizons, qui sont au plus proche des réalités environnementales, pour ainsi « réduire d’au moins 40% les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 dans une logique de justice sociale. »21 Cette convention est composée de 150 citoyens tirés au sort qui a pour but de proposer des solutions pour lutter contre le réchauffement climatique. L’organisation de cette Convention a été pris en charge par le Conseil économique, social et environnemental (CESE), qui est accompagné par un comité de gouvernance. L’organisation a suivi les modèles exposés précédemment, en outre, un questionnaire a été mis en place sur une plate-forme en ligne et a permis aux décideurs de recueillir les idées de l’ensemble de la population. Dans un deuxième temps, ces idées ont servi à définir les règles de la Convention avant d’être mises en place. Les 150 citoyens sélectionnés se sont ensuite réunis lors de nombreuses réunions pour arriver en Juin 2020 à une validation des mesures préalablement préparées par les groupes et d’une présentation du livrable final au Gouvernement. Ces citoyens ont remis 149 propositions, 146 ont été retenus par le président de la République. Celles-ci ont ensuite été soumise soit à un référendum, soit au vote du parlement ou soit à application réglementaire directe. Les premières mesures réglementaires prises en compte concernent le secteur du bâtiment. En effet, le secteur du bâtiment est l’un des secteurs qui émet le plus de gaz à effet de serre, ainsi le cinquième Conseil de défense écologique du 27 juillet 2020 a acté : accélération de la rénovation énergétique des bâtiments, l’interdiction des terrasses chauffées, etc... Cette Convention a été un levier majeur pour être aujourd’hui un des instruments de la démocratie participative, qui permet de donner aux citoyens la parole et le pouvoir de prendre part aux décisions publiques.
• Les chantiers participatifs, outil de « participation au pouvoir »
L’outil participatif par définition est le chantier participatif. Cette démarche, loin d’être novatrice, se caractérise par la participation de particuliers bénévoles à travailler ensemble sur un projet mis en place par différents acteurs. Les chantiers participatifs, autrefois nommée « Twiza » en langue Berbère, sont une démarche ancestrale. En France, le mouvement des chantiers participatifs s’est développé dans les années 1920 puis dans l’après-guerre avec le mouvement des Castors. Ce concept est aujourd’hui retrouvé, grâce à différentes plate-formes mises en place qui contribuent à renforcer un lien social entre habitants et citoyens. Deux types de chantiers participatifs existent : les publics et les privés. Les chantiers participatifs ouvert au public entraînent une appropriation de l’espace public par les différents acteurs (familles, jeunes, associations, collectifs) et favorisent la pérennité des lieux et de leurs usages. Ces lieux investis par le public contribuent alors à devenir des lieux d’échanges perpétuels pour l’organisation de futurs ateliers, d’expériences culturelles ou artistiques. Ils représentent également une alternative par rapport au coût que peut avoir un chantier dit « conventionnel ». En effet, les coûts d’un chantier sont relativement coûteux comprenant la main d’œuvre, la mise en œuvre du chantier puis les travaux. Les chantiers participatifs font place à des initiatives bénévoles de la part des habitants, ce qui rend l’opération moins onéreuse. 21 : Convention citoyenne pour le climat, La Convention Citoyenne pour le Climat, c’est quoi ? [28/12/2021] https://www.conventioncitoyennepourleclimat.fr/ 31
Cette pratique émane d’un intérêt important pour l’écoconstruction. Lors des chantiers les matériaux principalement utilisés sont des matériaux biosourcés et/ou géosourcés comme : la paille, la terre crue, le chanvre, la fibre de bois, etc... L’utilisation de ce type de matériaux diminue considérablement les émissions de gaz à effet de serre et permet de limiter le réchauffement climatique. Les chantiers participatifs sont des pratiques à fort enjeux sociaux. Certains chantiers ouvert au public sont un moyen de faire participer les jeunes des quartiers populaires, ou encore des personnes en réinsertion. Cette démarche permet alors de faire découvrir un métier, une passion, pour les plus jeunes qui sont en quête permanente d’un avenir. La coopérative Novedia a expérimenté le fait d’intégrer un chantier participatif à un chantier professionnel. Cela s’est traduit par la construction d’une ferme urbaine à Stains, avec la volonté de travailler d’inclure des jeunes des quartiers populaires en réinsertion professionnel. Il s’agit d’une opération qui concilie une approche low-tech et high-tech, construit de façon bioclimatique avec des matériaux bio/géosourcés. Le bâtiment est construit en structure bois, portiques en lamellé-collé et planchers en CLT originaire des forêts françaises ; les façades possèdent une isolation thermique répartie, c’est-à-dire tant du côté intérieur qu’extérieur, composées de caissons préfabriqués en bois remplis de paille compressée et d’enduits terre sur les deux faces. « Son savoir-faire est de concilier développement local, développement durable et insertion professionnelle, suivant l’idée que les ressources des uns répondent aux besoins des autres et que le déchet n’existe pas. La Ferme des Possibles a vocation à devenir une vitrine pédagogique de sensibilisation à la permaculture et au développement durable. »22
Axonométrie de la fermes de possibles, Archipel Zéro
22 : Archipel Zéro, La Ferme des Possibles [31/12/2021] http://www.archipelzero.fr/resilience 32
Ferme des Possibles, photo par Pierre-Yves Brunaud
La participation citoyenne est une démarche qui perdure à travers les siècles, rendant la participation essentielle à travers les projets architecturaux. En effet, après les plusieurs mouvements qui ont existé, la participation se développe et rend l’usager comme un acteur professionnel lors d’opération de logements. Il acquiert un statut important auprès des autres acteurs du projet, se sentant légitime de participer et de construire son propre logement, ou même de pouvoir simplement avoir accès aux projets via les concertations. Cette notion émane depuis plusieurs millénaires, étant réadapté à chaque siècle afin de mieux servir les enjeux de l’époque. Les outils et l’échelle de participation pour intégrer l’usager, l’habitant ou le citoyen à un projet architectural, sont divers et propres à chaque opération. L’intégration des citoyens est primordiale même si leur participation au sein de projet peut parfois rester faible dans l’échelle de Sherry Airnstein. Toutefois, on remarque que l’usager a toujours été pris en compte que ce soit de sa propre initiative ou de par l’intérêt politique ou économique. Chaque projets développés au cours de cette partie, montre que l’usager a été important lors de la mise en œuvre permettant l’avancé de cette pratique dans le temps et dans la façon de penser la ville. Aujourd’hui, remettre l’usager au cœur de chaque projet est indispensable pour permettre le bon fonctionnement de toutes opérations et une meilleure condition de vie.
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Photo du chantier de la ZAC Saint-Vincent-de-Paul 34
II. De l’hopital aux Grands Voisins vers la ZAC Saint-Vincent-de-Paul L’hôpital Saint-Vincent-de-Paul est situé au nord du 14ème arrondissement, entre Port-Royal et Denfert-Rochereau. Le site actuellement occupé par l’opération de logement lancé en 2016, est défini par son histoire. En effet, la parcelle a une histoire particulière reliée aux enjeux actuels du projet. C’est en 1795 que le site, anciennement occupé par la maison religieuse, est converti en maternité et en maison d’allaitement. Elle se transformera ensuite en « Service des enfants trouvés » qui a pour but de recueillir, héberger, nourrir et instruire les enfants abandonnés. Ce n’est qu’à partir de 1930 que le bâti se définit en véritable établissement hospitalier spécialisé dans les naissances et maladies infantiles. Le site se construit avec l’installation de voies de circulation effaçant la trame paysagère et faisant émerger une « ville » au cœur du 14ème arrondissement. En 1999, il y a la restructuration des pôles hospitaliers parisiens. Confronté par les coûts de mise aux normes des bâtiments, l’hôpital fusionne avec Cochin et redéploie ses activités. Cela permet en 2012, une fois l’arrêt total des activités hospitalières, l’apparition de la première convention temporaire qui est conclue avec l’association Aurore afin de transformer les premiers bâtiments désaffectés en lieu d’hébergement. Cette occupation prendra une place plus importante que prévue à partir de 2014 avec l’expérience des « Grands Voisins ». Puis s’en suivra le lancement de l’opération du projet de logements Saint-Vincent-de-Paul en 2016 où la Ville de Paris signera le traité de concession à Paris & Métropole Aménagement (P&Ma). Ce projet, situé sur l’ancien site hospitalier de 3,4 hectares, a été libéré de ses activités afin d’y créer tout un ensemble de logements et diverses activités, dans le but de : • créer un quartier de logement ouvert sur la Ville et favorisant la mixité sociale • mener une démarche environnementale ambitieuse et exemplaire notamment pour en faire un éco-quartier • repenser les espaces publics et les espaces libres/privés afin d’avoir une diversité d’usage au sein du quartier • valoriser le patrimoine et l’histoire de ce site « Le projet respecte l’ensemble des documents cadres de la Ville de Paris. Il vise à la fois une réduction maximale de l’empreinte carbone et le développement de l’économie circulaire depuis la conception du projet, à sa réalisation et tout au long de la vie du quartier. L’objectif « zéro carbone, zéro déchet, zéro rejet » se traduit par un urbanisme de la sobriété qui associe réinvestissement du bâti, réemploi des matériaux, refertilisations des sols, maîtrise des consommations énergétiques et utilisation d’énergies renouvelables. »1 1 : P&Ma, Saint-Vincent-de-Paul, Faire Paris Autrement, un programme mixte, incarné, ouvert à tous [04/01/2022] https://www.parisetmetropole-amenagement.fr/fr/saint-vincent-de-paul-paris-14e 35
A. La phase d’urbanisme transitoire par l’expérience des Grands Voisins • Le rôle des associations La phase d’occupation, à destination temporaire, a débuté dès la fin des fonctions de l’hôpital. L’APHP (l’Association Publique-Hôpitaux de Paris) a confié les premiers bâtiments à l’association Aurore pour y développer de l’hébergement pour les personnes en situation de précarité, ensuite rejoint par d’autres associations. Le site était destiné à être muré et protégé par un gardien jour et nuit. L’objectif premier de la part de la Ville de Paris et de l’AP-HP, en confiant le site à ces associations, était donc d’éviter un risque de squat. Ceci aurait conduit à faire de cet espace un point de vigilance au cœur de Paris. En 2015, les autres associations qui rejoignent Aurore, sont Yes We Camp et Plateau Urbain. Les trois organismes ont ainsi pu mettre en place une expérimentation permanente avec des usages variés. C’est à partir de ce regroupement d’associations au sein de cette parcelle qu’ont été fondés les Grands Voisins, une expérience unique et une des plus grandes occupations temporaires d’Europe. L’objectif des Grands Voisins est de concilier l’habitat, le travail et le partage d’espace. Cette expérience a la volonté de créer une autre manière de vivre ensemble par la mise en place de nouvelles formes de solidarité et de créativité. Elle apporte une réponse aux problématiques que rencontrent les différentes métropoles contemporaines telles que : la façon de loger les plus démunis, l’accès à des locaux abordables pour lancer son activité, l’accès à des lieux de rencontres et de production par le biais de la participation et pour finir par diverses manières que l’on peut réinventer dans nos modes de vie et nos villes face aux enjeux écologiques. La première occupation s’effectue de 2015 à 2018, avec des réponses de la part des associations aux problématiques évoquées ci-dessus relevant d’une logique d’affirmation de l’usage comme façon de penser la ville.
Les Grands Voisins 36
Le travail de l’association Aurore est de viser à trouver un hébergement temporaire aux personnes en situation de précarité, le temps de leur rechercher un emploi quelque que ce soit la durée de contrat. Aurore se centre notamment sur l’accompagnement de ces personnes dans le temps, pour leur permettre de s’adapter à une vie professionnelle stable pour qu’après quelques mois ils puissent vivre seul. Cependant, Bruno Berthelot, directeur du pôle Urgence de l’association explique l’importance de cet accompagnement social et du travail éducatif effectué : « Ici, avec nos règles de vie, on leur apprend à mettre de l’ordre dans leur maison et donc au fur et à mesure, ils en mettent dans leur tête »2. Lors de cette première occupation par Aurore, les personnes hébergées par nuit, sont de l’ordre de 600. Aujourd’hui, plus de 40% de ces personnes sont sorties du dispositif trouvant directement un emploi. Cette démarche de la part de l’association a donc eu un impact considérable, montrant tout l’enjeu de cet intérê. Lors de la deuxième occupation (de 2018 à 2020), l’association héberge plus que 180 personnes en situation de précarité, un chiffre diminué dû au commencement de l’opération. C’est un lieu de mixité sociale ouvert sur la ville avec des cultures diverses et variées palliant aux manques de moyens que peut parfois avoir l’association. Lors de la première occupation, plusieurs bâtiments restent toutefois inoccupés au sein de la parcelle de 3,4 hectares, malgré une imposante place pour l’association Aurore. L’intervention de l’association Plateau Urbain propose alors à différents citoyens d’occuper certains espaces à moindre coût tout en adhérent à l’association en échange. L’objectif de ce dispositif permet de développer la vie associative, à de nouvelles start-up de développer leurs activités et à des artistes ou artisans de pouvoir exercer et faire connaître leur art afin de sensibiliser les citoyens venant sur les lieux. L’ouverture de ces espaces de travail permet alors à des pratiques d’émerger en proposant à ces structures d’occuper ces espaces à seulement 250euros/m²/an TTC comprenant que la surface nette des locaux. Ce coût est quatre fois inférieur aux loyers actuels du 14ème arrondissement. On compte, selon une étude, sur la nature des structures occupantes : 37% lié au secteur des arts et du spectacle, 22% lié à des activités de service, 13% lié au secteur de l’action social, 11% au secteur artisanal et industriel, 8% lié à l’éducation, 6% au commerce et restauration et 3% au secteur de l’agriculture. Grâce à cette étude, on voit apparaître un important potentiel par la création des Grands Voisins, qui a favorisé la mixité sociale et culturelle, les interactions et le partage d’expérience rendant le projet pour certain, comme une deuxième maison.
« Ce projet construit un véritable écosystème »3 La session 2, accueille près de 150 salariés qui ont pris place au sein de cette parcelle, à côté des bâtiments hébergeant les personnes en précarités, ce qui fait de ce lieu un tremplin social avec une mixité intéressante. Le but de cette expérience est d’intégrer « un principe de socle actif à la gestion dédié à des services et commerces aux modèles économiques émergés et à forte valeur ajoutée » explique le directeur général de Plateau Urbain. 2 : BARROS V., Le Monde Société (2011), A Saint-Vincent-de-Paul [09/01/2022] 3 : Les Grands Voisins, 10 intentions transformées en actes [14/01/2022] https://lesgrandsvoisins.org/bilan-10-intentions-transformees-en-acte/ 37
L’association Yes We Camp, quant à elle, met en œuvre des démarches de prototypage d’espace, de programmes ou encore d’usages qui sont un moyen d’accompagner les changements de la ville. Ils s’interrogent sur les thématiques de l’habitat en créant ou récupérant des espaces de partages souvent temporaires. Pour Nicolas Détrie, directeur de cette association, il est nécessaire d’investir les lieux et valoriser les processus collectifs plutôt que de travailler comme de nombreux projets de construction classique à laquelle les associations, usagers, habitants ne sont pas conviées. Mettre en avant « des transformations permanentes plutôt que des objectifs à réaliser à terme. », témoigne le directeur. Le projet a ainsi évolué par des procédés « essai-erreur » afin d’inventer de nouvelles solutions avec un public très hétérogène, mais où il n’a « pas toujours été évident de tisser de véritables liens » explique William Dufourcq, directeur de l’association Aurore. Cependant, malgré des réticences de la part de tous les acteurs, cette expérience a permis de développer de nouveaux projets. Notamment, concernant le sujet de la réinsertion sociale avec la mise en place de : la Conciergerie solidaire, du Trocshop mais aussi d’une école pour les enfants non scolarisés gérée simplement par des bénévoles. Cette démarche a fait évoluer le site, le rendant accessible à tous et proposant des ateliers divers afin de faire percevoir aux citoyens un nouveau visage du site et du futur projet en construction. La coopération avec les aménageurs du futur quartier et l’impulsion des Grands Voisins à travers tout Paris conduit à une saison 2, de 2018 à 2020, avec une occupation toujours temporaire et à moindre échelle, mais réinventant de nouveaux formats et usages. L’objectif est de permettre aux citoyens de toujours avoir un accès aux diverses activités et ressources que proposent les associations et de préfigurer les usages du futur quartier afin de favoriser les formes de participation et d’assurer une cohérence avec l’opération à venir.
