Bantu Le Livre

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Bantu, Le Livre The Book of Bantu



Avant-propos Cette histoire est celle du Guerrier Bantu. Celle de sa naissance, de sa croissance, de sa maturité… En évoluant, il m’a fait grandir. Grâce à lui j’ai pu comprendre à quel point la peinture était un langage universel. J’y ai bien sûr trouvé l’histoire de nos racines communes, mais aussi une nouvelle compréhension de ce que l’art allait être pour moi et que je voulais offrir à mes contemporains. Le choix d’en faire un livre s’est imposé à moi grâce aux rencontres. Je passais mes soirées à raconter comment j’avais peint tel ou tel guerrier et il fallait chaque fois recommencer l’histoire depuis l’origine. Rassembler les pièces du puzzle dispersées aux quatre coins du monde était la seule manière de faire de ce guerrier un mythe. Finalement l’image que pouvait renvoyer ce personnage était tellement multiple qu’il m’a appris à comprendre le monde, les gens et finalement moi-même à travers les différents points de vue, les différents regards. Je n’aurais jamais pensé que cette aventure me mènerait si loin, ni que cette recherche se poursuivrait plus d’une décennie. Dix ans à peindre et à repeindre ces « Bantu » et pourtant, le trait, le contexte, le regard du public continuent chaque fois de me surprendre et de me faire vivre une expérience unique et singulière. Merci à Nathie Nakarat qui a écrit cette histoire afin qu’elle puisse être transmise à nos enfants Merci à ma galeriste Nadege Buffe qui a été la première à m’accompagner dans mon travail artistique Merci à JLH et à toute l’équipe de la Fondation Montresso* pour leur soutien et leur confiance. Merci à tous ceux qui m’ont soutenu dans l’élaboration de cet ouvrage : Alex Doppia, Alexis Ottenwaelter, Alicia Sauze, Amandine Pechiodat, Amaury Benech, Anne-Valerie Delval, Anthony Gutman, Arnaud de Saint Preu, Arnaud Gerard, Aymeric Mantoux, Basile Vezin, la famille Berthier, Brigitte Silhol, Bruno Eluard, Catherine Bernad, Cyril Kodjikian, Damien-Paul Gal, Diane Miassouamana, Dominique Barlaud, Fabrice Pernol, Felix Mundler, Franck Brody, la Galerie Artset, Gérald Levy, Guirec Mahe, Jeanne Crockett, Jean-Noël Chaintreuil, Jérome Dauchez, Jérome Lavaure, Jorge Alyskewycz, Judith Chatain, Laura Bernad, Laurent Dufay, Lucas Gozlan, Marie Noëlle Lamy, la famille Moussoki, la famille Nakarat, Nicolas Laugero Lasserre, Pierre-Paul Monnet, Sylvie Hodges, Thibault Saladin, Thomas Valier, Xavier Deffieux, ainsi que toutes les personnes qui ont participé de près ou de loin à cet ouvrage, par leurs encouragements et leur partage.

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Foreword This is the story of the Bantu Warrior, the story of his emergence, growth, and development... The changes he went through helped me grow as an artist, helped me realize the truly universal nature of painting. The warrior reflected, of course, the story of our shared heritage, but he also provided a new perspective on what art could mean to me, of what I would strive to create for my contemporaries. I decided to make the Bantu Book because I was constantly explaining the story of one Warrior or another to people encountered at parties. It was always the same old story. By bringing together the puzzle pieces scattered all over the world, the Warrior could become a myth. Ultimately, the figure of the Warrior, who represented so many things to so many different people, taught me to understand the world and its inhabitants, and, in due course, myself, from different perspectives and viewpoints. I would never have thought the adventure would take me this far, that the work would be ongoing ten years later. I’ve spent an entire decade painting and repainting the Bantu Warriors, and yet the figures, the circumstances and the response of viewers continue to surprise me. No two experiences have been alike. I would like to express my gratitude and thanks to Nathie Nakarat, who wrote this story so it could be passed on to our children. I would also like to thank Nadege Buffe, whose gallery has been there for me from the very start. Thank you, JLH and the staff at the Montresso Foundation*, for your ongoing trust and support. And finally, I would like to extend my heartfelt thanks to the following people, whose much needed encouragement has made this book possible : Alex Doppia, Alexis Ottenwaelter, Alicia Sauze, Amandine Pechiodat, Amaury Benech, Anne-Valerie Delval, Anthony Gutman, Arnaud de Saint Preu, Arnaud Gerard, Aymeric Mantoux, Basile Vezin, la famille Berthier, Brigitte Silhol, Bruno Eluard, Catherine Bernad, Cyril Kodjikian, Damien-Paul Gal, Diane Miassouamana, Dominique Barlaud, Fabrice Pernol, Felix Mundler, Franck Brody, la Galerie Artset, Gérald Levy, Guirec Mahe, Jeanne Crockett, Jean-Noël Chaintreuil, Jérome Dauchez, Jérome Lavaure, Jorge Alyskewycz, Judith Chatain, Laura Bernad, Laurent Dufay, Lucas Gozlan, Marie Noëlle Lamy, la famille Moussoki, la famille Nakarat, Nicolas Laugero Lasserre, Pierre-Paul Monnet, Sylvie Hodges, Thibault Saladin, Thomas Valier, Xavier Deffieux, and everyone whose encouragement and generosity contributed directly or indirectly to this book.

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LES GUERRIERS BANTU À TRAVERS LE MONDE

Amsterdam (Nederland) Asilah (Morocco) Athens (Greece) Aulnay-sous-Bois (France) Avignon (France) Azemmour (Morocco) Bali (Indonesia) Bangkok (ThaĂŻland) Barcelona (Spain) Berlin (Germany) Brazzaville (Congo) Bristol (UK) Bruxelles (Belgium) Choroni (Venezuela) Goree (Senegal) Istanbul (Turkey) Libreville (Gabon)

Marrakech (Morocco) Miami (USA) Moroni (Comoros) New York (USA) Paris (France) Porto (Portugal) Rio de Janeiro (Brazil) Saint-Ouen (France) Saint-Petersbourg (Russia) Saint-Remy-de-Provence (France) San Paolo (Brazil) San Peire (France) Strasbourg (France) Tanger (Morocco) Val Thorens (France) Vernazza (Italy) Vitry-sur-Seine (France)

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Préface

Kouka ou l’insurrection de la bienveillance

En installant ses Guerriers Bantu là où on ne les attend pas, dans les rues de nos villes, sous les ponts de Brazzaville, sur l’île de Gorée, Kouka pose un acte à la fois artistique et politique. Il nous oblige à regarder la réalité du métissage, d’une société en crise identitaire qui doit se réconcilier avec elle-même. Il utilise une contre-culture, un instrument, le graffiti, qu’il a appris durant ses années de la rue : violenter, forcer le regard, l’obliger à ne pas se détourner pour recevoir le message, le cri. Avec ses guerriers, Kouka interpelle l’homme blanc comme l’homme noir. Il les renvoie dos à dos. Il a su faire de sa blessure un message et de son message une création artistique. Kouka s’est découvert métis dans le regard des autres. Sa jeunesse, issue des eaux mêlées d’une famille d’artistes français, tel que son grand-père, le peintre Francis Gruber, et congolais, comme son père conteur et chanteur, était toute de tolérance. Sa mère comme son père ont fait le choix d’une vie de création. Ils croyaient en un monde meilleur, à l’humanité demain réconciliée par l’inexorable progrès de l’histoire.

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La violence à laquelle fait face le métis, il l’a rencontrée aux Beaux-Arts à Avignon, dans la recherche de ses premiers jobs et aussi dans le regard des Africains qui voyaient en lui un petit Blanc. Bref, l’enfant adoré des siens s’est découvert étranger sur la terre. D’où des années de révolte, d’errements de squats en squats, ivre d’inscrire son nom, son graffiti, sur les murs pour se prouver qu’il existait. Mais, vite, la révolte s’est faite combat positif. Aux Blancs, qu’il confronte à l’image originelle du Bantu, il dit que les Noirs sont là, dans leurs villes, derrière leurs murs, au détour de leurs rues. Au cœur de Paris, à République, comme un symbole évident, il a couvert un immeuble d’un guerrier peint sur chaque fenêtre, images magnifiques et obsédantes d’une vérité. Aux Noirs, il crie avec autant de force qu’une identité commune existe au delà du modèle occidental dominant et que la fierté de soi est un rempart contre le rejet, l’assimilation et la soumission. Et l’artiste qu’est Kouka témoigne de son double message en peignant ses guerriers avec autant de blanc que de noir. Cette violence n’est jamais haine. Il suffit de croiser le regard de Kouka pour comprendre que, bien au contraire, il a une cause, un rêve : réconcilier les hommes par l’acceptation des

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singularités, condition essentielle pour avancer vers une société de bienveillance. Ce que disent ses guerriers, c’est que la différence est omniprésente, qu’elle est richesse, qu’elle est puissance collective. Qu’en regardant cette réalité en face, avec fierté et tolérance, on peut retrouver un sens et devenir meilleur. Exprimant autrement le rêve de ses parents, Kouka affirme l’unité et la foi en l’homme. Mais, pour cela, il faut balayer le mur de préjugés et d’indifférence qui étouffe cette part d’idéalisme qui vit encore en chacun de nous. Ses guerriers sont les combattants de cet idéal. Peut-être ce livre viendra-t-il prolonger cette démarche dans un nouveau cycle de création ? Peut-être le fermera-t-il ? Car ceux qui ont eu la chance de voir les œuvres de Kouka d’avant les guerriers, ses Christs, ses enfants perdus, savent que, derrière le message créatif et politique, un artiste puissant et singulier est là, prêt à donner une immense mesure.

