La (re)production des inégalités de genre dans le monde du travail

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# 2019-120

La (re)production des inégalités de genre dans le monde du travail : des discriminations légales à l’autonomisation Cecilia POGGI

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Juliette WALTMANN

Décembre 2019

Pour citer ce papier :

Poggi, C. et Waltmann, J. (2019), “La (re)production des inégalités de genre dans le monde du travail : des discriminations légales à l’autonomisation”, Papiers de Recherche AFD, n° 2019-120, Décembre.

Contact à l’AFD :

Cecilia POGGI (poggic@afd.fr)

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AFD, Département Diagnostic Economique et Politiques Publiques (IRS/ECO), 5 rue Roland Barthes, 75012 Paris, France. AFD, Département Diagnostic Economique et Politiques Publiques (IRS/ECO), 5 rue Roland Barthes, 75012 Paris, France. Sciences Po - Paris School of International Affairs, 28 rue des Saints Pères, 75007 Paris.


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AFD, 5 rue Roland Barthes 75598 Paris Cedex 12, France  ResearchPapers@afd.fr ISSN 2492 - 2846


La (re)production des inégalités de genre dans le monde du travail : des discriminations légales à l’autonomisation Cecilia Poggi, AFD Juliette Waltmann, AFD et Sciences Po.

Résumé Cette revue de littérature présente les enjeux autour des inégalités de genre et de l’autonomisation des filles et des femmes dans les pays en développement en termes d’emploi, à travers une étude des publications de l’Agence Française de Développement (AFD). Entre discriminations légales, ségrégation professionnelle, division genrée du travail et les « doubles journées », l’accès des femmes au marché du travail et à l’emploi décent dans les pays en développement peut conduire à une (re)production des inégalités de genre. Favoriser une distribution plus égalitaire des rôles dans la société et la déconstruction des stéréotypes de genre sont des pas en avant fondamentaux pour enrayer ce processus, qui va de pair avec une éducation égale pour les filles et les garçons, un accès à l’emploi décent et rémunéré, une participation politique des femmes, et des changements juridiques et légaux appropriés par la société. Adopter une approche holistique dans l’analyse, la programmation, la mise en œuvre et le monitoring de l’égalité de genre semble alors indispensable. Mots-clés : Autonomisation, emploi, femmes, foncier, genre, inégalités, informalité, travail Classification JEL : J16, J46, K38, O15 Remerciements Cet article est une des deux revues de littérature sur les inégalités de genre, menées pendant le stage de Juliette Waltmann dans la Division IRS/ECO à l’AFD en 2019. Les autrices remercient Hélène Djoufelkit et Frédéric Sicard pour les discussions stimulantes. Elles remercient également tou.te.s les participant.e.s au séminaire BBL de l’AFD pour les précieuses discussions. Toutes omissions, toutes opinions et toutes erreurs exprimées dans les articles n'engagent que les autrices et ne reflètent pas nécessairement l'opinion de l’AFD. Version originale :

Français

Acceptée :

Décembre 2019

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I.

Introduction

Cette revue de littérature présente les enjeux autour des inégalités de genre et de l’emploi dans les pays en développement, à travers une étude des publications de l’Agence Française de Développement (AFD), en accordant une attention particulière aux leviers d’émancipation et d’autonomisation des filles et des femmes. Les objectifs primaires sont de réaliser un recensement de connaissances, de montrer quels progrès existent autour de ces sujets et quelles pistes de réflexion pourraient être développées dans le futur. Elle est l’une de deux revues de littérature, qui s’interrogent sur comment la recherche et la production de connaissances peuvent devenir un outil dans l’accompagnement du développement durable. Ce travail donc s’interroge sur comment la recherche contribue à éviter la production et la reproduction des inégalités femmeshommes, grâce à une meilleure compréhension des mécanismes à l’origine de ces inégalités. La méthodologie utilisée pour recenser et analyser tous les travaux publiés par l’AFD sur les inégalités de genre s’appuie sur l’utilisation d’un marqueur basé sur celui du Comité d’aide au développement sur la politique d’aide à l’appui de l’égalité homme-femme de l’Organisation de coopération et de développement économiques (CAD-OCDE). Ce dernier a été légèrement modifié pour s’adapter à l’analyse des publications et il a permis d’identifier 80 publications (sur près de 600 au total) pouvant être marquées CAD 1 ou CAD 2 1, pour former la base de l’analyse de la production de connaissances de l’AFD au cours d’une période allant de 2010 à mi-2019. Il a aussi été associé avec un marqueur créé ad hoc, afin de mieux saisir la distinction entre les recherches focalisées (ou adoptant une perspective) sur le genre et celles sur les femmes. Cette étude recense les éléments principaux soulignés par la recherche menée à l’AFD sur l’accès des femmes à la terre, à l’emploi décent 2, au travail informel, mais aussi sur leur autonomisation, proposant un état de lieux des connaissances sur les inégalités dans ces domaines et identifiant d’autres aspects à explorer pour des réflexions futures. La portée de cette revue n’est toutefois pas exhaustive. En s’appuyant principalement sur des publications de l’AFD, les thématiques et les géographies abordées sont restreintes. Une partie importante des projets de recherche liés au genre ou à la condition des femmes est en effet concentrée sur l’Afrique Subsaharienne. Par ailleurs, l’accès au crédit ou à l’épargne informelle comme vecteur d’empowerment sont peu analysés dans cette littérature : ils ne feront donc pas l’objet d’une attention particulière ici. Ensuite, l’étude des inégalités de genre est souvent limitée à un perspectif « développement », circonscrivant les analyses généralement à une « approche genre » plutôt qu’à une étude sociologique et politique du genre. Ces deux considérations font que, cette revue de littérature présente également des études importantes hors publications AFD sur les sujets traités, tout en mobilisant un nombre important d’exemples précis à propos des inégalités de genre dans la décennie passée : c’est une présentation générale des enjeux autour de la (re)production de ces inégalités dans les pays en développement.

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Un projet de recherche noté CAD 2 est un projet qui réalise une analyse du genre et de l'égalité de genre, faisant des inégalités femmes-hommes le centre de la recherche donnée. Le marqueur CAD 1 qualifie les publications où le genre est une variable étudiée de manière secondaire et transversale. Cette notion s'applique aux travailleurs de l’économie formelle et informelle, aux personnes travaillant à leur compte ou à domicile (Organisation Internationale du Travail (OIT), n.d.) 4


Dans un premier temps, cette revue propose une mise en contexte des enjeux (Section II), grâce à une analyse des définitions ayant trait au champ du genre dans les études de développement (Section 2.1), mais aussi à l’autonomisation économique et l’empowerment des filles et des femmes (2.2). Il y est aussi rappelé la centralité des questions légales dans la compréhension des inégalités de genre, à travers notamment la question de l’accès des femmes à la terre en Afrique subsaharienne (2.3). Dans un deuxième temps, elle présente les différentes formes d’emploi des femmes, se focalisant essentiellement sur l’emploi informel (III). Après une présentation succincte des enjeux autour de ce type d’emploi (3.1), la revue examine particulièrement le travail agricole et agroalimentaire (3.2) et le travail domestique et de soins non rémunéré (3.3. Cette partie permet de mieux aborder la troisième qui s’intéresse aux problématiques autour de la (re)production des inégalités de genre dans le domaine de l’emploi (IV), à cause de la persistance d’obstacles et de stéréotypes spécifiques au genre et à la distribution des rôles sociaux (4.1) et leur présence sur le marché du travail (4.2). Enfin, cette revue propose quelques solutions envisageables pour enrayer cette (re)production des inégalités (V) : l’autonomisation économique via l’inclusion financière et les formations professionnelles (5.1), et l’empowerment via l’éducation, l’accès à l’emploi décent et la participation politique (5.2). Cette revue de littérature permet de mettre en évidence des thématiques et enjeux manquant à la production de connaissances au sein des publications de l’AFD (VI). Elle va de pair avec une autre revue de littérature portant plus particulièrement sur les inégalités de genre et l’éducation, la santé et la protection sociale, ainsi que sur les leviers d’actions dans ces domaines, intitulée « La (re)production des inégalités de genre : quels enjeux dans l’éducation, la santé et la protection sociale ? » (Poggi & Waltmann, 2019).

II.

Inégalités de genre : mise en contexte

En premier lieu, il est essentiel d’effectuer une rapide mise en contexte des enjeux autour du genre dans le développement et des inégalités qui en découlent, grâce à l’identification de concepts-clés, que sont le genre, les rôles sociaux, et la (re)production des inégalités de genre, mais aussi pour rappeler l’importance du cadre légal et juridique dans ce domaine grâce à l’exemple de l’accès des femmes à la terre. Une différenciation entre l’approche « femmes et développement » et l’approche « genre et développement » est aussi réalisée, étant un sujet fondamental pour l’analyse de ces problématiques, tant du point de vue de la recherche que d’un point de vue plus opérationnel. 2.1 Inégalités et stéréotypes de genre Le concept de genre permet une réflexion autour des identités dites « masculines » ou « féminines » et autour des relations inégalitaires entre femmes et hommes. Autrement dit, il fait référence à l’assignation des femmes et des hommes à des rôles sociaux et des stéréotypes prédéfinis et à leurs conséquences, particulièrement utiles lors d’une analyse des inégalités dans les sphères sociales et économiques.

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Le genre est une construction sociale , inscrite dans un processus relationnel et dans un rapport de pouvoir, lui-même imbriqué dans d’autres rapports sociaux . Il est donc défini par quatre dimensions analytiques, toutes étroitement liées (Ricard, 2016). Premièrement, le sexe biologique n’induit pas de comportements et tempéraments innés, des caractéristiques immuables, aux hommes ou aux femmes : chaque individu acquiert son identité à travers sa socialisation dans une culture et un contexte donnés, lui permettant ainsi d’intérioriser des normes plus ou moins contraignantes autour de ce que signifie « être un homme » (le masculin) ou « être une femme » (le féminin). C’est pourquoi on peut définir le genre comme une construction sociale. Deuxièmement, le féminin peut se créer en opposition au masculin et inversement : l’un ne va pas sans l’autre, créant un processus relationnel. Dès lors, il est essentiel de s’intéresser aux stéréotypes et préjugés conditionnant le destin des femmes, mais aussi à ceux concernant les hommes. Troisièmement, les valeurs liées au masculin et au féminin sont hiérarchisées, et, à travers un rapport de pouvoir, c’est souvent ce dernier qui sera dévalorisé au profit du premier, créant ainsi un important déséquilibre à l’origine des inégalités entre les femmes et les hommes. C’est précisément cette troisième dimension analytique du genre qui nous intéresse ici : elle est à l’origine de ce que l’on peut appeler « les inégalités de genre ». Enfin, chaque individu est socialisé dans des catégories « hommes » ou « femmes » qui ne sont ni homogènes ni monolithiques, s’imbriquant dans d’autres rapports sociaux, que sont la classe sociale, la sexualité ou encore l’ethnie (Ricard, 2016). On parle alors d’intersectionnalité 3, permettant de souligner la diversité des réalités 4 et leur imbrication. Cela explique pourquoi une femme pauvre dans une zone rurale sera davantage défavorisée qu’une femme pauvre dans une zone urbaine. La construction et la distribution des rôles sociaux assignés aux hommes et aux femmes reposent sur une variété de stéréotypes et de préjugés. Ces rôles auront un impact sur les capacités (Sen 1985), les choix et les décisions des individus, notamment en termes d’emploi. Même si ces rôles évoluent d’une société à l’autre, il sera crucial pour chaque individu de correspondre au système de valeur de référence, au risque d’être exclu.e et marginalisé.e. Ainsi, les rôles prévus des hommes et des femmes sont distribués en fonction de ce système de valeur et les inégalités de genre sont intériorisées grâce à la socialisation. Par exemple, en Turquie, en Tunisie et au Maroc, « les facteurs socioculturels liés au rôle social des femmes vues comme des mères et des épouses sont cités comme l’un des obstacles à l’accès des femmes à l’emploi » (Moisseron et al., 2017). Cet exemple se retrouve dans bon nombre de pays en développement, notamment en Afrique subsaharienne, où beaucoup de législations confèrent le pouvoir de décision et de gestion des ressources au mari, particulièrement à travers les lois coutumières ayant trait au mariage et à l’héritage (Hallward-Driemeier et al., 2013). Dès lors, la division traditionnelle et essentialiste des

