L'ÉDITO DE CÉCILE Juin 2020
Noire n'a jamais été aussi obscur qu'en ce mois de juin 2020. Vous vous dîtes peut-être que c'est à cause de la suite d'événements désastreux qui nous frappe depuis le début de l'année. Que nenni ! Nous avons décidé de répondre à vos doléances : voici enfin le dossier gothique tant attendu ! Vous aviez raison, il y a tant de pistes intéressantes à creuser pour ce sujet. Le gothique, avant tout un genre littéraire, s'invite dans toutes les sphères de l'art et son esthétique sombre ne laisse pas indifférent. Sa silhouette obscure se glissera donc dans nos pages pour ce numéro. On fera aussi un saut dans le temps pour découvrir la cuisine de nos ancêtres du Moyen Âge, grâce à une petite brochette de passionnés qui proposent leurs petits plats sur le site Recette Médiévale. Vous découvrirez par la même occasion que cette période n'est pas aussi sombre qu'on a pu le décrire dans nos livres d'Histoire. Puis, notre nouvelle recrue, Corail, explorera un phénomène assez effrayant pour ceux qui ont pu l'expérimenter : la paralysie du sommeil. Entre science et ésotérisme, entre sommeil et éveil, ce mystère de la nuit est fascinant. Par ailleurs, Dolorès a posé quelques questions au groupe Lisieux. Fans de dark folk, cette interview est pour vous ! Ne broyez donc pas du noir avec Noire, puisqu'on peut encore trouver de la lumière dans les ténèbres en apprenant où regarder !
SOMMAIRE Silhouettes Gothiques
DOSSIER "Gothique": de l'histoire et du sens • page 4 Escapade au sein du romantisme gothique • page 14 Dracula • page 23 Gothique et BDSM • page 32
CULTURE Entretien avec Lisieux † • page 42 Game Pass Xbox Live • page 47
HISTOIRE Interview de Recette Médiévale • page 5 Les recettes médiévales • page 6 La paralysie du sommeil • page 65 Kitten's Bones • page 75
COUVERTURE : LAURA SHERIDAN Laura Sheridan est la photographe belge qui a réalisé cette couverture guerrière. Son travail de la couleur souligne la beauté de tous ses modèles dans une ambiance surannée. Laura capture l'émotion et les tenues comme personne et nous sommes fières d'avoir pu obtenir ce cliché de femme à l'épée !
DOSSIER
« GOTHIQUE » De l'histoire et du sens Dolorès
Lorsqu'on utilise le terme gothique, qu'on soit libraire, amateur d'une salle de concerts rock, historien ou historien de l'art, la signification peut parfois être tout à fait différente. Dans de nombreuses langues, certains termes ont différentes manières d'être utilisés, mais il est rare qu'un terme brasse aussi large et concerne des mouvements artistiques et des univers aussi différents. Mais sont-ils si différents ? Quelle est l'histoire de ce mot ? Que signifiait-il à l'origine, qu'a-t-il désigné au Moyen Âge, puis dans les siècles qui ont suivi jusqu'à il y a seulement quarante ans ? « Goth » et « gothique » peuvent évoquer un peuple dit « barbare » des premiers siècles de notre ère, une architecture médiévale élégante, un type de littérature formidable des XVIIIe et XIXe siècles notamment, ou encore un mouvement musical inédit ayant ensuite gagné les arts, la mode ainsi que d'autres sphères à la fin du XXe siècle. Il est temps de décortiquer ces diverses périodes et de comprendre le sens de ce terme, ou plutôt les différents sens qu'on lui accorde, afin de réfléchir aux intentions et aux ponts qui peuvent être dessinés. N'étant pas spécialiste des diverses et très différents thématiques abordées, cet article a pour unique volonté de proposer une courte synthèse accessible en tentant d'analyser certains points de vue. Une section plus bibliographique, pour approfondir les sujets traités et comprendre les sources, est proposée en fin d'article.
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Pour l'histoire, ce même peuple évolue en Europe de l'Est, tentant d'abord de vaincre les forces romaines, puis en tissant des liens plus pacifiques avec elles. Les années voient se succéder des temps de guerre et des temps de paix, alors que les Wisigoths deviennent la plus grande puissance des Balkans jusqu'au sac de Rome en 41 0, menés par le roi Alaric. Cet événement reste le symbole d'un empire en déclin, pour certains frappant un coup fort participant à amener la fin de l'Antiquité. Des terres leur sont cédées en Aquitaine, au sein même de l'Empire mais tout en les laissant garder leurs coutumes et leur culture. Les Wisigoths s'installent ainsi autour de l'actuelle ville de Toulouse, avant d'être vaincus par Clovis, à la tête du royaume franc en 507. Ils choisissent alors de descendre en Espagne pour y fonder leur royaume, qui perdure
A LA RECHERCHE D'UNE ORIGINE ANCIENNE
Lorsque quelqu'un se revendique « goth », deux choix s'offrent à vous. Supposer que l'individu écoute beaucoup de gothrock, ou imaginer que ses ancêtres faisaient partie d'un certain peuple. En effet, lorsqu'on remonte le fil de l'histoire, on se retrouve face à un peuple germanique, peut-être originaire de Scandinavie, qui s'installe ensuite en Pologne puis, à la suite de raids, sur les bords de la Mer Noire. Au cours des IIe et IIIe siècles, le peuple se scinde en deux, avec une partie qui a gagné l'Ukraine actuelle, appelée les Ostrogoths, tandis que les autres se sont installés en Roumanie (en Dacie, plus exactement), ce sont les Wisigoths. 5
jusqu'au VIIIe siècle où ils seront cette fois vaincus par les Arabes.
appellation qui évoluera ensuite lentement vers ce fameux terme qui nous intéresse.
Ces peuples choisissent (tardivement) d'écrire, tout comme les Romains, mais leur alphabet est aujourd'hui appelé alphabet gotique, terme où l'on retire la lettre H pour éviter la confusion avec d'autres usages du terme, justement. Il n'a rien à voir avec l'alphabet latin, il sert à écrire la langue gotique, qu'on appelle langue de Wulfila (ou Ulphilas). Il s'agit d'un personnage important du IVe siècle, sans doute un captif chrétien des Wisigoths, à la fois inventeur de cet alphabet et traducteur de la Bible dans cette langue.
UN REGARD SUR LE MOYEN ÂGE
Entre les peuples goths de l'Antiquité et un style particulier de la fin du Moyen Âge, quel est le lien ? Aucun, à première vue, peutêtre. On appelle aujourd'hui « architecture gothique » l'architecture ogivale du Moyen Âge, qui apparaît dans le nord de la France autour de Paris, notamment, après une période marquée par l'architecture romane. Toutefois, le style gagnera d'autres parties de l'Europe ensuite, et notamment l'Allemagne. Cette architecture est principalement située, d'un point de vue chronologique, entre le XIIe et le XVe siècles, et divisée entre
En ce qui concerne les individus de ce peuple, nous connaissons par ailleurs les descriptions fascinantes qu'en a fait le poète Sidoine Apollinaire, gaulois de l'Empire romain qui a rencontré le roi Théodoric II notamment. Bien loin d'une image de véritables barbares, le roi wisigoth aurait été, en tout cas au Ve siècle et selon les descriptions du poète, aussi robuste que beau et en bonne santé. La pilosité abondante, mais aussi une certaine culture latine et une connaissance de l'histoire de Rome, ainsi que l'art de gouverner correctement, sont des points qui marquent son récit (qui, ne l'oublions pas, a toutefois pour but de justifier une alliance avec ceuxci). Théodoric II est sans doute un homme redoutable, mais pas un sauvage barbare comme certains Romains l'imaginaient ! Le terme même de « Goths » proviendrait du premier siècle, où auteurs latins et grecs les appelaient « Gutones » ou « Guti », une 6
renversé un certain équilibre européen, alors que l'Empire romain était maître et que le sac de Rome est venu bouleverser cette harmonie. Giorgio Vasari est à la fois celui qui a utilisé ce terme de « gothique » pour qualifier l'architecture médiévale, et le terme de « Renaissance » pour évoquer cette volonté de renouer avec la beauté antique, idéal d'harmonie et de perfection à atteindre à nouveau. Le Moyen Âge évoque la décadence, d'où l'utilisation de ce terme injurieux qui renvoie à la même barbarie antique, qui restera finalement dans l'histoire de l'art, et même l'histoire tout court.
plusieurs périodes qui caractérisent un style plus ou moins abouti et ornementé. Il s'agit de la facette la plus visible et la plus impressionnante de ce qu'on appelle plus globalement « art gothique », qui comprenait également de la sculpture et de la peinture par exemple. Toutefois, le terme « gothique » pour évoquer tout cela apparaît en réalité bien plus tard. Il est utilisé par les humanistes italiens de la Renaissance pour parler de ce style architectural répandu en Europe du Nord. Ils savent sans doute que les édifices ne sont pas réellement l’œuvre des Goths, le peuple. Mais ils l'utilisent pour signifier leur point de vue : un jugement négatif sur ce style. Les barbares, venus du Nord, ne connaissaient probablement pas la civilisation, et c'était bien le peuple qui avait mis en péril puis
Lorsque le terme apparaît, il sert donc à définir tout ce qui a été produit au cours du Moyen Âge : l'art, l'architecture, l'écriture médiévale par exemple, mais sans distinction de styles et de périodes ! On ne parle
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d'ailleurs pas d'architecture romane, pour le style précédant ce qui est aujourd'hui gothique, mais de gothique ancien par exemple. Cette distinction n'arrivera qu'en 1 81 9, d'après l'initiative de l'architecture Thomas Rickman, d'un probable besoin de distinguer diverses intentions qui se sont traduites dans l'architecture. UNE RÉAPPROPRIATION FANTASMÉE ?
On appelle littérature gothique, la production spécifique qui apparaît en Grande-Bretagne et deviendra un genre à part entière, proche et parfois confondu avec le romantisme, le roman noir ou l'horreur, tant les liens sont forts et les frontières souvent floues avec ceux-ci. Toujours est-il qu'il sert autant à qualifier d'une certaine manière, qu'à distinguer d'autres œuvres, notamment d'une littérature plus classique. « Gothique » apparaît en littérature pour préciser un roman en 1 764, le fameux The Castle of Otranto. A Gothic Story d' Horace Walpole. Souvenez-vous qu'à ce moment-là, « gothique » désigne l'architecture médiévale, et même moyenâgeuse puisqu'elle forge un avis péjoratif. On voit bien ici comment un terme évolue et est repris maintes fois au cours du temps.
lorsqu'on parle de Moyen Âge). L'intrigue de son roman se déroule un peu plus tôt dans le Moyen Âge, avant l'apparition et le succès de l'architecture ogivale en dehors de la France (en Angleterre, où vit Horace Walpole, ou en Italie, où se déroule cette action). La première édition du livre aurait toutefois été imprimée en « black letter », c'est à dire en écriture gothique typique de la fin du Moyen Âge. L'ensemble est un simple clin-d’œil historique à la forteresse d'Otrante (qui n'a rien de gothique), existant réellement en Italie, alors qu'il essaie de faire passer
En effet, le fameux château d'Otrante ne relève absolument pas du style architectural gothique comme on le connaît aujourd'hui. Le terme renvoie à nouveau à une manière d'exprimer un ancrage dans la période médiévale, au sens large (car oui, n'oublions pas que nous parlons de mille ans d'histoire 8
son roman pour la traduction d'un véritable manuscrit ancien lorsqu'il le présente pour la première fois. Sa vision du mot « gothique » renvoie à un temps à la fois ancré dans le Moyen Âge (encore assez méconnu sur de nombreux plans, à ce moment-là) et à la fois fantasmé : il s'agit là des périodes les plus sombres de la chrétienté, teintées de superstition et de surnaturel.
balbutiements à la littérature gothique. La fin du XVIIIe siècle est marquée par cette nouvelle vision, cette première mention dans la littérature, mais aussi par un fort intérêt pour l'architecture médiévale qui commence à être étudiée. Elle sera ensuite remise au goût du jour, à travers le style néo-gothique qui aura un fort succès. L'architecture est cependant encore mal comprise, et appelée « gothique » peu importe son style, du moment qu'elle a été bâtie pendant la période du Moyen Âge.
Il ne faut pas oublier qu'en Angleterre, où la littérature gothique naît, les ruines médiévales étaient également fortement liées à un passé catholique révolu depuis le XVIe siècle, la Réforme protestante anglaise étant passée par là. Ces vestiges étaient peut-être porteurs d'une symbolique importante, liés à une idée de fanatisme religieux et d'un certain obscurantisme médiéval. Le regard posé est à la fois dans une recherche esthétique et fort de sens, dans un contexte comme celui-ci.
Cet attrait pour la période médiévale fait évoluer l'idée qu'on s'en fait. Pour Horace Walpole, « gothique » était synonyme d'ancien, de surnaturel et de mystérieux. Mais l’architecture gothique ou médiévale commence, pour ceux qui l'étudient au XIXe siècle, à devenir synonyme de lumière, de grandeur et de spiritualité, à travers l'élancement des colonnes et des voûtes évoquant une dimension céleste. En effet, on comprend qu'à cette période, les ensembles architecturaux semblent s'ouvrir les uns sur les autres, faire grandir leurs ouvertures sur l'extérieur avec de somptueux vitraux notamment, en ayant pour but de laisser entrer la lumière.
C'est finalement la propre vision d' Horace Walpole, du terme « gothique », maladroite mais intéressante, qui donnera ses premiers
Pourtant, le roman gothique va continuer de s'intéresser au penchant sombre, inquiétant et surnaturel de ce que le terme a pu évoquer auparavant. Dans l'imaginaire des auteurs, l'édifice gothique reste un lieu de folie, de forces du mal et de passions destructrices. Les châteaux, qu'on compte par dizaines dans ces œuvres littéraires, n'ont même en réalité aucune origine, car on qualifie rarement un bâtiment civil de « gothique », 9
contrairement à une cathédrale, par exemple. On pourrait croire que plus l'histoire de l'art et l'archéologie progressent à ce moment-là, dans leur étude concernant la période médiévale, et plus la littérature gothique s'écarte d'une réalité historique en puisant dans cette image imaginaire, tout en continuant d'utiliser le même terme, faisant coexister les deux réalités. UN NOUVEAU SOUFFLE CONTEMPORAIN
Quelle continuité trouve-t-on, au début des années 80, pour ce terme réemployé dans une toute nouvelle sphère ? Jusqu'ici, le terme évoquait un peuple barbare, l'architecture, l'art, la sculpture, la littérature, mais pas encore la musique. La culture populaire s'empare du terme, mais on remarque bien qu'on n'a, encore une fois, qu'un lien extrêmement fin avec la langue des Goths ou l'architecture médiévale du XIIe siècle !
revendiquer un héritage ou un patrimoine millénaire. On y trouve donc plusieurs références. D'abord, un ancrage dans l'art médiéval, mais pas forcément celui des édifices religieux (bien qu'on trouve aujourd'hui ces deux esthétiques fortement liées : dans l'art du tatouage, ou même les motifs de vêtements ou de bijoux dits « gothiques »...). On pense plutôt à la facette macabre, celle des scènes où les squelettes sont rois, on pense à un art raffiné tout en contraste entre ombre et lumière, un style où fourmillent une multitude de détails, un art flamboyant synonyme d'exubérant. Ensuite, vient un rapprochement avec la littérature gothique du XIXe siècle, où ténèbres, folie, surnaturel et monstres en tous genres
Il y a pourtant, dans le choix d'utiliser ce terme, une volonté de s'ancrer. Serait-ce pour créer une légitimité à ce mouvement et une origine qui en justifie l'existence et la direction artistique, si on peut dire ? On remarque cependant que le parallèle se fait bien plus avec la littérature gothique, teintée de surnaturel, de ténèbres et d'étrange, qu'avec le réel style des édifices religieux ou le fameux peuple antique. On peut toutefois rapprocher ce choix d'une volonté de créer une continuité culturelle, de 10
s'expriment sans retenue, créant une fascination. Finalement, le sens premier, renvoyant à un peuple vu comme barbare, tentant de renverser l'ordre et l'équilibre, ne serait-il pas l'un des plus pertinents comme référence pour le mouvement gothique contemporain ?
c'est bien avec le recul qu'on qualifie un genre littéraire (avant le XIXe siècle où certains mouvements se revendiquent d'euxmêmes). Il semblerait que ce soit principalement la critique américaine qui ait popularisé le terme, par la suite, bien que de nombreux spécialistes s'accordent à dire que le gothique américain n'avait finalement plus rien de cette aura originelle. On considère souvent que le succès du « roman gothique » prend fin en 1 824 alors que le fantastique vient le remplacer, bien qu'on utilise encore aujourd'hui ce terme pour qualifier de nombreuses productions littéraires parues après cette date.
