Une approche « terre partagée » pour placer la biodiversité au cœur du développement durable en Afrique
Agence française de développement
Papiers de recherche
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Une approche « terre partagée » pour placer la biodiversité au cœur du développement durable en Afrique
Résumé
Mots-clés
AUTEURS
David Obura
Coastal Oceans Research and Development
Indian Ocean (CORDIO) (Afrique de l'Est)
Sébastien Treyer Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI)
COORDINATION
Stéphanie Leyronas (AFD)
La biodiversité est un exemple classique de bien commun mondial. Face au changement climatique rapide, au déclin de la biodiversité, à la croissance démographique et aux enjeux de croissance économique, les pays d'Afrique subsaharienne sont confrontés à un défi existentiel pour leur sécurité et leur bien-être. Nous lions ici les approches « par les biens communs » à une approche nouvelle de la planification locale basée sur la notion de « terre partagée ». Cette démarche se concentre sur la santé et les services de la nature dont dépend notre existence. Elle combine les préoccupations de conservation avec les moyens de subsistance et avec les cultures et les institutions locales dans le but d’imaginer des solutions locales qui répondent aux besoins des populations tout en garantissant la préservation de la biodiversité et de ses services pour l'avenir. Bien menée, cette approche peut faciliter une participation équitable des acteurs locaux à des chaînes d'approvisionnement à plus grande échelle et transnationales, à partir de principes partagés d'équité d'accès et d’usage de la nature. Cette démarche peut ainsi aider les pays africains et leurs partenaires à réajuster leurs obligations respectives à l'échelle mondiale, au titre des objectifs de développement durable (à 2030) et du nouveau cadre mondial de la biodiversité (à 2050), tout en répondant aux besoins locaux et en préservant une certaine qualité de vie.
Biodiversité, Afrique, biens communs, négociations internationales, conservation
Remerciements
Les auteurs remercient
Stéphanie Leyronas (AFD), Lola Mercier (AFD) et Nicolas Hubert (AFD) pour leurs commentaires sur une première version de ce texte.
Classification JEL
Q01, Q20, Q28, Q57, Q58
Version originale
Anglais
Acceptée
Décembre 2022
Abstract
Biodiversity is a classic example of a global commons. As we enter the coming decades of a rapidly changing climate, declining biodiversity, growing human populations and economic growth, sub-Saharan Africa countries are facing an existential challenge to their security and welfare. We blend commons approaches with a new ‘shared earth’ approach to local planning, focusing on the health and benefits of nature where people live and earn their livelihoods. The approach combines conservation with livelihoods, local cultures and local institutions to generate local solutions that meet peoples needs at the same time securing biodiversity and its benefits into the future. Done right, this approach can facilitate equitable participation of local actors in larger scale and transboundary supply chains, through shared principles of equity of access to and use of nature. This approach can help African and partner countries balance their obligations globally under the Sustainable Development Goals (to 2030) and the new global biodiversity framework (to 2050), while meeting local needs for a good quality of life.
Keywords
Biodiversity, Africa, commons, international negotiations, conservation
Acknowledgements
The authors would like to thank Stéphanie Leyronas (AFD) Lola Mercier (AFD) and Nicolas Hubert (AFD) for their comments on a first version of this text.
JEL Classification
Q01, Q20, Q28, Q57, Q58
Original version
English
Accepted
December 2022
Introduction
La biodiversité, c’est-à-dire la diversité des habitats, des écosystèmes et des espèces, ainsi que la diversité génétique de toutes les formes de vie, constitue la composante vivante du capital naturel et joue un rôle crucial dans la transformation des économies africaines dans le but d’atteindre les Objectifs de développement durable (ODD). Tout d’abord, les économies de nombreux pays africains dépendent du capital naturel et du bon état écologique de ce dernier, notamment en raison d’une dépendance excessivement élevée du produit intérieur brut (PIB) et d’une grande partie de la population active à l’égard de secteurs tributaires de la nature : l’agriculture dépend du bon état écologique des sols et des écosystèmes agricoles ; la pêche de la qualité des écosystèmes dulcicoles et marins ; l’aquaculture de la qualité de l’eau ; et le tourisme de la conservation des écosystèmes et des espèces.
Ensuite, la croissance démographique de nombreux pays d’Afrique subsaharienne va impliquer à l’avenir d’accroître au maximum le nombre d’emplois disponibles, en particulier dans le secteur agro-alimentaire et dans les zones rurales, non seulement dans l’agriculture, mais aussi dans les premières étapes de récolte et de transformation de l’industrie alimentaire (Losch, Fréguin-Gresh et White 2012 ; Dorin 2017 ; Sourisseau et al. 2017) Il y a deux raisons à cela : tout d’abord, il est difficile d’augmenter le nombre d’emplois dans d’autres secteurs où la concurrence avec d’autres pays est rude, notamment en raison de niveaux plus élevés de mécanisation, de robotisation et de transformation numérique ;
ensuite, un tel investissement dans le secteur agro-alimentaire pourrait entraîner des transformations structurelles similaires dans d’autres secteurs des économies nationales (Timmer 2017) Si cet enjeu est décisif dans les économies africaines, c’est aussi le cas dans d’autres pays, comme en Inde, qui, en dépit de son développement économique, doit également résoudre cette question de l’emploi.
À cela s’ajoute l’importance des secteurs extractifs (minier, pétrolier et gazier) dans la balance des paiements de nombreuses économies africaines, qui pose deux difficultés majeures. S’il n’est pas effectué de manière durable, le développement de l’extraction pourrait avoir de graves répercussions sur l’environnement par une dégradation des écosystèmes, portant ainsi atteinte au fondement même du capital naturel essentiel au processus de transformation visant à garantir une plus grande prospérité à tous (Okafor-Yarwood et al. 2020 ; Obura 2018) En outre, ces secteurs exercent souvent un impact social négatif si la prospérité qu’ils apportent est accaparée par une minorité.
La biodiversité subsaharienne est déjà en déclin. Le continent fait l’objet d’une déforestation intensive, notamment à cause de l’agriculture, de l’exploitation forestière, de l’urbanisation et de l’essor des plantations de biocarburants (PNUE 2012). Entre 2015 et 2020, le continent a perdu 4 millions d’hectares de forêts par an, le taux net le plus élevé de recul des forêts au monde (PNUE et WCMC 2016), ce qui atteste d’une intensification de la déforestation au cours de la dernière décennie
(Hansen et al. 2013) Au-delà de la surexploitation des forêts terrestres, entre 20 et 30 % des mangroves ont disparu ces 25 dernières années en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale (PNUE et WCMC 2016), tandis que le phénomène de désertification affecte 45 % de la surface terrestre du continent (Mansourian et Berrahmouni 2021). Au total, 500 000 km², soit 2 % de la surface terrestre du continent, sont considérés comme dégradés (WWF 2018)
L’exploitation de ces terres s’accompagne du déclin des populations et de l’augmentation du risque d’extinction d’espèces animales et végétales : l’indice de la Liste rouge pour l’Afrique subsaharienne est passé de 0,79 en 2000 à 0,72 en 2021 (UNECA 2022). La faune et la flore sont fragilisées par la mise en danger de leur habitat (Burgess et al. 2004) Le réchauffement des océans a entraîné une mortalité du corail de plus de 50 % dans certaines régions (Obura et al 2017) Les écosystèmes dulcicoles sont tout particulièrement en danger (Darwall et al. 2018) : 21 % de toutes les espèces dulcicoles présentes en Afrique sont considérées comme menacées (Darwall et al. 2011), tandis que 45 % des poissons et 58 % des plantes d’eau douce font l’objet d’une surexploitation (PNUE et WCMC 2016)
Le programme des Nations unies pour le développement (PNUD) attribue cette dégradation à de multiples facteurs – dont des facteurs naturels, humains, démographiques et réglementaires (PNUD et BES-Net 2022) – et insistent sur le fait que ces facteurs vont sans doute continuer à exercer une pression négative sur la biodiversité africaine. Cependant, plus de 60 % de la population africaine dépend directement des services rendus par les écosystèmes pour se nourrir,
s’approvisionner en eau et en énergie, se soigner et satisfaire leurs besoins vitaux (IPBES 2018)
Il est certain que les conséquences du changement climatique vont intensifier cette dégradation de la biodiversité sur le continent africain (Li et al. 2019 ; Connolly-Boutin et Smit 2016). Les températures devraient dépasser la moyenne globale (IPCC 2018), la fréquence des pluies torrentielles va sans doute augmenter (Akumaga et Tarhule 2018), le risque d’extinction des mammifères et des oiseaux va s’accroître et l’impact du changement climatique sur les parasites et les agents pathogènes pourrait considérablement porter atteinte à la santé humaine (IPBES 2018 ; Archer et al. 2021)
Enfin, étant située dans la zone intertropicale, l’Afrique subsaharienne abrite un nombre important de derniers bastions de la biodiversité mondiale (IPBES 2018) et le développement et l’extraction des ressources ne se sont pas infiltrés dans les régions les plus reculées et les plus inaccessibles. En outre, certaines des cultures et des communautés qui gèrent encore de nombreuses zones de forêts ou de savanes dans les pays africains n’ont pas intensifié leur utilisation des ressources naturelles à des degrés qui auraient des répercussions importantes sur ces écosystèmes. « Le potentiel inexploité de la biodiversité, des services écosystémiques, de la spiritualité, des cultures et des identités de l’Afrique place le continent dans une position unique à l’échelle mondiale : elle pourrait générer des trajectoires de développement réellement durables, où l’accomplissement du bien-être et la satisfaction des besoins des populations ne nuiraient pas à l’environnement » (Archer et al. 2021, p. 3)
Dès lors, une question critique se pose à de nombreux pays : quelles réglementations et quels dispositifs de gouvernance pourraient résoudre la tension qui existe entre deux objectifs majeurs qui doivent être atteints conjointement, à savoir 1) que la biodiversité soit protégée et joue le rôle crucial qui lui revient dans la transformation durable des économies subsahariennes et 2) que suffisamment d’emplois et de revenus décents soient créés dans le cadre d’une transformation économique orientée vers le développement durable dans chaque pays pour garantir la prospérité de tous ?