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« Dans le domaine du développement, l’intersectionnalité peut donc être pensée comme un outil d’analyse permettant de mettre en exergue l’existence de multiples identités, exposant les différents types de discriminations et d’inégalités. » (Ricard, 2016). « En ignorant la nature « intersectionnelle » du pouvoir et notamment la manière dont le racisme, la classe sociale et le patriarcat s’articulent, se renforcent et créent des inégalités au sein des groupes de femmes, les programmes d’empowerment institutionnalisés ne bénéficient souvent qu’aux femmes les moins marginalisées, argumentent les féministes » (Calvès, 2009). 6


tâches, aussi appelée division sexuelle du travail 5, assigne les femmes à la sphère privée, avec le rôle reproductif 6 ou encore le rôle de gestion communautaire 7, alors que les hommes se retrouveront en charge de la sphère publique, avec le rôle productif qui vise à « produire des biens et des services destinés à la vente, à l’échange, ou pour répondre aux besoins de subsistance de la famille » (ONU Femmes, n.d.). Ces dernières seront alors nettement plus sujettes que les hommes à la « double journée » 8 ou au « triple rôle » 9. Comme le souligne justement Ricard (2016), être une fille ou une femme devient alors un « facteur multiplicatif de désavantage ». Ces rôles sociaux attribués aux femmes et aux hommes sont à l’origine de discriminations considérables envers les filles et les femmes. En intériorisant les normes relatives à cette distribution des rôles et des stéréotypes, les femmes, les hommes, et toutes les sphères de la société, produisent et reproduisent socialement les inégalités de genre en tant que préjugés et représentations. En effet, « Le constat de la permanence d’inégalités homme-femme issu de l’observation des statistiques façonne et renforce les représentations déjà présentes dans les sociétés » (Cortinovis & Rivière, 2015). On peut alors parler de « (re)production » des inégalités de genre, ce terme permettant de souligner le fait que ces inégalités sont produites/reproduites perpétuellement. C’est notamment ce que l’on retrouve avec le système juridique et légal, car en produisant de nouvelles lois, ce système reproduit bien souvent les inégalités, qui elles-mêmes alimenteront les normes et stéréotypes de genre. Par ailleurs, ce terme met en évidence le fait que la « production » sociale des individus soutient la reproduction des inégalités de genre, ce qui est d’autant plus marqué lorsque l’on s’intéresse à l’éducation (DuruBellat, 2008 ; Eder & Parker, 1987). En enrayant la (re)production des inégalités de genre et donc en transformant les relations de pouvoir, on soutient alors un cercle vertueux permettant de soutenir la réduction des inégalités femmes-hommes. Enfin, il faut souligner que la prise en compte des femmes et la prise en compte du genre dans le développement sont deux approches différentes (Ricard, 2016). La première ne s’attaque pas aux causes des inégalités mais permet de mettre en évidence l’exclusion des femmes 5

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« Il s’agit d’un concept important de l’analyse sexo-spécifique de base qui permet de mieux saisir les rapports sociaux et c’est un point de départ pour le changement durable par le développement. La division du travail désigne la manière dont une société procède à la division du travail entre hommes et femmes, garçons et filles, selon des rôles sexo-spécifiques socialement définis ou ce qu’elle considère comme étant un travail correct et approprié pour chaque genre. » (ONU Femmes, n.d.) Ce rôle concerne les « Activités nécessaires pour assurer la reproduction de la main d’œuvre d’une société. Cela englobe les travaux ménagers comme le nettoyage, la cuisine, la maternité, l’éducation, et les soins dispensés aux membres de la famille. Ces tâches sont principalement assurées par les femmes. » (ONU Femmes, n.d.) « Activités principalement exercées par des femmes au niveau communautaire, comme un prolongement de leur rôle reproductif, pour assurer la fourniture et l’entretien des maigres ressources de consommation collective comme l’eau, les soins de santé et l’éducation. Il s’agit d’un travail volontaire non-rémunéré effectué pendant le "temps libre". » (ONU Femmes, n.d.) La « double journée » correspond à la combinaison du travail productif et du travail reproductif. « Cela se rapporte au fait que les femmes ont tendance à effectuer des journées de travail plus longues et plus fragmentées que les hommes du fait qu’elles remplissent généralement trois rôles : reproductif, productif et travail communautaire. » (ONU Femmes, n.d.)

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et surtout leur rôle et leur travail, tous deux fondamentaux, via notamment l’élaboration de projets destinés exclusivement à ces dernières. La seconde s’intéressera davantage à la source et aux effets des inégalités entre femmes et hommes pour les modifier plus durablement et profondément 10. Comme le souligne Ricard (2016), l’approche par le genre formule un nouveau cadre de réflexion : « il n’est pas suffisant de se concentrer sur les femmes mais il est nécessaire d’étudier et d’analyser les rapports inégalitaires entre les femmes et les hommes afin de les rendre visibles et de les prendre en compte à tous les stades d’un projet ». Cette approche met alors en évidence la prévalence des quatre dimensions analytiques du genre dans toutes les sphères de la société, permettant de penser les inégalités de genre comme un système complexe, et soutient la déconstruction des stéréotypes de genre dans une perspective holistique. 2.2 Autonomisation des filles et des femmes Pour remettre en question les normes contraignantes qui conditionnent les opportunités et possibilités qui s’offrent aux femmes et limitent considérablement leur autonomie et leur pouvoir de décision, notamment à cause de l’intériorisation et de l’acceptation de ces normes, favoriser leur autonomisation économique 11 et surtout leur empowerment 12 s’avère être fondamental. Par ailleurs, le terme « empowerment » est traduit par « autonomisation » en français, mais la notion de contrôle et de pouvoir est moins frappante. Avant toute chose, il est important de rappeler que cette autonomisation et la réduction des inégalités femmes-hommes ne devraient pas s’inscrire dans l’idée de favoriser une égalité « performante » qui « favorise la croissance » : « L’égalité doit rester un principe sans conditions, non soumis à la loi du marché » (Sénac, 2017). Tout d’abord, l’autonomisation économique des femmes s’apparente à l’accroissement de la capacité des femmes à participer pleinement à l’économie, grâce à l’éradication des discriminations de genre dans l’accès à des services et aux ressources. Cela passe entre autres par l’accès égal des femmes aux ressources économiques, comme à la terre ou au crédit, en particulier grâce à l’accès au marché du travail. ONU Femmes souligne que « L'investissement dans l'autonomisation économique des femmes est la voie la plus sûre vers l'égalité des sexes, l'éradication de la pauvreté et une croissance économique inclusive » (ONU Femmes, n.d.). Cette autonomisation est une étape cruciale pour arriver à un réel empowerment des filles et des femmes : 10

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« La persistance d’inégalités importantes ne peut en aucun cas être comprise si on ne prend pas en compte les freins et les résistances qui s’inscrivent dans les rapports de genre, c’est-à-dire dans les relations sociales et les rapports de pouvoir fondés sur l’assignation des rôles aux hommes et aux femmes par la société, et non par leur « nature biologique » ». (Cortinovis and Rivière, 2015). « L’autonomisation économique des femmes est un droit essentiel à la réalisation de l’égalité des sexes et à l’atteinte des objectifs plus généraux de développement comme la croissance économique, la diminution de la pauvreté, les améliorations en matière de santé, l’éducation et le bien-être social ». Elle « désigne la capacité de réussir et de progresser sur le plan économique et le pouvoir de prendre des décisions et d’y donner suite. » (ONU Femmes, n.d.) « L’autonomisation des femmes et des filles concerne leur accès au pouvoir et le contrôle qu’elles exercent sur leur propre existence. L’autonomisation englobe la sensibilisation, le renforcement de la confiance en soi, l’expansion des choix, un meilleur accès et un contrôle accru des ressources et les actions destinées à transformer les structures et organismes qui renforcent et perpétuent la discrimination et l’inégalité liées au genre. » (ONU Femmes, n.d.) 8


l’autonomisation économique a un sens plus restrictif, faisant moins référence à une réelle émancipation et à la transformation des relations de pouvoir, mais reste toutefois une condition essentielle. Ensuite, l’empowerment des femmes et l’égalité de genre dans le développement est une problématique cruciale, qui a notamment été analysée par Kabeer (2005). Selon l’autrice, les femmes doivent acquérir le pouvoir de prendre en main leur destin et de maîtriser leur environnement et leur autonomie, en ayant conscience des alternatives qui s’offrent à elles face à des choix stratégiques. Pour arriver à cela, trois conditions étroitement liées doivent être présentes : l’agentivité ou la capacité d’agir qui, dans ce contexte, remet en question les relations de pouvoir systémiques (agency) ; les ressources, les moyens à travers lesquels l’agentivité est exercée (resources) ; et les accomplissements, résultats de l’exercice de l’agentivité (achievements) (Kabeer, 2005, pp.14–15). La combinaison de ces trois conditions mène à une potentielle agentivité transformative, qui n’est pas une simple acquisition d’autonomie multipliant les possibilités d’action, mais d’une autonomie qui transforme aussi les relations de pouvoir, ici les relations de genre. L’objectif étant de permettre aux femmes d’analyser et de remettre en question les contraintes patriarcales dans lesquelles elles évoluent. Comme le souligne Kabeer (2005), l’empowerment passe donc par l’accès à l’éducation, au travail décent et à la représentation des femmes dans les instances de décision politique. Par exemple, l’accès à l’emploi décent semble alors donner des clés essentielles pour permettre cet empowerment : c’est une forme d’autonomisation économique favorisant l’accès aux ressources et apportant une plus grande possibilité d’exercer son agentivité. L’idée est de changer durablement les structures de pouvoir, et non de réduire d’une manière superficielle les inégalités actuelles. Enfin, il est primordial de rappeler que l’autonomisation et l’émancipation des femmes ne va pas sans l’inclusion des hommes au processus de sensibilisation et de changement des mentalités. En effet, ce sont eux-mêmes qui, en tant qu’acteurs, doivent démontrer un fort engagement sur ce sujet, pour mieux faire entendre ces revendications dans les sphères de décision, comme les gouvernements ou les systèmes de justice, mais aussi au sein des ménages, et ainsi soutenir la réduction des inégalités. Il faut donc pouvoir s’appuyer sur eux pour arriver à des changements profonds et rapides, mais aussi pour que l’empowerment des filles et des femmes soit perçu comme légitime. De plus, les hommes peuvent eux aussi être discriminés à cause des inégalités de genre : c’est un sujet encore peu évoqué dans la littérature, et notamment dans les publications de l’AFD, mais qui reste néanmoins essentiel à problématiser quand on discute des inégalités. 2.3 Le droit : un outil d’exclusion ? Dans bon nombre de pays d’Afrique subsaharienne, la justice et le droit sont formulés au détriment des femmes, particulièrement lorsqu’il est question de législations autour de la famille, de l’héritage et du mariage. Il est intéressant de souligner que tous ces pays reconnaissent le principe de non-discrimination dans leur constitution ou dans les conventions internationales, ou dans les deux (Hallward-Driemeier & Hasan, 2012). En théorie, les femmes ne 9


