2. Repenser l’accession à la propriété immobilière : de l’inclusion des ménages vulnérables à l’expérimentation des communs urbains Intéressons-nous maintenant au premier des deux grands enjeux propres à la diversification
des politiques du logement : la mise en place de dispositifs d’accession à la propriété plus inclusifs que les filières bancarisées traditionnelles. En effet, les filières reposant sur l’octroi d’un
crédit bancaire demeurent inaccessibles pour de nombreux ménages dans les pays à revenu intermédiaire, même lorsqu’elles bénéficient de subventions. Aussi, une première série de
dispositifs vise à permettre à des ménages aux revenus informels ou irréguliers d’accéder à la propriété pleine et individuelle. C’est le cas des programmes de régularisation des titres fonciers et d’autoconstruction partielle et encadrée. Une seconde série de dispositifs propose le développement de solutions d’accession qui reposent sur des formes de propriété indirectes ou collectives en rupture avec les mécanismes de marché et l’idéologie « néopropriétariste » dominante. C’est notamment le cas des programmes d’habitat
coopératif et de foncier solidaire. Si les mécanismes et le caractère inclusif de ces programmes demeurent variables d’un pays à l’autre, certaines tendances se dégagent néanmoins sur les stratégies d’intervention utilisées, et sur les instruments d’action publique mobilisés.
2.1 Les filières d’accession à la propriété « par le bas » : régularisation des titres fonciers et autoconstruction encadrée Qu’importent les mécanismes d’aide mis en œuvre (taux bonifiés, garanties, etc.), l’accession
bancarisée à la propriété ne peut être une solution de logement réaliste pour les ménages à faibles ressources – souvent informelles et/ou irrégulières – des déciles de revenu 13 1 et 2,
parmi lesquels on trouve, par exemple, des populations réfugiées et des travailleurs migrants. Ces ménages sont généralement dépendants des marchés informels du logement, renforçant leur exposition à une grande précarité sociale et une insécurité foncière. La nature des politiques publiques adéquates pour ces ménages est l’objet de débats et de controverses dans les pays à revenu intermédiaire, et également dans les pays à bas revenu. Si le développement de solutions locatives formelles demeure l’une des priorités, les filières
d’accession à la propriété « par le bas » peuvent continuer d’apporter des solutions dans les secteurs formel comme informel (Comby, 2007). C’est notamment le cas des programmes de
régularisation des titres de propriété dans des quartiers jusqu’alors informels, et des dispositifs d’autoconstruction, d’extension et de réhabilitation partielles et encadrées qui
s’appuient sur des mécanismes de financement non-bancaire.
2.1.1. Fournir des titres de propriétés aux habitants des quartiers informels : la reconnaissance
critiquée d’une propriété « de fait »
Les quartiers d’habitat informel et précaire sont installés sur des terrains publics, privés ou relevant du droit coutumier. Au regard du droit foncier privé en vigueur, généralement issu de
la période coloniale, leurs habitants ne disposent pas de titres fonciers officiels, ce qui les 13
Les déciles de revenus correspondent aux seuils qui séparent la population en dix groupes au sein desquels on retrouve systématiquement 10 % de la population en fonction du montant de leurs revenus, du premier groupe correspondant aux 10 % des revenus les plus faibles (compris entre le revenu minimal et le 1er décile), au dixième groupe correspondant au 10 % des revenus les plus élevés (compris entre le neuvième décile et le revenu maximal).
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