Frédéric Salat-Baroux

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L’ENFANT BLAM, ACRYLIC ON POSTER, 100X150CM (2010)

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Préface

The Uprising of the Kindhearted

By painting his motif of the Bantu Warrior in unexpected place — on city walls, under bridges in Brazzaville, or on the Island of Gorée — Kouka is making both an artistic gesture and a political statement, a reminder of the multicultural reality of the world we live in, of a society in the throes of an identity crisis and struggling for reconciliation. His instrument of choice, the language of counterculture, of graffiti drippings honed during the street art era, is wielded like a visual onslaught, holding the viewer’s eye by force — and voicing an inexorable scream. Our whiteness or blackness is challenged by Kouka’s warrior motif, and then roundly dismissed. From his own wounds, he has managed to shape a message ; and from his message, an art form. Kouka discovered his multiracial identity through the eyes of others. Born into a family of French and Congolese artists — his grandfather was the painter, Francis Gruber, his father a storyteller and a singer — his childhood was marked by a spirit of tolerance. His mother and father both chose to work in the arts.

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They believed in a better world, in the reconciliation of future generations through the inevitable progress of history. He would first encounter the violence of racial discrimination at art school in Avignon, and later, again, when he started looking for work. But it could also be read in the eyes of Africans, who saw him as a little white boy. In short, the beloved son of a nurturing family found himself alone, a stranger on earth. Hence the years of rebellion, of drifting from one squat to the next, bent on writing his name of a wall, as if graffiti were proof of his very existence. From his struggle during those years, a positive message rapidly emerged. His primordial image of the Bantu Warrior impels white people to open their eyes — black people are there, in city streets, behind city walls. In a vacant building near the Place de la RÊpublique, he symbolized this truth with magnificent and haunting images of warriors painted in all the windows. His message to black people is equally clear : a greater identity is shared by all, above and beyond the dominant Western model ; self-esteem is the only bulwark against alienation, assimilation, or submission. His message is conveyed through his art, through warriors painted

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with equal amounts of white and black paint. It is a message of violence but never of hatred. You can see it in his eye. Kouka has a dream, he is fighting for a cause : to bring people together through the acceptance of individuality, a prerequisite for advancing towards a better world. His Bantu Warriors tell us that differences are out there, all around ; they are a strength and a collective force. By squarely acknowledging this truth, by taking pride in it and accepting it, we are reminded that we can improve ourselves and give meaning to the world. Voicing his parents’ dream but his own way, Kouka acknowledges his faith in the unity and integrity of humankind. But first, the walls of prejudice and indifference, closing off our better selves, need to be torn down. His Warriors are fighting for an ideal. Perhaps a new creative cycle exploring similar themes will emerge from this book.

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Or perhaps it will come to a close… Either way, it’s not important, because those of us familiar with Kouka’s earlier works — his Christ series, and his lost children — are aware that, beneath the creative and political message is an immensely talented and original artist ready to make a change.

Frédéric Salat-Baroux

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FOLLOWING PAGE : CARREAU DU TEMPLE, PARIS (FRANCE), « ALSO KNOWN AS AFRICA » (AKAA), 2017

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Le Guerrier Bantu, c’est Kouka, c’est moi, c’est vous, c’est chacun de nous

Un jour, l’étranger est apparu au milieu de nous, dans nos villes, sur nos murs, sur nos palissades, sur les fenêtres d’un hôtel squatté. Une armée de l’ombre a soudain surgi, composée d’hommes identiques et pourtant singuliers. Des hommes fiers et mystérieux, hors de notre temps, hors de notre monde. Nous avons admiré leur prestance et leur noblesse, mais nous avons été dérangés, inquiétés, déstabilisés par leur présence fantomatique. Peut-être même avons-nous eu peur. Peur de l’inconnu, peur de l’étranger, peur du mystère, peur de l’autre, comme toujours. Et puis nous avons peu à peu compris que cet autre, c’était nous-mêmes, que c’est de nous que nous avions peur, et de cette angoisse qui naissait en nous à nous retrouver face à nous-mêmes. Et nous nous sommes posés, et nous avons pensé.


The Bantu Warrior, this is Kouka, this is me, this is you, this is each of you

One day, a stranger’s face showed up in the city, on its walls and fences, and in the windows of a hotel that had been occupied by squatters. An army of shadows appeared overnight, ranks of identical yet singular men. A proud and mysterious people from another era and another world, whose noble and imposing bearing was both impressive and disturbing, whose ghostly presence filled us with a sense of alarm and disquiet, perhaps even dread. A fear of the unknown, of strangeness and mystery. A fear, as usual, of what is perceived as being different. Then, it slowly dawned on us : the difference was a likeness, the dreaded stranger a double — the gnawing fear that emerges when confronted with one’s self. And this gave pause for thought.

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Les Guerriers Bantu de Kouka, figures rapidement tracées en peinture noire et blanche, nous posent des questions liées à leur identité africaine, et d’autres quant à leur statut d’homme universel. Une première lecture nous parle d’Afrique, d’esclavage, d’exotisme et de colonialisme, de leur fierté noire et de notre culpabilité refoulée, et c’est peut-être ce qu’ils furent au début. Kouka a peint les premiers dans un bâtiment qui leur donnait tout leur sens, ruines d’un centre supposé honorer la civilisation bantoue, qui n’ouvrit jamais ses portes et servait alors à l’entraînement des militaires français stationnés à Libreville. On y est passé des taches informes de paintball des marsouins de la Françafrique à des images murales de guerriers : ceux-ci ont repris possession de ce lieu inachevé, détourné, qui avait échoué à préserver la mémoire de son peuple, et ils ont sublimé ce désir de mémoire, se le réappropriant. Puis, sortant d’Afrique, les Guerriers Bantu ont proliféré sur quatre continents : au Brésil et au Vénézuela, ils évoquent aussi les ancêtres africains, la mémoire de la traite, mais ils sont là les supports d’autres projections, les relais d’autres histoires complexes. À Miami ou à New York, ils participent de la même histoire esclavagiste, mais deviennent plus universels. En Europe, dans les anciens pays coloniaux, ils restent chargés d’histoire, mais prennent une stature plus forte, une dimension plus large, avec aussi la glorification de nos origines communes, le souvenir enfoui de nos ancêtres africains. Et comment s’adaptent-ils aux regards à Saint-Pétersbourg, à Istamboul, à Bangkok ou à Bali ? Leurs identités deviennent multiples. On est toujours le Noir d’un autre, le Juif d’un autre, étranger et indigène à la fois. Ces Guerriers Bantu ne peuvent être réduits à une seule facette, à un parti-pris, à une communauté ; ils transcendent leurs origines africaines, sans les renier, pour devenir universels. Plutôt que des conquérants d’empire, des combattants pour une cause, ce sont des gardiens, des sentinelles, des protecteurs, ils veillent sur la nature, sur le territoire, et sur la mémoire, ils nous incitent à ne pas oublier et à agir pour le bien commun. Est-ce là un message utopiste, niant les luttes, les conflits, les classes, les races ? Ce le serait peut-être venant d’un autre, mais Kouka, lui qui est d’ici et d’ailleurs, aussi bien là-bas qu’ici, affirme ainsi son métissage, son ambiguïté créative, son appartenance à deux cultures, son rôle (difficile, délicat, opiniâtre, audacieux) de passerelle, de transmetteur. Et il affirme aussi,


Rapidly executed in black and white, Kouka’s Bantu Warriors raise questions of both their identity as Africans and their universal status. First, they evoke Africa, and issues of slavery, exoticism and colonialism, of black pride and repressed guilt — unsurprisingly so, perhaps, given the fact that Kouka’s first Warriors were painted in a building meant to celebrate Bantu culture that had fallen into disuse. A cultural center, which never opened, it was being used at the time to train French troupes stationed in Libreville. The paintball splotches made by the French Marines had given way to wall paintings of Bantu Warriors who, by reclaiming the deserted site that had failed to preserve the memory of its people, transcended the need for remembering the past by repossessing it. From there, the Bantu Warriors were off, and they proliferated on other shores. In Brazil and Venezuela, they spoke of a common African ancestor and of the memory of the slave trade. However, the motif was open to other interpretations as well, the intermediary of other complex stories. In Miami and New York, the Warriors were part of the same story of slavery but were increasingly universal. In the former colonial countries of Europe, the figures remained steeped in history but seemed to have grown in stature, to have wider meaning. Yet, they still commemorated our common origins and the buried traces of our African ancestors. And how were they seen in St. Petersburg, Istanbul, Bangkok or Bali ? The Warriors have multiple identities : someone is always someone else’s black man or Jew, a figure both indigenous and alien. These Bantu Warriors cannot be reduced to a single facet, to a unique perspective or a unique community ; they transcend their African origins, without refuting them, to reveal a universal nature. They are neither the conquerors of empires nor the defenders of a cause. They are guardians, sentinels, and protectors. They watch over nature and the land. They are the keepers of memory, encouraging us to not forget and to act for the common good. Is it a pipedream, this message of rejecting struggle, conflict, class and race ? Perhaps, if the message were from someone else. But coming from Kouka, who has roots in two continents, who is at home both there and here, it is a way of affirming both his blackness and his whiteness, and the ambiguous status of his art form. He comes from two cultures and is a bridge spanning both