D'un point de vue linguistique, le terme étant déjà existant et proche dans de nombreuses langues, il est également pratique de l'employer pour le mouvement. Il est un symbole, connu, modulable facilement, avec une connotation artistique incroyable. Le mot lui-même peut sembler beau, original et intrigant. Il évoque, aujourd'hui, cette quête d'idéal puisé dans le passé.
Les qualificatifs « noir », « terrifiant », « horrifique », « romantique » et « fantastique » tissent de nombreux liens avec le terme, parfois même vu comme un sous-genre d'autres genres. Ils tentent parfois de remplacer ce que l'usage a pourtant placé sur un piédestal, ce fameux « gothique ». Le terme semble étonnamment compris de tous et utilisé constamment, pour des œuvres parfois très opposées aujourd'hui, traduisant un style, ou un feeling plus qu'un genre littéraire à part entière.
L'UTILISATION DU TERME : UN CHOIX ?
L'utilisation de ce terme a parfois été contestée. En effet, dans un dictionnaire du XIXe siècle, l'entrée « gothique » renvoyait à la page concernant le terme « ogival », afin de rétablir une certaine réalité concernant l'architecture médiévale. Certains ont tenté de parler d'un style architectural ogival, d'un style français (provenant de l'inscription « Opus Francigenum » datée de la fin du XIIIe siècle, qui appelait ce style « à la française »), mais c'est bien « gothique » qui est resté malgré tous les efforts.
En musique, quelques « symphonies gothiques » ont également vu le jour aux XIXe et XXe siècles, celles de Benjamin Godard, de Charles-Marie Widor et d' Havergal Brian. Ces œuvres s'inspirent à la fois des temps médiévaux et de leurs sonorités, et du regard porté par les auteurs de littérature gothique et les intrigues qui en ont découlé. Le choix d'utiliser ce terme semble provenir directement des
En littérature, c'est Horace Walpole qui qualifie lui-même son histoire de gothique (A Gothic Story). Même si nombreux sont ceux qui l'ont suivi et qui ont participé à créer cet engouement, on imagine mal qu'ils se soient déjà revendiqués « gothiques », mais que 11
ceux qui créent l’œuvre, qu'il s'agisse d'architecture, de littérature ou de musique. Dès 1 971 , il semblerait que la chanteuse allemande Nico (des Velvet Underground) soit qualifiée de « gothique » par les médias. C'est ensuite David Bowie qui aurait employé le terme lui-même pour évoquer son album Diamond Dogs en 1 974. Mais il est difficile de retrouver les sources de ces affirmations. Cependant, le chanteur de Sex Gang Children aurait été qualifié de lutin gothique (par le chanteur de Southern Death Cult, selon ses propres dires) car il était petit et ténébreux et qu'il vivait dans un immeuble qui s'appelait les Tours Wisigoths. Déjà plus plausible !
compositeurs qui créent, de cette manière, un certain ancrage esthétique. Il faut attendre la fin des années 70 pour voir naître une relation particulière de la musique avec ce terme. Le gothic-rock ou gothrock est bien sûr l'un des piliers mais lorsqu'on parle de musique gothique, le spectre s'élargit. On y range autant des groupes de post-punk, de new wave, de deathrock, de coldwave, de darkwave, etc. Pourtant, l'inverse ne fonctionne pas : tous les groupes de new wave ne s'inscrivent pas dans cette identité gothique, par exemple. Cela signifie bien qu'il s'agit d'un ensemble, d'un symbole fort qui traverse les frontières des styles musicaux mais dont la direction est sensiblement la même : sombre, froide, étrange. Ainsi qu'une preuve que le terme est porteur de sens en lui-même et qu'essayer de trouver d'autres chemins pour éviter de l'utiliser n'est pas toujours plus simple.
On reconnaît également qu'un journaliste musical aurait commencé à employer ce terme concernant la musique post-punk dès 1 979 pour décrire Bauhaus, et sa « touche vampiresque, religieuse, pratiquement gothique ». Ce sera ensuite, à nouveau la presse, qui qualifiera Siouxsie and the Banshees et Joy Division de « gothiques » par exemple, au début des années 80 bien que le style musical n'emploie pas encore tout à fait lui-même ce terme ! L'étiquette « gothrock » apparaît pour certains de ces groupes plus centrés sur cette facette sombre, un terme typiquement anglais qui aura son penchant américain (deathrock) et qu'on appellera aussi « batcave » en Europe, du nom du fameux club londonien portant ce nom. En France, le terme commence à être véritablement utilisé en 1 985, en succédant à l'étiquette « coldwave », tout en gardant une connotation légèrement péjorative contrairement à la dernière citée et au « post-punk ».
On le comprend, le terme passé à la postérité n'est pas toujours celui choisi par
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C'est grâce à l'utilisation de ce terme, d'abord porté par les médias puis embrassés par les groupes musicaux de manière humoristique, moqueuse ou en recherche d'un style précis et d'une identité, qu'une véritable communauté naît, tout en se démarquant des autres styles ayant forgé son expansion. Il sert autant à définir qu'à écarter de la masse de musique qui émerge au cours des années 80, et finit par créer une véritable culture gothique en ralliant les autres arts noirs : la littérature et le cinéma notamment. La culture gothique qu'on connaît aujourd'hui et qui perdure en 2020 !
Le terme est donc protéiforme et porteur d'un symbole presque unique, ce qui est assez contradictoire me direz-vous. Il est parfois complexe et risqué de tenter de tisser des liens à travers les siècles et des éléments très différents les uns des autres. Toutefois, lorsqu'on cherche du côté de la linguistique ou de l'histoire des arts, on se retrouve parfois surpris(e) et on apprend que certaines choses ne sont pas dues au hasard. Le mot n'est finalement que la partie émergée de l'iceberg, tout comme cet article n'est qu'une synthèse concise d'un sujet si vaste !
SOURCES Pour aller plus loin :
GOSSEREZ Laurence, Portrait des Wisigoths par Sidoine Apollinaire, Bulletin de l'Association Guillaume Budé, n°2, 201 0 WOLFRAM Herwig, History ofGoths, University of California Press, 1 988 CHARLES Victoria, CARL Klaus, L'art gothique, Parkstone Press International, 2008 PRUNGNAUD Joëlle, Le gothique entre esthétique et littérature, 201 2 BOUCANIER Thierry, Goth. Histoire d'une subculture, Camion Blanc, 2020
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ESCAPADE AU SEIN DU ROMANTISME GOTHIQUE Les cas de Pauline et de L'Ombre du Vent Corail Il est ardu de définir exactement ce qu'est le romantisme. Car contrairement au classicisme du XVIIe siècle qui était spécifiquement français, le romantisme s'inscrit avant tout dans un mouvement européen de la fin du XVIIIe jusqu'au milieu du XIXe siècle. De l'Allemand Goethe et les Souffrances du Jeune Werther à l'incroyable poésie lyrique de Lamartine, l'essor de la nouvelle société industrielle et des transports ferroviaires permet un échange culturel beaucoup plus cosmopolite, inscrivant dans le patrimoine littéraire francophone de nouvelles influences notamment anglo-saxonnes. Le mouvement romantique se décline donc sous de nombreux aspects. Sa nature se dessine au sein même de la rêverie sensible et de l'imagination. Elle se manifeste sous les traits d'un épanouissement avant tout personnel, à travers une communion avec la nature ou l'expression des sentiments profonds et intimes. Il s'agit d'une exaltation du « moi », à la fois inquiète et orgueilleuse au creux de la vague des passions et des souffrances induites par le fameux « mal du siècle » et de la nostalgie d'un temps passé. Le visage gothique du romantisme va donc naître de cette projection d'enfant maudit vivant dans un siècle trop violent, entraînant dans son sillage de nouveaux codes et de nouvelles caractéristiques propres à ce sousgenre. Le goût pour le macabre se voit remis à jour par les auteurs du roman gothique, à l'image des sociétés médiévales et de l'âge d'or élisabéthain, en incluant entre leurs lignes des décors spécifiques tels que le
château hanté, la crypte, le cimetière, les ruines ou encore les décors naturels (paysages nocturnes, orages, tempêtes...),
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brisé, tout s'était englouti sous une pierre, voile du sépulcre, qui, fermé aussi mystérieusement sur ce cadavre que le voile de ma vie avait été tiré sur le visage, n'avait laissé pour tout renseignement à la curiosité du monde que le prénom de Pauline. »
les lieux exotiques comme l'Italie, l'Orient ou l'Espagne. Les personnages eux-aussi prennent un visage nimbé de ténèbres, que ce soit par le religieux fanatique, la femme persécutée ou fatale ou encore son revers du maudit et de l'homme tout aussi fatal, le démon et l'ange déchu, le bandit... Les situations initiales viennent aussi sonder de nouvelles contrées du sentiment personnel et métaphorique, en explorant les thèmes du pacte infernal, le suicide ou encore des secrets passés venant hanter et heurter le présent.
Son ami Alfred finira par lui conter sa rencontre avec cette femme vaporeuse le soir-même. Son récit prend forme autour de cette nouvelle blessure qu'il a reçu lors d'un duel, annonçant directement le parfum de mort et de poudre qui entoure Pauline. En effet, c'est par une nuit d'orage en Normandie que s'amorce l'aura sombre de l'histoire, dans des ruines inconnues près de Trouville. Réveillé par le capharnaüm nocturne « d'une porte qui se refermait en
C'est dans cette exploration toute particulière de la sphère romantique que prend forme Pauline d'Alexandre Dumas. Car bien que le mouvement se soit essoufflé à partir des années 1820, il comporte une descendance assez large et encore vivace. Publié en 1838, Pauline regroupe entre ses pages les prémices du Comte de Monte-Cristo. Le roman nous emporte immédiatement dans les nimbes du mystère gothique avec l'apparition presque fantomatique du personnage éponyme au centre de la narration. Tout de suite, que ce soit au centre de ce paradis forestier suisse où « grondait la Tamina » ou encore à Baveno au pieds des Alpes, le personnage principal Alexandre s'interroge autour de cette femme ombrageuse et mourante que son ami Alfred de Nerval accompagne à travers l'Europe. Persistant à vouloir garder son anonymat, il n'obtiendra son identité que lors de sa mort.
grinçant sur ses gonds et en battant la muraille », il surprend au milieu de la tempête la silhouette « d'un jeune homme de vingt-huit à trente ans, aux cheveux blonds, […] vêtu d'un simple pantalon de toile bleue, pareil à celui que portent habituellement les paysans les jours de fête […], un couteau de chasse pendu à sa ceinture ». Une description des plus typiques du genre, accordant à l'antagoniste une figure trompeuse et menaçante. De même, tous les décors se prêtent à cette rêverie romantique gothique : ruines, châteaux, mer déchaînée, pays exotiques ou encore crypte... De la mystérieuse femme mourante à la substitution de cadavre, du duel aux attaques de brigands, Pauline reprend tous les codes du genre, développant le récit autour de cette mode macabre et dressant même les premiers prémices du roman noir.
Là m'attendait un autre souvenir de Pauline ; là, l'étoile que j'avais vu filer à travers le ciel s'était éteinte ; là, ce pied si léger au bord du précipice avait heurté la tombe ; et jeunesse usée, beauté flétrie, cœur
«
Mais le point essentiel de Pauline est la qualité noble que dégage chaque
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blonde et aux yeux bleus, à la peau blanche et aux mains élégantes et aristocratiques ».
protagoniste de ce récit : artistes, écrivains, comtes, rentiers ou encore inconnu dont l'apparence « indiquait qu'il appartenait à une autre classe », il semble que pour l'esprit de l'époque, les tourmentes sentimentales ne soient attribuées qu'aux personnes dont le rang social peut permettre, selon la logique romanesque, de se placer volontairement en dehors de la société sans en souffrir et d'avoir le temps de s’épancher sur son malêtre. Noms à particules ou encore titres nobiliaires (Pauline de Meulien, Madame de Luciennes, le comte Horace de Beuzeval, la Princesse B. etc), châteaux, manoirs et bals peuplent le récit. La figure féminine prend les airs d'une princesse de conte de fées, comme le cadavre assassiné retrouvé dans la chambre de Pauline : « c'était une femme
Et bien que l'on puisse penser que le Réalisme puis le Naturalisme viennent par la suite rompre cette tradition dans les années 1850 en basant leurs histoires sur des personnages de la classe travailleuse et prolétaire - que ce soit la série des RougonMacquart de Zola ou les recueils de Maupassant comme les Contes de la bécasse ou Une partie de campagne -, c'est en réalité une poursuite de cette tendance qui se succède. En effet, bien qu'au centre de la narration, c'est une description criante de pauvreté, de bêtise et d'extrême violence qui se joue chez les auteurs de cette deuxième moitié de siècle : alcoolisme, criminalité, prostitution, méchanceté, hérédité pourrie par le vice... Le visage des classes inférieures est loin de revêtir la noblesse des personnalités romantiques, se rapprochant même plus de l'animal que de l'homme comme dans La Bête Humaine, même si ces dernières prennent des atours félonnes et traîtres de « flibustiers en gants jaunes et carrosse » selon la formule de Balzac. Plus que l'incarnation du Mal, l'antagoniste représente l'être en proie à ses démons, vaguant entre une personnalité double (à l'image de Dr. Jekyll et Mr. Hyde) et les théories du criminel-né en vogue à l'époque : « il y a longtemps que je suis maudit » plaide Horace dans sa dernière lettre. De plus, l'intérêt du personnage de Pauline, comme celui de Nerval et d'Horace est porté par leur unique statut d'enfants du siècle, dignes représentants de leur époque.
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susciterait des sentiments directs mais il se retrouve dans une position plus contemplative. Pauline ne se prête donc pas à la même lecture qu'un roman noir car son mécanisme fondamental n'est pas celui du frisson mais celui de la mélancolie romantique. De même, cette passivité est ressentie jusqu'aux logiques propres aux personnages : du héros amoureux mais dont la relation est vécue sans aucune passion charnelle, Alfred se remet entièrement à la Providence, à Dieu ou la Fatalité en se satisfaisant de cette immobilité, tout comme lors de son duel avec Horace placé sous le dôme de la justice divine. Ces notions plutôt vides de sens permettent aux héros d'échapper aux problèmes de la responsabilité humaine. L’œuvre s'offre donc un visage pessimiste et désabusé, dont les personnages apparaissent comme marqués
Désœuvrés, rentiers, ils vivent en dehors du corps social dont la description est à peine effleurée dans le roman. Le couple Horace/Pauline vient même à mourir sans aucune descendance, métaphore stérile d'un siècle dont les héros ne sont qu'éphémères dans un monde qui se transforme toujours plus vite. On peut presque y voir le destin de leur classe toute entière incapable de se renouveler et de faire face aux violents changements qui interviennent depuis 1789. Vivants constamment dans un passé qui maudit Horace et qui fera mourir lentement Pauline, le roman se décline autour d'un ensemble d'émotions différées : déjà par la construction même du récit mis en abyme (Alexandre – Nerval – Pauline – Nerval – Alexandre) qui structure les propos via une mise à distance de l'action. Le lecteur ne sent plus impliqué dans une narration qui
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cela bien des années, ce lieu existait déjà depuis longtemps. Aussi longtemps, peutêtre, que la ville elle-même. Personne ne sait exactement depuis quand il existe, ou qui l'a créé. Je te répéterai ce que mon père m'a dit. Quand une bibliothèque disparaît, quand un livre se perd dans l'oubli, nous qui connaissons cet endroit et en sommes les gardiens, nous faisons en sorte qu'il arrive ici. Dans ce lieu, les livres dont personne ne se souvient, qui se sont évanouis avec le temps, continuent de vivre en attendant de parvenir un jour entre les mains d'un nouveau lecteur, d'atteindre un nouvel esprit. »
et paralysés par des codes et de vagues serments dépassés dans une société qui leur échappe. Malgré ce tableau sombre de la déchéance d'une classe et de l'impossibilité pour ses héros de se reconstruire dans les ruines de son passé, le genre a tout de même survécu, développant en son sein de nouvelles structures. C'est le cas dans L'Ombre du Vent (2001) de Carlos Ruiz Zafón, auteur espagnol de notre siècle. Premier roman de la quadrilogie du Cimetière des Livres Oubliés, de par son nom, L'Ombre du Vent porte déjà en lui les premiers parfums d'une oxymore aux allures romantiques. Car en effet, bien que le récit se déroule dans une époque plus contemporaine (de 1945 à 1956), les codes se sont renouvelés, apportant au romantisme gothique une nouvelle noblesse.
