Indonésie : des réformes pour répondre aux enjeux de développement

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Août 2017 / N

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Macroéconomie & Développement

Introduction L’économie indonésienne connaît des changements structurels et doit faire face à de nouveaux défis dans un contexte international incertain. Depuis une décennie, on observe la reprimarisation de l’industrie (ressources minières et énergétiques, huile de palme…), à la faveur du niveau soutenu des prix des matières premières (avant l’orientation baissière intervenue en 2011, laquelle s’est accélérée à partir de juin 2014). Les coûts logistiques et de connectivité sont élevés, en raison des carences en infrastructures, même si celles-ci doivent être nuancées eu égard au caractère morcelé et étendu du pays (17 000 îles réparties sur une superficie de 2 millions de km 2). Le déficit d’offre productive du secteur industriel, alors que la demande émanant des ménages et des entreprises indonésiennes est de plus en plus dynamique, explique en partie la hausse des importations de biens et de services (76 % des importations de matières premières et de biens intermédiaires sont le fait des entreprises pour leur production). Par conséquent, le pays connaît depuis 2011 des déséquilibres de sa position externe, avec l’émergence d’un déficit courant de sa balance des paiements et une hausse significative de sa position extérieure nette. Pour autant, l’Indonésie présente des fondamentaux macroéconomiques et financiers solides. Les deux premières années d’exercice du mandat présidentiel de Joko Widodo (ancien maire de la capitale Jakarta), élu en 2014, semblent augurer une amorce d’amélioration sur l’environnement des affaires en général. Un plan ambitieux de réformes visant notamment à renforcer le taux d’investissement a été introduit et pourra améliorer à

Indonésie : des réformes pour répondre aux enjeux de développement Slim Dali Direction Innovation, Recherche et Savoirs, AFD Département Diagnostics économiques et Politiques publiques dalis @ afd.fr

terme le potentiel de croissance du pays. Aussi, après avoir ralenti, la croissance économique semble favorablement orientée depuis 2016, en raison notamment de la résorption du déficit du compte courant et d’une hausse des dépenses publiques. Ces dernières restent néanmoins contraintes par la faiblesse structurelle des recettes budgétaires, en raison de l’étroitesse de la base fiscale. Les perspectives de croissance à moyen terme apparaissent favorables pour le pays en dépit d’un environnement international plus incertain. À plus long terme, l’enjeu majeur pour l’Indonésie sera d’investir en faveur de son capital humain, afin de pouvoir profiter pleinement de son dividende démographique à l’horizon 2030.


Sommaire 1 / DES DISPARITÉS TERRITORIALES IMPORTANTES, UN ENJEU MAJEUR POUR LA JEUNE DÉMOCRATIE 3 1.1. Consolidation de la démocratie indonésienne depuis la chute de la dictature 1.2. Une croissance économique dynamique, mais assez peu inclusive 2 / UNE CROISSANCE ÉCONOMIQUE RÉSILIENTE ET DES VULNÉRABILITÉS STRUCTURELLES QUI S’AMOINDRISSENT 2.1. Une croissance forte, des réformes récemment introduites

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2.2. Un modèle de croissance qui reste primarisé

8 12

2.3. La demande interne comme source principale de la croissance de l’activité

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3 / UNE DETTE PUBLIQUE SOUTENABLE, MAIS UNE BASE FISCALE QUI RESTE ÉTROITE

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3.1. Les taux d’endettement public restent faibles

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3.2. Exécution budgétaire satisfaisante, mais une base fiscale qui reste faible

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4 / UN SYSTÈME FINANCIER BIEN SUPERVISÉ, MAIS PEU PROFOND

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4.1. Un secteur bancaire concentré qui finance peu l’activité économique

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4.2. Rentabilité élevée du secteur bancaire, en lien avec la forte sélectivité des banques

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4.3. Régulation satisfaisante du système financier, mais une exposition à la hausse des taux d’intérêt de la Fed demeure

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5 / RÉSORPTION DES DÉSÉQUILIBRES EXTÉRIEURS

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5.1. Un besoin de financement externe qui s’amoindrit 33 5.2. La liquidité et la solvabilité du secteur externe restent satisfaisantes

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LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS

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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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1 / Des disparités territoriales importantes, un enjeu majeur pour la jeune démocratie La République d’Indonésie est une jeune démocratie de 247 millions d’habitants, dans laquelle le président est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans. Les membres des deux chambres parlementaires – l’une représentant les régions, l’autre formant l’Assemblée nationale –, sont renouvelés tous les cinq ans. Enfin, depuis la réforme de la décentralisation intervenue en 2001, les citoyens indonésiens élisent leurs représentants locaux au niveau des 33 provinces qui composent l’archipel, et ce pour un mandat également de cinq ans. Ces caractéristiques font de l’Indonésie – pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure (PRITI) – une démocratie, avec un risque sociopolitique modéré.

1.1. Consolidation de la démocratie

indonésienne depuis la chute de la dictature

Consolidation de la démocratie, mais une corruption qui reste endémique C’est en déclarant son indépendance le 17 août 1945 [ 1 ] , que l’Indonésie (jusqu’alors appelée Indes néerlandaises) s’affranchit de la puissance coloniale néerlandaise après une occupation de près de quatre siècles. La nouvelle République d’Indonésie s’étend sur un vaste territoire de plus de 17 000 îles, dont les limites actuelles sont héritées des anciens occupants néerlandais [ 2] , et qui accueille une grande hétérogénéité de peuples (cf. souspartie suivante). L’identité nationale s’est forgée dans la lutte pour l’indépendance, puis autour de la Pancasila, les cinq principes fondateurs de l’ État indonésien, à savoir : (i) la croyance en un Dieu unique, (ii) une humanité juste et civilisée, (iii) l’unité du pays, (iv) le principe du consentement démocratique, et (v) la justice sociale pour tous.

Les présidents Sukarno (1945-1965) et Suharto (1966-1998) ont aussi largement imposé l’unité nationale par leur autoritarisme. Après la chute du président Suharto en 1998, un processus de démocratisation a été mis en place, la Reformasi, et a permis l’organisation des premières élections libres en 1999. Celles-ci ont suscité un vif enthousiasme auprès des citoyens indonésiens, mobilisant 90 % d’entre eux. À la faveur d’une réforme constitutionnelle, le président de la République est élu au suffrage universel direct depuis 2004, après la tenue des élections législatives. Depuis lors, l’Indonésie est souvent présentée comme la troisième plus grande démocratie du monde (après l’Inde et les États-Unis), avec notamment un taux de participation aux élections de l’ordre de 70 %. Depuis la fin du régime de l’ancien président Suharto, au cours duquel seuls trois partis politiques étaient autorisés, l’offre politique indonésienne est devenue plus riche, voire éclatée (pour plus de détails, cf. MacroDev n°14 sur l’Indonésie, avril 2014). L’importance du pluralisme politique et l’absence de ligne politique claire et distinctive favorisent les alliances stratégiques pour former le gouvernement et l’opposition à ce dernier. L’autre particularisme de la démocratie indonésienne est la recherche de consensus comme mode de gouvernement. Se référant au quatrième pilier du Pancasila, la doctrine officielle, le Parlement indonésien (où sont représentés 27 partis politiques) ne vote pas les lois à la majorité mais par consensus. En effet, chaque parti politique dispose d’un droit de veto qu’il est libre d’utiliser, ce qui explique la lenteur des travaux législatifs et illustre les difficultés rencontrées pour la mise en place des réformes. Le processus électoral peut être qualifié de crédible en raison de la tenue d’élections libres, sans intimidations, ni violences, en dépit de certaines irrégularités (cf. MacroDev n°14, op. cit.). L’Indonésie consolide donc sa transition démocratique même si le pouvoir économique et politique est principalement aux mains d’une oligarchie puissante, tandis que les notions de majorité et d’opposition restent élastiques.

[1 ] Les Néerlandais ont colonisé l’Indonésie au début du XVII e siècle avec la Compagnie hollandaise des Indes orientales (monopole créé par l’État hollandais afin de contrôler le commerce des épices). C’est au terme de plus de quatre années de conflit armé et de lutte diplomatique après la déclaration en 1945 de son indépendance (période appelée Revolusi par les Indonésiens), que l’Indonésie parvient enfin à imposer celle-ci à son ancien colonisateur, les Pays-Bas reconnaissant l’indépendance du pays le 27 décembre 1949. [2] Raillon F. (2006), « Comment peut-on être Indonésien ? », Hérodote, n°120, La Découverte, Paris. L’Indonésie s’étend sur une superficie de près de 2 millions de km2, soit représentant environ trois fois celle de la France (incluant les départements, territoires et collectivités d’outre-mer).

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Avec la réforme de la décentralisation mise en place en 2001 pour apaiser les divers régionalismes existant à travers le pays, des entités administratives ont été redécoupées, et un certain nombre de prérogatives de l’État central ont été transférées au niveau local (éducation, santé, gestion des ressources naturelles …). Depuis 2005, les responsables des 510 municipalités et des 33 provinces qui composent l’Indonésie, sont élus au suffrage universel direct. La décentralisation rapproche la démocratie de la base de la société, confère une meilleure gestion du vaste territoire indonésien, mais produit cependant une ambivalence : la diffusion de la corruption par les transferts de pouvoirs [ 3] . La corruption du secteur public indonésien est en effet systémique et s’inscrit dans une culture du don et du contre-don (notamment lors d’élections). La prégnance de la corruption à tous les échelons administratifs entrave ainsi fortement le fonctionnement de l’administration publique et pèse sur la confiance des citoyens. Toutefois, des améliorations sont relevées grâce principalement au travail de la Commission d’éradication de la corruption (en indonésien : Komisi Pemberantasan Korupsi – KPK), une administration indépendante créée en 2003 pour lutter contre ce fléau : l’organisation non gouvernementale internationale (ONGI) Transparency International classe l’Indonésie à la 90 e place sur 176 pays en 2016 pour ce critère relatif à la corruption des États, alors que l’Indonésie faisait partie des trois pays les plus corrompus du monde en 2001 [ 4 ] .

Une République séculière pour une population hétérogène La population indonésienne se caractérise par sa diversité, avec l’existence de près de 300 ethnies différentes, 583 langues et dialectes régionaux et cinq religions officielles. De cet important multiculturalisme dans un territoire morcelé, il se dégage néanmoins des groupes dominants. D’une part, l’islam d’obédience sunnite occupe une place prépondérante dans le pays, où près de 90 % des Indonésiens sont musulmans [ 5 ] . D’autre part, le peuple javanais (île de Java [ 6 ] ) est le groupe ethnique le plus important et représente 40 % de la population indonésienne. Le groupe javanais forme ainsi le noyau politique et culturel de la République. En dépit de cette domination appa-

rente, la nation indonésienne s’est édifiée sur une base non exclusive – en intégrant les non-Javanais dans le système indonésien – et séculière (cf. MacroDev n°14, op. cit.). La langue officielle adoptée par les pères fondateurs de la nation indonésienne (Sukarno et Mohammad Hatta) n’est pas le javanais mais le bahasa indonésien – langue moins inégalitaire et pratiquée par les marchands dans des zones littorales limitées –, ceci afin d’apaiser les craintes d’une domination javanaise sur les autres minorités. Ainsi, la préservation d’un consensus interethnique et religieux est fondamentale pour la République d’Indonésie, dont la devise est l’« Unité dans la diversité » (en indonésien : Bhinneka Tunggal Ika), en lien avec la doctrine du Pancasila. Toutefois, les Javanais conservent une position privilégiée dans l’administration et l’armée [ 7 ] , et souhaitent conserver, avec plus ou moins de subtilité, une domination sur l’archipel. En outre, pour certains nationalistes, l’État-nation indonésien doit s’appuyer sur le javanisme et sa propension à javaniser le pays [ 8 ] . Bien que mineurs dans l’ensemble de l’archipel, les conflits ethnico-religieux et les velléités indépendantistes sont parfois récurrents (cf. MacroDev n°14, op. cit.).

Un nouveau gouvernement plutôt réformateur L’environnement sociopolitique indonésien est changeant depuis 2013. Ce « changement dans la continuité de la Reformasi » est caractérisé par l’élection en 2014 de Joko Widodo (surnommé « Jokowi ») à la présidence de la République dans le cadre d’un scrutin considéré comme crédible. Dénué de posture idéologique franche, l’exercice de son mandat est caractérisé par son pragmatisme et sa volonté de réformes (suppression des subventions à l’énergie, soutien à l’investissement public…). Le remaniement d’août 2016 a vu l’entrée au gouvernement de Sri Mulyani au poste de ministre des Finances (qu’elle a occupé entre 2005 et 2010, avant de devenir entre-temps Managing Director à la Banque mondiale). Le ralliement récent du Golkar [ 9 ] au parti d’appartenance du président Joko Widodo, le PDI-P [ 10 ] , facilite l’action gouvernementale au Parlement. En 2015 et 2016,

[3 ] Raillon F. (2006), op. cit. [4] La transparence du budget national a aussi été améliorée avec la publication sur internet des rapports mensuels d’exécution budgétaire et de notes financières détaillées. [5 ] Pourcentages de pratiquants en Indonésie par grande religion (par odre décroissant) : islam (88 %), protestantisme (6 %), catholicisme (3 %), hindouisme (2 %), bouddhisme (1 %). [6 ] Renfermant la capitale Jakarta et la deuxième ville du pays Surabaya [7] L’armée est considérée comme gardienne de l’unité nationale. Très liée au pouvoir sous le régime de l’ancien président Suharto et bien implantée dans la sphère économique, l’armée a vu son influence amoindrie depuis la Reformasi. [8] Raillon F. (2006), op. cit. [9] Le Golkar (de Golongan Karya, signifiant littéralement « groupes fonctionnels ») a été fondé en 1964, soit à l’époque de l’ancien président Sukarno, par l’armée, comme mouvement destiné à contrer l’influence des partis. [10] Partai Demokrasi Indonesia Perjuangan (Parti démocratique indonésien de lutte).