Dans la lignée des travaux d’Elinor Ostrom et de l’École d’économie politique de Bloomington, une abondante littérature décrit la façon dont la gestion commune des ressources naturelles (par exemple, d’un écosystème forestier ou des ressources en eau, dans le contexte des pratiques et institutions de gestion des peuples indigènes et des communautés locales) peut mener, dans certains cas et sous certaines conditions, au développement durable (viabilité écologique et répartition équitable des utilisations et des services). Leyronas, Coriat et Nubukpo (à paraître) décrivent les biens communs de l’Afrique subsaharienne que représentent les ressources terrestres et naturelles, les conditions de leur émergence, ainsi que les facteurs de fragilité et même de défaillance. Plusieurs exemples montrent que les institutions de gestion des biens communs ont été compromises par des facteurs externes, dont l’évolution technologique, la modernisation et les interventions publiques de développement.
Les exemples illustrent l’importance de concevoir de nouveaux dispositifs politiques pour protéger les biens communs que
constituent les ressources terrestres et naturelles, tout en assurant un accès équitable et durable à ces ressources. Du point de vue de la biodiversité, il faudrait même aller plus loin et prendre en compte non seulement les communautés et les acteurs économiques locaux, mais aussi les chaînes d’approvisionnement régionales et même mondiales qui stimulent le développement économique local. C’est dans ce contexte que se déroulent les négociations multilatérales pour un nouveau cadre mondial de la biodiversité (CMB), dessinant les contours d’une structure internationale pour la gouvernance de la biodiversité d’ici 2030, et d’ici 2050 pour les objectifs à long terme, ainsi que ses stratégies de mise en application aux échelles nationales.
Ce chapitre analyse la manière dont se positionnent les discours prédominants qui structurent le CMB au regard des défis et des aspirations spécifiques des pays de l’Afrique subsaharienne. Il esquisse la direction que pourraient défendre les pays africains face au récit dominant sur la protection de la biodiversité, en l’orientant vers un récit plus général puisant dans des approches fondées sur les biens communs. Ces approches explorent la façon dont la conservation, l’utilisation durable de la biodiversité et l’exploitation des ressources naturelles pourraient parvenir à un équilibre qui se trouverait au cœur d’un modèle de développement futur, répondant aux besoins et aux priorités locales dans le contexte plus large des aspirations de gouvernance et de développement nationales et régionales.
La première section de ce chapitre donne un aperçu de l’état actuel des négociations du CMB et présente deux perspectives majeures de la littérature scientifique sur ces
négociations. Si l’accent était autrefois strictement mis sur le rôle crucial des zones protégées pour la préservation de la biodiversité, une perspective plus générale sur le développement durable, articulée autour des zones protégées dans une conception plus large de l’environnement, est désormais mise en avant, ainsi que sa pertinence dans le contexte de l’Afrique subsaharienne La deuxième section examine ensuite un cadre émergent proposé par des spécialistes africains, qui met l’accent sur le partage des environnements et des écosystèmes et sur l’inclusion de la préservation des écosystèmes et des zones protégées dans une approche intégrée, terrestre et maritime, du développement rural et régional
Cette section traite également des analogies et des liens entre l’approche « terre partagée » (Obura et al. 2021) et la perspective par les biens communs, en s’appuyant notamment sur des exemples locaux de trajectoires de développement fondées sur la biodiversité. Dans la dernière section, nous analysons la manière dont les facteurs de dégradation de la biodiversité, intégrés aux développements nationaux et régionaux ainsi qu’aux chaînes d’approvisionnement mondiales, doivent être régulés à travers une approche par les biens communs à plusieurs niveaux, créant ainsi des liens entre les approches des politiques publiques et celles du marché concernant les chaînes d’approvisionnement.
1. Le cadre mondial de la biodiversité
1.1. Organisation institutionnelle internationale du débat
Le CMB est le nom provisoire du projet de plan stratégique pour la préservation de la biodiversité sur la période 2021-2050 (CDB 2021), succédant au Plan stratégique 2011-2020 et aux vingt objectifs d’Aichi 1 (CDB 2010). Il était prévu que les consultations sur le CMB s’étendent de la moitié de l’année 2019 à la quinzième Conférence des parties (CDP) de la Convention sur la diversité biologique (CDB), qui devait avoir lieu à la fin de l’année 2020, à travers un « groupe de travail à composition non limitée » (« openended working group », ou OEWG) et trois ateliers en présentiel prévus à partir du mois d’août 2019. En raison de la pandémie de Covid-19, le déroulement de l’OEWG a été retardé jusqu’à la fin de l’année 2022, se transformant en cinq ateliers en présentiel et de nombreuses consultations en ligne pour combler cette période prolongée Le processus s’appuyait sur un document d’« avant-projet » conçu par la co-présidence de l’OEWG, qui, après de multiples révisions, a évolué en une « première version » toujours en négociation, menant à un cinquième OEWG, prévu du 5 au 7 décembre 2022, juste avant la CDP15 de la CDB en décembre 2022. Au moment de la rédaction du présent article, le CMB est structuré autour de quatre objectifs de résultats à long terme d’ici 2050 afin d’atteindre la Vision 2050 de la CDB (« Vivre en harmonie avec la nature »), avec 23 propositions d’actions ciblées d’ici 2030 visant à guider et à mener les investissements vers des mesures de conservation
Deux approches principales dominent le débat sur le CMB (Bhola et al. 2021) Le mouvement « 30x30 » ou « Half-Earth » prédomine, notamment dans les campagnes et les communications qui entourent la nouvelle stratégie : il se concentre sur des mesures de conservation directes, centrées autour des zones protégées, et sur la définition d’un « super-objectif », ou objectif principal unique visant à emporter l’adhésion. À l’inverse, les approches « holistiques » privilégient l’intégration complexe des interactions et dépendances entre l’environnement et les êtres humains, ainsi que l’intersection des sphères sociales, économiques et écologiques. Les arguments de chaque perspective se fondent sur des valeurs, des croyances, des compréhensions et des représentations de la nature radicalement différentes selon les pays et les acteurs.
