SP D
JUIN 2018
L A R E V U E D E P R O PA R C O
SECTEURS HÔTELIER ET TOURISTIQUE EN AFRIQUE, UN MARCHÉ EN PLEIN ESSOR Afrique - Développement - Grands groupes Hôtels - Tourisme
HORS-SÉRIE
Directeur de Publication Grégory Clemente Fondateur Julien Lefilleur Directrice de la rédaction et rédactrice en chef Anne-Gaël Chapuis Rédacteur en chef exécutif Romain De Oliveira Assistante éditoriale Véronique Lefebvre Comité éditorial Christel Bourbon-Seclet, Laure Bourgeois, Myriam Brigui, Marianne Cessac, Jérémie Ceyrac, Fariza Chalal, Anne-Gaël Chapuis, Johan Choux, Nicolas Courtin, Pierre Forestier, Claire Gillot, Peter Glause, Sophie Le Roy, Olivier Luc, Elodie Martinez, Gonzague Monreal, Amaury Mulliez, Véronique Pescatori, Gregor Quiniou, Julia Richard de Chicourt, Françoise Rivière, Bertrand Savoye, Camille Severac, Hélène Templier, Baptiste Tournemolle Advisory board Jean-Claude Berthélemy, Paul Collier, Kemal Dervis, Mohamed Ibrahim, Pierre Jacquet, Michael Klein, Nanno Kleiterp, Ngozi Okonjo-Iweala, Jean-Michel Severino, Bruno Wenn, Michel Wormser Conception et réalisation LUCIOLE Crédit photo (couverture) iStock / Getty Images Traduction Jean-Marc Agostini Secrétariat de rédaction ( : ? ! ; ) D O U B L E P O N C T U A T I O N, www.doubleponctuation.com, Sabine Cessou Impression sur papier recyclé Pure Impression ISSN 2103 3315 Dépôt légal 23 juin 2009
SOMMAIRE
SECTEUR PRIVÉ & DÉVELOPPEMENT est une publication de Proparco, Groupe Agence Française de Développement, société au capital de 693 079 200 €, 151 rue Saint-Honoré, 75001 Paris - France Tél. (+33) 1 53 44 31 07 Courriel : revue_spd@afd.fr Site web : www.proparco.fr Blog : blog.secteur-prive-developpement.fr
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LES CONTRIBUTEURS
CADRAGE
Le secteur hôtelier en Afrique subsaharienne, un marché en plein essor Par Charlotte Specht
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ANALYSE
Hôtellerie en Afrique subsaharienne : quels impacts sur le développement durable ? Par Caroline Dole et Nicolas Willemin
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ENTRETIEN AVEC
« Le tourisme s’inscrit dans la trajectoire de développement durable du Maroc » Avec Hatim El Gharbi
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CHIFFRES CLÉS
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FOCUS
Hôtellerie : pourquoi les grandes chaînes misent sur les contrats de gestion Par Rémy Darras
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OPINION
Tourisme en Afrique : une richesse inestimable encore insuffisamment exploitée Par Mossadeck Bally
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ANALYSE
Le développement hôtelier en Afrique, un formidable potentiel de rendement pour les investisseurs Par David Harper
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LES ENSEIGNEMENTS DU NUMÉRO
ÉDITO
L’essor de l’industrie hôtelière en Afrique
S Thomas Éloy Directeur du département Financements de Proparco
ouvent mis en avant pour leurs capacités à créer de l’emploi ou plus généralement à dynamiser les économies régionales, le secteur touristique et l’industrie hôtelière connaissent, depuis plusieurs années maintenant, un certain dynamisme sur le continent africain.
Les données disponibles à ce jour vont clairement en ce sens. En 2017, près de 62 millions de touristes internationaux se sont ainsi rendus en Afrique, soit une augmentation de 8 % par rapport à l’année précédente. En 2016, près de 21 millions d’emplois sur le continent étaient générés par l’activité touristique, ce qui représente près d’une personne sur quatorze environ, selon la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced). Cette belle progression s’est opérée malgré les crises (politiques, sociales ou économiques) qu’ont pu traverser certains pays du continent. Preuve de la résilience dont est capable le secteur du tourisme à l’échelle de l’Afrique. S’il nous faut garder à l’esprit que le développement de l’activité hôtelière se fait à plusieurs vitesses, en fonction des géographies, des contextes et des économies locales, les prévisions de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), de la Cnuced ou des cabinets de conseils vont toutes dans le même sens et laissent augurer un marché porteur pour les grandes chaînes hôtelières sur le continent. Celles-ci ne s’y sont pas trompées et développent déjà des offres axées sur le haut de gamme, qui permettent de diffuser des bonnes pratiques en matière environnementale et sociale. Les bailleurs de fonds, fonds d’investissements et institutions de financement du développement (IFD) ont évidemment toute leur place dans l’accompagnement du secteur touristique et hôtelier en Afrique. Le Groupe AFD et plus particulièrement Proparco font naturellement partie de ces bailleurs. D’ailleurs, Proparco soutient et finance le secteur hôtelier depuis plus de 20 ans maintenant. Et depuis 2015, ce sont sept projets hôteliers qui ont été financés, pour un montant de près de 80 millions d’euros. A travers ce type d’interventions, via des financements ou de l’accompagnement technique, par exemple, les IFD peuvent ainsi non seulement favoriser la création d’emplois, mais aussi appuyer les grands groupes dans le développement et le respect des standards internationaux.
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LES CONTRIBUTEURS
Mossadeck Bally,
Rémy Darras,
Président fondateur, Azalaï Hotels
Rédacteur en chef adjoint, Jeune Afrique
Mossadeck Bally est le fondateur et président directeur général du Groupe Azalaï Hotels, chaîne hôtelière phare de l’Afrique de l’Ouest. Né au Niger de parents maliens, Mossadeck Bally a effectué ses études en France d’abord puis aux États-Unis, où il a obtenu une maîtrise en gestion et finance de l’Université de San Francisco, Californie. Mossadeck Bally, à travers le Groupe Azalaï Hotels, promeut une vision conquérante de « l’Entreprise Africaine ».
Rémy Darras est rédacteur en chef adjoint à Jeune Afrique, en charge des dossiers économiques. Il couvre en particulier l’actualité du transport aérien africain et s’intéresse également aux secteurs de l’hôtellerie, du BTP et de la logistique.
David Harper,
Charlotte Specht,
Responsable des services immobiliers, Hotel Partners Africa
Directrice Afrique de l’Ouest et Centrale, Horwath HTL
David Harper est directeur général de Leisure Property Services et membre du « Royal Institute of Chartered Surveyors » (RICS). Il est également l’un des associés fondateurs de la société de conseil Hotel Partners Africa (HPA), qui propose aux propriétaires, gérants ou investisseurs dans le secteur de l’hôtellerie une gamme complète de services. David Harper a plus de 20 ans d’expérience dans le domaine immobilier et hôtelier, où il est intervenu dans plus d’une centaine de pays. Il conseille également le RICS en matière de valorisations hôtelières et a piloté l’élaboration des principes directeurs d’ISURV, un service en ligne sur abonnement qui assure la diffusion des meilleures pratiques de la profession auprès de Chartered Surveyors du monde entier.