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Plan de l’occupation temporaire des Grands Voisins de la première et deuxième phase
A partir de 2018, la parcelle a été restreinte de presque 400 places d’hébergement, cependant les centres restent actifs afin de toujours recevoir les plus démunis. En 2020, on voit naître la crise sanitaire Covid-19 à travers le monde entier, les Grands Voisins doivent donc se réorganiser à travers leurs actions sociales. Ils mettent notamment en place une aide alimentaire où 2500 repas/jour sont préparés et distribués aux personnes en situation de précarité lors des deux mois du premier confinement. Les associations et leur rôle ont été primordiaux au sein du projet Saint-Vincent-de-Paul, notamment par leur complémentarité, leur cohésion et le développement qu’elles ont engendrés dans le quartier. Cette démarche a montré à quel point on peut réinvestir des structures existantes au sein de la ville qui souvent restent inexploitées dans l’espace urbain. Aujourd’hui, l’objectif est de pouvoir redévelopper ce type de projet dans plusieurs villes de France mais également devenir un dialogue entre le milieu public, associatif et les entreprises privées
Illustrations de Jochen Gerner
• Les outils utilisés A travers cette opération d’urbanisme transitoire plusieurs outils sont mis en place par les trois associations pilotes. Le but des instances est que chacun puisse faire part de ses envies dans le cadre commun. La forme de gouvernance est alors partagé entre les associations et l’aménageur Paris & Métropole Aménagement (P&Ma), garant de l’équilibre entre les programmes sur le site et le respect des règles. Cela s’effectue notamment par un modèle d’économie et de gestion réactive mise en place. Le budget de gestion annuelle sur un budget commun entre les 3 organisations est de 2 millions d’euros. Cette gestion s’organise sur différents sujets auxquelles tous les voisins, citoyens, futurs habitants peuvent participer. Le pouvoir est donc donné principalement à ceux qui occupent les lieux au quotidien. Tel que le fait de concevoir l’aménagement des espaces, discuter sur le travail effectué, d’évoquer les idées et envies de chacun sur la programmation culturelle qui pourrait être mise en place et divers sujets. Cette participation s’effectue via le Conseil des Voisins s’organisant tous les deux mois et regroupant toutes personnes du projet. Cela permet de pouvoir échanger sur les dernières évolutions du projet afin de partager les informations auxquelles les acteurs principaux échangent tous les mois lors de réunions internes, afin de gérer la gestion quotidienne du site.
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Les Grands Voisins proposent des groupes de réflexion et de travail à travers la notion de cercles. On retrouve principalement des thématiques axées sur les enjeux du projet en construction via des thèmes comme le cercle de l’agriculture urbaine, via un métier avec le cercle du textile, via un espace avec le cercle cour Robin ou le cercle déchet en rapport à une problématique. Cependant ces cercles restent une base et ne sont pas définitifs. En effet, le dialogue reste ouvert à toute proposition de thèmes que chaque citoyen trouve pertinent d’aborder selon leur besoin ou leur intérêt, ils sont donc illimités. Ces cercles fonctionnent par le fait qu’ils soient autonomes, c’est-à-dire que si un citoyen lors des réunions fait part de son besoin d’aborder un thème en particulier, il faudra alors qu’ils en définissent toutes les caractéristiques, les enjeux, sa pertinence et qu’ils agissent dans chaque domaine de compétence dédié. En revanche, dès lors qu’il s’agit d’une question concernant le bien commun, ils devront solliciter l’avis d’un organe de décision partagé nommé : le Comité. Plusieurs comités existent selon divers thèmes, qui sont toujours ouvert à tous et animés par des référents de l’équipe de coordination. Cette équipe se retrouve tous les mois pour se concerter sur les différentes demandes et propositions des citoyens. On retrouve alors trois types de comités : le comité de programmation et d’art, le comité social et enfin le comité d’espace et technique. Par exemple, si le cercle agriculture urbaine souhaite investir une nouvelle parcelle au sein du site, il doit en informer le comité d’espace afin de ne pas interférer si un autre projet est en cours sur la même parcelle. L’outil principal mis en place pour permettre une communication plus fluide entre les 500 personnes occupant l’équipe d’organisation, est l’application Slack. Celle-ci permet d’échanger plus facilement entre chaque personne grâce à un accès, au sein de l’application, de canal privé ou public mais également le fait de mettre en avant certains fichiers ou l’identification de certaines personnes en les mentionnant. Cette application a été notamment essentielle lors de la crise Covid-19 devenant l’outil de travail principal. Il existe une alternative aux personnes qui n’ont pas forcément accès à internet, grâce à un espace physique d’informations présentes sur le site. Cet espace permet d’une part, grâce à un formulaire, la retranscription des idées des citoyens afin de les faire parvenir aux comités; et d’autre part, de diffuser des informations concernant les méthodes de consultation. Ce lieu est nommé : la gare centrale, où un affichage de chaque compte rendu est mis en place lors de chaque réunion du comité et du conseil.
L’opération créée par les Grands Voisins a permis de transmettre cette expérience et d’inspirer d’autres pays. En effet, celle-ci a démontré son intérêt pour ses usagers mais également pour la société dans son ensemble de par les nombreux aspects positifs qui en émanent. Plusieurs acteurs sont venus à la rencontre des Voisins dans la volonté de développer ce type de projet dans diverses villes en France mais également en Belgique, en Allemagne et même aux Etats-Unis. Ce projet a reçu plusieurs prix récompensant cette initiative mise en place, tel que l’exposition de la Biennale internationale d’architecture de Venise de 2018 « Lieux Infinis », les trophées de l’économie sociale et solidaire décernés par la Ville de Paris ou encore le Palmarès des Jeunes Urbanistes. Ce projet a alors engendré un attrait particulier à cette démarche d’intégration de l’usager et a ainsi permis le réaménagement du programme concernant l’opération du futur éco-quartier.
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B. Le rôle des acteurs dans le projet d’éco quartier
maîtrise d’oeuvre espaces publics
EMPREINTE paysagiste
occupation temporaire et préfiguration
8’ 18’’
YES WE CAMP
PLATEAU URBAIN
Mairie
PARIS
14ème
ANYOJI-BELTRANDO architecte urbaniste
ALPHAVILLE
P&Ma
CITOYENS
EVP
ARTELIA
Ville de
AURORE
FUTURS UTILISATEURS
maîtrise d’oeuvre urbaine
LE SENS DE LA VILLE CODRA CHRONOS
ALTO
UNE AUTRE VILLE
agence THIERRY MAYTRAUD
coproduction MOBIUS
EVOLOOP assistance maître d’ouvrage
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• Les prémices d’un projet par l’étude Lauzeral et cession par l’AP-HP
L’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris est un établissement public de la santé française, exerçant le rôle de centre hospitalier universitaire pour Paris et l’Île-de-France, en charge de la gestion et de l’administration des hôpitaux franciliens. L’AP-HP, si on se réfère au projet, était propriétaire du terrain de l’ancien hôpital qui a quitté définitivement son activité en 2012 pour opérer un redéploiement de certains sites hospitaliers. Un accord a donc été établi entre la Ville de Paris et l’AP-HP afin de céder l’emprise de l’hôpital désaffecté à l’Établissement Public Foncier d’Île-de-France. Cet établissement assurera alors le portage foncier avant de la céder à son tour à l’aménageur qui sera désigné fin 2016. Lors de la mise en place d’une opération de logements, de nombreux prestataires interviennent pour apporter leurs compétences et expertises, aux côtés du maître d’ouvrage. Le maître d’ouvrage est le commanditaire du projet, celui qui est à l’initiative de l’opération de logement. Son rôle est tel qu’il doit s’assurer de la faisabilité, définir une partie du programme avec l’aide de d’autres acteurs, de déterminer l’enveloppe financière prévisionnelle et d’en choisir le processus avec les maîtres d’œuvres et entreprises. Il est le responsable principal de l’ouvrage et doit donc s’entourer de divers acteurs afin de mener à bien son projet. La Ville de Paris, fixe alors les objectifs urbains majeurs du futur quartier avec l’expertise de l’atelier Xavier Lauzeral. Une fois le site cédé, plusieurs relevés, études historiques et documentaires sont effectuées qui permettra au Conseil de Paris, de délibéré en 2010, le lancement d’un appel d’offre pour une étude de faisabilité en vue d’une évolution du PLU. Cet appel d’offre a été remporté par un groupement pluridisciplinaire regroupant des compétences en architecture, urbanisme et paysage dont le mandataire était l’atelier X. Lauzeral. L’étude de l’atelier a permis d’engager plusieurs démarches telles que la présentation du programme envisagé à l’AP-HP, des échanges avec le Service Territorial d’Architecture de Paris (STAP) et nourrir le cahier des charges du marché de maîtrise d’œuvre urbaine approuvé par la délibération 2014 DU 1113-2 du Conseil de Paris. L’atelier a également permis de finaliser la vente du site par l’AP-HP à l’EPFIF en mars 2016 afin de commencer l’élaboration de l’Orientation d’Aménagement et de Programmation (OAP). Les orientations d’aménagement ont été soumises à un premier cycle de concertation afin de définir le programme et l’organisation spatiales, issues de l’étude Lauzeral, qui ont été déclinées en quatre scénarios abordés précédemment : • le développement de logements • la conservation du front urbain • la conservation de la même altimétrie des bâtiments existants sur les nouveaux bâtiments • l’implantation d’une voie routière tout autour de la parcelle reliant les avenues de part et autre • Un deuxième cycle de concertation, vis-à-vis des orientations d’aménagement, a été plus tard mis en marche par l’équipe de maîtrise d’œuvre urbaine. 42
• Le renouvellement des modèles, l’expertise de l’aménageur
Le rôle principal d’un aménageur est de concevoir l’aménagement urbain pour et avec la ville. Il est un acteur clé dans la poursuite, le renforcement et l’accélération des politiques de redynamisation urbaines et rurales. L’objectif pour un aménageur est d’orienter, d’influer sur la répartition des infrastructures et les équipements dans un espace donné, tout en tenant compte des enjeux de la ville. L’aménageur va donc participer à la protection de l’environnement et instaurer au sein de l’opération l’enjeu de développement durable.
Anciennement appelé Paris Batignolles Aménagement (PBA) pour devenir Paris & Métropole Aménagement (P&Ma), l’aménageur de la Ville de Paris a développé son expertise autour de divers sujets sur l’opération Clichy-Batignolles. « Cette expérience a permis à l’équipe de PBA de développer des connaissances techniques et pratiques, ainsi qu’une solide culture de l’innovation. »4 Les missions sont définies par les traités de concession qui la lient à la Ville de Paris. Elles se constituent par : • l’acquisition foncière • la démolition, la dépollution, l’aménagement des sols • la réalisation d’ouvrages publics • la définition des lots à construire • la vente des droits à construire • le suivi des lots de construction, P&Ma veille à la qualité architecturale et environnementale • la gestion financière5 C’est le 26 décembre 2016 que P&Ma et la Ville de Paris signent le traité de concession de Saint-Vincentde-Paul qui engage alors la société dans cette nouvelle opération. A travers la visibilité de cette opération, P&Ma comprend l’ampleur des enjeux urbains de la Ville dans le renouvellement fondamental des modèles et des pratiques ; mais également des enjeux environnementaux, notamment l’objectif triple zéro de la Ville de Paris en vue d’une réduction conséquente de l’empreinte carbone ; puis l’enjeu d’intégrer et généraliser une maîtrise d’usage au sein de toute l’opération. Pour porter toutes ces ambitions, la présence de P&Ma au côté de la Ville de Paris est essentielle. L’expérience de Paris & Métropole Aménagement va permettre de concevoir Saint-Vincent-de-Paul avec les bons outils. La coordination du travail des architectes et promoteurs, le travail sur l’espace public et la gestion des temps de préfiguration rendent crucial le rôle de l’aménageur, au sein d’un espace contraint et complexe. 4 : P&Ma (2020), Qui sommes-nous ? [21/01/2022] https://www.blog-saintvincentdepaul-leprojet.fr/blog/134/point-detape 5 : P&Ma (2020), Missions [21/01/2022] https://www.blog-saintvincentdepaul-leprojet.fr/blog/134/point-detape 43
• L’équipe de maîtrise d’oeuvre urbaine au service de la ZAC
Lorsque l’aménageur engage la phase de réalisation de l’opération, il a besoin de faire appel à un partenaire extérieur pour lui confier deux missions. La première consiste à la conception et réalisation des espaces publics ; la deuxième assure la coordination urbaine, architecturale, paysagère et technique de la ZAC. Ces deux missions pour l’équipe de maîtrise d’œuvre urbaine, permet de garantir la continuité du projet. Son domaine d’action s’étend de la coordination du projet, c’est-à-dire le suivi du projet jusqu’à son achèvement, à la participation aux phases de concertation. Par conséquent, l’équipe de maîtrise d’œuvre travaille à la fois sur l’ensemble du projet urbain et sur l’aspect architectural de chaque îlot via les maîtres d’oeuvres concernés. La cohérence entre aménageur et maîtrise d’œuvre urbaine est étroitement liée. Il s’agit en effet, de travailler ensemble sur la coordination, la définition des programmes, le découpage du foncier en îlots, les prescriptions d’urbanisme et toutes les autres interventions possibles.