1.2. L’approche
« 30x30 » de la conservation de la biodiversité
Motivés par le succès de l’objectif de réchauffement de 1,5 °C de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) qui a servi de boussole guidant l’action climatique, de nombreux acteurs de la conservation se sont mis en quête d’un objectif principal similaire concernant la conservation de la biodiversité. Néanmoins, la complexité de la biodiversité et ses variations à travers la planète ont rendu cette recherche plus difficile (Díaz et al. 2020 ; Purvis 2020) À l’instar des objectifs d’Aichi de 2011-2020, les campagnes se sont mobilisées autour de la proportion de territoires terrestres et maritimes inclus dans les zones protégées, sous la bannière « 30x30 » (30 % de
1 https://www.cbd.int/doc/decisions/cop-10/cop-10-dec-02-fr.pdf
territoires terrestres et maritimes protégés d’ici 2030). Dans ce contexte, les zones sous protection doivent être idéalement placées et correctement gérées pour assurer la protection de la biodiversité qu’elles abritent. La confiance dans cette approche est entachée par l’expérience qui a entouré l’accomplissement de l’objectif 11 d’Aichi 2 , dans le cadre duquel les pays ont atteint ensemble le sousobjectif pour les zones sous protection, mais n’ont accordé que peu d’attention à la représentativité, à la gestion efficace et au traitement équitable des peuples autochtones et des communautés locales (Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique 2020)
Ainsi, la protection seule peut échouer à atteindre d’autres objectifs de conservation de la nature, dont le fait d’assurer de multiples avantages aux personnes, comme l’approvisionnement alimentaire et l’accès aux contributions de la nature aux populations (CNP). De tels manquements pourraient nuire à un grand nombre de personnes vulnérables (Schleicher et al. 2019 ; Mehrabi, Ellis et Ramankutty 2018 ; RRI 2020) et renforcer la nécessité de reconnaître que les facteurs sociaux (comme les questions de propriété, de droits et de liberté d’action des personnes qui vivent dans des zones prioritaires de protection de la biodiversité) sont étroitement liés aux obstacles et aux succès rencontrés en matière de protection de la biodiversité.
Encadré 1. Moyens de subsistance ruraux et protection de la biodiversité dans le parc national du Limpopo au Mozambique
Un rapport d’évaluation de l’Agence française de développement (Bazin et Quesne 2016) souligne les défis posés par la conservation et les moyens de subsistance ruraux dans le parc national du Limpopo (PNL), une zone protégée du Mozambique, frontalière de l’Afrique du Sud et du Zimbabwe. Le parc a été créé en 2001 en tant que projet de consolidation de la paix et il forme, avec le parc national Kruger (PNK) en Afrique du Sud et le parc national de Gonarezhou au Zimbabwe, le parc transfrontalier du Grand Limpopo. S’étendant sur une superficie de 11 230 km² (soit 1 123 000 hectares), le territoire du PNL était à l’origine peuplé de 20 000 personnes, principalement des populations revenues au Mozambique après avoir fui la guerre civile qui a sévi entre 1977 et 1992.
Depuis les phases initiales de son développement, le PNL tente d’adopter, avec plus ou moins de succès, une approche inclusive reposant sur l’intégration et le renforcement des communautés riveraines du parc et visant autant la protection de la biodiversité que le développement socioéconomique. Contrairement à beaucoup de zones protégées du continent africain (Boche et al., à paraître), le PNL n’exclut pas les populations mais les accueille en son sein. En 2016, le PNL comptait une population de 27 000 personnes, réparties dans une cinquantaine de villages vivant principalement de l’élevage et de l’agriculture, ainsi que de la chasse. À l’époque, la majorité des habitants (20 000 personnes réparties dans 44 villages) vivaient dans une zone spécifique séparée du périmètre
2 « D’ici à 2020, au moins 17 % des zones terrestres et d’eaux intérieures et 10 % des zones marines et côtières, y compris les zones qui sont particulièrement importantes pour la diversité biologique et les services fournis par les écosystèmes, sont conservées au moyen de réseaux écologiquement représentatifs et bien reliés d’aires protégées gérées efficacement et équitablement et d’autres mesures de conservation efficaces par zone, et intégrées dans l’ensemble du paysage terrestre et marin. »
central du parc, où ils pouvaient accéder à toutes les ressources naturelles et exploiter celles dont ils avaient besoin.
Le PNL vise à réconcilier la réalité socio-économique des populations avec les objectifs de préservation et de conservation de la biodiversité, ainsi qu’à mettre en œuvre des mécanismes pour réduire les conflits entre les êtres humains et la vie sauvage. Afin d’encourager la préservation environnementale et la pérennité de la zone naturelle protégée, le PNL prévoit d’en partager les avantages directs et indirects avec les populations locales. Les objectifs de conservation du PNL sont d’autant plus importants que les demandes du marché international, et en particulier du marché asiatique, en ivoire d’éléphant et en corne de rhinocéros génèrent une forte pression sur la vie sauvage de l’Afrique subsaharienne, encourageant le braconnage (Bazin et Quesne 2016) En 2014, le Mozambique a enregistré un déclin de 48 % de la population d’éléphants du pays, dont 25 % dans l’enceinte du PNL. Cependant, plusieurs campagnes de réintroduction de la vie sauvage menées au cours des années 2000 et 2010 ont contribué à faire augmenter la population de certaines espèces au sein du parc, dont celles des éléphants, des buffles, des koudous, des nyalas et des cobes à croissant.
En dépit d’un plan de développement privilégiant le tourisme, cette activité parvient à couvrir seulement 20 à 25 % des coûts opérationnels de la zone naturelle protégée. Depuis 2008, 16 % des revenus du parc (et 20 % de l’ensemble des revenus générés) ont été redistribués aux communautés qui vivent dans le parc. Toutefois, distribués sur les cinquante villages, cela ne représente que 500 euros par village par an, soit environ 1 euro par habitant par an. En outre, si le plan de gestion du PNL autorise les activités traditionnelles de chasse pour que les communautés locales se nourrissent et disposent de revenus supplémentaires, il s’avère que les responsables du PNL les ont tout simplement interdites.
En réponse à ces critiques, la communauté de la conservation a cherché de nouveaux concepts, comme le « New Deal pour la nature » (The Nature Conservancy 2020) et le « Nature Positive » (Locke et al. 2021) Mais leur ancrage dans le mouvement de conservation historiquement protectionniste, ainsi que le fait qu’ils n’accordent qu’une attention superficielle aux questions sociales et à l’équité, et quasiment aucune à la diminution des facteurs du déclin mondial de la biodiversité qui viennent des pays du Nord, continue à susciter des inquiétudes quant à la pertinence de ces approches concernant les nouveaux défis sociaux, économiques et environnementaux en Afrique subsaharienne.
1.3. L’approche « holistique » de la conservation de la biodiversité
Dans le contexte du CMB, le camp « holistique » s’ancre dans des fondements scientifiques de la complexité des interactions entre les êtres humains et la nature (Díaz et al. 2020 ; Leadley et al. 2022). Il insuffle ces considérations dans les directives techniques du CMB, ainsi que dans des discussions plus générales concernant la satisfaction des besoins des personnes (Schleicher et al. 2019 ; Mehrabi, Ellis et Ramankutty 2018) et les dimensions sociales ancrées dans les communautés locales et les perceptions autochtones des interactions entre les êtres humains et la nature (Bhola et al. 2021 ; Büscher et Fletcher 2019)
Les contributions croissantes de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) aux cercles politiques traitant de la biodiversité mondiale et du développement durable (IPBES 2019 ; IPBES 2022a) et sa collaboration accrue avec le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) (Pörtner et al. 2021) offrent un cadre scientifique et politique plus large à ces approches. Pour le CMB notamment, cette perspective souligne la nécessité d’adopter des approches synergétiques et exhaustives qui intègrent tous les niveaux de la biodiversité, comme les gènes, les espèces et les écosystèmes, plutôt que de se limiter à un seul niveau qui représenterait tous les autres, ainsi que le besoin de traiter tous les objectifs du CMB conjointement au lieu de se concentrer sur un « super-objectif »
En outre, les approches holistiques insistent sur le besoin de privilégier les évolutions structurelles qui sous-tendent les actions immédiates, comme celles qui concernent les zones protégées. Ces aspects structurels reflètent les facteurs indirects (les tendances socio-économiques et démographiques, l’innovation technologique, la culture et le gouvernement, par exemple) identifiés par l’IPBES (2019). Ceci est illustré sur la Figure 1, qui montre que les objectifs du CMB sont reliés à l’ensemble du cadre des ODD, aux objectifs naturels, économiques et sociaux, ainsi que les arrangements en matière de gouvernance nécessaires pour maintenir l’homogénéité de l’ensemble. Cette figure présente la nature comme fondement (niveau inférieur) des objectifs économiques qui dépendent des services écosystémiques et des contributions de la nature aux personnes (deuxième niveau), qui, à leur tour, sous-tendent le bien-être et les avantages sociaux (troisième niveau). Le niveau supérieur représente les moyens de mise en œuvre (connaissances, finance et politiques) nécessaires au maintien du système. De chaque côté, les 23 objectifs du cadre mondial de la biodiversité sont présentés, ainsi que leur lien à des ODD individuels ou à des groupes d’ODD dans le modèle de développement durable.
