Cadre d'intervention : Mayotte

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CIP 2016-2020 2014-2016

Egypte Mayotte Cadre d’intervention MAYOTTE 2016-2020 pays 2014-2016



préambule : Mayotte, un jeune département en transition, un territoire d’outre-mer en développement

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1 Éléments déterminants pour la stratégie de l’AFD à Mayotte (2016-2020)

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1.1. Synthèse des enjeux de développement durable 5 1.2. Les interventions de l’État, des administrations publiques locales et des autres acteurs du développement 10 2 Premier bilan, contraintes et leviers pour une action de l’AFD à Mayotte 14

2.1. 2.2. 2.3.

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Stratégie d’intervention de l’AFD à Mayotte pour la période 2016-2020 19

3.1. 3.2.

Finalités de développement du territoire et objectifs de l’action de l’AFD à Mayotte Les activités proposées pour la période 2016-2020

glossaire

15 17 18

20 23 29

Sommaire

Premier bilan des actions de l’AFD Contraintes d’intervention de l’AFD à Mayotte Positionnement et atouts de l’AFD à Mayotte


PrĂŠambule

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Éléments déterminants pour la stratégie de l’AFD à Mayotte

Préambule Mayotte, un jeune département en transition, un territoire d’outre-mer en développement

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epuis 2008 et le « Pacte pour la départementalisation », Mayotte est entrée dans une décennie de transition déterminante pour son avenir. Devenue officiellement le 101e département français le 31 mars 2011, Mayotte a franchi le 1er janvier 2014 une nouvelle étape dans sa marche vers le droit commun avec l’application de la fiscalité directe locale et de l’octroi de mer. L’île a aussi accédé la même année au statut de 9e région ultrapériphérique (RUP) de l’Union européenne qui la rend éligible aux Fonds européens structurels et d’investissement (FESI). Par ailleurs, l’élaboration du plan stratégique « Mayotte 2025 », à l’initiative du président de la République lors de son déplacement en août 2014, et la signature du document par le Premier ministre et le président de la collectivité départementale en juin 2015 témoignent de la volonté de l’État et des élus d’inscrire le destin de Mayotte dans une dynamique de développement à long terme et de « tracer pour les 10 années à venir son cheminement vers le droit commun de la République ». Mayotte est une collectivité d’outre-mer régie par l’article 73 de la Constitution1. Depuis 2011, le conseil départemental de Mayotte2 est devenu une assemblée délibérante unique exerçant les compétences dévolues aux régions et aux départements, à l’exception de la gestion des routes nationales, des constructions scolaires du second degré et de la gestion des personnels techniciens de l’Éducation nationale. Aujourd’hui, certains pans de la législation nationale ne sont toujours pas appliqués à Mayotte. C’est ainsi que l’on estime que seul un quart

des dispositions du code du travail est actuellement en vigueur sur l’île. Cette application partielle et différée du droit commun est à l’origine de revendications répétées et de mouvements sociaux, comme ceux du printemps 2016, pour une « égalité réelle » avec la métropole. Mayotte est la quatrième île de l’archipel des Comores, située à l’entrée du canal du Mozambique, à mi-chemin entre le continent africain et Madagascar. Elle est devenue française suite à sa colonisation au XIXe siècle mais s’est désolidarisée de la marche vers l’indépendance de l’archipel. Par la consultation de 1974, confirmée par le référendum de 1976, la population mahoraise s’est prononcée en faveur du maintien dans la République française. Mayotte est depuis revendiquée par l’Union des Comores voisine qui se réfère à la norme coutumière consacrant le principe selon lequel une décolonisation doit s’effectuer dans le cadre des anciennes frontières coloniales en préservant l’intégrité du territoire. À l’inverse, la décision française s’appuie sur le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes3. Ce différend franco-comorien ne peut faire oublier les profonds liens historiques, ethniques et culturels existant entre les quatre îles comoriennes. Ceux-ci et les différences d’attractivité entre les îles expliquent les importants flux migratoires, souvent illégaux, vers Mayotte. C’est donc dans un contexte à la fois complexe, changeant, porteur d’espoirs et de défis que l’Agence propose d’adopter un cadre d’intervention pour la période 2016-2020, dont l’axe majeur est d’accompagner et de faciliter les mutations en cours sur le territoire.

1. Le régime législatif et règlementaire applicable dans les départements et régions d’outre-mer, régis par l’article 73 de la Constitution, est, en principe, celui de l’identité législative, les lois et règlements y étant applicables de plein droit. Ils peuvent cependant faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités. 2. Depuis le 1er janvier 2014, la collectivité départementale est officiellement baptisée « département de Mayotte ». 3. Cf. article de Mita Manouvel, « Mayotte, état des lieux, enjeux et perspectives ».

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Éléments déterminants pour la stratégie de l’AFD à Mayotte (2016-2020)

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Éléments déterminants pour la stratégie de l’AFD à Mayotte (2016-2020)

1.1.

Synthèse des enjeux de développement durable

1.1.1. Un département en pleine mutation confronté à d’importants retards et déséquilibres Le développement économique et social de Mayotte accuse des retards lourds dans de nombreux domaines qui sont autant de facteurs de blocage que de gisements de croissance. La volonté politique d’un rattrapage est forte et le dynamisme économique de ce jeune territoire ne s’est pas démenti au cours des dix dernières années grâce à la dépense publique, à quelques investisseurs privés et à la consommation des ménages. Mais les défis à relever sont nombreux. Le PIB de Mayotte a été estimé en 2011 par l’Insee à 1 575 millions d’euros avec un taux moyen de croissance (reconstitué), en rythme annuel entre 2005 et 2011, de 8,7 %. Malgré cela, le PIB par habitant – soit 7 900 euros en 2011 – reste très modeste. Il s’est accru en rythme annuel de 5,8 % depuis 2005 mais il demeure quatre fois plus faible que celui de la France métropolitaine et ne représente que 41 % de celui de La Réunion et la moitié de celui de la Guyane. Mayotte est donc le département le plus pauvre de France. Pour autant, à l’échelle régionale, le PIB par habitant de Mayotte est l’un des plus élevés. Bien qu’inférieur à celui de La Réunion et des Seychelles, il est supérieur à celui de Maurice et de l’Afrique du Sud et distance largement celui des Comores (742 euros par habitant), de la Tanzanie, du Mozambique et de Madagascar voisins. Depuis la crise de 2011 (40 jours de grève, tensions sociales vives

contre la « vie chère »), l’économie mahoraise enregistre un tassement relatif avec une progression annuelle du PIB estimée à 6 %. Elle peine à retrouver son attractivité et sa foi en l’avenir, confrontée à un contexte institutionnel nouveau et à une situation sécuritaire dégradée. En dépit de ce dynamisme économique, l’indicateur de développement humain (IDH), estimé à 0,637 en 2005 (il n’y a pas de mesure plus récente), classe le territoire au 107e rang mondial. Cette faiblesse s’explique principalement par une situation sociale défavorable, notamment en matière sanitaire et éducative (rapport IEDOM 2014). Le taux d’illettrisme touche entre 60 % et 70 % de la population, l’analphabétisme près de 20 %. La population a triplé en 30 ans. Elle était estimée lors du dernier recensement (2012) à 212 600 habitants. La croissance démographique ralentit depuis quelques années mais elle reste élevée (2,7 % en moyenne annuelle). Les projections actuelles laissent entrevoir un doublement de la population de Mayotte d’ici à 2050. Le taux de pauvreté serait égal à 38,6 % si l’on prend comme référence le revenu médian des ménages mahorais et 61,4 % si l’on prend le revenu national. Le nombre de médecins est de 18 pour 100 000 habitants contre 201 en moyenne en métropole. Enfin, le taux de chômage4, en légère progression, touche 19,6 % de la population active en 2014, en hausse de deux points depuis 20095. Bien que, officiellement, ce taux soit le plus faible des DOM, il ne reflète pas le nombre très important (estimé à 44 % de la population active à Mayotte)

4. Au sens du Bureau international du travail, est chômeur une personne en âge de travailler (15 ans ou plus) qui est effectivement sans emploi, c’est-à-dire qui n’a pas travaillé, ne serait-ce qu’une heure, durant une semaine de référence ; qui est disponible pour prendre un emploi dans les 15 jours ; qui a cherché activement un emploi dans le mois précédent. 5. Insee, Enquête emploi Mayotte 2013.