peuvent donc pas être discriminées sur la base de leur sexe. Toutefois, les discriminations envers ces dernières ne sont généralement pas directement liées à cette caractéristique, mais plutôt à leur statut de femme mariée : le mariage change leur statut légal et leurs droits en leur ôtant des capacités et responsabilités et en les attribuant à leur mari (Hallward-Driemeier & Hasan, 2012; Hallward-Driemeier, 2013). Cela peut notamment s’expliquer par les stéréotypes de genre inscrits dans la perspective que l’homme, généralement à la tête du ménage, est celui qui possède le pouvoir et l’autorité. Il est important d’ajouter que, si un pays ne discrimine pas les femmes légalement, la pratique est quasi-systématiquement discriminatoire envers les filles et les femmes. En effet, aux lois discriminatoires (de jure) s’ajoutent les contraintes pratiques (de facto), comme le manque d’informations, de temps ou encore d’argent, ainsi que les stéréotypes de genre (Hallward-Driemeier & Hasan, 2012). Tout cela pose d’importants problèmes pour les jeunes filles et les femmes en termes d’autonomisation économique, mais aussi d’autonomisation au sens large. « Les femmes détiennent souvent des droits secondaires ou « délégués » et leur accès aux terres est généralement arbitré par les hommes » (Polack et al., 2014). C’est notamment ce que met en évidence la base de données Women-LEED-Africa de la Banque Mondiale (Hallward-Driemeier et al., 2013) qui documente les pays d’Afrique subsaharienne qui imposent des traitements différentiels en fonction du genre selon différentes dimensions (emploi, mariage) et de sources du droit (conventions internationales, droit coutumier) 13. Elle permet de mettre en évidence diverses informations. Par exemple, au Cameroun, le mari est de facto reconnu comme chef de ménage, il peut diriger seul la communauté des biens du mariage et la propriété personnelle de sa femme sans le consentement de cette dernière. Comme les hommes sont généralement considérés comme les « chefs de ménages » dans beaucoup de législations, avec l’introduction de la titrisation foncière formelle 14, les femmes ont été particulièrement désavantagées, sachant que l’enregistrement des terres est souvent inscrit sous un seul nom, celui du chef de ménage (leur père ou leur époux) (Hallward-Driemeier & Hasan, 2012). Ensuite, si la plupart des pays africains reconnaissent le droit d’une femme mariée à l’héritage dans la loi écrite, à l’inverse, ils ne reconnaissent pas ce droit dans le régime coutumier 15. Ce sont « Les usages locaux [qui] dictent la répartition de tâches dans les moyens de subsistance ruraux et dans les pratiques agricoles, la prise de décisions au sein des ménages et des communautés et les systèmes successoraux » (Polack et al., 2014). Le pluralisme légal est une source de complications majeure, avec d’un côté un système formel en manque de légitimité, et de l’autre un système coutumier, souvent perçu comme plus légitime mais ayant traditionnellement exclu les femmes.

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La FAO a aussi créé une base de données similaire, appelée « Base de données Genre et Droit à Terre », mais qui analyse davantage de pays (FAO, n.d.). « Nombre d’efforts pour sécuriser le régime foncier en milieu rural se sont concentrés sur la formalisation des droits de propriété individuels, collectifs ou des ménages. Ces efforts peuvent gravement fragiliser la position des femmes à moins que les règles, les processus associés à leur élaboration et leur mise en œuvre et ceux qui les appliquent ne soient sensibles au genre. » (Polack et al., 2014) En effet, « dans la pratique, il existe un énorme fossé entre les droits d’accès et d’héritage consacrés dans les constitutions, la législation foncière ou le droit de la famille et la réalité à laquelle sont confrontées nombre de femmes. » (Polack et al., 2014) 10


Les femmes sont parfois discriminées juridiquement dans l’accès et le contrôle des ressources économiques et productives. C’est principalement dans ces secteurs que leur autonomie est restreinte, davantage que dans les lois relatives au monde du travail et des entreprises. Par exemple, dès qu’une femme se marie, la possibilité qu’elle travaille ou non n’est plus de son ressort, ni de celui de sa famille, mais de celui de son mari, comme en Turquie (Combarnous et al., 2019). Il en sera de même pour la création d’une entreprise (Beaujeu et al., 2011), ou l’ouverture d’un compte en banque. Tout cela limite grandement l’accès des femmes au travail décent soutenant la (re)production des inégalités femmes-hommes. 2.4 Étude de cas : l’accès des femmes à la terre En Afrique subsaharienne, entre la complexité du droit, les discriminations et l’importance de l’agriculture, le régime foncier devient un enjeu de développement important. Ce régime 16 « représente la relation, juridique ou coutumière, qu’entretiennent les personnes en tant qu’individus ou en tant que groupes à l’égard des ressources foncières » et régit l’accès à la terre et détermine « qui peut utiliser quelles ressources, pendant combien de temps et selon quelles conditions » (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), n.d.). Cet accès est fondamental dans le monde rural et agricole, permettant de faire la connexion entre le travailleur et la terre qu’il exploite, mais aussi car il revêt une dimension sociale importante 17. Aujourd’hui, « La grande majorité des agriculteurs africains travaillent sur des petites parcelles, souvent dans des régimes fonciers incertains » malgré l’importance de leur travail (Filmer & Fox, 2014). La terre représente alors une ressource à part entière s’ajoutant aux ressources personnelles, familiales et sociales, qui conditionnent les parcours d’une importante partie de la population rurale et en particulier des jeunes (Barlet & d’Aiglepierre, 2017). Cette problématique est particulièrement importante notamment car l’accès à la terre est une contrainte d’entrée dans l’agriculture, mais cet accès est rendu difficile par différents facteurs que sont les droits, la transmission de la terre et les rôles attribués à chaque membre du ménage, générant notamment les inégalités de genre. En effet, le droit en lui-même est une source de complications. Par exemple, le cadre législatif et institutionnel autour de la gestion des terres en Afrique est faible et insuffisant : seulement 10% des terres rurales sont enregistrées et le reste n’est pas documenté ou sous arrangements informels, rendant les « propriétaires » vulnérables à l’expropriation, à la corruption ou à l’appropriation de leurs terre (Byamugisha, 2013 ; Goyal & Nash, 2016). Les relations entre générations et la transmission de la propriété sont aussi une contrainte à l’accès à la terre et ce particulièrement dans l’agriculture familiale 18. « La 16

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Il en existe plusieurs, comme le régime foncier privé ou communal, auxquels peuvent s’appliquer différentes réglementations. « The manner in which a society defines ownership and user rights to land and natural resources reflects the conception that members of this society hold concerning relations between individuals and between people and nature. Land policy thus lies at the heart of the economic, social, and political challenges facing a society; land is the basis of both farm and pastoral production, and the distribution of rights to land and resources typically reflects social and economic inequalities. » (Devèze 2011, p.115) « L’agriculture familiale englobe toutes les activités agricoles reposant sur la famille, en relation avec de nombreux aspects du développement rural. L’agriculture familiale permet d’organiser la production agricole, forestière, halieutique, pastorale ou aquacole qui, sous la gestion d’une famille, repose 11


baisse de la mortalité infantile, qui constitue un important progrès, rend plus difficile la transmission au sein des exploitations familiales et contraint de nombreux jeunes à trouver des alternatives » (Barlet & d’Aiglepierre, 2017). Sachant que la plupart des biens se transmettent par l’héritage au sein des agricultures familiales, ces remarques sont particulièrement intéressantes. Le fait que les hommes soient grandement privilégiés par le droit coutumier en termes d’héritage et que beaucoup de pays aient une majorité de terres régies par le droit foncier coutumier font que les femmes sont fréquemment exclues des droits à la terre (HallwardDriemeier & Hasan, 2012). Dès lors, comme le souligne Deboulet (2016) « Dans certaines sociétés (comme souvent en Afrique de l’Ouest et en Inde), les propriétaires sont majoritairement des hommes parce qu’ils sont les seuls à pouvoir hériter d’un bien immobilier ». Ainsi « Dans la majeure partie du Sahel, il est interdit aux femmes de posséder des terres à moins qu’elles soient mariées et lorsqu’elles ont un accès au foncier, il est généralement précaire ou octroyé pour un bref laps de temps » (Polack et al., 2014). A Bamako, une enquête souligne que les femmes sont peu engagées dans les transferts fonciers et particulièrement lorsque l’on se réfère à la coutume : « Elles ne représentent que 18% des acheteurs de parcelles à usage résidentiel sur le marché non coutumier, 15% des bénéficiaires d’attributions publiques, 13% des acheteurs de terres coutumières et 8% de ceux qui ont reçu de la terre coutumière selon la tradition. (…) La part des femmes est encore plus faible pour les terres agricoles où elle n’est que de 5 à 6% selon le type de transfert » (Durand-Lasserve et al., 2015). Tout cela aura des conséquences importantes sur les droits des femmes à la terre, où les discriminations légales et pratiques envers les femmes se combinent aux difficultés et discriminations 19 déjà existantes dans le domaine foncier dans le monde rural. Au sein des agricultures familiales, ces dernières rencontrent alors les mêmes difficultés que les jeunes, auxquelles s’ajoutent les discriminations liées au genre. Ainsi, elles seront encore moins privilégiées dans la transmission des terres. Au Burkina Faso et au Ghana par exemple, si elles ont la possibilité d’y avoir accès, alors elles obtiendront les terres les plus dégradées (Konaté cité dans Devèze, 2011; Polack et al., 2014). Dès lors, elles sont, pour la plupart, exclues de l’accès à la propriété foncière malgré leur rôle essentiel dans la sécurité alimentaire et leur prépondérance dans l’agriculture (surtout en Afrique), et malgré le fait qu’elles devraient simplement être considérées comme les égales des hommes, les empêchant ainsi de s’autonomiser économiquement et d’améliorer leur condition et leur environnement. S’il est ici question de l’accès à la terre dans le monde rural, les problématiques sont sensiblement les mêmes pour les femmes en ville, notamment en lien avec l’héritage de biens immobiliers. Ainsi, si les femmes avaient le même accès et contrôle sur les ressources productives que les hommes, les rendements agricoles pourraient augmenter de 20 à 30% et la production agricole nationale des pays en