Fondements du projet urbain, de l’agence Anyoji-Beltrando 44
Le projet Saint-Vincent-de-Paul, est entré dans une nouvelle phase de concertation et d’élaboration en 2015 après l’expertise de l’atelier X. Laurezal, par la désignation de l’équipe de maîtrise d’œuvre urbaine, qui sera conduite par l’agence Anyoji Beltrando. Le projet s’articule sur six orientations étudiées auparavant par P&Ma et la Ville de Paris, qui sont fondamentales : une boucle de circulation unique, une croisée paysagère, un équipement public mutualisé, la réhabilitation de 60% du bâti, la construction de quatre nouveaux îlots et la mise en valeur des cours anglaises. Le projet est alors constitué d’une vraie pensée architecturale et patrimoniale en lien avec les enjeux actuels. Il s’agit, pour l’agence Anyoji-Beltrando et avec les ambitions données par P&Ma, de préserver le caractère de cette parcelle à hauteur de 60% en y intégrant une réhabilitation moderne et écologique. En effet, avec le réchauffement climatique auquel nous faisons face, l’enjeu est d’intégrer des matériaux bio/géo-sourcés tel que la brique, utilisée autrefois à la construction de l’ancien hôpital. Le projet a également un
Fondements du projet urbain, de l’agence Anyoji-Beltrando
fort intérêt de transformer les allées centrales à vocation d’espace vert, paysager et piétonnier de 4 000m² afin d’offrir un confort aux habitants et citoyens de la Ville. Ces espaces seront coconçus avec les usagers et futurs résidents de la parcelle appelées « espace des possibles », terme qui renvoie aux projets précédemment abordé, la Ferme des Possibles. Le projet conçut par l’agence Anyoji Beltrando est fondé sur la sobriété : la transformation plutôt que la démolition afin de réduire l’impact environnemental du projet. Près des deux tiers du patrimoine architectural sont conservés et les nouveaux bâtiments doivent privilégier des matériaux nobles et biosourcés. De même, la majeure partie de la végétation existante est conservée. Les deux allées orthogonales de l’hôpital sont transformées en un espace public paysager dédié aux circulations douces. Quant à la boucle de circulation entourant le quartier, elle est maintenue pour la desserte en « zone de rencontre » et se mue en un paysage à vivre. Cette approche, outre l’exceptionnel rapport
des espaces publics végétalisés/espaces bâtis qu’elle offrira aux usagers, limite également les travaux de nivellement et d’aménagement des sols. Elle favorise la biodiversité et augmente la capacité des sols à absorber les eaux de pluie, et donc à limiter les rejets dans les réseaux. L’agence a proposé une notion importante qui avait été omis par l’aménageur et la Ville de Paris dans la présentation du premier programme, il s’agit d’affecter des locaux éclairés au niveau des cours anglaises. Ils ont alors eu la volonté d’éclairer ces espaces, pour avoir la possibilité de les utiliser à des usages de co-working, d’ateliers et associatifs. Cette réappropriation des espaces en sous-sol vient modifier la perception de l’espace au profit d’une moindre densité, mais tout en conservant les surfaces globales du projet. C’est ainsi que le programme a évolué, par les choix de l’agence Anyoji Beltrando et la modification du PLU approuvé par le Conseil de Paris, à un projet urbain encré et fondé par les enjeux de P&Ma et la Ville de Paris. Le projet Saint-Vincent-de-Paul deviendra donc un quartier urbain mixte, tout en respectant les enjeux de l’opération et l’intégration des usagers, citoyens et futurs habitants.
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C. Confronter le sens du lieu par le projet de Saint-Vincent-de-Paul • Le projet Le projet de Saint-Vincent-de-Paul, a acquis auprès des Parisiens une image positive, avant même que l’opération ne débute. Cette image est notamment due à l’expérience des Grands Voisins qui a marqué la vie de quartier et de la ville par les divers procédés qui avait été mis en place. Depuis 2017 P&Ma, l’aménageur désigné par la Ville de Paris, engage donc la mutation du site, mais sans rompre avec l’esprit durable, créatif et innovant qu’avait fait part le site auparavant.
Projet Saint-Vincent-de-Paul, illustration de Diane Berg
Le programme se base sur la construction et/ou réhabilitation réunissant des équipements publics et privés, des commerces, des activités et des logements. Le site comprend 60 000m² de surface de plancher constructibles dont 43 000m² qui sont consacrées au logement, réparties autour de cinq démarches d’urbanisme collaboratif. Le but de celles-ci est de mobiliser les utilisateurs dans l’élaboration et la gestion ultérieure de chacun des programmes.
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Le projet se compose principalement d’îlots résidentiels : l’îlot Lelong, l’îlot Petit, l’îlot Chaufferie et le bâtiment Lepage. Quatre opérateurs et équipes de maîtrise d’œuvre ont été retenus en première phase d’une consultation lancée en juin 2018. Chaque îlot a des objectifs différents selon le cahier des charges prescrit par les acteurs. En effet, sur les trois îlots et le bâtiment Lepage, les démarches sont différentes, opérant soit par une reconstruction pour certains, soit par la réhabilitation et la surélévation pour d’autres. L’îlot Lelong sera réhabilité et surélevé avec un programme comprenant 10 000m² de logements libres et intermédiaires puis 1 200m² d’activités au niveau des « socles » avec pour maîtrise d’oeuvre l’agence Lacaton&Vassal.
Plan du projet, Mairie du 14ème arrondissement
L’îlot Petit, fera l’objet d’une déconstruction avec un programme comprenant 12 000m² de logements sociaux et intermédiaires et 1 300 m² d’activités, l’opérateur en charge sera Paris Habitat avec la participation d’un panel de futurs habitants. L’îlot Chaufferie est similaire à l’îlot précédent sur le programme et le concept architectural. Il se composera de 10 700m² de logements sociaux et intermédiaires et 1 600m² d’activités, l’opérateur en charge sera la RIVP avec également pour cette opération la participation d’un panel de futurs habitants grâce au nouveau modèle d’habitat participatif mis en place. Quant au bâtiment Lepage, son programme se caractérise par l’insertion de 2 700m² de logements privés et sociaux en habitat participatif avec la participation des futurs résidents. 47
Le programme comporte plusieurs types de logements : des logements sociaux qui prennent une part importante, à hauteur de 50%, ce qui était un engagement primordial à respecté pour les acteurs du projet, des logements libres de près de 30% puis 20% de logements intermédiaires.6 La deuxième démarche du programme s’opère à travers l’opération de la Façade Denfert, qui associe : des éléments patrimoniaux dont le bâtiment Oratoire et Robin ; puis un îlot contemporain, îlot Denfert. L’ensemble constitue l’opération nommée Façade Denfert qui sera la façade du quartier, son entrée et son adresse. Elle fait donc l’objet de deux consultations simultanées : celle de l’îlot Denfert qui se caractérise par la réalisation de 4 000m² où figure un équipement privé d’intérêt général autour de la culture et de la création, mais également 1 000m² de logements en accession Centrale de mobilité. L’autre consultation associée à l’opération Façade Denfert porte sur la réalisation 5 600m² de logements intermédiaires et libres dans un ensemble patrimoniale organisé autour de la cour publique Robin et de la cour privée ouverte au public de l’Oratoire, notamment classé espace vert protégé. Ce programme, en plus de la surface importante dédiée aux logements, comprend 1 200m² de commerces et activités répartis autour de la cour Robin et dans les volumes atypiques de l’ancienne pouponnière.
Axonométrie îlot Pinard
La troisième démarche du programme est la création d’un équipement mutualisé, sur l’îlot Pinard. Sur cet îlot, il est engagé la réalisation d’un équipement public de 5030m² réunissant une crèche, un groupe scolaire et un gymnase dans l’ancienne maternité. La conception de l’équipement devra permettre la mutualisation d’espaces entre les trois équipements proposés pour cette opération ainsi que l’accès partiel au public en dehors des temps d’utilisation des activités. Les équipes sélectionnées de maîtrise d’œuvre pour cet îlot sont : l’agence Chartier Dalix architectes, Encore Heureux, Assemble studio, Atelier a+1 et l’Atelier a-s architectures.
La dernière démarche du programme se concrétise par la volonté de créer des « socles actifs » qui sont des espaces dédiés aux activités de Saint-Vincentde-Paul, situé principalement aux rez-de-chaussée des bâtiments, aux cours anglaises, à la Maison des médecins et à la Lingerie. Ces espaces sont en prise directe avec l’espace public, ils ont donc un rôle essentiel dans l’animation et l’attractivité du quartier. Il s’agit notamment d’offrir 7 800m² d’espaces à des activités de l’économie sociale et solidaire ou à de la création, par une politique de loyers adaptées et progressives. Un opérateur unique sera propriétaire de ces espaces, il aura pour mission d’impulser une dynamique collective entre les différentes structures en lien avec le reste du quartier. 6 : P&Ma (2020), Document de présentation, [19/01/2022] 48
BÂTIMENT
COUR ANGLAISE
Coupe du bâtiment, agence Anyoji-Beltrando
NIVEAU JARDIN
Axonométrie avant / après du projet Saint-Vincent-de-Paul, agence Anyoji-Beltrando
Ce projet a de grandes exigences environnementales, qui paraissent essentielles de mettre en place par la Ville de Paris. On retrouve l’objectif zéro carbone, zéro déchet, zéro rejet qui se traduit par : un urbanisme de sobriété ayant la volonté d’associer la transformation du bâti sans pour autant démolir l’existant, le réemploi des matériaux et avoir une maîtrise sur les ressources utilisées lors des chantiers et une fois l’opération livrée. Le projet vise à une haute performance énergétique qui sera dans l’objectif d’être équivalent au label PassivHaus. PassivHaus est un label allemand, ayant pour but de certifier des bâtiments passifs qui consomment très peu d’énergie, où le système de chauffage conventionnel n’est plus une priorité au sein du bâtiment. Les bâtiments doivent mettre en œuvre une alternative face aux objectifs de ce label. Notamment grâce à l’utilisation de la chaleur solaire, l’intégration d’un vitrage performant, d’une isolation thermique exemplaire qui prend en compte divers indicateurs thermiques, d’un système de ventilation adapté et d’autres caractéristiques importantes.7 Ce label est différent du label BBC (Bâtiment Basse Consommation) qu’on peut connaître en France, qui lui correspond au niveau énergétique exigé dans la RT2012. En France, c’est l’association « la Maison Passive France » qui labellise les constructions répondant aux divers critères du label allemand. Pour le projet Saint-Vincent-de-Paul, la stratégie retenue repose sur la récupération de la chaleur du réseau d’eau non potable de Paris, complété par le réseau CPCU qui vise un taux de 100% d’énergie renouvelable en 2050. Ce projet de grande envergure, regroupe alors des enjeux qui semblent essentiels à respecter et mettre en place. D’une part, au niveau de la Ville de Paris pour ainsi montrer que ce type d’opération est possible et reproductible. D’autre part, au niveau des citoyens leur montrant que leur participation au sein de la décision publique est également primordiale. En effet, la construction d’un projet tel que cet éco-quartier, doit impérativement comprendre tous les acteurs de la Ville pour que celui-ci soit durable.
7 : Aldes, PassivHaus : le label de la maison passive [22/01/2022] https://www.aldes.fr/contenu/nos-conseils/reglementations/passivhaus-le-label-de-la-maison-passive 49
• La volonté d’installer une démarche participative
La participation citoyenne est définie depuis l’expérience des Grands Voisins et se continue sur l’ensemble du projet de l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul. Cette participation au sein des Grands Voisins est une démarche mise en place dès le début, c’est un des fondements de cette expérience. Le but est de faire vivre les Grands Voisins avec les habitants du quartier et tous citoyens confondus, comme le prône les associations qui pilotent cette expérience. La posture de l’usager a évolué au fil des années de la conception du projet du futur éco-quartier, c’est pourquoi cette dynamique qu’avait instauré les Grands Voisins est toujours valorisée. A travers leurs actions, ils ont montré l’importance de la place de l’usager dans des projets, quelle que soit l’échelle de participation. C’est ainsi, que l’aménageur et les divers acteurs du futur projet ont garder et réintégrer cette démarche dans leur programme et dans leur façon de penser la ville. L’opération du projet de réhabilitation de l’hôpital Saint Vincent de Paul, comprend donc une maîtrise d’usage pour différentes actions. Cette maîtrise, qui travaillera aux côtés des autres acteurs professionnels du projet, intègre les usagers dès la phase d’élaboration et de gestion ultérieure des programmes. Cette participation citoyenne s’effectue autour de trois grands thèmes : • Habiter Saint-Vincent-de-Paul • Accueillir l’économie émergente • Inventer une nouvelle interface avec le 14ème arrondissement P&Ma a voulu généraliser cette logique en mettant en place des séries de consultations d’opérateurs professionnels pour la réalisation de différents programmes. Il impose à tous les lauréats de chaque îlot de faire figurer dans leur réponse une manière d’intégrer les usagers à chaque étape du projet Saint-Vincentde-Paul, que cela passe par la définition, la construction et la gestion. Cette démarche va ainsi permettre de pouvoir choisir les projets selon leur capacité à s’adapter à cette demande.
• Les nouveaux outils utilisés pour le projet de la ZAC La volonté d’intégrer les usagers repose sur des nouveaux outils mis en place tout au long du processus de conception de ce quartier. Deux objectifs ont été recensé, d’une part faire participer toutes les parties prenantes à travers divers moyens, d’autre part sensibiliser et informer. Tous les ateliers ont d’ailleurs fait l’objet de retranscription soit par des comptes rendus ou par des vidéos conférences consultables sur le blog de Saint-Vincent-de-Paul. Cette démarche permet à chaque citoyens et acteurs de toutes formes, de pouvoir se rendre compte réellement du travail que cela engage et de la part importante que représente la participation au sein de cette opération. C’est notamment le travail de la Ville de Paris, de rendre public chaque documents, avancements et rendus. En premier lieu, on retrouve l’outil de participation par définition : les ateliers. Ils ont été nombreux, mais plus particulièrement dédiés aux projets architecturaux des bâtiments résidentiels de l’équipement Pinard et de la Façade Denfert débuté en octobre 2019 jusqu’en février 2020. Les modalités de ces ateliers étaient 50
communes et faisaient part tout d’abord d’un atelier de cadrage, ouvert à tous, puis d’un atelier d’analyse collective. Chaque atelier mensuel devait rendre une conclusion, écrite par des avis consultatifs, puis ensuite transmise aux instances décisionnaires telles que les jurys des concours d’architecture organisés pour les différents bâtiments du projet. Dans une autre forme de faire participer les usagers, il y a l’intégration des futurs habitants dans le processus de co-conception. Cette démarche est inédite faisant participer les futurs locataires à la conception de leur futur logement. Dans un deuxième temps, la participation passe par le fait de sensibiliser et informer les citoyens. Le parti pris d’un processus de projet urbain participatif repose sur la mise en partage de l’action de la Ville de Paris et de P&Ma, par différents canaux d’informations. Quatre points sont essentiels par rapport à la question de la sensibilisation et l’information. Tout d’abord, par l’installation d’un espace d’information situé dans le restaurant de l’Oratoire géré par les Grands Voisins, ouvert de mai 2019 à mars 2020, permettant à tous de venir s’informer sur l’évolution et l’actualité du projet. Cet espace proposait notamment l’affichage des comptes-rendus de chaque comité mensuel mais également des ressources digitales interactives présentant, aux nouveaux citoyens découvrant le site les différents aspects du futur quartier. Dans le même objectif de sensibilisation, on retrouve les petites conférences, qui sont des cycles de présentations thématiques, toujours ouvertes à tous, organisées par l’aménageur et le CAUE de Paris de novembre 2018 à mars 2020. Ces petites conférences étaient dans le but de présenter les différents aspects du projet et de les mettre en corrélation avec les enjeux majeurs de l’urbanisme contemporains. Celles-ci ont été animés par divers experts et concepteurs de la ville pour partager leurs expériences, leurs convictions et leurs interrogations avec le public. Les visites de chantiers ont été également instaurées dans le processus de sensibilisation. Des visites guidées ont été organisées par P&Ma et le CAUE de Paris permettant de faire découvrir au public le site et de mesurer l’avancement des travaux. Ces dernières sont gratuites, d’une durée d’une heure et consacrées de telle sorte que les citoyens puissent voir l’ensemble de la parcelle et des bâtiments désaffectés tout en ayant une explication du futur programme que bénéficiera chaque bâtiments visité. Cependant les visites ont été interrompus lors du confinement, mais ont repris après la crise Covid-19 toujours en prenant en compte le respect des règles sanitaires. Toujours dans le cadre de sensibilisation et information, il y a la création de plateforme de discussion comme le groupe Facebook ou encore Slack. Ces groupes sont publics et permettent aux citoyens de suivre l’actualité et de dialoguer sans forcément se déplacer pour pouvoir être informé.
