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from ExPost 92 - Évaluation des contributions AFD et FFEM aux fonds fiduciaires pour la biodiversité
conservation de la biodiversité. Ils apportent ainsi leur part à l’évolution des stratégies et politiques nationales/régionales, l’évolution des cadres réglementaires ou le développement d’outils de suivis régionaux (MARFUND, The MedFund).
Les États maintiennent leur engagement pour la conservation de la biodiversité malgré l’existence des FFC
Le soutien des États à la conservation peut recouvrir le salaire des fonctionnaires en charge des AP, l’exonération fiscale des activités, le versement de subventions ou la mise à disposition de matériel. L’existence des FFC n’a pas conduit à des désengagements des États en matière de soutien aux AP et réseaux d’AP. Sur la base des données d’une partie des FFC étudiés (tous n’ont pas répondu), il apparait que les appuis financiers des institutions nationales restent stables ou croissent au fil des ans sur les AP ou réseaux d’AP soutenus par les FFC (Madagascar, Mauritanie). Cela confirme la complémentarité et l’additionnalité entre les financements respectifs des FFC et des États.
Les FFC sont des outils résilients en période de crise économique
Le champ de cette évaluation allait jusqu’à 2019, hors période Covid donc. Son déroulement en 2020-2021 a toutefois permis d'observer la bonne résilience financière et institutionnelle des FFC dans le contexte de la pandémie. Face aux difficultés budgétaires des États dues à la crise économique liée à la pandémie et aux pertes de recettes des parcs induites par l’effondrement du tourisme mondial, les FFC ont pu maintenir ou accroître leur soutien aux acteurs de la conservation et aux populations affectées. Durant la période du Covid-19, les FFC disposant de fonds d’amortissement financés par la KfW, ont également pu soutenir des AP en grande difficulté, compensant partiellement les pertes touristiques (FAPBM, MARFund). Par ailleurs, ils peuvent devenir des soutiens importants pour la protection d’espèces en danger lors de telles périodes, comme illustré par la protection du bois de rose dans la crise malgache. L’évaluation n’a toutefois pas permis d’approfondir cette question de l’impact des FFC en période de crise, une étude complémentaire sur ce thème serait probablement utile. Les FFC assurent un bon suivi-évaluation des subventions octroyées aux bénéficiaires, mais présentent plusieurs marges de progression sur le niveau d’information des rapports annuels
Le suivi des subventions octroyées par les FFC aux bénéficiaires est en général bon, et ne se résume pas à un simple suivi administratif, les FFC assurant également du renforcement de capacité ou encore le financement et la diffusion d’outils spécifiques (gestion, ressources humaines, rapportage, indicateurs de suivi…). Par ailleurs, les rapports d’activités annuels des FFC, tout comme les rapports techniques et financiers à destination des bailleurs, sont de bonne qualité, mais ils présentent plusieurs possibilités d’amélioration pour offrir une information optimale à destination de l’ensemble des parties prenantes et du grand public. L’évaluation constate des changements de formats et de contenu au fil des ans, ce qui rend difficile la vision longitudinale des FFC, de leurs résultats et impacts. Les FFC pourraient facilement améliorer plusieurs éléments de rapportage en développant des formats homogènes avec les bailleurs notamment sur les aspects financiers (en précisant davantage les méthodes et résultats sur les coûts de fonctionnement, les subventions octroyées par typologie de source de financement, l’apport des financements étatiques des AP concernées, les évolutions des indicateurs financiers en général, l’évolution des stratégies).