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1 / Des disparités territoriales importantes,un enjeu majeur pour la jeune démocratie

plusieurs « trains » de réformes économiques – dont la mise en place est progressive et qui visent notamment à l’amélioration du climat des affaires, l’ouverture sectorielle aux investissements étrangers (cf. infra partie 2) –, ont été adoptés. En dépit de quelques déceptions, notamment sur son supposé manque d’implication sur le front de la lutte contre la corruption, le président actuel bénéficie d’une forte popularité. Les prochaines élections présidentielles et législatives prévues en 2019 – qui seront concomitantes cette fois – semblent être orientées favorablement pour Joko Widodo, dont certains observateurs estiment qu’il pourrait proposer un « ticket » avec Sri Mulyani pour le poste de vice-président.

Graphique 1.1. Indice de Gini [0-100] 50 45 40 35 30 25 20 15 10 5

La vigoureuse croissance économique de l’Indonésie après la crise de 1997 a permis une hausse importante du niveau de richesse par habitant, lequel a été multiplié par plus de deux entre 1998 et 2015 (cf. infra partie 2). Cependant, cette remarquable progression du PIB par habitant indonésien ne s’est pas traduite pour autant par une diminution des inégalités après le choc de la crise. Au contraire, celles-ci se sont accrues :

Vie

tna

m

e nd aï la Th

es Ph

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ie lais Ma

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mais assez peu inclusive

Ind

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0

1.2. Une croissance économique dynamique,

Source : World Development Indicators (WDI), Banque mondiale.

(ii) les inégalités régionales restent prégnantes, malgré la décentralisation, avec une très grande part de l’activité concentrée sur Java (près 60 % du PIB). Le niveau de richesse par habitant reflète ainsi les fortes disparités régionales du pays (cf. graphique 1.2).

(i) l’indice de Gini a progressé entre 1999 et 2013, passant de 29,9 à 39,5, caractérisant une hausse des inégalités de revenu [ 11 ] (cf. graphique 1.1 ). Les 20 % des Indonésiens les plus riches ont ainsi vu leur richesse s’accroître entre 1999 et 2013. Sur cette période, le niveau de richesse rapporté au PIB détenue par cette tranche de la population a évolué de 39 % à 47 % ;

[ 11 ] L’indice (ou coefficient) de Gini est un indicateur synthétique d’inégalités de salaires (revenus, niveaux de vie…). Plus l’indice de Gini est proche de 100, plus les inégalités de revenus sont importantes.

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Graphique 1.2. PIB par habitant (2015, millions de roupies indonésiennes) 200

150

100

50

DKI Jakarta

Riau Islands

East Kalimantan

Riau

West Papua

North Kalimantan

Jambi

Papua

East Java

Bangka Belitung

Bali

South Sumatra

South Sulawesi

North Sumatra

Banten

North Sulawesi

Central Sulawesi

Central Kalimantan

South East Sulawesi

West Sumatra

South Kalimantan

Lampung

West Java

Central Java

West Kalimantan

DI Yogyakarta

Aceh

Bengkulu

Gorontalo

West Sulawesi

North Maluku

West Nusa Tenggara

Maluku

East Nusa Tenggara

0

Source : Badan Pusat Statistik (BPS), Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

La croissance économique de l’Indonésie apparaît ainsi peu inclusive. Toutefois, ces inégalités de richesse sont proches de la moyenne des pays à revenu intermédiaire (PRI) ou des pays de la zone Asie du Sud Est. Le taux de pauvreté – au seuil de 2 dollars américains (USD) par jour en parité de pouvoir d’achat (PPA) –, est élevé et concerne 36 % de la population indonésienne en 2014 (se situant dans la moyenne des pays de la même tranche de revenu), mais s’amoindrit nettement depuis la crise asiatique (82 % de la population était pauvre en 1999 – cf. ci-contre graphique 1.3).

Graphique 1.3. Taux de pauvreté (au seuil de 2 USD/ jour en PPA) Thaïlande Brésil Afrique du Sud Malaisie Philippines Indonésie Pays à revenu intermédiare de la tranche inférieure 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 1990

1995

2000

Source : WDI (Banque mondiale).

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2005

2010

2015


1 / Des disparités territoriales importantes,un enjeu majeur pour la jeune démocratie

L’accès à l’éducation primaire est satisfaisant en Indonésie avec un taux de scolarisation de 90 % en 2014. En revanche, l’accès à l’éducation secondaire ne concerne qu’une moindre proportion de la population (taux de scolarisation de 75 % en 2014), tout en restant dans la moyenne des pays de la même tranche de revenu ; parallèlement, le taux de scolarisation des jeunes de 19 à 24 ans est très faible (15,8 % selon les données locales). Par ailleurs, le taux d’emploi est relativement faible (70 % de la population en âge de travailler en 2014, dont 86 % pour les hommes et 54 % pour les femmes), et le taux de chômage (6,2 % de la population active en 2014) diminue constamment depuis 2005 : ce dernier se situe dans la moyenne des PRI, mais

reste plus élevé que celui observé au sein des pays de l’Asie du Sud-Est. Enfin, le taux de chômage des jeunes de 15 à 24 ans est évalué à 20 % en 2011 et s’inscrit dans une dynamique baissière depuis 2005, en lien avec l’accélération du rythme de la croissance économique observée sur cette période. La formation du capital humain est un enjeu majeur pour la soutenabilité de la croissance et constitue une vulnérabilité importante pour l’Indonésie (notamment pour profiter au mieux de son dividende démographique ; 18 % de la population ayant moins de 15 ans en 2015).

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2 / Une croissance économique résiliente et des vulnérabilites structurelles qui s’amoindrissent

Graphique 2.1.

2.1. Une croissance forte, des réformes

récemment introduites

Depuis la fin des années 1960, l’économie indonésienne connaît une croissance économique remarquable, évaluée à 6 % en moyenne annuelle. Deux chocs externes ont affecté le pays de façon différenciée : la crise asiatique de 1997-1998 et la crise internationale de 2008 (cf. graphique 2.1 et MacroDev n°14, op. cit.). La crise de 1998 a sanctionné les excès du népotisme de l’ère Suharto et surtout l’hypertrophie d’un système financier peu supervisé. Les conséquences économiques et sociales de cette crise ont conduit le pays à des réformes structurelles majeures, économiques et institutionnelles. De là, les effets de la crise internationale de 2008, d’une autre nature que celle de la précédente décennie, ont été d’une ampleur moindre, en raison aussi de la faible intégration internationale de l’Indonésie. À cet égard, la faiblesse de la volatilité du régime de croissance indonésien – la plus faible comparée à celle du groupe des BRICS [12 ] depuis 2000 – est à mettre en relation avec sa faible ouverture économique, ce qui limite a contrario l’exposition de l’économie aux aléas de la conjoncture internationale. La forte dynamique de la demande interne conjuguée à la baisse des cours sur les produits miniers à partir du milieu de l’année 2011, ont contribué à faire émerger un déficit du compte courant de la balance des paiements (cf. infra section 2.3) et ont pesé sur le rythme de croissance (cf. graphique 2.2).

Croissance du PIB (prix constants, en %) ■ Croissance annuelle Croissance annuelle moyenne 15 10 5 0 -5

Crise asiatique

Crise internationale

-10 -15 1980 1984

1988

1992 1996 2000 2004 2008 2012

2016

Sources : World Economic Outlook (WEO) et calculs de l’auteur.

Graphique 2.2. PIB réel trimestriel (ga, %) et solde courant (Mds USD) Solde courant (Mds USD), échelle de gauche PIB, échelle de droite (glissement annuel, en %) 5,0

7,0

2,5

6,5

0,0

6,0

-2,5 5,5 -5,0 5,0

-7,5

4,5

-10,0 -12,5

4,0 2009

[ 12 ] Groupe de cinq pays (Afrique du Sud , Brésil, Chine, Inde et Russie) se réunissant depuis 2011 en sommets annuels.

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2010

2011

2012

2013

2014

Sources : Bank Indonesia (BI), BPS et calculs de l’auteur.

2015

2016

2017


2 / Une croissance économique résiliente et des vulnérabilites structurelles qui s’amoindrissent

Des réformes structurelles introduites

Une forte dynamique régionale mais contrastée

Après la prise de fonction du président Joko Widodo en octobre 2014, un ensemble de réformes structurelles ont été engagées. Elles concernent en premier lieu l’amélioration du climat des affaires et le renforcement de la compétitivité du pays. À cet égard, depuis septembre 2015, 14 plans de réformes économiques (Paket Ekonomi – cf. infra encadré 1) ont été annoncés et progressivement introduits. Ils visent entre autres à déverrouiller des secteurs économiques afin de stimuler les investissements étrangers (35 secteurs économiques sont concernés par cette ouverture), à alléger des normes locales rigides et administratives (notamment pour l’installation d’une activité d’importation ou d’exportation). Le régime associé aux investissements directs étrangers (IDE) a été aussi partiellement libéralisé, alors que jusqu’à présent l’Indonésie privilégiait une approche nationaliste de l’investissement. Parallèlement, un programme d’amnistie fiscale est en application depuis septembre 2016 (décliné en trois phases) avec pour objectif principal le rapatriement de fonds indonésiens basés à l’étranger. Outre l’impact sur les recettes fiscales, l’effet attendu est le soutien à l’investissement (cf. partie 2) et la restauration de la confiance vis-à-vis du secteur privé.

Au niveau régional, la croissance indonésienne figure parmi les plus dynamiques depuis les années 2000 (cf. graphique 2.3). Pour autant, le niveau de richesse par habitant est proche de la moyenne des pays de l’ASEAN [13] hors Singapour (cf. graphique 2.4), tant en termes réels qu’en termes de parité de pouvoir d’achat (cf. MacroDev n°14, op. cit.).

L’ensemble de ces réformes semblent avoir généré assez rapidement des effets positifs sur la perception du climat des affaires, comme relevé par l’indicateur Doing Business de la Banque mondiale. Le pays a ainsi gagné 18 places entre le classement de 2016 et celui de 2017, pour se positionner à la 91 e place sur 189 pays. Au total, la croissance apparaît favorablement orientée depuis le troisième trimestre 2015, soutenue essentiellement par une consommation interne robuste, et devait encore s’accélérer en 2016 à plus de + 5 % en ga (après +4,8 %). La croissance économique indonésienne, qui a démontré sa résilience, devrait rester robuste en 2017 et pourrait évoluer à un rythme proche de son potentiel. À moyen terme et à plus long terme, l’enjeu majeur pour l’Indonésie sera d’investir en son capital humain, afin de pouvoir au mieux profiter de son dividende démographique (à l’horizon 2030 – cf. section suivante).

Graphique 2.3. Croissance du PIB réel (%) Philippines Malaisie

Cambodge Vietnam

Thaïlande Indonésie

Singapour

17,5 15,0 12,5 10,0 7,5 5,0 2,5 0,0 -2,5 2000

2002 2004

2006

2008

2010

2012

2014

2016

Sources : WEO et calculs de l’auteur.

Graphique 2.4. PIB par tête PPA (prix constants, en milliers USD, moyenne 2000-2015) 12 10 8 6 4 2

es pin ilip Ph

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Ind

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0

Sources : WDI (Banque mondiale) et calculs de l’auteur.

[ 13 ] L’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Association of Southeast Asian Nations) est une organisation politique, économique et culturelle, qui regroupe aujourd’hui dix pays d’Asie du Sud-Est : Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande, Brunei, Vietnam, Laos, Myanmar (Birmanie), Cambodge.

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Les réformes économiques du président indonésien Joko Widodo

Indicateur sur le climat des affaires ■ 2017

2015

160 140 120 100 80 60 40 20

e Ind

sil Bré

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0

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Ces paquets de réformes économiques visent (i) à réduire les coûts inhérents à la lourdeur bureaucratique pour l’enregistrement d’une activité, (ii) à introduire des incitations fiscales pour les activités en zones économiques spéciales, (iii) à simplifier le mode de calcul du salaire minimum (cf. tableau 2.1), et (iv) à libéraliser partiellement le régime des IDE (cf. tableau 2.1). Ces diverses réformes s’inscrivent dans le sillage de celle sur la réduction des subventions au carburant, adoptée dès janvier 2015.