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1 de personnes concernées par le « halo » du chômage, c’est-à-dire ne recherchant pas activement un emploi et vivant d’activités informelles, ou n’étant pas disponibles pour la recherche d’emploi, malgré des conditions de vie précaires6. L’amélioration de la situation de l’emploi dépendant en grande partie de la qualité de l’instruction de base et de la formation professionnelle, Mayotte est, de ce point de vue, lourdement handicapée par le niveau de l’illettrisme, la mauvaise maîtrise de la langue française (la population parle plus facilement le shimaoré et le shibushi que le français), l’insuffisance des structures éducatives et le manque d’attractivité de l’île pour les enseignants métropolitains. Cependant, des efforts sont actuellement faits pour tenter d’atténuer les disparités importantes de revenus et de conditions sociales. Au cours des dernières années, le revenu disponible des ménages a sensiblement progressé grâce notamment à la mise en place des minima sociaux comme le RSA et au rattrapage du salaire minimum par rapport aux niveaux nationaux. Le Smig mahorais est désormais au niveau du Smic national depuis janvier 2015. D’autres dispositifs tels que la CMU, la CMU-C et les allocations familiales ont été adaptés ou revalorisés et devraient participer à l’amélioration de la situation des familles. Globalement, le tissu économique mahorais fonctionne à deux vitesses. Une dizaine d’entreprises réalisent à elles seules un tiers du chiffre d’affaires global (1,3 milliard d’euros) tandis que près d’un millier d’entre elles se partagent le reste (Enquête Insee février 2016). Les rares « grandes entreprises » sont détenues par des capitaux extérieurs (européens, métropolitains, réunionnais, comoriens, sud-africains) et elles se sont développées sur un marché vierge à partir des années 1980. Elles ont ainsi pu bénéficier de véritables rentes de situation – une enquête

6. Rapport de l’IEDOM 2013, p. 42.

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récente de l’Insee a montré que certaines d’entre elles réalisent des marges importantes – sans être contraintes d’augmenter leur productivité. Le reste du tissu est composé de petites entreprises, créées par des Mahorais, des métropolitains ou des Comoriens, pas toujours formalisées et qui dégagent peu de résultats. Mais, peu à peu, avec le retour de Mahorais formés dans l’Hexagone, de plus en plus de structures aux capitaux locaux et plus professionnalisées voient le jour. En 2014, le taux de création d’entreprises à Mayotte a connu une hausse de 0,6 %. De nombreuses entreprises individuelles se créent, notamment dans le secteur du commerce, mais ce taux reste faible en comparaison de celui des autres DOM et de la métropole. L’enquête Insee montre toutefois que, de façon générale, toutes ces entreprises parviennent à investir malgré des conditions de travail parfois difficiles. L’île souffre d’importants handicaps naturels et structurels : à l’insularité, à l’éloignement de l’Hexagone – la piste courte de l’aéroport de Dzaoudzi limite les possibilités de vol sans escale pour les longues distances – s’ajoutent l’étroitesse du marché intérieur assortie d’une faible insertion dans le commerce régional, le difficile accès au foncier, l’insuffisance de compétences ou encore le déficit d’infrastructures. Les faibles ressources agricoles, minières et naturelles, disponibles à Mayotte, associées aux contraintes liées au relief, ne permettent pas la structuration de filières dynamiques d’export, rendant l’économie mahoraise largement dépendante des importations. La prédominance du secteur public dans l’économie mahoraise tend à s’accentuer au détriment d’un secteur privé réputé moins attractif (car offrant des salaires plus bas et des conditions de travail plus difficiles) ; la part du secteur public représente aujourd’hui 52 % du PIB contre 46 % en 2005. En outre, une grande partie des branches du secteur privé (BTP, commerce et distribution, secteurs de la logistique et du transport mais aussi de la restauration) est


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fortement tributaire de la commande publique, laquelle est en panne depuis deux ans. Le climat des affaires mesuré par l’IEDOM (ICA – indice trimestriel), après s’être redressé en 2014, se serait détérioré en 2015 (en moyenne annuelle). De manière générale, les entreprises mahoraises sont de taille modeste et peu structurées. Elles sont confrontées à un accès difficile aux financements bancaires et au niveau relativement faible des compétences humaines. Corollaire des lacunes en matière d’instruction, de la présence de nombreuses personnes en situation irrégulière sur le territoire et de la faiblesse des prestations sociales, le secteur informel tend à s’accroître. Ce qui freine d’autant le développement des entreprises du secteur formel. Le coût de la vie élevé s’explique par l’insularité, l’éloignement et les frais d’acheminement des biens importés. À cela s’ajoute le manque de concurrence du fait de l’étroitesse du marché : certains secteurs ont des structures oligopolistiques (grande distribution) ou sont en situation de monopole naturel (électricité, carburant). Le décalage entre le niveau élevé des prix et le faible niveau de vie d’une partie de la population est à l’origine du mouvement social contre la vie chère de 2011 dont les répercussions se font encore ressentir aujourd’hui. Mayotte doit enfin faire face à l’absence de production régulière et suffisante de données statistiques. Malgré un progrès notable sur le territoire avec la mise en place progressive des dispositifs présents dans les autres DOM, elles sont insuffisantes. L’existence d’un important secteur informel contribue, notamment, à la difficulté de disposer de données fiables.

1.1.2. Les attentes fortes d’une population jeune et d’une société pluriculturelle Département le plus jeune de France, Mayotte offre à sa jeunesse un avenir incertain. Il connaît un fort dynamisme démographique. En 2012, date du dernier recensement, l’île disposait d’une population de 212 645 habitants7 et enregistrait un taux d’accroissement annuel moyen de 2,7 % depuis 2007 contre 1,2 % à La Réunion et 0,6 % dans l’Hexagone8. La croissance démographique, née de la conjugaison entre l’accroissement naturel important (4,1 enfants par femme et peu de décès) et les flux migratoires, a contribué au triplement de la population mahoraise depuis 19859. Toutefois, depuis 2007, l’accroissement naturel de la population ralentit et le solde migratoire est devenu négatif de 4 700 personnes en 201210. Cette émigration est le fait pour les deux tiers de jeunes Mahorais, diplômés ou non, qui vont poursuivre leurs études ou rechercher un emploi en métropole ou à La Réunion11. L’enjeu démographique entraîne avec lui des défis socioéconomiques majeurs. Plus de six Mahorais sur dix ont aujourd’hui moins de 25 ans12, ce qui fait de l’éducation, de l’alphabétisation et de la formation professionnelle des priorités pour le développement de l’île. Or, le système éducatif à Mayotte est soumis à de nombreuses contraintes. D’une part, le développement de la scolarisation est relativement récent, ce qui implique que trois enfants sur dix n’ont jamais été scolarisés et deux sur dix n’ont pas débuté leur scolarité à Mayotte13. En 2012, 44 % des jeunes âgés de 16 à 24 ans rencontraient de grandes difficultés en français à l’écrit et 35 % à l’oral14. D’autre part, la population scolaire sur le territoire est en forte augmentation et les constructions d’établissements scolaires restent proportionnellement insuffisantes15. En dix ans (2003-2013), les effectifs dans le premier degré ont crû de 24,1 % et de 92,5 % dans le second degré.

7. Insee, Mayotte Infos n° 61, recensement 2012, p. 1 (dernier recensement en date en 2016). 8. Rapport de l’IEDOM 2013, op.cit., p. 36. 9. Insee, recensement 2012, op.cit. 10. Rapport de l’IEDOM 2013, op.cit., p. 35. 11. Ibid. 12. Ibid., p. 36. 13. Insee, Mayotte Infos n° 70. 14. Ibid. 15. La population scolaire a augmenté de 5 % par an en moyenne ces dernières années, ibid.

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1 En outre, l’ensemble du secteur souffre d’un manque cruel d’effectifs et le niveau de formation des enseignants est très hétérogène. Les candidats au professorat des écoles passent un concours spécifique, réputé moins exigeant qu’en métropole ; une part non négligeable de ces professeurs mahorais maîtrise mal la langue française, ce qui compromet l’apprentissage des acquis fondamentaux. Dans le secondaire, au collège et au lycée, les enseignants sont souvent affectés à Mayotte en premier poste. Ils sont peu expérimentés et leur temps de séjour reste limité. Enfin, le centre universitaire créé en 2011 (ne disposant que de quatre départements16) ne peut offrir aux étudiants mahorais qu’un cursus limité, ce qui les oblige à partir à La Réunion ou en métropole. Les frustrations de la jeunesse mahoraise entretiennent un climat social tendu qui se traduit par une augmentation de la délinquance des mineurs17, avec des affrontements parfois violents entre certains groupes et quartiers. Les organismes sociaux et médico-sociaux susceptibles d’assurer

la prise en charge des jeunes en difficulté sont, quant à eux, encore trop peu nombreux et structurés. La société mahoraise a connu une profonde et rapide transformation. L’alignement de Mayotte sur le droit commun bouleverse l’organisation sociale traditionnelle de l’île, fondée sur le droit coutumier musulman et la justice cadiale. En particulier, les « fundi », maîtres spirituels qui ont longtemps joué un rôle important dans l’intermédiation sociale, se voient aujourd’hui progressivement écartés du fait, par exemple et paradoxalement, de la montée en puissance du système judiciaire républicain. Ainsi, Mayotte se trouve aujourd’hui confrontée à l’opposition entre les fondements traditionnels de la société mahoraise, tels que le communautarisme, la solidarité et l’entraide, et le modèle occidental structuré autour des idées d’épanouissement individuel et d’autonomisation. La société mahoraise vit ainsi un choc sociétal et une révolution culturelle qui bouleversent les structures et les pratiques sociales usuelles.

Comparatif statistique entre Mayotte, l’Hexagone et d’autres territoires et pays environnants (2013)

Pays Indice de Espérance Revenu Taux de Taux de Taux de développement de vie à la national brut natalité mortalité mortalité humain naissance per capita (‰) maternelle infantile* (USD) (‰) (‰) France métropolitaine

0,884

81,8

36 629

12,4

0,08

3,33

La Réunion

0,7501

79,8

17 0902

Mayotte 0,6531

734

7 9002

41,24

0,54

13,14

Maurice

0,771

73,6

16 777

11

0,6

13

Seychelles

0,756

73,2

24 632

19

N.D.