Une difficulté à rendre compte de l’impact sur la biodiversité ou de l’impact social des FFC et des limites a clarifier
Le suivi de la biodiversité ou des performances de gestion n’est pas opérationnel dans une majorité des pays. Il est du ressort des AP et des institutions nationales en charge des aires protégées (Agences nationales, Ministères). Certains FFC (FAPBM) contribuent à l’amélioration de ces dispositifs via des outils composites et simples de suivi. Dans ce domaine, les FFC, et à travers eux les bailleurs, peuvent jouer un rôle central dans le financement, le développement et le déploiement d’outils de suivi. Pour les FFC, comme pour les AP, la recherche de simplicité reste de mise en matière d’indicateurs de suivi, car aucun mécanisme de financement ne vient soutenir ces activités de production de données ou de rapportage et les
équipes opérationnelles restent limitées tant au niveau des AP qu’au niveau des FFC. Les impacts ne sont pas renseignés de manière récurrente dans les rapports annuels, notamment parce qu’ils restent difficilement mesurables. Les informations collectées se limitent souvent aux surfaces globales des AP, à leur nombre ou à l’énumération d’activités de surveillance et d’espèces sans montrer l’évolution, le taux d’endémisme, les types d’habitats critiques ou protégés ou leurs évolutions. La majorité des responsables d’AP interrogés dans le cadre de l’évaluation soulignent cependant que la perte des espèces menacées a été réduite ou stabilisée, la richesse en biodiversité a été maintenue en moyenne. Toutefois, il reste difficile d’attribuer ou de mesurer l’impact « biodiversité» des FFC par manque de données de suivi et de continuité dans l’information proposée (sauf peut-être pour la FAPBM qui progresse sur ces sujets). Les FFC ont conscience des enjeux d’amélioration du suivi des impacts qui restent majeurs afin de démontrer l’impact de leurs financements, pour gagner en visibilité et attirer davantage de financements (privés comme publics[18]).
Le suivi, à partir d’indicateurs fiables et récurrents, est essentiel pour mesurer la performance de gestion des AP, mais aussi pour mieux caractériser la pression, la stabilisation de la conservation (un enjeu déjà majeur pour les gestionnaires d’AP) et la progression des cibles de conservation tant au niveau des habitats que des espèces. La marge de progression la plus forte réside dans la qualité et la continuité des méthodes employées, la coordination nationale, la mise en place d’outils harmonisés entre FFC, simples et peu coûteux, la précision de l’information tant au niveau terrestre que marin, et l’allocation de financements ciblés. La présente étude fait une analyse comparée des dispositifs de suivi en place et formule des propositions en ligne avec la documentation internationale[19] . Au niveau socio-économique, l’absence d’information sur les territoires est notable. Les renseignements fournis se limitent souvent à quelques données conjoncturelles fournies par
[18] La question des horizons temporels sur ces types de données environnementales et écosystémiques relatifs à des processus très longs doit être prise en compte afin de produire des analyses pertinentes. [19] Cordero A. Developing a M&E strategic plan for environmental funds focused on biodiversity impact. Project K – Knowledge for action. March 2019 un programme dédié (Banque Mondiale, UE, ou autre) ou à des éléments sur le nombre d’activités génératrices de revenus. L’absence d’états de références, d’indicateurs récurrents sur les filières en place ou les indicateurs sociaux d’amélioration des conditions de vie sur le territoire incluant les AP, rend difficile la mesure objective de progrès, la part des AP et de l’appui des FFC dans ces évolutions. Les sources de données dépendent d’autres acteurs, relèvent de responsabilités de l’Etat et renvoient aux capacités des gestionnaires d’AP à intégrer ces dimensions territoriales et économiques ou à agréger les informations (quand elles existent). Les questions de méthodes, de répartition des rôles, de clarification des limites des FFC et des capacités à renseigner un minimum d’informations restent des chantiers importants pour la communauté des FFC et des bailleurs.
En matière de suivi, une des priorités est de mieux financer et de manière ciblée ces suivis et leur rapportage au niveau des AP/systèmes d’AP. Il s’agit également d’adopter des cadres communs de rapportage entre FFC (en concertation avec les bailleurs) et notamment sur les indicateurs rendant compte de l’impact des FFC et de l’évolution de la biodiversité au niveau des AP bénéficiaires. Les réseaux RedLAC, CAFE ou la CFA sont appropriés pour continuer à proposer des dispositifs simplifiés de tableaux de bords, de rapportage et d’indicateurs intégrés.
Des FFC en apprentissage sur les mesures de maitrise des risques environnementaux et sociaux, mais devant faire face à des attentes inadaptées des bailleurs
Les FFC n’en sont qu’au stade de l’apprentissage sur les mesures pour la maitrise des risques environnementaux et sociaux (E&S)[20] et sont en train d’étudier ou de mettre en place les dispositifs de rapportage associés. À noter que les FFC ne sont pas correctement appréhendés dans le corpus actuel des diligences E&S de la plupart des bailleurs de fonds. Les consultants, tout comme les FFC, alertent sur les conséquences que pourraient avoir des exigences trop importantes des bailleurs en la matière. La mobilisation de personnels
[20]«Mesures pour la maitrise des risques» ou «mesures de sauvegardes environnementales et sociales» sont les mêmes termes. Celui le plus utilisé par l’AFD est affiché ici.
additionnels pour la mise en place de ces procédures, la collecte des données, impacteraient significativement les coûts de fonctionnement des FFC, sans pour autant améliorer les résultats de préservation de la biodiversité.