Charlotte a rejoint Horwath HTL en 2013, après avoir été diplômée de l’ESC Rouen avec une spécialisation dans le domaine de l’entrepreneuriat. Elle est en charge du développement en Afrique de l’Ouest et Centrale et a ouvert le bureau de représentation commerciale d’Horwath HTL pour la région à Abidjan (Côte d’Ivoire), en 2016. Charlotte est spécialisée dans les études de marché et de faisabilité d’hôtels en développement, et a développé des compétences spécifiques pour les stratégies et programmations hôtelières, les évaluations et due diligence, dans le cadre de projets urbains ou de resorts.
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Caroline Dole,
Hatim El Gharbi,
Chargée d’affaires, Proparco
Directeur de l’Office national marocain du tourisme, ONMT
Caroline Dole a intégré Proparco en 2012 en tant que chargée de mission à la Direction administrative et financière. Depuis 2016, elle a rejoint la division Secteur manufacturier, agro-industries et services en qualité de chargée d’affaires. Elle y est notamment en charge de l’identification, de l’instruction et de la formalisation de projets dans les secteurs du tourisme et de la santé. Auparavant, Caroline a exercé ses fonctions en Suisse au sein du cabinet d’audit Ernst & Young, puis chez Givaudan et chez Damart-Somfy. Elle possède un master de l’École de management de Grenoble, et est diplômée de la Copenhagen Business School et de l’Académie suisse d’expertise comptable.
Hatim El Gharbi est directeur de l’Office national marocain du tourisme (ONMT) en France et au Benelux. Né à Rabat et diplômé d’un master en Commerce et affaires internationales de l’Université de Montpellier, il a rejoint l’ONMT en 2003 en tant que chef de produit. Depuis 2006, il est en poste dans les bureaux de l’ONMT à l’international, notamment en Scandinavie, en Allemagne, au Benelux et en France depuis 2013.
Coordin et contribateur uteur
Nicolas Willemin, Chargé d’affaires senior, Proparco Arrivé chez Proparco en 2015, Nicolas Willemin est chargé d’affaires senior au sein de la division Secteurs manufacturier, agro-industriels et services (MAS), en qualité de responsable du pôle tourisme et développement urbain. Auparavant, Nicolas a travaillé pendant 5 ans en tant que chargé d’affaires sur des financements structurés et corporate, avant de rejoindre le Groupe AFD en 2011 où il a structuré de nombreux projets dans les Outremer françaises. Nicolas est diplômé de l’université de la Sorbonne et de l’EM Lyon Business School.
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CADRAGE
Le secteur hôtelier en Afrique subsaharienne, un marché en plein essor C harlotte Specht, Directrice Afrique de l’Ouest et Centrale, Horwath HTL
L’Afrique subsaharienne est considérée comme l’un des marchés émergents les plus prometteurs dans le monde, avec près de 5 % d’arrivées de touristes internationaux en 20171. Le continent est ainsi récemment devenu une nouvelle terre d’opportunités.
À
l’exception de quelques hôtels emblématiques construits au 19 e siècle, l’évolution majeure dans l’histoire du développement hôtelier en Afrique subsaharienne coïncide avec le développement du trafic aérien, à partir de 1960, et des déclarations d’indépendance successives.
Le développement hôtelier sur le continent a repris et s’est même intensifié durant la dernière décennie […]. En parallèle, le retour des bailleurs internationaux a permis le développement d’infrastructures plus modernes.
1 Organisation mondiale du tourisme, 2017.
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Toutefois, à partir des années 1990, le manque d’investissements de la part des propriétaires et le désintérêt progressif des groupes hôteliers au profit d’autres marchés émergents (Asie et Moyen Orient) ont entraîné une dégradation rapide de l’offre. Mais le développement hôtelier sur le continent a repris et s’est même intensifié durant la dernière décennie, en lien avec une croissance économique supportée par l’augmentation du prix du pétrole et l’intérêt croissant de la Chine pour les matières premières africaines. En parallèle, le retour des bailleurs internationaux a permis le développement d’infrastructures plus modernes. Par ailleurs, la saturation de certains marchés dans le reste du monde pousse les groupes hôteliers internationaux à chercher de nouvelles opportunités.
UN DÉVELOPPEMENT HÔTELIER À PLUSIEURS VITESSES Dans l’ensemble, l’Afrique subsaharienne fait apparaître deux dynamiques : l’une autour du Golfe de Guinée et l’autre le long de l’océan Indien. Quatre zones reflètent ces dynamiques et partagent des traits communs (problématiques politiques, dynamique économique, démographie, activité touristique, etc.) : l’Afrique de l’Ouest, l’Afrique centrale, l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe. L’Afrique subsaharienne est sujette à une forte instabilité politique le long de sa frange nord, de la Mauritanie à la Somalie. Cette instabilité se retrouve dans chaque région concernée à l’Ouest (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger), au Centre (Tchad, Nigeria, Cameroun) et à l’Est (Soudan, Somalie, Erythrée, Kenya). Ceci conduit à une sélectivité de fait en faveur des pays et des zones les plus stables. Dans la plupart des cas, les capitales sont à l’écart des zones de tension. Sur le plan économique, deux pays se distinguent par leur poids économique : le Nigeria (qui pèse à lui seul 70 % de l’Afrique de l’Ouest2) et l’Afrique du Sud (62 % de celui d’Afrique Australe3). Ces pays bénéficient souvent d’une approche spécifique.
Certains pays se distinguent également par leur poids démographique actuel (le Nigeria, l’Éthiopie et la République Démocratique du Congo, qui comptent plus de 80 millions d’habitants4) et d’autre part la forte croissance démographique attendue (en particulier dans les pays du Sahel comme le Mali, le Burkina Faso ou le Niger, où la population devrait être multipliée par plus de 2,5 d’ici 20505). Il s’agit de pays qui bénéficient de plusieurs pôles urbains d’importance représentant des bassins d’activité. Enfin, au niveau touristique, si quelques pays ont enregistré des baisses d’arrivées du nombre de touristes, essentiellement dues à des évènements ponctuels (attentats, épidémies, instabilité politique), certains se démarquent en affichant d’importants taux de croissance : le Mozambique (5,6 %) ou le Zimbabwe (5,4 %6). Toutefois, ces facteurs affectant les marchés émergents sont de plus en plus connus par les développeurs hôteliers, qui sont également conscients de pouvoir obtenir de plus hauts rendements en retour de leurs prises de risques.