Graphique 2.5.

ie

L’une des priorités du président Joko Widodo, après sa prise de fonction à la fin de l’année 2014, a été d’améliorer le climat des affaires. À cet égard, l’Indonésie présente des carences, notamment au niveau international, selon l’indicateur Doing Business de la Banque mondiale (l’Indonésie se classant à la 91 e place sur 189 pays en 2017). Pour autant, le pays semble s’inscrire sur une tendance d’amélioration du climat des affaires depuis 2015 (cf. graphique 2.5), grâce aux réformes structurelles introduites par les 14 paquets économiques.

Th

1

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Encadré

Note : Un score faible dénote un meilleur climat des affaires. Source : Banque mondiale.

Tableau 2.1. Réformes économiques adoptées entre septembre 2015 et août 2016 (Paket Ekonomi)

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2 / Une croissance économique résiliente et des vulnérabilites structurelles qui s’amoindrissent

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Source : OCDE, Economic Surveys, octobre 2016.

Le salaire minimum est fixé au niveau provincial et des districts. Son augmentation annuelle est ainsi décidée au niveau local, sans aucun critère permettant de la plafonner, jusqu’en 2016. Dès lors, on observe une grande hétérogénéité des salaires minima entre les différentes provinces, sans que ceci ne soit lié aux performances économiques au niveau régional (cf. graphique 2.6). Par ailleurs, les décisions d’augmentation ne concernent que le secteur formel qui, dans un grand nombre de localités, est représenté principalement par l’emploi public. Les salaires des fonctionnaires locaux sont versés par le gouver-

nement central de Jakarta, par transferts aux gouvernements locaux (correspondant à 34 % des dépenses publiques totales). Les fortes hausses de salaires, qui n’étant pas associées à une hausse de la productivité, affectent la compétitivité des régions concernées et donc l’attractivité des investissements (OCDE, 2016). Afin d’introduire plus de transparence et d’harmonie sur les processus d’augmentation, le salaire minimum est calculé selon la formule suivante : Salaire minimum t+1 = Salaire minimum t × (1 + Taux d’inflation national t + Taux de croissance national du PIB t )

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Graphique 2.6. Indicateur sur le climat des affaires ■ Salaire minimum local en % de la moyenne nationale (échelle gauche) Taux de croissance moyen du salaire minimum sur les 5 dernières années (échelle droite) 1,6

25

1,4 20

1,2 1

15

0,8 10

0,6 0,4

5

0,2 0

Papua

DKI Jakarta

North Sulawesi

Bangka Belitung

West Papua

East Kalimantan

South Sulawesi

South Sumatra

Aceh

Riau Islands

Central Kalimantan

Riau

Jambi

South Kalimantan

West Sulawesi

Maluku

South East Sulawesi

Bali

North Sumatra

West Sumatra

Banten

Gorontalo

Lampung

North Maluku

West Kalimantan

Bengkulu

Central Sulawesi

West Nusa Tenggara

East Nusa Tenggara

East Java

West Java

DI Yogyakarta

Central Java

0

Source : BPS, OCDE.

Graphique 2.7.

2.2. Un modèle de croissance

qui reste primarisé

2.2.1. Des modifications du modèle de croissance depuis plusieurs décennies Les différentes phases du processus de développement de l’économie indonésienne ont abouti à la croissance significative de la valeur ajoutée (VA) industrielle, alors que celle du secteur agricole s’est formidablement réduite (cf. MacroDev n°14 d’avril, op. cit.). En 2015, les activités de services sont devenues le premier secteur économique du pays en termes de part dans la VA globale, et ce devant l’industrie (43 % pour les services contre 40 % pour l’industrie en 2015 – cf. graphique 2.7).

Répartition sectorielle du PIB (en %) ■ Services ■ Agriculture Secteur manufacturier

■ Secteur industriel

100 90 80 70 60 50 40 30 20 10

Sources : WDI (Banque mondiale) et calculs de l’auteur.

12

© AFD / Macroéconomie & Développement / Août 2017

10 20

00

0 199

20

0 198

0 197

196

0

0


2 / Une croissance économique résiliente et des vulnérabilites structurelles qui s’amoindrissent

Graphique 2.8. Contributions sectorielles à la croissance réelle du PIB (en %) ■ Services ■ Agriculture Secteur manufacturier

■ Secteur industriel Taux de croissance

10

(i) avant 1960, le secteur industriel indonésien était très concentré dans l’exploitation des ressources naturelles (segments primaires). Entre 1960 et le début des années 2000, on observe l’essor de l’industrie manufacturière (tant en termes de VA dans le PIB que de contribution à la croissance du PIB). Si bien que dans la VA industrielle totale, la part du manufacturier en représentait plus de la moitié ; (ii) à partir du milieu des années 2000, on observe un effet d’éviction d’une partie de la VA manufacturière vers des segments primaires. Si bien que la VA manufacturière représente aujourd’hui moins de la moitié du secteur industriel. Ce mouvement est cohérent avec l’évolution de la structure des exportations (plus concentrée dans les segments primaires à hauteur de 45 % du total des exportations de biens) et la qualité des emplois créés.

■ Indonésie ■ Thaïlande ■ Chine ■ Malaisie

■ Inde

100 90 80 70 60 50 40 30 20 10

Inf

ov

iair

e ras t po ruct rtu ure air s es Inf aé rast ro ru po ct rtu ure air s es Of fre d’é lec tric ité

0

s err

La baisse de la part du secteur manufacturier depuis le début des années 2000, tant dans la VA qu’en contribution à la croissance du PIB, est structurelle. Elle reflète la reprimarisation du secteur industriel, à savoir la hausse de la dépendance de l’industrie aux ressources naturelles (ressources minières et énergétiques, huile de palme…). La reprimarisation du secteur productif indonésien caractérise deux évolutions tendancielles opposées, à savoir :

Indice de qualité des infrastructures

uf

Moins volatile depuis la crise asiatique, la contribution du secteur industriel à la croissance n’en est pas plus importante pour autant. En effet, celle-ci est évaluée à 37 % de la croissance totale de l’activité entre 1999 et 2015, dont un quart pour le seul secteur manufacturier.

Graphique 2.9.

ute

En outre, l’analyse des contributions sectorielles à la croissance réelle du PIB (cf. supra graphique 2.8) permet d’affirmer que c’est le dynamisme des activités du secteur des services qui concourt le plus fortement à la croissance réelle du PIB : près de 50 % de la croissance réelle du PIB entre 1999 et 2015 provient des services. Plus précisément, le développement des activités de télécommunication a fortement contribué à la croissance du secteur des services (cf. MacroDev n°14, op. cit.). Ces activités restent les plus dynamiques des services depuis le début des années 2000, avec un taux de croissance annuel moyen supérieur à 20 %, alors que les autres secteurs ne semblent pas se développer davantage. En outre, l’importance du secteur des services et son dynamisme sont à relier avec la vigueur de la demande interne (cf. infra partie 2.3.).

sea

Sources : WDI (Banque mondiale) et calculs de l’auteur.

Cette tendance met en évidence les carences en infrastructures du pays qui ont affecté la compétitivité du secteur manufacturier (cf. MacroDev n°14, op. cit.), laquelle a été favorisée par un niveau soutenu des prix des matières premières (avant l’orientation baissière enregistrée en 2011, qui s’est accélérée à partir de juin 2014). Toutefois, ces carences doivent être nuancées eu égard au caractère morcelé et étendu du pays, qui s’étend sur plus de 17 000 îles.

10

07

20

04

20

20

8

01 20

5

2

199

9

199

199

6

198

3

198

198

198

0

-15

Ro

-10

al

-5

ob

0

Gl

5

Source : World Economic Forum, Global Competitiveness Report 2016-2017.

/ Indonésie : des réformes pour répondre aux enjeux de développement /

13


En outre, selon le Fonds monétaire international (FMI), la baisse du potentiel de croissance reflète la baisse du facteur de production du capital et de la productivité globale des facteurs, en lien avec la contraction des cours des matières premières recensée depuis 2012 (cf. graphique 2.10).

Graphique 2.11. Contribution au PIB réel des facteurs de la demande (en %) ■ Commerce extérieur * ■ Consommation publique ■ Consommation privée ■ FBCF PIB

Graphique 2.10.

9

Contribution à la croissance potentielle du PIB (en %)

7

■ Facteur travail ■ Facteur capital ■ Productivité totale des facteurs Croissance potentielle du PIB

5 3 1

8

-1

7 -3

6

3

16 20

15 20

14 20

13 20

20

11 20

4

12

-5

5

Note : La composante « Variation de stock » n’a pas été intégrée dans le graphique pour une meilleure lisibilité. * Solde net du commerce extérieur (exportations – importations de biens et services). Source : BPS (OCDE) et calculs de l’auteur FBCF : Formation brute de capital fixe.

2 1

15

16 20

14

20

20

13

12

20

20

11 20

10

09

20

20

07

08 20

20

20

06

0

Source : FMI (Article IV, décembre 2016).

2.3. La demande interne comme source

principale de la croissance de l’activité

La demande interne est la source principale de la croissance économique du pays, depuis la crise asiatique de 1997-1998. En particulier, la consommation des ménages est la première composante de la demande dans le PIB à hauteur de 54 % (en moyenne entre 2010 et 2016), avec une hausse annuelle moyenne estimée à 5,2 % entre 2011 et 2016.

14

© AFD / Macroéconomie & Développement / Août 2017

Pour autant, l’éviction d’une partie de la VA manufacturière vers des segments primaires a renforcé l’élasticité de la demande interne aux importations de biens intermédiaires, pour représenter près de 80 % des importations totales de biens. De sorte que celle-ci explique en partie la baisse de la contribution nette du secteur externe à la croissance économique. L’autre facteur de cette baisse peut être expliqué par (i) le cycle bas des prix des matières premières qui affectent mécaniquement les exportations de biens de l’Indonésie, lesquelles sont davantage composées de ressources naturelles (l’huile de palme, le charbon, le gaz naturel, le caoutchouc et le cuivre réunis totalisent 45 % des exportations de biens), et donc les termes de l’échange du pays (cf. graphiques 2.12 et 2.13), et (ii) la perte de compétitivité de l’industrie manufacturière, conséquence de la contraction des investissements dans ce secteur. L’amélioration des termes de l’échange en 2016, à la faveur d’une inflexion à la dynamique baissière des prix des matières premières, a contribué à stabiliser le déficit du compte courant de la balance des paiements (-2 % du PIB, cf. infra partie 5).


2 / Une croissance économique résiliente et des vulnérabilites structurelles qui s’amoindrissent

Graphique 2.12.

Graphique 2.13.

Cours des principales matières premières exportées par l’Indonésie (base 100 = janvier 2011)

Termes de l’échange (évolution en %) et taux de change IDR/ USD (échelle inversée, base 100 = janvier 2010)

Gaz Pétrole

Huile de palme Caoutchouc

Cuivre Charbon

Termes de l’échange (échelle de gauche) Taux de change IDR par USD (échelle de droite)

200

7,5 5,0 2,5 0,0 -2,5 -5,0 -7,5 -10,0 -12,5 -15,0 -17,5 -20,0

180 160 140 120 100 80 60 40 20 0 2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Sources : FMI, OCDE et calculs de l’auteur.

90 100 110 120 130 140 150 160

2009

2010

2011

2012 2013

2014

2015 2016

2017

Sources : BPS (OCDE), Citi et calculs de l’auteur.

L’investissement est la deuxième composante la plus dynamique de la demande interne – 32 % du PIB entre 2010 et 2016 –, avec un taux de croissance annuel moyen de plus de 6 % sur la période. Ce cycle favorable des investissements était associé au cycle haut des matières premières de la décennie 2000 et s’est donc accompagné d’une hausse de la concentration des matières premières dans les investissements (cf. graphique 2.14). En effet, durant cette période, les matières premières représentaient la moitié des investissements réalisés [ 14 ]. Sur la période 20102011, les investissements dans les secteurs des mines et des plantations ont contribué à la croissance des investissements totaux à hauteur de 47 % en moyenne [15 ] . À noter que l’exploitation de certaines ressources naturelles, bois et huile de palme en particulier, s’est accompagnée d’un processus de déforestation majeur.

Depuis l’orientation baissière des prix des matières premières, la dynamique d’investissement marque le pas, du fait de la contraction de l’investissement privé. Les investissements du secteur public ont alors pris le relais des investissements privés, à la faveur d’un programme de réformes mises en place en 2015 par le nouveau gouvernement (cf. graphique 2.1 5). Ce programme d’investissement concerne davantage le secteur des infrastructures, lesquelles sont introduites principalement par les entreprises publiques. Les dépenses en capital des entreprises publiques ont doublé en 2016 et pourraient augmenter de près de 40 % en 2017, selon le FMI.

[ 14 ] FMI, Selected Issues (décembre 2016 ). [ 15 ] FMI, Selected Issues (septembre 2012).