Seule coutume réservée aux nouveaux arrivants, l'adoption unique d'un livre qui
Fils d'un libraire de Barcelone, Daniel Sempere est emmené par son père au petit matin dans une incroyable caverne aux merveilles. Farouchement gardé par un diablotin en bronze et par le grincheux Isaac, le Cimetière des Livres Oubliés est un véritable refuge insaisissable aux dédales d'étagères et d'escaliers.
Ce lieu est un mystère Daniel, un sanctuaire. Chaque livre, chaque volume que tu vois, a une âme. L'âme de celui qui l'a écrit, et l'âme de ceux qui l'ont lu, ont vécu et rêvé avec lui. [...] Quand mon père m'a amené ici pour la première fois, il y a de
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devra l'accompagner jusqu'à la fin afin qu'il ne meure jamais. Et comme ému par un appel, au détour d'une allée sombre du Cimetière, le jeune garçon choisira L'Ombre du Vent, écrit par le mystérieux Julián Carax. Suite à cette découverte, s'enchaînent les péripéties : de l'insistance presque suspecte du collectionneur Barceló à l'homme menaçant dont la peau semble être comme du parchemin. Respectant tous les codes préétablis, le récit nous emmène tout droit au cœur d'une Barcelone dont les labyrinthes débordent des stéréotypes du genre : décors exotiques de Paris ou encore de Provence, décor de ruines, secrets familiaux venant hanter le présent, antagoniste violent et cruel rongé par la malédiction de sa classe prolétaire, la femme fatale dans la peau de Clara ou bien de l’irrésistible Nuria. La douce et tendre Penélope prend quant à elle le rôle de la femme persécutée et Julián celui de l'amoureux maudit. De la sombre crypte où repose le corps d'une femme et de son enfant mort-né à la décadence d'une société mondaine dont les règles se limitent au paraître, une lancinante mélancolie se dégage de ces destins destinés à disparaître dans une vague de feu et de sang... Avant d'être enterrés à jamais dans le quotidien d'un monde qui progresse toujours, dévorant ces histoires pour mieux les oublier. On peut alors se demander quelle progression L'Ombre du Vent effectue depuis l’œuvre de Dumas, dont le nom ne cesse de venir posséder les pages du roman.
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Ce qui marque particulièrement, c'est le rôle essentiel que Zafón fait jouer au peuple travailleur, aux indigents. Ils détiennent en eux la violence de leur classe, dont la survie ne se joue qu'autour de leur ascension sociale comme pour les cas de Adrián Neri professeur de musique qui cherchera à épouser la très bourgeoise Clara Barceló ou encore de Francisco Javier Fumero, fils de concierges qui se retrouvera à la tête de la Brigade Criminelle après moult trahisons et corruptions. Ils portent en eux la fracture sociale d'une Barcelone figée dans le fascisme et dans les immenses fortunes de son élite. En se pliant aux règles de cette société, ils en subissent la violence et finissent par se laisser glisser vers la perversité d'un monde qui ne sera jamais vraiment le leur. Mais ce ne sont pas les seuls portraits de cette classe prolétaire que dessine Zafón ; il suspend même l'intrigue dans les yeux d'un jeune homme, Daniel, dont la famille et les proches n'ont eu de cesse de prouver leur véritable valeur en restant fidèles à leur position sociale et aux principes de vertus qu'il leur adresse : le rôle du penseur éclairé aux tendances anarchistes est attribué à Fermín Romero de Torres tandis que l'aura de sainteté du père qui tente de toujours faire de son mieux est proclamée chez Monsieur Sempere. Sans oublier Tomás Aguilar, le meilleur ami de Daniel, dont les aptitudes limitées et l'attitude bourrue tendent à faire de ce personnage une figure grotesque, révèlent au contraire un esprit fin et sincère. Il existe à travers les lignes de l'auteur une véritable tendresse pour cette société discrète et souvent malmenée, qui n'est finalement pas épargnée des plus nobles sentiments, des élans d'amour
fiévreux ou encore directement protagonistes des grandes histoires. Et bien que ces péripéties se créent au contact de cette rupture entre les deux mondes (la relation interdite de Julián et Penélope, le duel au Cimetière du Père Lachaise entre ce dernier et le frère de Penélope, Jorge Aldaya ou encore le viol de Sophie Carax par Ricardo Aldaya...), Zafón mettra toujours en lumière la violence et l'incompréhension extraordinaire qui existent entre eux. Le romantisme de cette œuvre éclate donc sous les projecteurs de ces intrigues, entraînant ses acteurs dans une chasse aux mystères des plus sanglantes. Bien que la structure globale du récit retrouve les points de narration extrapersonnalisés de Pauline, c'est dans le labyrinthe d'une Barcelone qui se balance entre lumière et ténèbres que l'on poursuit les fantômes du passé en compagnie de Daniel. L'écriture à la fois touchante et très sensible de l'auteur dessine parfaitement les contours de l'âme humaine, de sa terreur la plus franche à ses élans de courage et de colère. La figure du héros passif et qui refuse le poids de la responsabilité est cette fois attribuée aux figures féminines de Clara, Nuria et Penélope : la première en refusant de comprendre le mal qu'elle peut affliger au cœur innocent d'un très jeune Daniel profondément amouraché d'elle tandis qu'elle joue avec ses sentiments, la deuxième en restant totalement contemplative et noyée sous l'ombre de l'amour fou que portait Julián à Penélope et la dernière en se soumettant et en subissant les codes de sa classe malgré le profond attachement qui la lie à Carax. Néanmoins, sous cette
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Bien que Pauline soit une œuvre dont le charme pousse à l'imagination et la rêverie sur la condition d'un monde qui évolue beaucoup trop vite et dont les codes sont sans cesse brisés et sans valeur, sa damnation trouve enfin sa lumière auprès des actes sincères d'une population peut-être moins flamboyante socialement, mais prête à ne pas se laisser ronger par le mal de vivre. L'Ombre du Vent se veut profondément gothique en rétablissant quasiment parfaitement les codes du sous-genre mais offre, en plus, un chemin quasiment rédempteur à ces âmes égarées par le vague
immobilité tend à se dessiner les contours d'une position féminine bien souvent bafouée et bien souvent violentée dans un monde qui leur offre encore trop peu de place. Seule Beatriz Aguilar se sortira de cette transe de passivité qui semble caractériser ses consœurs : elle se battra jusqu'au bout pour sa liberté et ses choix, finissant par gagner sa délivrance hors du cadre de sa famille et de sa position. La rêverie mélancolique que présentait Pauline est donc ici totalement reléguée aux spectres d'une Barcelone du passé et de ses ombres bien trop vieilles pour exister dans une ère qui se renouvelle toujours plus vite. Les héros actifs de L'Ombre du Vent, se développent, évoluent et poussent le lecteur dans l'ardeur de leurs sentiments. Le fameux « mal du siècle » se retrouve relégué à des personnages vivants dans le regret et les mensonges, anéantissant cette idée dans laquelle le héros n'a sa place que dans la souffrance. Le danger est également omniprésent dans le récit, de l'homme mystérieux dont le nom évoque le Diable aux pistoleros de la Brigade Criminelle, dirigés par un Fumero tout aussi cruel qu'abject. La Mort frôle Daniel a plusieurs reprises, réveillant sur son passage incendies et fusillades au cœur d'une ville encore plongée dans les restes de ses chimères ténébreuses. C'est donc dans l'action que la malédiction du romantisme gothique se lève enfin. C'est en résolvant les nœuds et les mystères qui se trouvent au plus profond des terreurs humaines que la délivrance semble arriver.
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de l'âme. De plus, son esthétique générale rejoint immédiatement les caractéristiques du roman gothique de par ses allusions plus ou moins subtiles avec la monstruosité humaine, à l'image d'un Dorian Gray : l'horreur véritable se cache bien souvent sous des atours séduisants et les monstres qui peuplent ces récits sont des conséquences directes de ce pacte infernal, bien plus souvent victimes de leur soif. La présence du surnaturel et de la religion est omniprésente, conduisant le lecteur dans les tréfonds de sa propre réflexion sur ce qu'il remet à la Providence ou au démon.
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DRACULA
Le Sublime au cinéma Cécile
Le travail sur le scénario consiste à adapter des romans, donc à travailler avec les mots des autres ». Cette phrase, c'est Francis Ford Coppola qui l'a énoncée dans une
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interview à l'Express. Le réalisateur parle ainsi de la transposition des chapitres d'un roman en scènes d'un film, de toute cette difficulté de donner vie aux personnages et au décor sur l' écran, sans pour autant égratigner l'univers de l'auteur. En s'attaquant à Dracula, l’œuvre gothique de Bram Stoker, Coppola a dû s'adapter à l'ambiance mystérieuse et sombre de cette histoire, que ce soit au niveau des décors, des protagonistes ou des thèmes abordés. A-t-il touché le sublime de la littérature gothique grâce à l'objectif de sa caméra ?
Dracula, sortie en 1992. Portée à l'écran par
Francis Ford Coppola est un réalisateur né en 1939 à Détroit. Il est l'auteur de nombreux films qui ont façonné l'histoire du 7ème art, comme par exemple Le Parrain, Conversation Secrète et Apocalypse Now, entre autres. On le surnomme le « Napoléon du Cinéma » à cause de sa mégalomanie et de son appétence pour les productions démesurées. Ses thèmes de prédilection ? La violence, l'expiation, la mort, la folie : les ténèbres du genre humain. Des sujets qui se retrouvent aussi dans son adaptation de
Winona Ryder, Anthony Hopkins, Gary Oldman et Keanu Reeves (mais aussi Monica Bellucci), elle raflera 3 Oscars (meilleurs costumes, meilleur film d'horreur et meilleur maquillage) ainsi qu'une nomination dans la catégorie meilleurs décors. L'histoire est donc tirée du roman de Stoker, considéré comme l'une des pierres angulaires de la littérature gothique. Cette mouvance est aussi associée à d'autres
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grands écrivains comme Horace Waldpole (Le château d'Otrante), Mary Shelley (Frankenstein ou le Prométhée moderne) et Robert Louis Stevenson (L'étrange cas du Docteur Jekyll et Mister Hyde). A la différence du fantastique décrivant une incursion suggérée du surnaturel dans le monde réel, le roman gothique l'invite au premier plan. On retrouve alors des décors séculaires comme des châteaux hantés ou des cimetières ou alors des personnages mystiques, sorcières et démons, qui rôdent dans les pages de ces livres. Si le poète recherche le beau en toute circonstance, l'auteur du roman gothique tend vers le sublime.
la plupart du temps, elle nous est crachée au visage un peu partout. Bien sûr, elle représente le sang, qui est le fil rouge de notre histoire. « Blood is the life ! » scande Renfield du fin fond de sa cellule capitonnée. En effet, c'est le sang des vivants et la nourriture du vampire. Par extension, le rouge c'est aussi la violence et le danger. Lorsque Lucy porte du rouge aussi, lors de sa nuit d'étreintes avec le loup-garou, elle est ainsi désignée comme la proie du Nosferatu, tel la muleta du torero face au taureau. Ensuite, il y a le bleu. Le bleu utilisé n'est pas un joli bleu ciel, mais un bleu sombre, profond, glacial. D'ailleurs, la première image de Londres que l'on voit montre une silhouette noire de la ville dominée par un firmament de cette couleur angoissante. A mon avis, elle représente le surnaturel qui prend possession des lieux.
L'OMNIPRÉSENCE DU SUBLIME Pour atteindre le sublime, il faut réussir à montrer la beauté sous son jour le plus inquiétant, le plus mystérieux. Dans Dracula, la façon la plus évidente de toucher le sublime est de jouer sur les couleurs. En regardant le film, vous avez sans doute remarqué que la couleur la plus utilisée est le rouge. C'est parfoit subtil, comme la robe d'un vin ou un tissu posé sur une stèle, mais
Pour terminer sur cette idée, on voit beaucoup de vert aussi, qui tranche justement avec ce bleu, marquant la présence de la nature par petites touches, comme si elle s'accrochait encore face à la mainmise du surnaturel. Mina est d'ailleurs
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ravin. On a le vertige, on ne voit ni le haut, ni le bas, qui sont rongés par les ombres. Le château lui-même n'est qu'une silhouette qui se découpe sur le ciel bleu de cobalt. A l'intérieur, avec le peu de lumière, on ne distingue pas tout non plus. Rien que des meubles simples, patinés par le temps. Le reste n'est que ténèbres. Seul Dracula tranche avec tout le reste, avec son corps et ses cheveux blancs, et sa grande robe rouge dont la traîne démesurée le suit. Dracula est blanc comme la mort et maudit par le sang.
souvent vêtue de vert au début, car elle incarne un des derniers remparts de la nature face au monstre qui ne demande qu'à la pervertir. Par extension, lorsqu'elle embrasse Jonathan avant qu'il ne parte rejoindre le terrible comte, de pudiques plumes de paon viennent recouvrir la scène. Cela indique sans doute que l'amour y est ici plus naturel, voire plus proche du divin que celui qu'elle partagera plus tard avec Dracula. Sans doute d'ailleurs que les nombreuses scènes au jardin sont une image du paradis, que le vampire violera de sa présence démoniaque plusieurs fois.
L'histoire ne nous transporte pas uniquement dans ces deux lieux, nous allons également à l'Abbaye de Carfax, l'asile de fous et la crypte de Lucy. Ces endroits sont totalement dans l'esprit de la littérature gothique. Ils sont insaisissables. Insaisissables de par leurs ténèbres ou par la conscience malade des fous que l'on ne sait vraiment apaiser à
Outre les couleurs, ce sont bel et bien les décors en eux-mêmes qui touchent au sublime. Dans la maison victorienne, on trouve riche étoffes, de beaux objets à chaque recoin. Les femmes croulent sous la masse et les plis de leurs robes. Tout y est lourd et multiple. La richesse, c'est aussi exhiber ce que l'on possède. Cela montre aussi une certaine décadence de l'aristocratie qui recherche avant tout le paraître. En Transylvanie, entouré par des forêts lugubres, se trouve le château de Dracula. Celui-ci est tout en hauteur et surplombe un
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fin est sans aucun doute un hommage à Klimt, par ce patchwork de tissus dorés. Une autre approche du sublime dans le film de Coppola, plus subtile sans doute : avezvous remarqué qu'il y a beaucoup de cercles dans ce film ? Moi oui ! Le Soleil, les cercles au-dessus du lit de Lucy, la fraise de sa robe de mariée, le cercle de flammes qui entoure Mina à la fin... Ce cercle, c'est l'infini, le temps qui poursuit sa course et l'immortalité. C'est aussi une métaphore du mariage de Mina et de Jonathan puis de celui, moins conventionnel, avec le vampire, car le cercle peut être également vu comme un anneau. Question de perspective !
l'époque. Derrière la littérature gothique, il y a cette idée de manque de contrôle, où tout nous échappe. C'est souvent le cas dans le château de Dracula, entre ces portes qui se ferment toutes seules ; ou encore, grâce à d'astucieux changements de plan, on voit quelque chose, puis, elle n'est plus là. Tout bouge, rien n'est figé.
Et la musique ? Dans Dracula, elle est pesante et crispante. Elle est partie prenante de l'histoire et souligne les passages les plus glaçants. L'ambiance sonore y est d'ailleurs aussi pour quelque chose. Dans le château par exemple, on entend le vent qui s'engouffre dans les corridors ou encore des halètements de bête, le grincement des portes ou même des voix qui murmurent. C'est le mal qui parle et qui habite les lieux. Même au dehors, les loups hurlent à la lune dans un concert qui ravit notre vampire : «Listen to them, the children of the night. What sweet music they make ! » (phrase qui est extraite du bouquin).
Il y a un peu d'art nouveau dans ce film. L'utilisation de ce style permet de faire un parallèle avec l'ère victorienne avec laquelle il partage non seulement l'époque mais aussi cette volonté de rupture avec le passé (développement de l'industrie, nouveaux riches...). Même si l'art nouveau n'est pas un phénomène particulièrement anglais, il se prête parfaitement à l'univers gothique de l'histoire. Comme je vous le disais dans un de mes articles consacré à cet art dans le numéro 5, il propose une redécouverte de la nature, qui ici, tranche de manière évidente avec le surnaturel. Ainsi, ce plan où on voit Mina de dos, assise dans cette verrière, aurait très bien pu être imaginé par Mucha lui-même ! De plus, la robe de Dracula à la
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passage à l'acte, elle permet d'apporter une touche de malsain à l'ensemble, qui nous révulse ou nous attire. Quand j'ai vu ce film la première fois adolescente, j'ai eu l'impression de voir un film érotique car quasiment tous ses aspects sont abordés, du saphisme à la bestialité en passant par l'onanisme. Il est difficile de ne pas voir une relation lesbienne sous-jacente entre Lucy et Mina, même si c'est faire un peu de shipping, j'en conviens. Quand à la bestialité, elle est plus évidente, puisqu'elle est carrément montrée à l'écran avec la relation sexuelle entre Lucy et le loup-garou (celle-ci m'avait beaucoup choquée à l'époque). Par ailleurs, avez-vous remarqué le nombre de gémissements lascifs poussés par les femmes dans ce film ? Surtout Lucy lorsqu'elle se transforme en vampire...