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• La nouvelle démarche d’habitat participatif Une nouvelle démarche participative s’impose au projet de Saint-Vincent-de-Paul. Il s’agit de l’habitat social participatif, terme pourtant connu mais réinventé au sein de cette opération. Tous les îlots des bâtiments situés au sein de cette parcelle ne font pas forcément l’objet d’un processus de co-conception. Cette démarche est établie seulement sur les îlots de logements sociaux Chaufferie et Petit où les bailleurs RIVP et Paris Habitat ont souhaité impliquer directement les futurs résidents dans l’élaboration de leur habitat. Dans ce projet, les futurs habitants de l’éco-quartier sont désignés avant même la livraison finale du bâtiment, ce qui est inédit dans une telle opération. En temps normal, les habitants sont désignés que quelques mois après la livraison des bâtiments. Dans le cas des îlots de bâtiments Chaufferie de 10 700m² et Petit de 12 000m², 40 futurs habitants, sur 994 personnes inscrites, seront impliqués dans la démarche de co-conception, près de quatre ans avant l’achèvement des logements. Durant cette période de participation, les futurs habitants seront totalement intégrés à tous les autres acteurs. Ils prendront ainsi part aux réunions et aux divers ateliers au côté des bailleurs, des concepteurs et des bureaux d’études. Ils aborderont, ensemble, des notions complexes pour répondre aux enjeux inscrits au cahier des charges du projet. Ils penseront collectivement les procédés à mettre en place dans les nouveaux ensembles d’habitats sociaux, tels que : les critères de qualité des appartements, la définition des espaces et services collectifs ou encore des modes de gestion partagés des immeubles. Dans les notions d’espaces et services, on retrouve la création d’une bricothèque, une laverie et un local à vélos. Tous ces espaces sont normalement conçus seulement par la maîtrise d’œuvre, mais dans ce cas tous les acteurs y participent. Ce panel de futurs habitants, a été défini en amont, via diverses réunions, par les acteurs du projet. Les membres de ce panel doivent respecter certaines conditions afin de pouvoir participer à cette aventure. Il faut notamment : être demandeur de logement, respecter les critères d’attribution d’un logement social et participer activement aux ateliers de co-construction qui se tiendront tous les mois.
Participation des habitants lors d’une réunion 52
• La nouvelle démarche d’accession social, foncier pour le logement C’est en Avril 2021, que la foncière de la Ville de Paris lance la première commercialisation de 23 logements en accession à la propriété via le bail réel solidaire (BRS). La foncière de la Ville de Paris (FDVP) est un organisme de foncier solidaire (OFS) sans but lucratif, créé à l’initiative de la Ville de Paris sous forme d’un Groupement d’Intérêt Public (GIP) et agréé par l’État, qui vise à faciliter l’accès à la propriété pour les classes moyennes à Paris. Le principe repose sur la dissociation du foncier et du bâti : le foncier reste la propriété de la Foncière de Paris, tandis que le bâti est vendu à des ménages parisiens. Les objectifs de cet organisme sont de permettre la construction de logements à prix réduit de moitié, lutter contre la dynamique spéculative des marchés immobiliers et favoriser la mixité sociale dans Paris. Cette structure repose sur l’articulation de deux outils complémentaires. Tout d’abord, le GIP, agréé en tant qu’organisme de foncier solidaire (OFS), qui a pour objet d’acquérir et de gérer des terrains, bâtis ou non. Cela, en vue de constituer un parc pérenne d’accession à la propriété des ménages de classes moyennes. Puis, le bail réel solidaire (BRS), qui est un dispositif de bail de longue durée créé grâce à la loi ALUR du 24 mars 2014, permettant aux citoyens d’acquérir et investir dans l’immobilier à un prix qui peut parfois atteindre la moitié du prix d’un terrain classique.8 Les ménages payent une redevance à la FDVP
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Sur ces terrains, des logements sont édifiés à des prix abordables pour les ménages, sous conditions de ressources
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Les ménages achètent leur logement dans le cadre d’un BRS La FDVP fait l’acquisition de terrains et en conserve la propriété
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Les ménages qui le souhaitent peuvent revendre leur bien avec une plus-value limitée sous le contrôle de la FDVP
Le logement est disponible pour de nouveaux ménages
Schéma de fonctionnement d’accession pour le logement, par la FDVP
Le processus s’effectue par un appel à candidatures qui est ouvert au moment du lancement de l’opération, où le formulaire est en accès libre sur le site de la Foncière de la Ville de Paris. Cette démarche peut donc être accessible par tous citoyens de Paris, tant qu’ils respectent les conditions d’attribution. Les dossiers sont ensuite examinés et sélectionnés selon un processus de sélection transparent et équitable par une commission d’agrément. Cette démarche est une nouvelle forme d’habitat participatif, ce qui permet de faire participer les futurs habitants à la réalisation de leurs futurs logements. Un concept inédit est pourtant primordial pour permettre au logement et à l’ensemble du bâtiment d’être plus durable. En ce sens, l’usager a un rôle aussi essentiel que les autres acteurs. 8 : LegalPlace (2020), Le Bail Réel Solidaire (BRS), [13/01/2022] https://www.legalplace.fr/guides/bail-reel-solidaire/ 53
• La posture de l’usager par son engagement La participation citoyenne, de l’usager ou des futurs habitants du logement, passe tout d’abord par leur engagement sur le projet. L’engagement consiste à être investi, donner de son temps, de l’énergie, pour la plupart hors du temps de travail que chaque usager peut avoir. Il faut toutefois que l’engagement est été effectué par les différents acteurs de la construction. En effet, si les architectes font évoluer leur pratique pour définir dans leur projet une participation, comment d’un autre côté, l’engagement des citoyens évoluet-il ? Murielle Toma
Panel des futurs habitants, Projet Saint-Vincent-de-Paul
Murielle Toma, est membre active du panel de futurs locataires engagés dans le processus de co-conception des immeubles de logements sociaux Petit et Chaufferie, se situant au centre de la parcelle. Avant que l’opération ne débute, des groupes de citoyens s’étaient réunis en amont afin d’analyser et d’exprimer leur point de vue sur les projets retenus. Murielle Toma, avait été tiré au sort pour présenter l’avis de ce groupe de citoyens concernant les lots : Chaufferie et Petit. Son engagement est alors dynamique et durable puisqu’à terme, l’idée est qu’elle puisse habiter les lieux. L’engagement à travers ce projet pour des futurs habitants, qui exerce cette fonction seulement sur leur temps libre, demande beaucoup d’investissement. En effet, le temps personnel et l’énergie qui sont donnés sont considérable, mais « très gratifiant »9 explique Murielle. Cet investissement permet tout d’abord aux usagers d’enrichir leurs connaissances sur le fait de gérer un projet de cette envergure. Cet apprentissage s’effectue sur le long terme aux côtés des concepteurs, des aménageurs et des bailleurs, Paris Habitat et RIVP, qui apprennent également des usagers. Lors de ces nombreuses réunions, l’équipe des acteurs professionnels de la construction fait preuve de « pédagogie remarquable »9 ce qui est alors indispensable pour que le projet se passe dans de bonnes conditions. C’est à travers ce type de projet, qu’on pourrait définir comme un projet « de petite ville », que la démarche devient une grande richesse sociale. Tous les acteurs de l’opération apprennent à s’écouter, dialoguer afin de mettre en œuvre les besoins et les idées de chacun, dans le respect des réglementations techniques, et devient alors une expérience commune. 9 : Blog Saint-Vincent-de-Paul (2021), Co-produire le projet, c’est possible [20/01/2022] https://www.blog-saintvincentdepaul-leprojet.fr/blog/146/1-22 54
Le périmètre d’intervention de l’usager est varié et dépend des objectifs du projet. On retrouve premièrement, le fait d’établir un diagnostic en amont du projet ; ensuite de co-construire le projet ; puis d’initier un débat autour des enjeux ; et pour finir l’évaluation du projet en disposant du retour des usagers, qui ont eux-mêmes participé à l’opération. Ces notions font référence à l’échelle de Sherry Arnestein, un outil de participation important quand on met en œuvre une démarche de ce type. Dans le code de l’urbanisme, article L103-2 figure l’obligation de concerter « pendant toute la durée de l’élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernés »10 et ceci s’applique pour un Schéma de Cohérence Territoriale (ScoT), un Plan Locale d’Urbanisme (PLU), une Zone d’Aménagement Concerté (ZAC) et les projets de renouvellement urbain. De manière générale, ce sont « les opérations d’aménagement ou de construction ayant pour effet de modifier de façon substantielle le cadre de vie, notamment ceux susceptibles d’affecter l’environnement. ».10 L’usager a donc un périmètre d’intervention assez large, que ce soit par une démarche volontaire de la part du décideur public ou d’une participation du public imposé par la loi. Murielle Toma et plusieurs autres usagers, ont pris part au projet en s’appropriant les futurs îlots de bâtiments en visio-conférence. La consultation a commencé en même temps que l’arrivée de la crise sanitaire, mais cela n’a pas empêché pour autant l’avancé du travail qu’entreprenaient déjà les acteurs. Grâce à une plateforme contributive en ligne, nommé Padlet, la maîtrise d’usage pouvait déposer leur avis à tout moment de la journée. Cette démarche permet aux acteurs de continuer à contribuer au projet, en développant leurs idées et en émettant leurs avis sur la conception et réalisation de l’opération des lots Chaufferie et Petit. Il y a eu une notion primordiale pour Murielle, celle de l’accessibilité des personnes à mobilité réduite. Un sujet important auquel elle a prit part. Elle a pu donner son avis afin de mieux prendre en compte la situation réelle d’une personne en situation de handicap et ainsi de mettre en œuvre de meilleures mesures. Plusieurs idées et avis ont émané sur cette plateforme, qui ont ensuite été intégrées au projet. On retrouve notamment les sujets tels que, « la dimension des chambres ou sur les revêtements de sol, mais aussi les échanges sur les consommations d’énergie. »11 Pour la question des consommations énergétiques liées au bâtiment, la Ville de Paris a fait appel à un cabinet de conseil en aménagement urbain et deux bureaux d’études spécialisés dans l’énergie afin d’établir la stratégie énergie carbone de la ZAC. Cette configuration permet à l’équipe d’être précis sur les aspects techniques et financiers pour en définir les difficultés. Plusieurs points sont développés comme tout d’abord le fait d’intégrer l’usager en amont de l’intervention, par le biais d’un appel à contributions. Les acteurs de l’énergie et les usagers ont formulé des propositions pour la production, la distribution, la gestion et l’exploitation de l’énergie. Cette démarche est la première qu’on peut entreprendre dans l’échelle de participation. L’usager a un rôle de « participation symbolique » qui consiste à donner son avis, ses intentions sur le projet sans prendre part aux décisions. Ensuite, le deuxième point important est d’adapter chaque bâtiment à sa propre consommation d’énergie. Celle-ci se retrouve alors réduite afin que les futurs habitants bénéficient de charges énergétiques correctes. Le troisième point, est la réalisation d’un bilan 10 : Légifrance, Code l’urbanisme : Section 2 : Concertation [09/01/2022] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000031210122/2016-01-01/ 11 : Blog Saint-Vincent-de-Paul (2021), Co-produire le projet, c’est possible [05/01/2022] https://www.blog-saintvincentdepaul-leprojet.fr/blog/146/1-22 55
carbone sur le cycle de vie complet du quartier. « Cette étude nous permet d’identifier les leviers pour réaliser un quartier cohérent avec l’objectif de neutralité carbone. ».12 La question que se pose l’équipe est : comment intégrer la maîtrise d’usage à la question des consommations énergétiques liées au futur quartier ? La réponse finalement trouvée est de constituer une coopérative où les usagers pourraient être invités à s’impliquer dans la gouvernance d’une structure de production d’énergie. Les phases de l’inclusion de l’usager et futurs habitants du projet, sont alors multiples et diverses, allant de la simple consultation au commencement des travaux.
• La participation au sein des îlots Petit et Chaufferie Les îlots Petit et Chaufferie sont axés sur un programme similaire avec des attentes toujours exigeantes concernant les enjeux actuels. Les opérateurs des deux îlots, « Paris Habitat et la RIVP ont désigné les lauréats des deux lots ainsi que l’équipe d’assistance à maîtrise d’usage (AMU) qui les accompagnera dans la démarche de conception participative. »13
Plan masse du projet des nouveaux bâtiments, agence Anyoji-Beltrando
Le lauréat de l’îlot Chaufferie, est le projet qu’a conçu l’agence Bourbouze & Graindorge et Serges Bates, comprenant un programme de 70 logements sociaux, 30 logements intermédiaires et un centre d’hébergement d’urgence de 55 places. L’emplacement de l’îlot Chaufferie, situé en entrée de site, a permis de concevoir un bâtiment avec un concept architectural qui favorisait l’ouverture sur l’environnement. Ce dispositif permet alors d’ouvrir la cour centrale faisait apparaître des visuels intéressants, pour quelques logements, sur les 12 : Construction21 France (2018), Une stratégie énergie-carbone pour la ZAC Saint-Vincent-de-Paul [09/01/2022] https://www.construction21.org/france/articles/h/une-strategie-energie-carbone-pour-la-zac-saint-vincent-de-paul.html 13 : P&Ma (2020), Communiqué de presse, Zac Saint-Vincent-de-Paul [20/01/2022] 56
Représentation 3D de Ilot Chaufferie, par l’agence Bourbouze & Graindorge
parcelles adjacentes. L’îlot se décompose en trois bâtiments distincts et compacts à la fois. Ces derniers bénéficient de prolongements extérieurs et d’orientations multiples ce qui garanti un bon confort d’usage au sein de chaque logement. La volonté de l’agence était d’inscrire à chaque étage, de vastes vestibules desservant jusqu’à cinq logements autour des noyaux de circulation. L’idée est qu’ils puissent être par la suite partagés entre résidents afin de favoriser les échanges et partages entre locataires. Le socle d’activité de ce bâtiment se compose essentiellement de locaux d’activités, traversants et modulables et profitent de la lumière naturelle des cours anglaises d’un côté et du jardin décaissé en cœur d’îlot de l’autre. La structure utilisée dans la reconstruction de ce bâtiment est, une structure mixte béton bas carbone et bois et avec une façade de briques réemployées autoportantes.