de la nature
(deuxième
le bien-être et les avantages sociaux (troisième niveau). Le niveau supérieur représente les moyens de mise en œuvre (connaissances, finance et politiques) nécessaires au maintien du système (d’après Obura 2020). De chaque côté, les 23 objectifs du cadre mondial de la biodiversité sont présentés, ainsi que leur lien à des ODD individuels ou à des groupes d’ODD dans le modèle de développement durable.
Ces deux perspectives offrent des compréhensions et des représentations de la nature différentes, notamment concernant la manière dont les êtres humains et la nature sont entremêlés et sont perçus par des systèmes de valeurs différents (IPBES 2022). Elles présentent cependant de nombreux points communs. Par exemple, le principe clé de la campagne dominante est que 30 % ou « la moitié » de la planète devraient être protégés si l’on s’appuie sur l’analyse de la priorisation de la biodiversité. L’approche holistique ne remet pas forcément en question ces proportions, mais elle diffère fondamentalement sur la manière de les atteindre et sur les questions « par qui ? pour qui ? comment ? pourquoi ? ». Il ne faudrait cependant pas sous-estimer leur ambition commune de renverser les tendances actuelles et de transformer les actions des entreprises et des juridictions locales pour qu’elles jouent leur rôle dans la préservation de la biodiversité.
2. Une vision africaine pour la biodiversité : l’approche « terre partagée »
2.1. L’approche « terre partagée », vers un développement durable des pays d’Afrique subsaharienne
Au Congrès des aires protégées d’Afrique, qui s’est tenu à Kigali, au Rwanda, du 18 au 23 juillet 2022, le message dominant des principaux groupes de conservation ayant assisté au congrès défendait l’objectif « 30x30 » 3 Cependant, l’appel à l’action de Kigali, issu du congrès, a souligné la nécessité de se concentrer sur les besoins, les peuples et les priorités de l’Afrique, sans faire mention des slogans du mouvement mondial de conservation en lien avec « 30x30 », « Nature Positive » et d’autres.
L'approche « terre partagée, océan partagé » de la conservation a été développée par un groupe de scientifiques, de protecteurs de l’environnement et de dirigeants locaux africains, afin de guider le rétablissement des relations sociétales avec la nature et d’orienter le discours international vers des priorités de conservation (Obura et al. 2021). Cette approche met directement l’accent sur le fait de connecter les individus à leur environnement, en soulignant l’intégration des personnes dans la nature, et non leur séparation. Ce phénomène est particulièrement important dans des contextes à faibles revenus en Afrique subsaharienne, où les personnes dépendent profondément des avantages procurés par la nature et où leur prospérité serait mise à mal si la perte de la biodiversité se poursuivait au même rythme qu’aujourd’hui.
Encadré 2. Interdépendances entre les êtres humains et la nature : l’exemple du secteur minier au Burkina Faso
De nombreux pays africains connaissent un essor minier qui stimule sensiblement leur croissance macroéconomique (Bowman et al. 2021). Cependant, l’explosion du secteur extractif et la multiplication des sites miniers, qu’ils soient industriels ou artisanaux, constituent de réelles menaces pour la biodiversité et ont un impact profond à long terme sur l’environnement. Au Burkina Faso, le secteur extractif croît de manière exponentielle depuis la fin des années 2000. D’après un rapport de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), en 2020, le secteur minier représentait 16 % du PIB du pays, 83 % de ses recettes d’exportation et 50 % des recettes encaissées par le gouvernement burkinabè Cette exploitation cause néanmoins des dégâts considérables sur l’environnement et par conséquent sur la santé et les activités agropastorales des populations vivant dans les régions affectées par le développement minier.
3 https://www.newtimes.co.rw/opinions/its-high-time-africa-walks-talk
L’ONG burkinabè ORCADE (Organisation pour le renforcement des capacités de développement) alertait déjà en 2006 sur les dégâts de la pollution issue des sites d’Essakane et de Poura au Burkina Faso, qui n’étaient pas exploités à cette époque, où des bassins de rétention des eaux d’extraction restés ouverts ont progressivement contaminé les sols et les réseaux hydrographiques. Tandis qu’une entreprise minière multinationale a repris le site d’Essakane depuis la fin des années 2000, une étude plus récente qui traite à la fois du site industriel et des zones minières artisanales périphériques révèle une pollution de l’air élevée, avec des émissions de particules fines avoisinant 35 tonnes par km², alors que la norme hebdomadaire recommandée par la Société financière internationale est de 2,5 tonnes par km² (Porgo et Gokyay 2017). Porgo et Gokyay (2017) soulignent également des niveaux alarmants de concentration d’arsenic dans l’eau, qui dépassent les niveaux recommandés par l’Organisation mondiale de la santé. Associée au dépôt de poussière sur la totalité de la surface minière, cette pollution affecte de manière considérable la santé de la population, ainsi que la faune et la flore, et même l’équilibre des écosystèmes régionaux (Hubert 2021)
En 2013, une étude portant sur 10 réservoirs d’eau au Burkina Faso a révélé une contamination au mercure, à l’arsenic et au sélénium chez 70 % des poissons analysés, les rendant impropres à la consommation, et a alerté sur la qualité de l’eau dont dépendent les populations rurales, en raison de la croissance du secteur extractif (Ouédraogo et Amyot 2013). Une seconde étude, menée quelques années plus tard, a confirmé cette préoccupation, en mettant en évidence la contamination à l’arsenic des nappes phréatiques du pays (Bretzler et al. 2017) Des études récentes ont aussi corroboré l’appauvrissement croissant des populations burkinabè, en raison de la dégradation environnementale des industries minières (Ouoba 2018 ; Zabsonré, Agbo et Somé 2018)
La solution proposée est de changer d’orientation, en se détournant des endroits reculés et écologiquement intacts pour se concentrer sur les « espaces partagés » dans les environnements terrestres et marins, en nette rupture avec les priorités initiales, qui se concentraient uniquement sur la préservation des « meilleurs » sites pour la biodiversité (voir la section précédente). Pour y parvenir, l’approche « terre et mer partagées » est axée sur quatre piliers :
• Privilégier le niveau local et construire de manière ascendante, en agrégeant depuis le niveau local au niveau national et à plus grande échelle ;
• Remédier aux problèmes d’équité et répondre aux droits et besoins des peuples, afin d’assurer des solutions centrées sur les individus et respectueuses de la nature ;
• Intégrer toutes les connaissances aux niveaux locaux, dont celles issues de sources locales, traditionnelles et scientifiques, pour garantir le respect du contexte local, de la granularité de la biodiversité et des valeurs et mœurs des peuples locaux ;
• Traiter tous les objectifs du CMB conjointement, comme un tout indissociable. De manière plus générale, intégrer tous les objectifs prioritaires locaux, dont ceux qui concernent l’agriculture et d’autres secteurs clés, afin d’instaurer un équilibre entre eux.