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de manière plus sourde, sa colère et son combat, pour rassembler et non pour diviser, pour sensibiliser plutôt que pour dénoncer. À ses yeux, le Guerrier Bantu, c’est lui, c’est moi, c’est chacun de nous, c’est l’homme universel. Fort et fragile, fier et vulnérable, ce protecteur est aussi un miroir où chacun de nous peut se regarder et accepter sa propre part de métissage, son ambiguïté, son universalité, son exil peut-être, ou son cosmopolitisme. Et l’artiste est toujours un étranger, où qu’il soit. Peindre sur les murs, le plus souvent illégalement, c’est déjà un discours politique, un défi à l’ordre établi. Le street art est toujours un surgissement dans la rue, une intrusion dans l’espace urbain, il s’impose dans nos villes comme une force tranquille. Et quand, dépassant l’esthétique formelle, il entre en résonance avec son contexte, quand il atteint une dimension de questionnement, de dérangement, quand il essaime et occupe nos esprits, alors sa dimension politique devient évidente. De plus, il est éphémère, il disparaîtra au gré des intempéries ou des chantiers : ne subsistera en nous que le souvenir de ces gardiens, qu’une trace de la mémoire qu’ils ont préservée, qu’une empreinte de ces combats. Ensuite, Kouka s’est en quelque sorte laissé dépasser par ses guerriers, ils ont pris leur autonomie et se sont démarqués de leur posture initiale. On en voit maintenant de dos, regardant au loin, devant eux et devant nous, nous montrant le chemin et nous protégeant, sans armes. On voit aussi des femmes guerrières, tout aussi fières et défiantes : leur regard nous perce, leur ventre est fécond, et leur peau est scarifiée d’inscriptions proclamant leur harmonie, leur beauté, leur universalité. Elles veulent être vues et entendues, et elles aussi nous protègent à leur manière. Avec elles, Kouka est passé de la rue à la salle d’exposition, du graffiti sur mur ou sur verre au bois sculpté et peint, de l’homme silencieux à la femme vocale, de l’immobilité en façade à l’installation dynamique. Ce métissage des formes artistiques, cette versatilité de l’artiste, sont un nouveau pas vers l’universel.

Marc Lenot

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— a challenging role that takes daring and determination. And he also affirms, in more understated tones, his anger, and his struggle to unite and not to divide, to raise awareness rather than denounce. In his view, the Bantu Warrior is himself. It is me, you and each of us. It is Universal Man, strong and fragile, proud and vulnerable. The protective figure is also a mirror into which we look to see ourselves as individuals, and to accept our own share of black and white, of ambiguity and universality, or marginalization and multiculturalism. And the artist, of course, is always an outsider no matter where he is. The act of painting city walls, most often illegally, has obvious political connotations. It is a challenge to the established order. Street art is always an intrusion, a violation of urban space. It takes on our cities with silent strength. And, the question of formal aesthetics aside, when it resonates within a given context to become a question or a disturbance, when it penetrates our minds and refuses to go away, then it has clearly taken on a political dimension. Moreover, it is short-lived. It will disappear at the whim of the elements or of a new building site : only the remembrance of these guardians, only a trace of the memory they stood for, only a shadow of the battles they fought for, will remain. In the end, the Warriors somehow overtook Kouka. They had gained their autonomy and differentiated themselves from their original stance. Today we see them from behind, their backs turned to us, looking away into the distance. They are showing us the way and protecting us ; they are unarmed. The Warriors are women, too, equally proud and defiant, their eyes looking straight at us, their bellies rounded with life, their skin scarified with symbols declaring the harmony, beauty, and unity of the world. They want to be seen and to be heard, and, in their own way, they are there to protect us as well. Through them, Kouka moved from the street to the gallery, from graffiti on city walls and surfaces to wood that is carved and painted, from the man who is silent to the woman who speaks out, from the stillness of facades to the mobility of installations. This mixing of art forms and the versatility of the artist is yet another step forward on the path to a world shared by all.

Marc Lenot

FOLLOWING PAGE : EAST SIDE GALLERY, BERLIN (GERMANY)

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THE BEGINNING



I had to start off somewhere That somewhere, for me, was this — The image that had been stuck to my skin without my having any say in the matter That right which made me a human being like any other

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BERLIN (GERMANY)

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Il t’arrivera souvent de croiser des graffitis sur les murs de ta ville. Si ton regard n’est pas encore aguerri à la beauté de leur graphie, alors tu n’y verras qu’un geste énervé, agressif peut-être, tel une présence qui survient dans ton champ de vision un peu trop rapidement et qui t’effraie de ne s’être pas annoncé. Il y a du défi dans ce geste tracé à la bombe, souvent de nuit, souvent dans des endroits réputés inaccessibles, hauts, visibles, symboliques. Mon Guerrier Bantu est né de cette même intention de défi et de provocation. Les circonstances étaient favorables, le contexte inspirant et j’étais dans une disposition d’impulsivité qui fait tout oser.

Graffiti is regularly encountered on the walls of our cities. Yet if our eye is not used to the beauty of the written form, we only see the anger, and perhaps even the aggressiveness, of the act itself, like an uninvited and unsettling image unexpectedly entering our field of vision. The lines traced in spray-paint, oftentimes at night and high in the air in what appear to be inaccessible locations, are visible, symbolic — and defiant. My own Bantu Warrior emerged out of an identical spirit of defiance and rebelliousness. The time and place were right ; I was inspired, in the impulsive state of mind so conducive to risk-taking.

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Un jour, je suis tombé sur des images de livres anciens trouvés dans une bibliothèque. Un peu vieillies, en noir et blanc, elles montraient cet homme, vêtu de son pagne, armé de sa sagaie. La photo qui datait de la fin du XIXe siècle était légendée « Guerrier Bantu »... Ces Hommes ont donc bel et bien existé. En langue Kikongo, «  Bantu  » signifie «  les hommes  », autrement dit « L’Humanité ». Je me retrouvais donc face aux « Guerriers de l’Humanité ». Pour l’Histoire, ce terme, «  Bantu  » allait devenir un nom générique qui désignerait les peuples d’Afrique centrale et australe et plus précisément, un ensemble de langues parlées par les diverses populations de ce même espace géographique. C’est cette incohérence qui confondait l’Homme avec une classification linguistique ou ethnologique qui m’a touché. Le Guerrier Bantu était autre chose qu’une image pittoresque, qu’un fantasme de l’Africain indigène. J’ai décidé de le réhabiliter dans son statut d’humain en le peignant en noir et blanc sur les murs, comme un graffiti en forme d’homme ou de femme. Je choisis de l’appeler « Guerrier Bantu ». Ce personnage noir devenait mixte du fait de ces deux couleurs. Il portait son histoire passée et témoignait de celle, difficile, en train de se faire. Sous mon pinceau, il conciliait le noir et le blanc.

One day, as I leafed through some old volumes picked up in a library, I came across the faded, black-and white image of a man in a loincloth, holding a spear. The photo, which dated from the late 19th century, bore the caption “Bantu Warrior.” The existence of such a people was a revelation of sorts. “Bantu” in Kikongo means “the people,” or, in other words, “humanity.” So the images before me were pictures of “humanity’s Warriors.” Over time, the word “Bantu” had become a generic term designating the ancestral populations of Central and Southern Africa and, more specifically, the family of languages spoken by the Bantu people throughout SubSaharan Africa. I was struck by the incongruity of conflating “the people” with a linguistic or ethnographic classification. The Bantu Warrior was more than a picturesque image, than a fantasy of the African native. The Warrior was a human being — whose standing I decided to reinstate. I would cover walls with black and white graffiti of both men and women. My motif would be called “the Bantu Warrior.” The figure of the Black man would be painted with white and black. It would tell of both past stories and of the ones in the making with their many difficulties, reconciling issues of black and white in one fell painterly gesture.

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Reconciling issues of black and white in one fell painterly gesture.

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CICIBA J’ai peint mon premier Guerrier Bantu, en 2008 lors d’un voyage au Gabon, dans un quartier de Libreville où j’ai découvert un lieu immense et complètement à l’abandon : le CICIBA (Centre International des Civilisations Bantu), initialement dédié à promouvoir la culture et la préservation du patrimoine Bantu. Ce centre était abandonné et ne servait plus qu’à l’entraînement de militaires français en Afrique. Quelle coîncidence  ! En peignant un guerrier qui reprendrait possession de son territoire, je voulais redonner à ce lieu sa fonction de préservation des mémoires. Je déambulais au milieu de ces murs abandonnés où la végétation commençait à reprendre le dessus. J’avais trompé la vigilance des gardiens et réussi à apposer ce qui allait être ma marque sur le continent africain. C’était comme si j’avais rencontré un lieu et, dans ce cadre particulier donné un sens possible à la présence du Guerrier Bantu. Ce fut le berceau symbolique de ce premier geste de provocateur.

I painted my first Bantu Warrior in Gabon in 2008, while exploring the districts of Libreville... I had come across an enormous vacant building, known as the CICIBA (Centre International des Civilisations Bantu), which had originally been built for the promotion and preservation of Bantu culture, The center was entirely abandoned, used only for French troupes stationed in Africa to train. Talk about a twist of fate ! I painted my first Warrior to recapture what used to be his, to restore the building’s original function as a place for the conservation of memories. I managed to make it past the guards, wandered the vacant premises overgrown with vegetation, to make what would be my first mark on the African continent. It was an encounter : the site and the motif of the Bantu Warrior had come together in that specific context and opened up a world of possibilities. My first artistic act of defiance emerged from that symbolic encounter.

CICIBA (CENTRE INTERNATIONAL DES CIVILISATIONS BANTU) LIBREVILLE (GABON)

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CICIBA (CENTRE INTERNATIONAL DES CIVILISATIONS BANTU) LIBREVILLE (GABON)

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LA SIRÈNE DU FLEUVE CONGO J’ai peint une guerrière, gardienne de l’eau, près du fleuve Congo, sous le pont du Djoué à Brazzaville. Je fus surpris de voir qu’à la place des félicitations ou des interrogations artistiques que je recevais habituellement, je n’eus en retour qu’appréhensions et craintes. Quel était ce personnage de leurs origines apparu pendant la nuit ? La silhouette étaitelle bénéfique ou maléfique  ? Elle reçut dès le lendemain de son apparition, des offrandes et des visites. J’avais provoqué des réactions que je n’avais pas su anticiper.