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Les cours anglaises AVANT
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Les cours anglaises APRES
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L’équipe lauréate, de la consultation menée par la RIVP de l’îlot Petit, réunit plusieurs agences d’architecture : Kuehn Malvezzi Projects GmbH, Nicolas Dorval-Bory et Plan Comun. Le projet imaginé par l’équipe d’architectes pour la conception de cet îlot, se compose de 186 logements sociaux et intermédiaires. La volonté architecturale des diverses agences était de respecter l’altimétrie du bâtiment, qui fait face à l’îlot Petit, nommé l’Oratoire. L’agence fait alors le choix architectural de concevoir une volumétrie graduée de R+5 à R+9 en cœur d’îlot et ainsi permettre un alignement avec le bâtiment patrimonial classé. La constitution de l’ensemble bâti se forme sur un socle commun au rez-de-chaussée où est proposé, des salles collectives et un socle commun en toiture où les locataires pourront profiter d’une grande terrasse. Le concept de la création de ce socle au rez-de-chaussée est de maximiser la surface dévolue au cœur de l’îlot afin de l’ouvrir un maximum sur l’espace public. Cet objectif est réalisé grâce au principe de loggias sur pilotis. La volonté architecturale de mettre en œuvre un socle actif, comme celui imaginé, permet à la fois d’animer et unifier les locataires mais également les citoyens venant sur le site. A partir de ce socle émerge trois volumes qui constitueront les bâtiments de logements de l’îlot. Ils sont, pour la plupart, multi-orientés et prolongés d’espaces extérieurs. L’architecture de ces trois bâtiments se compose également de quatre failles verticales accueillant des paliers ouverts à chaque étage et desservent des espaces où l’appropriation des locataires est multiple.
Représentation 3D Ilot Petit, par Jeudi Wang 60
Cette fragmentation, pensée par l’équipe lauréate, favorise l’ensoleillement, les vues sur le reste de la parcelle et sur les terrains adjacents. Pour le choix esthétique mais également structurel, les agences ont voulu concevoir le bâtiment à partir de matériaux nobles, pérennes et durables, la demande étant de privilégier des matériaux biosourcés. Le squelette de l’immeuble se caractérise par un système de poteaux et poutres et de planchers en bois massif. Les façades, quant à elle, sont constituées de murs de briques réemployés d’une épaisseur de 20cm. Le choix d’incorporer ces deux matériaux était dans le but, d’une part, respecter le cahier des charges dans l’utilisation de matériaux durables tel que le bois. Puis, d’autre part, respecter la modénature de la parcelle afin de répondre visuellement aux façades des bâtiments voisins préservés avec la brique en façade. L’enveloppe extérieure en brique forme une structure indépendante de l’ossature bois, qui n’est pas simplement un habillage mais un matériau structurel. Elle permet de protéger l’ossature interne des intempéries tout en assurant l’isolation thermique de l’immeuble. Paris Habitat et RIVP, bailleurs de la ZAC, ont semblé pertinent d’être accompagné par une seule et unique AMU pour l’opération des lots Petit et Chaufferie. L’équipe d’assistance à la maîtrise d’usage se compose de trois structures dont, Courtoisie Urbaine, qui a pour objectif d’accompagner le panel de 40 futurs locataires. Cette structure va ainsi mettre en place des formations liées au projet urbain et architectural afin d’interroger le panel sur leurs expertises d’usages. Les futurs locataires vont participer grandement à de multiples réunions et ateliers pour faire part de leurs savoirs, questionnements, besoins et idées, selon leur expérience. Les architectes et paysagers les ont convoqué, lors d’une première réunion, afin de leur présenter le projet et pouvoir recueillir leurs avis, leurs ressentis, leurs questionnements et parfois même leurs critiques. Le rôle de l’AMU est alors d’interroger le panel sur la question de la gestion, que ce soit pour les communs, les extérieures ou la relation entre bailleur et locataire afin de mieux interagir tous ensemble. « Ce qui est intéressant c’est qu’on participe vraiment à la construction dans tous les détails » « J’ai l’impression d’être privilégié »14 Sylvie Terret, futur locataire et membre du panel. Au terme d’une année de travail, l’engagement des participants demeure toujours aussi important malgré le début de la crise sanitaire. Cette crise a causé des manières différentes de travailler sur un tel projet. Celles-ci ont dû être réaménagé afin que tous les acteurs, dont les habitants, puissent continuer à suivre l’avancement. La plateforme Padlet a alors été installé, ce qui a permis aux habitants de continuer de s’informer et contribuer à tout moment au projet. Padlet est une plateforme d’échanges en ligne, seulement pour l’opération des deux îlots Petit et Chaufferie. Elle est devenu un vrai centre de ressources pour tous les acteurs. Au cours de l’année 2021, les restrictions sanitaires ont été diminuées, ce qui a permis de reprendre le travail de participation des habitants en présentiel, dont la mise en place de cinq ateliers. La réflexion concernant les projets des îlots Petit et Chaufferie est commune. Les membres du panel ignorent donc s’ils emménageront dans l’îlot Petit ou Chaufferie. Cette démarche instaurée par les bailleurs sociaux, Paris Habitat et RIVP, permet une contribution de la production collective par rapport à la conception des logements et non pas une production individuelle pour leur propre logement. Cela constitue une collaboration étroite, un dialogue rigoureux entre chaque acteur et créer un lien indescriptible entre chaque membre. « Le collectif a parfaitement intégré une logique de complémentarité d’usages, d’économie de surface 14 : RIVP, Découvrez les ateliers participatifs à Saint-Vincent-de-Paul [21/01/2022] https://www.rivp.fr/nos-actualites/construction/st-vincent-de-paul-lhabitat-social-participatif-ca-marche/ 61
et de mutualisation des lieux entre résidents. »15 témoigne Rabia Enckelle, de Courtoisie urbaine. Leur travail s’effectue aux côtés des deux maîtrises d’œuvres pour concevoir un logement type et ainsi aborder les principales problématiques rencontrées. Ce travail est accompgné de plans de détaillés des appartements et de maquettes à échelle 1/20ème, fourni par les architectes en charge du projet. Concevoir à cette échelle importante pour les premières phases, permet alors une meilleure visualisation du mobilier, une meilleure compréhension de l’organisation du logement et une meilleure imagination des usages des lieux.
Les architectes avaient proposé, au sein du logement, la création d’une pièce polyvalente entre la cuisine et le séjour, cependant les futurs habitants ont préféré la création d’une chambre. Divers détails comme celui-ci ont été abordé lors des réunions, qui ont mis les architectes dans une position inédite. Ils ont du consacrer plus de temps à des notions sur lesquelles ils n’auraient pas poussé le sujet. Néanmoins, les architectes ont fait part de plusieurs propositions qui ont été finalement adoptées par le panel, après avoir été nourries d’échanges. Lors des réunions, tous les sujets au cours de la conception sont abordés, tant les questions d’usage, que les questions plus techniques. C’est dans ce sens que les futurs locataires Maquette à l’échelle 1/20ème, par l’agence Bourbouze & Graindorge peuvent comprendre toutes les difficultés et contraintes. Le but de ces réunions est de mettre en place de nouveaux outils pour proposer des solutions et que tous les acteurs accusent réception des problématiques de chacun. De nouveaux modes d’habiter sont alors au cœur de l’initiative des deux bailleurs sociaux. Toutes les propositions, les idées, les remarques sont pertinentes créant des logements avec une vraie qualité d’usage pour qu’ils soient le plus durable possible et contribuent à la livraison au bien-être et à la satisfaction des habitants.
15 : Blog Saint-Vincent-de-Paul (2021), Co-conception du logement social, point d’étape [21/01/2022] https://www.blog-saintvincentdepaul-leprojet.fr/blog/134/point-detape 62
Le projet de la création de la ZAC Saint-Vincent-de-Paul, est un projet phare au sein de Paris. C’est une opération avec des enjeux politiques, économiques, sociales et environnementaux importants, permettant de faire émaner une pensée différente par rapport à la façon de créer un quartier. En effet, tous les acteurs ont dû se réapproprier les enjeux actuels afin de construire un quartier urbain en lien avec les besoins des habitants de Paris. De l’expérience des Grands Voisins à la construction de la ZAC, la parcelle est devenu, en peu de temps, un tremplin vers d’autres manières d’aborder un projet, amenant à une nécessité de dorénavant construire comme tel. A travers ce projet, on remarque l’importance accordé à la participation citoyenne dans la conception urbaine et architecturale. La démarche qui a été mise en place en 2012 et développer ensuite au projet de SaintVincent-de-Paul, intègre l’usager au cœur de l’opération. Notamment, de pallier à la baisse de confiance des citoyens vis-à-vis des institutions. D’une part, les usagers se rendent compte de leur pouvoir de décision ainsi que leur possibilité d’agir. D’autre part, les acteurs et bailleurs, de l’importance de construire avec les habitants afin de rendre le bâtiment plus durable. Le projet Saint-Vincent-de-Paul, qui sera partiellement livré en 2023, rend compte pour tous les citoyens que cette démarche de participation citoyenne est possible et réalisable qu’importe l’échelle, la culture et la démarche. L’enjeu de ce projet est de montrer que cette démarche, au début ambitieuse, permet l’avancer de la société vers des modes différents de construire et d’habiter, sans pour autant en enlever un confort. En ce sens, cela permet une cohésion et un lien social renforcé entre futurs habitants et acteurs professionnels, avant même la livraison finale.
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Cumbaya, Equateur, Tatiana Bilbao ESTUDIO 2018
"La maison de notre temps n'existe pas, néanmoins, l'évolution de notre façon de vivre exige sa réalisation."
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III. L’évolution de la participation citoyenne
La participation citoyenne est une démarche où chaque citoyen s’engage à différentes échelles dans un projet afin de prendre part, quel qu’elles soient, aux décisions publiques. Cette démarche permet à tous les citoyens d’acquérir un « pouvoir d’agir » sur leur environnement, leur cadre de vie et leur travail. Cependant, la participation auprès des collectivités, de l’État et d’autres institutions, est rarement perçue comme une façon de produire et co-construire, mais simplement comme une façon de pouvoir recueillir une expertise. La plupart du temps, la participation, dans les petites communes ou à plus grande échelle, porte sur l’étape de consultation rendant la participation comme notion « symbolique ». Le fait que la participation s’arrête souvent à ce stade, confère aux citoyens un sentiment de non-appartenance au projet. Cette façon de concevoir produit alors le contraire de ce que pensait établir les collectivités. En effet, ce système de participation confisque le pouvoir aux citoyens, il est le spectateur et non l’acteur des projets. L’objectif est alors de rendre la participation plus intéressante et constructive pour les deux parties. Il devient primordial d’établir des règles, selon des documents de références, pour donner l’ensemble des éléments aux citoyens afin qu’ils se repèrent, comprendre leur rôle et le processus complet de participation. La participation a ses limites et freine certaines collectivités ou maître d’ouvrage. Cette démarche prend plus de temps à mettre en place, demande plus d’organisation, et est parfois plus coûteuse pour répondre aux objectifs environnementaux tels que l’intégration de matériaux biosourcés. La participation est donc souvent négligée par les maîtres d’ouvrage dans les opérations. Néanmoins, malgré les limites d’accès à la participation, on remarque un gain important sur le plan social, sur la qualité d’usage et sur l’économie à long et moyen terme des coûts de consommations énergétiques. Toutes les formes de participation sont bénéfiques pour la société, renouant un lien quelque peu oublié entre les citoyens et leur environnement et entre les citoyens faces aux grands objectifs.
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A. Les divers enjeux de la participation citoyenne Les objectifs et les enjeux diffèrent selon les époques. Cependant, les enjeux liés à la démarche de participation citoyenne au sein de la société, sont à peu près les mêmes voir davantage abouti dans les années 70. La participation se développe à l’échelle de pays voir de continents, ayant un rayonnement important. Malgré sa répartition et sa pratique qui semble maintenant entrée dans les mœurs, la démarche était autrefois ascendante. Dans le sens où les quelques actions mises en œuvre étaient tenues jusqu’à l’achèvement. Au fur et à mesure des années, cette démarche est devenue une notion primordiale que ce soit pour les citoyens que pour les politiques. Plusieurs lois, chartes ou encore grâce à certains congrès, la participation est maintenant abordée comme une nécessité. Cela a été accentué avec la crise sanitaire, auquel le monde entier a fait face, en novembre 2019. La crise, Covid-19, a sans doute effectué un changement des mentalités et un besoin de retrouver un lien entre voisins qui, pour la plupart, ne se connaissaient pas. Elle a également engendré le besoin de concevoir et/ou rénover des immeubles dans le but qu’ils deviennent plus durables, via la démarche de participation citoyenne. Les enjeux environnementaux sont de plus en plus importants et nombreux, notamment à cause du réchauffement climatique de ces dernières années, que ce soit en France ou à travers le monde. C’est une cause que chaque citoyen prend de plus en plus en considération dans leurs modes de vie respectifs. La réhabilitation est également une notion importante et un enjeu primordial dans le secteur du bâtiment, quand on sait qu’il est consommateur de 20% des émissions de gaz à effet de serre en France. L’enjeu est alors de rénover au lieu de construire sans démesure. Pour certaines agences d’architecture, comme celle de Lacaton&Vassal, la notion de conservation du bâti existant est un enjeu majeur.
Graphique des émissions de gaz à effet de serre par secteur d’activité en 2013, Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie 66
L’enjeu principal d’un projet architectural commandé par le maître d’ouvrage, est de répondre le mieux possible aux besoins et aux attentes des citoyens, des usagers et de la ville. Pour définir une politique adaptée à cet enjeu, l’apport des atouts et des limites du site est indispensable. Afin de permettre la connaissance du site ou du logement, l’usager est alors l’acteur principal dans le processus de conception. L’engagement de l’usager dans un projet architectural est primordial afin d’avoir une meilleure connaissance de la qualité des lieux, du logement, des défaillances des espaces et les limites du projet. L’intégration de la participation de l’usager dès les premières phases de l’opération, a pour but de faciliter les analyses de site pour les maîtres d’œuvres mais également de répondre à une meilleure qualité d’usage dans le temps pour le logement. La participation montre alors que peu importe la position du citoyen, chacun peut s’engager à sa manière dans le projet.
• Les enjeux politiques et économiques La participation citoyenne est tout d’abord un élément lié à la politique, initiée par les élus, pour donner sens au terme : démocratie. L’objectif est tout d’abord de fédérer les habitants aux différents projets que peut mettre en place un futur maire dans sa commune afin de répondre aux besoins réels des citoyens, qui sont les premiers utilisateurs du projet ; puis par la suite, pouvoir construire le projet avec et pour les habitants. La participation, avant même le lancement d’un projet, favorise le dialogue entre citoyens, services et élus afin de faire savoir avant de savoir faire. C’est pour cela qu’on retrouve plusieurs documents fondateurs de la participation citoyenne sur le territoire. La ville d’Angers, par exemple, est une ville où la participation est grandement présente au sein de chaque projet, notamment avec une plate-forme dédiée : Ecrivons Angers. Cette plate-forme de participation citoyenne permet à chacun de participer aux projets de la ville, en donnant son avis et partageant des propositions. Ci-contre, quelques chiffres sur l’état actuel d’Ecrivons Angers. Elle a également choisi d’élaborer une « Charte angevine de la participation » afin de témoigner de la volonté municipale d’inscrire dans la culture administrative angevine un intérêt pour cette démarche. Dans cette charte y figurent les règles de participation, en étant précis sur les types de participation tels que : l’information, la consultation et la co-construction. Elle garantit également une transparence des débats des collectivités auprès des citoyens. L’objectif de la part des élus et services de la ville d’Angers, est de reconnaître l’expertise d’usage du citoyen pour pouvoir Chiffres de l’état actuel d’Ecrivons Angers, ainsi légitimer sa capacité d’action, tout en étant Ecrivons Angers transparent sur les actions qu’engage la collectivité. 67
La démarche de mettre en place des chartes et documents de références, afin que les citoyens puissent avoir une meilleure compréhension des enjeux et de leur rôle au cours du projet, est déjà une manière de l’intégrer. Cependant, comme expliqué précédemment, la participation citoyenne est souvent perçue comme une expertise du quotidien pour mieux appréhender les projets, le site et le quartier. Cette notion met le citoyen face à des questions de « petites politiques » servant simplement l’intérêt des politiques et du maître d’ouvrage, qui par la suite n’intégrera pas le citoyen aux décisions et processus de conception. L’enjeu principal qui se dresse aujourd’hui, du point de vue politique et économique, est alors de placer le citoyen face aux questions de « grandes politiques », c’est-à-dire à des questions plus générales, l’impliquant davantage dans un projet afin que la participation soit durable. L’articulation entre « petites » et « grandes politiques » peut souvent refleter des avis controversés. Néanmoins, les citoyens participants aux démarches témoignent, pour la plupart, déjà de l’importance de voir leur parole être légitimée et pouvoir être entendue sur divers sujets concernant leurs propres communes. L’enjeu est, d’une part rendre la participation comme une démarche habituelle dans tous projets quelle que soit l’échelle de participation, d’autre part, intégrer le citoyen à des projets de « grandes politiques ». Cependant, pour cela, elle doit émaner des deux parties : des politiques et des citoyens. En effet, si les enjeux politiques et économiques sont de mettre en place une participation de plus en plus active, les citoyens doivent être également de plus en plus actifs. Les acteurs politiques, font souvent état du même constat : ce sont toujours le même type de citoyens et associations qui participent à divers projets. A travers l’étude de la Ville d’Angers, on remarque l’écart socio-économique important au fait d’intégrer les jeunes au sein des démarches de participation. Tout d’abord, le fait que seulement certains types de citoyens participent au projet a une conséquence sur la dimension démocratique qui s’en trouve alors réduite, et impact fortement l’action publique. Ensuite, la démarche de participation présente l’avantage d’apporter une meilleure connaissance des besoins et attentes des citoyens. Cette notion permet alors une amélioration de l’action publique dans un projet. Il devient plus pertinent et accepté auprès des citoyens. Cependant, si ce sont toujours les mêmes participants, cela est peu représentatif et risque de favoriser des projets orientés vers les besoins de ceux qui ont participé.