/ Indonésie : des réformes pour répondre aux enjeux de développement /

15


Graphique 2.14.

Graphique 2.15.

Investissements réalisés (en % du PIB)

Taux de croissance annuel de l’investissement (en %)

■ Matières premières ■ Secteur manufacturier ■ Services Indice des prix des matières premières (échelle de droite) 8

50

200

40

7 6 5

Investissements publics

250

150

4

Investissements privés

30 20

100

3

10 50

0

1

2

H1

15 20

16 20

13

14 20

20

11

12 20

20

10 20

Note : 2016H1 fait référence au 1 er semestre de l’année 2016. Source : FMI, Selected Issues (décembre 2016).

L’efficacité énergétique du PIB en Indonésie

L’énergie est un facteur de production essentiel à la croissance économique. De fait, le rôle de l’énergie dans les processus de développement des pays du Sud est crucial. Il matérialise, d’une part, la relation de causalité univoque de la croissance de la consommation d’énergie vers la croissance du PIB, et d’autre part, l’importance de l’élasticité du PIB par rapport à la consommation d’énergie primaire. L’intensité énergétique du PIB étant la quantité d’énergie consommée (tep ou tonne d’équivalent pétrole) par unité de PIB : c’est le rapport entre la consommation d’énergie primaire (y compris l’électricité) et le PIB mesuré en dollars constants et à taux de change du marché. Il permet d’expliciter le caractère énergivore d’une économie. Au niveau mondial, 0,2 tep est nécessaire pour produire 1 000 USD de PIB en 2015. Par rapport à sa classe de revenu, l’économie indonésienne dans son ensemble n’apparaît pas anormalement énergivore. Ainsi, en tenant compte de son niveau de développement mesuré par le revenu moyen par tête, la consommation d’énergie de l’Indonésie apparaît conforme aux standards internationaux dans le temps et par rapport aux pays de sa classe de revenu, tant en consommation par tête (environ 1 tep) qu’en énergie consommée par unité de revenu (intensité du PIB d’environ 0,5 tep pour 1 000 USD). Pour comparaison, la Chine dont le niveau de richesse par habitant est supérieur à l’Indonésie (6 500 USD/ habitant contre 3 800 USD/habitant pour l’Indonésie), présente une intensité énergétique au PIB bien supérieure, ressortant à 0,7 tep pour 1 000 USD de PIB, caractérisant ainsi une sousefficacité de la production énergétique.

Graphique 2.16. Intensité énergétique du PIB de l’Indonésie Intensité énergétique en tep pour 1 000 USD 2005

Encadré

09

20

Source : FMI, Selected Issues (décembre 2016).

20

07

15

-10

20

10 20

05 20

00 20

5 199

199

0

0

08

0

20

2

0,8 0,7

Chine

0,6 0,5

Indonésie

0,4 0,3 0,2

Monde

0,1 0 0

20

40 60 80 100 PIB par tête en milliers USD 2005

120

Sources : Beyond Ratings et AFD.

En analysant la décomposition sectorielle de la VA, il ressort que la réduction tendancielle de l’intensité énergétique, observée dans le temps comme dans l’espace, résulte en premier lieu d’un effet de structure du PIB, par substitution des services à l’industrie : la part de VA de l’industrie dans le PIB a légèrement diminué (à hauteur de 40 % de la VA totale en 2015), alors que celle des services a progressé de près de 10 points de pourcentage entre 1980 et 2015 (à hauteur de 43 % de la VA totale). Les activités de •••

16

© AFD / Macroéconomie & Développement / Août 2017


2 / Une croissance économique résiliente et des vulnérabilites structurelles qui s’amoindrissent

•••

services étant moins intensives en énergie, leur progression tendancielle dans la VA totale explique une partie importante de l’amélioration de l’efficacité énergétique de l’Indonésie. Le mix énergétique de l’Indonésie est composé pour plus de 95 % par le pétrole, le gaz et le charbon réunis, plaçant ainsi l’Indonésie parmi les grands pays producteurs d’énergie fossile (selon les données du ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles indonésien et l’OCDE). La forte composition des énergies fossiles dans la consommation énergétique finale en Indonésie est structurelle.

Graphique 2.17. Mix énergétique en Indonésie (en %) ■ Renouvelable ■ Pétroles ■ Gaz ■ Charbon 100

mée à 35 années. Mais c’est surtout la production de charbon qui a connu un essor considérable depuis le milieu des années 1990 (multiplication de cette production par plus de 8, pour atteindre 400 millions de tonnes par an), si bien que l’état des réserves représente ainsi plus de 70 années de production. Le charbon occupe ainsi une place de choix dans le bouquet énergétique de l’Indonésie (35 % de la consommation d’énergie primaire sur ces cinq dernières années). En raison de ses caractéristiques géographiques, l’Indonésie présente un potentiel et une variété de ressources énergétiques renouvelables de premier ordre à même de contribuer à la satisfaction des besoins à long terme. À cet égard, les autorités indonésiennes souhaitent faire évoluer la part des énergies renouvelable dans le mix énergétique à 23 % à l’horizon 2025, contre 6 % aujourd’hui. Un objectif ambitieux, mais probablement contraint, selon l’Agence internationale de l’Énergie (AIE).

90

Graphique 2.18.

80 70

Mix énergétique en Indonésie (en %)

60 50

■ Renouvelable ■ Pétroles ■ Gaz ■ Charbon

40

100

30

90

20

80

2015

2010

2005

2000

1995

1990

1985

1980

1975

60 1970

70

0 1965

10

50 40 30

Sources : British Petroleum (BP) et AFD.

20

Elle résulte notamment du fait de la forte dotation du pays en ressources énergétiques fossiles : le niveau de réserves prouvées de pétrole représente onze années du niveau actuel de production, soit 830 000 barils par jour (bj) en 2015 contre 1,7 Mbj en 1991 ; pour le gaz, l’Indonésie figure parmi les premiers producteurs mondiaux avec un niveau de réserves sur production esti-

10 0 2011

2025

Sources : ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles indonésien et OCDE.

/ Indonésie : des réformes pour répondre aux enjeux de développement /

17


3 / Une dette publique soutenable, mais une base fiscale qui reste étroite Graphique 3.2.

restent faibles

Dette publique brute en 2016 – comparaison régionale (en % du PIB)

Faiblesse du taux d’endettement public

Graphique 3.1. Dette publique brute (en % du PIB) 90 80 70 60 50 40 30 20 10

80 60 40 20

Chine (Ètat central)

Inde

Singapour

Vietnam

Thaïlande

Philippines

0

Source : FMI.

16 20

14 20

12 20

10 20

08 20

06 20

04 20

20

02

0

00

100

Depuis plus d’une décennie, la trajectoire d’endettement public de l’Indonésie est tout à fait singulière en comparaison avec les pays de sa région d’appartenance et les pays asiatiques émergents. En effet, alors que la dette publique de l’archipel était la plus élevée – conséquence directe de la crise asiatique –, celle-ci apparaît la plus faible des pays asiatiques en 2016 (cf. graphique 3.2). Le traumatisme de cette crise et ses effets négatifs ont été tels que des garde-fous ont été mis en place pour limiter l’endettement de l’État. La loi budgétaire de 2003 plafonne ainsi la dette publique à 60 % du PIB et le déficit budgétaire à 3 % du PIB [16 ] . Enfin, la dynamique de la dette est favorable depuis plus d’une décennie, et la dette publique devrait rester soutenable à moyen terme (cf. MacroDev n°14, op. cit. pour plus de détails).

100

20

120

Indonésie

La crise asiatique de 1997-1998 s’est traduite par un coût très élevé pour l’État qui a dû prendre en charge le financement des recapitalisations bancaires, ce qui a eu pour conséquence le gonflement significatif du taux d’endettement public. Celui-ci est passé de 25 % du PIB en 1997 à 95 % du PIB en 2000. À la faveur de quatre passages devant le Club de Paris pour le traitement de sa dette publique et d’un ajustement budgétaire de grande envergure [ 15 ] , la dette publique brute de l’Indonésie a entrepris une trajectoire baissière pour être ainsi ramenée à 24 % du PIB en 2012 (cf. ci-dessous graphique 3.1). Depuis lors, le taux d’endettement public a légèrement augmenté, pour passer à 28 % du PIB en 2016, en raison de la baisse des recettes fiscales associées aux ressources naturelles (cf. ci-contre graphique 3.2), de la hausse des taux d’intérêt réel conjuguée à l’introduction d’un programme d’investissement public (cf. infra sous-chapitre 3.2.).

Malaisie

3.1. Les taux d’endettement public

Source : FMI (estimation pour l’année 2013).

[15 ] Cet ajustement budgétaire s’est effectué dans le cadre d’un programme d’ajustement structurel mis en œuvre par le FMI. [16 ] Les 33 régions qui composent l’Indonésie, ne peuvent s’endetter auprès d’institutions financières étrangères. Elles peuvent s’endetter par l’octroi de prêts à l’État avec rétrocession à la collectivité locale et/ou par l’octroi direct de prêts par le gouvernement central. En outre, un budget annuel est transféré par l’Etat central aux régions en suivant une clé de répartition qui tient compte notamment de la production à partir de ressources locales.

18

© AFD / Macroéconomie & Développement / Août 2017


3 / Une dette publique soutenable, mais une base fiscale qui reste étroite

Composition de la dette publique indonésienne La dette publique de l’Indonésie est essentiellement libellée en monnaie locale (à hauteur de 58 % du stock en 2016) et présente une maturité moyenne de 9,2 ans : la dette de maturité inférieure à 3 ans représente 16 % du total du stock en 2016, celle comprise entre 3 et 10 ans 45 % du stock et enfin celle supérieure à 10 ans 39 % du stock. En outre, 60 % de la dette publique est détenue par des non-résidents en 2016 (banques privées, compagnies d’assurance, fonds de pensions – cf. graphique 3.3). Selon les autorités indonésiennes, le recours à l’endettement externe reste nécessaire en raison de l’insuffisance de la liquidité et l’absence de profondeur du marché obligataire local. C’est pourquoi la Banque centrale d’Indonésie et l’autorité de supervision (OJK [ 17 ] ) souhaitent augmenter la taille du marché domestique obligataire (cf. infra partie 3).

Graphique 3.3. Dette publique, selon le critère de résidence et la devise ■ Étrangère

■ Domestique

100 90 80 70 60 50

Enfin, l’État indonésien garantit la dette de certaines entreprises publiques, à hauteur maximum de 2,6 % du PIB par an, dans le cadre d’un décret présidentiel pris à la mi-2015 et destiné à promouvoir le développement des infrastructures prioritaires. La dette des entreprises publiques enregistre une hausse rapide. À cet égard, le poids des passifs contingents pour l’État indonésien, soit 16,2 Mds USD à la fin du mois de septembre 2016 de garantie explicite (représentant 1,7 % du PIB) [ 18 ] , est relativement limité, mais reste à surveiller en raison notamment de l’exposition des entreprises du secteur énergétique.

Mode de financement de la dette publique indonésienne Le mode de financement de la dette publique indonésienne illustre le caractère prudent et équilibré de sa gestion : plus de 70 % de la dette est financé par émissions obligataires (interne et externe), le reste par prêts, en 2016. Sur le stock de dette publique total, plus de la moitié est ainsi financé par des titres souverains. En outre, la part croissante des non-résidents dans la dette publique, y compris en monnaie locale, illustre l’appétence des agents économiques non résidents pour la détention des titres publics indonésiens, en raison de son statut d’investment grade depuis 2012 et la perspective de bons rendements (cf. graphique 3.4). Les titres obligataires détenus par les nonrésidents et libellés en monnaie locale (roupie indonésienne) sont donc passés, en proportion du total des obligations souveraines, de 18 % en 2009 à plus de 37 % à la fin du mois de décembre 2016, soit une part doublée (cf. graphique 3.5). Ceux-ci représentent 60 % du total des bons du Trésor en 2016.

40 30 20 10 0 Résidence

Devise

Sources : ministère des Finances indonésien et FMI.

[17 ] Otoritas Jasa Keuangan. [18 ] Source : Fitch Ratings, septembre 2017.

/ Indonésie : des réformes pour répondre aux enjeux de développement /

19


En outre, les bons du Trésor indonésien sont les instruments financiers les plus attractifs pour les investisseurs étrangers sur l’ensemble des flux de portefeuille enregistrés depuis 2010. Ils représentent 83 % des flux de portefeuille entre 2010 et 2016, soit 1,5 % du PIB en moyenne (source : FMI). En comparaison internationale, les rendements des obligations en monnaie locale du gouvernement indonésien figurent parmi les plus attractifs (cf. graphique 3.6) [ 19 ] .

Graphique 3.4. Rendement des bons du Trésor du gouvernement indonésien (en %) 20 ans

10 ans

5 ans

1 an

10 9 8

Graphique 3.6.

7

Rendement réel des bons du Trésor du gouvernement indonésien et cotation des agences de notation

6 5

5 2013

2014

2015

2016

2017

Source : Indonesia Stock Exchange et de l’auteur.