La définition d’un cadre de maitrise des risques environnementaux et sociaux simplifiés, si possible commun à la communauté des bailleurs, reste un objectif clé à atteindre. Les soutiens des réseaux RedLAC et CAFE ou de la CFA seront d’autant plus cruciaux que les demandes des bailleurs s’accroissent. Des travaux en cours en 2021 au niveau de la CFA sur le sujet gagneraient à être pris en compte et travaillés avec les bailleurs pour simplifier les dispositifs. Une difficulté pour mesurer les co-bénéfices climat-biodiversité mais une opportunité pour les FFC
La complémentarité et les synergies entre les thématiques « biodiversité » et « climat » sont confirmées par les entretiens menés dans cette étude.
Les FFC soulignent leur intérêt pour l’accès à de nouveaux financements «climat» et présentent souvent leurs institutions, à juste titre, comme des structures suffisamment expérimentées et solides pour se positionner sur la promotion de synergies climat-biodiversité et accéder aux financements du Fond Vert pour le Climat par exemple. Cet axe complémentaire est opportun, mais ne doit pas être investi au détriment de l’objectif premier des FFC qui est de «soutenir la conservation de la biodiversité». Les tendances sont en effet à l’apparition de nouvelles thématiques et lignes de financement orientées «climat» avec des risques d’éparpillements susceptibles de dévier peu à peu l’objectif premier des FFC. La définition et la mesure des indicateurs des co-bénéfices climats-biodiversité restent à développer à l’échelle des FFC et des AP.
7. Analyse du rôle de l’AFD et du FFEM
L’AFD et le FFEM, avec les bailleurs partenaires, ont accompagné au fil des ans, des FFC qui, pour une bonne part, sont devenus des modèles instructifs pour l’ensemble de la communauté des FFC. Ils font partie des FFC emblématiques et leurs caractères innovants sont résumés ci-dessous et en annexe 2. Ils présentent chacun: • Des atouts propres et structurels liés à la spécificité de leur modèle de capitalisation, de leur organisation. • Des exemples instructifs et/ou transférables sur des approches opérationnelles développées au cours de la vie des FFC. • Des exemples d’innovations récentes en matière d’outils financiers dont les retours pourront alimenter la communauté de la conservation de la nature dans les prochaines années.
Une complémentarité AFD/FFEM reconnue et appelée à se poursuivre afin d’innover et changer d’échelle
L’AFD et le FFEM ont été pertinents et ont eu une approche pionnière dans leurs appuis à des FFC, notamment à travers le C2D (mécanisme d’échange de dette). Ces FFC sont devenus des références en matière de soutien au monde de la conservation. Leurs efforts sur la structuration et la consolidation de FFC marins sur plusieurs continents ou l’appui du FFEM aux réseaux RedLAC et CAFE sont également à noter en matière d’innovation. Les rôles du FFEM et de l’AFD sont globalement appréciés, notamment pour l’expertise technique de qualité offerte. On observe par ailleurs une reconnaissance de leurs complémentarités, l’AFD restant plutôt apporteur financier et d’appui institutionnel, le FFEM complétant par du financement projet en phase de transition, renforçant souvent le capital «image» du FFC par des résultats de terrain, ce qui apporte une crédibilité locale, nationale et internationale et est nécessaire pour augmenter les chances de mobilisation de fonds et d’effet levier. Le FFEM appuie des projets qui à chaque fois ont un caractère innovant pour l’époque ou pour la communauté des FFC. La poursuite de la stratégie FFEM en la matière est recommandée, en maximisant les complémentarités avec l’AFD et le couplage des financements.
La stratégie française en matière de financement de la conservation tout comme celle des FFC mise sur la diversification des sources de financement comme effet levier. Les évaluateurs notent peu d’effet levier sur le secteur privé. Le FFEM a joué un rôle important pour le développement du REDD + en Guinée Bissau ou pour une meilleure compréhension de la valeur des services écosystémiques mauritaniens. En revanche, les initiatives visant le secteur privé menées par BIOFUND, la FTNS ou la FAPBM ne semblent pas avoir été influencées ou accompagnées par l’AFD. Ceci pourrait clairement être un axe de développement à prioriser pour l’AFD et le FFEM, étant entendu que le secteur privé est multiforme.