Gauche Le modèle « terre partagée » est présenté à l’échelle du territoire d’un pays, dans lequel la zone sous protection (par exemple, 30 % du territoire national) s’étend partout dans le pays à travers des « terres partagées » sur lesquelles les populations pratiquent l’agriculture, la pêche et l’élevage, bénéficiant ainsi à la majorité des personnes par le biais de l’agro-écologie et d’autres pratiques de gestion durable des terres, qui permettent en même temps de construire une protection dans des réseaux connectés de zones protégées et intactes. La barre présentant un dégradé sous l’axe des abscisses illustre l’état de la biodiversité, d’intacte (à gauche, en foncé) à dégradée (vert clair), jusqu’à entièrement transformée dans les villes et les exploitations intensives (orange).
Droite Illustration de la manière dont la gouvernance de ces zones protégées peut être diversifiée pour s’adapter aux contextes locaux, à travers un mélange de zones protégées (ZP), d’autres mesures de conservation efficaces (AMCE) et d’autres mesures appropriées à la vie sauvage, combinées à d’autres territoires contrôlés par les peuples autochtones et les communautés locales (PACL). Reproduit d’après Obura et al. (2021).
L’approche préconise que les efforts de préservation soient répartis sur tous les espaces terrestres et marins (voir Figure 2), une idée de plus en plus soutenue par la littérature, selon laquelle maintenir l’habitat naturel sur environ 20 % des espaces peut permettre aux communautés et résidents locaux de profiter de manière pérenne des services écosystémiques, tout en préservant de nombreuses dimensions de la biodiversité (Garibaldi et al. 2021 ; Declerck et al. 2021 ; Mohamed et al. 2022 ; EstradaCarmona et al. 2022). Pour ce faire, il est primordial que la proportion des zones d’habitat de haute qualité soit représentée à l’échelle locale, sur chaque km², afin de répondre aux besoins des populations à cette échelle ; en outre, à cette échelle, les configurations complexes des habitats naturels ou semi-naturels (par exemple, les bandes de terre cultivées, les haies, les parcelles de forêt, etc.) contribuent de manière essentielle à la biodiversité tout en procurant des avantages aux populations (Mohamed et al. 2022 ; Estrada-Carmona et al. 2022), et créent de nombreuses synergies à l’aide d’approches de production holistique, comme l’agroécologie (Wezel et al. 2020) De plus, en se
situant à l’échelle locale, cette approche favorise le potentiel de participation, de gouvernance et de leadership des communautés locales et autochtones. Dans les endroits reculés où la nature est davantage préservée, de plus grandes proportions d’habitats intacts peuvent être prises en compte pour atteindre l’objectif. L’agrégation des proportions d’habitats intacts et de zones naturelles pourrait permettre d’atteindre l’objectif ambitieux de 30 % de couverture des zones protégées dans le cadre du CMB (voir Figure 2).
Encadré 3. Pépinières communautaires pour la replantation des mangroves au Cameroun
Les mangroves sont très importantes au Cameroun et abritent un large spectre d’espèces animales Elles sont confrontées à différentes menaces : l’intensité de l’urbanisation, le développement de l’agriculture, l’utilisation de pesticides et d’engrais, un manque de législation les concernant, la présence d’espèces invasives et les activités humaines, comme la pêche dans les mangroves et leurs alentours (PNUE 2007) ou l’exploitation du bois (Angoni et al. 2015) Des images satellites permettent d’estimer que les mangroves camerounaises ont rétréci de 7 % entre 2000 et 2015, soit 0,5 % par an (MINEPDED-RCM 2017) En plus de contribuer à la disparition des espèces et de l’écosystème, le recul des mangroves intensifie l’érosion côtière. Dès lors, les autorités publiques et les communautés locales ont collaboré pour créer 13 pépinières communautaires soutenues par l’ONG Graine de vie. Cela a par exemple permis aux communautés de la ville de Campo de faire pousser plus de 4 000 semis de palétuviers pour essayer de construire un « bouclier végétal » face à l’érosion côtière et au vent (PNUE et WCMC 2016) À Bonendale, dans l’estuaire du Wouri, une pépinière communautaire a pu être installée par des ONG (Cameroon Environmental Watch et WTEG) à travers un engagement et une sensibilisation de la communauté locale (ENVIREP Cameroon 2010)
Cette expérience a été transposée de l’autre côté du continent, en Afrique de l’Est, les mangroves faisant l’objet d’une attention accrue en tant qu’écosystèmes essentiels non seulement pour la préservation de la nature, mais aussi pour les services multiples qu’elles offrent aux populations : protection des côtes, zones d’alevinage pour les poissons, terrain de pêche pour différentes espèces, dont les crabes, et zone d’exploitation du bois pour les programmes de reforestation (Erftemeijer, de Boer et Hilarides 2022). Et surtout, le fait que les mangroves séquestrent le carbone à des taux plus élevés que les forêts terrestres attire la finance du « carbone bleu » issue des marchés du carbone, qui soutient directement à la fois une reforestation bénéfique, comme mentionné précédemment, et l’injection de financements dans des projets et des communautés au niveau local, à travers un soutien apporté aux écoles, aux centres de santé et à d’autres équipements sociaux.
Cette approche privilégie résolument les environnements terrestres et marins « d’exploitation » ou « de production », les contributions écologiques de la nature aux populations, ainsi que l’intégrité des écosystèmes naturels qui soutiennent des productions et des usages locaux, comme l’agriculture, l’élevage, l’agroforesterie et d’autres démarches. L’approche est aussi orientée simultanément vers de nombreux objectifs, parmi lesquels plusieurs des 23 objectifs envisagés dans le cadre mondial de la biodiversité, comme le fait de viser à la fois la restauration, l’exploitation durable et des objectifs de
partage des avantages, tout en établissant des zones de protection au niveau local. Cette approche peut également intégrer des objectifs envisagés lors d’autres conventions, comme lutter contre la pauvreté, répondre aux exigences en termes de sécurité alimentaire, minimiser la vulnérabilité et l’exposition aux désastres et intégrer le cadre général des ODD (voir Figure 1).
2.2. Convergence entre l’approche « terre partagée » et l’approche par les biens communs
L’approche « terre partagée » s’appuie sur l’attention accrue dont bénéficient les approches fondées sur les droits et les moyens de subsistance, ainsi que sur sa convergence très forte avec l’approche par les biens communs. Cette convergence est particulièrement visible dans deux types de contextes institutionnels locaux, présentés ci-dessous.
2.2.1. Protection des biens communs terrestres et des ressources naturelles
La première situation survient lorsque les biens communs terrestres et les ressources naturelles (comme l’accès aux terres, aux zones forestières ou aux ressources en eau) doivent être protégés afin de permettre aux acteurs de relever les défis de la biodiversité à travers les « situations d’action » (Ostrom 1990) qui se présentent à eux L’intégration du fonctionnement écologique des environnements à une perspective socio-écologique des systèmes et l’importance des institutions sociales locales sont ici des éléments clés. Dans ce contexte, le capital naturel doit être intégré dès le début à la conception des institutions et des politiques de gestion, ainsi qu’à celle des stratégies économiques ou des chaînes d’approvisionnement qui affectent l’espace (Gaidet et Aubert 2019)
Le rapport de l’évaluation mondiale de l’IPBES affirme que « la protection et les pratiques communautaires des peuples autochtones et des communautés locales se sont avérées extrêmement efficaces pour protéger les écosystèmes à travers leurs connaissances, leurs pratiques et leurs institutions. Pour preuve, les indicateurs de biodiversité affichent un déclin 30 % inférieur et 30 % plus lent sur les terres autochtones que sur les terres qui ne sont pas gérées par les peuples autochtones ».
Ainsi, les biens communs terrestres et les ressources naturelles existants peuvent constituer une base solide pour établir l’approche « terre partagée » de manière ascendante : ils pourraient fournir une base sociale et organisationnelle pour la construction d’une nouvelle « arène d’action » (Ostrom 1990)
Dans ce contexte, différents acteurs économiques, à différentes échelles, vont interagir, débattre et décider de ce que devrait être la stratégie économique de l’espace géré, en s’appuyant sur la biodiversité comme un atout qu’il faut préserver et non pas simplement exploiter. Puisque de nombreuses zones rurales des pays d’Afrique subsaharienne vont connaître une transformation rapide en raison de l’évolution démographique et du développement économique, il est primordial que les biens communs liés aux terres et aux ressources naturelles soient suffisamment flexibles et résilients pour pouvoir intégrer les facteurs de changement et surmonter la complexité et les pressions accrues dues aux multiples dynamiques d’interaction, ainsi qu’à l’incertitude croissante (Ferraro et al.