THE SIREN CALL OF THE RIVER CONGO I painted a Warrior, the river guardian of the Congo, under the Djoué Bridge in Brazzaville. Surprisingly, instead of the usual enthusiasm or questions about my art, the image stirred up misgivings and fears. Who was that ancestral figure that appeared during the night ? Was it a sign of good or evil ? People visited the sight and began to leave offerings the minute it appeared. I had set off a chain reaction I had been unable to anticipate.

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PONT DU DJOUÉ, BRAZZAVILLE (CONGO)

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KOUKA ON THE GRAVE OF HIS GRANDFATHER, BRAZZAVILLE (CONGO)

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DE L’AUTRE CÔTÉ DE L’ATLANTIQUE Je voulais imposer au monde ce nouveau visage, représenter ce peuple premier et oublié, revendiquer sa mémoire. Je voulais mieux comprendre comment son pouvoir d’interaction s’adapterait à de nouvelles contrées, à de nouveaux regards. Je voyageais au Brésil, au Vénézuéla. Je nouais des liens, conversais avec les locaux qui m’aidaient à trouver les propriétaires des murs qui m’intéressaient. J’obtenais l’autorisation de peindre. De véritables chaînes humaines se mettaient parfois en place pour cela. Ce respect pour les murs, les explications sur ce que je voulais en faire et ce à quoi j’aboutissais, démultipliaient les occasions de rencontres. Pas de barrière de la langue, c’était le guerrier qui faisait la rencontre. Quand les peuples d’Amérique du Sud l’ont découvert sur leurs murs, ils se sont exclamés : « mais c’est moi, ce sont mes ancêtres ! ». Je compris alors, au contact des habitants qui étaient touchés de s’y reconnaître, que le véritable pouvoir du guerrier résidait dans le fait qu’il était une figure internationale : il appartenait au peuple Bantu qui, au fur et à mesure des siècles, s’était étendu jusqu’à recouvrir le monde à partir de son berceau africain. Les Bantu avaient été plus tard, déportés dans les Amériques par les marchands d’esclaves... Oui les peuples métissés d’Amérique latine étaient en partie réellement issus de Bantu et oui, le guerrier Bantu était leur ancêtre. Parler de lui, c’était donc parler de ce qui fondait leur identité. C’était lors de mes premiers pas sur ce continent lointain qu’ils devinrent enfin une figure universelle. Le Bantu, c’était plus que l’Afrique, plus que moimême… C’était chacun de nous, d’où que l’on soit. Ni blanc ni noir, ou blanc et noir, il me permettait aussi de résoudre un pan de mes questionnements sur l’identité. Une réconciliation possible produite par le métissage, l’idée d’une origine commune qui crée des ponts entre les cultures. Je le peignais alors en utilisant avec d’autant plus de détermination le blanc et le noir.

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RIO DE JANEIRO (BRAZIL)


ACROSS THE OCEAN I wanted his face to be seen around the world, to stand up for that forgotten ancestral people, to revive its memory. I wanted to get a better sense of his ability to interact, to adapt to new regions and new perceptions. I traveled in Brazil and Venezuela, where I made new friends and talked to locals who helped me track down the owners of the walls I was interested in. I was given permission to paint. Genuine human chains sometimes formed to help. My regard for the walls, discussions about what I wanted to do with them and about the outcome itself allowed me to meet a lot of people. Language wasn’t a barrier. The Warrior made the meetings possible. When the indigenous peoples of South America saw him on their walls, they would exclaim excitedly, “that’s me, those are my ancestors !” These exchanges with locals, who recognized themselves in the images, led me to realize that the Warrior’s real power was derived from his being part of a people who, over the centuries, had spread from their birthplace in Africa to the rest of the world. Bantu populations had later been deported by slave traders to America, so yes, the mestizo peoples of Latin America were actually part Bantu. And yes, they were the descendants of the Bantu Warrior. To talk about him was tantamount to talking about what made them who they were. As I took my first steps on this far-off continent, my Warrior became a universal figure. The Bantu Warrior was more than just Africa, more than just myself… It was each and every one of us, regardless of where we were from. Neither white nor black, nor white and black. He allowed me to resolve some of my own questions about identity. Reconciliation was possible through the fusion of peoples, through the idea of a common origin spanning all cultures. I painted him in white and black, more determined than ever.

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CHORONI (VENEZUELA)

PREVIOUS PAGE : SANTA TERESA, RIO DE JANEIRO (BRAZIL)

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SAO PAULO (BRAZIL)

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Rio de Janeiro (Brazil)

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The idea of a common origin spanning all cultures

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BRUXELLES (BELGIUM)

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AVIGNON (FRANCE)

EAST SIDE GALLERY, BERLIN (GERMANY)

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PARIS (FRANCE)

PREPARATION OF PASTE-UP BEFORE STREET INSTALLATION

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RÉPUBLIQUE Le métissage… C’était ce qui était à l’œuvre dans ce squat parisien proche de la place de la République. Je voulais rendre visibles des mondes qui ne se côtoient pas, établir des ponts entre l’univers de ce squat et le public. Des dizaines d’artistes, comme moi, avaient élu domicile dans un bâtiment abandonné : le château Albatar. Je faisais partie de ce premier groupe d’artistes à y installer mon atelier. Les cultures se côtoyaient et le lieu fut bientôt connu pour ses soirées underground. Il y avait là une vie de liberté et d’expression, mais il y avait aussi une vie de misère et de précarité qui rendait les rapports parfois agressifs. J’évoluais parmi ces talents et les exclus de la société qui s’y mélangeaient. Révolté et résigné à la fois je souhaitais faire savoir à tous ceux qui passaient devant ce bâtiment très central dans Paris, qu’il y avait là une vie, qui échappait à leurs regards peut-être, mais qui foisonnait. Avec cette force et cet entêtement que procure la colère qui n’a rien à perdre, j’entrepris de peindre une à une les soixante-dix-sept fenêtres que comptait ce bâtiment. Un guerrier par fenêtre, qui me demandait de tenir en équilibre, une moitié du corps dans l’immeuble, l’autre dans le vide, forçant les écrous des fenêtres pour parvenir à les ouvrir afin de les peindre de l’extérieur. Le plus dur n’avait pas été la performance physique, avec tout le labeur qu’elle comportait, mais à chaque étage, pour chaque fenêtre, les discussions souvent ardues avec ceux qui occupaient les lieux. Je traçais ma signature sur le bâtiment : «  Kouka  », revendiquant ainsi, sans peur de représailles, cette défense de la vie artistique qui se jouait là-bas. Le guerrier, ainsi reproduit montrait la vitalité du lieu et le protégeait. Je savais, à la disparition du squat, qu’il resterait là, avec son armée, encore quelque temps, mémoire d’une époque révolue et trace de lui-même. Le guerrier protecteur et son reflet devinrent une passerelle entre le monde du dedans et celui du dehors, abolissant tout jugement et invitant chacune des deux parties à se confronter l’une à l’autre. Les habitants du quartier connaissent le squat car il était rendu visible, ce qui avait accru les échanges avec les occupants du lieu. Une mutuelle découverte qui avait permis de rendre les regardants, à leur tour, métis.

PREVIOUS PAGE : CHÂTEAU D’ALBATAR, PARIS (FRANCE)

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REPUBLIQUE Métissage, a cultural mix… That’s what was going on in that squat in Paris near the Place de la République. I wanted to reveal similarities between worlds that don’t normally overlap, to build a bridge between the squatter’s world and that of the public. Dozens of artists like me had taken up residence in an abandoned building known as the Château d’Albatar. I set up my studio in the early days. It was a cultural melting pot. The space quickly made a name for itself in the underground party scene. Freedom and creativity were a way of life there. But poverty and insecurity could tinge relationships with violence, too. I lived there among that group of talented people and social outcasts. I was both angry and resigned. I wanted everyone who walked by that building in central Paris to realize there was life inside those walls. Perhaps they couldn’t see it, but the place was teeming with life. With the strength and determination that comes from anger, from that which has nothing to lose, I proceeded to paint one by one all of the building’s seventy-seven windows : I cut through the bolts, forced open the windows and then, one Warrior at a time, my body half in the building, half hanging in empty space, I painted the outside. The hardest part wasn’t physical, despite my exertions. It was the discussions, often difficult, with the building’s occupants on each new floor and with every window. I traced the letters of my name, “Kouka,” on the façade of the building, unafraid of reprisals, voicing my support of the creativity flourishing within those walls. The Warrior’s likeness reflected the vitality of the squat and, at the same, time protected it. I knew, once the squat was evacuated, the Warrior and his army would remain a while longer, a reminder of the past and a record of its own existence. The Warrior talisman reflected in the windows was a bridge between the squatters and the city-dwellers, an invitation to set aside judgments and to meet face to face. The building’s newfound visibility led the residents of the neighborhood to exchange more often with the inhabitants of the squat, a mutual discovery promoting an even greater cultural blend.

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PARIS (FRANCE)

WORK IN PROGRESS, CHÂTEAU D’ALBATAR, PARIS (FRANCE)

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THE MIRROR



“Art is about awakening of our obsessions” Sony Labou Tansi

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C’était comme si la colère ne m’avait plus quitté. Elle allait m’aider à poursuivre mon expansion et à trouver en moi des ressources insoupçonnées de puissance et en même temps d’humilité. La colère est pour moi un profond moteur du changement que je voudrais voir dans le monde.