11

Madagascar

0,498

64,7

1 333

35

2,4

41

Comores

0,488 60,9 1 505 32 2,8 58

17 N.D. 7,43

Sources INED, PNUD 2013. *Le taux de mortalité infantile est défini par l’Insee comme le nombre de décès d’enfants âgés d’un an ou moins pour 1 000 naissances. 1 Olivier Sudrie, « Quel niveau de développement des départements et collectivités d’outre-mer, une approche par l’Indice de Développement Humain », étude menée pour le compte de l’AFD, novembre 2012 : http://www.afd.fr/webday/shared/ELEMENTS_COMMUNS/pdf/CP-GENERAL-IDH_DOM.pdf. 2 Estimations par l’Insee du PIB régional par habitant en euros à Mayotte et La Réunion pour l’année 2011-2012. 3 Données établies par l’ARS océan Indien, STATISS 2014, moyenne des années 2010-2011-2012. 4 Données établies par l’Insee en 2007.

16. Droit-économie-gestion ; lettres-sciences humaines ; sciences et technologies ; formation des maîtres. 17. Préfecture de Mayotte, bilan sécurité 2013 : en 2013, les mineurs étaient impliqués dans 36 % de la délinquance générale à Mayotte contre 32 % en 2012.

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1.1.3. Un patrimoine naturel exceptionnel mais menacé

chauds » (hotspots)21 de la biodiversité mondiale dont la préservation est particulièrement nécessaire et urgente.

Les richesses naturelles de Mayotte sont exceptionnelles et nécessitent une attention particulière. Malgré sa taille modeste, l’île18 est constituée d’une grande diversité de milieux naturels, résultant de son positionnement géographique et de son histoire géologique. D’origine volcanique, elle dispose d’importantes richesses naturelles tant terrestres que marines : importance de la flore patrimoniale19, fort taux d’endémisme faunistique et floristique, espèces menacées au niveau mondial et à forte valeur patrimoniale20, forêts tropicales, zones humides terrestres, mangroves, herbiers marins, récifs coralliens. Bénéficiant d’un complexe récifo-lagonaire de 1 100 km² et d’une double barrière de corail d’environ 200 km de long, le lagon de Mayotte est l’un des plus grands et des plus riches du monde. Cet espace constitue un enjeu essentiel pour la protection de la biodiversité de l’ensemble de la région. Les eaux de Mayotte sont fréquentées par une grande diversité de mammifères marins, plus particulièrement de cétacés, dont la baleine à bosse. Avec un recensement de 31 espèces, on peut y observer plus du quart des espèces de mammifères marins de la planète. La double barrière de corail, les vastes prairies sous-marines et ses nombreuses plages font du lagon de Mayotte un site d’exception pour la croissance, l’alimentation et la nidification des tortues marines. Le lagon est également un refuge pour le dugong, espèce très menacée dans la région et en voie d’extinction à l’échelle mondiale. Mayotte, « l’île au lagon », figure donc parmi les 34 « points

Cependant, la trajectoire actuelle de développement du territoire menace ce patrimoine naturel. Outre les pressions naturelles sur les milieux et les espèces – impacts du changement climatique, développement d’espèces exotiques envahissantes –, un certain nombre de facteurs anthropiques contribuent à dégrader la situation : les pollutions terrestres et marines, la destruction des habitats naturels ou encore la surexploitation des ressources. Le rythme actuel de croissance de la population ne laisse pas présager une amélioration de la situation, sauf à investir massivement dans certains secteurs et services « de base », au premier rang desquels figurent les systèmes d’assainissement, de gestion de l’eau et des déchets. L’urbanisation non contrôlée est également une problématique centrale à Mayotte, l’habitat insalubre se développant au détriment de l’environnement et des installations sanitaires élémentaires. La prise en considération des enjeux environnementaux dans les politiques publiques est naissante, mais les moyens leur étant consacrés sont encore très insuffisants, voire inexistants dans certains domaines22. Par ailleurs, la population mahoraise est insuffisamment sensibilisée à la préservation de son environnement. Il s’agit d’une des rares richesses de Mayotte, source de développement économique et social, qui se trouve aujourd’hui menacée de disparition et ceci de manière irréversible.

18. La superficie totale de Mayotte est de 374 km², partagée entre Grande-Terre (364 km²) et Petite-Terre (10 km²). 19. Est considérée comme patrimoniale une espèce inscrite sur une liste de référence, comme les listes rouges ou les listes d’espèces protégées. 20. À titre d’exemple : le dugong, le héron crabier blanc de Madagascar, le faucon pèlerin, la couleuvre de Mayotte, le baobab malgache, la vanille de Humblot, la fougère arborescente (sources : liste rouge UICN, CBNM, CITES). 21. Un point chaud est une région du monde caractérisée par le fort taux d’endémisme de ses espèces naturelles, par le degré important de menaces qui pèsent sur elle, ainsi que par le caractère restreint du territoire. 22. Par exemple, le PO-FEDER ne prévoit pas d’actions visant à développer l’éducation à l’environnement.

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1 1.2.

Les interventions de l’État, des administrations publiques locales et des autres acteurs du développement

1.2.1. L’État, un acteur essentiel du développement économique et social L’État à Mayotte dispose encore de prérogatives élargies, dans un contexte très mouvant et complexe. Selon un récent rapport de la Cour des comptes sur la départementalisation à Mayotte, l’effort budgétaire de l’État en faveur de l’île s’est accru de 31 % de 2010 à 2014 (soit 889 millions d’euros en 2014, pour un solde cumulé « dépenses – recettes » évalué à 161 millions d’euros pour la même période). Il n’en demeure pas moins inférieur à celui concédé aux autres DOM. Ainsi la Guyane bénéficiet-elle d’un effort budgétaire par habitant de 6 470 euros alors que Mayotte ne reçoit que 3 964 euros. Le rapport conclut, de façon générale, que le processus de départementalisation « a été mal préparé » et qu’il est insuffisamment accompagné. Aussi le gouvernement tente-t-il de rattraper le temps perdu. Le Premier ministre a signé en juin 2015 un document stratégique « Mayotte 2025 » et un contrat de plan Étatrégion (CPER) qui alloue une enveloppe de 375,5 millions d’euros pour la période 2015-2020. En outre, les services de l’État ont accepté de gérer la première génération de fonds structurels européens (FEDER-FSE-FEADER-FEAMP 2014-2020). En raison de la dissolution du syndicat chargé des constructions scolaires (SMIAM) dans le primaire, la Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DEAL) a repris cette mission, le vice-rectorat s’occupant des collèges et des lycées. Quant à l’offre sanitaire, elle est presque exclusivement publique (via l’agence régionale de santé – ARS – et le centre hospitaliser de Mayotte – CHM).

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Au final, l’État reste le principal pourvoyeur de dotations publiques et un gestionnaire important de ces fonds. Dans un environnement caractérisé par une faiblesse de la maîtrise d’ouvrage, il est confronté à la faible capacité d’absorption du territoire, au nécessaire renforcement des différents opérateurs économiques et sociaux, qu’ils soient publics ou privés. Il est utile de rappeler qu’à la fin 2014, pour le compte du CPER 2008-2013, l’État a engagé 268,2 millions d’euros et mandaté 159,7 millions d’euros, soit un taux d’engagement de 92,9 % et d’exécution financière de 55,3 %, tandis que le conseil départemental a engagé 81,1 millions d’euros et mandaté 63,6 millions d’euros, soit un taux d’engagement de 52,1 % et d’exécution de 40,8 %. 1.2.2. Les collectivités locales n’en sont qu’au début d’un long processus de structuration Dans un contexte d’alignement progressif sur le droit commun, le conseil départemental de Mayotte (CDM) n’exerce pas la totalité de ses missions (départementales et régionales), soit parce que la loi le prévoyait ainsi, soit parce qu’il ne dispose pas des ressources nécessaires, soit parce qu’il a renoncé à faire valoir ses prérogatives. C’est ainsi que, par exemple, la gestion des fonds européens, l’entretien du réseau routier ou encore la construction et la réfection des établissements scolaires sont des missions actuellement assumées par l’État en lieu et place du CDM. Les 17 communes de Mayotte rencontrent d’importantes difficultés budgétaires et sont confrontées à l’absence ou à la faiblesse des structures intercommunales. Les syndicats intercommunaux « sectoriels » peinent à se pérenniser


éléments déterminants pour la stratégie de l’AFD à Mayotte (2016-2020)

(SIEAM pour l’eau et l’assainissement, SMIAM pour les constructions scolaires et sportives en cours de dissolution, SIDEVAM pour les déchets). Les intercommunalités « géographiques » (quatre communautés de communes et une communauté d’agglomération), récemment créées, ne sont pas toutes parvenues au terme de leur processus de désignation des représentants et ne sont pas totalement opérationnelles. La Cour des comptes estime qu’avec la mise en place de la fiscalité locale directe, les communes sont actuellement dans une impasse budgétaire. Le niveau de leurs ressources demeure insuffisant au regard des compétences à assumer. Selon la Cour, le département et les communes présentent une « situation budgétaire préoccupante caractérisée par une forte rigidité des charges de gestion (dépenses de personnel excessives, notamment), un autofinancement insuffisant et des difficultés récurrentes de trésorerie ». Aujourd’hui, pratiquement deux tiers des communes voient leur budget « réglé » par la préfecture. Quant au département, après avoir annoncé une exécution budgétaire en déséquilibre en 2015, il promet un retour à l’équilibre en 2016. En dépit de ces nombreuses difficultés, un début de processus de structuration est amorcé, notamment par l’annonce du gouvernement d’un certain nombre de mesures en faveur des collectivités locales mahoraises (50 millions d’euros, avril 2016 – rattrapage de la dotation globale de fonctionnement – DGF –, mise en place d’un plan de formation, etc.). L’application de la nouvelle fiscalité locale doit faire l’objet d’un audit complet et déboucher sur des propositions d’amélioration. Le département a bénéficié d’un effacement d’une créance de l’État au titre de l’impôt sur le revenu de 2013 (pour un montant de 14 millions d’euros). D’ici trois ans, la totalité de l’octroi de mer (hormis le « régional ») sera versée aux communes. Enfin, certaines collectivités ont recruté des directeurs de service appartenant à la fonction publique territoriale métropolitaine.