MONSTRE ET VICTIMES Le vampire est un personnage parfait pour un univers gothique car il en incarne tous les aspects. C'est son caractère surnaturel qui entre en jeu bien sûr, mais également sa propension à échapper à la compréhension et à inspirer la crainte. D'un autre côté, il a une dimension très humaine de par son apparence physique et les sentiments qu'il peut montrer.
Je pense d'ailleurs que c'est Lucy, de par sa liberté de parole, qui apporte le plus d'érotisme dans cette histoire. Elle dit même à Mina qu'elle a réalisé une des positions du Kama-Sutra dans ses rêves. Une vraie coquine ! La sexualité est d'autre part un moyen pour le vampire d'attirer ses victimes dans ses rets. C'est sans doute grâce à la tension qu'il a instillée lors de leurs rencontres que Mina succombe à se tu s charmes.
Le Dracula imaginé par Coppola s'inscrit totalement dans cette idée du vampire littéraire : il est indéniablement terrifiant. J'en veux pour preuve le cri d'horreur poussé par Jonathan à la vue de ce bébé jeté en pâture aux concubines du monstre ou la tétanie de Mina face au loup-garou. C'est aussi un être supérieur aux grands pouvoirs. Il manipule les gens, les animaux, contrôle le climat à sa guise. Sa nature hybride aussi provoque à la fois dégoût et fascination. Dégoût, car l'homme n'aime pas ce qui est différent de lui. Fascination, car on aurait envie de lui ressembler ou même de le côtoyer, transgressant ainsi les interdits. En effet, Dracula détruit les tabous et notamment en termes de sexualité. La sexualité est omniprésente dans le film de Coppola. Qu'elle soit tension sexuelle ou
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Il y a un autre point que je souhaiterai aborder concernant les personnages, c'est la notion de transformation. En effet, beaucoup d'entre eux sont sujets à des changements, parfois émotionnels, parfois physiques. Certains deviennent une version pervertie d'eux-mêmes, d'autres apprennent de leurs aventures et s'enhardissent. Prenons le cas de Mina par exemple. Avant qu'elle ne rencontre le Comte Dracula, elle est très pudique, enfermée dans le carcan des conventions sociales victoriennes et réservée. Au fil de l'histoire, elle devient l'archétype de la femme fatale, qui piège les hommes pour sauver celui qu'elle aime : elle tente de corrompre par ses charmes Van Helsing, elle contrôle un nuage pour cacher le Soleil. C'est presque une sorcière, qui, par ses pouvoirs, neutralise tout, dans son propre intérêt. Une autre transformation qui s'opère est celle de Jonathan Harker qui, au début, soumis et innocent, s'échappe courageusement du château de Dracula où il était prisonnier et devient chef de l'expédition visant à détruire le vampire. J'aime bien le fait qu'ils aient choisi Keanu
Reeves, car il a vraiment la gueule de ce rôle. Le dernier personnage qui change est bien sûr Renfield, ce clerc qui avant les faits a rencontré le Comte et a perdu l'esprit. Ça, c'était pour les modifications de personnalité. Il y a aussi des métamorphoses physiques. Les premières sont évidemment celles du Comte, qui devient tantôt loupgarou, tantôt chauve-souris ou encore un tas de rats. Ces passages d'un état à un autre du vampire soulignent sa nature hybride, son côté irrationnel. Lucy, de son côté, subit aussi une transformation : elle devient ellemême un Nosferatu. Ce qui est intéressant dans son cas, c'est que sa charge sexuelle en est décuplée. Déjà pendant la transformation, elle gémit, se tripote partout, ce qui laissent pantois les hommes autour d'elle. Étant vampire, elle se sert de ses charmes pour manipuler ses anciens prétendants. Van Helsing dira d'elle qu'elle est « the bitch of devil », ce qui en dit long sur son avis sur les agissements de cette femme non-morte.
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est un autre » qui différencie le monstre de la « normalité ». Premier exemple, Wilhelmina et Lucy. La première est une jeune fille bourgeoise (elle est institutrice), pudique, conventionnelle, aux mœurs très convenables. La seconde est une aristocrate de nature séductrice, libre de parole et d'esprit, aux prétendants multiples. En quoi Lucy est-elle une version pervertie de Mina ? Lucy représente une société victorienne plus émancipée, un monde qui change où la femme peut avoir une certaine liberté de choix. Elle peut être associée à une certaine idée de décadence, où l'aristocrate se complaît dans son oisiveté et son opulence. Tandis que Mina est en lien avec l'idée du travail, du respect des traditions et des valeurs morales. Ce qui est étonnant dans Dracula, c'est qu'un élément de chaque paire de personnages va devenir l'autre élément, dans une sorte de transformation progressive, que j'évoquais plus haut. Tout va à l'encontre de nos attentes, on se rapproche de l’insaisissable, caractéristique indispensable de la littérature gothique.
EN DUO Les ambivalences et les paires sont légion dans ce film. A tel point que cela donne le vertige et crée des déséquilibres qui font que l'ensemble soit terrifiant. Dans certaines scènes, les conventions naturelles du monde sont égratignées. Comme par exemple, ces rats qui se baladent au plafond sans tomber dans le château de Dracula. Ou alors les concubines qui rampent de manière désarticulée sur les murs. Ou encore la verticalité du château qui forme une ligne droite avec le piton auquel il est accroché et le ravin qu'il surplombe. La géométrie est complètement variable.
Dans ce même état d'esprit, je pense notamment au couple Jonathan-Mina et au couple Dracula-Mina. Si l'un se base sur des convenances établies depuis des siècles, l'autre répond au déferlement de la passion et du sexe. Or, on sait que par le passé, passion et mariage ne font pas bon ménage. Les lecteurs de Jane Austen ne pourront pas dire le contraire ! Là encore, le couple Dracula-Mina est une version corrompue du couple Jonathan-Mina. Le réalisateur a donc mis en place un miroir déformant qui tord la réalité et déséquilibre la situation initiale de l'histoire de manière progressive. Chaque
Plus généralement, je m'aperçois que tout va par deux. Mais attention, les deux ne se ressemblent pas. Le deuxième est la version pervertie de l'autre. Dans la littérature gothique, c'est ce culte de l'extrême, du « je
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concept, chaque personnage, chaque idée est détournée.
métrage. Elle peut se montrer pudique, par des baisers cachés derrière des plumes de paon, des regards chastes qui se détournent vite ou des étreintes mielleuses avant le départ. D'un autre côté, elle est violente, répugnante, malsaine : des viols dans les jardins par des bêtes monstrueuses, des cérémonies sanguinolentes dans un lit de vierge, des tripotages sur lit de brume par un monstre protéiforme. On parle même de maladies vénériennes dans l'amphi comme la syphilis. Dès que le vampire entre en scène, il corrompt tout, chaque détail est déformé et devient son exact contraire. Forcément, le duo le plus important dans ce long-métrage est bien sûr Dracula et Dieu. La colère de Dracula contre le divin le pousse sans doute à pervertir ses créations en usant de sa malédiction. Il infecte les créatures de Dieu de sa malédiction sanglante et dévore les innocents pour son plan diabolique. C'était sans compter sur sa faiblesse d'homme et l'amour qu'il porte pour Mina, qui aura été sa perte tout comme celui qu'il éprouvait pour Elisabetha. Dieu le punit de son arrogance, de son blasphème. Dieu est ainsi associé à la lumière puisque Dracula ne peut la regarder en face sans brûler et doit se tapir dans les ténèbres pour se cacher de son jugement. Dracula est donc
En parlant de concepts plus généraux, il y a notamment le thème de la science qui est largement abordé. Représentée tout d'abord par le docteur Seward (qui travaille, c'est pratique pour l'histoire, à l'asile où est interné le pauvre Renfield), elle semble attester d'une certaine sécurité pour les personnages. Mais dès que le vampire se rapproche de Londres, elle est tout de suite ébranlée dans ses certitudes. On voit même Seward s'injecter de la morphine, preuve que désormais, la science se mord ellemême la queue et ne peut trouver de solution tangible à cette histoire. L'apparition de Van Helsing sonne le glas de la toute puissance de la science. Il incarne le pendant obscurantiste de celle-ci en étant un rebouteux hypnotiseur et alchimiste à ses heures. Il pousse le docteur dans ses derniers retranchements en démontrant par A + B que leur ennemi est bel et bien un Nosferatu. La sexualité est elle aussi biaisée. Si on en montre tous ces aspects comme je le montrais tout à l'heure, elle présente aussi une double personnalité dans ce long-
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moins vrai que Coppola ne s'est pas cassé les dents dessus et a mérité les multiples récompenses qu'il a remporté pour Dracula !
bien un monstre des extrêmes, souffrant de passion, corrompant tout ce qui se trouve sur son passage et toutefois, bel et bien humain. Ainsi, tous les détails participent profondément à construire une atmosphère gothique, en jouant sur l'insaisissable, l'horreur et l'omniprésence du surnaturel. Dracula transpire la littérature gothique et est indéniablement une pièce maîtresse de l’œuvre de Francis Ford Coppola tant la minutie apportée à chaque plan, à chaque décor se rapproche de la volonté des auteurs de ce mouvement. Est-ce qu'on peut dire pour autant qu'il existe un cinéma gothique ? Je pense qu'il faut plutôt associer le film plus à une esthétique qu'un courant visuel en particulier. En effet, même si la musicalité des dialogues et des effets sonores contribuent à créer une atmosphère intéressante qui soutient bien l'ensemble, ils ne peuvent pas être qualifiés de réellement gothiques. Goth ou pas goth, il n'en est pas
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GOTHIQUE & BDSM
Entre esthétisme et provocation Anaïs
La culture gothique a toujours aimé jouer sur les ambiguïtés et s’amuser avec les codes pour bousculer gentiment le grand public, voire le choquer. Beaucoup de romans ont été interdits au XVIIIe siècle : les sujets abordés, comme le sexe et le morbide, étant considérés comme déviants. Et même si c’est effectivement le cas pour certains où tout est poussé à l’extrême, ils n’en restaient pas moins les critiques d’une société puritaine sur lesquelles les principaux intéressés souhaitaient garder la main. Depuis, le mouvement gothique n’a de cesse de se construire dans cette lignée où l’on revendique, par les arts, à la fois la monstruosité de l’homme, mais aussi la beauté de ce qui est considéré comme contre nature. Sous la façade pessimiste se trouve finalement une volonté de liberté, mais aussi un goût certain pour l’interdit et la transgression. Depuis les années 80, de nouveaux terrains de jeux ont vu le jour. Si la littérature et le cinéma sont toujours des aspects importants de la culture goth, leur impact est moindre, c’est alors que la musique et les styles vestimentaires viennent prendre le relais. Les influences médiévales et romantiques sont toujours présentes, le lien avec la mort, l’amour, le sexe et la mélancolie également. Mais avec l’influence du Punk où l’on retrouve l’envie de choquer tout en s’exprimant par l’art, on fait face à un renouveau du gothique où ces nouveaux moyens d’expression permettent de toucher plus de monde, notamment parce qu’ils sont ancrés dans des contextes beaucoup plus actuels et où l’image est devenue centrale dans la société (là où le cinéma ne faisait que représenter des histoires d’un autre temps).
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histoire et un sens, faisant de la personne qui la porte un acteur qui soigne sa mise en scène. Celle de quelqu’un qui se construit différemment dans un monde qui ne lui convient pas. On retrouve aussi un grand nombre de symboles souvent en lien avec la religion et au BDSM. Deux sujets qui vont être au cœur de cet article.
On peut alors voir une forme de théâtralité dans le style gothique, dans le sens où certaines tenues sont de véritables mises en scène de l’héritage littéraire. Il s’agit presque de costumes ou d'uniformes, dans certains cas. Évidemment ce n’est pas péjoratif de dire ça, mais beaucoup d’aspects se ressemblent. L’utilisation de maquillages très appuyés, pour les femmes comme pour les hommes, le port de chemises à jabots par exemple ou de matières comme le velours pouvant rappeler les héros des romans, des coupes de cheveux imposantes… On remarque une grande attention portée aux détails, chaque élément d’une tenue a une
Les sexshops, les soirées BDSM ainsi que les soirées queer ont longtemps été un des seuls lieux de regroupement et d’acceptation pour les gothiques. Il y a donc eu pas mal de brassage des cultures et d’échanges stylistiques. On le voit bien avec l’arrivée de l’EBM (Electro Body Music), un genre d’Electro pour goth qui a vu naître le mouvement Cyber où l’esthétique et les thèmes SM se sont mêlés au monde de la nuit et au gothique. Mais selon moi, le contexte et le visuel ne sont pas les seules et uniques raisons d’une telle association. Le fondement même du gothique où le désir, la douleur, le sexe et le renversement des codes, colle tout à fait à ceux du BDSM bien que celui-ci ne repose pas sur la même littérature. Et les éléments choisis par les musiciens pour s’exprimer et qui ont propagé le mouvement peuvent autant se lire via le prisme du gothique que du BDSM. Mais avant d’entrer pleinement dans le sujet, il me semble important de rappeler quelques bases concernant le BDSM. Milieu qui fait souvent peur, mais qui est de plus en plus démocratisé, ce qui peut poser de gros problèmes de compréhension et donc être
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dangereux. C’est aussi l’occasion de préciser les Trigger Warning qui peuvent survenir dans cet article. Cet acronyme traduit donc bondage, discipline et sado-masochisme, ce qui englobe beaucoup de pratiques sexuelles, mais pas que. Mais peu importe la nature de l’acte, ça n’en reste pas moins considéré comme étant déviant pour certains, bien que le consentement soit la règle ultime dans la pratique, puisque si la simple utilisation de menottes entre dans le lot, la torture et l’humiliation en font également partie. Le BDSM n’est donc pas à prendre à la légère et il faut bien comprendre que l’esthétique n’est pas la pratique. Et même si les harnais, les cordes et le latex sont très jolis, leur histoire peut l’être beaucoup moins (selon vos goûts évidemment) et leur utilisation parfois dangereuse et nécessitant un encadrement et une surveillance.
absurdité. La cible principale étant la religion, il fallait mettre le doigt sur ce qui dérange. Et qu’est-ce qui titille le plus l’Église ? Le sexe évidemment ! Le sexe a beau être un des plus gros tabous, encore aujourd’hui, il n’est pas moins omniprésent dans nos vies. Pour les religions, notamment catholique, il est vu comme un péché qui, de par ses pulsions, peut déclencher les pires malheurs. Un simple désir ou attirance est alors diabolisé et condamné. Les femmes sont vues comme des dangers puisqu’elles sont la cause de ces pulsions et des attirances des hommes. Elles sont vues comme une des seules choses pouvant détourner les religieux de Dieu. Une tentation représentée dans la littérature par
Heureusement, beaucoup d’accessoires sont portables sans se faire un mal de chien et sans rien risquer, mis à part les regards et réflexions libidineuses des autres. Parce que forcément, avec un passif comme ça, un simple harnais, voire même une jupe en cuir, sera quasi forcément associé au BDSM et donc sexualisé. Maintenant que tout ça est précisé, il est temps de présenter les points communs entre les deux milieux. RELIGION ET CONSERVATION Comme dit plus haut, que ce soit à la naissance du genre gothique ou dans des récits plus contemporains, les écrivains ont su jouer sur les ambiguïtés et sur les codes sociaux et moraux pour toujours mieux les transgresser et mettre en lumière leur 34
dans ce livre, ni chez Sade d’ailleurs, on y voit les prémices de nombreuses pratiques du BDSM comme le fait de prendre du plaisir sexuel de la souffrance, qu’elle soit donnée ou reçue, les relations dominant-dominé et les punitions. Le parallèle peut également être fait avec le roman de Charlotte Dacre, Zofloya ou Le Maure. La religion y est moins présente, mais on retrouve le schéma du symbole, ici la femme supposément douce, gentille et soumise, salie par la cruauté et la perversion de ses désirs.
une forme de monstruosité ou une faiblesse, souvent liée au Diable. Mais la littérature gothique a choisi, comme réponse et opposition, l’utilisation de symboles pour en exacerber les traits et les vices. On voit alors apparaître régulièrement la figure du moine qui est détourné du droit chemin. Le Moine de Lewis, écrit en 1796, en est le meilleur exemple et fait partie des ouvrages les plus problématiques pour l’Église puisqu’il y dépeint un ecclésiastique vicieux et pervers qui, pour assouvir ses désirs, pactise avec le malin. Ce livre est d’une grande violence et aborde des sujets très controversés, ce n’est pas pour rien que Sade l’aimait beaucoup. Et si le consentement n’est absolument pas respecté
Le gothique s’approprie tous ces signes, religieux, mais aussi de genres, pour montrer le pendant négatif. De ce fait, les croix et crucifix sont détournés pour devenir des accessoires de mode et de provocation puisque le symbole de pureté qu’il représente est associé à une figure jugée comme déviante et malsaine par la société. La dualité crée alors l’ambiguïté, mais toujours dans le but de dénoncer l’hypocrisie de l’Église ou de la société. Il n’y a probablement pas besoin de nombreux exemples pour vous montrer que l’iconographie religieuse est très présente dans le milieu goth, il suffit d’aller au bon rayon de chez Claire’s pour y trouver des tas de chapelets à tête de mort, mais on peut tout de même mentionner Rozz Williams de Christian Death. Si le nom de ce groupe de Death Rock est déjà pas mal évocateur ainsi que les paroles, le chanteur et musicien a poussé les références jusque dans ses tenues de scène. Couronne d’épines sur la tête, chapelets autour du cou, croix à pics… Il
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écrit en 1820 (des études ont d’ailleurs été réalisées sur les deux romans que je viens de citer). Habillée en moine, elle se fait passer pour un homme et entretiendra une relation amoureuse avec un ecclésiastique, outil narratif permettant de mettre en lumière l’homosexualité dans les monastères, encore jugée contre nature il y a une vingtaine d’années.
porte également régulièrement des robes de mariée, blanches, forcément, symbole de pureté totale. Un beau pied-de-nez à son éducation chrétienne qui l’a à la fois beaucoup inspiré, mais qui aura aussi créé beaucoup de maux. C’est avec ça que l’on voit se dessiner ou se redessiner les genres. AMBIGUÏTÉ SEXUELLE ET SEXUÉE Personnellement, je pense sincèrement que c’est le milieu gothique qui m’a éduquée sur ce sujet. Que ce soit dans les messages véhiculés dans les chansons, avec Indochine et Mylène Farmer notamment, ou esthétiquement. Beaucoup d’icônes du goth montrent cette ambiguïté de genre, passant par des looks androgynes et en jouant sur ça. De Robert Smith avec son khôl noir (ce qui, remis dans son contexte, était déjà quelque chose vu comme « bizarre ») à Rozz Williams.