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essentiellement sur de la main-d’œuvre familiale, aussi bien les hommes que les femmes ». (FAO citée dans Bélières et al., 2014) « Les femmes rencontrent sensiblement les mêmes problèmes que d’autres catégories sociales que sont les jeunes hommes et les étrangers (allochtones ou non nationaux) ; mais contrairement à ces derniers, la marge de manœuvre des femmes est traditionnellement plus réduite. » (Koné, 2011) 12


développement pourrait s’accroitre de 2,5 à 4%, sans oublier les effets positifs en termes de nutrition (Goyal & Nash, 2016; Alby-Flores et al., 2016). Pour enrayer ce processus, la (re)production des inégalités de genre 20 en ce qui concerne l’accès à la terre, de nombreuses initiatives peuvent être identifiées, mettant en évidence à la fois la nécessité d’effectuer des changements légaux et l’inclusion des femmes dans les processus de décisions. Le droit peut alors rapidement devenir un outil d’inclusion puissant, en soutenant un cercle vertueux. Ainsi, la reconnaissance légale des droits fonciers des femmes est une étape importante pour lutter contre les discriminations à leur encontre, notamment pour contrer celles enracinées dans les lois coutumières. L’exemple de l’Ethiopie est très significatif en la matière : ce pays a changé les droits relatifs à la famille et reconnu les droits des femmes à l’héritage, l’enregistrement conjoint des droits fonciers dans le cadre marital et ont amélioré les droits fonciers secondaires, pour arriver à une égalité avec les hommes (Byamugisha, 2013; Hallward-Driemeier, 2013). Cela aurait notamment permis d’améliorer la sécurité foncière pour les hommes et les femmes, et l’activité économique et la productivité de ces dernières en particulier (Byamugisha, 2013). Cette égalisation des droits fonciers doit toutefois impérativement aller de pair avec l’inclusion des femmes aux processus de décision 21 pour déboucher réellement sur des politiques foncières équitables. En effet, « quel que soit le pays considéré, partout où un processus d’élaboration des politiques foncières se fonde sur la participation des femmes et des hommes de toutes classes, castes, ethnies, races et religions, il devient possible de prendre en compte et de confronter les différents points de vue en présence sur les questions foncières » (FAO, 2014). Comme le souligne l’Institut international pour l’environnement et le développement (IIED), « Il n’est pas suffisant de garantir l’accès au foncier : les femmes doivent aussi être représentées et exercer un contrôle sur la prise de décisions liées aux terres » (Polack et al., 2014). Par exemple, au Mali, des mécanismes de dialogue et de débats communautaires intensifs ont mené à un accord collectif favorisant la représentation des femmes. « Si cela impliquait certes un changement considérable, les chefs de famille et les hommes y étaient dans l’ensemble favorables car les débats ont été ouverts et inclusifs » (Polack et al., 2014). Cet impératif d’inclusion va de pair avec la participation des femmes aux instances de décision politique, qui soutien leur empowerment comme le souligne justement Kabeer (2005), dont les arguments sont évoqués plus loin dans ce travail.

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Comme évoqué précédemment, le système légal et juridique joue un rôle important dans la (re)production des inégalités de genre : en produisant de nouvelles lois ancrées dans des normes et fausses généralités sur le genre, ce système produit, cultive et renforce ces inégalités, et ce, dans un cycle perpétuel. En d’autres termes, les obstacles limitant l’accès des femmes à la terre sont ancrés dans des stéréotypes sexistes qui perpétuent les inégalités femmes-hommes. « Avant d’examiner le processus d’élaboration des politiques foncières lui-même, il est important de noter que ce processus diffère du contenu des politiques qui en résultent et qui peuvent accorder moins d’importance au respect de l’égalité hommes-femmes. » (FAO 2014) 13


III. Les formes d’emploi des femmes : entre emploi informel et discriminations Dans les pays en développement, l’emploi des femmes est très varié. Toutefois, des tendances notoires peuvent être soulignées où les inégalités de genre jouent un rôle important comme avec la division entre des activités menées de manière formelle et informelle, tendances qui soutient la (re)production des inégalités de genre. Avant de regarder les raisons de ces observations plus en détail, dresser une typologie des formes d’emploi des femmes est essentiel pour mieux comprendre ces enjeux. D’un côté, le travail informel des femmes, majoritairement précaire et invisible, représente une importante partie des activités rémunérées ou non de la population féminine active dans les pays en développement. Il est souvent caractérisé par une ségrégation professionnelle entre les genres. Il joue aussi un rôle essentiel dans la sécurité alimentaire et l’agriculture, particulièrement en Afrique subsaharienne grâce aux nombreux travaux qu’exercent les femmes dans ce secteur, mais aussi dans la reproduction des ménages. C’est sur ce type d’emploi que cet article va se concentrer, les publications de l’AFD portant principalement sur ce sujet. De l’autre côté, le travail de type formel est aussi une problématique intéressante, particulièrement lorsqu’il est question d’entreprenariat, de développement des compétences dans un secteur et des trajectoires de carrière. Avant tout, l’emploi des femmes dans les pays en développement n’est pas systématiquement informel ou atypique, et concerne notamment tout ce qui a trait à l’entreprenariat. En effet, l’entreprenariat s’avère être une porte d’entrée intéressante en ce qui concerne l’emploi des femmes, tant au niveau des revenus mais aussi en termes de changement économique et social plus profond. Il est important de souligner que la distinction entre entreprenariat par les femmes et entreprenariat pour les femmes est primordiale : elles peuvent être dirigeantes ou employées de ces entreprises, ce qui aura une différence notoire en termes d’impact. Le milieu socio-économique et la position géographique (rural/urbain) aura aussi des conséquences importantes. Cependant, les femmes continuent de gérer des entreprises généralement informelles, à faible valeur ajoutée et plus petites que celles des hommes (HallwardDriemeier, 2013). On peut souligner la diversité d’emplois formels auxquels les femmes ont accès, qui restent tout de même cantonnés à des emplois relativement précaires, moins porteurs et moins rémunérés, mais indispensables. Par exemple, elles peuvent être chargées par les municipalités de trier des déchets à Addis Abeba ou à Casablanca, permettant leur intégration au processus de récupération des déchets recyclables, enjeu majeur de développement (Jaglin et al., 2018). Elles sont aussi employées pour nettoyer les rues ou en tant que revendeuse d’eau ou fontainières (Baron et al., 2016). Les femmes peuvent aussi être dirigeantes de petites entreprises agroalimentaires, qui jouent un rôle essentiel dans la sécurité alimentaire, comme évoqué précédemment (Simon & Thirion, 2011). Toutefois, l’accès à cette forme d’emploi peut s’avérer

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difficile pour les femmes dans les pays en développement, particulièrement à cause des inégalités de genre, qui induisent de nombreux obstacles pour l’accès et l’achèvement de l’éducation22. 3.1 Les femmes et l’emploi informel La notion d’informalité peut avoir plusieurs définitions différentes, dont les implications varient en fonction de celle que l’on choisit. La complexité ici réside dans la définition d’emploi informel, d’emploi dans le secteur informel et d’emploi dans l’économie informelle, qui sont toutes distinctes mais qui se recroisent 23. Selon Jean-Pierre Cling et al. (2012), l’emploi informel est défini comme étant l’emploi sans protection sociale ou l’emploi dans le secteur informel, secteur qui regroupe l’ensemble des entreprises non agricoles et non enregistrées qui produisent des biens et services sur le marché. Pour Beaujieu et al. (2011), la notion de secteur informel est « communément utilisée pour décrire la large part de la population active travaillant en dehors de la sphère du travail stable, protégée et à plein temps ». Cela se rapproche de la notion d’emploi atypique. Aussi, selon l’OCDE, « l’économie informelle comprend toutes les activités qui ne sont pas ou qui sont faiblement enregistrées » (cité dans Benjamin et al., 2012). Certains postulent que la notion d’(in)formalité peut aussi être envisagée comme un continuum (Benjamin et al. 2012). Parmi la diversité de définitions, ce document se base sur la définition de Charmes (2014) et du WIEGO (n.d.) de l’emploi dans l’économie informelle, qui comprend toutes les personnes travaillant dans des entreprises informelles (petites ou non enregistrées) et toutes les personnes travaillant informellement dans les autres secteurs de l’économie 24. Cette définition est plus inclusive et utile pour l’analyse des inégalités de genre. De plus, le petit informel est particulièrement intéressant ici, car c’est celui où se trouvent le plus les femmes : beaucoup de micro-entrepreneuses et de femmes travaillant dans formes d’auto-emploi non formalisé se retrouvent dans cette catégorie. Dès lors, mieux comprendre l’emploi informel et ses enjeux apparait comme fondamental. Il est intéressant de souligner que l’emploi informel représente la plupart de la population active dans les pays en développement, mais il n’est pas visible malgré son rôle crucial. En Afrique subsaharienne, le secteur informel « représente entre 70 et 90% de la population 22

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Voir « La (re)production des inégalités de genre : quels enjeux dans l’éducation, la santé et la protection sociale ? » (Poggi et Waltmann, 2019). Il y a plusieurs définitions d'« informalité », ce qui montre la difficulté à saisir ce phénomène dans sa diversité. On peut se focaliser sur la distinction proposée par Charmes (2014), qui identifie trois niveaux d’informalité : (1) l’emploi dans le secteur informel = individu informellement ou formellement employé dans une entreprise informelle ; (2) Emploi informel = individu informellement employé dans une entreprise informelle ou dans une entreprise formelle ; (3) Emploi dans l'économie informelle = individu informellement employé dans une entreprise informelle ou formelle + individu formellement employé dans une entreprise informelle. L’informalité ne relève pas seulement du choix individuel (ne pas enregistrer son activité). Il peut s’agir d’une activité ayant basculé dans l’informalité. En effet, « il existe des types d’emploi informel à l’extérieur des entreprises informelles : par exemple, les personnes travaillant pour les entreprises formelles sans bénéficier de protection sociale à travers leur emploi, ou encore les travailleuses domestiques, les journaliers occasionnels et les travailleurs familiaux contribuant qui ne bénéficient pas de protection sociale à travers leur travail. » (WIEGO, n.d.) 15


active non agricole, 80% des créations d’emploi et entre 50 et 60% de la richesse nationale » (Beaujeu et al., 2011). Il peut donc être réellement plus dynamique que le secteur formel et moderne : il est essentiel pour la croissance et le développement de l’Afrique comme dans toute structure économique émergente ou en voie de développement. Deux exemples d’emploi informel peuvent être soulignés, mettant en évidence le rôle que les femmes jouent et le peu de reconnaissance dont elles bénéficient. Le premier est que, en Angola, la plupart des femmes du secteur informel travaillent dans le petit commerce, lieu d’activité des personnes vulnérables (Walther, 2006b). Le second est que, dans les industries textiles marocaines, « Elles sont fréquemment employées sans contrat de travail, sans rémunération des heures supplémentaires et sans protection sociale. Elles déclarent souffrir de harcèlement au travail, avec une répercussion sur leur santé » (Chabbert et al., 2015). Par ailleurs, la recherche montre aussi que les femmes ont tendance à moins bénéficier d’une couverture par le système de protection sociale liée au travail formel (Moisseron et al., 2017). Majoritairement précaire et basé sur une importante ségrégation de genre, l’emploi informel des femmes dans les pays en développement nous donne beaucoup d’informations sur le monde du travail et les normes qui le régissent. Par exemple, en Côte d’Ivoire, la division sexuelle du travail se retrouve dans la répartition entre emploi formel et informel : « tandis que les emplois salariés et de petits entrepreneurs du secteur moderne sont monopolisés par les hommes, les femmes (et les étrangers) sont confinées dans les emplois de l’informel (petit commerce, artisanat, multi activité) » (Vidal cité dans Berrou et al., 2018). Toujours en Côte d’Ivoire, il y a même un rejet des hommes de ce type de travail féminin perçu comme « indigène » (Darbon & Toulabor, 2011). Cela illustre parfaitement la situation que l’on retrouve dans beaucoup de pays en développement, mais pas que. Dès lors, « Partout, y compris en Europe, le chômage, la précarité, la pauvreté, le travail non qualifié et à temps partiel touchent en premier lieu les femmes » (Cortinovis & Rivière, 2015). Les inégalités de genre jouent donc un rôle dans la distribution des travaux dans le milieu agricole et agroalimentaire, soutenant leur perpétuation.