1.2.3. L’espoir mis dans l’arrivée des fonds européens Neuvième région ultrapériphérique (RUP) de l’Union européenne, Mayotte est éligible pour la première fois aux Fonds européens structurels et d’investissements (FESI). L’actuel programme couvre la période 2014-2020. Ces fonds, qui s’inscrivent dans la politique européenne de cohésion, visent à soutenir le rattrapage des régions les moins développées de l’Union européenne, et notamment les territoires et collectivités d’outre-mer. Les programmes opérationnels – Fonds de développement économique régional (FEDER), Fonds social européen (FSE), Fonds agricole et pour le développement rural (FEADER), Fonds pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP), Fonds pour la coopération régionale (FEDER-CTE) – détaillent les priorités d’investissement sur le territoire, en matière d’infrastructures, de protection de l’environnement, de recherche, d’innovation et de cohésion sociale. Les financements européens ne sont pas totalement une nouveauté pour Mayotte. L’île a bénéficié avant 2014 de 22,9 millions d’euros au titre du 10e FED (2008-2013). Mais l’enveloppe de 348 millions d’euros allouée dans le cadre des FESI 2014-2020 est 13 fois plus importante. Cet écart représente à la fois un défi et un enjeu importants pour le présent et pour le futur. En effet, la question de la bonne utilisation et de la consommation de ces fonds se pose. La logique des règles européennes est peu appropriée par les acteurs économiques et sociaux mahorais et la faiblesse des maîtrises d’ouvrage nécessite un accompagnement spécifique. En outre, la complexité du processus d’octroi et de contrôle des subventions européennes fait peser un risque de sous-consommation des crédits et de dégagement d’office, ce qui pourrait entraîner une baisse significative de l’enveloppe finale. 25 % des fonds doivent, en effet, être engagés d’ici le 31 décembre 2016. Or il semble que cet objectif soit difficile à atteindre. Comme indiqué précédemment, et suite à la défection du département, la gestion des fonds européens à Mayotte est actuellement assurée par l’État.

Mayotte

11


1 Comparatif des investissements état/ue à Mayotte – 2001-2020

Période de Type Fonctionnement Montant Complément Total programmation de fonds (M€) État (CPER) État / UE (M€) (M€) 2001-2007

FED (9e)

Approche projets

FED (10e)

Aide budgétaire

2008-2013

2014-2020 Fonds européens Définition structurels d’axes prioritaires d’investissement d’investissement, (FEDER, FSE, FEADER, d’objectifs thématiques FEDER-CTE) et spécifiques / Approche projets 1 2

289,61

22,9

249,3

272,2

337,6

3002

637,62

1.2.4. Le rôle croissant mais insuffisant joué par les banques commerciales et les services d’appui aux entreprises

en partenariat avec l’AFD, désormais régulièrement appelée pour boucler les tours de table.

En 2014, le taux de bancarisation à Mayotte a repris sa progression après un recul en 2013 et dépasse pour la première fois le seuil de 60 % pour s’établir à 60,4 %23. En 2015, il s’établit à 63,7 % (rapport IEDOM). Ce ratio reste, malgré tout, très en deçà de celui de La Réunion qui comptait 2,38 comptes par habitant en 2014. La jeunesse de la population, la relative faiblesse des revenus des ménages ainsi que la fréquence des paiements en numéraire sont les trois principales causes de la sous-bancarisation24. S’y ajoute une particularité propre aux familles mahoraises : la musada (l’entraide familiale).

Les services d’appui aux entreprises sont encore peu utilisés mais ils tendent à se structurer. Les chambres consulaires, notamment la chambre des métiers et la chambre de commerce et d’industrie, mènent de façon plus systématique des actions de formation et d’information. Elles ont renforcé leurs équipes et cherchent à consolider leur situation encore fragile. L’État (Commissariat à la vie des entreprises) et le département ont publié, pour la première fois, un guide pratique à destination des entreprises. Il est en ligne sur le site de l’Agence. Par ailleurs, la DIECCTE et l’AFD ont commandé début 2015 une étude afin de disposer d’un diagnostic complet (le rapport final a aidé à la rédaction du guide pratique) et d’examiner les possibilités d’améliorer l’accompagnement des acteurs économiques. L’étude a conclu à l’éparpillement des dispositifs, à leur faiblesse et au besoin de les professionnaliser et de les adapter au contexte mahorais. Aussi l’enjeu pour les années à venir ne sera-t-il pas tant de multiplier les initiatives que d’améliorer l’offre de services actuelle.

23. Rapport de l’IEDOM 2014, op.cit., p. 163. 24. Ibid., p. 163.

CIP 2016-2020

274,411

Contrat de projet état-Mayotte conclu pour la période 2004-2007. Estimations pour la période 2015-2020.

Les banques commerciales de la place sont pour la plupart des agences rattachées à une direction réunionnaise. Plutôt frileuses, elles privilégient encore la gestion des dépôts et l’octroi de crédits court terme, bien que certaines, au premier rang desquelles la Banque française commerciale océan Indien (BFCOI), la BRED et la Banque de La Réunion, commencent à financer des investissements de long terme

12

15,2


éléments déterminants pour la stratégie de l’AFD à Mayotte (2016-2020)

1.2.5. Un tissu associatif limité, aux faibles ressources et peu structuré Les associations mahoraises sont dans une situation paradoxale : porteuses de nombreux projets et bien souvent uniques contreparties en matière de maîtrise d’ouvrage (notamment dans les domaines médico-social et environnemental), leur accès aux financements est rendu difficile par le tarissement général des subventions publiques, l’insuffisance de leur trésorerie pour la mobilisation des financements européens. De manière générale, les associations sont insuffisamment nombreuses, peu structurées et disposent rarement de relais à l’extérieur de l’île (associations locales) ; les associations d’envergure nationale, européenne et internationale sont, de fait, très rares. Cet état de fait pénalise d’autant la prise en charge de certaines problématiques sur l’île. Comme tout territoire en développement, Mayotte a besoin d’ONG capables d’assurer certaines missions dans des domaines laissés vacants par l’évolution institutionnelle en cours. Le désengagement progressif de l’État, consécutif à la départementalisation et à la décentralisation, ne conduit pas, en effet, à une prise en charge concomitante par le conseil dépar-

temental des compétences transférées. Doté en principe des attributions des collectivités départementales et régionales, le conseil départemental ne joue pas à ce stade pleinement son rôle, étant notamment handicapé par un manque de ressources, d’expérience et de compétences permettant son exercice effectif. Les secteurs de l’éducation (construction des collèges et des lycées), de la formation continue et professionnelle, du social et médico-social, mais aussi de l’accompagnement aux entreprises, pâtissent tout particulièrement d’une faible implication de la collectivité. Dès lors, face au désengagement de l’État et aux difficultés de « montée en puissance » du conseil départemental, de nombreuses opportunités existeraient pour les acteurs associatifs en particulier dans les filières économiques (développement de la micro et de la méso finance), environnementales (éducation à l’environnement, protection des milieux et des ressources) et médico-sociales (gestion d’établissements, accompagnement et prise en charge des publics fragiles…). Dans ce contexte, l’enjeu est de faciliter la venue d’associations nouvelles sur le territoire et d’aider à pérenniser la présence de celles qui s’y sont implantées.

Mayotte

13


Premier bilan, contraintes et leviers pour une action de l’AFD à Mayotte

14

CIP 2016-2020

2


2

Premier bilan, contraintes et leviers pour une action de l’AFD à Mayotte

2.1.