2015) En particulier, en ce qui concerne les pressions exercées sur la biodiversité, il est essentiel que les pays soient capables d’intégrer de nouveaux acteurs non locaux qui font partie d’une chaîne d’approvisionnement plus large et qui ont un impact majeur sur la voie de transformation prise par la région : par exemple, les acheteurs et les transformateurs des récoltes et leur influence sur la chaîne d’approvisionnement jusque depuis la source (voir la dernière section).
Dans certains cas cependant, la gestion locale ne s’avère pas adéquate pour empêcher la dégradation de la biodiversité (Marchant et Lane 2014). Comme le mentionnent Boche et al. (à paraître), c’est notamment le cas lorsque les biens communs terrestres et les ressources naturelles sont mis en danger à cause d’une concurrence accrue entre différents utilisateurs qui convoitent les terres et les ressources, en particulier sous la poussée de la croissance démographique et de la migration, ainsi que des réformes agraires fondées sur la propriété plutôt que sur un ensemble de droits d’accès et d’utilisation. L’absence de systèmes de contrôle et d’évaluation capables de déterminer la performance des institutions de gestion des ressources naturelles dans de telles circonstances fait cruellement défaut
2.2.2. Développer une « approche par les biens communs » dans les zones de biodiversité protégées
Le second type de situation se développe depuis bien longtemps dans le domaine de la préservation de la biodiversité. Les « conservancies » peuvent être définies par la gestion communautaire d’une zone protégée, au sein de laquelle les communautés locales sont responsables de la protection de la biodiversité et retirent également des avantages de cette protection. Elles bénéficient souvent de recettes provenant d’un écotourisme tourné vers l’observation de la nature, mais reste à savoir dans quelle mesure les bénéfices économiques sont redistribués au-delà des membres de la conservancy pour entraîner un développement rural plus général. Les études existantes indiquent que ce n’est pas toujours le cas et que des politiques pourraient être mises en place afin de promouvoir une distribution plus équitable des bénéfices générés par une conservancy (Silva et Mosimane 2013). En partageant ces bénéfices d’une manière plus large, les efforts de conservation communautaires pourraient améliorer la viabilité du tourisme naturel en tant que stratégie de développement rural au sein d’environnements plus variés, dans le cadre de critères définis par les gouvernements locaux. Les institutions et le capital social qui gravitent autour des conservancies peuvent constituer une base sur laquelle construire des institutions de gestion des biens communs à plus grande échelle. Pour ce faire, le modèle de gouvernance doit dépasser le cadre de la zone protégée pour s’inscrire dans celui de l’environnement et de la région tout entiers, et gérer les pressions externes concernant les biens communs terrestres et les ressources naturelles, comme mentionné dans la section précédente.
Encadré 4. Biens communs et conservation : modes de gouvernance pluriels et hybrides
La conservation communautaire s’est développée dans les années 1980 (Rodary 2008 ; Bollig 2016), au sein d’une constellation sémantique comprenant, par exemple, la gestion communautaire des ressources naturelles, les conservancies communautaires, les programmes de gestion autochtone des ressources naturelles, ou encore la conservation intégrée et les initiatives de développement (Nelson et Agrawal 2008)
D’après Campbell et Shackleton (2001), le succès des conservancies dépend de huit facteurs : la volonté politique réelle des gouvernements à transférer le pouvoir décisionnel à un niveau local pour l’ensemble des droits ; la clarification des mandats et des relations entre les différents acteurs ; l’intégration des commissions de gestion des ressources naturelles au sein de gouvernements locaux décentralisés ; la représentativité, la responsabilité et la transparence des organes de gestion ; la continuité de l’ingénierie sociale dans le temps ; la reconnaissance de la place des autorités traditionnelles ; le soutien du secteur privé pour générer des revenus à partir de l’utilisation des ressources ; et la reconnaissance de la valeur ajoutée créée pour déterminer la meilleure structure organisationnelle.
Les approches fondées sur les biens communs et les droits connaissant également un développement important en ce qui concerne les communautés et les modes de vie tributaires des océans, notamment par une attention croissante accordée au développement de l’« économie bleue », en particulier en Afrique (Okafor-Yarwood et al. 2020 ; Bennett et al. 2021 ; Ruano-Chamorro, Gurney et Cinner 2022). Ces approches privilégient essentiellement les zones gérées de manière communautaire et font de la conservation un élément central, s’appuyant en cela sur le modèle de la conservancy. Elles ciblent également les droits et la dépendance des petites communautés de pêcheurs, en parallèle des huit facteurs cités précédemment.
Les réserves de biosphère du programme sur l’Homme et la biosphère (MAB) de l’UNESCO affichent également de nombreux points communs avec l’approche « terre partagée » Dans une réserve de biosphère, la zone principale de conservation est protégée par une aire de transition conçue pour empêcher les activités extractives intensives de se développer aux marges du parc, ce qui pourrait mettre en danger la viabilité écologique de l’environnement Ici, l’aire de transition est pensée comme une zone « où les communautés encouragent des activités économiques et humaines durables des points de vue socioculturel et écologique ». Ces zones pourraient être au cœur des activités et des secteurs économiques pour lesquels la zone protégée centrale deviendrait un atout ou un capital dont la préservation serait indispensable au développement économique du territoire plus large L’expérience du programme MAB est donc unique pour comprendre à la fois les échecs et les succès potentiels d’une telle approche et identifier dans quelle mesure cette approche pourrait être développée au-delà des réserves de biosphère, à une région entière ou à une mosaïque d’environnements.
Les exemples présentés dans cette section montrent à la fois :
- l’existence d’une base pertinente d’institutions et de capital social, dans différents types de contextes, à partir de laquelle une approche « terre partagée » pourrait être développée à des échelles locales et constituant une somme d’expériences permettant de tirer des enseignements ;
- les limites, les obstacles et les échecs des institutions existantes, en raison de la nature complexe des interactions locales entre un environnement en évolution (évolution accélérée par le changement climatique) et des relations de pouvoir en mutation dans la société locale. Les limites des institutions actuelles sont aussi liées à des facteurs structurels externes qui influencent l’environnement local, comme nous allons le voir dans la section suivante.
3. Intégrer l’approche ascendante « terre partagée »
Passer de l’échelle d’une organisation locale fondée sur les terres à celle plus large de la conception d’une transformation économique respectueuse de la nature et des populations pose de nombreux défis.
L’une des caractéristiques principales de l’approche « terre partagée » est de construire des projets de développement et des structures de gouvernance d’une manière subsidiaire et ascendante. Parmi les facteurs qui entraînent des impacts sociaux intolérables ou une surexploitation des ressources et une dégradation de la biodiversité, nombreux sont des « causes sous-jacentes et des facteurs indirects », comme le décrit l’IPBES (2019) La difficulté est que beaucoup de ces facteurs ne sont pas essentiellement locaux, mais plutôt nationaux ou mondiaux. C’est notamment pour cette raison que Leadley et al. (2022) et Díaz et al. (2020) insistent sur le besoin de générer des « changements structurels » et de ne pas s’appuyer seulement sur la conservation des espaces protégés. Cela implique de développer une approche à plusieurs niveaux, niveaux qui seraient des unités d’analyse situées à différentes positions sur une échelle donnée. Par exemple, les progrès technologiques dans l’extraction d’eau ou la mécanisation agricole peuvent avoir des effets très négatifs sur la protection de la diversité, et, s’ils augmentent la productivité agricole, ils exposent aussi au risque de réduire le niveau de l’emploi dans les environnements agricoles, un exemple de certains des compromis fondamentaux inhérents aux ODD (Nilsson et al. 2018). Ces changements ne sont pas motivés au niveau local et il est même probable qu’il soit impossible de les réguler. Dans ce contexte, il est nécessaire d’impliquer tous les acteurs clés des chaînes de valeur, dont, par exemple, les importateurs de technologies, ainsi que les coopératives qui les distribuent dans les zones rurales.