L’inversion des rôles, ou la mise en valeur de nouveaux, dérange et le mouvement gothique se les accapare pour en faire des réécritures. La présence des « monstres » peut aussi prendre un nouveau sens, ni homme, ni femme, ils sont souvent vus comme des hybrides et, de ce fait, rejetés. Les anges parfois présents dans les récits sont, par définition, asexués et la figure du vampire se montre de plus en plus
Si la relecture féministe semble couler de source, celle de l’identité de genres commence doucement à faire surface. Sa dualité a souvent été présentée dans les livres, de même que les stéréotypes qui les accompagnent. Le personnage de Victoria dans Zofloya renverse les codes, si elle est une femme, elle se comporte « comme un homme » et a des manières d’homme. Elle n’est pas sensible, elle est mauvaise et guidée par ses pulsions sexuelles et ses désirs d’ascension sociale. Elle inverse les rôles jusqu’à en devenir monstrueuse pour les lecteurs de l’époque. On peut aussi évoquer la femme-moine dans Melmoth de Maturin,
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pointues, ongles démesurés ressemblant à des griffes. Les mises en scène et les postures en disent également beaucoup, montrant son corps amaigri et, visiblement, tiraillé par la douleur.
ambivalente au fil des années, ce qui semble avoir également marqué le mouvement des années 80. Sans forcément se reconnaître d’un genre ou parler de transidentité, certains gothiques ont préféré se qualifier de « créature », signifiant qu’ils ne se reconnaissaient pas dans les normes établies par la société. Il n’y plus vraiment de barrière vestimentaire entre les hommes et les femmes, le maquillage, les corsets, les chemises à jabots ne sont plus genrés.
Tout comme pour le gothique en général, on ne peut évidemment pas associer les genres non binaires et les sexualités non hétéro aux pratiques BDSM. Cela est encore un stéréotype tenace, puisqu’il est vrai que la marginalisation qu’ils partagent les a tout de même souvent rapprochés, mais sexualités et genres ne sont pas liés.
On peut alors citer Anna Varney Cantodea, de Sopor Aeternus and the Ensemble of Shadows, qui pousse encore plus loin la réflexion et qui, en plus de parler de transidentités dans ses paroles, affiche cette ambiguïté bien plus clairement. Sa recherche de la neutralité parfaite, c’est-à-dire être ni femme, ni homme, passe par des visuels où l’on voit un corps sans poitrine, mais avec ce qui peut s’apparenter à un pubis féminin. Iel met aussi en valeur l’aspect monstrueux de l’Homme, teint gris, cadavérique, dents
Le BDSM a plus tendance à jouer sur l’inversion des rôles, homme-femme principalement, où la domination n’est plus masculine, mais féminine, où on dépossède l’homme de sa virilité et où on l'objectifie, ce qui est totalement différent et rentre dans un jeu de rôles.
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ÉROTISATION ET FÉTICHISATION On en revient alors à la théâtralisation et à la mise en scène, ainsi qu’à cette appropriation des symboles religieux. Mais cette fois on se retrouve dans une érotisation voire une sexualisation de ceux-ci poussant parfois au fétichisme. C’est d’ailleurs drôle de voir que la définition première de fétichisme est associée au culte religieux alors que maintenant, on pense tout de suite à des pratiques sexuelles considérées comme déviantes. Outre le fait que certaines tortures et humiliations rappellent les souffrances subies par les saints chrétiens, comme la croix de Saint André par exemple, on retrouve ce même désir de détourner l’esthétique religieuse. Les tenues de nonnes, notamment, sont de plus en plus sexualisées, faisant d’elles des femmes refoulant leurs désirs et cherchant à lutter contre. Il suffit de taper « tenue de nonne » sur Ecosia (promis, ce n’est pas un placement de produit) pour voir du latex et du vinyle dès les premières images. La représentation gothique de la femme fragile, impuissante, devient une créature nymphomane.
DollyWood et SweetBerry sur Youtube pour plus d’informations. Les religieuses cachent sous leurs soutanes des porte-jarretelles, utilisent les crucifix autrement que pour prier ou éloigner les vampires, leur obsession n’est plus Dieu, mais le sexe ou le pouvoir. L’essence même de la pratique religieuse devient sexuelle puisque, comme pour le supplice de Saint André, le modèle de chasteté et de châtiment sont au cœur de beaucoup d’expériences BDSM où l’on utilise la punition pour prendre du plaisir.
Tout comme dans le roman gothique, la figure sacrée est bafouée par des pulsions sexuelles et ce qui devrait être intouchable devient un objet de désir. C’est d’ailleurs un thème récurent dans le cinéma, avec ce qu’on appelle le nunsploitation où l’on retrouve des histoires de couvents ciblés par le Diable pour s’amuser un peu et pervertir les nonnes. Je vous conseille la vidéo de
On peut également parler de ce qui se rapporte à l’imagerie militaire, notamment fasciste, que l’on retrouve dans les deux milieux. Uniformes, casquettes, voire même symboles tendancieux, certains allant toujours plus loin dans la provocation. Il suffit finalement d’ajouter un peu de latex, de vinyle et du cuir pour en faire un nouvel 38
accessoire de mode ou de désir. Ces thématiques sont très présentent dans l’EBM, tant musicalement que visuellement. C’est là que l’héritage BDSM se ressent le plus franchement. Miss Construction, Suicide Commando, Agonoize tout y est, le côté classique et romantique est remplacé par une uniformisation plus froide et rigide.
Plus tard, c’est avec Lady Gaga ou encore Rihanna que le latex et le vinyle sont vraiment devenus à la mode et aujourd’hui, il est de plus en plus facile de trouver des harnais dans des magasins lambda, voire même du faux latex. Les milieux gothique et BDSM ne font d’ailleurs plus peur et sont entrés dans les mœurs, toujours en conservant leurs valeurs de liberté et d’inclusivité. Le pari semble donc réussi, ou du moins bien parti ! L’envie de choquer reste tout de même encore présente, notamment lorsqu’il est question d’esthétique martiale, mais le sexe étant de moins en moins tabou, il fallait bien trouver quelque chose de nouveau, bien que ce thème ait déjà été présent dès les années 80.
Du côté des fans, c’est un plus grand brassage, on retrouve autant de harnais en cuir que de jabots associé à des corsets en vinyle, résultats de l’évolution du mouvement et de la société dont les problématiques visées changent petit à petit. L’esthétique BDSM semble s’immiscer un peu partout, tout comme les looks gothiques. Que ce soit dans les défilés de mode avec des créateurs et créatrices comme Vivienne Westwood, JeanPaul Gaultier ou encore Alexander McQueen ou dans la pop culture. A la fin des années 90, quelques girlsband reprenaient le style cybergoth, et Madonna tendait plutôt vers la sobriété dans "Frozen".
Finalement, que ce soit un amateur de flagellation ou un gothique qui aime danser sur de l’electro, les deux finissent dans un donjon, pas avec les mêmes intentions certes, mais avec la même volonté de liberté et de quête personnelle.
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CULTURE
ENTRETIEN AVEC LISIEUX † Psalms Of Dereliction Dolorès
Récent coup de cœur musical, Psalms of Dereliction pourrait être l'une de vos bandes son parfaites pour l'été. A la fois lumineux et sombre, entre folk légère et cinglante, les Toulousains ont réussi à proposer une identité marquée et marquante. Un petit entretien s'impose, histoire de découvrir le projet et de plonger dans ses secrets.
ambiances qui allaient être présentes par la suite.
Salut Cindy et Hugo ! Pouvez-vous raconter à nos lecteurs et lectrices ce qu'est Lisieux et comment est né le projet ? Que signifie le choix de ce nom ?
Hugo et moi, nous nous connaissons depuis plus de dix ans, nous avons grandi dans la même ville et on jouait déjà un peu ensemble dans des registres plus expérimentaux pour s'occuper. Nous avons vraiment commencé à faire du Lisieux quand j'ai appris à jouer de la guitare, puis la composition de nos propres morceaux s'est rapidement concrétisée.
est un projet de musique darkfolk et électronique plutôt inspiré au premier abord de la Neofolk génération Death In June/ Current 93 et qui a débuté fin 201 4. Le groupe s'est monté spontanément, principalement avec des reprises et dans un but purement récréatif pour commencer, mais on pouvait déjà entendre des sonorités et des
Lisieux
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Notre nom, tu dois t'en douter, est une référence à Sainte-Thérèse De Lisieux. C'est une figure qui représente notre fascination pour la religion qui est d'ailleurs un thème très récurrent dans notre musique, que ce soit dans les textes ou certaines sonorités. Après un EP en 2016, vous avez sorti votre premier album Psalms of Dereliction en novembre 2019. Quels ont été les retours sur l'album depuis l'automne dernier ?
On imagine que cet album était plutôt attendu, car la majorité des tracks ont été composées en 201 6 juste après la première sortie chez Solar Asceticists mais n'ont pu être finalisées qu'en 201 8. Il était temps que ça sorte ! Notre vision a pas mal évolué depuis mais on est quand même contents de clôturer ce chapitre. Les retours sont globalement assez positifs, les personnes qui nous suivent depuis le début ne nous ont pas oubliés et semblent l'avoir apprécié.
Vous jouez un type de musique qui emprunte autant au Neofolk qu'à des musiques plus éthérées. Y a-t-il des groupes ou des formes d'art qui vous inspirent directement pour créer la musique de Lisieux ?
est clairement notre principale référence en ce qui concerne notre facette neofolk (usage de la guitare douze cordes, construction folk de la plupart de nos morceaux). Mais en vérité on en écoute plus tant que ça. On se sent plus dans le sillage des immenses Dead Can Dance, Malicorne ou encore Cocteau Twins, des projets parfois très protéiformes musicalement mais largement centrés sur la voix, les atmosphères et l'esthétique. Pour élargir le spectre, Anna Von Hausswolf et Swans ont eu leur influence. Death In June
Personnellement, il y a un élément qui m'a immédiatement donné envie de l'écouter. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la pochette ?
On accorde beaucoup d'importance aux visuels, c'est Hugo qui réalise nos artworks. On a tout de suite trouvé que ce serait une bonne pochette pour notre album : l'aspect iconique, lumineux avec le fond blanc, les flammes qui transpercent les yeux comme la vérité... Tout cela illustre bien le thème de l'album qui est donc la déréliction ; l'idéalisation et la foi religieuse mises à l'épreuve face à la cruauté du monde.
L'art religieux nous nourrit beaucoup, via la musique sacrée et la peinture. On s'efforce d'évoquer des images chez l'auditeur, à la manière de plans de cinéma. Ce média est aussi une source d'inspiration ( Terrence 43
Malick, Herzog,
des films de guerre comme 1917, L'Histoire Sans Fin).
Pour revenir à Lisieux, le Neofolk est un milieu assez masculin, il est un peu plus rare d'entendre des voix féminines porter des projets. Comment arrivez-vous à vous placer dans ce paysage musical ?
Cindy, il me semble que tu chantes également dans le groupe Candélabre, un peu plus influencé Coldwave. Es-tu la seule du groupe à officier dans d'autres projets musicaux ?
C'est vrai que la scène neofolk est souvent portée par des hommes, un peu comme dans le metal même si on y trouve de plus en plus de femmes, ça a mis longtemps à se démocratiser. Je me rappelle qu'à l'époque où j'étais ado, on hallucinait de voir une nana dans un groupe de metal. Pour ma part, c'est en traînant très jeune avec des groupes de garçons que j'ai découvert la musique. Le fait que les femmes se projettent moins dans des scènes plus violentes, sombres ou même dans la musique en général, doit sûrement découler d'une affaire sociétale. Heureusement elles sont
Oui c'est ça. Michael notre guitariste électrique joue également de la basse et des synthétiseurs dans Candélabre. Hugo vient du grindcore et du black metal, on le retrouvait à la guitare et au chant dans Hagards. Il est aussi très productif sur son projet de musique ambient nommé Ascending Divers. Et pour finir, on a rencontré Christèle notre batteuse par le biais de son excellent groupe de rock indé un peu sombre My Imaginary Loves.
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aujourd'hui beaucoup plus présentes sur ces types de scène.
plus facilement accessible je trouve. m'arrive aussi d'aborder des sujets manière plus directe, mais en général prends soin d'y apporter quelque chose poétique ou de métaphorique. Pour moi message bien imagé a beaucoup plus poids.
La neofolk c'est une autre génération, notre projet en reprend certains codes, mais tend vers des sonorités plus modernes, éclectiques et ne reste pas cloisonné dans cette scène.
Il de je de un de
Ce qui lie ces textes ce sont principalement les thèmes abordés. Chaque chanson témoigne de ce qui nous effraie le plus dans notre société, entre autres, la religion, la politique, la guerre et la mort.
Dans les paroles des titres de votre dernier album, on découvre des histoires de divin, de guerres et de temps passés. Y a-t-il un mythe ou des références communes qui lient ces textes ? Quelle importance y accordezvous ?
Si votre musique et vos thématiques s'approchent d'univers médiévaux, on retrouve sur certaines photos promo ainsi que sur la pochette un symbole étoilé et une esthétique plus moderne. Ces éléments ontils une signification particulière ?
J'aime par exemple confronter entités religieuses ou mystiques existantes avec la cruauté du réel (« Wilgeforte », « Caecilia Said »). Je trouve que des sujets un peu rudes sont beaucoup plus faciles à aborder et à accepter quand on y mêle un peu de mysticisme. Tout de suite une ambiance se crée, elle est empreinte de réel certes, mais
Notre esthétique est plus moderne, car c'est ce vers quoi nous tendons. Comme on l'a dit 45
plus haut, nous avons commencé à écrire cet album il y a quelques années et nous avons évolué depuis, en plus d'être quatre membres désormais au lieu de deux. Nous accordons aujourd'hui plus de place aux synthétiseurs sur les nouveaux morceaux que nous composons.
Je vous remercie d'avoir répondu à ces quelques questions en nos pages. Je vous laisse le mot de la fin !
Merci pour l'attention portée à notre musique.
Cette étoile à six longues branches nous suit depuis le début et c'est devenu notre symbole. On trouve les mêmes sur certains vieux caveaux du XIXe. Elle représente l'espérance dans ce cas. On peut aussi lui prêter des connotations plus politiques, on retrouve le symbole de l'étoile sur de très nombreux drapeaux.