It was as if I had never stopped being angry. Anger would help me to continue to develop and to find unsuspected inner resources. After the squat was shut down, I kept on painting the Warrior, declaring freedom and the vision of a multicultural society in which differences could converge. Night after night I would wake up, driven by the urge to cover walls with paint or collages. I was a Warrior at night. 76

Depuis l’expulsion du squat, je ne m’arrêtais plus de peindre le guerrier. Revendication d’une vie, d’une liberté, de sa conception d’une vie métissée où les différences pouvaient converser. Je passais des nuits à me réveiller, pris d’une nécessité, pour peindre ou coller. C’étaient mes nuits de guerrier.


On se confondait un peu tous les deux, si bien que les gens qui me croisaient me disaient : « c’est toi le guerrier ? ».

I was so like the Warrior that people who ran into me would say, “So it’s you ! You’re the Warrior !” 77


LE M.U.R., ARROMANCHES-LES-BAINS (FRANCE)

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QUAI ANATOLE FRANCE, PARIS (FRANCE)

FOLLOWING PAGE : CENTRE FGO BARBARA, PARIS (FRANCE)

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Bonjour, Excusez moi, j’ai subitement tenté de joindre la galerie NHCP, en pensant innocemment vous y trouver. Vous avez peint une guerrière en passant sur ma terrasse et en utilisant mon échelle. Je pèse mes mots, je ne prétend même pas détenir les murs de cette terrasse, et croyez bien que j’admire profondément votre art du dessin. J’ai la vingtaine et depuis quelques mois je traverse une période sombre, bien qu’ayant fait des études, je ne trouve pas ma place. Je ne sortais plus de chez moi, vivais la nuit et dormais le jour, il me semble que je vous ai entendu la nuit où vous êtes passé, mais je n’ouvrais plus les volets. Votre dessin m’a inspiré du courage et qu’il fallait finalement rester vivant et se redresser. Si vous passez rue de la grange aux belles, au 21, n’hésitez pas à me contacter au 0623853250. Je serais très heureux de vous rencontrer. Reda

Hi, Sorry, I decided on the spur of the moment to call the NHCP gallery, naively imagining I’d find you there. You painted a Warrior from my terrace, and you used my ladder too. I say this knowingly — I don’t even pretend to own the wall off of my terrace and, believe me, I am a great admirer your skill as a draftsman. I’m in my early twenties, and for the past few months I’d been in a pretty dark place. I’d finished my studies but still hadn’t found my place in the world. I’d stopped leaving my apartment, was staying up nights and sleeping during the day. I’m pretty sure I heard you that night, but I’d stopped opening the shutters. Your drawing inspired me with courage, it persuaded me that I needed to stay alive after all, to pull myself back up. If you are ever at Rue de la Grange aux Belles, number 21, feel free to call me at 0621345689. I’d be very happy to meet you. Reda

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Email received on 27 march 2014


PARIS (FRANCE)

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TANGER (MOROCCO)

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ATHENS (GREECE)

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KOUKA, IN HIS STUDIO

NIKAIA, ATHENS (GREECE)

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Night after night I would wake up, driven by the urge to cover walls with paint or collages.

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PARIS (FRANCE)



Azemmour (Morocco)

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VITRY-SUR-SEINE Poursuivant cet élan, je répondis à l’invitation de l’artiste C215, qui me proposait d’investir un mur dans la ville qui était devenue son domaine : Vitry-sur-Seine. Je saisis l’opportunité qui allait me permettre d’élargir mon territoire, mais surtout de délivrer un message en l’amenant à ceux qui ne fréquentaient pas forcément les galeries d’art. C215 me mit en contact avec l’organisme HLM « Paris Habitat », qui me proposa deux murs immenses, se faisant face l’un à l’autre. Ils faisaient plus de quarante mètres de hauteur, 10 étages. Pour la suite, je devais me débrouiller. Après avoir démarché et trouvé un partenaire de nacelle, quelques jours plus tard, par grand froid, je montais. C’était le 5 décembre 2013, jour de la mort de Nelson Mandela. En deux jours, par souci d’économie de temps et de moyen, je représentais deux immenses guerriers, un de face, l’autre de profil, à même le mur, au rouleau, sans recul, à l’aide d’une perche tendue et portée à bout de poignets. La performance était à la fois physique et artistique tant le recul pour distinguer quoi que ce soit à cette distance, et le temps me manquaient. Je me suis autorisé à descendre deux fois, pour rencontrer les habitants des immeubles. Certains saluèrent la prouesse. D’autres m’insultèrent en me hurlant que c’était laid et que c’était bien facile de peindre ainsi, mais que ç’allait être eux, les habitants qui devraient tous les jours vivre avec ça. Quoi qu’il en soit, je tenais à montrer le guerrier dans sa puissance, malgré sa nudité, conscient de ses faiblesses et de sa vulnérabilité, mais droit, fier et sans honte. Je crois que c’est ce courage que la confrontation avec le public m’a apporté. Ce qu’il voyait quand il disait se reconnaître en lui ou ce qu’il rejetait de cette image se situait au-delà des origines communes ou divergentes. Pour certains le Guerrier était protecteur, pour d’autres il était dangereux. Il paraît que l’on a tendance à voir chez l’autre les qualités ou les défauts que l’on a soi-même…

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Inspired by that turn of events, I accepted an invitation from the artist C215, who asked me to do something on a wall in the town where he did most of his work, Vitry-sur-Seine. I jumped at the chance, which would allow me to expand my territory but, above all, to deliver a message to people who don’t necessarily spend time in art galleries. C215 put me in touch with the public housing organization “Paris Habitat”, which gave me permission to work on two enormous, opposite-facing facades. The were over forty meters high. Ten stories ! After that, I was on my own. I asked around and found a sponsor. A few days later, in the freezing cold, I was up on the façade cleaning platform. It was December 5, 2013, the day Nelson Mandela died. Within the space of two days, to save time and money, I depicted two enormous Warriors, one from the front, the other in profile, painted directly on the wall with a roller stuck to the end of a long pole that I had attached to my wrists ; I was unable to step back to see what I was painting. It was both a physical and artistic achievement. For one thing, I had no way of making out anything from such a distance. And for another, I didn’t have enough time. I allowed myself a break only twice, to talk to the people who lived in the building. Some were impressed, others insulted me, shouting it was hideous, that it was fine for me to paint such stuff, but they were the ones who would have to live with it. Be that as it may, I was determined to show the Warrior’s power despite his nudity, conscious of his weakness and vulnerability, but tall, proud and unashamed. I think that I found strength in my confrontation with the inhabitants. Their identification with the image of the Warrior, or their rejection of it, was more than a question of our common and divergent origins: for some people the Warrior was a source of protection, for others it was a source of danger. Apparently, we tend to see our own qualities and shortcomings in other people…


VITRY-SUR-SEINE (FRANCE)

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BALAKOIS, ACRYLIC ON CANVAS, 116X89CM (2014)

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AULNAY-SOUS-BOIS Le guerrier était un miroir. Et c’était bien à force de le regarder que l’on pouvait accepter sa part de métissage, ou bien la rejeter. D’un côté un monde en mouvement, vivant, mélangé ; de l’autre, un monde qui continuait d’affirmer ses frontières. J’apprenais que nos cultures revendiquées créaient souvent cette barrière entre nos différences. Alors je me mis à clamer « no culture » en lieu et place de « no future ». Pour moi, c’est en changeant nos regards et en dépassant nos cultures discriminantes que nous pouvions, au contraire, créer un futur commun. Des racines de vie à répandre sans revendication de territoire. Pour moi, désormais, l’Art c’était cela. Je m’attaquais à un château d’eau promis à la destruction, à Aulnay-sous-Bois. Encore une construction abandonnée qui avait été là depuis des années, témoins de cette vie en perpétuelle mutation. J’avais signé l’arrêt de mort de la peinture des guerrières en leur donnant vie : le château d’eau fut bel et bien détruit peu de temps après. C’était le jeu et je le savais à force d’avoir répété le geste du graffeur qui agit au nom de l’éphémère. Je me fis une raison en intégrant cette fragilité à la force de mon personnage qui n’en était que plus humain. Fort et fragile, grand et vulnérable. En acceptant sa liberté, j’acceptais sa fragilité. Il pouvait disparaître par manque de soin, vandalismes ou à cause des intempéries. Comme chacun de nous. S’en aller comme un humain, et non plus comme une représentation artistique ou une œuvre culturelle protégée par ceux qui seuls s’y reconnaîtraient.

The Warrior was a mirror image. As such, you really had to look at him, either to accept him or reject him, as the reflection of all peoples and cultures. On the one hand, he stood for a vibrant and ever-changing world in constant flux ; on the other, he represented a world continuing to build up its borders. I had come to learn that the barriers that differentiated us were often the result of our respective cultures. And so, “no culture,” instead of “no future,” became my new mantra. For me, the way to building a future together meant changing our outlook and moving beyond the discrimination of culture ; it meant spreading life-affirming roots with no claim to territory. This was what art now meant to me. I decided to take on a water tower slated to be demolished in Aulnay-sous-Bois, another abandoned building that had been there for years, evidence of the ever-changing nature of the world. The images of the warriors that emerged were sentenced to death by my hand, as well : the water tower was demolished shortly afterwards. But I knew well it was part of the deal. My actions as a graffiti artist, dedicated to making works here today and gone tomorrow, had taught me to accept the fleetingness of things, a vulnerability I imparted to my Bantu Warrior to make his message even stronger — because more human. Strong and fragile, tall and vulnerable. To enjoy this state of freedom means being exposed — to lack of care, vandalism and even bad weather. My Warriors would pass, like human beings, no longer as an artistic image or work protected by an elite group of admirers.