Premier bilan des actions de l’AFD

2.1.1. Une présence ancienne mais discrète jusqu’à la création d’une agence de plein exercice

2.1.2. Un déploiement de l’activité depuis 2009 soumis aux aléas de la situation locale

L’AFD, à travers l’IEDOM, est présente depuis 25 ans à Mayotte. Ses interventions, plutôt ponctuelles, accompagnaient jusqu’en 2009 le développement de l’île en fonction des besoins exprimés par les grands opérateurs publics. La stratégie était alors d’aider à équiper le territoire en infrastructures de base. Des prêts ont ainsi été octroyés au Syndicat intercommunal d’eau et d’assainissement (SIEAM) en 1994 et 1998 ou encore à l’entreprise publique d’électricité (Électricité de Mayotte – EDM) pour l’extension d’une centrale en 1997. L’AFD a, par ailleurs, participé au financement de la construction du centre hospitalier de Mayotte (CHM) entre 1998 et 2000.

À la fin 2015, l’encours total de l’Agence avoisinait 220 millions d’euros. Les plus importants bénéficiaires des financements sur la période récente sont : • l’entreprise d’électricité EDM avec un prêt de 75 millions d’euros octroyé en 2011 pour l’extension de la centrale électrique ; • la Société immobilière de Mayotte (SIM) qui a bénéficié d’un montant total de prêts de l’ordre de 40 millions d’euros ; • le département avec un encours de 36 millions d’euros ; • l’hôpital avec un encours de 26 millions d’euros.

En 2009, une agence de plein exercice a été ouverte suite à la décision d’engager Mayotte dans un processus de départementalisation. La stratégie d’intervention retenue alors (CIP 2007) reposait sur quatre axes : le soutien aux politiques publiques, l’appui au secteur du logement, l’accompagnement du secteur privé et l’aide à l’insertion de Mayotte dans son espace régional.

Le financement des investissements publics a été la principale activité de l’Agence jusqu’en 2014. Le nombre de prêts accordés aux collectivités locales, aux syndicats intercommunaux et aux SEM n’a cessé d’augmenter. 2015 a été aussi une année de prospection vers de nouveaux acteurs publics, comme le service départemental d’incendie, ou d’autres plus anciens, comme le syndicat des eaux et de l’assainissement (SIEAM), qui avaient été délaissés en raison de leur situation financière.

Mayotte

15


2 70 Les chiffres de l’activité de l’agence de Mayotte (en millions d’euros) 60

50 80

40

70

30

60

Engagements auprès 20 du secteur public

50

10

40

Engagements auprès 0 du secteur privé

30 20 10 0

80 2010 2011 2012 2013 2014 2015

70 60 50

L’année 2015 est malgré tout une année atypique. Pour la première fois, les engagements en faveur du secteur privé ont été supérieurs aux engagements en faveur du secteur public. Ceci est lié aux difficultés actuelles des collectivités et entreprises publiques qui ont reporté, dans un contexte de morosité économique et de tensions sociales, certaines de leurs décisions d’investissement. C’est le résultat d’un bon développement du dispositif Bpifrance mais aussi et surtout d’une politique de cofinancement par l’Agence (sur ses ressources) de grands projets privés structurants (équipement du port de Longoni) ou à fort contenu en emplois (centre commercial Baobab). Les engagements de la seule AFD (hors Bpifrance) en 2015 en faveur du secteur privé ont ainsi atteint près de 10 millions d’euros.

16

CIP 2016-2020

Le secteur du logement et plus particulièrement 40 la Société immobilière de Mayotte (SIM) bénéficient depuis long30 temps du soutien de l’Agence. En portant les actions de 20 l’État, celle-ci en est l’actionnaire de référence. Elle est aussi l’un de ses principaux bailleurs. Fin 2014, l’Agence a 10 débloqué un concours de 15 millions d’euros afin d’aider 0 la SIM à remédier à ses difficultés de trésorerie. En 2015, elle a accepté de préfinancer un crédit d’impôt sur deux programmes de logement intermédiaire. Enfin, l’Agence garantit les crédits à l’habitat social en sa qualité de gestionnaire du Fonds de garantie de Mayotte (FGM). Cette activité a débuté en 2015.


Premier bilan, contraintes et leviers pour une action de l’AFD à Mayotte

L’insertion de Mayotte dans son espace régional demeure une préoccupation constante. Les projets de coopération régionale sont difficiles à mettre en place et à faire vivre. Malgré cela, l’Agence joue un rôle dans ce domaine en dépit de la faiblesse des ressources disponibles. L’année 2015 a vu le démarrage du projet du Xe FED « Gestion du patrimoine et de la biodiversité de Mayotte et des îles Éparses » dont elle gère les fonds par délégation de

2.2.

l’UE. L’agence de Mayotte est aussi partie prenante du programme de renforcement des capacités commerciales (PRCC) pour l’océan Indien qui est désormais opérationnel. Enfin, suite à l’organisation d’un séminaire microfinance en juin 2015 et à la participation au programme du pS-Eau (programme solidarité Eau), l’agence aide et participe à la mise en place d’un réseau régional d’experts dans ces domaines.

Contraintes d’intervention de l’AFD à Mayotte

À maints égards, Mayotte reste un territoire en développement dont la situation fragile requiert une réponse adaptée. La première difficulté à surmonter pour tout bailleur est la faiblesse de certaines maîtrises d’ouvrage, notamment des collectivités locales (communes et département) et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Ce sont pour la plupart de jeunes collectivités ou établissements publics, insuffisamment dotés en ressources humaines qualifiées et qui ont du mal à résister à la pression de leurs administrés ou de leurs mandants. Leurs élus ou délégués font rarement deux mandats et les services administratifs et techniques de ces organismes publics sont mal préparés à la gestion locale et à la réalisation de projets complexes. Dès lors, il est parfois difficile de construire dans le temps une relation suivie. Les actions de formation, d’appui-conseil, que tente de conduire l’Agence sont contrariées par ce turn-over quasi permanent au sein des équipes des collectivités. On retiendra de l’expérience récente que certains financements doivent être accompagnés d’un appui ou d’un renforcement des capacités de l’organisme emprunteur.

Associer « financement et appui à la maîtrise d’ouvrage et au renforcement des capacités » sera le nouveau défi de l’Agence à Mayotte dans les années à venir. Un deuxième facteur limite les interventions de l’Agence : les instruments financiers dont dispose l’AFD sont insuffisamment adaptés au contexte spécifique mahorais, territoire le plus pauvre de la France et de l’Union européenne. L’AFD ne dispose pas de subventions pour intervenir dans les outre-mer ; la ligne « 123 » du ministère des Outre-mer consacrée à l’AFD est uniquement destinée à bonifier les prêts de l’Agence. Or, nombre de projets ou d’acteurs du territoire ne peuvent être financés en prêts, soit parce que leur situation financière (ou budgétaire) ne le permet pas, soit parce que le projet présenté n’est pas vraiment « bancable ». C’est un cas de figure fréquent dans les secteurs sociaux et médico-sociaux, de l’environnement et de la coopération régionale, alors même que ces secteurs sont amenés à jouer un rôle important dans le futur. Il semble donc utile de mettre en débat les capacités d’intervention de l’AFD ; une évolution du cadre financier d’intervention de l’Agence constituerait un puissant levier d’action à Mayotte.

Mayotte

17


2 2.3.

Positionnement et atouts de l’AFD à Mayotte

2.3.1. Un positionnement institutionnel original et apprécié L’AFD à Mayotte n’est pas qu’un banquier public. À la mesure des ressources disponibles, elle joue pleinement son rôle de développeur en accompagnant les évolutions importantes (cf. son implication dans l’élaboration du programme opérationnel FEDER), en conseillant les acteurs économiques et sociaux, en apportant idées et bonnes pratiques et en étant aussi bien l’interlocutrice des acteurs publics que du secteur privé et associatif. Ce rôle d’intermédiaire, de partenaire désintéressé, de modérateur et de facilitateur est bien perçu sur l’île. Il entre dans la mission de l’Agence et contribue à rapprocher les points de vue entre des intérêts parfois divergents. 2.3.2. Ce que peut apporter l’AFD à Mayotte : une « culture projet », une expérience riche et variée dans le développement, un réseau régional d’agences La « culture projet » de l’Agence et son expérience dans des pays aux problématiques proches de celles de Mayotte sont un avantage indéniable et peuvent être utiles au territoire. C’est le cas notamment en ce qui concerne la

18

CIP 2016-2020

gestion des finances locales, le service aux entreprises, la gestion des ressources en eau, de l’assainissement et des déchets, le développement urbain et l’habitat, le renforcement des structures hospitalières et éducatives, ou encore la préservation de la biodiversité, le développement durable et les énergies renouvelables, autant de thématiques que l’AFD connaît bien et pour lesquelles elle dispose d’une expertise reconnue. L’Agence bénéficie aussi d’un réseau d’agences dans les pays riverains de la sous-région (Madagascar, Union des Comores, Mozambique, La Réunion, Maurice, Seychelles). Pour Mayotte, qui souffre d’un relatif isolement géographique et politique et peine à se faire une place dans les instances de l’océan Indien, ce peut être une aide et un appui utiles. Ce rôle de « fédérateur régional des bonnes volontés pour Mayotte » s’est vérifié lors de l’organisation par l’Agence du séminaire régional de la microfinance en partenariat avec l’Adie et la DIECCTE. Il en est de même à travers le PRCC pour l’océan Indien que gère l’Agence. En s’assurant de la présence de Mayotte dans tous les programmes régionaux qu’elle gère, l’AFD aide à l’insertion de ce jeune département français dans son environnement proche.