Suivre Lisieux †
Ecouter l'album sur Bandcamp :
lisieux.bandcamp.com/album/psalms-of-dereliction
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Au moment où je vous pose ces questions, la France est en plein confinement. Quelles sont les conséquences pour le groupe, et vos projets pour les mois à venir ?
facebook.com/pg/lisieux.band
On a la chance d'être en pleine période d'écriture de nouveaux morceaux qui figureront sur le prochain album donc le confinement ne nous ralentit pas trop pour l'instant. De plus, Hugo et moi sommes confinés ensemble, ce qui nous permet d'écrire quelques nouvelles bases de morceaux que nous bosserons à quatre quand cela sera à nouveau possible. Si vous aviez la possibilité de composer un titre ou un album avec un artiste ou un groupe de votre choix, une collaboration fantasmée ou non, quel serait votre choix ?
On n'a pas vraiment de noms qui viennent en particulier, mais mettre en place et jouer live une composition avec un ensemble de choristes nous chaufferait grave. 46
LE GAME PASS XBOX LIVE Cécile
Fin 201 9 est sorti The Outer Worlds. C'est un jeu que j'attendais beaucoup car il a été développé par Obsidian Entertainement, un groupe qui apporte généralement des titres prestigieux. Par le passé, ils ont pu sortir, par exemple, Fallout : New Vegas, Pillars of Eternity ou encore Star Wars : Knights of The Old Republic (KOTOR, pour les intimes). On pouvait donc soit l'acheter TOW pour les 70 balles et des brouettes réglementaires, soit s'abonner au Game Pass. J'ai opté pour la deuxième solution parce qu'il y avait une promotion. Ainsi, en prenant le jeu, je me suis acoquinée avec la plate-forme vidéoludique pour quelques mois. Bonne ou mauvaise idée ? Le 28 février 201 7 est lancé le Game Pass Xbox Live par Microsoft. Cet abonnement permet d'accéder à une sélection de jeux aux genres et origines multiples, qui change régulièrement. Il est indépendant du Xbox Live Gold qui, lui, débloque l'accès multijoueur. La version Game Pass Xbox seule coûte 9,99 euros sur console et actuellement 3,99 euros sur PC (offre de lancement). Si vous voulez avoir le couplé Game Pass et Gold, c'est 1 euro le premier mois puis 1 2,99 euros. Un peu plus cher que Netflix qui est à 1 1 ,99 euros. En effet, ce système s'inspire de la célèbre franchise et nous invite par conséquent à télécharger de manière illimitée contre cet abonnement une flopée de titres, dont certains nous font déjà rêver : The Witcher III, Ori 1 et 2 ou PUBG, pour ceux qui aiment... Bien sûr, vous vous demandez sans doute si ça vaut le coup de s'abonner. La meilleure solution serait de tester mais vous n'avez pas envie de payer quelque chose pour être déçu 47
par la suite. Comme je suis déjà abonnée au système, je serai votre cobaye. Il va sans dire que je suis moi-même convaincue. Je vous dirai pourquoi plus tard. Cependant, j'essayerai comme d'habitude d'être objective dans mes arguments. Peut-être cela vous confortera ou vous fera changer d'avis. N'hésitez pas à me dire par la suite si vous vous êtes abonnés ou pas !
folle sur les routes, poursuivie par une bande de flics, prêts à me faire la peau. J'ai donc téléchargé GTA V en salivant d'avance de toutes ces sensations que j'allais retrouver. Et je ne suis pas déçue ! Le gameplay n'a pas changé. On a toujours une totale liberté de déplacement dans la ville (Los Santos) et on peut réaliser des tonnes d'actions sympas comme faire du yoga, aller sur la Grande Roue ou bien sûr mater des filles au club de strip-tease.
Je vous ai d'abord fait une petite sélection de jeux que j'ai pu tester grâce à la plate-forme. J'ai essayé de taper dans différents types que ce soit du RPG, de l'aventure, des petits jeux indépendants au gameplay original ou des sagas bien connues. Il est possible que ces titres vous donnent envie de faire un tour sur le Game Pass, tout du moins je l'espère !
Une petite nouveauté qui m'a beaucoup plu, c'est que l'on jongle entre trois personnages. Le premier que l'on rencontre est Franklin Clinton, un petit voleur de voitures vivant dans un quartier mal famé de la ville. Puis, Michael de Santa, un père de famille plein aux as qui a toujours le nez fourré dans les mauvais coups. Et le dernier, Trevor Philips, un redneck du désert qui tue tout le monde, par pur plaisir.
GTA V
Grand Theft Auto est sans doute LA saga qui me rappelle mes années collège. Je me souviens de fabuleuses parties sur Gta Vice City avec ma chère Playstation 2 à tirer sur tout ce qui bouge et conduire comme une
Bref, ces trois compères finissent par s'allier pour monter des casses de plus en plus gros :
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piquer des bagnoles, dévaliser des bijouteries, détourner des trains... Tout cela n'est que de l'entraînement car ils cherchent en réalité à mettre à sac une grosse banque ultra sécurisée et à s'assurer ainsi une retraite bien méritée par la suite.
l'Organisation et de ses sbires , les « heartless », avec l'espoir que Sora recouvre un jour ses pouvoirs perdus. Enfin... j'ai simplifié parce que c'est beaucoup plus compliqué que ça. Il est question notamment d'une vraie et d'une fausse Organisation avec à sa tête un homme parfois jeune, parfois vieux ou mi-jeune (ou mi-vieux si vous préférez) qui veut des cœurs. Mais soyez comme moi et tenez vous-en à la version simplifiée parce qu'au bout d'un moment on ne comprend plus rien. Alors, certes, je n'ai pas joué aux précédents opus mais tout de même, il y a des limites !
Si vous êtes là, c'est aussi pour connaître mon avis éclairé sur le sujet. Et bien j'ai aimé ! J'ai même adoré ce jeu qui est pour moi comme une petite madeleine de Proust. Les personnages sont attachants, mon préféré étant Michael De Santa, en pleine crise de la quarantaine, père d'une famille pervertie par l'argent. Si le jeu présente parfois quelques bugs (c'est tout de même récurrent dans cette série), il n'en perd pas de son charme. Une belle tranche de souvenirs et de bonheur vidéoludique.
Passons au gameplay. C'est assez facile à prendre en main, on attaque et on réalise des coups spéciaux. Le jeu a donc une dimension RPG comme je vous le disais plus haut. On peut ainsi monter en compétences les trois personnages et leur attribuer des items afin de les rendre plus forts. Il faut prendre en compte aussi les forces et les faiblesses de chaque ennemi. Pour ce faire, on a une sorte d'encyclopédie dans le menu qui aide le joueur à s'y retrouver.
KINGDOM HEARTS III
Kingdom Hearts III est sorti en 201 9 et mêle deux univers différents : Disney et le RPG. Le jeu raconte l'histoire de Sora, Pluto et Donald qui voyagent à travers la galaxie Disney afin de la sauver de l'emprise de 49
Le principal ennemi, comme souvent, c'est la caméra, qui est dégueulasse et qui montrera sa toute puissance au boss de fin. Moult fois, j'ai utilisé des jurons contre cette abomination. En outre, j'ai trouvé que les dialogues sont d'une niaiserie intersidérale. Je peux bien comprendre que le jeu soit plutôt destiné à des enfants mais de là à les prendre pour des cons, il ne faut pas exagérer !
sens de son appareil et à la fin, on a inévitablement créé une horreur bigarrée avec des cubes de travers. Si vous avez des T.O.C ou que vous n'aimez pas les choses biscornues comme moi, ne fabriquez pas votre vaisseau avec cet outil car vous deviendrez FOUS ! Si Kingdom Hearts III nous conte un joli voyage en compagnie des personnages Disney, s'il souhaite combler les envies et les attentes d'enfants (ou d’adultes désireux de retrouver leur âme d'enfant), le pari est à moitié tenu. L'histoire compliquée et la bêtise des protagonistes auront eu raison de moi. Dommage !
Le gros point noir de ce jeu (mais vous me direz qu'il fallait s'y attendre de la part de Square Enix), ce sont les cinématiques. Il y en a beaucoup trop ! 70% d'entre elles sont trop longues et inutiles, à mon goût. J'ai cru mourir d'ennui... Une fois même je sortais d'une cinématique, j'ai fait trois pas et re cinématique... Alors oui, c'est beau mais calmez-vous !
HELLBLADE : SENUA'S SACRIFICE
Une fille. Une barque. Un autre temps. Voilà le début d'une aventure mystérieuse proposée par Ninja Theory, sortie le 1 1 /04/201 8. Après avoir testé des jeux un peu plus classiques et issus de licences plus connues peut-être, j'ai voulu essayer quelque chose d'un peu différent, histoire de varier
Un autre aspect du jeu qui m'a rendu folle c'est la construction du vaisseau spatial. Autant le principe est cool mais la mise en œuvre atteint des sommets d'illogisme. Au bout d'un moment, on ne retrouve plus le
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les plaisirs et de découvrir des gameplays atypiques. Pari tenu avec Hellblade : Senua's sacrifice qui s'oppose radicalement à tout ce que j'ai pu jouer sur Xbox One jusqu'à présent.
D'ailleurs, il y a tout un travail sur le sound design et les développeurs ont intégré au jeu un système de son 3D binaural qui permet une immersion totale, surtout si vous jouez à Hellblade dans l'obscurité avec votre casque bien ancré sur votre tête.
Ce jeu nous raconte le voyage semé d'embûches d'une nana déterminée à sauver des griffes de la mort son bien aimé, Dillion. Je ne vous en dis pas plus sur l'histoire du jeu, car cela risquerait de compromettre votre expérience et vos découvertes. Outre le thème de la mythologie scandinave, omniprésent et évident dans la progression de l'héroïne, Hellblade met en avant une pathologie bien connue de la psychiatrie moderne : la psychose. Notamment dans un de ses aspects les plus inquiétants puisque Senua est constamment assaillie de voix sorties du fin fond de son crâne, pas toujours très sympas d'ailleurs. Dans le gameplay, l'utilisation de ces voix permet de guider le joueur dans ses recherches et également dans les combats, avertissant de dangers imminents.
Le jeu n'est pas simple. Il y a beaucoup d'énigmes à résoudre et les combats ne sont pas gagnés d'avance. Petite difficulté supplémentaire, au début du jeu, une malédiction vous frappe : une marque noire commence à ronger le bras droit de notre héroïne et à chaque fois que l'on meurt, la marque mange toujours plus votre bras. Si jamais elle atteint votre tête, l'aventure s'arrête là. Ne faisant pas partie de l'élite du jeu vidéo qui a vaincu Dark Souls, dès que cette marque est apparue, j'ai été dans les options et j'ai changé la difficulté en facile (j'entends vos huées désapprobatrices mais je m'en tamponne le coquillard). En tout cas, ce jeu m'a beaucoup plu. De par sa singularité, sa prise en main simple et sa 51
dimension historique, Senua vous emmène véritablement avec elle dans sa quête déterminée de l'âme de son amoureux, perdue au milieu des ombres. Peut-être un bémol : j'ai eu l'impression de n'en avoir pas eu assez. J'ai donc été très contente d'apprendre que la suite est en préparation sur la future console de Microsoft, dont la sortie est prévue pour cette année.
niveau de la jouabilité. Je n'avais pas tout à fait tort. En effet, si la plupart des commandes sont agréables à utiliser, certaines actions demandent de faire une liste de manipulations un peu chiantes, surtout si on se trompe. Par exemple, pour mettre en surbrillance une fenêtre, il faut d'abord appuyer sur une des gâchettes, puis avec la croix sélectionner le bon item, puis choisir à nouveau si on veut naviguer dans le menu. Alors qu'avec la souris, on clique directement dessus. Quand on veut prendre un groupe de drones, il faut appuyer longtemps sur X, mais on ne peut choisir ceux qu'on souhaite déplacer ou modifier.
SURVIVING MARS
Je me suis dirigée ensuite vers ce titre orienté gestion, city-builder et survie. Moi qui ai toujours un peu la tête dans les étoiles, cela m'a plu immédiatement ! Développé par Haemimont Games, habitué des jeux de gestion (ils ont notamment réalisé quelques opus de la saga Tropico), Surviving Mars n'est pourtant pas un pionnier de la Planète Rouge. Cependant, ce portage console est somme toute intéressant pour moi, puisque j'étais persuadée qu'il n'était pas possible de passer du clavier à la manette sans avoir quelques couacs au
Outre ces petits désagréments, le titre est tout de même très addictif. J'ai déjà joué au moins dix heures de jeu en deux jours et j'ai l'impression de ne pas avoir accompli le tiers de tout ce que je voulais faire ! Il faut avoir l’œil partout : surveiller ses ressources, le bien-être de ses colons ou encore l'exploration de la carte. 52
bien approvisionnés en oxygène, eau et électricité pourront ainsi offrir logements, travail et divertissement à ces nouvelles âmes qui ne demandent qu'à rentrer dans l'Histoire. Si on passe les petits soucis de jouabilité, Surviving Mars est un très beau titre qui me fait rêver. J'ai beaucoup aimé la dimension scientifique qui se base sur les véritables savoirs acquis jusqu'à présent. Si vous souhaitez en apprendre plus sur l'astre cramoisi, je vous conseille aussi de regarder l'excellente série Mars (sur Netflix), un documentaire scénarisé de deux saisons, qui propose une étude approfondie de ce que pourrait être la fondation d'une colonie làhaut (on y voit notamment Elon Musk et Neil DeGrasse, pointures dans ce domaine).
J'ai bien sûr commencé par suivre le didacticiel, qui m'a apporté une certaine connaissance de base du jeu, même si je ne l'ai pas trouvé toujours complet. J'ai dû googler quelques infos lorsque je me suis vraiment lancée dans la construction de ma cité martienne, même si je me suis bien servie de l'Encyclopédie et des astuces incluses. L'histoire de votre colonie extraterrestre commence lorsque vous cherchez un sponsor, prêt à couvrir vos dépenses pharamineuses et vos besoins de matériel (pièces détachées, métaux, polymères...). Ensuite, il faut choisir l'endroit où vous souhaitez poser les fondations de votre ville. Attention ! Le choix du lieu est très important, car il va vous permettre de vous installer plus ou moins facilement, selon les gisements qui s'y trouvent ou la fréquence des tempêtes de sable.
Vous l'avez sans doute remarqué, tous ces jeux sont différents. Pourtant, je n'ai pas du tout représenté tous les types possibles proposés par Microsoft. On y trouve aussi des jeux de cartes comme Munchkin : Quacked Quest, des FPS comme Gears of War ou Halo, des simulations comme Farming Simulator 17 ou encore Goat Simulator, des jeux de course comme Forza Horizon 4 ou des jeux multijoueur comme
Une fois ces problématiques résolues, vous voilà fin prêt à développer la vie humaine sur Mars. Il y a quand même du travail avant d'accueillir votre premier colon. Il faut penser à construire tout ce qui peut être nécessaire à la survie de vos habitants, que ce soit en matériel mais aussi en nourriture. Des dômes 53
Deuzio (surtout si le primo ne vous a pas convaincus), vous ne regretterez plus d'avoir gaspillé de l'argent pour un jeu. En effet, quand vous téléchargez un jeu (sans Game Pass, j'entends) ou que vous l'achetez à Leclerc, vous le payez au prix fort. Cependant, c'est quitte ou double : êtes-vous sûrs à 1 00% que vous aimerez le jeu ? Parce que vous avez regardé des gameplays auparavant ou parce que quelqu'un vous a dit que Fallout 76 est le meilleur titre de la décennie (rires enregistrés) ? Et s'il ne vous plaît pas, vous allez finalement le revendre à bas prix en maudissant le streamer ou l'ami mal intentionné qui vous en ont vanté les mérites. Et d'ailleurs, si on regarde des gameplays avant, ne gâche-t-on pas la découverte et l'immersion totales dans le jeu et son histoire ? Le gros avantage du Game Pass et le seul qui soit véritablement valide, c'est que l'on peut tester à l'infini des jeux quasiment les yeux fermés. Il n'y a pas de conséquence par la suite. Cela ne vous plaît pas, tant pis, vous n'avez pas perdu d'argent et vous passez à un autre. Et même, plus vous essayez des jeux, plus votre abonnement est rentabilisé ! Outre l'aspect financier, vous pouvez vous lancer dans une découverte d'un jeu sans préjugés et sans savoir de quoi il en retourne puisque vous aurez l'impression d'être le premier à contrôler ce personnage, contempler les paysages ou taper sur cet ennemi. Quand vous en parlerez plus tard, vous serez surpris aussi de pouvoir apporter votre propre ressenti sur le jeu, sans que celui ne soit terni par tel ou tel propos. C'est assez rare de nos jours de pouvoir dire cela, ne croyez-vous pas ?
