Les politiques du logement dans les Suds : quelles alternatives à l’endettement des ménages ?

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1.

Réformer

les

politiques

publiques

du

logement : prérequis et circulation des

« bonnes pratiques »

La mise en place des instruments d’action publique présentés dans ce papier nécessite, dans la majorité des cas, une large réforme des politiques du logement, et parfois une remise en cause de leur approche, dont les principaux prérequis sont identifiés dans cette première partie. Aussi, le transfert de dispositifs techniques et financiers et d’éventuelles bonnes

pratiques nécessite d’avoir en tête quelques éléments théoriques et opérationnels sur les conditions de leur réussite, et parfois de leur échec. 1.1 Une série de prérequis à la fabrique de nouvelles politiques du logement

Les politiques publiques sont appelées à jouer un rôle essentiel pour organiser et accompagner, directement et indirectement, la diversification des systèmes nationaux et

locaux de production du logement. Les instruments légaux, financiers, fiscaux, réglementaires ou opérationnels des États et des collectivités représentent des leviers essentiels pour agir sur

les stratégies, les comportements et les décisions, notamment économiques, des ménages d’une part, et des différents acteurs du financement et de la production du logement, d’autre

part. Ces derniers sont habituellement regroupés en trois grandes catégories : les acteurs publics ; les acteurs privés ; et les acteurs coopératifs, associatifs et mutualistes

(Arnaud, 1990).

À cet égard, réformer les politiques publiques du logement requiert une série de mutations dans la philosophie et la fabrique même des instruments d’action publique. Alors que le

tournant néolibéral des années 1980 a fortement fait évoluer les cadres de pensée, les objectifs et les outils d’intervention des États dans le secteur de l’habitat, l’enjeu est aujourd’hui

de constituer une action publique globale, capable de diversifier l’offre de logements et intégrée aux autres volets sectoriels des politiques urbaines (mobilité, environnement,

développement économique, etc.). Cette transformation requiert au moins sept principes pour l’action publique.

1. Il s’agit d’affirmer que le logement est un droit humain avant d’être une marchandise ou un

actif financier, et que sa valeur d’usage et sa « fonction sociale » doivent prévaloir sur sa valeur d’échange, conformément au texte des Objectifs de Développement durable ou du Nouvel Agenda Urbain de Quito (2016) 2. Or dans la plupart des pays, l’objectif social est passé au second rang, les secteurs de l’immobilier résidentiel et de la construction étant promus

comme vecteurs fondamentaux de croissance économique et de création d’emplois. En effet, la primauté accordée aux objectifs économiques et financiers visait à encourager la

constitution d’un capital pour les accédants, la bancarisation des ménages modestes, et le développement de la dette privée et des marchés financiers locaux. De plus, des objectifs environnementaux doivent désormais être intégrés aux politiques du logement, tant sur les questions de performance énergétique des bâtiments que de consommation et d’artificialisation du sol.

2 Les principaux accords en la matière sont l’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, l’Objectif du Développement Durable n°11.1 des Nations Unies, la Déclaration de Vancouver sur les établissements humains (Habitat I) de 1976, la Déclaration d’Istanbul sur les établissements humains (Habitat II) de 1996, et la Déclaration de Quito sur les villes et les établissements humains viables pour tous (Nouveau Programme pour les Villes) (Habitat III) de 2016.

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