Stratégie d’intervention de l’AFD à Mayotte pour la période 2016-2020

3

Mayotte

19


3

Stratégie d’intervention de l’AFD à Mayotte pour la période 2016-2020

3.1.

Finalités de développement du territoire et objectifs de l’action de l’AFD à Mayotte

Le cadre d’intervention régional (CIR) de l’AFD dans les outre-mer, validé en 2014, a défini trois finalités de développement que l’Agence ambitionne d’appuyer dans les prochaines années : • favoriser une dynamique de rattrapage ; • définir un nouveau modèle économique ; • protéger et valoriser le capital naturel. Afin d’accompagner cette trajectoire de développement, l’AFD s’est fixée quatre objectifs prioritaires : • soutenir les politiques publiques en faveur de la cohésion sociale et de l’environnement ; • renforcer le secteur privé pour créer de l’emploi et de la valeur ajoutée localement ; • améliorer l’aménagement urbain et l’habitat ; • encourager l’intégration régionale. Ceci constitue la feuille de route que l’agence de Mamoudzou se propose de décliner en l’adaptant aux spécificités et aux enjeux mahorais. Tout d’abord, des choix importants viennent d’être faits par ceux qui ont entre leurs mains le destin de Mayotte. Ils se retrouvent dans le document stratégique « Mayotte 2025 », le contrat de plan Étatrégion et le programme opérationnel des fonds européens. En second lieu, depuis 2009, l’Agence a tiré un certain nombre d’enseignements de son expérience. Ils nourrissent sa réflexion et se retrouvent dans la stratégie proposée. Compte tenu de ces éléments de contexte, le cadre d’intervention de l’Agence pour la période 2016-2020 a pour ambitions de répondre aux finalités suivantes :

20

CIP 2016-2020

• favoriser la dynamique de rattrapage économique et de soutien à la croissance ; • améliorer les conditions de vie des populations ; • préserver et valoriser le territoire. Pour cela, il s’agit d’actionner les leviers suivants : • accompagner les politiques publiques : parce que des orientations ont été fixées récemment par les pouvoirs publics et que des priorités sectorielles, des projets et des bénéficiaires ont été identifiés et retenus. Parce que des financements complémentaires en prêt seront nécessaires (rares sont les projets financés à 100 %) et que l’instrument « préfinancement des subventions État et de l’UE » en facilitera la réalisation ; • contribuer au développement du secteur privé : parce que ce secteur est insuffisamment structuré, financé, accompagné alors qu’il peut jouer un rôle essentiel dans la création d’emplois et de richesses ainsi que pour l’attractivité et l’avenir de l’île ; • aider à renforcer la cohésion et l’insertion sociales : parce que la société mahoraise est profondément inégalitaire et inquiète, qu’elle est confrontée à une immigration massive, qu’elle demeure traditionnelle dans un environnement en pleine mutation et que la pauvreté touche une partie importante de sa population ; • participer à la préservation du patrimoine naturel : parce que l’île aux parfums est un milieu fragile menacé par des comportements individuels et collectifs peu responsables et confronté à un développement mal maîtrisé. C’est aussi malheureusement un territoire qui réserve trop peu de moyens à la sauvegarde de ses richesses naturelles.


Stratégie d’intervention de l’AFD à Mayotte pour la période 2016-2020

schéma logique

FINALITÉS DE DéVELOPPEMENT DE LA GÉOGRAPHIE

OBJECTIFS DIRECTS DE L’INTERVENTION DE L’AFD DANS LA GÉOGRAPHIE

Objectif 1 Participer au développement des services et infrastructures de base

Finalité A Favoriser la dynamique de rattrapage économique et de soutien à la croissance

a. Accompagner les investissements des collectivités et des établissements publics

b. Améliorer l’offre sanitaire, éducative, médico-sociale et sociale

Objectif 2 Contribuer au développement de l’économie et du secteur marchand

Finalité B Améliorer les conditions de vie des populations

Finalité C Préserver et valoriser le territoire

ACTIVITÉS

c. Soutenir les grands investissements privés

d. Appuyer les TPE et PME

Objectif 3 Répondre aux enjeux démographiques et d’insertion sociale

e. Accroître l’offre de logements et améliorer l’aménagement urbain

f. Valoriser le patrimoine naturel et protéger l’environnement

Objectif 5 Préserver l’environnement et valoriser les atouts naturels de l’île

g. Encourager la coopération régionale

Ces ambitions sont traduites en objectifs principaux.

Mayotte

21


3 3.1.1. Participer au développement des services et infrastructures de base Mayotte accuse d’importants retards dans de nombreux domaines. En tant que nouveau Département et nouvelle Région ultrapériphérique européenne, le territoire doit répondre aux attentes d’une populationsoucieuse d’une amélioration de ses conditions de vie tout en respectant les nouvelles normes (droit commun national et normes européennes) qui s’imposent désormais à lui. Par ailleurs, la construction d’infrastructures, leur modernisation ou leur mise à niveau, ainsi que l’amélioration de la gestion des services collectifs et l’élévation du niveau des compétences forment un ensemble indissociable. Il est important que ces infrastructures et services soient bien gérées et entretenues. Le CPER cible certains projets susceptibles de combler une partie des besoins identifiés. Mais il ne couvre pas la totalité, l’État utilisant d’autres lignes ou canaux budgétaires pour financer le développement de l’île. Pour sa part, l’Agence privilégiera les secteurs en déficit d’investissements et pour lesquels un accompagnement (appui technique, expertise et conseils en gestion publique, analyse financière, études et formations) est nécessaire et jugé utile. 3.1.2. Contribuer au développement de l’économie et du secteur marchand Le secteur du commerce est prédominant à Mayotte et demeure particulièrement dynamique. À l’inverse, le secteur du BTP est en grandes difficultés depuis deux ans en raison de la faiblesse de la commande publique. Le secteur de l’énergie est, pour sa part, en plein questionnement : faut-il répondre à la demande croissante d’énergie par une augmentation de la production thermique ou par un déploiement volontariste des énergies renouvelables ?

22

CIP 2016-2020

Les entreprises privées gestionnaires d’un service public (délégation de service public – DSP) enregistrent de bons résultats (aéroport, port, eau, déchets) mais doivent encore asseoir leur légitimité. Les TPE et le secteur informel occupent une part non négligeable dans l’économie et emploient un grand nombre de Mahorais peu ou pas formés. L’Agence accompagnera ces différents acteurs et secteurs avec le souci d’apporter des financements aux meilleures conditions, de faciliter les partenariats bancaires, de sélectionner les meilleurs projets, d’aider à une « formalisation » de l’économie souterraine et d’apporter analyses et conseils aux décideurs. 3.1.3. Répondre aux enjeux démographiques et d’insertion sociale Face à une démographie encore peu maîtrisée et à une situation sociale dégradée, le déficit d’offre en matière sanitaire, sociale et médico-sociale ainsi que le manque de structures de prise en charge des populations en difficultés ou marginales sont très préoccupants. Cela crée un sentiment d’injustice, exacerbe les tensions et contribue au sentiment d’insécurité, phénomène qui ne cesse de prendre de l’ampleur. Dans un contexte où les acteurs publics ne jouent pas pleinement leur rôle, l’Agence continuera, pour sa part, à construire et à porter un plaidoyer pour une intervention plus résolue. Elle cherchera la meilleure façon d’aider à l’implantation d’associations à vocation sociale et médico-sociale. Elle dialoguera sur ces questions avec le département et les différentes parties prenantes, notamment à l’occasion de la restitution de l’étude sur le secteur médico-social qu’elle a financée en collaboration avec l’agence régionale de santé (ARS). Enfin, elle mobilisera une part croissante de ses financements en faveur de ces secteurs.


Stratégie d’intervention de l’AFD à Mayotte pour la période 2016-2020

3.1.4. Préserver l’environnement et valoriser les atouts naturels de l’île La question environnementale constitue un enjeu vital pour Mayotte, petit territoire fragile confronté à un développement encore mal assuré. Les retombées de la mise en valeur de ses atouts naturels pourraient être importantes. Intervenir dans le champ environnemental permet, en effet, la création de métiers verts et le développement d’un tourisme durable. Une forme d’écotourisme peut avoir un avenir à Mayotte. Compte tenu de leur richesse, la préservation de la biodiversité et de la ressource halieutique est aussi essentielle.

3.2.

Mais le défi majeur reste celui de la pression qu’exerce l’homme sur l’environnement. Mayotte souffre d’une mauvaise gestion de la collecte des déchets et d’un système d’assainissement notoirement insuffisant. Les rejets et les décharges sauvages pullulent. Le manque d’implication de la population, même si les mentalités commencent à changer, est aussi source d’inquiétudes. Aussi, l’Agence poursuivra-t-elle ses efforts dans ce domaine. En septembre 2016, l’Agence organisera une conférence au centre universitaire de Mayotte qui traitera de certains sujets évoqués ci-dessus. Le thème de la conférence est « Transition et développement durable à Mayotte ». Quatre sous thèmes alimenteront les débats : la croissance inclusive, la question foncière, la valorisation des déchets et les énergies renouvelables.