3.2 Le travail agricole et agroalimentaire Malgré leur contribution importante dans l’économie rurale, les femmes sont généralement défavorisées par rapport aux hommes dans le secteur agricole, en raison d’un accès plus limité aux ressources, aux actifs productifs, aux services financiers et d’une couverture de protection sociale plus faible. Souvent la production agricole est basée sur une division sexuelle du travail et est majoritairement invisible malgré son importance. Cependant, une majorité de femmes dans les zones rurales participe au travail agricole, dans des formes contractualisées ou non, devenant alors un pilier pour la sécurité alimentaire, particulièrement en Afrique 25. Cette forme d’emploi est cruciale, jouant un rôle fondamental tant 25

Les femmes africaines « travaillent comme agricultrices indépendantes, travailleuses non rémunérées dans les exploitations familiales et travailleuses rémunérées, ou non, dans d’autres exploitations ou entreprises agricoles » (Moisseron et al., 2017). 16


au niveau de la culture que de la commercialisation des produits alimentaires ou encore de l’élevage, mais aussi car leur proportion dans le secteur augmente au fil des années notamment dans les pays africains (Filmer & Fox, 2014). Avant tout, les femmes (et les enfants) représentent une grande partie de la main d’œuvre agricole, et ce principalement dans des fermes familiales (Devèze, 2011). En 2016, la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) avait estimé que 53% de la population du continent était employée dans le secteur agricole, dont près des 56% de femmes (FAO, n.d.). Cependant, elles ne partagent généralement pas les profits issus de leur travail, qui reviennent souvent à leur père ou leur mari, comme en Ouganda (Wedig, 2010). Elles effectuent les travaux les plus difficiles (collecte du coton, défrichage) et les moins bien rémunérés. Toutefois, le travail agricole informel peut aussi être un facteur d’autonomisation pour les femmes lorsqu’elles sont spécialistes d’un savoir-faire particulier, comme avec l’exploitation du sel solaire en Guinée maritime (Baldé & Doligez, 2018). De plus, les femmes jouent un rôle dans tous les secteurs de la transformation agroalimentaire essentiellement artisanale et informelle. Par exemple, le gari (farine de manioc) est l’aliment de la sécurité alimentaire des foyers familiaux, et sa transformation est assurée par les femmes (Alpha & Broutin, 2009). Dans le domaine rizicole, ces dernières sont particulièrement présentes dans le décorticage et l’étuvage du riz (mais aussi dans la plantation), notamment en Guinée et au Burkina Faso, apportant un avantage décisif pour la compétitivité du riz local (Devèze, 2011; Baldé & Doligez, 2018). En Afrique de l’Ouest, la filière pour la consommation régionale de poisson est dominée par les femmes, qui, à nouveau, s’occupent de toute la transformation du produit (Alpha & Broutin, 2009). Dès lors, on constate que la transformation alimentaire largement informelle et assurée par les femmes est plus qu’essentielle. Elles jouent aussi un rôle clé dans les marchés locaux (et le commerce en général) dans toute l’Afrique subsaharienne. Par exemple, l’augmentation de la demande en aliments en milieu urbain a été soutenue par le travail informel des femmes au bas de l’échelle et à leur capacité d’innovation, qui œuvrent pour la collecte, le stockage et la transformation de produits alimentaires (Devèze, 2011). Les femmes commerçantes dominent le commerce de produits vivriers, comme à la frontière entre Bangui et la frontière tchadienne (les wali gara) ou le long d’un chemin de fer au Cameroun entre des villages et les grands centre urbains (les bayam salam) (Chauvin, 2018; Blanc & Gouirand, 2007). Elles peuvent aussi travailler autour des centres commerciaux, avec l’essor de la grande distribution, en revendant les surplus et les invendus, comme à Abidjan (Lancon & Boyer, 2019). « Les problèmes de gestion du stock et déperdition des produits explique de plus pourquoi ce sont majoritairement les femmes qui jouent le rôle de détaillants. (…) Ainsi, les vendeuses expliquaient qu’au cas où des légumes ne seraient pas achetés, ils serviraient de repas du soir pour nourrir leur famille » (Brisson et al., 2019). Ainsi, le travail des femmes dans le secteur informel, artisanal et agricole est fondamental dans les pays en développement et l’avenir devra être caractérisé par plus de visibilité. Elles sont un pilier tant au niveau de la sécurité alimentaire du pays et de la production vivrière, 17


que dans le domaine des services ou de la subsistance des ménages en général. Plusieurs efforts, comme les programmes d’intervention de la FAO (n.d.) sur les politiques pour l’ « emploi rural décent » 26 des femmes, ou sur l'accès équitable des femmes et des hommes aux ressources et aux pouvoirs afin d'assurer la sécurité alimentaire face au changement climatique, sont des initiatives à avoir dans le radar. 3.3

Le travail domestique et de soins non rétribué

Le travail domestique et de soins non-rémunéré, aussi appelé travail « reproductif » 27, est à forte participation féminine. En premier lieu, il est important de rappeler que ce travail reproductif peut être rémunéré : on parle alors de travailleurs.ses domestiques. Selon l’OIT (Organisation Internationale du Travail), les travailleurs domestiques représentent une part importante de la main-d’œuvre mondiale et ils font partie principalement du secteur informel et des catégories de travailleurs les plus vulnérables (OIT, n.d.). Il peut s’agir des travailleurs de type journalier, occasionnel comme permanent, dans des conditions de travail globalement flexibles et précaires, car complexes dans leur nature et différemment incluses comme catégories de travail dans la législation des pays 28. Pour vingt-cinq femmes employées, une est une travailleuse domestique (OIT, n.d.). De plus, le travail reproductif est une production des services destinés au ménage et qui participe alors à l’économie familiale. Ce travail est composé de l’exécution de « toutes les activités quotidiennes essentielles à notre existence et à notre santé, telles que le travail ménager (préparation des repas, nettoyage, lessive) et soins personnels (en particulier ceux prodigués aux enfants, aux personnes âgées, aux personnes malades ou handicapées) » (ONU Femmes, n.d.), ce qui explique pourquoi il est aussi appelé « care work » (travail de soin). Comme le rappelle l’OIT (2018), « Prendre soin d’autrui, ce travail, qu’il soit rémunéré ou non, est essentiel pour l’avenir du travail décent ». Comme le travail agricole, de par son informalité mais aussi de par son manque de valorisation, il est majoritairement invisible et caractérisé par une forte division sexuelle des tâches. La marchandisation de ce type de travail serait donc bénéfique pour la reconnaissance de ce travail essentiellement féminin (Chabbert et al., 2015) 29. Le travail reproductif non-rémunéré peut représenter une inégalité infra-ménage fondamentale qui souligne l’investissement des femmes dans des tâches essentielles pour le bon fonctionnement des ménages et de la société en général, qui pourrait avoir des

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L’emploi des zones rurales doit respecter les normes fondamentales du travail, avec attention particulière aux droits et aux conditions de prestation (FAO, 2016). Ce travail concerne les « Activités nécessaires pour assurer la reproduction de la main d’œuvre d’une société. (…) Ces tâches sont principalement assurées par les femmes. » (ONU Femmes, n.d.) « Un travailleur domestique peut travailler à temps plein ou à temps partiel ; il peut être employé par un seul ménage ou par des employeurs multiples ; il peut être logé chez son employeur ou avoir sa propre résidence. Il peut travailler dans un pays dont il n’a pas la nationalité, donc étant un travailleur domestique migrant » (OIT, n.d.) Cela passe avant tout par la prise en compte du travail domestique et de soins non rémunéré dans les estimations du PIB et aussi dans les indicateurs du marché du travail. 18


répercussions sur toute leur vie, notamment en termes d’accès à l’emploi décent 30. Par exemple, en Turquie, en Tunisie et au Maroc, « les enquêtes montrent que les femmes assurent plus de cinq heures par jour de travail domestique et de « soins » non rémunérés, contre une quarantaine de minutes pour les hommes » (Chabbert et al., 2015). Ainsi, même lorsque femmes et hommes effectuent des tâches pour le ménage, les responsabilités des femmes et des hommes diffèrent. Au Pérou par exemple, les femmes passent en moyenne quinze heures par semaine à cuisiner, contre moins de cinq heures pour les hommes (OCDE, 2016). Cette tendance peut être persistante aussi à travers les générations : une enquête montre que les filles équatoriennes âgées de 12 à 18 ans consacrent en moyenne six heures par semaine contre trois heures pour les garçons à la cuisine, au nettoyage et à la lessive (OCDE, 2016). Il est peut être qualifié de travail informel étant donné que ce travail féminin est « un prolongement du travail domestique et en partage les caractéristiques, à savoir qu’il est non payé, non déclaré, non visible et peu valorisé » (Moisseron et al., 2017). Même si ce travail n’est ni visible ni reconnu dans la plupart des statistiques nationales, il est essentiel. Prenons un exemple probant : la gestion de la collecte de l’eau en Afrique. Comme aux Comores, les femmes sont généralement responsables de la corvée d’eau dans leur ménage avec la division des tâches domestiques, et se font aider par leurs enfants et de préférence les filles (Blanchy et Halidi, 2017). C’est une tâche lourde en termes de temps et de distance parcourue consacrés à l’approvisionnement, particulièrement pour les ménages précaires. Cela explique en partie le fait que la charge totale portée sur une année par les femmes et les filles africaines est de trois à cinq fois plus important que celle des hommes (Dessus, 2009). De plus, elles cumulent ce travail reproductif à leur travail productif 31 : elles effectuent alors une « double journée de travail ». Par exemple, à Niamey (Niger), « 100% des épouses chargées de la collecte de l’eau travaillent, de même que 86% des femmes chefs de ménage » (Baron et al., 2016). Dès lors, améliorer l’approvisionnement en eau est une priorité pour faciliter le quotidien féminin. Au-delà de la collecte d’eau, d’autres rôles et actions peuvent être soulignés en guise d’illustration. Par exemple, au Vietnam ce sont les femmes qui ont la responsabilité des courses alimentaires pour le ménage, ainsi que la préparation des repas (Berrou et al., 2018b). Cet exemple peut facilement s’appliquer à la majorité des pays en développement. Le tri des déchets urbains est lui aussi généralement assuré par les femmes au foyer (Salenson et al., 2018). Au Tchad, les communautés pastorales se reposent sur le rôle clé des femmes pour la mobilité et l’élevage du bétail : ce sont elles qui s’occupent de déconstruire et reconstruire les habitations à chaque fois que le ménage se déplace, par exemple (Krätli et al., 2014). Le rôle des femmes est alors plus qu’essentiel pour la mobilité du ménage, mais cela n’est, à nouveau, pas reconnu. L’idée de la « double journée » se retrouve aussi à Haïti : « alors que la proportion de jeunes hommes à la recherche d’un travail est à peine supérieure à celle des jeunes haïtiennes, ces dernières sont en revanche considérablement plus impliquées dans la garde des enfants et autres responsabilités 30

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Cette notion s'applique aux travailleurs de l’économie formelle et informelle, aux personnes travaillant à leur compte ou à domicile (OIT, n.d.). Ce travail vise à « produire des biens et des services destinés à la vente, à l’échange, ou pour répondre aux besoins de subsistance de la famille » (ONU Femmes, n.d.). 19


familiales » (Hazan et al., 2018). On comprend donc qu’en plus de leur recherche d’emploi, les jeunes femmes doivent assumer la réalisation du « care work ». De Vreyer et Roubaud (2013) ont constaté tout un chapitre sur cette problématique, appelé « Travail domestique et emploi : quel arbitrage pour les femmes ? », soulignant qu’en plus des normes sociales, les niveaux d’éducation et le type de ménage et sa structure démographique jouent un rôle dans les inégalités dans la division du travail selon le genre et dans la « prise en charge de la reproduction interne des unités familiales ». Toutefois, ces facteurs sont souvent, eux aussi, influencés par les normes sociales.