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Afin de pallier cette problématique, que font part plusieurs communes, villes et même l’État, l’enjeu premier est de mettre en place une meilleure communication, propre à chaque collectivité. La communication des enjeux de la collectivité intégrant une participation se fait notamment par le déplacement, de l’élu ou l’acteur public concerné. Afin de pouvoir mieux observer et recueillir leurs besoins il doit se rendre sur des lieux où la population est concentrée et active. Le second enjeu passe par un travail ciblé sur les centres d’intérêt des citoyens pour une meilleure mobilisation. En effet, quand un citoyen se sent concerné par un projet, il prendra part plus facilement au travail de participation mise en place par la commune. • Les enjeux sociaux L’objectif, d’un point de vue social, est de libérer la parole d’autrui pour que tous puissent se faire entendre sur les sujets qu’ils affectionnent ou sur les sujets où ils sont en désaccord. Les décisions deviennent plus compliquées à prendre concernant les citoyens, si eux-mêmes ne peuvent pas s’exprimer librement. Ainsi, la mise en place de quelques outils lors des concertations aide à avoir le même langage aux réunions, à mieux diffuser l’information et à avoir une réelle animation sociale. Les citoyens ont tous le droit de donner leurs opinions, leurs avis, leurs remarques, sur un projet en cours. Dès lors que celui-ci va être livré, c’est les usagers, les habitants, les citoyens de la ville qui vont être le plus impactés par les décisions prises. Si les premiers touchés par les projets de la ville ne sont pas consultés, nous ne pouvons pas affirmer que nous sommes en démocratie. La participation est une démarche qui peut varier selon les objectifs et les enjeux des projets. Néanmoins, l’un des rôles important de la participation citoyenne vise à l’insertion sociale. Cela inclut la réinsertion des plus démunis, l’accessibilité pour des jeunes entreprises à des locaux d’activités et des actions, de la part de bénévoles, pour les personnes en situation de précarité. Pour répondre à l’enjeu social de la participation au vu de ces problématiques, la mixité sociale est une notion importante à aborder. L’exemple du projet principal constituant ce mémoire, la ZAC de Saint-Vincent-de-Paul, aborde ces problématiques durant la phase d’urbanisme transitoire. D’un côté, on retrouve l’hébergement d’urgence avec des financements via des subventions et une acceptation sociale faible. De l’autre, des acteurs qui bénéficient d’une acceptation sociale forte mais peu de financement. C’est ainsi qu’on forme une mixité sociale forte et permet de répondre aux enjeux du projet et de la société actuelle qui est en pleine ascension. Les chantiers participatifs sont des démarches qui vont au-delà du processus de participation citoyenne abordé dans ce mémoire, mais paticipe grandement à répondre aux enjeu sociaux. Ce sont des démarches plus avancées dans l’élaboration du processus de participation, dans la mise en place d’outils d’évaluations et font part de nombreux retours d’expériences. Différents chantiers existent aujourd’hui, on en retrouve trois types. Tout d’abord, les chantiers participatifs, qui ont pour but de faire travailler l’ensemble des personnes d’une ville ou commune, le plus souvent bénévolement, pour créer un lien social et du partage via l’implication sur un projet commun. Ensuite, il existe les chantiers de formation qui offrent à des personnes participant aux travaux d’avoir une qualification. Le but est de rendre une formation professionnelle à ces personnes, leur permettant par la suite de trouver un emploi. Pour finir, les chantiers d’insertion qui sont destinés, de par une structure d’insertion, à des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles 69
particulières et à remobiliser les jeunes en décrochages. L’objectif pour ce dernier est de leur trouver un emploi grâce aux connaissances qu’ils ont acquises lors de ce chantier et les aider à retrouver confiance et motivation. Ces chantiers, aussi appelés chantiers éducatifs, proposent aux jeunes de différents quartiers des opportunités concrètes de s’insérer positivement en participant à l’amélioration de leur cadre de vie. Les jeunes concernés, suivis par les éducateurs, sont souvent décrocheurs mais pas seulement au sens scolaire. On retrouve diverses formes de décrochage tel que : la rupture éducative, familiale ou sociale où ces jeunes sont suivis par la justice ou tombés dans des formes d’addictions ou de marginalité1. Plusieurs types de missions sont proposées à différentes échelles, comme ce qu’on retrouve dans l’échelle de participation de Sherry Arnstein. Les missions débutent par la distribution de tracts, à l’organisation des fêtes de quartier, puis a réaliser des fresques participatives mais également à la réalisation de travaux de petits et gros œuvres telles que les peintures d’un immeuble ou encore l’aide à la construction de petit ouvrage. A travers ces chantiers, les jeunes acquièrent des compétences qui en deviennent des bénéfices professionnels. En effet, grâce à ce travail qu’ils effectuent sur quelques semaines ils perçoivent un savoir-faire, une rigueur et une gestion de la relation à autrui essentielle, qui constitue de vraies compétences pour l’insertion sociale. C’est un outil de développement du lien social qui répond totalement aux enjeux actuels de la société. Ces objectifs de la part des acteurs publics d’un projet quel qu’il soit, suscite un grand intérêt de la part des citoyens, des habitants ou encore des usagers de chaque projet, faisant naître une entraide entre tous les acteurs au sein de la ville. Les réussites en participation citoyenne prennent diverses formes. La participation peut favoriser ou bloquer un changement dans les politiques ou les services et ce, faisant améliorer la qualité de vie des citoyens au quotidien tout en contribuant à façonner une vision commune de l’avenir. Ces résultats peuvent aussi être porteurs de changements sociaux à grande échelle et avoir des échos aux quatre coins du monde. C’est là tout l’enjeu de cette démarche : retrouver un lien social.
1 : Ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion, le portail officiel du fonds social européen en France, (2020) Remobiliser les jeunes avec les chantiers éducatifs [25/01/2022] http://www.fse.gouv.fr/fse-mag/remobiliser-les-jeunes-avec-les-chantiers-educatifs 70
• Les enjeux environnementaux Durant la Déclaration de Rio en 1992, les projets de développement durable abordés intègrent grandement la participation des citoyens. L’objectif est d’ouvrir au public le processus de décision qui conduit à une meilleure prise en compte de l’environnement. En effet, depuis les années 90 la société fait face à une avancée de ce processus de concertation concernant les projets avec de forts enjeux. Cela procure de nouvelles formes de gouvernance et ouvre à un grand nombre d’acteurs l’opportunité d’intervenir dans la conception et la mise en œuvre de solutions collectives. L’objectif était de faire du citoyen un acteur de son environnement, pour qu’il soit le plus durable possible. Les enjeux environnementaux actuels concernent principalement le réchauffement climatique, qui est en perpétuel ascendant. Cela est dû notamment aux problèmes rencontrés dans le secteur de l’agriculture, le secteur du bâtiment et celui des transports. Ces trois principaux secteurs sont la principale source d’émissions de gaz à effet de serre et donc l’augmentation du réchauffement climatique. Ainsi plusieurs mesures sont mises en place pour pallier à cela, avec des actions concernant la transition écologique. La concertation au sein d’opérations concernant l’habitat, contribue à faire émerger des projets de meilleure qualité, dans le sens où elle élargit la nature et le périmètre des questions traitées. Les questions abordées lors des concertations, mettent l’accent principalement sur le fait de réduire les émissions de gaz à effet, pour ainsi ne pas perdre un eco-système et une biodiversité importante et primordiale au fonctionnement de la vie. L’intégration du citoyen, au sein même de projets urbains et architecturaux, permet d’avoir une autre vision de leurs centres d’intérêt, de leurs attentes mais également de leurs connaissances du site souvent plus global et moins technique. Les citoyens et acteurs professionnels réunissent leurs idées et leurs besoins via des concertations, faisant émerger des actions et propositions pouvant être mises en place en faveur de l’environnement. Les premières idées proposées sont tout d’abord axées sur la création de biens communs extérieurs comme les jardins partagés, de potagers communs et la création du compostage. Ces espaces extérieurs contribuent à une agriculture plus saine et durable, s’agissant de la propre production et envie des usagers du bâtiment. Cela engendre une réduction de l’achat de fruits et légumes hors saisons, favorise une culture plus abordable et saine et évite les transports motorisés jusqu’à une enseigne de vente. Si cette démarche était mise en place dans chaque conception de projets de construction ou de réhabilitation, cela permettrait une réduction des coûts de transports, une amélioration de l’agriculture en ville et une biodiversité préservée. La démarche de jardins et potagers partagés est maintenant dans les mœurs et est devenue un élément primordial quand il s’agit de penser les espaces extérieurs communs. Les citoyens sont investis et participent à la création et la conservation en l’état de ces espaces grandement utiles aux usagers. Cependant, certains ne trouvent pas toujours l’intérêt de ces espaces ne les utilisant pas quotidiennement. Dans ce cas, il faut alors repenser le mode d’habiter et de participation en fonction de chaque individu. Tout d’abord, cela peut se traduire par la mise en place d’une sélection attentive de chaque futur habitant. Ensuite, on peut également leur proposer d’autres formes de participation au sein de l’élaboration du bâtiment. 71
Page de couverture 72 du magazine Time après la déclaration à Rio en 1992
Par ailleurs, d’autres propositions de la part des citoyens et des maîtrises d’œuvre permettent de répondre aux problématiques liées à la construction. Aujourd’hui, la question liée à la construction plus durable et écologique ou même la réhabilitation, est un point essentiel et non négligeable dans les projets. Les mentalités évoluent, prenant conscience qu’il est nécessaire d’agir et que nous sommes tous concernés. La participation favorise ainsi la volonté de réhabiliter plutôt que de construire mais également d’insérer davantage d’espace paysager au sein des opérations de logements. En effet, en formulant ces deux propositions et volontés, cela évite la destruction de notre environnement. A Paris, 90% du parc de logements a été construit avant la première réglementation thermique de 1974. Ces logements ne sont pas ou très mal isolés, ce qui en fait des passoires thermiques. La réhabilitation est donc un enjeu majeur, d’une part, par le fait de moins émettre de carbone qu’une construction en béton et d’autre part, cela évite la destruction du paysage et donc de la biodiversité, qui a un impact considérable sur nos modes de vie. La biodiversité c’est le tissu vivant de notre planète, l’ensemble des milieux naturels et des formes de vie et leurs interactions. Elle offre quotidiennement des biens qui sont indispensables à notre quotidien, l’oxygène que nous respirons grâce à la photosynthèse, notre nourriture, les médicaments ou encore de nombreuses matières premières qui permettent notamment de nous loger. Il s’agit des forêts qui séquestrent le carbone, la pollinisation qui constitue la création de fruit et légumes ou les milieux humides qui protègent l’intensité des risques naturels. En effet, « plus de 70% des cultures, soit 35% du tonnage ce que nous consommons, dépendent d’une pollinisation animale ».2
Les citoyens, ayant conscience de tous ces enjeux, façonnent leurs pensés pour agir réellement face aux problématiques abordées. Cela passe par une participation active et un engagement important lors des opérations. Seulement quelques enjeux sont développés ci-dessus, mais il en résulte davantage qui sont tous aussi important les uns que les autres. La participation favorise ainsi la réponse à ces problématiques en proposant des objectifs atteignables. Ils représentent une part essentielle lors de la mise en place d’opérations et des concertations aboutissant à des réponses, pour la plupart, positives. La participation a également une place importante dans cette notion de connaissances et respect des enjeux, qui amène alors une autre manière d’habiter et de vivre. Les usagers, grâce aux concertations, se forment à une perception différente de construire un projet, qui permet par la suite qu’ils agissent en connaissance de cause et favorisent le pouvoir d’agir au quotidien. Ces enjeux façonnent notre manière de vivre quotidiennement et notre façon de construire, rendant le bâtiment et nos gestes plus durables afin d’en faire ressortir tous les gains.
2 : Ministère de la transition écologique (2021), Biodiversité : présentation et enjeux [24/01/2022] https://www.ecologie.gouv.fr/biodiversite-presentation-et-informations-cles 73
B. Les gains liés aux retours d’expériences de cette pratique
La démarche de participation citoyenne est une problématique assez complexe à évaluer tant les gains sont variés dès lors qu’on parle d’usages et d’usagers. Il existe plusieurs méthodes d’évaluation quand il s’agit de mesurer la qualité d’usage d’un espace et des consommations énergétiques. Cela est quantitatif et ce mesure par divers procédés techniques. Ainsi, plusieurs problématiques sont soulevées concernant la participation. Tout d’abord, la participation est de nature qualitative et non quantitative ; ensuite, cela prend du temps à évaluer pour les différents acteurs au regard du temps imparti aux projets ; puis pour terminer, les actions participatives mises en place, au sein de projets de logement, n’ont pas assez de recul pour avoir un retour d’expérience de chaque acteur du projet. Ces trois principales problématiques, concernant la démarche de participation, doivent alors évoluer pour faire apparaître des retours d’expériences concrets et significatifs. Néanmoins, malgré les difficultés d’analyses et le manque de retour d’expérience, la participation citoyenne favorise les gains liés à de multiples actions. Les gains notables sont par la réalisation d’usages acquis par les citoyens au cours de ce processus, le développement de pratiques écologiques grâce à la sensibilisation de la part des acteurs et des méthodes mises en place, ainsi que la valorisation des biens et du projet.