Les activités proposées pour la période 2016-2020

Les objectifs énoncés donnent un cadre, précisent le type d’approche privilégié et rappellent les écueils à éviter. Ils se déclinent en activités qui constitueront le portefeuille de demain et sa feuille de route. 3.2.1. Accompagner les investissements des collectivités et des établissements publics Les prêts au secteur public ont constitué jusqu’à présent l’activité principale de l’agence de Mamoudzou. Or la situation actuelle de ce secteur n’est pas très favorable.

Nombreuses sont les communes qui connaissent des difficultés budgétaires et sont dans l’incapacité de s’endetter. Les intercommunalités ne sont pas pleinement opérationnelles et les syndicats intercommunaux doivent encore faire leur preuve. Enfin, le Département doit définir une stratégie claire d’investissements susceptible d’être financée par l’Agence. Aussi, de façon générale, il est difficile d’anticiper les besoins et les demandes de financement de ces collectivités et EPCI. Les décisions récentes du Gouvernement (relevé de décisions de Matignon) permettent, néanmoins, d’entrevoir une amélioration de la situation des finances locales et donc une reprise des investissements publics locaux. Le nouveau Service Départemental d’Incendie (SDIS) devrait, pour sa part, poursuivre sa politique d’investissements.

Mayotte

23


3 L’Agence construit actuellement un partenariat avec le SIEAM. Le syndicat est, en effet, soumis à un ambitieux programme de mobilisation de nouvelles ressources en eau et, dans le cadre de l’assainissement collectif, à un important effort de mise en conformité des agglomérations de plus de 10 000 EH (700 millions d’euros d’ici 2032). Sur la base du schéma directeur « assainissement », un projet de programme pluriannuel d’investissements (PPI) 2015-2020 a été élaboré en 2015. Il propose un plan de financement de l’ordre de 116 millions d’euros couvrant 20 opérations prioritaires. Les subventions FEDER couvriraient 24 millions d’euros, les subventions ONEMA 32 millions d’euros, et les crédits du ministère des Outre-mer environ 30 millions d’euros, ce qui laisserait une enveloppe d’environ 30 millions d’euros à couvrir par l’autofinancement et l’emprunt (soit 26 % du financement global). L’outil financier de l’Agence PS2E pourrait aussi être sollicité pour le préfinancement des subventions. Le secteur de l’énergie fait l’objet d’une programmation pluriannuelle 2016-2018/2019-2023 (PPE). L’île de Mayotte doit passer d’un statut de territoire d’expérimentation à celui de territoire créateur de richesses et d’emplois pour mettre en œuvre les solutions technologiques. Il y a là un fort enjeu de développement économique et d’amélioration de la situation de l’emploi. La maîtrise de la demande en énergie dans l’industrie, le tertiaire et l’agriculture pour la couverture des besoins de chaleur et de froid est identifiée comme un enjeu majeur. De plus, il est impératif de sécuriser le développement des énergies renouvelables intermittentes (prévision, stockage, smart-grid, autoconsommation…). En 2012, 1,4 % de l’énergie consommée à Mayotte était d’origine renouvelable. L’objectif est de 23 % en 2020 et 32 % en 2030. Plusieurs projets (privés et publics) sont actuellement à l’étude. L’Agence accom-

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pagnera toutes les initiatives qui aideront à atteindre les objectifs de la PPE. Le secteur de la collecte des déchets connaît aujourd’hui une relative confusion. Certaines communes collectent ellesmêmes leurs déchets. D’autres ont recours à des entreprises privées (Mamoudzou – STAR) et le SIDEVAM, syndicat dont c’est la mission, ne parvient pas à convaincre. Une clarification des rôles de chacun est nécessaire. L’ensemble de ces secteurs trouvent une place importante dans la programmation du nouveau programme opérationnel 2014-2020. C’est là une opportunité majeure pour Mayotte qui devrait bénéficier de flux financiers sans commune mesure avec ceux dont elle a bénéficié par le passé. Toutefois, les questionnements sur la capacité du territoire à absorber ces volumes financiers sont forts. L’AFD, de par son expérience en matière de fonds européens, est ouverte à un dialogue avec les parties prenantes pour jouer un rôle dans le dispositif de déploiement de ces fonds. L’Agence resterait toutefois très attentive aux conditions de cette implication, notamment en termes de coûts administratifs et financiers. 3.2.2. Améliorer l’offre sanitaire, éducative, médico-sociale et sociale Partenaire historique du centre hospitalier de Mayotte, l’Agence accompagne son développement depuis longtemps. Elle instruit actuellement trois concours (3,1 millions d’euros, 1,6 million d’euros et 17,324 millions d’euros) visant respectivement le financement partiel de la construction de l’hôpital de Petite-Terre et de ses équipements, et le préfinancement des subventions FEDER associées. Par ailleurs, un schéma directeur immobilier est en cours de finalisation couvrant la période 2016-2029. Il a vocation


Stratégie d’intervention de l’AFD à Mayotte pour la période 2016-2020

à restructurer l’offre de soins du centre hospitalier pour l’adapter à la dynamique sociodémographique du territoire dans un contexte de saturation totale des capacités. Ce schéma décline en quatre phases un besoin d’investissement de 385 millions d’euros. Au-delà de sa fonction d’institution financière, l’AFD a vocation à intervenir en appui des politiques publiques et des acteurs publics engagés dans le rattrapage des modèles sociaux ultramarins. Elle examinera toute demande de financement d’opérations structurantes pour la période 2016-2020 et pourrait participer au cofinancement d’études de faisabilité nécessitant une expertise technique externe dans le montage de projets. L’Agence contribuera aussi à la réflexion du CHM en matière de coopération régionale en santé. La double expérience de l’AFD dans les outre-mer et les États étrangers la positionne comme un interlocuteur privilégié des projets de coopération régionale impliquant des territoires français ultramarins. Depuis 2007, l’AFD finance, dans le cadre de l’initiative MUSKOKA en faveur de l’atteinte des Objectifs du millénaire pour le développement 4 et 5, un vaste programme d’appui au secteur de la santé (le PASCO). Le PASCO, dans ses différentes phases, s’inscrit en adéquation avec la politique nationale de santé du gouvernement de l’Union des Comores. Ce programme se fixe comme objectif global l’amélioration des soins de la mère et de l’enfant conformément aux engagements MUSKOKA. L’engagement en subvention, d’un montant de 26,6 millions d’euros pour la période 2011-2015, a notamment permis d’engager un vaste programme de reconstruction et de réhabilitation de centres de santé, de formation du personnel soignant, et d’initier une approche du financement de la santé basée sur la performance. Mise en œuvre sous la supervision étroite du ministère de la Santé de l’Union des Comores avec le

concours d’organisations implantées régionalement (Croix Rouge française, Caritas), le PASCO peut être un point d’appui à des programmes de coopération régionale et des collaborations existent déjà avec le CHM et le CHU de La Réunion sur certains segments de coopération (référencement des brûlés, etc.). Le territoire de Mayotte, en revanche, n’est, pour l’AFD, pas éligible à la subvention. Mais le financement d’appuisconseils sur des thématiques de coopération (identification des besoins, structuration de filières, faisabilité de projets) est envisageable et la présence d’agences de l’AFD aux Comores et à Mayotte est susceptible de faciliter certaines initiatives. Une collaboration entre l’AFD et le CHM pourrait donc être formalisée à travers un accord-cadre de partenariat pour la période 2016-2020. Les constructions scolaires dans le secteur primaire, notoirement insuffisantes, ne sont plus réalisées par le SMIAM, syndicat en cours de dissolution. L’Agence avait octroyé par le passé plusieurs prêts à ce syndicat. Pendant l’actuelle période de transition, c’est la DEAL qui se charge d’exécuter le programme annuel de construction/réhabilitation de classes. Il convient de suivre la mise en place du nouveau dispositif institutionnel avant de proposer de financer ce secteur. L’Agence, en collaboration avec l’ARS, a financé une étude relative au secteur médico-social. Ses résultats doivent être restitués prochainement. Ils guideront l’intervention de l’Agence dans ce secteur. L’objectif recherché est de faciliter l’implantation d’associations à vocation médicosociale (voire simplement sociale – telle que celle prenant en charge les mineurs délinquants) ou d’aider au développement des rares structures actuellement présentes.

