DIALOGUES DE POLITIQUES PUBLIQUES Les dépenses en soins curatifs sont-elles égalitairement réparties au Burkina Faso? Éléments de réponse d'une étude quasi-longitudinale Décembre 2020 – n°21 | Facilité de recherche UE-AFD sur les inégalités
tandis
MESSAGE Des
nouvelles
recherches
s’intéressent à la manière dont les dépenses publiques et globales de santé en soins curatifs sont devenues plus égalitaires lors du déploiement de la politique de couverture sanitaire universelle (CSU) au Burkina Faso. Au fil du temps, on observe une plus grande égalité dans la répartition des prestations pour les dépenses de santé publiques et globales, ces premières étant favorables aux populations pauvres à tous les niveaux de soins et ces dernières uniquement pour les soins ambulatoires. Des différences régionales dans la répartition des prestations publiques et globales persistent, mais se réduisent considérablement avec le temps.
CONTEXTE & MOTIVATION En 2016, on estimait le total des dépenses de santé au Burkina Faso à 7% du produit intérieur brut (PIB). Les dépenses publiques représentaient 58% des dépenses totales de santé,
des
de moins de 5 ans (gratuité en 2016).
partenaires au développement s’élevait à 23%. Les dépenses de santé
que
la
contribution
De plus, le financement d’interventions verticales a permis
privées sont importantes car des frais d'utilisation s’appliquent à divers soins
d'éviter que des frais ne soient facturés pour des soins spécifiques,
de santé essentiels. Les barrières financières ainsi que les barrières
tels que ceux pour le VIH et la tuberculose, et plusieurs initiatives
géographiques continuent d'entraver
pilotes ont été mises en place afin de supprimer les frais d'utilisation pour
l'accès aux soins curatifs. Conformément aux objectifs de réalisation de la CSU, le lancement du Régime d’Assurance Maladie Universelle (RAMU) représente un premier pas vers une réforme du financement de la santé à l’échelle nationale, visant à supprimer les frais d’utilisation des soins curatifs pour toute la population. Avant le RAMU, le financement de la santé se caractérisait par des initiatives nationales spécifiques supprimant les
certains soins et/ou groupes (notamment sur la période 20082016). Notre analyse fournit des informations sur l’évolution de l'égalité en matière de dépenses de santé à la suite de la mise en œuvre des politiques et un point de référence par rapport auquel évaluer l’impact du RAMU dans les années à venir.
MÉTHODES Nous avons appliqué une analyse
frais d'utilisation pour certaines populations, comme les plus pauvres
d’incidence des bénéfices (AIB) pour étudier la répartition des dépenses de
(programme lancé en 2009, suivi d’un pilote du financement basé sur les
santé pour les soins curatifs au fil du temps (2009, 2014, 2017) afin de saisir
résultats en 2014-2018), ou pour les soins curatifs pour les femmes
les évolutions.
enceintes et allaitantes et les enfants
Auteurs Martin RUDASINGWA, Edmund YEBOAH, Emmanuel BONNET, Valéry RIDDE, Paul André SOMÉ, Manuela DE ALLEGRI
Mots-clefs Santé, soins curatifs, dépenses, inégalités, répartition
Géographie Burkina Faso
Thèmes Inégalités, dépenses en santé, financement de la santé
Pour en savoir plus sur ce projet : https://www.afd.fr/en/carte-des-projets/assessing-equity-health-spending-sub-saharanafrica
Graphique 1. Impact distributif des dépenses publiques et globales en soins
Égalité accrue des dépenses publiques
curatifs par niveau de soin et au fil du temps
L’impact distributif des dépenses publiques en soins curatifs s'est considérablement amélioré de 2009 à 2017, les dépenses en soins ambulatoires et les dépenses totales devenant même significativement favorables aux pauvres en 2017. Pour l'ensemble des mesures, on observe un pic d’inégalités dans les dépenses de santé publiques en 2014. Au fil des années, les inégalités de distribution
Indice de concentration
RÉSULTATS
sont plus importantes pour les patients hospitalisés que pour les soins ambulatoires. Bien que nettement moins qu'en 2014, les dépenses
Égalité accrue des dépenses globales L'impact distributif des dépenses globales en soins curatifs s'est considérablement amélioré de 2009 à 2017, mais n'est devenu significativement favorable aux pauvres que pour les services ambulatoires. Les dépenses globales en soins aux patients hospitalisés et les dépenses publiques totales sont restées significativement favorables aux moins pauvres en 2017. Le pic d'inégalités observé dans les dépenses publiques en 2014 apparaît également dans les dépenses globales, même s'il est moins accentué (graphique 1). Les disparités géographiques persistent, mais diminuent avec le temps Les
différences
l'impact
distributif
régionales des
dans
dépenses
1 0,8 p<0.01
0,6 0,4 0,2
p<0.01
p<0.01 p<0.01
p<0.01
p<0.01p<0.01
0 -0,2
p<0.01
p<0.1
-0,4 Dépenses publiques totales
Soins hospitaliers
Soins ambulatoires
(b) Dépenses globales pour les soins curatifs Indice de concentration
publiques en soins aux patients hospitalisés sont restées largement favorables aux moins pauvres, même en 2017 (graphique 1).
(a) Dépenses publiques pour les soins curatifs
0,6
0,1
p<0.01 p<0.… p<0.01 Dépenses totales de santé
-0,4
p<0.01 p<0.01 p<0.…
p<0.01 p<0.01
Soins hospitaliers
Soins ambulatoires
2009
2014
2017
publiques et globales persistent, mais
moins pauvres, en particulier dans le
se sont considérablement atténuées avec le temps. Cela s’explique sans doute par la réduction généralisée des inégalités dans les dépenses de santé.
Centre-Est et le Sud-Ouest.
En 2017, une répartition des dépenses publiques favorable aux moins pauvres persiste dans le Centre-Est et le Sud-Est, tandis que toutes les autres régions (pour lesquelles nous disposons de données) affichent une répartition favorable aux plus pauvres. L'hétérogénéité entre les régions reste plus grande pour les dépenses globales, avec une répartition systématiquement favorable aux
A ce jour, puisque les données sur l'utilisation des soins de santé ne sont disponibles qu'au niveau régional, nous n'avons pas pu analyser les effets d'hétérogénéité au niveau local. Par conséquent, l’analyse ne permet pas d'évaluer dans quelle mesure les projets pilotes d'exemption de paiement des frais ont pu contribuer à une plus grande égalité des dépenses de santé avant l'introduction de la gratuité.
RECOMMANDATIONS
Il est important de continuer à investir dans les réformes du financement de la santé, la suppression du paiement des frais d'utilisation, en particulier pour les soins aux patients hospitalisés, afin d'assurer une plus grande égalité dans les dépenses de santé publiques et globales.
Ce type d’analyse devra être reproduite dans les années à venir pour évaluer l’impact du RAMU sur l’égalité des dépenses de santé.
Il faut étudier l'origine des différences régionales observées et chercher des solutions adéquates pour combler les lacunes existantes.
Directeur de la publication Rémy Rioux Directeur de la rédaction Thomas Melonio
Agence française de développement (AFD) 5, rue Roland Barthes | 75012 PARIS | France
Dépôt légal 4e trimestre 2020 ISSN encours | © AFD
Pour consulter les autres publications de la collection Dialogues de politiques publiques : https://www.afd.fr/collection/dialogues-de-politiques-publiques