IV.

(Re)production des inégalités et emploi

Avant d’arriver à l’autonomisation économique des femmes et à leur empowerment dans les pays en développement, ainsi qu’à la réduction des inégalités femmes-hommes, de nombreux obstacles doivent être surmontés, généralement induits par les inégalités de genre. Ces obstacles sont à l’origine de spécificités, expliquant les différences entre les femmes et les hommes en termes d’emploi. Entre vie familiale, harcèlement, ségrégation professionnelle, division sexuelle du travail et les « doubles journées », l’accès des femmes au marché du travail et à l’emploi décent est alors grandement compliqué, soutenant ainsi très fortement la (re)production des inégalités de genre. En effet, tout cela peut s’expliquer notamment par les inégalités de genre associées aux multiples stéréotypes et représentations socioculturelles de rôles de genre, tous très étroitement liés et entremêlés, qui limitent les ressources et l’agentivité des jeunes filles et des femmes. Cette affirmation diffère toutefois en fonction des communautés, il sera donc évoqué ici des traits généraux mais aussi quelques exemples précis en guise d’illustration. Avant tout, il est important de rappeler que de nombreux obstacles dans l’accès des femmes au marché du travail sont induits par des différentiels dans l’éducation des enfants 32. En effet, dans la région du Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA), Maurin et Mélonio (2011) soulignent que « Les différences entre genres [au Maroc], dans l’accès au système scolaire et la réussite aux examens n’étant que limitées par comparaison aux différences de taux d’activité, c’est bien principalement sur le marché du travail et au sein du couple que s’opèrent de fortes distinctions ou discriminations ». MENA est la région du monde où la participation des femmes au marché du travail est la plus faible, et ce n’est pas dû à un manque d’éducation ou de qualification (Duhaut, 2017). Les problèmes d’accès au monde du travail vont généralement de pair avec les problèmes d’accès à l’éducation des jeunes filles, ainsi que le choix des filières auxquelles elles ont accès, malgré les importants progrès dans ce domaine et des cadres juridiques parfois favorables (Melonio & Mezouaghi, 2010; Cortinovis & Rivière, 2015; Moisseron et al., 2017). Cette problématique se retrouve dans une majorité de pays en développement, à laquelle s’ajoutent les discriminations légales évoquées précédemment, la distribution des rôles sociaux et les discriminations sur le marché du travail, qui jouent aussi un rôle important. 32

Voir « La (re)production des inégalités de genre : quels enjeux dans l’éducation, la santé et la protection sociale ? » (Poggi et Waltmann, 2019). 20


4.1 Les femmes, mères et épouses Généralement, en accord avec les rôles sociaux qui leurs sont attribués avec la division sexuelle du travail, les filles quittent l’école plus tôt que les garçons pour se consacrer pleinement à leur famille actuelle ou future, et cela va conditionner leur accès à un emploi décent. Elles sont alors plus susceptibles de travailler dans l’agriculture (et d’y rester) que les hommes, car elles ont un plus faible capital humain (Filmer & Fox, 2014). De plus, l’abandon précoce de l’école par les filles, ou simplement l’inaccessibilité de l’éducation, sont généralement motivés par des contraintes liées à la maternité ou le mariage, contraintes conditionnées par les stéréotypes de genre : elles vont leur retirer une importante part d’autonomie. Toujours en Afrique subsaharienne, « Alors que plus de la moitié des femmes sont mariées à 20 ans, la majorité des hommes ont plutôt tendance à rester célibataires avant 25 ans et à ne se marier que vers la fin de la vingtaine ou le début de la trentaine », lorsque les moyens de subsistance sont assurés (Filmer & Fox, 2014; Barlet & d’Aiglepierre, 2017). Comme elles sont discriminées légalement, le statut marital va alors limiter l’empowerment des femmes mariées en circonscrivant leur accès aux ressources et leurs possibilités d’action. Ainsi, « Retarder l’âge du mariage et de la première grossesse permet aux jeunes filles d’avoir la possibilité de continuer leurs études ou de commencer à travailler avant de se marier » (Canning et al., 2016). En effet, l’âge de la première grossesse est aussi un facteur déterminant l’accès des femmes au marché du travail et leurs options professionnelles : le temps et les coûts mobilisés pour l’arrivée d’un premier enfant empêchent souvent les femmes de s’investir dans une activité professionnelle. De plus, comme les femmes sont perçues par les employeurs comme des futures mères, elles sont fréquemment victimes de discriminations à l’embauche. La mise en place de gardes d’enfants apparait donc être un facteur essentiel dans l’accès à un emploi décent (Aran et al., 2016). Plus généralement, l’ajournement du mariage et de la grossesse est facilité par l’accès à l’éducation en premier lieu33. Devenues mères et mariées, les enjeux de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle deviennent omniprésents pour les femmes, rendent encore plus complexe l’exercice de leur autonomie. Elles effectuent alors des « doubles journées » en combinant travail productif et travail domestique, qui peuvent limiter leur accès au monde du travail ou leur évolution professionnelle. Cela ne favorise pas non plus la bonne santé des enfants : des projets qui augmentent le temps de travail des femmes, sans améliorer le service de garde d’enfants, risquent d’avoir un impact négatif sur leur nutrition (Alby-Flores et al., 2016). Dans les groupes forestiers en Inde et au Népal par exemple, l’exclusion des femmes est justifiée par l’exécution des tâches domestiques (Charnoz, 2010). Cette charge de travail domestique est d’ailleurs égal entre celui d’une femme active dans un marché urbain africain et d’une femme inactive (De Vreyer & Roubaud, 2013). Le manque de temps, d’informations, et de ressources des femmes favorise aussi la perpétuation de ces inégalités. En effet, les revenus disponibles grâce à l’obtention d’un emploi décent permettent aux femmes d’obtenir un pouvoir de décision plus 33

Voir « La (re)production des inégalités de genre : quels enjeux dans l’éducation, la santé et la protection sociale ? » (Poggi et Waltmann, 2019). 21


important dans le ménage (Arbache et al., 2010). La place d’une femme au sein de sa propre famille joue un rôle fondamental pour son empowerment : le contrôle des femmes sur les ressources grâce à leur pouvoir de décision est crucial pour obtenir une réelle émancipation. 4.2 Les discriminations sur le marché du travail En plus des discriminations légales et des rôles sociaux liés au genre, s’ajoutent les discriminations sur le marché du travail, qui sont à la fois la conséquence de ces premiers obstacles limitant l’accès des femmes à l’emploi décent, mais qui sont aussi un élément important dans le renforcement des inégalités de genre. Ces discriminations se retrouvent sous la forme de segmentation du marché du travail en fonction du genre, d’inégalités salariales, de harcèlement, ou encore de problèmes d’accès, et ont d’importantes implications en termes d’autonomisation, à la fois d’autonomisation économique mais aussi d’empowerment. La segmentation « genrée » du marché du travail est très marquée, tant horizontalement (par secteur) que verticalement (par hiérarchie) (Chabbert et al., 2015). Pour la division horizontale, les femmes s’orientent donc vers des emplois « typiquement féminins », dans les services, la vente ou les soins, aussi désignés comme « les 3 C » (cuisine, couture, coiffure) (Chuhan-Pole et al., 2017; Barlet et al., 2011; Filmer & Fox, 2014). En effet, « si les femmes se spécialisent dans les activités domestiques et les hommes dans les activités orientées vers le marché, c’est en raison des normes sociales et des rôles culturellement déterminés et non en raison des facteurs économiques » (De Vreyer & Roubaud, 2013). Pour la division verticale, elles sont fréquemment sujettes à de la discrimination à l’embauche ou dans l’évolution de carrière. Par ailleurs, le manque de formalisation et les difficultés d’accès à l’emploi décent auront un impact direct sur la protection sociale des femmes. De plus, les inégalités salariales au sein d’une même entreprise touchent davantage les femmes que les hommes pour des raisons discriminatoires, mais aussi à causes des différences de capital humain souvent héritées du manque d’éducation 34. Lorsqu’elles ne sont pas payées moins que les hommes, elles travaillent davantage pour le même salaire comme dans les industries textiles au Cambodge (Angkor Research, 2016). Dans ce secteur, mais aussi dans les exploitations minières africaines, les femmes sont plus susceptibles de quitter le marché du travail après avoir quitté l’entreprise que les hommes (Angkor Research, 2016; Chuhan-Pole et al., 2017). Même si cela ne limite pas toujours l’autonomisation économique des femmes, ces inégalités durables limitent toutefois grandement leur possibilité d’empowerment. D’autres facteurs limitant l’accès des femmes à l’emploi au marché du travail peuvent être soulignés, comme le harcèlement ou les difficultés liées au transport. Chez les jeunes haïtiennes, le chantage sexuel à l’embauche constitue leur principale difficulté dans l’accès à l’emploi (qui ferait aussi partie de l’expérience des jeunes hommes) : il serait donc « plus facile 34

Voir « La (re)production des inégalités de genre : quels enjeux dans l’éducation, la santé et la protection sociale ? » (Poggi et Waltmann, 2019). 22


pour les filles » d’obtenir un emploi (Hazan et al., 2018). En réalité, c’est davantage le harcèlement moral et sexuel au travail qui est présent (particulièrement chez les commerçantes transfrontalières) et a notamment un fort effet dissuasif (Moisseron et al., 2017; Filmer & Fox, 2014). Aussi, « Lorsque les femmes choisissent de travailler en dehors de leur domicile, la lenteur des moyens de transport leur fait souvent perdre beaucoup de temps, et elles en sont donc réduites à des opportunités d’emploi proches de chez elles » (Uteng cité dans Filmer & Fox, 2014), limitant une nouvelle fois leur autonomisation. Cet obstacle peut aussi être amplifié par leurs maris, surtout dans les sociétés rurales, qui ont tendance à s’approprier les moyens de transports intermédiaires pour éviter de les mettre à disposition des femmes au risque de perdre leur position dominante dans le foyer (Dessus, 2009).