3.1. D’une approche fondée sur un environnement local au développement régional
Passer du niveau local à des ensembles régionaux plus larges nécessite de prendre en compte au moins deux critères. Le premier est la connectivité entre les zones protégées et les fragments d’habitat intact à l’échelle plus large (régionale), afin d’assurer le fonctionnement écologique et les flux migratoires entre eux. Le second critère est la capacité de charge des écosystèmes et des ressources naturelles au sein de la région, afin de ne pas les surexploiter. Ceci est renforcé par le fait que la biodiversité et ses avantages ne profitent pas seulement aux zones protégées et aux fragments intacts ou zones naturelles, ils rejaillissent aussi sur les espaces cultivés et exploités. Ces avantages peuvent prendre de nombreuses formes différentes, comme l’élimination des nuisibles ou la pollinisation des cultures, la rétention d’eau et le réapprovisionnement des nappes phréatiques, ou encore l’association d’une image de nature à un produit. La proximité de zones protégées/intactes
aux économies nationales et aux chaînes d’approvisionnement mondiales : biens communs imbriqués et polycentrisme
peut aussi comporter des risques pour les activités économiques, comme la destruction des cultures par de grands mammifères.
Elinor Ostrom a développé le « principe d’imbrication » (Ostrom 1990) pour permettre une gouvernance solide des biens communs à grande échelle. Ce principe pourrait guider les efforts de transposition à grande échelle de la gestion environnementale communautaire en Afrique subsaharienne au-delà du niveau local et dans une perspective ascendante. Un système imbriqué est polycentrique : il comprend plusieurs centres décisionnels qui conservent une autonomie importante les uns vis-à-vis des autres (Ostrom, Tiebout et Warren 1961). La coordination des décisions au sein du système dépend essentiellement de la collaboration entre ces différents centres.
L’approche polycentrique implique l’existence, à des échelles successivement plus grandes, de forums dédiés à la négociation entre les différents acteurs économiques concernant le niveau d’utilisation durable des ressources et leur répartition entre les utilisateurs (Coriat, Gazibo, et Leyronas, à paraître). Cela suppose de mettre au point un système de gestion des biens communs au niveau de la région entière qui englobe également les échelles plus réduites. Il s’agit aussi de donner au gouvernement national un rôle de « garant » qui assure la présence d’un cadre de contrôle et d’évaluation pour déterminer si le système de gestion des biens communs parvient à atteindre ses objectifs, sur le plan socio-économique et sur celui de la conservation de la biodiversité L’État devrait également jouer un rôle important en veillant à ce que le déséquilibre de pouvoir entre les différents acteurs du système ne compromette pas la négociation par des asymétries, ce qui aurait des effets pervers sur l’équité, l’état de l’environnement ou les deux.
Encadré 5. Résoudre le problème de connectivité entre des écosystèmes protégés importants : l’exemple d’un projet au Kenya
Certaines expériences qui utilisent des réseaux de zones protégées comme fondement d’un développement respectueux de la nature dans les régions rurales existent déjà et méritent d’être davantage analysées. Par exemple, un projet financé en 2020 par le Fonds français pour l’environnement mondial (FFEM 4) vise en particulier une meilleure connectivité entre les écosystèmes protégés au Kenya, entre la réserve nationale de Marsabit et le parc national de Meru, tout en étendant le modèle des conservancies à une échelle géographique plus grande, qui englobe le réseau des zones protégées et la région entière dans laquelle elles sont imbriquées. Ici, l’enjeu le plus important est de dépasser la tradition historique de l’écotourisme pour aller vers un développement local plus intégral : il est nécessaire de pouvoir planifier et débattre avec tous les acteurs de la région de la mesure dans laquelle l’agriculture et l’élevage devraient être intégrés dans la conservation de la biodiversité, que ce soit dans les zones protégées comme sur le reste du territoire. Veiller à ce que les populations locales bénéficient socialement de ce projet au lieu d’en être affectées socialement est extrêmement important et exige une vigilance et un contrôle particuliers, afin d’éviter que des déséquilibres de pouvoir, parmi les acteurs ou au sein du projet, n’entraînent des résultats inattendus.
4 https://www.ffem.fr/fr/carte-des-projets/des-conservancies-pour-preserver-la-biodiversite-kenyane
Les défis auxquels ces approches sont confrontées renforcent le besoin d’un cadre de gouvernance où le niveau national pourrait intervenir et évaluer l’application de facto des institutions en construction.
L’approche « terre partagée », dans laquelle la conservation de la biodiversité ne serait pas opposée mais centrale à la mise en place d’une trajectoire de transformation économique respectueuse de la nature dans les régions rurales, présente autant des possibilités immenses que des obstacles considérables au développement. Il faudrait notamment aller au-delà du secteur de l’écotourisme et même du secteur agro-alimentaire pour s’intéresser aussi à la manière dont d’autres secteurs et industries pourraient être attirés dans ces régions. Pour ce faire, il s’agit de considérer le potentiel de synergies qui existe parmi ces secteurs, l’attrait d’une image positive grâce à la protection de la biodiversité et la qualité de vie des employés dans un environnement bien géré, sain et naturel. Les analyses de scénario des résultats possibles de cette synergie entre les êtres humains et la nature, même lorsque ces scénarios peuvent sembler extrêmement incertains et peu probables, donnent à penser qu’il est crucial de développer des trajectoires de transformation potentielles où la biodiversité est un capital et un atout pour le développement économique. Sans quoi, le pire des scénarios pourrait se réaliser, dans le cadre duquel les pratiques courantes d’extraction intensive et de surexploitation des ressources, et enfin de dégradation de la biodiversité, même au cœur des zones de conservation, finiraient par l’emporter.
3.2. La re-politisation des stratégies nationales
Les stratégies nationales adoptées dans les domaines de l’agriculture, du développement des infrastructures ou des industries extractives jouent un rôle décisif dans la définition des trajectoires de développement aux niveaux local et environnemental. En Afrique, les politiques agricoles, lorsqu’elles sont suffisamment développées, sont souvent portées par le besoin d’augmenter la productivité à travers l’accès aux engrais, sans prendre réellement en compte les problèmes de dégradation des sols, de protection de l’environnement et d’impact social des différents types d’intégration entre la biodiversité et l’agriculture dans l’écosystème agricole (Yamaoka 2019) Dans le cas du Kenya et de l’Éthiopie (Yamaoka 2019 ; Aubert et al. 2017), par exemple, la prédominance de ce modèle productiviste de développement agricole peut en partie s’expliquer par la configuration des acteurs impliqués dans le processus de développement des politiques agricoles. Souvent, les choix arrêtés quant au champ d’application, aux objectifs et aux stratégies sont dépolitisés, c’est-à-dire qu’ils sont détachés du ministère compétent et assignés à la place à une agence spécialisée faisant appel à des consultants internationaux. Ces derniers appliquent souvent des approches traditionnelles et caractéristiques des marchés financiers, au lieu d’analyser de manière spécifique les besoins des différents territoires dans une perspective intégrée.
Dans ce cas, l’approche « terre partagée » ne peut pas être mise en place sans un remaniement radical du processus de développement stratégique, une re-politisation des choix de développement agricole et une responsabilité d’arbitrage assumée par le ministère plutôt qu’une agence d’exécution. En outre, les acteurs compétents aux différents niveaux de gouvernance doivent être entièrement impliqués dans le processus : les communautés locales, les syndicats agricoles, les coopératives, les industries agro-alimentaires, les fournisseurs de technologies agricoles, mais aussi les spécialistes en conservation et les responsables de zones protégées, ainsi que les villes et leurs services publics. Des approches innovantes et compatibles entre différents secteurs, comme le fait de transformer l’agriculture à l’aide de principes agro-écologiques, sont aussi essentielles (Wezel et al. 2020)
3.3. La gestion des tensions générées par la dynamique d’extraction privée de rentes
De manière plus générale, et c’est notamment le cas pour les industries extractives, il existe des tensions entre l’approche de gestion des ressources communes et l’extraction privée de rentes (Boche et al., à paraître). Les acteurs de la recherche ou de la capture de rentes dans une économie seront peu enclins à participer à l’approche « terre partagée ». Mais s’ils ne sont pas inclus dans le système de gouvernance qui décide du modèle de développement intégré des environnements, des régions et de l’économie nationale, leurs intérêts compromettront tous les efforts effectués par les autres acteurs.