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AULNAY-SOUS-BOIS (FRANCE)

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The Warrior was a mirror image As such, you really had to look at him, to accept him 101


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Destruction of the water tower, Aulnay-sous-Bois (France)

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MORONI (COMOROS)

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PORT OF MORONI (COMOROS)

BANGKHEN (THAILAND)

BANGKHEN (THAILAND)

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BRAZZAVILLE (CONGO) Quelques années plus tard, je revins à Brazzaville peindre une guerrière similaire à celle du bord du fleuve Congo, au centre culturel Sony Labou Tansie. Elle fut très rapidement effacée. Le directeur du centre m’expliqua que les superstitions étaient allées bon train sur ce personnage qui était apparu et qui rappelait celui de la rivière. Le sorcier créateur de ces figures avait dû revenir pour oser ainsi faire apparaître la guerrière magique du fleuve, «  la sirène du fleuve » disaient-ils. Pour conjurer l’éventualité d’un sort, la guerrière du centre avait dû être effacée, mais personne n’avait osé aller jusqu’au bout. La retirer risquait de porter malheur à celui qui en prendrait l’initiative. Elle disparut donc progressivement, avec discrétion. Petit bout par petit bout. C’est comme cela qu’après quelques mois de cache-cache avec l’esprit de la guerrière, on ne put bientôt distinguer que le bout de sa sagaie. Il aurait été sacrilège d’aller jusqu’à la faire disparaître totalement. Je m’en amusais et loin de comprendre la leçon, recommençais sur un bateau rouillé, échoué sur le fleuve, protégé, gardé par les militaires. Ils furent prompts à réagir. Pour moi, c’était un support abandonné. Pour les militaires, une de leur propriété. Comme ils comprirent bien vite que nul Congolais ne se risquerait à effacer la figure, compte tenu de son pouvoir peut-être magique, j’eus comme sanction l’obligation de la faire disparaître, ce qui loin de calmer les esprits, les attisa encore. Dans la ville, les guerrières du bord de fleuve et celle du centre culturel étaient devenues un sujet de conversation.

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A few years later, I returned to Brazzaville to paint a warrior, similar to the one I had painted on the banks of the Congo, at the Sony Labou Tansie Culture Center. The image was quickly wiped out. The director of the cultural center told me superstitions had spread about the new image, so like the earlier one down by the river. The sorcerer-creator of the figures must have returned to conjure up the powerful river warrior, “the river siren,” they called him. To ward off an eventual hex, the new warrior had to be removed but no one dared erase him entirely. It might bring bad luck to whoever dared to do so. The image therefore disappeared in increments. Discreetly, little by little. And thus, after a few months of hide-and-speak with the warrior spirit, only the tip of his spear would remain ; to have caused him to disappear altogether would have been sacrilegious. I stood on the sidelines enjoying the show, but I didn’t learn my lesson. I went ahead and painted another figure, this time on a rusty boat stranded on the riverbank and protected by military guards. They were quick to take action. To me, the boat was nothing but an old marooned boat ; to the soldiers, it was private property. This time they were sure no Congolese would dare erase the figure given its suspected magical powers, so as a punishment they forced me to make it disappear — a punishment that only fanned the flames : the warrior by the river and the new one at the cultural center had become the talk of the town.


SONY LABOU TANSI CULTURAL CENTER, BRAZZAVILLE (CONGO)

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SONY LABOU TANSI CULTURAL CENTER, BRAZZAVILLE (CONGO)

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Je compris alors à quel point mon geste n’était pas exempt de la diversité des regards qui allaient vivre avec ces peintures. Moi qui avais souhaité participer à la fierté du peuple congolais en lui offrant son guerrier d’origine, je l’avais en fait effrayé, justement, parce qu’il s’y était reconnu. Je pris la portée de ce qu’une œuvre, même esquissée dans la rue, pouvait susciter. Je voulais pouvoir comprendre les contextes, et autant que possible, apprendre à considérer la diversité des points de vue. A l’issue de ces séjours dans mon pays d’origine, je pus avancer encore dans ma relation avec le guerrier et ma compréhension de l’art : l’art devait rentrer en résonance avec son contexte géographique et social. Connecter. Si nous étions tous issus des «  Bantu  », il fallait se respecter et veiller les uns sur les autres. Afin que les guerriers une fois esquissés puissent réellement témoigner et vivre en tant que guerriers de paix, il fallait être en phase avec l’environnement, le contexte. C’est sur cette promesse faite à moi-même que mon œuvre est née, réellement, là-bas, au Congo, présente et à-demi effacée. Le Guerrier était une figure de fierté, droite, décidée, et qui avait le pouvoir d’avoir un impact sur celui qui le regarde.

This led me to realize that my actions were perceived by people of all stripes, each with their own perspective. To me, the image of the primordial warrior was my way of communing with the proud Congolese people, whereas, in reality, my offering had inspired a sense of dread, precisely because they so identified with him. This opened my eyes to the power of images — even those painted on city walls. I set my sights on understanding context and, whenever possible, the multiplicity of viewpoints. These experiences in my country of origin, how I thought about art in general, and the warrior motif in particular, taught me that the geographical and social context of art is crucial if we want to connect. Though we are all “Bantu,” we still need to respect each other and look after each other. My warrior motif can only have resonance as a peacekeeper if it is in tune with its surroundings and its context. I promised myself that from then on it would, and my work was born, there in the Congo, a presence but half-erased. The image of the Warrior, proud, tall and determined, has power over those who behold it.

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I am a combination of black and white, of strength and vulnerability, of memory and impermanence.

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CONGO RIVER, BRAZZAVILLE (CONGO)

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OUR UNIVERSAL NATURE



“There is not a Piece of this world that does not bear my fingerprint…” Aimé Césaire

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1. 1 MONTRESSO ART FOUNDATION, MARRAKECH (MOROCCO) 2. MARRAKECH (MOROCCO) 3. MARRAKECH (MOROCCO) 4. SAN PEIRE, LES ISSAMBRES (FRANCE) 5. STRASBOURG (FRANCE) 6. STREET ART MUSEUM, SAINT-PETERSBOURG (RUSSIA) 7. MONTRESSO ART FOUNDATION, MARRAKECH (MOROCCO) 8. PARIS (FRANCE) 9. STREET ART MUSEUM, SAINT-PETERSBOURG (RUSSIA) 10. FESTIVAL AWALN’ART, MARRAKECH (MOROCCO) 11. MARRAKECH (MOROCCO) 12. MONTRESSO ART FOUNDATION, MARRAKECH (MOROCCO) 13. DESIGN DISTRICT, MIAMI (U.S.A.)

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FESTIVAL AWALN’ART, MARRAKECH (MOROCCO)

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SENTINELLES, ACRYLIC ON WOOD, 170X170CM (2015)

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COLLECTIVE WORKSHOP WITH THE STUDENTS OF CITÉ UNIVERSITAIRE INTERNATIONALE DE PARIS, 2015

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OURCQ LIVING COLORS, PARIS (FRANCE)

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SANS TITRE, ACRYLIC AND AEROSOL ON WOOD, 170X130CM (2016)

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SANS TITRE, ACRYLIC, AEROSOL AND PAPER ON WOOD, 170X130CM (2016)

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MONTRESSO ART FOUNDATION STUDIO, MARRAKECH (MOROCCO)

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LE PENSEUR, LIVE PAINTING WITH COLLECTIF OSARO AT MUSEE NATIONAL DE L’HISTOIRE DE L’IMMIGRATION, PARIS (FRANCE)

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MONTRESSO ART FOUNDATION STUDIO, MARRAKECH (MOROCCO)

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CHATEAU D’ALBATAR, PARIS, 2015

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LES GUERRIERS BANTU DE LA RÉPUBLIQUE Le château Albatar et ses soixantedix-sept fenêtres, ce bâtiment si imposant, était en passe d’être réhabilité. Les nouveaux promoteurs immobiliers avaient commencé à effacer quelques fenêtres. Le projet était de faire du bâtiment un hôtel de luxe Mariott cinq étoiles. Pour cela il fallait faire table rase du passé, et apparemment les Guerriers en faisaient partie. Moi qui m’étais pourtant résolu à les laisser disparaître je fus sans cesse poussé par des gens que je croisais à faire quelque chose pour les sauver. Je ne pouvais pas laisser faire ça, eux les habitants du quartier ou amoureux de l’art, voulaient préserver cette façade.

THE PLACE DE LA RÉPUBLIQUE The impressive Château Albatar, with its seventy-seven windows, was undergoing renovation. Some of the windows were already being dismantled. Developers were going to turn the building into a five-star Mariott hotel, but first, they needed to obliterate the past. The Warriors apparently were slated to go. Though I had reconciled myself to seeing them disappear, wherever I went people were constantly urging me to do something to save them. I couldn’t let it happen. Neighborhood residents and art lovers alike were determined to preserve the facade.