• La réalisation d’usages acquis La participation contribue à ce que les citoyens acquièrent des usages et de nouvelles manières de penser les espaces. Cela s’effectue par la mise en place d’outils au début de la mise en place de cette démarche jusqu’à la livraison de l’opération puis une fois le projet habité par les habitants. Grâce à la participation, les futurs habitants d’une opération de logement se sentent plus légitimes et ont un sentiment d’appartenance vis-à-vis de l’ensemble bâti. Dès lors l’usager impliqué dans le projet, les premières phases vont être tout d’abord, la rencontre entre tous les acteurs. Les divers citoyens ont décidé de s’engager afin de libérer la parole de tous et par la suite s’impliquer davantage pour la réalisation d’ouvrage pour la ville. La première rencontre est alors décisive, parce qu’il s’agit de rencontrer les acteurs et décideurs du projet avant de rentrer en phase de conception. Ainsi, les citoyens apprennent à se connaître, apprennent les enjeux du projet développé par les décideurs et les aménageurs. Les ateliers de rencontre se suivent, où chaque citoyen décide s’ils désirent rester, en vus de ce que présentent les acteurs professionnels. Chaque projet intégrant une participation est différent. Pour certains projets, l’objectif des premières rencontres est de mettre en place la présentation de l’opération auprès des citoyens. La plupart viennent par curiosité afin de mieux connaître les enjeux et le projet qui va potentiellement être développé. Tandis que l’objectif d’autres projets plus avancés est d’intégrer directement l’usager par la mise en place d’une sélection de citoyens qui veulent prendre part à l’opération. Cette démarche est alors de confectionner un formulaire de participation par les décideurs publics puis d’opérer à une sélection en vue des motivations des citoyens. Ensuite quelques citoyens sont tirés au sort afin de prendre part à l’opération qui va être développée. Dans ce cas, les premières rencontres sont plus rapidement concentrées sur les phases d’élaboration et d’organisation du projet avec les citoyens, leur expliquer le déroulement de l’ensemble du projet, au fur et à mesure de l’avancement. 74
A travers l’acquisition de pratiques que va avoir le citoyen, il y a l’incitation à des comportements plus sobres, performants et vertueux. Ils acquièrent une certaine autonomie par rapport aux projets auto gérés mis en place. Par exemple, l’installation d’un potager commun permet à tous les usagers de s’en servir mais également le devoir de le gérer. Si les habitants sont sensibilisés à être autonome, la gestion de toutes installations mises en place sera un devoir mais surtout un plaisir, car cela sera devenu un automatisme pour eux et non une contrainte. Ainsi, leurs visions changent grâce à l’acquisition de certaines valeurs et de connaissances de la gestion d’un projet. Les usagers sont alors davantage responsables des biens communs construits pour et par eux. Cela favorise la durabilité du projet ainsi que les formes participatives dans le temps.
• Le développement de pratiques écologiques La participation citoyenne au sein d’opérations de logements amène des changements concrets sur l’ensemble du projet. Elle contribue au développement de pratiques plus écologique concernant la fabrication du bâtiment, notamment par l’utilisation de matériaux biosourcés qui amène des consommations énergétiques plus durable. L’insertion de chantiers participatifs sensibilise les citoyens aux enjeux et donc engendre des coûts maîtrisés sur l’ensemble bâti. L’intégration des usagers à la conception du projet contribue à une meilleure efficacité et durabilité du bâtiment, dû aux connaissances que le citoyen a de son quartier ou de sa ville et son expérience personnelle. L’usager permet alors aux acteurs professionnels, dont le bailleur, le maître d’ouvrage ainsi que la maîtrise d’œuvre, à effectuer des choix de construction adaptés à la réalité et aux enjeux. Ces choix de construction s’effectuent par l’apport d’études et d’analyses de la part du cabinet d’études et également renforcées par l’usager. Ensuite, différentes manières de concevoir le bâtiment sont envisagées afin d’arriver à de bonnes performances énergétiques et respecter certains enjeux. Notamment par l’utilisation de matériaux de construction ou d’isolation écologiques, l’installation de nouvelles énergies pour une consommation en eau et en énergie maîtrisée, ou encore par la création de trame paysagère afin de conserver la biodiversité.
Le développement de matériaux écologiques, que ce soit dans les matériaux de construction ou encore les matériaux d’isolation, se font de plus en plus importants en vue des enjeux environnementaux. Les isolants biosourcés, par exemple, sont issus de divers types : des végétaux, du recyclage ou encore des animaux. Ces divers types de matériaux d’isolation biosourcés présentent deux principaux avantages. Premièrement, leurs performances thermiques notamment concernant le déphasage, qui leur procurent une meilleure durabilité dans le temps et un meilleur confort d’été. Deuxièmement, leurs émissions de gaz à effet de serre qui est faible voir négative pour certains, grâce au stockage de carbone qu’ont pu effectuer ces matériaux 75
Les isolants issus des végétaux la paille
la chenevotte
issue
le liège expansé
issu
issue du blé
du chanvre
Les isolants issus du recyclage la ouate de cellulose
la laine de coton recyclée
issue
issue du carton
Les isolants issus des animaux la laine de mouton
issue des moutons 76
des vêtements
du chêne-liège
durant leur croissance. Tandis que les isolants synthétiques, tels que les laines minérales : laine de verre, laine de roche ou encore le polystyrène expansé, ont quelques désavantages. Premièrement, ils émettent plus de carbone à cause de leur transformation importante lors de leur fabrication et ne sont pas recyclables. Deuxièmement, ils présentent également de très bonnes performances thermiques mais de moins bonne concernant le confort d’été. Malgré les divers avantages concernant les isolants biosourcés, c’est un coût économique plus élevé que pour des isolants synthétiques qui sont déjà présents sur le marché depuis plusieurs années. En utilisant des isolants biosourcés, des matériaux de réemploi ou des matériaux de construction plus écologiques, les consommations énergétiques du bâtiment sont maîtrisées et diminuées. En effet, si le bâtiment fait preuve d’une isolation de ce type de matériaux cela diminue donc les coûts de chauffage en hiver et l’installation d’une climatisation en été. Par ailleurs, les citoyens en intégrant le projet, font également face à ces questions qu’abordent les acteurs professionnels au sein des réunions. Ce concept de la part des décideurs est de sensibiliser l’usager sur le sujet, lui faire comprendre les objectifs sur cette manière de construire et ainsi pouvoir adopter les bons comportements s’ils étaient amenés à rénover.
• La valorisation des biens et du projet Les gains engendrés par la participation citoyenne sont également perçus par une valorisation des biens mais aussi du projet. L’intégration des citoyens donne une valeur au projet par tous les outils qui ont été mis en place. Les projets qui ont intégré les habitants et citoyens, font part d’une plus grande cohérence avec les enjeux actuels et entre le bâtiment, l’urbain et la ville. Cette démarche contribue à une amélioration de l’acceptation collective, de la qualité de vie des habitants et de la valeur patrimoniale du bien immobilier. La participation des citoyens au sein d’un projet attire les médias, les associations, les collectifs ou encore les aménageurs, surtout quand celui-ci est une réussite à tous les points de vue. La communication fait partie des objectifs majeurs d’un projet de participation. Elle permet de donner à voir l’utilisation de pratique dans la commune, le pays et même à travers le monde et incite alors des aménageurs et décideurs à intégrer la participation dans leur propre projet. La communication favorise l’augmentation de la portée du projet grâce aux multiples acteurs présents au sein de l’opération qui divulgue l’information sur leur site ou à travers des affiches, mais également grâce au bouche-à-oreille qui s’amplifie. En effet, quand les citoyens sont conviés dans une opération, quelle qu’elle soit, cela amène les habitants à discuter entre eux, faire passer l’information sur les pratiques exercées, les débouchés et les réussites. La communication à travers un projet de participation, valorise la démarche et le projet en lui-même puis permet à d’autres acteurs d’adopter les mêmes méthodes de travail, conception, co-construction et de reproduire ce schéma. La valorisation du projet afin qu’il ait une valeur patrimoniale plus importante s’effectue par le fait que les usagers sont tout autant acteurs du projet que les aménageurs, architectes ou décideurs. Sur une opération de logement, les citoyens pensent les biens communs, l’ensemble du bâti et ont une réflexion sur la trame 77
paysagère, ce qui améliorent leur cadre de vie futur. Les espaces sont pensés différemment grâce à la participation des citoyens, qui émettent leurs besoins et leurs propositions pour adapter le logement selon les modes de vie de chacun. Le logement final alors créé, comprend les idées et propositions de chaque futur habitant. Tous ces systèmes pensés et conçus par tous les acteurs du projet, permettent l’augmentation de la qualité de vie des habitants et une meilleure qualité d’usage à court, moyen et long terme.
La participation citoyenne permet à tous les acteurs de bénéficier de gains multiples. Cette pratique favorise : l’apprentissage de notions pour tous les acteurs, autant aux acteurs professionnels qu’aux habitants; l’apprentissage de pratiques écologiques, une notion fondamentale de nos jours et un lien social entre tous les citoyens de la ville, une notion essentielle. Quel que soit le projet, la participation émane d’un intérêt qui doit être amené à grandir au niveau régional, national et même international afin de pallier à tous les enjeux que notre société connaît aujourd’hui. Cette pratique est connue et reconnue à travers divers pays, cependant elle peine à être suffisamment mise en place dans chaque projet où le citoyen est concerné. Quelles sont alors les limites de la participation ? De quelle manière peut-on davantage investir cette pratique pour que les citoyens développent de nouvelles façons d’habiter et de vivre en phase avec les enjeux de notre époque et celle à venir ?
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C. Le devenir de la participation citoyenne Les projets urbains et architecturaux évoluent au fil des années et en cohérence avec les enjeux de leur époque et la demande des citoyens. Par ailleurs, la participation a également ses limites par rapport à l’implication que peuvent avoir les usagers ou futurs habitants dans la construction ou aménagement de leur propre logement. En effet, malgré l’implication de certains habitants et citoyens de la ville, les acteurs utilisent à mauvais escient cette pratique qui aboutit à des projets architecturaux non exemplaires de la démarche. Les projets ainsi livrés ne correspondent pas aux attentes réelles de tous les citoyens et fonctionnent mal dans leurs usages. La participation doit donc intégrer l’usager au début de la conception, pour une meilleure compréhension de ses attentes et de ses besoins et ainsi récolter leurs idées et propositions. C’est une démarche qui prend du sens dès lors que l’acteur comprend qu’on ne peut dissocier usagers d’usages. Les deux termes sont étroitement liés par cette notion de participation et amènent à la conception d’un bâtiment qui remplit toutes les notions, les enjeux primordiaux et fait ainsi part d’une qualité d’usage remarquable.
• Les limites de projet participatif
La participation citoyenne, avec ces nombreux avantages et gains, perçoit certaines limites. D’une part, la limite peut se trouver dans le cas où les acteurs publics ne sont pas véritablement impliqués dans un projet et ne font pas le nécessaire pour affirmer cette pratique. En cause, si cela se produit, le public ne sera donc pas assez informé, compris et sensibilisé et le projet mis en place ne sera pas suffisamment soutenu par les citoyens ce qui générera une précarité économique. En effet, si les citoyens n’ont pas été sensibilisés et si le projet présente une absence de transmission, cela génère de l’ignorance auprès des citoyens qui ne s’engagent donc pas dans le projet. Il doit également avoir un intérêt particulier pour cette démarche de la part des acteurs publics, tel que le maire de la commune ou de l’aménageur, afin d’inciter les citoyens à participer. Cependant, malgré un engagement parfois total de la part des acteurs publics, le citoyen peut aussi faire part de non-participation. Cette problématique est souvent retranscrite, de la part d’autres habitants de l’opération, lors de la livraison de projet de logement participatif. Dans une opération de logements intégrant les usagers, les habitants sont choisis en amont de la livraison du bâtiment. Ceux qui ont été choisi afin de participer à l’élaboration du projet puis habiter l’opération, font part d’un intérêt important pour le concept proposé. Pourtant, une fois le projet terminé et habité, certains ne participent pas à l’entretien du bâtiment ou de projet auto-gérés. Ceci pose donc un réel problème pour la rentabilité et la durabilité du projet mais requestionne également la démarche de participation au préalable mise en place par les acteurs publics et aménageurs. Afin de ne pas parvenir à ceci, il faudrait que les décideurs publics investissent un travail engagé sur le choix des habitants. Cela pourrait passer par la mise en place d’un questionnaire où chaque habitant indiquerait son engagement de participation par rapport à une grille, comme l’échelle de Sherry Arnstein. Ainsi, les maîtres d’oeuvre pourront donc concevoir un projet de logements adaptés, en fonction de l’envie de participer de chaque habitant.
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D’autre part, les projets de logements participatifs institutionnels diffèrent des projets de logements participatifs privés sur certains points. Les projets privés, tel que la démarche d’habitat participatif, partent de l’initiative des habitants de créer, rénover ou construire leurs propres logements. Le retour d’expérience de ces projets se font donc par les habitants eux-mêmes, avec l’élaboration d’outils d’évaluation propre au projet. Tandis que, les projets de logements participatifs institutionnels, malgré leurs nombreux avantages, retranscrivent rarement leurs retours d’expériences. En effet, les acteurs publics ne prennent pas le temps d’élaborer des outils d’évaluation. Néanmoins, cette démarche fait tout autant partie de ce processus et est sans doute le plus important afin de rendre compte des gains et des limites de cette démarche pour permettre de reproduire ce type de conception. Il faudrait donc mettre en oeuvre, dès le début de l’intégration des habitants dans l’opération, divers outils d’évaluation de la démarche telle que des questionnaires, des grilles d’évaluation sur les problèmes rencontrés ou les gains acquis personnellement. Cette méthode permettrait à tous de pouvoir bénéficier du retour d’expérience de la démarche et ainsi pallier aux problèmes rencontrés pour arriver à une pratique satisfaisante et durable.
• L’évolution de projet participatif La participation citoyenne au sein des projets de logements se développe de plus en plus auprès de plusieurs citoyens, mais également auprès des promoteurs et bailleurs. La crise sanitaire a développé le vivre ensemble, la volonté de la part de tous citoyens de renouer avec ses voisins, l’envie d’habiter un chez-soi qui ressemble à notre façon de vivre et notre époque, un besoin d’avoir des espaces durables et mobiles. Les façons de penser un projet architectural ou urbain, ne sont aujourd’hui plus les mêmes pour les architectes ou urbanistes. Le besoin est de créer des espaces communs, des services mis à disposition, créer des usages en faveur des usagers. Les constructions actuelles sont alors orientées vers de nouveaux usages à la fois complexes dans l’élaboration mais simples dans la pratique.
« c’est au logement de s’adapter à l’individu, pas l’inverse »3 L’agence 2PMA, situé à Bordeaux et à Rennes, est une agence d’architecture et d’urbanisme. Les architectes associés de l’agence sont Mathieu Bergeret et Paul Rolland également Président du journal 308, Maison de l’architecture en Nouvelle Aquitaine. L’agence se créée en 2008, juste avant la crise économique mondiale, et c’est dans ce contexte que l’agence a appris à penser différemment. Pour créer, imaginer, construire ou rénover, l’agence s’appuie sur les rencontres et donc change ses méthodes de concevoir la rendant plus collective et solidaire. Ils interviennent la plupart du temps dans un contexte déjà habité, quel qu’il soit, et se focalisent sur les usages qui permettent une meilleure compréhension des lieux et des enjeux. Ce concept permet alors de concevoir des projets en phase avec les habitants et leur façon d’habiter les lieux. « L’architecture devient une construction physique d’un droit à l’usage qui doit être universel et un support à potentiels ».4 3 : Bruno Parasote 4 : Agence d’architecture et urbanisme 2PM A, Infos [31/01/2022] https://www.2pma.com/agence-darchitecture-et-durbanisme-a-bordeaux/ 80
L’agence est récente et pourtant les projets sont en perpétuelles évolutions, notamment dans leur manière de construction. Tous les projets sont différents et amènent à des dispositifs uniques en matière d’usage.