V.

Favoriser l’autonomisation des filles et des femmes

Pour favoriser l’autonomisation économique des femmes, de nombreux impératifs doivent être respectés. Pour cela, l’inclusion financière et l’inclusion professionnelle sont essentielles, mais cela doit aller de pair avec des changements légaux et l’amélioration de l’accès aux services. Cette autonomisation favorisera in fine l’empowerment des femmes et la réduction des inégalités femmes-hommes dans les pays en développement. Comme évoqué précédemment, cela passe par l’accès à l’éducation, au travail décent et à la représentation des femmes dans les instances de décision politique (Kabeer, 2005). L’empowerment passe par l’autonomisation économique, les deux étant soutenus par les changements légaux évoqués plus haut (et inversement). 5.1 Favoriser l’autonomisation économique Avant toute chose, il est essentiel d’effectuer des changements légaux : les capacités légales des femmes sont très restreintes dans une importante partie des pays en développement, particulièrement en Afrique subsaharienne. Dans ces pays, elles sont discriminées dans l’accès et le contrôle des ressources économiques et productives, particulièrement dans leur accès au foncier. Améliorer ces capacités s’avère donc être fondamental pour augmenter leur accès aux ressources et le pouvoir de décision, et arriver à une égalité femmes-hommes théorique dans toutes les sphères de la société. Dans cette perspective, l’accès à une éducation de qualité et inclusive pour les filles et les garçons est aussi un impératif. Bien entendu, ce changement va de pair avec un changement des mentalités, lui-même soutenu par la prise de conscience de l’importance de la valorisation du statut des femmes et donc par une profonde remise en question des pratiques d’une société, à la fois des hommes mais aussi des femmes qui ont intériorisé et accepté les normes auxquels ils sont soumis. Il faut donc créer un cercle vertueux. En ce qui concerne l’accès au marché du travail et l’autonomisation économique en tant que telle, différentes initiatives existent et peuvent être mises en place comme l’inclusion financière et les formations de type professionnel et socio-comportemental.

23


Par ailleurs, il est intéressant de souligner que l’autonomisation économique des femmes est d’abord soutenue par des initiatives « simples », comme l’accès à l’électricité en Afrique subsaharienne. « Les éclairages de qualité permettent d’étudier à la maison et de suivre des cours du soir ; l’éclairage public améliore la sécurité des femmes ; des services énergétiques abordables et de qualité ouvrent la voie aux entreprises féminines » (Shanker, 2012). En effet, « par exemple, la cuisine peut être envisagée le soir, libérant du temps pour d’autres activités dans la journée » et favorisant alors l’accès des femmes au marché du travail (Bernard, 2010). Cela s’explique aussi par le fait que les femmes sont alors bénéficiaires du développement du petit commerce lié à l’électrification. Par exemple, « Au Ghana, des groupes de femmes se sont organisés pour fabriquer et vendre des repas sur les lieux de fréquentation de la télévision communautaire » (Shanker, 2012). 5.2 Inclusion financière Favoriser l’autonomisation économique des femmes passe par l’inclusion financière et donc par l’entrepreneuriat (en particulier dans le secteur non-agricole), l’accès au microcrédit ou à l’épargne. Toutefois, le manque de ressource est un obstacle conséquent, soutenu notamment par les contraintes légales. Toujours en Afrique subsaharienne, la difficulté à épargner est un obstacle majeur à l’autonomisation économique des femmes car elle limite grandement la création d’activité entrepreneuriale, sachant qu’elle provient généralement d’une épargne personnelle (Marguerie, 2017b; Filmer & Fox, 2014). De plus, le manque de compétences techniques, managériales et financières, ou encore les compétences dites « personnelles » (que l’on peut rapprocher de l’agentivité) s’ajoutent au poids des stéréotypes de genre pour les femmes (Marguerie, 2017b). Les avantages liés à l’auto-emploi ou à l’entreprenariat, particulièrement dans un contexte de grande informalité des emplois et de vulnérabilité, leur sont donc souvent inaccessibles dans bon nombre de pays en développement. Dès lors, de nombreuses initiatives sont mises en place pour tenter de répondre à ces problématiques. Le Plan National de Développement 2016-2020 pour la Côte d’Ivoire a notamment été formulé dans cette perspective et des programmes de soutien à l’entreprenariat ont été mis en œuvre, comme le Fonds d’Appui aux Femmes de Côte d’Ivoire (Marguerie, 2017b). Selon Lhériau, la microfinance apparait comme un outil particulièrement pertinent pour soutenir l’autonomisation économique des femmes. Elle irait même plus loin, dans le sens où elle « renforce les rapports de forces », et particulièrement en faveur des femmes (Lhériau, 2016). En effet, d’un point de vue théorique, lorsque les prêts sont donnés aux femmes, cela peut provoquer des changements dans le pouvoir de négociation au sein du ménage (Crépon et al., 2012). L’octroi de micro-crédit leur est possible car « la microfinance diffère de la banque « classique » en raison de son activité centrée sur des populations « non bancables » et « non finançables », non pas tant par la réalisation d’activités de nature différente mais par les montants octroyés à une clientèle spécifique » (Lhériau, 2009). Il souligne tout de même que ce potentiel outil d’autonomisation est freiné « par la non évolution du droit et de pratiques matrimoniales qui ne placent pas la femme active économiquement à égalité juridique avec les hommes » (Lhériau, 24


2016). Des effets relativement négatifs non négligeables sont liés à ce type de crédit, notamment car certaines institutions décident de ne prêter qu’aux femmes, renforçant potentiellement les stéréotypes de genre, comme la Grameen Bank au Bangladesh, le PADME au Bénin et certaines « mutuelles de femmes » en région maritime au Togo, ou encore car certains hommes ont capté celui consenti à leur femmes (les laissant responsables juridiquement) (Lhériau, 2009, 2016). 5.3 Formations professionnelles Les formations professionnelles peuvent aussi avoir des effets positifs sur l’autonomisation économique des femmes. Elles leur permettent d’augmenter leur capital humain 35, lorsque celui-ci n’a pas nécessairement été consolidé par une éducation de qualité ou par l’opportunité de compléter le cycle scolaire. Elles soutiennent aussi la transformation des normes associées à l’emploi des femmes, en apportant aux femmes davantage d’autonomisation sur le long terme. Plusieurs types de formations professionnelles peuvent être distingués : certaines cherchent à développer leurs capacités dans des domaines particuliers, comme la gestion d’entreprises, d’autres créent de nouvelles opportunités d’emploi, dans l’objectif de réduire les inégalités femmes-hommes. Des initiatives sont mises en place dans l’idée de donner de nouvelles clés aux femmes et soutenir leur autonomie. En Ethiopie, où les femmes jouent un rôle stratégique dans le secteur informel, l’Association des femmes entrepreneurs de Dire Dawa propose des formations à l’entreprenariat pour les femmes, ayant pour objectif de les former dans les domaines d’activité techniques, mais également dans ceux liés au développement et la gestion de l’entreprise (Walther, 2006c). Dans cette même logique, au Pérou, un projet offrait une formation entrepreneuriale « à des groupes de femmes participant déjà à des systèmes bancaires villageois [et ont montré] un effet significatif sur le niveau de connaissances et une amélioration des pratiques relatives à la comptabilité » (Marguerie, 2017b). Cela favorise in fine l’autonomisation des femmes. Il y a aussi l’association des femmes de Dire Dawa, qui aide les femmes séropositives et celles se livrant à la prostitution à créer des activités génératrices de revenus en proposant des formations (Walther, 2006c). Des projets similaires à ces derniers ont aussi été mis en place en Angola (Walther, 2006b). Comme il l’a été souligné lors d’une conférence à l’UNESCO, les activités agricoles étant largement pratiquées par les femmes, il faudrait alors privilégier la formation de formatrices et non de formateurs (Agence Française de Développement, 2008). Cela améliorerait notamment la question de la représentation des femmes dans la société, et cela pourrait inciter des jeunes femmes à s’insérer dans le marché du travail. Créer de nouvelles opportunités pour les femmes à travers les formations permet de réduire les vulnérabilités liées au statut féminin. Parmi plusieurs formes d’intervention possibles, l’emploi garanti (ou Programme d’Emploi Public, PEP) est un 35

Le capital humain peut être définit comme « l’offre, ou les capacités, l’éducation, les compétences, les liens familiaux, les réseaux et d’autres caractéristiques ancrées dans un individu et qui lui permettent de trouver des opportunités d’être productif, d’augmenter et de sécuriser ses revenus » (Filmer and Fox, 2014). 25


instrument qui, de plus en plus, est vue comme efficace. Un étude par exemple, montre que les programmes à haute intensité de main d’œuvre (HIMO), visant à créer des opportunités d’emplois salariés temporaires et à lutter contre les vulnérabilités en améliorant les infrastructures , donnent des effets très positifs pour les l’autonomisation économique des femmes en Afrique (Marguerie, 2017a). La littérature est encore en développement sur ce sujet, mais des études montrent que si la conception et l’implémentation de ces programmes sont bien réalisés, les résultats seront plus efficaces (Beierl et Grimm, 2018). Pour ne citer qu’un exemple, l’étude du YESP en Sierra Leone « montre que 4 mois après la fin du programme, la participation des femmes au marché du travail (emploi salarié) augmente dans les ménages bénéficiaires, qu’il s’agisse des femmes choisies pour participer au programme ou bien d’autres femmes de son ménage » (Marguerie, 2017a). D’autres projets sont pensés dans la perspective de diminuer spécifiquement les inégalités liées à la ségrégation horizontale sur le marché du travail. Au Sénégal, le projet PAFPNA (projet d’appui à la formation professionnelle des néo-alphabétisés) lancé en 2004 avait pour objectif l’ouverture aux filles et aux femmes de métiers traditionnellement réservés aux hommes (Walther, 2006a). De plus, Walther (2008) préconise de « faire de l’apprentissage restructuré une filière d’excellence et favoriser son évolution vers des métiers porteurs accessibles autant aux femmes qu’aux hommes » en Afrique de l’Ouest. En effet, la création de ces filières doit prendre en compte « la faible présence des filles dans les dispositifs d’apprentissage et respecte au maximum le droit de celles-ci à accéder, à égalité avec les garçons, aux formations aux métiers stratégiques et porteurs », et le projet PAFNA au Sénégal s’intègre dans cette logique (Walther, 2008). En ce qui concerne l’accès à des formations dans un contexte où l’autonomie des femmes est déjà circonscrite, leur problème particulier est que leur départ en formation peut être perçu par le conjoint comme un investissement : lorsque l’équilibre du ménage est perturbé, le mari se « sacrifie » et c’est lui qui investit alors dans le projet (Wampfler & Bergès, 2017). Cet exemple a été relevé au Cameroun, mais il se retrouve très certainement dans bon nombre de pays en développement, particulièrement en Afrique subsaharienne. La gestion de la « double journée » incite aussi les femmes à abandonner leurs formations. Par ailleurs, les restrictions à la participation des femmes aux formations viennent parfois dans la conception même des programmes. En effet, l’imposition de quotas pour assurer une représentation minimum peut finalement freiner leur participation lorsque la demande dépasse la proportion choisie initialement (Marguerie, 2017a). 5.4