Graphique 3.5. Part des non-résidents dans les bons du Trésor indonésien en roupies et niveau des obligations souveraines en roupies

Part des non-résidents dans les bons du Trésor libellés en roupie (en %, échelle de droite) Niveau des obligations souveraines en roupie (USD, échelle de gauche)

150 140 130 120 110 100 90 80 70 60 50 40

45

Rendements réel à 10 ans (en %)

4

Turquie Pologne

Roumanie

3

Brésil Malaisie

2

Ligne de tendance

Thaïlande

Pérou

Afrique du Sud

1

Colombie Chine

0 AAA

AA+ AA AA-

A+

A- BBB+ BBB BBB- BB+ BB

Note : Le rendement réel des bons du Trésor est défini comme le rendement nominal moins le taux d’inflation. La cotation représente la moyenne des notes des 3 principales agences de notation. Source : FMI (Selected Issues, 2016).

35 30 25 20 15 10 2012

2014

2016

Sources : ministère des Finances indonésien et calculs de l’auteur.

[ 19 ] Ce sont les banques centrales étrangères et les fonds de placement étrangers qui détiennent près de la moitié des bons du Trésor libellés en roupie.

20

© AFD / Macroéconomie & Développement / Août 2017

Hongrie Russie Philippines

Chili

40

2010

Indonésie

Mexique

4


3 / Une dette publique soutenable, mais une base fiscale qui reste étroite

Graphique 3.7. Spread souverain (écart de taux de rentabilité actuariel entre l’obligation locale de pays asiatiques et les bons du Trésor américain) Vietnam

Philippines

Indonésie

Chine

450 400 350 300 250 200 150 100 50 2012

2013

2014

Sources : JP Morgan et calculs de l’auteur.

2015

2016

Dans un contexte d’appréciation du risque souverain indonésien favorable, les émissions obligataires constituent donc un moyen essentiel de financement de la dette publique et représentent au total 12 % du PIB en 2016 [ 20 ] . À moyen terme, les autorités de gestion de la dette publique souhaitent contenir ces titres souverains commerçables à hauteur de 12 % du PIB. La part significative des non-résidents dans la dette souveraine et l’appétence des investisseurs étrangers à détenir des bons du Trésor en monnaie locale, impliquent nécessairement une plus grande source d’exposition. En particulier, à l’égard de l’évolution du taux de change et de la politique monétaire américaine et corollairement de la volatilité des marchés : les rendements des bons du Trésor indonésien ont fortement augmenté après l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis le 8 novembre 2016, avant correction, puis se sont orientés à la baisse après la décision de la Fed d’augmenter ses taux d’intérêt directeurs (cf. graphique 3.7).

2017

3.2. Exécution budgétaire satisfaisante,

mais une base fiscale qui reste faible

En lien avec la règle budgétaire des 3 % du PIB, l’exécution budgétaire est maîtrisée, comme l’atteste le niveau limité du déficit budgétaire depuis plusieurs années (cf. tableau 3.1). Cependant, la faiblesse des recettes fiscales (12 % du PIB en moyenne) constitue la vulnérabilité majeure des finances publiques.

[ 20] En décembre 2016, le gouvernement indonésien a émis avec succès un emprunt obligataire sur le marché international d’un montant de 3,5 Mds USD.

/ Indonésie : des réformes pour répondre aux enjeux de développement /

21


Tableau 3.1. Structure des recettes et des dépenses publiques (en % du PIB) 2012

2013

2014

2015

2016 e

Recettes budgétaires totales

17,2 16,9 16,5 14,9 14,5

Recettes fiscales

12,5 12,5 12,1 11,9 12,2

Recettes non fiscales

4,5 4,3 4,4 2,8 2,4

Dépenses totales du gouvernement

18,8 19,1 18,6 17,4 17,2

Dépenses du gouvernement central

11,3 11,7 11,9 11,4 -

1 – Dépenses courantes

9,2 9,1 9,1 7,5 7,3

1. a – Dépenses de personnel

2,3 2,3 2,3 2,4 2,4

1. b – Subventions

4,0 3,7 3,7 1,6 1,3

dont Subventions au pétrole

2,5 2,2 2,3 0,5 0,4

1. c – Paiement d’intérêts

1,2 1,2 1,3 1,4 1,5

1. d – Autres

1,7 1,8 1,8 2,1 2,4

2 – Dépenses en capital

1,7 1,9 1,4 1,9 2,0

Transferts aux régions

5,6 5,4 5,4 5,4 5,7

Solde global

-1,8 -2,2 -2,1 -2,6 -2,7

Note : 2016 e : chiffres estimés. Source : Ministry of finance (MOF), Bank Indonesia et calculs de l’auteur.

3.2.1. Une base fiscale qui reste étroite

Graphique 3..8.

Les recettes fiscales rapportées au PIB sont parmi les plus faibles du monde (cf. graphique 3.8) et sont tendanciellement en baisse depuis 1980 (cf. graphique 3.9). À chaque crise économique (1997-1998, 2008), les recettes fiscales sur PIB enregistrent une nette contraction, sans retrouver pour autant leur niveau ex ante. Deux éléments peuvent expliquer cela : d’une part, le passage de certaines activités du secteur formel vers le secteur informel suite au choc, puis leur progression dans la VA, et d’autre part, l’augmentation de la fraude fiscale. Depuis, le début des années 2010, les recettes fiscales du gouvernement central indonésien stagnent pour représenter en moyenne 12 % du PIB.

Recettes fiscales du gouvernement central indonésien en 2015 – comparaison avec d’autres pays asisatiques (en % du PIB) 18 16 14 12 10 8 6 4 2

22

© AFD / Macroéconomie & Développement / Août 2017

Sin

ga

po

ur

e nd aÏla

pin ilip Ph

Source : WDI (Banque mondiale).

Th

es

ie lais Ma

Ind

on

ési

e

0


3 / Une dette publique soutenable, mais une base fiscale qui reste étroite

Les recettes fiscales reposent essentiellement sur les entreprises

Graphique 3.9. Recettes fiscales du gouvernent central indonésien (en % du PIB) 22 20 18 16 14 12

Source : WDI (Banque mondiale).

Graphique 3.10. Composition des recettes fiscales en 2015 (en %) ■ ■ ■ ■ ■

Taxes sur les entreprises Taxes sur les revenus Taxes sur les biens et services Taxe sur le commerce international Autres taxes

15 20

10 20

05 20

00 20

5 199

199

0

5 198

198

197

0

5

10

La composition des recettes fiscales révèlent l’insuffisance de l’assiette fiscale. En effet, les prélèvements reposent pour une grande part sur les sociétés (plus du tiers des recettes fiscales en 2016, contre 29 % pour les pays de l’ASEAN), alors que le revenu des personnes physiques est faiblement imposé (seulement 9,5 % des recettes fiscales). L’évasion fiscale et une faible propension à payer expliquent ces insuffisances [ 21 ] . Selon l’OCDE, parmi les 27 millions de personnes s’étant enregistrées auprès de l’administration fiscale indonésienne (sur une population totale de 260 millions), seules 900 000 personnes s’acquitteraient réellement de l’impôt. Toutefois, des efforts de l’administration fiscale pour améliorer le recouvrement et le prélèvement de l’impôt sont à relever. Celle-ci a facilité la procédure d’acquisition d’un numéro fiscal de référence pour les citoyens qui étaient dans l’obligation de s’acquitter de l’impôt. De façon concomitante, les autorités ont élargi leur démarche de recensement en se basant sur les liasses fiscales des entreprises privées et en ciblant les employés de la fonction publique (entreprises publiques incluses). Ce travail de ciblage a, par ailleurs, eu un effet d’entraînement auprès de la population indonésienne et a favorisé une accoutumance de celle-ci au processus de recensement fiscal [ 22 ] . Dans l’ensemble, cela a ainsi permis de multiplier par quatre le nombre d’individus imposés entre 2005 et 2015, et par près de 2,5 fois le nombre d’entreprises s’acquittant de l’impôt sur les sociétés.

Contribution importante mais en baisse tendancielle des recettes issues du secteur pétro-gazier

13 % 3% 33 %

41 %

10 %

La prépondérance de l’impôt sur les bénéfices des sociétés dans l’ensemble des recettes fiscales s’explique, selon l’OCDE, par le niveau élevé des profits dans le secteur des ressources naturelles. Ce dernier représente plus d’un quart des recettes tirées de l’impôt sur les sociétés. Aussi, la charge fiscale pesant sur les secteurs liés à l’exploitation des ressources naturelles comme les mines [ 23 ] , est proche de celle supportée par les autres secteurs, ce qui paraît faible au regard du caractère rentier de ces secteurs. Par ailleurs, les revenus fiscaux et non fiscaux du secteur pétro-gazier enregistrent une baisse tendancielle, en proportion des recettes budgétaires totales

Sources : ministère des Finances indonésien, FMI et calculs de l’auteur.

[21 ] [ 22] [ 23]

La mondialisation a créé des opportunités pour échapper à l’impôt. Les pays qui n’avaient pas établi de base fiscale avant ce processus ont vraisemblablement du mal à le faire depuis lors. En revanche, les multinationales, les banques, les oligarchies savent tirer profit de la compétition fiscale induite. Cf. Beyond Ratings, DALI S. (2015), « Vulnérabilités énergétiques et conséquences macroéconomiques en Indonésie ». FMI, Selected Issues, op. cit.

/ Indonésie : des réformes pour répondre aux enjeux de développement /

23


(cf. graphique 3.11), en lien notamment avec la diversification des recettes publiques entreprise par les autorités indonésiennes. Pour autant, ces recettes demeurent importantes et la contraction des cours du pétrole à partir de 2014, a généré une baisse de celles-ci en valeur nominale de 62 % en 2015 et 25 % en 2016.

Graphique 3..11. Recettes (fiscales et non fiscales) du secteur pétro-gazier (en % des recettes budgétaires totales)

L’impact fiscal de ce programme n’a qu’une portée ponctuelle à court terme. À plus moyen terme, ce programme pourrait renforcer le prélèvement fiscal appliqué aux entreprises déclarées. L’objectif annoncé par le président indonésien Joko Widodo est d’atteindre un niveau de recettes fiscales de 16 % du PIB à l’horizon 2019 (contre 12 % actuellement). Enfin, les fonds déclarés et rapatriés dans le cadre du programme d’amnistie resteront localisés en Indonésie pour une durée de trois années minimum. Les autorités indonésiennes espèrent ainsi soutenir l’investissement dans l’économie réelle et dans le système financier local.

3.2.2. Des dépenses de subventions énergétiques réduites et allouées aux dépenses en infrastructures

35 30 25 20 15 10 5

15 20 1120

-20 00 20

199

0-2

00

0

10

0

Sources : ministère des Finances indonésien et calculs de l’auteur.

Un programme d’amnistie fiscale mis en place Par ailleurs, le gouvernement indonésien a mis en place une loi d’amnistie fiscale en juillet 2016, visant à rapatrier les actifs indonésiens placés à l’extérieur (en trois phases, par pénalités ascendantes). Le stock (interne et externe) des actifs concernés par cette amnistie est évalué entre 300 et 400 Mds USD (représentant environ 40 % du PIB), dont 200 Mds USD seraient localisés à Singapour [ 24 ] . La première phase du programme d’amnistie fiscale qui a pris fin le 2 octobre 2016, a permis de rapatrier 10 Mds USD (soit au-dessous de l’objectif de 77 Mds USD fixé par le gouvernement). Ce programme a amélioré l’objectif de collection fiscale pour 2016, en contribuant à hauteur de 8 % des recettes fiscales du gouvernement central pour cette première phase (soit 0,9 % du PIB).

L’État indonésien alloue, en moyenne depuis 2000, environ 70 % des recettes budgétaires pour les dépenses du gouvernement central et le solde (soit 30 %) pour les régions. Les collectivités locales restent budgétairement très dépendantes de Jakarta, car seulement 10 % de leurs dépenses sont couvertes par leurs recettes propres. Ainsi, 90 % de leurs dépenses sont financées par les transferts émanant du gouvernement et se répartissant comme suit (en 2016) : 50 % de ces transferts sont issus du DAU (Dana Alokasi Umum) pour les dépenses courantes, 27 % par le DAK (Dana Alokasi Khusus) pour les dépenses d’investissement (contre 8,9 % en 2015), 14 % par le DBH (Dana Bagi Hasil) et 9 % pour le développement rural (seules les provinces d’Aceh et de la Papouasie bénéficiant d’un statut spécial sont concernées). Parmi les dépenses du gouvernement central, la charge de la dette reste stable (8 % des recettes totales depuis 2011, contre 24 % en 2000), en raison notamment d’une réduction importante des taux d’intérêt, comme les dépenses de personnel (15 % des recettes en moyenne). Jusqu’à l’année 2015, les subventions à l’énergie, en particulier aux produits pétroliers, ponctionnaient près de 20 % des recettes budgétaires totales de l’État (cf. MacroDev n°14, op. cit. pour plus de détails). Ces dernières ont été fortement réduites par le gouvernement de Joko Widodo en 2015, pour ne représenter que 5 % des recettes budgétaires en 2016 contre plus de 20 % en 2014 (cf. graphique 3.1 2). La suppression des subventions aux carburants était une promesse de campagne

[ 24] Le programme d’amnistie fiscale prévoit d’appliquer une pénalité de 2 % pour les fonds déclarés et rapatriés à l’issue de la première phase. Pour les fonds déclarés mais non encore rapatriés, une pénalité de 4 % est appliquée. Certaines banques singapouriennes auraient proposé aux détenteurs des actifs indonésiens localisés à Singapour de ne pas les rapatrier en Indonésie, et de supporter elles-mêmes l’écart de pénalité de 2 % (source : Service économique auprès de l’ambassade de France à Jakarta). Selon la banque publique indonésienne Mandiri, l’essentiel des actifs visés par le programme d’amnistie fiscale concernerait les fonds générés par les exportateurs indonésiens et placés à Singapour. Ces fonds sont transformés sous la forme de dépôts dans le secteur financier singapourien (actifs liquides) ou sous la forme d’actifs immobiliers (actifs donc peu liquides et partant plus difficilement rapatriables dans le cadre du programme d’amnistie).