REPÈRES HORWATH HTL Horwath HTL est l’un des principaux leaders français du conseil en hôtellerie, tourisme et loisirs. Il possède un réseau de 45 bureaux et de 250 consultants, répartis dans 39 pays à travers le monde. Grâce à une expérience internationale et à des expertises locales, notamment en Afrique du Nord et de l’Ouest, Horwath HTL est en mesure d’apporter des services de consultation et des solutions concrètes à l’industrie hôtelière.
LES FREINS LIÉS AU DÉVELOPPEMENT HÔTELIER Les rythmes du développement hôtelier sont également dépendants de la capacité à faire face aux principaux freins observés en Afrique subsaharienne. L’accès au foncier, par exemple, avec la quasi-absence de cadastre dans certaines villes, ou les difficultés liées à la transmission du foncier ; la recherche de financement, avec des sponsors souvent en manque de liquidités, le coût des devises, ou encore une méconnaissance du secteur hôtelier de la part des banques
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commerciales locales ; mais aussi les freins liés aux processus de construction, dont la lenteur des travaux, la qualité des finitions ou encore l’importation de matériaux. De manière générale, ces facteurs sont davantage maîtrisés sur les marchés stables et matures, comme en Afrique australe, tandis qu’ils représentent encore des freins très importants sur les marchés d’Afrique de l’Ouest, notamment.
Banque africaine de Développement, 2018. inistère français de l’Économie et des Finances, 2018. M World Factbook CIA, 2016. Population Reference Bureau, 2015. Organisation mondiale du tourisme, 2017.
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L E S E CT E UR HÔTEL I ER EN AF RIQUE S U BSAH ARIE N N E , U N M A R C H É EN PL EI N ESSOR
UN POTENTIEL ENCORE LARGEMENT SOUS-EXPLOITÉ Aujourd’hui, le nombre de chambres aux standards internationaux s’élève à plus de 72 000 en Afrique subsaharienne (selon les données de Horwath HTL), dont plus de la moitié sont opérées sous enseigne. L’autre moitié est une offre locale aux standards satisfaisants, capable de concurrencer les établissements sous enseigne du fait du déséquilibre entre l’offre et la demande, plutôt que par son niveau de services. Seule l’Afrique australe a un taux de pénétration des enseignes au-dessus de la moyenne, et plus particulièrement l’Afrique du Sud, dont la maturité économique a entraîné un développement hôtelier plus ancien. Sur les autres marchés, les enseignes sont encore peu présentes, laissant la place à une offre indépendante mal structurée pour répondre à une demande insatisfaite. Il existe donc un réel potentiel de croissance pour les enseignes. En dehors de l’Afrique australe, où plusieurs grands marchés existent, les autres régions sont marquées par un seul marché dominant (par exemple à Abidjan, Kinshasa ou Addis Abeba).
Seule l’Afrique australe a un taux de pénétration des enseignes au-dessus de la moyenne, et plus particulièrement l’Afrique du Sud, dont la maturité économique a entraîné un développement hôtelier plus ancien. Sur les autres marchés, les enseignes sont encore peu présentes, laissant la place à une offre indépendante mal structurée.
7 Ministère français de l’Économie et des Finances, 2018.
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À l’échelle du continent, l’offre d’hôtels 3 et 4 étoiles est majoritaire, devant le segment des hôtels 5 étoiles. Cela traduit une structuration des marchés par le haut, mais avec des conditions de développement qui restent difficiles pour le haut de gamme, compte tenu des coûts de construction et du niveau de qualité attendu. La part de l’offre économique et milieu de gamme est plus importante dans les pays dont le développement est plus avancé. On constate ainsi que le développement des pays en Afrique va de pair avec une diversification des activités et des clientèles, ouvrant de nouvelles opportunités pour les segments économique et milieu de gamme. La demande est caractérisée par quatre grands types de clientèles : • une clientèle d’affaires, largement dominante (jusqu’à 80 % selon les marchés). Cette demande repose essentiellement sur les activités liées aux matières premières, aux importations/ exportations, aux industries de transformation, aux projets d’infrastructures, de services (télécommunications, banques, etc.) et, en complément, sur la demande institutionnelle ; • une clientèle de loisirs, complémentaire et variable selon les régions (elle est plus importante en Afrique australe et de l’Est), souvent en transit vers des sites touristiques. Les tour-opérateurs ne proposent qu’un nombre limité de destinations en Afrique. Quelques destinations à forte croissance apparaissent néanmoins, poussées par une volonté politique de développer ce secteur, comme le Cap Vert ou le Botswana, où le tourisme représente respectivement 18 % et 4 % du PIB7 ;
• l’activité MICE8, de plus en plus dynamique sur le continent grâce à l’amélioration de l’offre en salles de réunion, par le biais de l’entrée sur le marché d’établissements sous enseigne de qualité ; • la clientèle issue des équipages aériens, qui croît grâce au développement des vols vers l’Afrique et des vols intérieurs. L’Europe et l’Amérique du Nord ont longtemps été les premiers marchés émetteurs en Afrique, sur le segment affaires comme loisirs. Avec la croissance des liaisons aériennes régionales, le développe-
ment des échanges commerciaux régionaux et la croissance de la classe moyenne, la demande issue du continent africain connaît une croissance continue. Mais il faut également noter l’augmentation constante de la demande en provenance de la Chine et du Moyen-Orient, étroitement liée aux investissements réalisés en Afrique.
La plupart des pays d’Afrique subsaharienne offrent des opportunités de développement d’hôtels d’affaires 3 et 4 étoiles.
QUELLES PERSPECTIVES D’ÉVOLUTIONS ? D’un côté, à l’exception des pays les plus instables ou affectés par des crises monétaires, la plupart des pays d’Afrique subsaharienne offrent des opportunités de développement d’hôtels d’affaires 3 et 4 étoiles. D’un autre côté, seule une poignée de destinations sont adaptées à un développement hôtelier très haut de gamme (5 étoiles). Par ailleurs, très peu d’opérateurs ont déjà parié sur une croissance forte du tourisme dans la région. Seul Club Med fait figure de précurseur avec l’ouverture prévue d’une seconde unité au Sénégal. D’après les données de Horwath HTL, l’offre hôtelière respectant les standards internationaux devrait croître d’un tiers de son volume actuel (soit près de 24 000 chambres supplémentaires) à moyen terme, à l’échelle du continent. Aujourd’hui, l’Afrique de l’Ouest représente la principale zone de développement hôtelier. Ceci s’explique, d’une part, par la faiblesse de l’offre actuelle et, d’autre part, par le nombre croissant de marchés émergents présentant des
conditions favorables au développement hôtelier. De manière générale, les marchés les plus importants sont ceux qui concentrent le plus grand parc en développement (Lagos, Abuja, Luanda, Nairobi), puisqu’ils représentent un fort enjeu de compétitivité pour les enseignes encore non implantées. L’offre future est dominée par le haut de gamme. En effet, face aux risques que représentent ces marchés, les groupes hôteliers internationaux avec plusieurs marques ont tendance à favoriser leurs enseignes 4 et 5 étoiles, afin de bénéficier de rendements supérieurs. Pour autant, l’offre internationale 3 étoiles, qui a longtemps été concurrencée par l’offre indépendante en place, bénéficie d’un intérêt croissant et de plusieurs initiatives régionales (Onomo, Mangalis, CityBlue, etc.). Pour les hôteliers, il existe aujourd’hui un réel enjeu de positionnement clair, adapté à la demande et en accord avec les standards internationaux attendus sur les différents segments.