Favoriser l’empowerment

Comme évoqué précédemment, l’égalité de genre et l’empowerment des femmes passent par l’accès à l’éducation, au travail décent et à la représentation des femmes dans les instances de décision politique (Kabeer, 2005). Il y a alors une amélioration du pouvoir des femmes, et une transformation des rapports de pouvoir en général : en effet, il faut qu’elles aient accès aux outils, mais aussi qu’elles aient le pouvoir de l’utiliser. Cela s’inscrit indéniablement dans 26


un changement des valeurs et des attitudes, permettant aux individus de remettre en question les normes intériorisées et de les déconstruire durablement. Il est important de penser la réduction des inégalités de genre et donc des inégalités femmes-hommes de manière holistique : favoriser l’empowerment des filles et des femmes doit se faire dans toutes les sphères de la société pour parvenir à un réel changement. En ce qui concerne l’accès à l’emploi décent, soutenir la réduction des obstacles évoqués plus tôt serait une première étape importante, qui passe entre autres par la reconnaissance du travail féminin et l’accès à des emplois rémunérés, qui permettent d’améliorer grandement leur agentivité (Kabeer 2005). Toutefois, il est important de souligner que Kabeer (2005) nuance ses recommandations, en soulignant les limites de l’empowerment des filles et des femmes dans différents secteurs. Améliorer l’accès à l’éducation est fondamental et une condition sine qua non de l’autonomisation et de l’empowerment des femmes : c’est l’éducation qui va grandement améliorer leur agentivité, le contrôle de leur propre destin 36. Il permet aux femmes de changer leurs capacités cognitives et, ainsi, augmenter leur capacité à se questionner sur ellesmêmes et sur leur environnement grâce à un accès à de nouvelles informations et connaissances (Kabeer, 2005). Il a aussi été souligné que plus les femmes ont un haut niveau d’éducation, moins les inégalités salariales sont prononcées en Afrique subsaharienne (Arbache et al., 2010). Outre les effets bénéfiques de l’éducation sur les thématiques liées à l’emploi, beaucoup se retrouvent aussi dans les problématiques liées à la santé sexuelle et reproductive. Heureusement, l’éducation pour tous est un objectif qui a mobilisé une importante partie de la communauté internationale, devenant alors le domaine où les progrès en matière d’égalité femmes-hommes ont été les plus significatifs (Cortinovis & Rivière, 2015). Toutefois, cela reste encore insuffisant pour obtenir l’égalité et un réel empowerment des filles et des femmes, notamment car les aspects qualitatifs de ces enjeux sont trop souvent négligés (Cortinovis & Rivière, 2015). Il est alors essentiel de favoriser le maintien des filles à l’école, notamment grâce à la réduction des stéréotypes de genre et des violences qui y sont associées, réduction qui peut être soutenue par la sensibilisation des filles et des garçons (et des professeurs) à une éducation de l’égalité. Favoriser la représentation et la participation des femmes dans les instances politiques étatiques et locales permet de déplacer l’empowerment de la scène familiale et individuelle à la sphère politique (Kabeer, 2005). C’est dans ce secteur que les changements sont les plus ambitieux mais aussi que le potentiel transformatif est le plus élevé (Kabeer, 2005). En effet, c’est l’aboutissement des améliorations en termes d’éducation et d’emploi, et donc d’un changement profond des mentalités, qui permet aux femmes d’avoir accès à cette sphère-ci, surtout à l’échelle nationale. Leur présence doit toutefois y être le résultat d’un véritable accroissement des choix offerts aux femmes (à toutes les femmes, même les plus pauvres), et non à un geste de « bienveillance paternaliste » (Kabeer, 2005). Dans cette perspective, il est indispensable de considérer les femmes comme des acteurs économiques et politiques à part entières pour écouter leur voix, voix qui s’inscrit dans une expérience particulière (être une femme dans une société donnée), mais aussi simplement comme des êtres humains qui devraient 36

Voir « La (re)production des inégalités de genre : quels enjeux dans l’éducation, la santé et la protection sociale ? » (Poggi et Waltmann, 2019). 27


pouvoir prétendre à la même représentation et participation que les hommes. Aussi, est-il important de soutenir la présence de modèles féminins, inspirants pour les filles comme pour les femmes. Par exemple, il y a très peu d’enseignantes dans les collèges de proximité en Côte d’Ivoire, « ce qui constitue une faiblesse pour les modèles de réussite du genre féminin » (Kouadio et al., 2018). Outre le fait qu’elles représentent la moitié de la population mais qu’elles sont toujours considérées comme une « minorité » (et qu’elles sont donc légitimes dans leur revendication à l’égalité), leur statut de femmes et de mères, et leur rôle dans le petit commerce et l’artisanat, font d’elles des citoyennes aux intérêts et revendications singuliers qui doivent être pris en compte. Par exemple, un groupe de femmes marocaines s’est mobilisé pour défendre des améliorations urbaines, dont elles sont directement bénéficiaires, et sont « descendues avec leurs enfants dans des tranchées déjà creusées en exigeant d’être enterrées vivantes plutôt que de renoncer au réseau d’évacuation des eaux usées », ce qui a poussé les autorités à rebrousser chemin (Barthel & Jaglin, 2013). En effet, les femmes sont généralement écartées des comités de gestion d’eau, comme en Amérique latine, sans que l’on entende leurs revendications alors qu’elles sont les premières concernées par ces politiques (Botton & Urquieta, n.d.). Dans le même ordre d’idées, dans certains villages Gujarat en Inde, la création de conseils communautaires pour la gestion des forêts a exclu les femmes des processus de décision, alors que ces dernières en étaient traditionnellement les usagers principaux : à nouveau, elles sont les premières touchées par les politiques mais n’ont pas voix au chapitre (Agarwal cité dans AFD-EUDN, 2008). Il est tout de même intéressant de souligner que toutes les sociétés ne rejettent pas les femmes dans les organes de pouvoir, tel que dans la société polynésienne traditionnelle (Audras et al., 2016). Pour apporter de l’empowerment aux femmes, il est impératif de remédier à ce type de problématique. Cela peut se faire avec la discrimination positive, en soutenant des initiatives ou groupements exclusivement ou très majoritairement gérés par des femme comme dans le cas du projet Dionewar concernant la pêche artisanale au Sénégal (Clément & Dupayrat, 2011), ou grâce à la mise en place de quotas. Toutefois, leur présence ne doit pas se circonscrire à des instances spécifiques, mais à tous les organes de décision de la société. En Amérique latine, il y a eu une importante émergence des femmes dans le champ du politique comme dans la haute administration locale, et sont généralement plus impliquées que les hommes dans les politiques publiques et sont moins touchées par la corruption (Institut des Amériques, 2011).

VI.

Conclusion

Avant d’arriver à l’autonomisation économique des femmes et à leur empowerment dans les pays en développement, et à la réduction des inégalités femmes-hommes, de nombreux obstacles doivent être surmontés. Entre travail informel, division sexuelle du travail, « doubles journées » et nonreconnaissance du travail féminin, l’accès des femmes au marché du travail et à l’emploi décent 28


est alors très compliqué, soutenant ainsi très fortement la (re)production des inégalités de genre. Favoriser une distribution des rôles sociaux plus égalitaire et la déconstruction des stéréotypes de genre sont des pas en avant cruciaux pour enrayer ce processus, qui vont de pair avec une éducation de qualité et non-discriminante pour les filles et les garçons, un accès à l’emploi décent et rémunéré, une participation politique des femmes et des changements juridiques et légaux. Cela permettra notamment aux filles et aux femmes de ne pas être restreintes au rôle de mères et d’épouses, en leur ouvrant des possibilités d’évolution multiples. Par exemple, la reconnaissance de leur rôle dans la reproduction des ménages, mais aussi dans la sécurité alimentaire pourrait favoriser la réduction des inégalités en donnant de la légitimité au travail des femmes. Ainsi, il est important de soutenir la transformation des relations de pouvoir entre les hommes et les femmes pour arriver à l’égalité entre les sexes, qui passe notamment par la mise en évidence des mécanismes à la base des inégalités de genre et leur remise en question, mais aussi par l’inclusion des hommes aux logiques de sensibilisation. Cette revue de littérature permet de mettre en évidence quelques problèmes et points manquants, concernant de la production de connaissances. Au niveau géographique, la concentration de l’essentiel des publications de l’AFD sur l’Afrique subsaharienne, écarte de facto une part importante des analyses sur le sujet touchant d’autres régions géographiques. En termes d’approche, la majorité du matériel analysé se focalise sur une perspective « femmes et développement » ou réalise une approche partielle « genre et développement ». Cela occulte notamment le rôle essentiel des hommes dans la réduction des inégalités femmes-hommes et cela circonscrit aussi les thèmes abordés à ce qui a trait à l’autonomisation économique des femmes et moins à leur émancipation réelle. Pallier cela permettrait d’enrichir considérablement la production de connaissances sur le sujet, notamment si cela est combiné à une approche intersectionnelle. De plus, intégrer des analyses davantage politiques, dans l’idée d’atteindre une égalité de fait, et moins centrées uniquement sur « l’accès aux services » et sur les « bénéfices » apportés par la réduction des inégalités, apparait nécessaire. Ces arguments sont des pistes de recherches à approfondir, en lien avec les études existantes déjà sur ce sujet. D’autres pistes de recherche sur le monde du travail dans les pays en développement et sur les inégalités de genre peuvent aussi être identifiées. Elles concernent les questions de travail décent et de droits du travail. Ces recherches pourraient, par exemple, aborder la désinformation et la non-application des normes de santé et sécurité au travail, ou les risques « situationnels » comme le harcèlement sexuel au travail. De futures publications de l’AFD pourraient alors permettre de mieux comprendre certains obstacles qui se posent à l’inclusion des femmes dans ce secteur. Ensuite, approfondir les recherches sur le travail domestique et de soins non rémunéré ainsi que sur le travail des femmes dans l’agriculture est essentiel. Cependant, ces recherches ne doivent pas s’arrêter au constat, mais doivent aussi s’intéresser aux causes profondes des inégalités femmeshommes dans ces domaines. De plus, la prise en compte des programmes de protection sociale, nécessaires pour mieux garantir la participation et l’émancipation des femmes dans les sphères socio-politiques, reste encore marginale dans les recherches sur les inégalités femmes-hommes à l’AFD. Il en va de même pour l’accès au crédit ou à l’épargne informelle, comme les tontines, qui sont encore peu évoqués. De futures études pourraient se pencher sur les outils et leviers pouvant 29


être utilisés tout au long de la vie des femmes, de la période pré-natale à la vieillesse, pour soutenir leur empowerment. Il existe aussi peu de recherches à l’AFD sur les femmes comme actrices de la société civile et actrices du changement, ou simplement sur la participation politique des femmes au sens large. Au niveau des analyses futures, il semble donc pertinent de recommander un examen des inégalités en termes de pouvoir décisionnel. Enfin, pour l’analyse de ces types des sujets complexes et contextuels, nous recommandons de favoriser des approches de recherche à la fois holistiques dans leurs objectifs et multiples dans les méthodologies appliquées, qui pourraient mieux appréhender et comprendre le contexte d’intervention.

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