Dead By Daylight. Parfois, certains titres sont proposés en version goldée ce qui plaira à leurs fans et qui est synonyme d'un gameplay abouti à l'extrême. Le Game Pass peut à première vue avoir de nombreux inconvénients. Primo, il est le chantre de la dématérialisation. Certains d'entre vous sont peut-être adeptes de posséder chez eux des jaquettes de DVD de jeux, bien rangées dans une bibliothèque remplie de trésors. Je pense personnellement que la démat n'empêche pas du tout de posséder des jeux en dur. En général, les titres à télécharger sont souvent moins chers, sont très souvent sujets à promotion et ne proviennent pas de boutiques obscures sponsorisées par Amazon. Et si un jeu vous plaît vraiment, rien ne vous empêche de le racheter par la suite en dur, quitte à le refaire à l'infini tout au long de votre vie. Non seulement cela vous reviendra moins cher, puisque quand vous l’achèterez, vous pourrez éventuellement le faire dans un Happy Cash près de chez vous et vous pourrez quand même l'arborer dans votre chère ludothèque. C'est un argument en faveur du Game Pass, puisqu'en plus il ne vous coûtera réellement que 1 2,99 euros (si vous prenez la version Ultimate). Ensuite, attendez un peu, et achetez votre jeu qui aura baissé, et bingo, vous l'avez dans votre bibliothèque pour moins cher que le prix de base (70 et des brouettes) à la sortie ! Alors, oui certains me diront que s'ils optent pour cette solution, la première fois qu'ils auront joué au jeu, ce ne sera pas sur la version en dur ou alors qu'ils ne jouent jamais à un jeu à plusieurs reprises. Je leur dirais qu'ils ont tort parce que ce seront des méchants. 54
De plus, cela vous permettra de tester des jeux de tous azimuts, des gameplays ou des genres que vous n'auriez jamais osé tester auparavant car cela n'apportera pas de déception, juste une expérience de plus qui vous permettra de construire vos propres goûts en matière de jeux vidéo. C'est d'ailleurs la volonté de Microsoft car Phil Spencer, le directeur de XBOX Games Studio indique que « le modèle commercial permet aux utilisateurs de consommer et de trouver des jeux auxquels ils n'auraient jamais joué. » Après, j'aurais pu dire exactement la même chose du PS Now, qui propose les mêmes fonctionnalités que le Game Pass. Pour répondre à la question posée en début d'article, c'est évidemment une excellente idée pour moi de s'abonner au Xbox Game Pass (ou au PS Now) car ils ont l'avantage de mettre en avant des titres diversifiés avec cette volonté de nous inviter à dépasser nos certitudes et nos goûts en matière de jeux vidéo. Après, c'est peut-être encore un énième abonnement, certes, à vous de choisir vos services en fonction de vos goûts. Cependant, je pense que si on aime les jeux vidéo, avoir un tel abonnement n'est pas inutile pour les raisons évoquées et permet de faire des économies. En tout cas, moi, ça m'a réconciliée avec ma console. Il y avait des semaines où je ne touchais pas une seule de mes manettes, excepté pour regarder des vidéos Youtube ou des séries. Maintenant, je joue tous les jours : une heure ou deux, ça m'avait vraiment manqué et je retrouve mes sensations de gameuse. Et rien que pour ça, ça vaut le coup !
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HISTOIRE
LE MOYEN ÂGE DANS TA CUISINE
Entretien avec Grégory Walbrecq du site Recette Médiévale Cécile Il est 19h23. C'est l'heure idéale pour commencer à cuisiner. Et qui dit popote, dit recettes ! Vous le savez, l'équipe de rédaction de Noire est gourmande. Aussi, comme cela faisait longtemps que l'on ne vous avait pas parlé petits plats, il nous paraissait urgent de vous inviter à table. Que pourrait-on manger ? Vous en avez ras la casquette des sushis, pili-pili et autres cannelloni ? Qu'à cela ne tienne, aujourd'hui nous vous convions à un voyage dans le temps afin de déguster goulûment quelques mets inspirés du Moyen Âge. Retrouvons les saveurs du passé grâce à ces cuistots fous d'Histoire qui alimentent le site de Recette Médiévale, rempli de fiches qui en font saliver plus d'un. On a d'ailleurs posé quelques questions à l'un de ces maître-queux (et créateur du site), Grégory, afin d'en savoir plus.
Pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs en quelques mots ? De quelle région venez-vous ? Quel est votre métier dans la vie ? Bonjour Noire, chères lectrices et lecteurs ! Je m'appelle Grégory WALBRECQ, j'ai 39 ans et je vis désormais dans le Finistère après un peu plus de dix ans dans la région lyonnaise. Auparavant, je vivais près de Montpellier, dans ce pays d'Oc que j'aime toujours autant, mais j'avoue être tombé sous le charme de la Bretagne ; une région magnifique et accueillante, empreinte d'une forte identité culturelle, un certaine authenticité et c'est ce que j'aime. Je tiens tout d'abord à préciser que je ne suis pas médiéviste mais médiévaliste. Je ne suis pas un scientifique. Je n'ai pas eu la chance de faire des études dans ce domaine. Je n'ai pas la prétention de diffuser un savoir, mais
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Une autre de mes occupations, c'est le web. J'avais déjà créé plusieurs sites Internet, pour le fun ou pour aider de petits artisans. En ce domaine, je suis un fervent défenseur du « Open Source ». J'aime également la généalogie et faire un peu de paléographie sur des actes plus ou moins anciens.
plutôt le fruit de mes recherches personnelles, d'expérimentations et d'échanges avec des passionnés, en toute modestie. J'ai également été restaurateur dans ma vie professionnelle. Depuis quand existe Recette Médiévale ? Qu'est-ce qui vous a donné envie de partager ces anciennes recettes ?
Actuellement, j'ai mis de côté mes engagements vis-à-vis des troupes médiévales pour des raisons personnelles. Ma santé me permettrait également difficilement de pouvoir porter à nouveau mon armure. En tant qu'ancien restaurateur, j'aime cuisiner. Mais surtout, cuisiner par plaisir, et non par contrainte.
Recette Médiévale existe depuis 1 an et demi désormais. A différentes périodes de ma vie, j'ai rejoint des troupes de reconstitution historique, m'initiant à la vie telle qu'elle avait pu être, ou du moins s'en rapprocher le plus possible, en se basant sur des « sources historiques » ; il s'agit de l'Histoire Vivante. Certaines troupes sont plus ou moins attachées à l'historicité, et celles qui s'y attellent sont plutôt rares mais les plus intéressantes.
Mijotons un peu de tout cela et nous obtenons Recette Médiévale.
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Où trouvez vous toutes ces recettes ?
De quelles périodes du Moyen Âge vous inspirez-vous ?
Je trouve beaucoup d'aide dans les travaux de médiévistes, chercheuses et chercheurs dans ce domaine, français ou étrangers... Il existe de nombreuses thèses, mémoires ou publications sur des sites Internet comme Academia.edu.
Il n'y a pas vraiment de période « inspirante ». En effet, le premier manuscrit où l'on peut trouver des recettes date du XIIème siècle, laissant ainsi une fourchette de corpus du XIIème au XVème. Je pense, comme beaucoup de personnes qui s'intéressent à l'alimentation médiévale, qu'on peut inclure également le XVIème siècle dans les recettes dites « médiévales », de par les principes de préparation et les usages.
Trouver des recettes médiévales, c'est très simple ; désormais, nous avons accès aux ouvrages et manuscrits numérisés comme par exemple sur Gallica. Il existe également des transcriptions en français moderne qui peuvent aider. J'ai également commencé à créer sur Recette Médiévale une sorte de base de ressources gratuite où vous pourrez télécharger certains manuscrits ou transcriptions.
De même, de quelles parties de l'Europe les recettes que vous proposez proviennent-elles ? On peut trouver des manuscrits de tous les coins de l'Europe ainsi qu'en Orient. D'ailleurs, les recettes des régions du Sud de l'Europe ont fortement été influencées par l'alimentation arabe. Rappelez-vous que
Voilà, j'aime partager ! Et je pense que cette richesse culturelle, mais également montrer le vrai visage du Moyen Âge, doit être partagé à tout le monde.
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notamment aux croisements génétiques, etc. Ajoutons également les produits arrivés d'Amérique, inconnus à cette époque. Aujourd'hui, il est quasiment impossible de reproduire historiquement à l'identique un plat.
l'Europe n'a pas toujours été celle que nous connaissons et que les invasions étaient monnaie courante, et les bons côtés furent les échanges commerciaux et culturels. Comment définiriez-vous la cuisine médiévale ? Quels sont les ingrédients les plus utilisés ? Qu'est-ce qui différencie la gastronomie médiévale de la gastronomie actuelle, à votre avis ?
Pour en savoir davantage, je vous dirige vers un excellent ouvrage de Bruno Laurioux, qui est pour moi une référence en la matière : «
Manger au Moyen Âge: Pratiques et discours alimentaires en Europe au XIVe et XVe siècles
Ce qui distingue vraiment la cuisine médiévale, ce sont les épices. Ces épices qui faisaient rêver, venus de très loin, d'Orient, d'Afrique ou d'Asie. Ce sont les éléments marqueurs de cette cuisine.
» (Edition Pluriel) (https://recettemedievale.fr/basedocumentaire/livres-de-cuisine-medievale/ ) Quelles sont les difficultés que vous avez pu rencontrer au début en réalisant les premières recettes ?
Par contre, reconstituer des recettes médiévales, ou du moins essayer, ne veut pas dire « manger comme au Moyen Âge » ; certains produits ont même disparu, et ceux que nous pouvons utiliser sont bien différents de ceux qui existaient à l'époque ; je pense
La plus grande difficulté réside dans le fait qu’une recette au Moyen Âge, et pour la
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De préférence, je vais utiliser mon fidèle mortier, mais il arrive parfois que j’utilise mon moulin pour broyer les épices. J’évite au maximum d’utiliser de l’outillage moderne.
plupart, ne fournissait pas les quantités des ingrédients. Certains produits ont même disparu, comme je le disais juste avant. Mais si on aime cuisiner, on s’en sort, et surtout on lit, on se documente sans cesse sur un ingrédient, une manière de procéder etc... Le Ménagier de Paris est d’une aide précieuse par exemple, dans les manières de préparer.
Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans le Moyen Âge ? On ne pourrait pas dire que je vis au Moyen Âge, mais il vit en moi, depuis toujours, et je n’ai jamais pu l’expliquer. C’est une passion ! Je suppose que mon ancien maître d’école primaire a dû participer à cet amour ; je le revois encore avec ses grandes moustaches, à fumer sa pipe (eh oui à l’époque ça se faisait encore) et nous raconter le véritable Moyen Âge. On pouvait entendre une mouche voler... Monsieur Bonnaure...
L’exercice consiste donc à tenter de reconstituer une recette. Si vous aimez cuisiner, cela sera plutôt facile de retrouver une bonne quantité d’ingrédients. On teste, on goûte, puis on recommence, ou pas... Jusqu’à trouver quelque chose de cohérent et en adéquation avec les pratiques culinaires de l’époque. Utilisez-vous des appareils de cuisine (robot, mixeur....) ou faites-vous tout à l'ancienne, à la main ?
J’ignore s’il lira ces lignes, mais j’aimerais lui rendre ainsi hommage et le remercier. Ce
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Verjus d’oseille ! C’est la pleine saison en ce moment, et il ne faudra surtout pas rater ça. L’oseille ça se cueille partout autour de chez soi. Beaucoup de recettes utilisent du Verjus. Certain-e-s auteur-e-s, ou moi-même, remplaçons le verjus par du vinaigre... Mais non, je vous garantis que le goût du verjus est vraiment totalement différent.
n’est pas une simple période que l’on aime, mais quelque chose qui se vit, dans son esprit, dans son âme, mais également au quotidien. C’est une philosophie de vie. Durant ma vie j’ai toujours été attiré par l’ensemble des démarches liées à faire revivre cette période, à mieux la comprendre, la cerner, mais surtout, et désormais c’est ce à quoi je m’emploie, à participer comme tant d’autres à démontrer qu’il ne s’agit pas d’une période aussi obscure qu’on a bien voulu nous enseigner à l’école.
Vous nous inviterez à un crespillon (festin de crêpes) ? Avec grand plaisir ! Mais je vous vois venir, non, il n’y aura pas de chocolat (clin d’œil).
Auriez-vous pu vivre à cette époque ? Est-ce que ça vous aurait plu d'être cuisinier d'un seigneur, par exemple ? Oui, très clairement, et même si la vie pouvait être difficile à cette époque (je pense notamment aux soins médicaux), je reste persuadé que, en majorité, nos ancêtres étaient bien plus heureux que maintenant, et vivaient davantage en communion avec la Nature, et qu’ils savaient l’écouter.
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Êtes-vous plutôt bec sucré ou bec salé ? Le site : Je déteste travailler le sucré... Ça colle, on en a plein les doigts, c’est trop précis comme dosages... Ce que j’aime c’est pouvoir travailler le salé, avec l’inspiration, et imaginer, pressentir à l’avance quel goût cela aura si je mets plus ou moins telle ou telle chose.
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Quelle sera votre prochaine recette ? Il ne s’agira pas vraiment d’une recette, mais plutôt d’un « HOW TO ». Comment faire du
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Les darioles selon Maestro Martino (XVème siècle) Préparation : 10 minutes Cuisson : 30 minutes Ingrédients : 350 g pâte à foncer 150 g sucre de canne en poudre 50 cl lait 3 jaunes d'oeufs 3 oeufs entiers 1 c à thé cannelle en poudre 3 c à café eau de rose
PRÉPAREZ L'APPAREIL Faites chauffer le lait à feu doux, ajoutez la cannelle et faites infuser. Dans un saladier, versez le sucre, les œufs et les jaunes d’œufs et l'eau de rose, puis mélangez au fouet. Versez le lait parfumé à la cannelle en mélangeant.
PRÉPAREZ LA PÂTE Préparez votre pâte à foncer et étalez-la. Beurrez bien les moules à darioles. Garnissez les moules avec la pâte. Essayez de faire une pâte de préférence pas trop épaisse. Piquez votre pâte avec une fourchette et passez au four pendant 10 minutes pour faire précuire la pâte.
CUISSON Versez votre appareil dans vos fonds de darioles. Faites cuire à environ 180° c pendant environ 30 minutes.
Crêpes au vin blanc selon le Ménagier de Paris (Xvème)
sans grumeaux. Allonger avec un peu d'eau tiède. Faites bien chauffer votre crêpière ou votre poêle à crêpes. Verser une louche de pâte et répartir uniformément en orientant votre poêle. Faire dorer puis retourner. Empiler les crêpes au fur et à mesure.
Préparation : 10 minutes Cuisson : 20 minutes Ingrédients : 125 g farine de blé 4 oeufs à température ambiante 20 cl vin blanc huile ou beurre 1 pincée sel Tiédir le vin blanc dans une casserole. Mélanger la farine et le sel dans un saladier Creuser un puits, mettre les œufs entier et mélanger avec une fourchette. Ajouter le vin blanc petit à petit avec un fouet jusqu'à l'obtention d'une pâte lisse et
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Ypocras selon Le Ménagier de Paris (XIVème) Préparation : 30 minutes Attente : 1 jour Ingrédients : 200 cl vin rouge 250 g de sucre de canne 2 c. à café de cannelle en poudre ½ c. à café de gingembre en poudre ½ c. à café de maniguette ¼ c. à café de noix de muscade ¼ c. à café de galanga LA VEILLE Versez le vin dans une bassine, ajoutez le sucre et mélangez afin de bien le dissoudre. Ajoutez les épices préalablement broyés et laissez infuser durant 24 à 48h. LE JOUR MÊME Filtrez le vin et dégustez.
Pastés de champignons selon le Ménagier de Paris (XIVème)
Laissez cuire quelques minutes. Fermez vos pastés en demi-lune, ou toute autre forme que vous choisirez. Badigeonnez avec un jaune d’œuf mélangé à une goutte de lait. Parsemez d'un peu de fromage râpé Faites des ronds de pâte et étalez sur chacun un peu de votre préparation. Faites cuire 30 minutes à 180° C jusqu’à coloration dorée des pastés. La pâte du pasté doit être fine et croustillante.
Préparation : 20 minutes Cuisson : 30 minutes Ingrédients :
250 g de pâte brisée 400 g de champignons frais 50 g de fromage râpé 2 c. à soupe d'huile d'olive 2 c. à café de poudre fine 1 pincée de sel 1 pincée de poivre noir Nettoyez les champignons et coupez les en morceaux. Faites cuire à feu moyen, jusqu'à évaporation de l'eau rendue par les champignons Saupoudrez de poudre fine, sel, poivre, et de fromage râpé.