8 P our « Meetings », « Incentive », « Conférences » et « Exhibitions/Events ». Accronyme utilisé pour désigner l’activité hôtelière et touristique liée au monde de l’entreprise.
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A N A LY S E
A N A LY S E
Hôtellerie en Afrique subsaharienne : quels impacts sur le développement durable ? P ar Caroline Dole, Chargée d’affaires, Proparco Nicolas Willemin, Chargé d’affaires senior, Proparco
Il semble essentiel d’accompagner le secteur hôtelier en Afrique subsaharienne au regard de son attractivité. Ce secteur particulièrement dynamique en Afrique présente de nombreux impacts en matière de développement durable, à la fois directement et indirectement, à travers des effets d’entrainement sur l’économie locale.
REPÈRES PROPARCO Filiale de l’Agence Française de Développement (AFD) dédiée au secteur privé, Proparco intervient depuis près de 40 ans en faveur du développement dans les pays du Sud. Elle joue un rôle essentiel au sein du groupe AFD et du dispositif français de coopération : le financement et l’accompagnement de projets d’entreprises et d’institutions financières dans les pays en développement et émergents de la PME au groupe bancaire régional, en passant par l’établissement de microfinance.
B
ien que l’Afrique représente seulement 5 % du total de voyageurs dans le monde, le secteur hôtelier connaît aujourd’hui un fort développement sur le continent, avec une croissance particulièrement marquée en Afrique subsaharienne. Ce développement est tiré, en particulier, par le fort accroissement de la classe moyenne régionale1, qui recherche une offre hôtelière de qualité.
Ainsi, entre 1995 et 2016, le nombre de touristes étrangers a plus que doublé, passant de 24 à 58 millions, avec une accélération à partir du milieu des années 2000. En 2017, le nombre de touristes est estimé à 62 millions, et devrait atteindre 110 millions en 2027, selon les estimations de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT)2. Cette augmentation s’est accompagnée d’une hausse substantielle du nombre de touristes d’origine africaine, aujourd’hui estimé à 40 % du total des touristes sur l’ensemble du continent, et 70 % en Afrique subsaharienne (CNUCED, 2017).
EN 2017, LE NOMBRE DE TOURISTES EST ESTIMÉ À 62 MILLIONS, ET DEVRAIT ATTEINDRE 110 MILLIONS EN 2027
62
millions
110
+78 %
millions
2017
1 E n 2016, 1 africain sur 3 faisait partie de la classe moyenne, estimée à 400 millions d’individus, selon le PNUD. 2 L ’Afrique abrite 131 sites classés au patrimoine mondial de l’UNESCO, répartis dans 37 pays (12 % des sites classés mondiaux).
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2027
UN CERTAIN DYNAMISME MALGRÉ DES FREINS STRUCTURELS Sur le plan économique, la contribution totale (contributions directes et indirectes) du secteur du tourisme au produit intérieur brut (PIB) de l’Afrique subsaharienne progresse rapidement : elle s’élève à près de 108 milliards de dollars, soit 7,2 % du PIB en 20173 (10,2 % à l’échelle mondiale). En 2015, parmi les destinations qui attiraient le plus de monde se trouvaient le Maroc (plus de 10 millions de touristes), l’Égypte (9,1 millions), l’Afrique du Sud (8,9), la Tunisie (5,4) et le Zimbabwe (2,1). Les principales destinations d’affaires, quant à elles, étaient Johannesburg, Lagos, Nairobi, Abidjan, Casablanca et Le Caire. Le secteur hôtelier est composé d’établissements appartenant à des chaines internationales et régionales et à des hôtels indépendants. Ces derniers représentent en moyenne plus de 50 % de l’offre de chambres4 (plus de 40 % classées 3 étoiles ; 55 % classées 4 et 5 étoiles, concentrées exclusivement dans les hubs régionaux). Le dynamisme du secteur se traduit par la multiplication de projets. D’après un rapport de 20175 (W Hospitality, 2017), l’Afrique compte plus de 417 projets hôteliers pour 73 000 chambres, soit un volume deux fois supérieur au nombre de projets recensés en 2009. Pour autant, des freins structurels (visa, coût du transport, desserte aérienne) limitent à la fois leur développement et les investissements des grandes
marques internationales. En effet, la majorité des hôtels en Afrique sont indépendants et les grands groupes ne se développent que via des contrats de management faisant reposer une grande partie de l’exécution du projet (foncier, conseil, financement, construction) sur les porteurs de projets, la chaine n’investissant pas dans l’opération (stratégie asset-light).
Sur le plan économique, la contribution totale du secteur du tourisme au produit intérieur brut (PIB) de l’Afrique subsaharienne progresse rapidement : elle s’élève à près de 108 milliards de dollars, soit 7,2 % du PIB en 2017. Les porteurs de projets hôteliers sont généralement des entrepreneurs, présents sur un secteur économique différent de celui du tourisme. Propriétaires de foncier, ils souhaitent le valoriser en construisant un hôtel. Par manque d’expérience dans ce secteur d’activité et en l’absence de structures de conseil, ces porteurs de projet peinent à faire aboutir la construction d’un hôtel aux standards exigés par les chaines internationales. W Hospitality indique que pour 2016, près d’un hôtel sur deux est réellement ouvert.
3 W orld Travel & Tourism Council (WTTC). 4 Étude réalisée par Colliers International en 2016 sur un panel de 23 villes d’Afrique subsahariennes. 5 Réalisé grâce à la contribution de 36 chaines internationales implantées en Afrique.
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HÔT E L L E R I E EN AF R I QUE SUB SAH ARIE N N E : QU E L S I M PAC TS SUR L E DÉVELOP P E ME N T DURABLE ?