24

© AFD / Macroéconomie & Développement / Août 2017


3 / Une dette publique soutenable, mais une base fiscale qui reste étroite

du candidat Joko Widodo à la fin de l’année 2013, qu’il a pu donc habilement appliquer après la contraction des cours du pétrole entamée en juin 2014.

Graphique 3.12. Subventions (en % des dépenses totales) ■ Énergie ■ Hors énergie

Pétrole

25 20 15 10 5

Enfin, le gouvernement indonésien encourage les entreprises publiques à augmenter leurs dépenses en investissements. Ainsi, les dépenses en capital de ces entreprises ont doublé en 2016, et il est prévu qu’elles augmentent de 35 % en 2017.

16

15

20

20

20

14

13 20

12 20

11 20

10

0

20

Cette économie sur le budget du gouvernement a permis le financement des projets d’infrastructures, carence structurelle de l’archipel (+0,9 point de PIB entre 2014 et 2016 – cf. graphique 3.12), et plus marginalement pour compenser la baisse des recettes fiscales issues du secteur énergétique. En comptabilisant les dépenses totales en capital – gouvernement central et transferts aux régions pour ce type de dépenses (DAK) –, le pays y consacre ainsi 2,6 % de son PIB en 2016 (17,3 % des dépenses totales), contre 1,8 % en 2011. Cet effort s’inscrit dans le cadre du programme de développement introduit par la nouvelle présidence (Medium-Term Development Plan 2015-2019), lequel prévoit un financement de 4 900 Mds IDR (environ 400 millions USD, soit plus de 40 % du PIB) pour les dépenses d’infrastructures [ 25 ] . Pour l’heure, la réalisation de ce plan est encore lente, en raison notamment des faiblesses techniques au niveau local. Le budget 2017 prévoit un effet de rattrapage avec une hausse de 22 % de ce type de dépenses.

Sources : ministère des Finances indonésien et calculs de l’auteur.

Graphique 3.13. Dépenses en capital (en %) ■ Dépenses en capital du gouvernement central (% dépense totale, échelle de gauche) ■ Dépenses en infrastructures des régions (% dépense totale, échelle de gauche) Dépenses en infrastructures total (en % du PIB, échelle de droite))

14

5,0 4,5

12

4,0

10

3,5

8

3,0 2,5

6

2,0

4

1,5 1,0

2

0,5 0,0

0 2011

2012

2013

2014

2015

2016

Sources : ministère des Finances indonésien et calculs de l’auteur.

[ 25 ] Le gouvernement indonésien a annoncé la transformation de la société financière publique PT Sarana Multi Infrastruktur (PT SMI) en banque publique d’investissement à l’horizon 2017, afin de soutenir le programme d’investissement du Bappenas et de garantir certains prêts dans le cadre de partenariats public-privé (PPP). La dotation en capital de cette banque publique serait de 30 à 40 trillions IDR (soit entre 2 et 3 Mds USD).

/ Indonésie : des réformes pour répondre aux enjeux de développement /

25


4 / Un système financier bien supervisé mais peu profond qui finance peu l’activité économique

Graphique 4.1. Crédit domestique au secteur privé en 2015 – comparaison régionale (en % du PIB) 160 140 120 100

60 50 40 30 20 10

15 20

10 20

05 20

00 20

5 199

0 199

5

0

198

En outre, le degré d’intermédiation bancaire – bien qu’en hausse tendancielle –, reste encore faible en Indonésie (39 % du PIB en 2015 – cf. graphique 4.1), et ce particulièrement en comparaison avec les autres pays de l’ASEAN (cf. graphique 4.2), reflétant ainsi la faible capacité du secteur bancaire à financer l’activité économique. Parallèlement, la captation des ressources de l’économie par le secteur bancaire apparaît insuffisante au regard des dépôts bancaires rapportés au PIB (plus de 40 % du PIB) et par comparaison avec les autres pays de l’Asie du Sud-Est (plus de 110 % du PIB en moyenne).

70

0

La crise asiatique de 1997-1998 a permis une profonde restructuration du système financier en général et du système bancaire en particulier, en réduisant fortement la taille de celui-ci (cf. MacroDev n°14, op. cit.). Le remarquable choc qu’a représenté cette crise se reflète aujourd’hui dans la taille limitée du secteur bancaire. Celui-ci est aussi caractérisé par sa grande concentration : les dix premières banques du pays détiennent 68 % des dépôts bancaires et représentent 65 % du secteur (cf. MacroDev n°14, op. cit.).

Crédit domestique au secteur privé (en % du PIB)

198

Graphique 4..2.

4.1. Un secteur bancaire concentré

Sources : WDI (Banque mondiale) et calculs de l’auteur.

La faiblesse du degré de l’intermédiation bancaire en Indonésie, mise en regard avec le niveau relativement élevé de l’investissement (près de 35 % du PIB en Indonésie, contre 25 % en moyenne dans l’A SEAN), interpelle. Une partie de l’investissement serait ainsi le fait de l’autofinancement des entreprises, des grands conglomérats indonésiens (possiblement à hauteur de 30-40 %), voire de groupes corporatistes (groupes familiaux, amicaux, professionnels). Aussi, selon le FMI, la part des prêts intra-groupes dans la dette externe des entreprises non financières est évaluée à 2/3 à la fin du mois de septembre 2016 [ 26 ] . La part du financement non intermédié n’est donc pas neutre et échappe, de par sa nature, à toute forme de supervision. Les autorités monétaires souhaitent accroître l’inclusion financière par la mise en place de programmes de protection sociale en faveur de la population qui, pour pouvoir en bénéficier, nécessiteraient de la part des citoyens (ménages) de disposer

80 60 40 20

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e

e

0

Sources : WDI (Banque mondiale) et calculs de l’auteur.

26

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[26 ] FMI, AIV, Selected Issues 2016. Selon les données de la Banque d’Indonésie, 1/3 de la dette externe du secteur privé est octroyée dans le cadre de financements entre maisons mères/sœurs et filiales. Celle-ci représente 50 Mds USD, soit 5,5 % du PIB. Le FMI considère que la large part des prêts intra-groupes réduit le risque de roll over.


4 / Un système financier bien supervisé mais peu profond

d’un compte bancaire. L’objectif affiché paraît ambitieux, puisque l’on table sur une proportion de la population détenant un compte bancaire devant atteindre 75 % à l’horizon 2018, contre 20 % aujourd’hui.

plus accommodante en 2016, caractérise des déficiences sur les mécanismes de transmission cette politique monétaire vers l’économie réelle. Ces déficiences pourraient être résolues par l’introduction récente d’un nouvel outil de politique monétaire (cf. infra section 4.3.2.).

4.2. Rentabilité élevée du secteur bancaire,

Graphique 4.3.

en lien avec la forte sélectivité des banques

Évolution du volume des crédits en ga (en %)

4.2.1. Une dynamique des crédits au secteur privé qui marque le pas

Total des crédits Crédits au secteur privé Crédits au secteur public 25

L’analyse de la structure des ressources des banques laisse apparaître que les dépôts en constituent l’essentiel, à hauteur de 90 % (majoritairement à vue), et que cette part se consolide au fil des années, ce qui constitue un signe de stabilité du secteur bancaire. Aussi, les banques indonésiennes cherchent à diversifier leurs ressources, en étant les premiers émetteurs sur le marché obligataire domestique. Après un cycle haussier, succédant à la crise internationale de 2009, l’activité de crédit a fortement décéléré à partir de 2013 : +13 % en volume en ga entre 2010 et 2013, puis +6 % entre 2014 et 2016 (cf. graphique 4.3). Cette décélération est pour partie la conséquence d’une politique monétaire restrictive mise en place par la Banque centrale (BI) en 2013, pour réduire le mouvement dépréciatif de la roupie (cf. infra section 4.3.2.) et pour également freiner la vigueur de la demande interne. En effet, l’objectif de la Banque d’Indonésie était de réduire particulièrement la demande des ménages, dont le contenu en termes d’importations est important, dans un contexte d’émergence du déficit courant de la balance des paiements au milieu de l’année 2011. La croissance des crédits au secteur privé n’a pas retrouvé le rythme qui prévalait avant 2013, malgré le retour d’une politique de soutien de la demande interne en 2016, introduite par la réduction progressive du taux d’intérêt directeur de 150 points de base (croissance des crédits corrigée de l’inflation à 2 % en ga en octobre 2016, contre 5,6 % en décembre 2015 et 7,4 % en moyenne sur l’année 2014). Le ralentissement des crédits en 2016 est la traduction d’une moindre demande de crédit, car l’activité économique globale a décéléré en 2014 et 2015. Du côté de l’offre de crédit, la hausse des prêts non performants (cf. section suivante) a conduit les banques commerciales à être plus sélectives [ 27 ] . Enfin, la poursuite du ralentissement de la croissance des crédits en volume, malgré une politique monétaire

20 15 10 5 0 -5 -10 2011

2012

2013

2014

2015

2016

Sources : International Financial Statistics (IFS) et calculs de l’auteur / dernier point : octobre 2016.

Graphique 4.4. Ventilation sectorielle du volume des crédits (en % du total des crédits) ■ Secteur public ■ Secteur privé 1 0,9 0,8 0,7 0,6 0,5 0,4 0,3 0,2 0,1 0 2005

2007

2009

2011

2013

2015

Sources : IFS et calculs de l’auteur / dernier point : octobre 2016.

[ 27 ] Bank Indonesia, Monetary Policy Review, décembre 2016.

/ Indonésie : des réformes pour répondre aux enjeux de développement /

27


4.2.2. Bonne rentabilité du secteur bancaire indonésien, mais hausse des prêts non performants Le ralentissement de l’activité économique en Indonésie entre 2012 et 2015 a affecté les encours de crédits en direction des secteurs de l’agriculture, manufacturier et des mines. Cela s’est traduit par une hausse des prêts non performants à hauteur de 3 % du total des encours de crédits au second trimestre 2016,

contre 1,7 % en 2013 (cf. tableau 4.1). Ce ratio reste toutefois convenable, d’autant que les provisions des prêts non performants restent à un bon niveau. En outre, le ratio de solvabilité bancaire (capital réglementaire sur actifs pondérés du risque) est élevé et reste bien supérieur à la norme imposée par la réglementation bancaire issue des Accords de Bâle II et Bâle III (respectivement 8 et 10,5 %), ce qui permet au secteur bancaire indonésien d’absorber les chocs.

Tableau 4.1. Ratios bilanciels du secteur bancaire (en %) 2010

2011

2012

2013

2014

T2 2016

2015

Capital réglementaire sur actifs pondérés du risque (CAR) 16,2 16,1 17,3 19,8 18,7 21,3 21,2 Taux de prêts non performants

2,5 2,1 1,8 1,7 2,1 2,4 3,0

Taux de provision des prêts non performants

57,1 60,7 52,0 50,9 46,8 51,5 51,8

Rendement de l’actif (ROA [ 28 ] )

2,7 2,3 3,1 3,1 2,7 2,2 2,2

Rendement des fonds propres (ROE [ 29 ] )

26,1 20,3 25,3 24,5 21,3 17,3 15,4

Sources : Banque d’Indonésie (BI) et calculs de l’auteur.

Bien que le rendement de l’actif (ROA – Return on Assets) s’inscrive légèrement en baisse depuis 2013, il reste à un bon niveau, en lien avec le niveau élevé des marges d’intérêt des principales banques indonésiennes. Celles-ci sont proches de 5 % et restent parmi les plus élevées de la région Asie du SudEst. En outre, le rendement des fonds propres (ROE – Return on Equity) est très satisfaisant, bien qu’il soit en diminution depuis 2010. Ceci correspond à la recapitalisation du secteur bancaire opérée en 2010 et 2011, ayant conduit à un renforcement des fonds propres des principales banques commerciales de la place.