3.4. Des chaînes d’approvisionnement mondiales : commencer par bâtir des connaissances communes
Au-delà de l’échelle nationale, le pouvoir de décision, de prescription et de capture de la valeur dans les chaînes d’approvisionnement mondiales est souvent concentré en amont ou principalement en aval des producteurs primaires des zones et régions rurales africaines. Il ne s’agit pas forcément d’entreprises multinationales, puisqu’il y a aussi de puissants investisseurs et acteurs économiques nationaux dans de nombreux pays africains. L’approche par les biens communs doit donc également s’imposer dans ces chaînes d’approvisionnement nationales, régionales et souvent mondiales, où la gouvernance doit être partagée équitablement entre les acteurs en aval et en amont, les règles du jeu doivent être claires et justes et l’information doit être transparente.
Cela peut sembler bien loin de la réalité lorsque l’on considère les chaînes d’approvisionnement mondiales, à l’exception d’exemples spécifiques du commerce équitable. La première étape pour se diriger dans cette voie pourrait néanmoins consister à considérer l’information tout au long de la chaîne d’approvisionnement comme un bien commun en soi.
À des niveaux locaux de gouvernance, des sanctions et des règles sociales peuvent exister et garantir le bon fonctionnement des institutions de biens communs. Mais dans les chaînes d’approvisionnement mondiales, l’information sur les agissements des autres acteurs, afin de s’assurer par exemple que personne n’enfreint les règles communément admises, devient un atout stratégique pour atteindre une gestion et des objectifs communs. Il n’y a là rien de nouveau en ce qui
concerne la gestion des chaînes d’approvisionnement mondiales. Mais dans le contexte africain, où la génération de données et l’accès aux données sont compliqués, mettre en place des systèmes d’information solides n’est pas évident. Développer une approche par les biens communs, une approche de responsabilité commune, est essentiel pour permettre une forme de contrôle social.
Encadré 6. Chaînes d’approvisionnement du cacao
La culture du cacao, en particulier lorsqu’elle ne se développe pas dans le cadre d’approches agroforestières, entraîne la dégradation de la biodiversité africaine au sein des parcelles de culture et est responsable de la déforestation avec l’expansion des zones cultivées. Au cours des dernières décennies, le secteur du cacao ne s’est pas adapté aux impératifs de développement durable. Il a augmenté sa production, à la fois en élargissant ses cultures et en simplifiant les systèmes de production pour les intensifier. Cette augmentation de la production a aussi maintenu une surproduction structurelle à l’échelle mondiale (Amiel, Laurans et Muller 2019) L’ensemble de la chaîne d’approvisionnement mondiale du cacao doit donc évoluer, dans une période actuelle d’essor net de la demande, ce qui rend d’autant plus nécessaire d’empêcher la poursuite de la déforestation et de passer par une phase de restauration de la complexité, de la productivité et de la biodiversité des systèmes de culture en place à travers une approche agro-forestière. Cependant, pour déployer ce genre d’action, il faut pouvoir retracer l’origine des produits sur le marché final de consommation, afin de rendre compte de l’impact de son mode de production sur l’environnement.
L'exemple des chaînes d’approvisionnement du cacao est particulièrement représentatif de la difficulté d’assurer la traçabilité des fèves de cacao produites de manière durable, puisque, à un maillon de la chaîne, toutes les fèves (qu’elles soient produites de manière durable ou non) sont mélangées au sein d’une même infrastructure de stockage. Dans cet exemple, les données et l’information stratégiques qui assurent la transformation vers le développement durable de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement sont entravées par un problème technique Dans d’autres cas, au-delà de cette limite technique due à l’infrastructure de récolte et de traitement, l’absence de collecte de données résulte d’un manque d’équipements et de capacités de surveillance. Étant donné la nature stratégique de l’information dans les contrats tout au long de la chaîne d’approvisionnement, la traçabilité en vue du développement durable et de l’équité au sein de la chaîne d’approvisionnement pourrait être compromise par des asymétries d’information intentionnelles ou par la manipulation stratégique des données, de l’information ou de l’ignorance (en empêchant les données d’être contrôlées), exercée par un acteur spécifique ayant la main mise sur les données et l’information au sein de la chaîne d’approvisionnement.
L'exemple du manque d’information dans les chaînes d’approvisionnement montre que le partage d’information comme bien commun est à la fois politique et structurel. Politique parce qu’il implique que les différents prestataires de la chaîne d’approvisionnement trouvent un accord, au sein duquel il serait convenu qu’il est plus bénéfique pour chacun d’avoir une transparence de l’information que de mobiliser des asymétries d’information pour maximiser des gains individuels. Structurel puisqu’il peut
aussi requérir des investissements structurels (des silos distincts pour différents degrés de durabilité) afin d’assurer une traçabilité adéquate, transformant ainsi l’ensemble de la structure technique et contractuelle de la chaîne d’approvisionnement.
Il s’agit donc d’une faiblesse principale et d’un risque important de l’approche « terre partagée » des biens communs. Elle offre néanmoins la possibilité de rouvrir la discussion le long des chaînes d’approvisionnement mondiales pour favoriser une approche de la gouvernance par les biens communs en leur sein. Nous vivons désormais dans une époque de remise en cause de la mondialisation, puisque l’autonomie et la sécurité stratégiques de l’approvisionnement deviennent un aspect primordial pour de nombreux acteurs puissants, sans oublier que de nombreux pays et régions cherchent à maintenir des secteurs clés qui soutiennent leur économie, tout en relocalisant des emplois. La relocalisation des emplois au sein de l’Union européenne ou en Asie, par exemple, constitue une menace pour le développement de l’industrialisation dans les pays africains. Mais cela ouvre aussi un espace de négociation politique sur les chaînes d’approvisionnement et l’établissement de contrats sociaux entre les différents acteurs d’une chaîne, afin d’assurer une plus grande coresponsabilité non seulement en ce qui concerne la rentabilité économique, mais aussi un impact social et environnemental positif. Cela offre aussi aux pays d’Afrique subsaharienne des possibilités de renforcer leurs marchés et leurs chaînes d’approvisionnement régionaux, en concentrant leurs efforts sur le développement durable au sein de systèmes de production et de chaînes d’approvisionnement davantage localisés sur le continent et parmi les pays et les marchés voisins. Une approche intégrée du développement et de la biodiversité à travers l’approche ascendante « terre partagée » et les chaînes d’approvisionnement mondiales pourrait devenir l’un des principaux modèles discutés lors de ces périodes de renégociation.
Conclusion
L’approche « terre partagée » semble donc ouvrir la voie à la formulation de nouvelles solutions à un problème d’action collective à différentes échelles, de l’échelle locale à internationale, en passant par les échelles régionale et nationale. Elle est néanmoins confrontée à un problème majeur : les institutions nécessaires au fonctionnement de cette approche à travers ses différentes échelles, d’une manière subsidiaire, ascendante et polycentrique, sont faibles et actuellement dominées par des chaînes d’approvisionnement et des relations de gouvernance descendantes. En fait, bien que cette situation soit extrêmement compliquée, elle fait aussi résolument ressortir le besoin de « biens communs imbriqués » : des biens communs locaux interconnectés et entremêlés de manière horizontale à des biens communs régionaux, construits par la mise en réseau et la connectivité des biens communs locaux ; ainsi que des biens communs imbriqués de manière verticale, par imbrication des biens communs de gestion des ressources naturelles dans des chaînes verticales. Cela converge avec la notion de polycentrisme développée par Ostrom. D’après Elinor Ostrom, l’un des principes du développement durable des biens communs est fondé sur l’idée selon laquelle l’efficacité et le développement des biens communs doivent faire partie d’un cadre institutionnel qui inclut à la fois l’État et le marché. Réussir à faire fonctionner ce « polycentrisme politique » est extrêmement ardu, mais serait au cœur d’une approche « terre partagée » capable de mieux préserver la biodiversité tout en assurant la transformation de l’économie des pays africains vers la prospérité et le développement durable.
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