UN FORT IMPACT SUR LA CRÉATION D’EMPLOIS GENRÉS Dans un rapport de 2010, l’Organisation internationale du travail (OIT) estimait que, pour un emploi direct créé dans l’hôtellerie et la restauration, 1,5 emploi était indirectement généré dans les secteurs connexes. Ce ratio est supérieur en Afrique et plus particulièrement dans les catégories supérieures (environ 3). En 2016, le nombre d’emplois africains reposant sur le tourisme était estimé à 21 millions, soit un actif sur quatorze à l’échelle du continent. Ces chiffres ne reflètent que la phase d’exploitation, car lors de la phase de construction la main-d’œuvre n’est pas forcément locale. Ce sont les populations les plus vulnérables, notamment les jeunes, les femmes et
En Afrique, comme à l’échelle mondiale, le tourisme emploie plus de 60 % de femmes, fonctions managériales incluses.
les communautés rurales, qui bénéficient fortement de la création d’emplois tertiaires qualifiés et peu qualifiés, propres au secteur. Cependant, une des limites est le manque évident de structure de formation, malgré une forte demande. En Afrique, comme à l’échelle mondiale, le tourisme emploie plus de 60 % de femmes (dont 50 % de moins de 25 ans), fonctions managériales incluses (ONU Femmes, OMT, 2011). Il faut souligner que les secteurs directement liés au tourisme se distinguent avec 31 % de femmes dirigeantes d’entreprises, quand les autres secteurs en Afrique sont en moyenne à 21 %. En Éthiopie comme au Botswana, plus de 50 % des hôtels sont dirigés par des femmes (ONU Femmes, OMT, 2011). À long terme, la croissance du tourisme contribuera ainsi à l’évolution des représentations collectives sur la place des femmes dans l’entreprise.
AVEC UN EFFET D’ENTRAÎNEMENT SUR L’ÉCONOMIE En outre, le tourisme génère d’importants effets d’entraînements sur d’autres secteurs comme l’agriculture, les infrastructures, ou la santé. Les nouvelles constructions d’hôtels favorisent l’amélioration de l’approvisionnement en eau et en électricité, qui peuvent parfois bénéficier aux habitations environnantes, ainsi que la création ou la modernisation de réseaux de transports. Toutefois, l’ampleur des effets d’entraînement dépend des pratiques d’approvisionnement des groupes de tourisme implantés dans les pays africains, une partie des produits importés pouvant concurrencer les productions locales. À l’inverse, un approvisionnement local des hôtels et restaurants participe à la distribution de revenus et à la montée en gamme des producteurs locaux. Enfin, le développement de branches spécialisées, comme l’écotourisme, le tourisme de santé ou culturel, contribue à la création d’emplois à
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qualification élevée : en Tunisie par exemple, la croissance du tourisme de santé s’est ainsi accompagnée d’une hausse de l’export de services de santé de 22 millions de dollars à 83 millions de dollars, entre 2003 et 2010. Cet effet d’entraînement est aussi la traduction d’une volonté politique : c’est le cas pour les États insulaires comme les Seychelles, le Cap Vert et Maurice. Dans ces pays, le secteur occupe une place prépondérante dans l’économie et représente respectivement 62 %, 43 % et 27 % du PIB. Ces États sont fortement dépendants du tourisme et particulièrement vulnérables au changement climatique. La définition et l’implémentation d’une stratégie de développement équilibrée du secteur constituent donc une priorité économique et politique, afin de préserver leurs patrimoines et un climat social marqué par la persistance de tensions.
DES CONSTRUCTIONS AUX MEILLEURS STANDARDS INTERNATIONAUX L’obtention ou le maintien de certifications constitue une condition récurrente au financement par les bailleurs de fonds dans les champs de l’immobilier et notamment de l’hôtellerie. Au niveau environnemental, le Programme des Nations-Unies pour l’environnement (PNUE) estime que le secteur de la construction est, à lui seul, responsable de 30 % des émissions de CO2 à l’échelle mondiale et que les volumes émis pourraient doubler d’ici 20 ans si des plans de constructions durables ne sont pas rapidement mis en place. C’est pour cela que l’intervention des bailleurs de fonds promeut l’adoption de standards d’efficacité énergétique dans la conception et la construction des bâtiments, proposant des enveloppes d’assistance technique pour accompagner la réalisation
des projets. La certification recommandée par la SFI (Groupe Banque mondiale), EDGE, permet via son application dès la conception du projet de mesurer l’efficacité énergétique, l’économie d’eau et la performance des matériaux utilisés. EDGE6, avec déjà plus de 2,3 millions de m² certifiés, permet d’économiser annuellement plus de 105 000 mégawattheures, 2,6 millions de mètres cubes d’eau et près de 47 000 tonnes de CO2. Ainsi, le dynamisme du marché subsaharien attire les grands groupes hôteliers internationaux et pousse le secteur à se rénover, se structurer et à développer une offre de qualité, en adéquation avec les standards internationaux à tous les niveaux (procédure, construction, environnementaux et sociaux, formation).
RÉFÉRENCES CNUCED, Rapport 2017 « Le développement économique en Afrique : le tourisme au service d’une croissance transformatrice et inclusive », 2017. Disponible sur Internet : http://unctad. org/fr/PublicationsLibrary/ aldcafrica2017_fr.pdf. W Hospitalitys, Hotel Chains Development Report, 2017. ONU Femmes, OMT, Global Report on women in tourism 2010, 2011. Disponible sur Internet : http://www2.unwto.org/sites/all/files/ pdf/folleto_globarl_report.pdf
Intervention de Proparco Proparco finance le secteur hôtelier depuis plus de vingt ans. Ces dernières années, il a été décidé d’intensifier cet accompagnement en concentrant notre intervention sur l’hôtellerie d’affaires en milieu urbain, en soutenant des acteurs établis à dimension régionale ou internationale. Depuis 2015, Proparco a financé 7 projets dans ce secteur, pour un montant d’environ 80 millions d’euros, permettant de mobiliser près de 200 millions d’euros de financement au total. Ces financements ont permis de mettre en place des projets aussi bien en Afrique de l’Ouest (Guinée Conakry, Mali, Niger, Sénégal), qu’en Afrique de l’Est (Ethiopie, Kenya et Ouganda). Au travers du secteur hôtelier, Proparco est présent essentiellement dans des pays frontières, géographies dans lesquelles il est souvent difficile d’investir.
Ces projets ont principalement soutenu des groupes hôteliers régionaux intégrés, en renforçant notre partenariat historique avec le groupe Serena, mais aussi en développant deux nouveaux partenariats avec Azalai et Teyliom. Ils nous ont aussi donné l’opportunité de financer un projet avec un investisseur local et AccorHotel. Ces projets permettront à terme de créer près de 1 120 emplois directs et près de 3 500 emplois indirects, tout en appliquant des critères environnementaux et sociaux en ligne avec les standards de la SFI (notamment avec la certification EDGE).
6 Pour « Excellence in Design for Greater Efficiencies ». À retrouver sur Internet : https://www.edgebuildings.com/
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ENTRETIEN AVEC
« Le tourisme s’inscrit dans la trajectoire de développement durable du Maroc » Hatim El Gharbi, Directeur de l’Office national marocain du tourisme, ONMT
Porteur d’un ambitieux plan de développement des énergies renouvelables, le royaume du Maroc soutient aussi le tourisme durable sous toutes ses formes. Des engagements concrets qui passent par des incitations financières pour construire de manière écologique, aussi bien que par un approvisionnement en eau spécialement conçu pour les terrains de golf. Entretien avec Hatim El Gharbi, Directeur France et Bénélux de l’Office national marocain du Tourisme (ONMT).