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Hi Kouka, My name won’t ring a bell. We’ve never met, but I wanted to write you all the same. I live in Paris, near Rue René Boulanger. For the past three years, I have admired your Bantu Warriors whenever I walk past the building where you painted them. I was sorry to recently see that renovations are already underway. I’m worried the Warriors might fall by the wayside. This is why I’m writing. If there is anything I can do to prevent their destruction, I’d be happy to contribute, even financially. This e-mail is like a message in a bottle, but if I can help in any way, just let me know ! Sincerely, Philippe Faure

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Bonjour Kouka, Mon nom ne vous dira rien et nous ne nous connaissons pas mais voilà : j’habite près de la rue René Boulanger où je peux, à chaque fois que j’y passe, admirer vos guerriers bantus depuis trois ans. J’ai malheureusement constaté que le bâtiment qui les abrite est en travaux depuis peu et redoute que les guerriers en fassent les frais. C’est pourquoi je me permets de prendre contact avec vous car s’il est possible d’intervenir pour éviter leur destruction, je serais heureux d’apporter ma contribution, y compris financière. Ce mail est donc un peu une bouteille à la mer mais si vous pensez que ça peut être utile, dites le moi simplement ! Bien cordialement, Philippe Faure

Email received on 25 August 2014

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J’avais une exposition en cours galerie Taglialatella. Un jour j’y rencontrai trois architectes. Parmi eux, un certain Frédéric, qui habitait le quartier de République et qui avait vu naître les guerriers sur les fenêtres, s’offusquait de leur disparition progressive et programmée : les fenêtres devaient être préservées d’autant plus qu’il était question de réhabilitation et non de destruction de l’immeuble. À force de ténacité, par l’intermédiaire des promoteurs que nous avions réussi à convaincre non sans difficulté et nombre de réunions, il fut question d’organiser une vente aux enchères de dix des cinquante-cinq fenêtres restantes, au profit de deux organisations caritatives : la Fondation Chirac et l’Amref. Dix fenêtres furent vendues au cours d’une soirée prestigieuse, présidée par un commissaire-priseur bien connu : Pierre Cornette de Saint Cyr. D’une certaine manière, l’œuvre m’échappait, mais je compris vite qu’elle ne m’appartenait plus. Elle appartenait au public qui s’était spontanément mobilisé, elle appartenait aux associations qui bénéficièrent des quarante-six mille euros récoltés, pour des causes qui nous avaient convaincus : pacifier par l’accès à l’eau et à la culture, et former des sage-femmes en Afrique.

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I was doing a show at the Taglialatella gallery. When I was there one day, I met three architects. One was a man named Frédéric. He lived near the Place de la République and had seen the warriors emerge in the windows ; he was outraged over their gradual and scheduled disappearance. The windows, he said, had to be saved at all costs, especially since the building was being renovated and not torn down. After number of meetings and much difficulty, we were able to convince the promoters to auction off ten of the remaining fifty-five windows, the proceeds of which would be donated to two non-profit organizations, the Chirac Foundation and Amref. Ten windows were sold at a high-profile event, presided over by the prominent auctioneer, Pierre Cornette de Saint Cyr. I sensed my work slipping through my fingers, but at the same time realized it was no longer mine. It belonged to the people who had spontaneously assembled. It belonged to the organizations that would use the forty-six thousand euros collected by the Warriors to fight for causes we believed in : to promote peace by providing access to clean water, and to train midwives in Africa.


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RECOVERED WINDOWS FROM CHÂTEAU D’ALBATAR

MOHAMMED VI MUSEUM, RABAT (MOROCCO)

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L’Art était vraiment destiné à apporter quelque chose aux regardants, peu importe que l’on ait essayé de se l’approprier. Le guerrier était né dans la rue et d’une certaine manière, il avait été sauvé par la rue, tout éphémère qu’il était, pour témoigner d’un sens : la mixité des mondes et ce qui les relie. Bien que fier de toute cette effervescence, la mélancolie due au fait de voir mon œuvre partiellement détruite demeurait : elle serait désormais incomplète, soit parce qu’elle avait été effacée, soit parce qu’elle avait été disséminée, soit parce que certaines fenêtres malgré leur poids, avaient disparu, et que d’autres avaient été cassées. Je tenais à ce que les figures des fenêtres restantes retrouvent leur terre d’origine en rejoignant le continent africain. Une fois cet accord obtenu, il fallait les récupérer, les stocker. Je fus alors soutenu par la fondation Montresso* de Marrakech qui avait un projet pour les fenêtres vaillantes. L’une d’elles fut envoyée à Dakar pendant la biennale d’art contemporain, sur l’île de Gorée, île classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, pour faire mémoire de la traite négrière qui s’y était déroulée. Les autres furent installées en sentinelle de protection à l’entrée du nouveau musée de la Fondation Montresso* à Marrakech. Puis à Rabat devant le Musée Mohammed VI, à l’occasion d’une exposition en duo avec l’Artiste Wahib Chehata. Elles revivaient là, sur la terre africaine, apportant la mémoire de toute une histoire, telle une libération, une fenêtre ouverte sur l’avenir. L’hôtel Mariott Renaissance qui avait vu naitre et disparaitre les guerriers, demanda, un an plus tard, la résurrection de mes guerriers sur ses fenêtres. Pour moi, peu m’importait. Je voulais simplement dire au quartier par ma présence : « Je suis fait de noir et de blanc, de force et de fragilité, de mémoire et d’éphémère. C’est notre lien retrouvé qui seul reste indéfectible. »

Art is truly meant to give something to the viewer, despite its having become a commodity. The warrior motif was born of street culture, and, to a certain extent, was saved by it — despite its transient nature — to testify to the multicultural reality of our world and to the bridges that span it. I was proud that my work had garnered so much enthusiasm, but I was despondent all the same. The work had been partially destroyed and would remain incomplete. It had been dismantled, dispersed, broken and even stolen : despite being so heavy, some of the windows had actually disappeared. I was determined that the warriors on the remaining windows be returned to their native Africa. Once I’d found a new home for them, they had to be removed and stored. I was backed by the Montresso* Foundation in Marrakech, which had organized for one of the Bantu Warriors to be shown at the Dakar Biennale of Contemporary Art on the Island of Gorée off the coast of Senegal, a UNESCO World Heritage Island commemorating the slave trade. The remaining windows were installed on sentry duty at the entrance of the Montresso* Foundation’s new museum in Marrakech. They were then sent to Rabat to stand guard over the Mohammed VI Museum for an exhibition with the artist Wahib Chehata. A new life had begun for them on African soil, commemorating an episode of history with newfound freedom — like a window on the future. The following year, the Mariott Renaissance Hotel, which had seen their birth and disappearance, asked me to resurrect the warriors in its windows. I had no problem with it. My presence would let the neighborhood know : “I am a combination of black and white, of strength and vulnerability, of memory and impermanence. This is the bond that has reunited us, the only one that stands the test of time.”

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MONTRESSO ART FOUNDATION, MARRAKECH (MOROCCO)



DAK’ART 2016, GOREE ISLAND (SENEGAL)

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HUMANISM



Bantu : the plural of muntu for “human being” Bantu literally translates as “people” or “humans,” in other words, “humanity”

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MOHAMMED VI MUSEUM, RABAT (MOROCCO)

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Mohammed VI Museum, Rabat (Morocco)

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J’ai toujours tenu à parler au plus grand nombre, à montrer que la rue et ses apprentissages avaient sa place, jusque dans les musées. J’ai développé mes supports : les palissades en bois, la toile de jute. Des matériaux qui avaient eu une vie avant de devenir des supports pour peindre. Retrouver le lien. Offrir mon message de réconciliation des hommes sur les murs des villes à tous ceux qui ne visitaient ni galerie ni musées. Offrir ma revendication d’inclusion à tous ceux qui demeuraient étrangers aux multiples cultures du Monde. Et faire le trait d’union de l’art avec la rue, sans me mentir.

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I have always wanted to reach a wide audience, to show there is a place for street culture and graffiti even in museums. I have worked on a number of surfaces, such as wooden fences and burlap bags, materials that have been used for other purposes before serving art. This is how I connect, by dedicating my message of reconciliation on city walls to the many people who never enter galleries and museums, by dedicating a call for inclusion to the many people who are outside of the multicultural mix ; and to span the gap between the world of art and the street while remaining true to myself.


LA GOUTTE D’OR, PARIS (FRANCE)

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MARCHÉ BIRON, SAINT-OUEN (FRANCE)

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SANS TITRE, INSTALLATION, PRIVATE COLLECTION, MARRAKECH (MOROCCO)

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WORK IN PROGRESS, RIO LOCO FESTIVAL, TOULOUSE (FRANCE)

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PREVIOUS PAGE : WORK IN PROGRESS, RIO LOCO FESTIVAL, TOULOUSE (FRANCE)

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IGREJA DA TRINIDADE, PORTO (PORTUGAL)

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ART PARIS FAIR, GRAND PALAIS, PARIS (FRANCE)


MONTRESSO ART FOUNDATION, MARRAKECH (MOROCCO)

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Après les violences que nous avions connues à Paris, je cherchais un nouveau sens à donner à mon Guerrier. Lui qui était censé être un protecteur, était comme nous tous, triste spectateur d’un monde régi par la peur et l’exclusion. Il devrait désormais montrer la voie. Dorénavant, je le représentais de dos, invitant celui qui le regarde à le suivre sur le chemin de la réconciliation.

MONTRESSO ART FOUNDATION STUDIO, MARRAKECH (MOROCCO)

After the attacks in Paris, I wanted to give new meaning to my Warrior, who had emerged as protective figure and like the rest of us was now a sorry bystander in a world dominated by fear and exclusion. It was up to him to take the lead. So, I started depicting him from behind, as if inviting the viewer on the path of reconciliation.

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TWIN TWIN, MIXT MEDIA ON WOOD, 2X170X110CM (2016)

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MONTRESSO ART FOUNDATION STUDIO, MARRAKECH (MOROCCO)

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Montresso Art Foundation studio, Marrakech (Morocco) SERIE DOS AU MUR, MIXT MEDIA ON WOOD

FOLLOWING PAGE : FESTIVAL MISTER FREEZE, TOULOUSE (FRANCE), 2016

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En montrant son visage en gros plan, je voulais faire fi de tous ses attributs pour n’en faire plus qu’un Homme dont le regard serait le miroir de nos âmes.