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3 3.2.3. Soutenir les grands investissements privés L’intervention de l’Agence pour le financement du secteur privé à Mayotte est indispensable pour plusieurs raisons. D’abord parce que les banques de la place (qui sont de simples représentations ou succursales de banques de La Réunion) demeurent relativement frileuses. De plus, elles-mêmes souhaitent impliquer l’Agence (qui n’est pas une banque commerciale et donc une institution concurrente) pour boucler leur tour de table et partager le risque (et les analyses). Par ailleurs, à Mayotte, les dispositifs Bpifrance et AFD sont complémentaires, dans la mesure où l’Agence est généralement prête à s’engager sur du long terme (entre 15 et 10 ans) ce qui est moins le cas de Bpifrance. Plusieurs projets d’investissements portés par des entreprises privées, actuellement en délégation de service public (DSP), ont été identifiés et pourraient intervenir durant la période 2016-2020 : la mise aux normes des réservations de la piste de l’aéroport de Dzaoudzi, l’aménagement du port de Longoni, l’extension du centre d’enfouissement des déchets de la STAR. La chambre de commerce et d’industrie a présenté à l’Agence plusieurs projets (maison de l’entreprise, entrepôt de fret à l’aéroport…) qui sont actuellement en phase d’études. Enfin, l’Agence instruit en 2016 un projet d’extension de l’aire de stockage de la société SIGMA (bouteilles de gaz à usage domestique). 3.2.4. Appuyer les TPE et PME Le recensement des entreprises à Mayotte est un exercice forcément incomplet. Dans une enquête publiée en février 2016, l’Insee a dénombré 1 121 entreprises connues des

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services fiscaux et ayant entre 1 et 499 salariés. On peut estimer qu’il s’agit du cœur économique de l’île. Mais cela ne couvre pas l’ensemble des entreprises, car beaucoup d’entre elles appartiennent au secteur informel ou ne sont pas connues des services fiscaux. À titre d’illustration, les activités dans les secteurs de la pêche ou de l’agriculture sont souvent peu professionnalisées et représentent, dans la majorité des cas, un moyen d’autosuffisance alimentaire. Elles échappent aux enquêtes statistiques. Toutefois, même si la situation et le profil des entreprises mahoraises sont mal connus, il est certain que les besoins d’accompagnement demeurent substantiels. Leur développement constitue une priorité pour l’Agence car elles sont sources d’emplois, de revenus, et elles contribuent à la paix sociale. Besoins de financement, d’accompagnement, de structuration sectorielle, de formation sont multiples. L’Agence a fait réaliser une étude en partenariat avec la DIECCTE pour améliorer sa connaissance des besoins des entreprises. Les conclusions de l’étude ne sont pas apparues totalement convaincantes et appellent à poursuivre les travaux d’analyse pour caractériser le marché afin de mieux répondre aux besoins spécifiques. En matière de financement, depuis le 1er janvier 2014, l’AFD dispose d’une large gamme d’outils Bpifrance destinés à financer les PME et les TPE, qui a permis d’injecter plus de 20 millions d’euros dans l’économie mahoraise ces deux dernières années. Mais, au-delà du financement strict, le marché mahorais a besoin d’un accompagnement renforcé. C’est dans cette perspective que le conseil départemental souhaite créer une agence pour le développement des entreprises en association avec la CCI. Le projet est en cours d’examen.


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C’est également l’objet des actions de soutien à la création d’entreprises et de l’accompagnement technique ou financier menés par l’Adie, BGE ou encore l’association Oudjérébou. Le travail de proximité réalisé par l’agence de Mamoudzou avec ces acteurs, à l’image par exemple de l’organisation du séminaire régional sur la microfinance de juin 2015, traduit la volonté de l’AFD de soutenir ces initiatives contribuant à consolider le marché mahorais. L’enjeu de la consolidation de la dynamique économique est également sectoriel. Aujourd’hui, principalement portée par le commerce, le secteur de la construction, du service aux entreprises ou encore des transports, l’économie mahoraise est faiblement structurée : la notion de filière est quasi inexistante à Mayotte. Toutefois, l’AFD pourra mettre ses capacités d’études et ses experts sectoriels au profit de toute initiative contribuant à faire émerger des approches sectorielles concertées : métiers verts, énergie, transports, déchets, tourisme. Son expérience développée dans d’autres territoires ultramarins ou à l’étranger pour contribuer à la structuration de secteurs d’activités (via le financement de schémas directeurs, de missions d’expertise, etc.) peut contribuer à appuyer les dynamiques locales en la matière.

3.2.5. Accroître l’offre de logements et améliorer l’aménagement urbain Le parc de logements de Mayotte est récent et était évalué à 54 000 en 2007. Le parc social est essentiellement composé d’habitations construites par la Société immobilière de Mayotte – dites « cases SIM » – pour le compte de l’État entre 1978 et 2005 et proposées en accession sociale. La production de ces logements a été arrêtée en 2005, leurs

normes n’étant plus considérées comme acceptables. Aussi de nouveaux produits en accession à la propriété sont proposés depuis 2006, notamment des logements en accession sociale et très sociale (LAS et LATS). L’AFD accompagne cette politique à travers trois axes d’intervention : • l’Agence, l’État et la Caisse des dépôts et consignations sont actionnaires à hauteur de 50 % de la SIM, société d’économie mixte d’État et principal opérateur mahorais en matière de logement intermédiaire et social. L’Agence finance les programmes de logement intermédiaire de la SIM. À noter que l’actionnariat des SIDOM est susceptible d’évoluer ; • le Fonds de garantie de Mayotte (FGM) pour l’habitat social que gère l’Agence a pour objet de faciliter l’accès des familles à revenu modeste aux prêts bancaires pour l’achat d’un LAS-LATS ; • enfin, l’Agence a octroyé un prêt de 3,1 millions d’euros à la commune de Mamoudzou en 2012 pour le financement du projet de rénovation urbaine (PRU) du quartier M’Gombani. Ce PRU vise à rendre le quartier plus attractif en offrant un cadre de vie agréable à ses 2 500 habitants et aux usagers du centre-ville. L’enjeu pour la commune est également d’inscrire le développement de M’Gombani dans celui du centre-ville de Mamoudzou tout en maintenant la vocation sociale de ce quartier. Pour la période 2016-2020, l’Agence entend poursuivre dans cette voie. Elle participera à l’accroissement de l’offre de logements et contribuera à l’aménagement urbain. Elle fera aussi la promotion du concept de « ville durable » en proposant lors de l’octroi d’un financement un accompagnement méthodologique aux communes sur cette thématique.

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3 3.2.6. Valoriser le patrimoine naturel et protéger l’environnement La préservation de l’environnement et la valorisation de l’exceptionnel patrimoine naturel de l’île sont des axes d’intervention privilégiés par l’Agence mais, faute de subventions, il est difficile d’envisager des actions de grande ampleur. Toute évolution du cadre financier de l’Agence avec des possibilités de recours à des subventions constituerait un levier considérable pour intervenir sur les enjeux environnementaux. Actuellement, l’Agence gère, en collaboration avec le conseil départemental et les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), le programme FED relatif à la « gestion durable du patrimoine naturel de Mayotte et des îles Éparses ». Ce projet est en cours d’exécution et devrait s’achever en 2017. L’Agence évoquera avec le

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conseil départemental la possibilité de lui trouver une suite pour la zone du parc marin de Mayotte. La protection de l’environnement a été évoquée précédemment. L’action majeure envisagée pour la période 20162020 sera l’amélioration de l’assainissement collectif. 3.2.7. Encourager la coopération régionale L’insertion de Mayotte dans son environnement régional est essentielle. L’île aux parfums souffre d’un relatif isolement géographique et politique. Là aussi, faute de subventions, il n’est pas possible d’anticiper des actions significatives. En revanche, l’Agence continuera d’animer des réseaux d’experts dans les domaines de la microfinance, des échanges commerciaux (PRCC), de la santé (cf. l’accord-cadre avec le CHM), l’environnement et la biodiversité.


Glossaire

Glossaire ADIE AFD ARS BFCOI BGE Bpifrance BTP CDC CIP CMU CNFPT COI CPER DOM DRFIP EDM FED FEADER FEAMP FEDER FESI FGM FSE IEDOM INSEE LAS LATS ONG PIB PME PRU PS2E RSA RUP SGAR SIDEVAM SIDOM SIEAM SIM SMIAM SMIC SMIG STAR TPE

Association pour le droit à l’initiative économique Agence Française de Développement Agence régionale de santé Banque française commerciale océan Indien Boutique de gestion Banque publique d’investissement (BPI) Bâtiment travaux publics Caisse des dépôts et consignations Cadre d’intervention pays Couverture maladie universelle Centre national de la fonction publique territoriale Commission de l’océan Indien Contrat de plan État-région Département d’outre-mer Direction régionale des finances publiques Électricité de Mayotte Fonds européen pour le développement Fonds européen agricole et pour le développement rural Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche Fonds européen de développement économique et régional Fonds européens structurels et d’investissements Fonds de garantie Mayotte Fonds social européen Institut d’émission des départements d’outre-mer Institut national de la statistique et des études économiques Logement en accession sociale Logement en accession très sociale Organisation non gouvernementale Produit intérieur brut Petites et moyennes entreprises Projet de rénovation urbaine Prêt de préfinancement de subventions européennes et d’État Revenu de solidarité active Région ultrapériphérique de l’Union européenne Secrétariat général aux affaires régionales Syndicat intercommunal d’élimination et de valorisation des déchets de Mayotte Société immobilière d’outre-mer Syndicat intercommunal d’eau et d’assainissement de Mayotte Société immobilière de Mayotte Syndicat mixte d’investissement et d’aménagement de Mayotte Salaire minimum interprofessionnel de croissance Salaire minimum interprofessionnel garanti Société de transport et d’assainissement de La Réunion Très petites entreprises

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Agence Française de Développement (AFD) 5, rue Roland Barthes - 75598 Paris cedex 12 France Tél. : + 33 1 53 44 31 31 Agence Française de Développement Résidence Sarah - Place du marché BP 610 - 97600 Mamoudzou Tél. : (33) 2 69 64 35 07 Fax : (33) 2 69 62 66 53 http://mayotte.afd.fr


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