REPÈRES ONMT L’Office national marocain du tourisme (ONMT) est l’un des principaux acteurs du tourisme au Maroc, dont le but est de promouvoir l’activité touristique dans le pays.
Cet article a initialement été publié sur le blog ID4D de l’Agence Française de Développement (AFD), le 11 août 2016.
D
e nombreux pays, dont le Maroc, s’engagent à limiter leurs émissions de CO2. Le secteur du tourisme contribue à ces émissions. Vouloir le développer n’est-il pas contradictoire avec les engagements du pays au niveau international ? Au contraire, et c’est ce que nous avons voulu montrer avec notre présence au Grand Palais durant la COP 21. Le tourisme représente 8 % de notre PIB. Il est le premier pourvoyeur de devises et le second pourvoyeur d’emplois, avec 500 000 postes, après l’agriculture. Notre pays est la première destination touristique en Afrique depuis 2014, avant l’Afrique du Sud, avec 11 mil-
La part des énergies renouvelables dans notre capacité de production totale va passer à 42 % en 2020 et 52 % en 2030, avec des conséquences sur tous les secteurs de notre économie.
14 SECTEUR PRIVÉ & DÉVELOPPEMENT
lions de visiteurs en 2015 – dont 3,5 millions de Français. Nous sommes pénalisés par l’amalgame qui est fait sur nos marchés émetteurs entre la menace terroriste et toute l’Afrique du Nord, mais la fréquentation demeure en hausse. Le tourisme s’inscrit dans la trajectoire de développement durable que nous avons mise en place au niveau national. La part des énergies renouvelables dans notre capacité de production totale va passer à 42 % en 2020 et 52 % en 2030, avec des conséquences sur tous les secteurs de notre économie. Cette orientation représente à nos yeux un atout supplémentaire : il nous paraît bon que le touriste sache que notre pays abrite non seulement des villes, de beaux paysages, mais aussi une grande ferme solaire à Ouarzazate et un parc éolien à Tarfaya. Le Maroc veut être un modèle de développement durable dans tout le pourtour méditerranéen, et pas seulement dans le tourisme. Tous ces éléments concourent à l’image positive de notre pays et le positionnent comme destination « durable ». Le Maroc est d’ailleurs récompensé pour ses efforts : le fait que Marrakech ait été choisie pour abriter la COP 22 en 2016 représente une marque de grande reconnaissance.
DE QUOI PARLEZ-VOUS QUAND VOUS ÉVOQUEZ UN TOURISME « DURABLE » ? Il s’agit pour nous d’étudier de manière plus concrète la transition écologique dans le secteur touristique, à plusieurs niveaux. Sur le plan des activités, les touristes se voient offrir l’occasion de laisser leur empreinte en plantant des arbres lors de randonnées, en participant à des coopératives locales, voire même en construisant des écoles dans les zones reculées. Notre objectif consiste à voir les communautés rurales rester chez elles, proposer des hébergements chez l’habitant et offrir un mode de vie rural différent des villes, pour préserver la richesse et la diversité de notre offre touristique. Du côté du produit, nous encourageons la construction écologique des hôtels, qu’il s’agisse de grands resorts ou de petits « boutique-hôtels », avec des incitations fiscales à la clé qui commencent à être connues et utilisées. Par exemple, des taxes à l’importation sont supprimées pour les équipements durables. Les frais engagés pour creuser des puits et planter des oliviers sont remboursés à 100 %.
Tous les grands projets doivent avoir une station d’épuration des eaux usées. Nous avons par exemple interdit aux terrains de golf au Maroc d’être arrosés par l’eau des villes. Les 12 terrains de golf que compte la seule ville de Marrakech sont arrosés par la Régie autonome de distribution d’eau potable et d’électricité de la ville de Marrakech (Radeema), la société d’exploitation des eaux usées de la ville qui retire d’abord le méthane de ces eaux pour en faire de l’électricité, puis déverse le reste des eaux usées dans les terrains de golf et une partie de la palmeraie. Cette société a réalisé des travaux d’extension qui en font la plus grande station d’épuration du Maghreb. Elle est financée à hauteur de 30 % par les sociétés qui gèrent les terrains de golf depuis 2010 – une réglementation imposée par la ville. Cette formule est très innovante et touche directement le tourisme.
VOTRE VISION VA-T-ELLE BEAUCOUP PLUS LOIN QUE LE PETIT « ÉCO-LODGE » OÙ TOUT SERAIT RECYCLÉ ? En effet. Par exemple, le complexe de Taghazout Bay à Agadir comprend un Hyatt cinq étoiles entièrement construit de manière écologique. L’établissement n’a pas été érigé avec du pisé, mais des techniques modernes, beaucoup d’énergie solaire et de la permaculture notamment. Le Sofitel Essaouira Mogador Golf & Spa est une station culturo-balnéaire qui répond aux mêmes exigences environnementales. De même, le Mazagan Beach and Golf Resort à El Jadida fait partie de ces grands hôtels qui auraient pu coûter le même prix sans énergies renouvelables, mais qui à terme vont réaliser des économies énormes et avoir un impact réduit sur le climat. Ce qui ne veut pas dire que les petits hôtels ne font pas la différence. Une structure familiale, l’éco-lodge Atlas Kasbah situé sur un parc
naturel d’arganiers dans les environs d’Agadir, a reçu la médaille d’or du tourisme responsable à Londres cette année. Et ce, pas seulement pour la manière dont il chauffe l’eau de sa piscine, mais parce que ses employés viennent des douars environnants et que les produits de sa cuisine sont cultivés dans la région. C’est très encourageant.
Nous encourageons la construction écologique des hôtels, qu’il s’agisse de grands resorts ou de petits « boutique-hôtels », avec des incitations fiscales à la clé qui commencent à être connues et utilisées.
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CHIFFRES CLÉS
L’Afrique, un « petit » continent dynamique pour le tourisme mondial Nouveau record du nombre de touristes Près de 62 millions de personnes ont visité l’Afrique à des fins touristiques sur les 10 premiers mois de l’année 2017. Cela représente une croissance de 8 % par rapport à l’année 2016 (+13 % en Afrique du Nord ; +5 % en Afrique subsaharienne). Une tendance qui confirme le caractère attractif du continent africain. Sur la même période, à l’échelle internationale, les destinations à travers le monde ont reçu plus de 1,12 milliard de touristes (70 millions de plus qu’en 2016), soit une augmentation de 7 % d’une année à l’autre.
Source : Organisation mondiale du tourisme (OMT), 2018.
Tourisme africain VS tourisme mondial Avec près de 62 millions de touristes accueillis en 2017, le continent africain représente 5 % du total des arrivées de touristes internationaux (ATI) dans le monde.
TO
U R I S ME
5 % A
FRI
N CAI
Source : Organisation mondiale du tourisme (OMT), 2018.