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LA PARALYSIE DU SOMMEIL Autopsie d'un trouble Corail Peut-être que certains d'entre vous ont déjà eu l'occasion d'expérimenter ce trouble du sommeil tout particulier, classable dans la catégorie des parasomnies que l'on peut définir par des manifestations qui se dissocient du sommeil, dues à un mélange ou une superposition de l'état de veille et du sommeil profond paradoxal, comme le somnambulisme. Dans ce cas précis, il s'agit d'une paralysie corporelle que l'on nomme « atonie musculaire », intervenant dans les moments de transition comme l'endormissement (paralysie hypnagogique) ou le réveil (paralysie hypnopompique). Le sujet se retrouve donc dans un cas de conscience totale mais dans l'incapacité de faire le moindre mouvement volontaire. A cet état s'accompagnent des hallucinations (auditives, sensitives ou visuelles) ainsi que des impressions d’oppression, de présence maléfique parfois démoniaque et pouvant aller vers un sentiment de mort imminente. Si je choisis de vous parler de la paralysie du sommeil, c'est avant tout parce que j'ai eu la possibilité de vivre à plusieurs reprises ce trouble particulier qui, nous allons le voir, a longtemps connoté les champs artistiques et ésotériques. L'expérience tout d'abord traumatisante qui résulte de cette position inconfortable de danger, s'est peu à peu dégagée pour m'offrir la possibilité de comprendre les chemins culturels et inconscients qui m'habitent. Tout d'abord, comme nous l'avons évoqué plus haut, les mécanismes de la paralysie se basent sur une superposition ou un recouvrement des états d'éveil et de sommeil non paradoxal. Il y a une diminution du tonus musculaire garantie par les commandes motrices afin de ne pas
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de Recherche et de Consultation sur les Expériences Exceptionnelles (CIRCEE).
provoquer de gestes dangereux pour le sujet ou pour son entourage durant cette phase où le cerveau est très actif. Néanmoins, il est essentiel de remarquer que l'activité musculaire respiratoire et cardiaque sont totalement conservées. Il existe certains facteurs favorisant ces paralysies, comme la fatigue, le sommeil non réparateur ou encore sans surprise, le surmenage, le stress, l'anxiété, une nervosité au moment de l'endormissement, un changement dans le rythme du sommeil comme une position ou un horaire inhabituel, changement de lieu de vie ou même la lumière ambiante. La prise de drogues ou de médicaments ainsi que les troubles mentaux sont également des facteurs favorisants. Il est notable de constater que la paralysie du sommeil toucherait environ 20% de la population avec un pic au moment de l'adolescence, selon le Centre d'Information,
Concernant les hallucinations, elles se situent dans le prisme traumatique où le sujet est entièrement convaincu de leur réalité, la prise de recul n'intervenant qu'après sa reprise de conscience totale. On rapproche également les origines de ces hallucinations aux rêves qui s'exercent durant le sommeil paradoxal. Généralement constituées d'apparitions visuelles, sonores, tactiles ou kinesthésiques, ces hallucinations tournent souvent autour de sensations de danger, de présences menaçantes, d'un ou plusieurs intrus dans la chambre, accompagnées d'une perception d'étouffement ou d'écrasement. Cette idée de suffocation serait en réalité un effet secondaire de l'adrénaline qui répondrait au besoin soudain d'énergie en accélérant les contractions du cœur comme lors d'un exercice physique. De façon bien moins courante, certains cas soulignent d'autres impressions comme la sensation de vibration, de froid, des odeurs ou encore des interactions sexuelles. En ce qui me concerne, j'ai exclusivement vécu des hallucinations où je me retrouvais en position de danger imminent face à trois individus dans l'encadrement de ma porte ou autour de mon lit, qui nourrissaient des intentions peu louables que j'assimilais à une agression sexuelle ou à un cambriolage. L'impossibilité de pouvoir crier ou appeler à l'aide augmentant radicalement mon état de panique et ma volonté de mouvements. Je
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anxiété extrême, que les anciens reliaient à une forme d'épilepsie ou un excès de nourriture et de boisson. C'est à partir de la Renaissance (et jusqu'au XIXe siècle) que nous parlerons en France « d'incubus », incorporant ainsi ce trouble particulier à un folklore spirituel et ésotérique. De nombreuses croyances populaires voient le jour, attribuant ce phénomène à des interventions d'origine surnaturelle ou démoniaque. Il arrivait que durant l'Antiquité, certaines superstitions grecques affectent ce trouble à une agression venant d'esprits des morts ou encore de la déesse Hécate (déesse chthonienne de la sorcellerie et des enfers), mêmes si ces idées étaient combattues par les médecins de l'époque. Certains auteurs comme le dramaturge Aristophane (Les Guêpes) parlent même de ces démons étouffeurs dans leurs œuvres. Chez les Romains, à qui l'on doit le terme «
pense cependant pouvoir relier à chaque fois ces expériences aux rares siestes qui intervenaient durant une période de travail intense, avec une stimulation lumineuse provenant du soleil car je ne fermais pas les volets. Également, le fait d'avoir oublié de verrouiller ma porte d'entrée avant de m'endormir devait considérablement jouer sur la menace ressentie durant ces phases. Le détail de ces hallucinations nous ramène directement aux descriptifs évoqués dès l'Antiquité. En effet, nous pouvons retrouver des mentions de la paralysie du sommeil dans la littérature médicale d'Hippocrate (Ve siècle av. J. -C.), ou encore Galien (IIe siècle) et de Paul d'Egine (VIIe siècle) que l'on retrouve sous le nom « d'ephialtès ». Le constat clinique est le même, c'est à dire des sensations d'immobilisation, d'écrasement, d'étouffement, impossibilité d'interagir et
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incubus
» (signifiant « couché sur »), la paralysie du sommeil était la manifestation supposée d'un démon masculin qui possédait les femmes. Ce qui entraînera irrémédiablement cette croyance vers les théories théologiques chrétiennes, qui insisteront sur sa nature sexuelle (bien qu'elle soit apparemment plus rare de nos jours) et l’engeance qu'elle pourrait produire, donnant ainsi lieu à des mythes tels que le fameux Merlin des récits arthuriens, fils d'un Incube et d'une vierge, ou encore les changelins d'Ulrich Molitor (médecin, avocat et procureur allemand, théoricien des sorcières) dans son De Lamiis et Pythonicis Mulieribus en 1489. Il est surprenant de noter qu'en neuropsychiatrie, cette tendance à la sexualité durant les phases de paralysie s'associe aux sexsomnies, sous-type de parasomnie caractérisées par une activité sexuelle apparentée au somnambulisme ou encore un type d'érotomanie.
conduisit même à différents procès condamnant finalement ces dernières au bûcher, comme le cas d'Angèle de la Barthe à Toulouse en 1275 accusée de concupiscence diabolique ou encore, les quarante et une supposées sorcières de Côme, condamnées aux flammes pour le même motif en 1485. Mais plus étrangement, le fameux Malleus Maleficarum poussait jusqu'à donner à l'Incube la possibilité de prélever de la semence masculine (car ce dernier ne pouvait engendrer naturellement, attribut réservé aux créatures de Dieu) avant d'en imprégner une femme durant son sommeil. Selon Pierre Boaistuau dans Histoires prodigieuses (1560), cette capacité masquerait peut-être le viol de femmes par des hommes tout en encourageant et perpétuant ces actes attribués au démon.
Je vis au pied de mon lit un petit monstre à forme humaine. Il avait, autant que je pus le reconnaître, le cou grêle, la face maigre, les yeux très noirs, le front étroit et ridé, le nez plat, la bouche énorme, les lèvres gonflées, le menton court et effilé, une barbe de bouc, les oreilles droites et pointues, les cheveux raides et en désordre, des dents de chien, l'occiput en pointe, la poitrine et le dos en bosse, les vêtements sordides ; il s'agitait, se démenait furieusement. » - Raoul Glaber,
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XIe siècle Cette croyance en un démon venant s'attaquer aux femmes durant leur sommeil,
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De la maladie antique aux phénomènes surnaturels du Moyen-Âge, le domaine arrive jusqu'aux portes de la psychiatrie à partir du XIXe siècle. Déjà rapprochée aux notions de cauchemar dès le XVIIe siècle dans le Dictionnaire Furetière de 1690 («
mentale, dont l'explication moderne tend à lier ce phénomène de zoopsie à des raisons de surmenage ou d'angoisse, comme l'explique Ernest Martin dans son Histoire des monstres (2002). Sans surprise, le psychanalyste Sigmund Freud considérera dans son Interprétation des rêves (1900) que l'incube est en réalité un processus inconscient et intériorisé d'une déviance libidinale. Que ce soit donc par excès de boissons alcoolisées, possession démoniaque, refoulement d'un érotisme tabou ou d'une agression sexuelle, la paralysie du sommeil et son panel d'hallucinations offrent une grande possibilité d'exploration sensorielle et intime que certains exploitent notamment comme lors de rêves lucides en désamorçant l'aspect effrayant de cette expérience. La méthode consiste à se convaincre totalement du caractère inoffensif des ressentis, à accepter les images et les sensations puis à les
Nom que donne le peuple à une certaine maladie ou oppression d'estomac, qui fait croire à ceux qui dorment que quelqu'un est couché sur eux : ce que les ignorans croyent estre causé par le malin Esprit. En latin Incubus, Ephialtis en grec »), le médecin Louis Dubosquet sera le premier dans sa thèse intitulée Dissertation sur le cauchemar (1815) à rapprocher de nouveau les cas de paralysies du sommeil avec hallucinations à des cas médicaux : en visite à des malades mentaux de l'hôpital de la Salpêtrière, il déduisit après l'étude de plusieurs aliénés que ces cauchemars seraient un mal nocturne précurseur de délires maniaques. L'incube se transforme donc en pathologie
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accompagner mentalement. Il arrive même que ce trouble ne soit pas un événement vécu comme traumatisant : il semblerait que l'aspect terrifiant des zoopsies dépende en grande partie de l'état d'esprit du dormeur et en faisant disparaître la panique liée à l'immobilisation, le caractère cauchemardesque se retrouve drastiquement diminué. Il est donc possible d'orienter volontairement les hallucinations vers une expérience agréable, voire positive et spirituelle. Pour venir à bout de cet état, il est possible de tenter un mouvement du doigt ou de faire bouger un orteil, de contracter les muscles du visage en grimaçant par exemple ou même encore de faire bouger la langue dans la bouche. En effet, l'atonie musculaire ne touche pas de nombreux petits muscles du corps. Néanmoins cette méthode est
relativement fatigante et nécessite un effort très important. Bien que la paralysie du sommeil ait profondément connoté les facettes chrétiennes du folklore européen, il est également possible de la retrouver sous différentes dénominations dans les autres cultures. En effet, ce trouble à l'imagerie d'agresseur nocturne pesant sur le dormeur aurait en Chine le visage du « gui ya chuang » (« le fantôme qui écrase contre le lit »), de la vieille socière Ag Rog (ou Old Hag) au Canada, qui est même appelée uniquement « Hag » dans le folklore anglo-saxon. Au Mexique c'est sous la dénomination « subida del muerto » (« le mort qui te monte dessus ») que l'on retrouve l'évocation de ce phénomène. Sur les îles de l'archipel de
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Zanzibar et en Tanzanie, les rumeurs parlent du démon Popobawa qui tout comme l'incube, en plus de causer des perturbations du sommeil, viendrait agresser sexuellement et physiquement les hommes et les femmes. Cependant, il est intéressant de noter que l'arrivée de ce démon dans l'archipel est relativement très récent, remontant aux années 1960. Peut-être s'agit-il là d'une réaction psychosomatique à la survenue des nombreux troubles politiques qui ont agité l'archipel ? On a recueilli de nombreux témoignages similaires dans cette région du monde dans les années 1990 à la veille de la première élection présidentielle de Tanzanie ou encore en 2001, après les violentes révoltes populaires survenues après le résultat des élections. Le démon japonais Kanashibari, dont on pourrait traduire le nom par kana « métal » et shibari « lien » donc ce qui « maintient dans une étreinte de fer », est aussi un exemple très connu par les lecteurs de mangas et nippophiles. Considéré comme un avatar de la Vengeance, le Kanashibari devient l'esprit dans lequel se cache le ressentiment et qui opère durant la nuit. Une version urbaine de cette apparition,
raconte que le Kanashibari serait un fantôme qui surgirait dans le sommeil et dont la victime, totalement paralysée par la force de ce dernier, se verrait soulevée et projetée dans le vide ou traînée jusqu'à une rivière puis noyée, tout en gardant totalement conscience de ce qui lui arrive. On peut retrouver également cette idée de démon à travers le « karabasan » turc (« le gars en noir »), tout comme on peut aussi comprendre ce phénomène à travers la colère du « domovoi » (l'esprit de la maison) des traditions russes qui punirait les personnes pour trahison à travers la paralysie du sommeil. La sarramauca (« qui serre la poitrine ») occitane est aussi une manifestation ésotérique de ce mirage. Également présent dans la littérature, je ne peux m'empêcher de penser au Horla d'un Maupassant souffrant de folie du fait de la syphilis. Comment ne pas reconnaître dans ce passage, l'évocation de ce trouble ?
Je dors — longtemps — deux ou trois heures — puis un rêve — non — un cauchemar m’étreint. Je sens bien que je suis couché et que je dors,… je le sens et je le «
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sais… et je sens aussi que quelqu’un s’approche de moi, me regarde, me palpe, monte sur mon lit, s’agenouille sur ma poitrine, me prend le cou entre ses mains et serre… serre… de toute sa force pour m’étrangler. Moi, je me débats, lié par cette impuissance atroce, qui nous paralyse dans les songes ; je veux crier, — je ne peux pas ; — je veux remuer, — je ne peux pas ; — j’essaye, avec des efforts affreux, en haletant, de me tourner, de rejeter cet être qui m’écrase et qui m’étouffe, — je ne peux pas !. Et soudain, je m’éveille, affolé, couvert de sueur, J’allume une bougie. Je suis seul. »
dans le film comme dans la légende, s'introduit dans les esprits des personnes victimes de paralysie du sommeil pour les attaquer et les tuer. C'est ainsi que je conclus cette autopsie. De l'aspect clinique à son visage symptomatique et ésotérique, la paralysie du sommeil est un trouble bien particulier dont les sujets restent profondément marqués par cette expérience exceptionnelle. De la terreur à l'implication ésotérique, cette manifestation trouve un large choix d'avatars et d'implications, qu'elles soient spirituelles, sociales, psychologiques ou culturelles. Parfois vécue comme un accès au monde des esprits, notamment dans le chamanisme, la paralysie du sommeil revêt bien des aspects au travers de l'état d'esprit dans lequel l'endormi se trouve, poussant ce dernier à peut-être rechercher les clés de son intimité cérébrale.
Le film d'horreur américain Mara par Clive Tonge (2018), reprend également au compte du septième art, le mythe scandinave de l'esprit malfaisant appelé Mara ou Marh (dont on peut retrouver des traces jusque dans l'Ynglinga de Snorri Sturluson) qui
SOURCES
Dictionnaire médical, www.informationhospitaliere.com Wikipédia : Paralysie du sommeil, Incube, Cauchemar
« Paralysie du Sommeil », Journal d'une Démonologue, www.journal-dunedemonologue.fr HURD Ryan, Sleep Paralysis: A Guide to Hypnagogic Visions and Visitors of the Night, Hyena Press, septembre 2010. HURD Ryan, Spiritual Sleep Paralysis, Aliens, Angels and Allies , Lucid Dream Exchange, no 54, Hyena Press, mars 2010. ROSHER Wilhelm, Éphialtès, étude mytho-pathologique des cauchemars et démons du cauchemar dans l’Antiquité, cité dans Le Cauchemar, mythologie, folklore, arts et littérature, 2004.
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Il y a quelques semaines nous vous avons dévoilé notre nouveau logo, on vous présente donc la personne qui se cache derrière: Kitten's Bones ! Illustratrice et tatoueuse dans la région nantaise, elle officie dans un style de dessin Old School en noir et blanc et un univers Rock’n’Roll. S’inspirant a la fois de l’imagerie Punk Rock/Skate et médiévale, elle s’essaye également dans un style gravure qui ravira autant les amateurs de Punk que de Black Metal! Nous souhaitions un style plus moderne et actuel, avec tout de même un petit côté Art Déco. Le tout sous la forme d'un cabochon. La recherche de ce logo a été une longue quête, mais nous sommes fières d'avoir trouvé quelque chose qui nous ressemble. Un grand merci à Kitten's Bones et n'hésitez pas à soutenir son travail !
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La folie de Kate, Füssli, 1806
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