S’ils demeurent aujourd’hui trop souvent à la marge des systèmes de production de logement, ces régimes collectifs ou partagés de propriété résidentielle, figures de proue de l’émergence de la « post-propriété » (Le Rouzic 2021), méritent d’être encouragés et facilités par les politiques publiques du logement, à l’échelle nationale comme locale. Ils représentent des
filières essentielles pour favoriser l’accès à un logement abordable et décent pour le plus grand nombre, au même titre que les solutions locatives formelles auxquelles nous allons
nous intéresser dans la prochaine section.
3. La revitalisation des marchés locatifs privés : une priorité pour les politiques publiques Longtemps ignoré, le secteur locatif réoccupe progressivement une place de choix dans les
politiques nationales et locales de l’habitat depuis la crise du crédit immobilier de 2008 aux États-Unis. Les millions de faillites personnelles et d’expulsions, ainsi que la crise financière
planétaire et la contraction du crédit qui ont suivi, ont mis à mal le mythe de la propriété immobilière accessible à tous, chez de nombreux décideurs, financeurs et opérateurs du logement du monde entier (Gilbert ,2003 ; Peppercorn et Taffin, 2013; Le Goix, 2014). En 2016, plus de 1,2 milliard de personnes dans le monde étaient locataires (Cibils et al., 2016). Malgré ce
stock apparemment élevé, les marchés locatifs restent très segmentés et peu organisés dans les pays à revenu intermédiaire. Bien régulé et stimulé par une action publique adéquate sur
l’ensemble de sa chaine de valeur, le secteur locatif formel est un maillon essentiel des trajectoires résidentielles, en particulier au début des parcours de vie lorsque les ménages
sont à la recherche d’une solution de logement de court ou moyen terme (Blanco et al., 2016). Si le secteur locatif concerne toutes les classes sociales (notamment les plus aisées), il
représente plus particulièrement un levier efficace pour donner aux classes moyennes et défavorisées la possibilité de suivre une trajectoire résidentielle ascendante, c’est-à-dire une
amélioration substantielle ou symbolique de leurs conditions de vie. Les logements à la location, de par leur adaptabilité aux besoins et aux ressources des ménages à court ou plus
long terme, favorisent l’intégration sociale et la mobilité professionnelle (Blanco et al., 2016 ; Oswald, 1996 ; Parby et al., 2015, Coulomb Bosc, 1988, Paquette-Vassalli, 1998 ; Brun et Bonvalet, 1998, Cornuel 2010). En effet, la propriété immobilière est considérée, du point de vue financier, comme un obstacle à la mobilité résidentielle en raison des importants coûts d’entretien et
les coûts de transaction qui sont associés à l’achat et à la vente, et qui peuvent dépasser les éventuelles plus-values réalisées. Par ailleurs, la production de logements locatifs – par l’offre neuve ou par la réhabilitation du parc existant – va souvent de pair avec un modèle d’urbanisation plus compact et plus durable. Elle donne la possibilité de vivre dans des
quartiers (péri-)centraux, généralement mieux intégrés et connectés aux services urbains, aux réseaux de transport, et aux opportunités d’emplois qualifiés ou non (Blanco et al., 2016 ; Peppercorn et Taffin, 2013).
Dans cette perspective, ce papier de recherche cherche à analyser les principales caractéristiques et les points de blocage classiques des marchés locatifs des pays à revenu
intermédiaire, mais également à identifier les principaux atouts et limites des outils d’action publique qui sont aujourd’hui mis en place pour revitaliser le secteur locatif libre.
3.1 Des marchés locatifs pluriels, segmentés et peu organisés Les villes et les métropoles des pays à revenu intermédiaire possèdent des marchés locatifs privés de taille significative du fait d’une accession à la propriété compliquée par les
21