16 SECTEUR PRIVÉ & DÉVELOPPEMENT
Le tourisme, une part en croissance du PIB africain, mais qui reste faible
Témoin de la bonne santé économique du continent, la contribution du tourisme au PIB africain a fortement augmenté entre les périodes 1995-1998 et 2011-2014 : il est ainsi passé de 69 milliards de dollars (6,8 % du PIB) à près de 166 milliards de dollars (8,5 % du PIB). Pour la seule année 2015, il a quasiment atteint 178 milliards de dollars. (8,3 % du PIB).
1995 - 1998
2011 - 2014
69 MD $
166 MD $
Source : CNUCED, Rapport 2017 « Le développement économique en Afrique : le tourisme au service d’une croissance transformatrice et inclusive », 2017.
Recettes moyennes par arrivée En moyenne, une arrivée touristique en Afrique, en 2016, a généré 600 dollars de recettes (490 dollars en Afrique du Nord ; 650 dollars en Afrique subsaharienne). À l’échelle du continent, cela a représenté 34,8 milliards de dollars, en augmentation de 8 % par rapport à 2015.
600 DOLLARS
34,8
Afrique du Nord
→
DE RECETTES
EN 2016
MILLIARDS
490 $
DE DOLLARS
650 $
+ 8%
Afrique subsaharienne
Source : Organisation mondiale du tourisme (OMT), Faits saillants OMT du tourisme, 2017.
Hausse constante de l’activité hôtelière En 2017, le nombre de chambres d’hôtels a augmenté d’environ 13 % par rapport à l’année d’avant, passant à plus de 72 800 réparties dans 417 hôtels (contre plus de 64 000 chambres dans 365 hôtels en 2016), selon le rapport 2017 du groupe d’experts W Hospitality group. Entre 2015 et 2016, cette augmentation était d’environ 30 % (49 700 chambres répertoriées dans 270 hôtels).
Afrique subsaharienne
R
9 71
5 CHAMBR
E
64
2 3
S
2 CHAMB
S
ES
7 3
R
4
6 CHAMB
39
36
2 5
ES
2013
2017
2016
2015
2014
1 CHAMBR
E
72
8 1 6
CHAMB
RE
S
Afrique du Nord
Source : W Hospitality Group, Pipeline Report 2017, 2017.
Top 4 des grands groupes hôteliers en Afrique*
Tourisme et emploi en Afrique
AccorHotels, Hilton Worldwide, Marriott/Starwood et Radisson Hotels Group représentent 80 % des hôtels sous marques et 80 % des projets en cours.
En moyenne, 1 emploi sur 14 en Afrique est créé par l’industrie touristique.
MARRIOTT/ STARWOOD HILTON WORLDWIDE
RADISSON HOTELS GROUP
ACCORHOTELS
= 21 MILLIONS * Liste non exhaustive. Source : Horwath HTL, 2018.
Source : CNUCED, Rapport 2017 « Le développement économique en Afrique : le tourisme au service d’une croissance transformatrice et inclusive », 2017.
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FOCUS
Hôtellerie : pourquoi les grandes chaînes misent sur les contrats de gestion P ar Rémy Darras, Rédacteur en chef adjoint, Jeune Afrique
Sur le continent où le management hôtelier reste une affaire de spécialistes, les grandes chaînes préfèrent contrôler l’offre de services, laissant aux investisseurs locaux le soin de gérer l’immobilier. Explications.
Cet article a été publié par Jeune Afrique en décembre 2017. Il est disponible sur Internet : http://www.jeuneafrique. com/505496/economie/hotelleriepourquoi-les-grandes-chainesmisent-les-contrats-de-gestion/
A
vec 365 projets de construction d’hôtels recensés par l’Hospitality Report Africa 2017, représentant 64 231 chambres (+29 % sur un an), le secteur hôtelier a poursuivi son expansion en 2016. Pour mener à bien ces programmes, répondre plus facilement à la demande et être plus souples dans leur développement, les grandes chaînes internationales comme AccorHôtels, Hilton, Louvre Hôtels, Carlson Rezidor, InterContinental ou Starwood, souvent présentes dans une centaine de pays, préfèrent s’allier à des investisseurs immobiliers. « Plus une chaîne est importante, moins elle possède d’hôtels », confirme Feras Hasbini, directeur Afrique du Nord d’Hilton.
Dans certains pays comme le Rwanda, les autorités publiques font la cour aux grandes chaînes internationales pour se développer comme une destination d’affaires.
18 SECTEUR PRIVÉ & DÉVELOPPEMENT
Et comme il est très difficile sur le continent de trouver des partenaires locaux aptes à gérer des hôtels selon des critères internationaux, elles délaissent le principe de la franchise pour privilégier celui du contrat de gestion (ou de management), par lequel elles gèrent un établissement au profit d’un tiers. Une solution qui constitue aussi un avantage pour des groupes industriels, des entrepreneurs indépendants, comme par exemple l’homme d’affaires béninois d’origine libanaise Ghaby Kodeih – qui construit actuellement à Cotonou un Best Western, un Marriott et un Ramada (groupe Wyndham) –, des fonds d’investissements comme Quantum Global Africa Hotels, basé à Maurice, ou pour des États, dont l’hôtellerie n’est pas le métier, mais qui veulent diversifier leurs investissements en profitant des rendements confortables qu’offre actuellement ce secteur. « Dans certains pays comme le Rwanda, les autorités publiques font la cour aux grandes chaînes internationales pour se développer comme une destination d’affaires grâce à des centres de conférence », souligne depuis le Kenya Estelle Verdier, cofondatrice du site Jumia Travel.
UN « CONTRAT-TYPE » NON NÉGOCIABLE Le contrat de management permet surtout aux groupes hôteliers de se concentrer sur les services et le remplissage des chambres, leur cœur de métier, plutôt que sur les questions immobilières. Pour assurer le meilleur taux d’occupation, l’investisseur sera de son côté attiré par l’expérience, la puissance à la fois de la marque et du canal de réservation et du système de fidélisation dont disposent ces grands groupes gérant jusqu’à 4 000 hôtels. « C’est le nerf de la guerre », réagit Alain Sebah, président de Louvre Hotels (Golden Tulip, Kyriad, Campanile), qui revendique une tren-
taine d’établissements sur tout le continent et travaille actuellement à la mutualisation de sa plateforme de réservation avec celle de son nouvel actionnaire chinois, Jin Jiang, qui a succédé à Starwood en 2016. Après la signature d’un « contrat-type » non négociable qui fixe le standard de prestations auquel s’astreint l’hôtelier et le niveau de construction et de rénovation auquel se soumet l’investisseur, les deux partenaires s’accordent sur un business-plan qui fixe le nombre de chambres, le positionnement de l’établissement ainsi qu’un budget annuel.