Graphique 4.5. Marge d’intérêt et taux interbancaire à 3 mois (en %) Taux interbancaire à 3 mois (JIBOR) Taux sur les dépôts à 3 mois Taux prêteur à 3 mois 14 13 12 11 10 9 8 7 6 5 4 2010

2011

2012

2013

Sources : BI, IFS et calculs de l’auteur.

[28 ] Return on Assets. [ 29] Return on Equity.

28

© AFD / Macroéconomie & Développement / Août 2017

2014

2015

2016

2017


4 / Un système financier bien supervisé mais peu profond

4.3. Régulation satisfaisante du système

financier, mais une exposition à la hausse des taux d’intérêt de la Fed demeure

4.3.1. La supervision bancaire reste satisfaisante et conforme aux critères internationaux Le système financier indonésien relève principalement de la responsabilité des deux institutions suivantes :

• (i) l’OJK (Otoritas Jasa Keuangan) a la responsabilité de

règlementer et de superviser les entreprises financières, les compagnies d’assurance, les fonds de pension et les sociétés de valeurs mobilières (auparavant sous la responsabilité de l’agence Bapepam-LK [ 30 ] ), ainsi que la supervision du système bancaire ;

• (ii) la Banque centrale – la Banque d’Indonésie (BI – Bank

Indonesia) –, dont l’indépendance est garantie juridiquement, a la responsabilité de la régulation du système bancaire du pays et d’une partie de la supervision du système. Les deux institutions (OJK et BI) prévoient de travailler en étroite collaboration, la surveillance microéconomique relevant de l’OJK d’une part, et la supervision macroprudentielle de la BI d’autre part (cf. MacroDev n°14, op. cit. pour plus de détails). Les règles prudentielles sont de plus en plus renforcées avec la mise en œuvre en 2012 des trois piliers de la réglementation Bâle II. Depuis 2014, l’application des principes de la réglementation Bâle III est en cours et devrait être parachevée en 2018. En mars 2016, le Parlement indonésien a adopté un nouveau cadre légal pour renforcer la stabilité du système financier (Financial System Crisis Prevention and Mitigation Law). Cette loi arrête la liste des banques à caractère systémique au nombre de dix (cf. supra section 4.1.) et introduit une base légale de réponse en cas de crise bancaire ainsi qu’une plus grande coordination dans la réponse à mener entre la BI, l’OJK et la LPS [ 31 ] (Indonesia Deposit Insurance Corporation). Elle devrait être opérationnelle avant le mois d’avril 2017.

Parallèlement, la hausse rapide du taux d’endettement externe (+10 points de PIB entre 2010 et 2015) a conduit la BI à renforcer son cadre macroprudentiel, en particulier sur les mécanismes de couverture. Ainsi, pour pouvoir s’endetter en monnaie étrangère vis-à-vis de l’extérieur, une entreprise devra : (i) être cotée a minima BB- par une agence de notation, (ii) avoir un ratio de couverture sur les emprunts libellés en devises étrangères de 25 % minimum, et (iii) avoir un ratio de liquidité sur les actifs et les passifs de court terme libellés en devises étrangères de 70 % minimum. Afin de limiter la volatilité du taux de change de la roupie indonésienne par rapport au dollar américain et ses implications en termes de flux de capitaux entrants et sortants, la BI a introduit plusieurs mesures. L’usage du dollar comme moyen de paiement pour les transactions internes est proscrit depuis juillet 2015 (loi sur l’utilisation obligatoire de la roupie pour les transactions financières), et les achats quotidiens de dollars sans collatéral (transactions « en blanc ») sont limités.

4.3.2. Les outils de la politique monétaire à l’épreuve de la dépréciation de la roupie De nouveaux outils de politique monétaire La politique monétaire de la Banque d’Indonésie est articulée autour de la réalisation d’un objectif majeur, celui de maintenir la stabilité de la roupie. Celle-ci est définie, entres autres, par la stabilité des prix des biens et services, dont l’instrument principal pour y répondre est le taux d’intérêt directeur (cf. MacroDev n°14, op. cit.). Dans un contexte de tensions inflationnistes aiguës en 2013 et 2014 (7- 8 % en ga) et de forte dépréciation de la roupie par rapport au dollar, la Banque d’Indonésie avait décidé de resserrer sa politique monétaire. La conséquence fut le ralentissement de la croissance des crédits à l’économie à partir de l’année 2013. Puis, à la faveur du ralentissement de l’inflation (3 % en décembre 2016 en ga) et de la demande interne, la Banque d’Indonésie a baissé à cinq reprises en 2016 son taux d’intérêt directeur (cf. graphiques 4.6 et 4.7).

[30 ] Badan Pengawas Pasar Modal dan Lembaga Keuangan. [ 31 ] Lembaga Penjamin Simpanan.

/ Indonésie : des réformes pour répondre aux enjeux de développement /

29


Graphique 4.6.

Graphique 4.7.

Cible d’inflation et taux d’inflation (en %)

Taux interbancaire (Overnight, JIBOR) et taux directeur (en %)

Taux d’inflation Cible d’inflation : taux plafond Cible d’inflation : taux plancher

Taux interbancaire Taux d’intérêt directeur

20,0

8,5

17,5

8,0 7,5

15,0

7,0

12,5

6,5

10,0

6,0 5,5

7,5

5,0

5,0

4,5

2,5

4,0

0,0

3,5 2006

2008

2010

2012

2014

2016

2010

Sources : BI et calculs de l’auteur.

2011

2012

2013

2014

2015

2016 2017

Sources : BI et calculs de l’auteur.

Depuis 2010, un écart entre le taux d’intérêt directeur et le taux interbancaire Overnight de 200 points de base est observé (cf. graphique 4.7). Il est le fait de l’écart significatif entre les taux de facilité de dépôt et de crédit. Il caractérise

notamment l’excès de liquidité sur le marché lié aux flux de capitaux entrants et la faiblesse de la transmission du taux d’intérêt directeur aux banques commerciales sur le marché monétaire et à l’économie réelle.

Graphique 4.8. Taux de facilité de dépôt (FASBI [ 32 ] ), taux de facilité de crédit (Kurs Transaksi), taux interbancaire (JIBOR) et taux d’intérêt directeur de la Banque d’Indonésie (en %) BI Rate

FASBI (Overnight)

JIBOR

Kurs Transaksi (RHS)

Source : Banque d’Indonésie (BI)..

[32 ] Financial Accounting Standards Board Interpretations.

30

© AFD / Macroéconomie & Développement / Août 2017

Janvier 2016

Octobre 2015

Juillet 2015

Avril 2015

Janvier 2015

Octobre 2014

Juillet 2014

Avril 2014

Janvier 2014

%

Octobre 2013

2 000

Juillet 2013

2,00

Avril 2013

4 000

Janvier 2013

3,00

Octobre 2012

6 000

Juillet 2012

4,00

Avril 2012

8 000

Janvier 2012

5,00

Octobre 2011

10 000

Juillet 2011

6,00

Avril 2011

12 000

Janvier 2011

7,00

Octobre 2010

14 000

Juillet 2010

8,00

Avril 2010

16 000

Janvier 2010

9,00

Rp/$


4 / Un système financier bien supervisé mais peu profond

Aussi, afin d’améliorer la transmission de sa politique monétaire, la Banque centrale indonésienne a adopté, en août 2016, un nouvel instrument de politique monétaire : le 7-day reverse repo rate (cf. graphique 4.9). C’est un taux d’intérêt de court terme à partir duquel les banques commerciales peuvent emprunter auprès de la Banque d’Indonésie. La durée limite entre les deux transactions est ainsi réduite à sept jours, contre un an précédemment. Ce nouvel instrument permet de réduire l’écart entre les taux de facilité de dépôt et de prêt, et de renforcer ainsi les incitations vis-à-vis des banques commerciales (et, par transitivité, d’améliorer l’efficacité des mécanismes de transmission de la politique monétaire sur l’offre de monnaie).

Graphique 4.10. Taux de change USD/IDR (IDR, échelle inversée) 8 000 9 000 10 000 11 000 12 000 13 000 Dépréciation

14 000

Graphique 4.9.

BI Rate BI 7-day (Reverse) Repo Rate

17

16

20

20

15 20

13

14 20

12

20

11

20

20

20

20

09

08 20

20

07

Taux d’intérêt directeur de la Banque d’Indonésie (en %)

10

15 000

Sources : BI et calculs de l’auteur / dernier point : mai 2017.

6,75

Graphique 4.11.

6,50

Taux de change effectif réel (indice, IDR)

6,25 6,00

105

5,75 5,50

100

5,25

95

5,00

90

2016

i Ma

rs Ma

r vie Jan

bre vem No

bre Sep

tem

llet Jui

Ma

i

4,75

85 80

2017

Tensions amoindries sur la roupie indonésienne, mais une exposition à la hausse des taux d’intérêt de la Fed

17 20

16 20

15 20

13

14 20

20

12 20

11 20

10 20

09 20

20

20

07

Source : Banque d’Indonésie (BI).

08

75

Sources : BI et calculs de l’auteur / dernier point : mars 2017.

En mai 2013, après l’annonce par la Réserve fédérale américaine (Fed) de mettre possiblement un terme à sa politique monétaire non conventionnelle, la roupie indonésienne s’est dépréciée fortement par rapport au dollar américain (cf. MacroDev n°14, op. cit.). Entre mai 2013 et juillet 2015, la devise indonésienne a ainsi perdu près de 40 % de sa valeur nominale par rapport au dollar américain (8 % en termes réels), reflétant un mouvement de sortie de capitaux et les déséquilibres croissants sur le compte courant de la balance des paiements (cf. graphiques 4.10 et 4.11).

Depuis lors, les tensions se sont amoindries, et une inflexion est observée. Celle-ci se caractérise par un retour des capitaux étrangers en Indonésie (flux de portefeuille en particulier) et, de surcroît, par la confiance des investisseurs étrangers pour les bons du Trésor, s’inscrivant dans un contexte macroéconomique local en amélioration (cf. graphique 4.12). Alors que le marché financier indonésien est peu profond, les rendements obligataires du gouvernement indonésien apparaissent primordiaux pour attirer des flux de capitaux étrangers. Aussi, en comparaison régionale, les rendements des bons du Trésor indonésien figurent parmi les plus attractifs (cf. graphique 4.13).

/ Indonésie : des réformes pour répondre aux enjeux de développement /

31


Graphique 4.12.

Graphique 4.13.

Indice boursier, rendement obligataire du gouvernement et taux de change

Rendement des bons du Trésor indonésien à 10 ans (comparaison régionale, en %)

Inde Malaisie

Taux de change IDR/USD (base 100 = janvier 2013), échelle de gauche Indice boursier de Jakarta (base 100 = janvier 2013), échelle de gauche Rendement des bons du Trésor à 10 ans (en %), échelle de droite

9 8 10,0

130

9,5 9,0

120

8,5

7 6 5

110

8,0

4

100

7,5

3

90

7,0

2

6,5

1

80

6,0

70

5,5

60

5,0 2014

2015

2016

Vietnam Indonésie

10

140

2013

Philippines Thaïlande

2017

2013

2014

2015

2016

2017

Sources : BI, MacroBond et calculs de l’auteur.

Sources : BI et calculs de l’auteur.

Dans les prochains mois, un des défis majeurs de la Banque d’Indonésie sera le pilotage de sa politique monétaire, actuellement expansionniste, afin de maintenir le différentiel de taux d’intérêt avec celui de la Fed, en anticipant la remontée

32

© AFD / Macroéconomie & Développement / Août 2017

prochaine et progressive du taux d’intérêt directeur de cette dernière. Un défi auquel la Banque d’Indonésie semble être préparée et qui dispose d’instruments pour y répondre.


5 / Résorption des déséquilibres extérieurs

Graphique 5.2.

5.1. Un besoin de financement externe

qui s’amoindrit

Exportations et importations de biens et services en glissement annuel (en %)

5 .1 .1 . Résorption conjoncturelle du déficit du compte courant L’Indonésie reste un archipel dont l’économie est peu ouverte à l’extérieur. Le degré d’ouverture de son économie, parmi les plus faibles de sa région d’appartenance, est évalué à 33 % du PIB en 2015, en baisse tendancielle depuis le début des années 2000. Après la crise asiatique de 1997-1998, le solde du compte courant de la balance des paiements a enregistré des excédents durant 14 années avant la création d’un déficit au milieu de l’année 2011 (cf. MacroDev n°14, op. cit. pour plus de détails).

Importations biens et services Exportations biens et services 40 30 20 10 0 -10 -20 -30 -40

Graphique 5.1.

-50 2011

Solde du compte courant de la balance des paiements (en % du PIB)

2014

2015

2016

2017

15

Le déficit courant de la balance des paiements se réduit de 1 point de pourcentage de PIB, passant de 3,1 % en 2013 à 2,1 % en 2015, principalement en raison d’un ajustement récessif des importations (cf. graphique 5.2). Celles-ci se sont effet contractées significativement (-21 % en 2015), en raison du ralentissement de la demande interne (dont le contenu en importations est significatif), alors que la baisse des exportations suite à l’orientation défavorable des cours des matières premières, est moins franche (-15,4 % en 2015). En 2016, le déficit du compte courant est prévu autour de 2,1-2,3 % du PIB (cf. graphiques 5.3 et 5.4).