Next, I chose to focus on close-ups, to reduce the individual attributes of the Warrior to that which is universal, to depict him as Man, whose gaze is the mirror of our souls.

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MONTRESSO ART FOUNDATION, MARRAKECH (MOROCCO)

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SERIE PORTRAITS BANTU, MIXT MEDIA ON CARDBOARD

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REFUGEE PORTRAIT, FESTIVAL VISION D’EXIL AT MUSÉE NATIONAL DE L’HISTOIRE DE L’IMMIGRATION, PARIS (FRANCE)

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PENNY BLACK (ABORIGINE FIDELIS), MIXT MEDIA ON CARDBOARD, 2X190X150CM (2018)

PENNY BLACK (AFFRANCHI), MIXT MEDIA ON CARDBOARD, 2X190X150CM (2018)

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LIVE PAINTING AT UNESCO HOUSE, 500X500CM (2018), WORLD CITIES DAY 2018, PARIS (FRANCE)

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SERIE TOTEM BANTU, ACRYLIC, WOOD AND STEEL

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ILS PEUVENT COUPER TOUTES LES FLEURS, ILS N’EMPÊCHERONT PAS L’ARRIVÉE DU PRINTEMPS (2018), WOOD INSTALLATION, COLLECTIVE EXHIBITION XXL#2 AT MONTRESSO* ART FOUNDATION MARRAKECH (MOROCCO)

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Enfin je célébrais la vie si précieuse en rendant hommage à la femme, elle-même créatrice. En devenant femme enceinte, le Guerrier s’accomplit dans sa perpétuation et plus que jamais dans sa préservation. Au fond, quoi de plus universel que la mère, Guerrière aux mille visages ? La figure de protection et d’amour ainsi célébrée dans sa force comme dans sa fragilité, se rapproche ainsi des êtres humains que nous sommes, désormais soumit au soin que nous aurons les uns envers les autres.

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Then, I moved on to Woman, paying homage to the giver of life. The Warrior in the form of a pregnant woman was the triumph of continuity and preservation. Deep down, what could be more universal than the figure of the mother, that Warrior with myriad faces ? The figure of protection and of love, celebrated in all its strength and fragility, is the link to what makes us human beings, dependent, today more than ever, on mutual care.


VENUS, ACRYLIC AND PAPER ON CANVAS, 160X97CM (2018)

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SANS TITRE, ACRYLIC AND AEROSOL ON JUTE CANVAS, 190X130CM (2018)

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SANS TITRE, ACRYLIC ON JUTE CANVAS, 190X130CM (2018)

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SOURCE, ACRYLIC ON JUTE BAGS, 240X200CM (2018)


VENUS 2, ACRYLIC ON JUTE BAGS, 138X140CM (2018)

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ORIGINE MÉTIS, ACRYLIC AND AEROSOL ON JUTE BAGS, 114X126CM (2018)


EX AFRICA SEMPER ALIQUID NOVI, ACRYLIC AND AEROSOL ON JUTE BAGS, 220X152CM (2018)

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Work in Progress at Murmurs Festival in Decazeville (France) 194


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MURMURS FESTIVAL, DECAZEVILLE (FRANCE)

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STUDIO, PARIS (FRANCE)

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EPILOGUE L’histoire du Guerrier Bantu ressemble à s’y méprendre à la vie. Pleines d’intentions, ce sont les expériences et les rencontres qui la façonnent réellement. Inattendue, mais accueillie dans ses mouvements et ses changements, elle nous mène vers la rencontre de nous-mêmes. On y découvre notre faiblesse d’êtres interdépendants et notre puissance d’êtres de liberté. J’ai su depuis ce jour que j’avais une responsabilité : témoigner de mémoire, faire dialoguer des cultures au point de m’en affranchir, influencer mes semblables au regard de la mixité, changer les regards en m’y adaptant. Sans lui, je n’en aurais rien su. Avec lui, je défendrais désormais ma conception propre d’un art humble et proche de la vie. Puissant et fragile. Signifiant et éphémère. Je ne pourrai pas changer l’histoire, mais je pourrai influencer celles et ceux qui le feront.

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EPILOGUE The story of the Bantu Warrior greatly resembles that of life : it is full of intentions but is shaped by actual experiences and encounters, taking on unexpected but welcome twists and turns to lead to an encounter with our true self. The story reveals both our vulnerability, because we are codependent, and our strength, because we are free. I have known since day one that it is the Warrior’s duty to conjure up memories, to bridge cultures through dialogue in order to ultimately be free of them, and to encourage my fellow human beings to embrace their differences and change their perceptions. Without the Warrior, I would have remained uninformed. Through him, I would defend my own conception of an art free of pretension that springs from life. An art that is powerful yet fragile, meaningful yet fleeting... I may not be able to change history, but I may be able to influence those people who will.

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Sélection d’expositions Exhibition selections

Solo show Expositions personnelles 2018 Venus, Galerie Taglialatella, Paris, France 2017 Humanités, Galerie Taglialatella, Paris, France 2016 Dos au Mur, Jardin Rouge, Marrakech, Maroc Ecce Homo, Galerie Taglialatella, Paris, France 2015 Butterfly, Galerie Taglialatella, Paris, France Bantus, No(s) culture(s), Jardin Rouge, Marrakech, Maroc 2014 Guerrier Bantu, Galerie Taglialatella, Paris, France 2013 L’Enfant Blam, New HeArt City Gallery, Paris, France 2012 No Culture, Frichez nous la Paix, Paris, France 2011 Identité, New HeArt City Gallery, Paris, France Guerrier Bantu, Articulez, Paris, France 2010 Traces, la Forge de Belleville, Paris, France Corps de Femmes, Espace Confluences, Paris, France


Group show Expositions collectives 2018 XXL#2, Espace d’Art Montresso, Marrakech, Maroc Regarde-Moi, Musée National de l’Histoire de l’Immigration, Paris, France 2017 Voyage ethnique, NAG Not A Gallery, Paris, France Présence Commune, Musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain, Rabat, Maroc 2015 Dali fait le mur, Strasbourg, France 2014 Dali fait le mur, Espace Dali, Paris, France Pièces Détachées, Galerie Wallworks, Paris, France Made in France, GCA Gallery, Nice, France 2013 Athensaf, Athènes, Grèce Who the Cap Fit, Yakin & Boaz Gallery, Casablanca, Maroc Défense d’Afficher, L’Avant Seine / Théâtre de Colombe, France 2012 A-Part, Maison Saint-Honoré, Paris, France J_59, le Manifeste coloré, Galerie 59 Rivoli, Paris, France Histoire en Commun, Hotel de Ville de Saint Denis, La Réunion, France T.I.G. Hit parade, Espace Confluences, Paris, France 2011 Freedom park, Nhow Hotel, Berlin, Allemagne Europa Graffiti, Pavillon du Carré Baudoin, Paris, France 2010 Cityscope, Articulez, Paris, France

Fairs and biennials Foires et biennales 2017 Also Known As Africa (AKAA), Paris, France 2016 Installation Le guerrier de la République, Dak’Art, Biennale de Dakar, Ile de Gorée, Sénégal 2015 Inexterieur, FIAC, Paris, France Festival Awaln’Art, installation, Marrakech, Maroc 8e Avenue, FIAC, Paris, France WynwoodWalls, Miami, USA 2014 FIAC OFF(icielle), Cité de la Mode et du Design, Paris, France Art Stage Singapore, We Are Asia, Singapour 2013 Opus Délits Show, Espace Pierre Cardin, Paris, France

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MONTRESSO ART FOUNDATION, MARRAKECH (MOROCCO)

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Book Design & art direction Alizée Thily

Picture Credits All photographs by Kouka Ntadi unless otherwise noted.

Foreword Kouka Ntadi

Stephane Barthe : pages 66-67

Preface Frédéric Salat-Baroux

Hélène Charpentier : pages 40-43-46-47-50-51-52-54-55

Text Marc Lenot

Arnaud Baumann : pages 61 Séquence -62-63 Vincent Desrousseaux : page 96 Jonathan Dostert/spray : page 162 Benoit Le Douarin : page 178 Paul Etard : pages 122-123-129-131

Translation Heather Allen

Alexandre Gallosi : pages 100-101-102-103

Font Context Reprise SSi

(« La vie de Château »)

Papier Munken Lynx

Hélaî Hosseini & Elodie Raitière : pages 68-69 Pierre Humbert : pages 156-157-158-159 Bart Van Kersavond : pages 28-29 Christian Koopmans : pages 173-182-183 Emmanuel Lafalisse : page 33

Printing Drukkerij Daneels BVBA Dennenlaan 5 B2340 Beerse (Belgique)

Rizlane Lazrak : page 91 (top)

Legal deposit : December 2019

Nathie Nakarat : pages 119-141

ISBN 979-10-699-4276-9 First edition of 700 copies

Marco Photo : page 125 Montresso* Art Foundation : pages 163-203 Eric Maréchal : pages 53-60 Marc Panchaud : page 126 Paul Pécheur : page 193 Philippe Pister : page 154 Yasmin Samray : pages 20-21-36-85-117-196 Alizée Thily : pages 164-167-169 Xavier de Torres : pages 78-79

Imprimé en Union Européenne en 2019. Tous droits réservés. Aucun élément de cette publication ne peut être reproduit, introduit dans une banque de données, ni publié sous quelques formes que ce soit. Printed in EU in 2019. All right reserved. No part of this publication may be reproduced, stored in a retrieval system or transmitted, in any form or by any means.

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