Croquis de l’opération de logements, l’agence 2PMA
L’agence est extrêmement attachée au processus collectif d’usages comme biens communs. Ces méthodes de travail forment des projets évolutifs et appropriables. A Montgermont, en Bretagne, l’agence 2PMA est en charge de la construction de 16 logements participatifs dans un cadre entre le rural et le péri-urbain. Elle construit alors deux bâtiments identiques séparés par une bande d’accès et des jardins en rez-de-chaussée. Le projet s’impose par son ambition de développer des logements similaires de par la façade extérieure mais unique par l’organisation interne de l’habitat. Le principe était de concevoir une forme de bâti architecturalement « simple » et accessible. Toutefois, le projet reste en lien avec les objectifs environnementaux actuels comme l’emploi de matériaux durable et écologique, mais également en lien avec le terrain existant. La forme architecturale extérieure de chaque appartement ne diffère pas, alors que le programme de chaque appartement lui est multiple selon Croquis de l’opération de logements, l’agence 2PMA les envies de chaque futur habitant.
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Le but était de proposer diverses formes d’organisation interne propres à l’envie et la façon d’habiter de chaque usager. L’agence a effectué plusieurs réunions avec chaque habitant pour comprendre leur besoin et manière de vivre et ainsi concevoir leur logement. Les logements sont similaires en terme de surface, pourtant l’organisation interne varie. Seule la position des pièces humides et des gaines sont semblables et positionnées de la même façon, ce qui permet alors une grande liberté dans la distribution du plan. Cette manière de concevoir et élaborer un projet de logement se retrouve dans beaucoup d’agence. C’est une évolution en tant qu’architecte dans le domaine de la conception de logements afin de lier usages et usagers.
Plans dessinés par l’agence 2PMA
Maquette de l’opération de logements, agence 2PMA
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L’agence Lemérou Architecture prône également cette démarche à travers ces projets architecturaux et d’urbanisme. Le Jardin Suspendu est un projet de vingt logements participatif en accession sociale à la propriété réalisé sur un parking-silo. La maîtrise d’ouvrage est assurée par le Comité Ouvrier du Logement (COL), un opérateur engagé qui souhaite mieux répondre aux besoins du territoire et développer des logements pour tous. « Pour nous, la complexité du participatif est que chacun arrive avec sa propre surface selon son budget, résume l’architecte Lætitia Mérimée. On s’est donc questionné ici sur la cohérence du bâtiment. Notre réponse : deux grandes halles, un plan libre à découper selon les besoins, et des appartements travaillés en volumes capables pour permettre ensuite à chacun de les aménager comme il le souhaite. »5
La jardin suspendu, projet de logements, par l’agence Lemérou Architecture
Pour mener à bien ce projet de logements participatif, l’agence d’architecture et le maître d’ouvrage ont donc mis en place des réunions pédagogiques afin d’affiner au mieux le programme. L’objectif est de donner une meilleure visibilité aux futurs habitants lors de ces réunions et réussir à avoir un langage similaire. C’est en ce sens que l’équipe d’acteurs a proposé d’incorporer des plans, pas trop techniques, et surtout des maquettes à une échelle suffisamment grande. Cela permet donc de construire le programme en globalité et concevoir l’intérieur de chaque logement. Cependant, les acteurs du projet se retrouvent dans une situation complexe : le rapport au temps. Le COL et le maître d’œuvre doivent faire en sorte de respecter les délais, d’une part le budget admis pour ce projet et d’autre part le temps pour tenir les délais de livraison. L’intégration des usagers présente, en effet, quelques inconvénients si le projet n’est pas suffisamment accompagné et informé sur la démarche. 5 : PATILLON J., 308+ (2021), Habitat participatif : quand l’union fait la force, n°53 [31/01/2022] https://le308.com/habitat-participatif-quand-l-union-fait-la-forme 83
Le Jardin Suspendu intègre la démarche similaire au projet de l’éco-quartier Saint-Vincent-de-Paul : le Bail Réel Solidaire. Celui-ci dissocie le foncier du bâti, ce qui rend les logements plus accessible à certains usagers qui n’ont pas les moyens financiers d’acquérir un logement. Dans ce cas, ils sont seulement propriétaires des murs et non du sol. Les usagers souhaitant quitter leur logement, peuvent le revendre mais seulement à des futurs habitants sous le plafond de l’accession sociale, ce qui rend ce projet durablement accessible. « C’est un bon compromis entre sauver la planète et loger des gens dans de bonnes conditions »6.
6 : PATILLON J., 308+ (2021), Habitat participatif : quand l’union fait la force, n°53 [31/01/2022] https://le308.com/habitat-participatif-quand-l-union-fait-la-forme
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CONCLUSION
La participation citoyenne au sein des projets de logements offre l’opportunité aux habitants comme à ses commanditaires de construire de nombreuses perspectives de développement pour les territoires et la société à court, moyen et long terme. Elle se répand à travers les siècles et également à travers le monde. En France, la participation des citoyens envers un projet s’est développée grâce à divers mouvements dans les années 70. Néanmoins, les autres pays ont aussi fait part de ce développement. A Zurich, en Suisse, le développement de cette pratique est un objectif majeur pour la société et s’applique dans tous projets de logements. Le projet de l’architecte Andreas Hofer et du philosophe P.M en est la preuve, avec la création de la coopérative d’habitation Kraftwerk1. Cette opération de logement a marqué son époque et révolutionne les modes d’habiter d’aujourd’hui. Ce qui était, au début, une utopie devient aujourd’hui un projet envié de tous.
Lors de la participation à un projet de logements, les citoyens apportent principalement quatre réponses à la démarche. La première réponse est la notion d’habiter le lieu. Les démarches mises en place sur le fond et sur la forme ordonnent l’habitat et le cadre de vie. La deuxième réponse s’axe principalement sur l’apprentissage des pratiques de la construction aux citoyens et profite également aux acteurs professionnels. Cela permet à tous les acteurs de décrypter les enjeux de la société afin de formuler un projet durable. La troisième réponse est celle de créer. Créer le beau, créer l’initiative, la production d’idées et d’actions afin que l’engagement de chacun soit reconnu, admiré et retransmis. La dernière réponse, essentiel à la démarche, est la notion de gouvernance. L’objectif premier de la participation citoyenne au sein d’opérations de logements est de favoriser l’entente et la mise en capacité d’un collectif à gouverner l’ensemble bâti, pour que celui-ci puisse s’auto-géré par la suite.
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Cependant, la participation a quelques limites quand il s’agit d’une construction de logements institutionnels. A travers mes recherches, on constate que lors d’une construction ou d’une rénovation de logements avec pour maître d’ouvrage un aménageur public, les retours d’expériences et les outils d’évaluation de la participation restent faibles voir inexistants ou encore très peu renseignés. Tandis que pour la construction de logements privés, cela n’est pas le cas. La rénovation ou construction de logements privés dans un cadre participatif, tel que l’exemple du Buisson Saint-Louis à Paris documente tous les outils d’évaluation au cours du processus de conception. Tous les ensembles bâtis privés, qui font part d’une participation au cours du processus de conception, retranscrivent les outils d’évaluation. Cette démarche permet alors un retour d’expérience qui favorise la poursuite de cette pratique dans le but d’aider les prochaines opérations. On peut alors se demander pourquoi, seulement dans le processus de conception de la construction public, les outils d’évaluation de participation ne sont pas ou peu retranscris et communiqués ? Par quel moyen et outils peut-on inclure ces modes d’évaluations au sein des projets de construction ?
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BIBLIOGRAPHIE
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Projet Saint-Vincent-de-Paul (2019), Premier projet d’habitat social collaboratif à Paris [16/01/2022] https://www.paris.fr/pages/participez-au-premier-projet-d-habitat-social-collaboratif-a-paris-6612/
Projet Saint-Vincent-de-Paul (2020), Ville collaborative [14/01/2022] https://www.blog-saintvincentdepaul-leprojet.fr/page/46/ville-collaborative SIROT L. (2020), Les Echos, Les logements post-coronavirus en quatre questions, [31/01/2022] https://www.lesechos.fr/industrie-services/immobilier-btp/coliving-habitat-partage-habitat-participatif-leslogements-post-coronavirus-en-quatre-questions-1234607
DOCUMENTS PDF BODART O. et LUNEAU A., (2020), Démocratie participative, enjeux et perspectives, 14p. [PDF] https://www.participation-citoyenne.eu/sites/default/files/publications/files/nda-2020-democratie_ participative_-_enjeux_et_perspectives.pdf LIVRE BLANC de l’Assistance à Maîtrise d’Usage (2020), Remettre l’humain au coeur du cadre de vie bâti, 34p. [PDF] FDVP (2021), Flyer de lancement, [PDF] P&Ma (2020), Communiqué sur îlot Chaufferie et Petit, 5p. [PDF] Mairie de Paris (2016), Dossier de création de la ZAC Saint-Vincent-de-Paul, rapport de présentation, 21p. [PDF]
VIDEOS P&Ma (2021), Visio-conférence du 8/03/21 sur le bâtiment Lelong, projet Saint-Vincent-de-Paul, Paris 14e, [10/01/2022] https://www.youtube.com/watch?v=5Lcj4yocVGs
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ANNEXES Lexique des Acronymes
ZAC : Zone d’Aménagement Concerté
CAUE : Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement
GAM : Groupe d’Action Municipale RIVP : Régie Immobilière de la Ville de Paris APU : Atelier Populaire d’Urbanisme FDVP : Foncière De la Ville de Paris APF : Association Populaire Familiale OFS : Organisme de Foncier Solidaire AT : Aide Technique GIP : Groupement d’Intérêt Public CUH : Conception et Usage de l’Habitat SCoT : Schéma de Cohérence Territoriale CSTB : Centre Scientifique et Technique du Bâtiment PLU : Plan Locale d’Urbanisme AMU : Assistance à Maîtrise d’Usage COL : Comité Ouvrier du Logement AMO : Assistance à Maîtrise d’Ouvrage MOE : Maîtrise d’Oeuvre MOA : Maîtrise d’Ouvrage CESE : Conseil Environnemental
Economique,
Social
et
AP-HP : Association Publique-Hôpitauc de Paris P&Ma : Paris Métropole Aménagement OAP : Orientation Programmation
d’Aménagement
et
STAP : Service Territorial d’Architecture de Paris
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de
ANNEXES Documents complémentaires II. De l’hopital aux Grands Voisins vers la ZAC Saint-Vincent-de-Paul C. Confronter le sens du lieu La nouvelle démarche d’habitat participatif
LE PREMIER PROJET D’HABITAT SOCIAL COLLABORATIF À PARIS ! APPEL À CANDIDATURES : PARTICIPEZ ET IMAGINEZ VOTRE FUTUR LOGEMENT ET NOUVEAU QUARTIER.
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UN FUTUR ÉCO-QUARTIER MIXTE ET ACCUEILLANT La Ville de Paris a engagé la reconversion de l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul libéré de ses activités hospitalières depuis 2012. Résidentiel et mixte, le futur quartier réunira habitat, équipements publics et privés, commerces et activités économiques. Ce projet vise à la fois une réduction maximale de l’empreinte carbone et le développement de l’économie circulaire depuis la conception du projet, jusqu’à sa réalisation et tout au long de la vie du quartier.
HABITAT SOCIAL COLLABORATIF, UNE PREMIÈRE À PARIS Dans le cadre de cette opération, la Ville de Paris, la mairie du 14e arrondissement, l’aménageur P&MA ainsi que les deux bailleurs, RIVP et Paris Habitat, souhaitent mobiliser les futurs utilisateurs dans l’élaboration de leur futur habitat. Sur deux nouveaux îlots, l’îlot Petit de 12 000m2 et l’îlot Chaufferie de 10 700m2, un programme d’habitat social collaboratif est lancé. Accompagnés par des professionnels de l’immobilier et les deux bailleurs, des futures locataires préalablement sélectionnés réfléchiront ensemble à leur projet immobilier. Au-delà de leur futur logement, ils seront aussis amenés à imaginer aux côtés des architectes, les espaces communs (cours, locaux vélos, poussettes…), des nouveaux services (bricothèque, laverie...), ou encore les modes de gestion partagée des résidences.
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42 000 m2
de logements : 50 % sociaux, 20 % intermédiaires, 30 % libres
4 000 m2
consacrés à un espace culturel et créatif
5 390 m2
d’équipements publics : crèche, école et gymnase
7 480 m2
d’activités et commerces
OÙ ?
Ce projet d’habitat social collaboratif est
de co-construction qui se tiendront régulièrement (réunions mensuelles). · Être disponible tout au long du programme d’aménagement, à savoir environ 4 ans. · Être motivé et enthousiaste à l’idée de fabriquer la ville de demain ! Une commission de sélection composée d’élus de la Ville de Paris, des réprésentants des bailleurs et d’associations, se réunira au cours du mois de mai afin de constituer le panel représentatif des futurs habitants de ces résidences. Ces derniers devront alors signer une charte d’engagement.
ouvert à tous les demandeurs de logement social. Un panel de 40 personnes, futurs locataires, sera constitué pour participer à ce projet.
POURQUOI PARTICIPER ?
Ce projet d’habitat collaboratif est réalisé sur l’ancien site de l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul, dans un quartier dynamique et animé du 14e arrondissement de Paris, à proximité de la Fondation Cartier, de la place Denfert-Rochereau et à quelques minutes à pied de Montparnasse.
POUR QUI ?
COMMENT PARTICIPER ? Pour prendre part à cette belle aventure, plusieurs conditions sont requises : · Respecter les critères d’attribution d’un logement social. · Participer activement aux ateliers
· Parce que c’est une aventure qui aboutira à la création d’un nouveau quartier au cœur de Paris. · Parce que c’est le premier projet d’habitat social collaboratif à Paris. · Parce que chaque participant, sous réserve que sa demande de logement social soit toujours éligible, verra sa demande aboutir lors de la livraison des résidences.
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LE CALENDRIER JOURNÉES PORTES OUVERTES Samedi 30 mars de 10 h à 13 h Mardi 16 avril de 18 h à 22 h Mercredi 17 avril de 12 h à 14 h 82, avenue Denfert-Rochereau, Paris 75014 Métro : Denfert-Rochereau
PORT-ROYAL
RASPAIL
DENFERT-ROCHEREAU
Mai 2019 Commission de sélection du panel des locataires
Juin 2019
COMMENT S’INSCRIRE ? Du 30 mars au 23 avril 2019 Les inscriptions se font uniquement en ligne sur www.paris.fr
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mars 2019 - © YesWeCamp, © Catherine Griss
Réunion de lancement organisée à la maire du 14e arrondissement
II. De l’hopital aux Grands Voisins vers la ZAC Saint-Vincent-de-Paul C. Confronter le sens du lieu La nouvelle démarche d’accession social, foncier pour le logement
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Direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement IDF-2020-02-11-005 Arrêté portant agrément du groupement d'intérêt public " Foncière de la ville de Paris" en tant qu'organisme de foncier solidaire
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Mémoire d’architecture Ecole Nationale Supérieure d’Architecture Paris Val de Seine 2022
Noémie Poupard