20

10 20

05 20

20

00

5 199

0 199

5 198

0

2013

Sources : BI et calculs de l’auteur.

5 4 3 2 1 0 -1 -2 -3 -4 -5 -6 -7

198

2012

Sources : WEO et calculs de l’auteur.

/ Indonésie : des réformes pour répondre aux enjeux de développement /

33


Graphique 5.3.

Graphique 5.4.

Composition du solde courant (en % du PIB)

Composition du solde commercial (en % du PIB)

16

Sources : BI et calculs de l’auteur.

5 .1 . 2 . La forte concentration des matières premières dans les exportations de biens reste une source de vulnérabilité Les exportations de biens sont composées essentiellement par les ressources naturelles (60 % des exportations de biens – cf. MacroDev n°14, op. cit. pour plus de détails). Les quatre principaux produits d’exportation indonésiens pèsent en valeur 45 % des exportations totales (gaz et pétrole, charbon, huile de palme, caoutchouc) – cf. graphique 5.5.

20

10 20

20

20

20

20

20

20

20

Sources : BI et calculs de l’auteur.

15

-2

20

-6

14

-1

20

-4

13

0

20

-2

20

1

16

0

15

2

14

2

13

3

12

4

11

4

10

6

12

■ Solde pétrole et gaz ■ Solde hors pétrole et gaz Solde commercial

11

■ Services

20

■ Transferts courants ■ Revenu ■ Biens Solde courant

Graphique 5.5. Structure des exportations de biens (en %) ■ Caoutchouc ■ Mines ■ Pétrole et gaz (brut et raffiné) ■ Huile de palme Total 60 50 40 30 20 10

Sources : BI et calculs de l’auteur.

34

© AFD / Macroéconomie & Développement / Août 2017

15 20

13 20

11 20

09 20

07 20

20

05

0


5 / Résorption des déséquilibres extérieurs

La contraction des cours des matières premières entamée en 2012 a donc eu pour conséquence la détérioration des termes de l’échange du pays (cf. graphiques 5.6 et 5.7). Toutefois, l’orientation plus favorable des cours des métaux, de l’huile de palme et du caoutchouc en 2016, ont amélioré les termes de l’échange de l’Indonésie.

Graphique 5.7. Termes de l’échange (base 100 = 2000) 140 135 130 125

Graphique 5.6.

120

Cours des matières premières (base 100 = 2000) Pétrole Caoutchouc

115 110

Nickel Métaux Huile de palme

105 100

800

2003

700 600

2005

2007

2009

2011

2013

2015

Sources : UNCTAD [ 33 ] et calculs de l’auteur estimation pour l’année 2016).

500 400

5.1.3. Un besoin de financement externe qui se réduit et dont la couverture devient exposée à la volatilité des flux de financement externe

300 200 100 0 2000

2002

2004

2006

2008

2010

2012

2014

2016

Sources : Banque mondiale, Bank of New-York, OCDE et calculs de l’auteur.

Après 14 années d’excédents du solde du compte courant, l’émergence depuis le milieu de l’année 2011 du déficit courant contribue à la hausse du besoin de financement externe (BFE) [ 34 ] de l’Indonésie. Celui-ci a augmenté de plus de cinq points de PIB entre 2010 et 2013 (à 7 % du PIB), avant de se réduire suite essentiellement à un ajustement récessif des importations. Il pourrait représenter entre 3 et 4 % du PIB pour l’année 2016 (cf. tableau 5.1).

[33 ] United Nations Conference on Trade and Development (CNUCED – Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement). [34 ] Le besoin de financement externe (BFE) est défini comme la somme du solde courant hors dons et de l’amortissement de la dette externe. Dans le cas de l’Indonésie, le BFE ressort faible : 6 % du PIB en moyenne depuis 2011.

/ Indonésie : des réformes pour répondre aux enjeux de développement /

35


Tableau 5.1. Besoin de financement externe (BFE) et couverture du BFE (en % du PIB) 2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016 *

1 – Solde du compte courant hors dons

0,6 0,2 -2,7 -3,2 -3,1 -2,1 -2,1

2 – Amortissement de la dette externe

-2,5 -3,0 -4,0 -3,8 -3,8 -4,0 -3,0

Besoin de financement externe Couverture du BFE

1,8 2,8 6,7 7,0 6,9 6,1 5,0 5,6 4,7 6,6 6,6 9,0 7,2 4,5

1 – Flux non générateur de dettes

3,3 1,8 2,5 2,6 4,6 3,2 4,3

a – IDE

1,5 1,3 1,5 1,3 1,7 1,3 1,5

b – Flux de portefeuille

1,7 0,4 1,0 1,2 2,9 1,9 2,8

c – Dons

0,0 0,0

2 – Flux générateur de dettes

2,5 3,3 4,1 4,1 4,7 4,1 0,3

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

3 – Erreurs et omissions

-0,2 -0,4 0,0 0,0 -0,2 0,0 -0,1

Variation des réserves (+/- = une variation positive/négative)

-3,7 -1,9 0,1 0,4 -2,1 -1,2 0,5

Sources : BI et calculs de l’auteur (* données estimées à partir des trois premiers trimestres de l’année 2016).

Le besoin de financement externe de l’Indonésie reste donc faible. Sa couverture peut, en revanche, potentiellement devenir problématique à plus long terme. En effet, les investissements directs étrangers (IDE) et les investissements de portefeuille restent relativement bas en part du PIB et ne contribuent que faiblement au financement externe de l’économie depuis le début des années 2000 (respectivement 1,4 et 1,5 % en moyenne depuis 2011). De telle sorte que c’est par le biais d’émission(s) de dette externe et/ou par le puisement dans les réserves de change que le différentiel de financement est assuré (cf. graphique 5.8). À moyen terme, l’économie indonésienne est exposée à la remontée des taux d’intérêt américains, car le différentiel de taux est un des facteurs déterminants de flux entrants (cf. FMI, Selected Issues, 2016).

Graphique 5.8. Besoin de financement externe (en % du PIB) ■ Émission de dette ■ IP ■ IDE BFE 10 9 8 7 6 5 4 3 2 1

16 20

15 20

14 20

13 20

12 20

11 20

20

10

0

Sources : BI et calculs de l’auteur (estimation de l’auteur pour l’année 2016).

36

© AFD / Macroéconomie & Développement / Août 2017


5 / Résorption des déséquilibres extérieurs

Graphique 5.10.

externe restent satisfaisantes

Dette extérieure privée par entités (Mds USD)

175 150 125 100 75 50 25

16 20

15 20

14 20

13 20

12 20

11 20

10 20

09 20

20

08

0

Sources : BI et calculs de l’auteur.

La position extérieure nette de l’Indonésie suit une dynamique négative qui reflète l’accroissement de ses passifs vis-à-vis de l’extérieur, en raison d’une hausse de ses engagements (cf. graphique 5.11). Le pays est donc dépendant de l’épargne étrangère pour financer la dynamique de son déficit du compte courant et de ses investissements. Ces passifs nets extérieurs représentent 42,5 % du PIB en 2015, soit près de 7 points de plus que la dette externe totale (laquelle est comprise dans la NIIP – Net International Investment Position).

Graphique 5.9. Dette extérieure totale (en % du PIB) ■ Total

■ Banques ■ Entreprises + Joint Venture ■ Non-résidents ■ Entreprises publiques

07

Depuis 2010, la dette externe s’inscrit donc sur une tendance haussière et représente 36,1 % du PIB en 2015 (après 25,2 % en 2010), dont pour un tiers en rapport avec le gouvernement central (cf. graphique 5.9). Pour une grande part, cette hausse est le fait des entreprises publiques du secteur énergétique – PLN, Pertamina dont le champ n’est pas compris dans la dette externe du gouvernement –, du secteur privé et de la dépréciation de la roupie (stock de la dette externe des entreprises publiques ressortant à près de 28 Mds USD au 3 e trimestre 2016, soit représentant plus de 3 % du PIB – cf. graphique 5.10). La devise indonésienne a perdu 35 % de sa valeur nominale par rapport au dollar américain depuis mai 2013, mais connaît une inflexion depuis la mise en place de mesures par la Banque d’Indonésie (cf. supra partie 4). Celle-ci, ajoutée à une modération de la hausse de la dette externe en valeur nominale et à une accélération du rythme de croissance, contribuent ensemble à faire diminuer légèrement le taux d’endettement externe en 2016 (à 34 % du PIB, selon les premières estimations).

20

5.2. La liquidité et la solvabilité du secteur

■ Publique

40 35 30 25

Enfin, la liquidité externe reste confortable (réserves à plus de 8 mois d’importations de biens et services en moyenne, soit représentant deux fois la dette de court terme) et favorablement orientée (cf. graphique 5.12).

20 15 10 5 0 2011

2012

2013

2014

2015

2016

Sources : WEO et calculs de l’auteur (projection du FMI pour l’année 2016).

/ Indonésie : des réformes pour répondre aux enjeux de développement /

37


Graphique 5.11.

Graphique 5.12.

Position extérieure nette de l’Indonésie (Mds USD)

Liquidité en devises ■ En Mds USD (échelle de gauche) En mois d’importations (échelle de droite)

■ Position extérieure nette (NIP) Passifs extérieurs Avoirs extérieurs

60

6

40

4

0

20

2

-100

0

0

16 20

14 20

12 20

10 20

08 20

06 20

04 20

20

02

-400

Sources : BOPS (FMI) et calculs de l’auteur.

38

© AFD / Macroéconomie & Développement / Août 2017

Sources : BI et calculs de l’auteur.

20

20

20

20

20

20

-300

20

20

06

-200

20

100

20

200

16

8

15

80

300

14

400

13

10

12

100

500

11

12

09 20 10

120

700 600

08

14

07

140


Liste des sigles et abréviations AIE

Agence internationale de l’Énergie

AIV

Article IV du FMI

ASEAN Association of Southeast Asian Nations (Association des nations de l’Asie du Sud-Est)

LPS

Lembaga Penjamin Simpanan (Indonesia Deposit Insurance Corporation)

NIIP

Net International Investment Position

OCDE

Organisation de coopération et de développement économiques Otoritas Jasa Keuangan (Autorité de régulation/supervision du secteur bancaire et financier indonésien)

BFE

Besoin de financement externe

BI

Bank Indonesia (Banque centrale d’Indonésie)

BPS

Badan Pusat Statistik

OJK

BRICS

Brazil, Russia, India, China, South Africa

ONGI

Organisation non gouvernementale internationale

BP

British Petroleum

PDI-P

Partai Demokrasi Indonesia Perjuangan (Parti démocratique indonésien de lutte)

CAR

Capital réglementaire sur actifs pondérés du risque (ratio de solvabilité bancaire)

PIB

Produit intérieur brut

DEP

Département Diagnostics économiques et Politiques publiques (AFD)

FASBI Financial Accounting Standards Board Interpretations

ppa (en) En parité de pouvoir d’achat PPP

Partenariat public-privé

PRI

Pays à revenu intermédiaire (Banque mondiale)

PRITI

Pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure (Banque mondiale)

ROA

Return on Assets (rendement de l’actif)

ROE

Return on Equity (rendement des fonds propres)

tep

Tonne d’équivalent pétrole United Nations Conference on Trade and Development (CNUCED – Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement)

Fed

Federal Reserve System (Banque centrale des États-Unis)

FBCF

Formation brute de capital fixe

FMI

Fonds monétaire international

ga (en)

En glissement annuel

IDE

Investissement direct étranger

IDR

Roupie indonésienne ou rupiah (unité monétaire de l’Indonésie)

UNCTAD

IFS

International Financial Statistics

USD

Dollar américain

KPK

Komisi Pemberantasan Korupsi (Commission d’éradication de la corruption)

VA

Valeur ajoutée

WDI

World Development Indicators (Banque mondiale)

WEO World Economic Outlook

/ Indonésie : des réformes pour répondre aux enjeux de développement /

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MACRODEV (Macroéconomie & Développement) Cette collection a pour vocation de présenter les travaux menés par les économistes de l’AFD dans le champ de la macroéconomie du développement. Elle propose des analyses centrées sur un pays, sur une région ou sur des enjeux de nature macroéconomique liés aux processus de développement. Les analyses et conclusions de ce document sont formulées sous la responsabilité de son auteur. Elles ne reflètent pas nécessairement le point de vue de l’AFD ou de ses institutions partenaires.

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© AFD / Macroéconomie & Développement / Août 2017

Directeur de la publication : Rémy Rioux Directeur de la rédaction : Gaël Giraud Agence Française de Développement 5, rue Roland Barthes – 75598 Paris cedex 12 Tél. : 33 (1) 53 44 31 31 – www.afd.fr

Dépôt légal : 3 e trimestre 2017 ISSN : 2116-4363

Conception et réalisation : Ferrari/Corporate – Tél . : 01 42 96 05 50 – J. Rouy/ Coquelicot

B anque d ’I ndonésie (2015), Rapport annuel.


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