Une efficience et un effet levier des appuis français au regard des sommes engagées, mais des niveaux a maximiser pour répondre aux enjeux
Les appuis financiers de l’AFD et du FFEM sont efficients puisqu’ils ont permis d’assurer concomitamment avec des appuis croissants des agences AFD décentralisées, la capitalisation et le démarrage opérationnel des actions des FFC tout en apportant des appuis sur des volets non-financiers (structuration des équipes, stratégies, références internationales). L’effort conjugué de ces deux bailleurs aux côtés de la fondation MAVA, la KfW, parfois le GEF et dans une moindre mesure certaines ONGs et budgets nationaux, ont permis de dépasser le seuil de capitalisation minimal pour assurer la durabilité de plusieurs FFC. Avec près de 70millions d’euros investis, l’AFD et le FFEM ont permis de mobiliser des cofinancements d’environ 190millions d’euros (projets ou approches multi-bailleurs). Les FFC soutenus sont capitalisés à hauteur de 250 millions d’euros à fin 2019. L’AFD et le FFEM ont contribué pour 55millions[21] d’euros dans la capitalisation des fonds de dotations pérennes. Ces FFC ont octroyé, sur la période, 58,3millions d’euros à environ 90 aires protégées représentant 142000km2, dont environ 10millions de subventions rien qu’en 2019. Les FFC sont devenus des acteurs nationaux clés porteurs de projets et de diversification de sources de financement en plus de leurs fonctions d’accompagnement des réseaux d’aires protégées.
[21] Comprenant des promesses et conventions en cours d’attribution en 2020 (8millions d’euros de l’AFD pour la FAPBM, 5millions d’euros (dont 4millions de l’AFD et 1million du FFEM) pour The MedFund. Il faut souligner l’excellente collaboration observée entre l’AFD, le FFEM et la KFW, marquée par une communauté de vision et d’approche. L’AFD et le FFEM représentent ensemble le deuxième contributeur mondial, après la KFW, aux fonds de dotation des FFC évalués, avec 17 % des volumes financiers investis dans le capital des FFC. Avec 80% d’appuis inférieurs à 5millions d’euros par octroi, la contribution de la France reste faible au regard de la coopération allemande qui contribue en moyenne pour 30millions d’euros par FFC et représente au total plus de 61 % du capital investi dans les 8 FFC considérés (167millions d’euros sur la période). L’impact et l’efficience de l’AFD et du FFEM seraient clairement plus importants si les ambitions étaient supérieures dès le départ. La durabilité au cœur de l’intervention française
Les appuis financiers de l’AFD et du FFEM sont par essence durables, étant donné l’ancrage à long terme des FFC, en tant qu’outils pérennes de financement de la conservation. L’effort conjugué des bailleurs historiques a globalement permis de dépasser les seuils de capitalisation minimaux pour assurer la durabilité des FFC. Les FFC étudiés présentent une bonne durabilité institutionnelle. Ce sont globalement des institutions fiables et bien gérées conservant un souci de transparence et de bonne communication. Les FFC ont également contribué au renforcement de capacité des AP ou des ONGs et autres institutions nationales impliquées sur la conservation de la biodiversité. Ils ont contribué pour les AP au développement de modèles de gestion qu’elles mettent en œuvre dans leur fonctionnement quotidien, et à soutenir des communautés qui diffusent de la connaissance (à l’échelle régionale ou nationale). La durabilité repose également sur cette capacité à innover davantage et à développer des nouveaux mécanismes de financement. En la matière, les exemples synthétisés en annexe2 sont à poursuivre et à multiplier (C2D, accord de pêche, secteur privé, offsets, etc.). Dans le domaine de l’innovation au bénéfice de la nature, la coopération internationale pourrait favorablement diversifier ses modalités d’intervention. Certains Fonds n’ont pas encore atteint leur vitesse de croisière et leurs impacts ne sont qu’une fraction des impacts potentiels futurs. L’ensemble des bailleurs et des FFC, doivent poursuivre ces consolidations et rechercher une diversification des sources de financement.