UN INVESTISSEMENT PORTANT SUR AU MOINS QUINZE ANS « Notre métier, c’est aussi de maximiser les revenus et de valoriser les actifs du propriétaire, de veiller à la bonne gestion des coûts », décrypte Olivier Granet, directeur depuis février des opérations pour l’Afrique et le Moyen-Orient d’AccorHôtels. « Il s’agit avant tout de construire une relation à long terme, car un investissement dans un hôtel porte sur quinze ans au minimum, jusqu’à cinquante ans pour les adresses les plus haut de gamme, c’est comme un mariage », insiste Alain Sebah, dont le groupe possède le tiers de son propre réseau. Dans le pire des cas, un contrat peut évidemment être dénoncé si les performances ne répondent pas aux objectifs. Si l’hôtelier n’investit pas directement dans la construction, dont le coût peut s’élever de 30 à 50 millions d’euros, c’est en revanche lui qui nomme, un an avant l’ouverture, un directeur d’établissement « qui connaisse les standards de la marque », précise Olivier Granet. C’est ce dernier qui va superviser le recrutement et la formation du personnel et des futurs salariés du propriétaire.
Le contrat de management permet surtout aux groupes hôteliers de se concentrer sur les services et le remplissage des chambres, leur cœur de métier, plutôt que sur les questions immobilières. Chez Accor, un tiers des équipes vient du réseau, un tiers de la concurrence et un tiers est nouvellement formé. « L’hôtelier communique tous les mois sur l’activité, les recettes et le taux d’occupation, et peut réviser le budget tous les trimestres », explique Alain Sebah. L’opérateur pourra, suivant les résultats, revoir les prix des chambres.
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HÔT E L L E R I E : POUR QUOI L ES G RAN D E S CH AÎN E S M I S E N T S UR L ES C ONTR ATS D E G E ST ION
ÉTABLISSEMENT « REBRANDÉ » OU NOUVELLE CONSTRUCTION Le propriétaire s’acquitte de son côté d’une première redevance portant sur le droit d’usage de la marque et d’une seconde proportionnelle à la performance réalisée par l’hôtel. Un opérateur touchera entre 8 et 15 % du chiffre d’affaires. « Un montant sera mis en réserve par le propriétaire pour l’entretien courant et le programme de rénovation de l’hôtel », détaille Olivier Granet. L’hôtelier peut reprendre la gestion d’un établissement existant qu’il « rebrandera » à ses couleurs, à l’instar de l’Hôtel du 2 février de Lomé devenu, en 2016, un Radisson Blu (et dont le contrat de management a été rompu en septembre dernier) ou du Méridien de Douala,
propriété du groupe Fadil, devenu un Pullmann en 2015, Starwood ayant passé la main à Accor, après trente ans de gestion par l’enseigne Le Méridien. Mais le cas idéal, pour lui, est celui dans lequel un investisseur vient le consulter avant même que ne soit posée la première pierre du bâtiment. Car le propriétaire mandatera des architectes avec un cahier des charges et un apport technique de la chaîne pendant toute la phase de construction. « Un avantage pour le propriétaire qui bénéficiera pour son bien de normes de construction internationales et d’un certain standing », estime Feras Hasbini.
LE CACHET D’HYATT OU DE SHERATON, UN GAGE DE CRÉDIBILITÉ POUR LES BANQUES
L’hôtelier peut reprendre la gestion d’un établissement existant qu’il « rebrandera » à ses couleurs.
Surtout, l’association entre un investisseur et une marque de renom permettra au propriétaire d’obtenir des financements auprès des institutions bancaires, principale pierre d’achoppement des projets. Une démarche plus compliquée en Afrique et plus longue qu’ailleurs, six mois dans le meilleur des cas, parfois jusqu’à deux ans. « Quand de riches familles viennent avec le cachet d’Hyatt ou de Sheraton, cela donne un gage de crédibilité », témoigne Estelle Verdier. L’expérience des grands chantiers non aboutis ou mal exécutés ayant toutefois fait école, les banques réclament désormais un apport personnel à hauteur de 40 % de l’investissement.
20 SECTEUR PRIVÉ & DÉVELOPPEMENT
Comme Olivier Granet et Feras Hasbini, Alain Sebah se refuse à se lancer dans des projets dont le financement n’est pas bouclé. « Il faut veiller à ne pas « donner » une enseigne au prétexte que cela sert à lever des fonds. Dans les cas où il y a seulement un terrain, on ne suivra pas, car le projet aura quinze fois plus de valeur que le terrain », confie le dirigeant qui a ouvert en mai un Golden Tulip à Cotonou et en août un autre à Kampala, et qui inaugurera des établissements au Sénégal, en Éthiopie et en Côte d’Ivoire en 2018. « On peut cependant aider à trouver des partenaires », poursuit-il. Pour Alain Sebah, les montages financiers sont souvent difficiles à nouer avec les investisseurs locaux. Raison pour laquelle il se réjouit de l’arrivée de gros fonds d’investissements étrangers dans la construction hôtelière. Mais sur cela, il n’en dit pas plus, secret des affaires oblige.
OPINION
Tourisme en Afrique : une richesse inestimable encore insuffisamment exploitée Mossadeck Bally, Président fondateur, Groupe Azalaï Hotels
Le secteur touristique, qui égale aujourd’hui le volume d’affaires des industries pétrolière, agroalimentaire ou automobile1, s’impose également comme un vecteur de croissance non négligeable de l’économie africaine. Selon la Banque mondiale, le secteur touristique représente aujourd’hui 8,8 % des emplois dans le monde et 4,5 % des investissements mondiaux.
L
e rapport Africa Monitor Tourism 2015 de la Banque africaine de développement (BAD) 2 dresse un constat éloquent du secteur touristique de l’Afrique. Avec plus de 55 millions de touristes enregistrés en 2014, le continent enregistre des hausses indéniables puisqu’il comptait à peine plus de 17 millions de visiteurs en 1990. En 2014, le tourisme international en Afrique aurait connu une augmentation de 2 %3. En termes de flux, environ 2 millions de
personnes ont visité les pays de l’espace UEMOA (Mali, Niger, Togo, Cote d’Ivoire, Sénégal, Guinée Bissau, Benin et Burkina Faso), générant ainsi des recettes estimées à 580 milliards de Francs CFA, soit près d’un milliard de dollars. Conscients de ces enjeux, les États membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) se sont engagés à faire du tourisme un pilier majeur de l’essor économique et social.
Cet article a initialement été publié le 27 juin 2016 sur le blog Secteur Privé & Développement. Une version amendée a été publiée par Jeune Afrique, dans le cadre d’un partenariat avec Secteur Privé & Développement.
Avec plus de 55 millions de touristes enregistrés en 2014, le continent enregistre des hausses indéniables puisqu’il comptait à peine plus de 17 millions de visiteurs en 1990. En 2014, le tourisme international en Afrique aurait connu une augmentation de 2 %.
1 S ite de l’Organisation Mondiale du Tourisme. 2 A frica Tourism Monitor 2015 : En hausse, le tourisme en Afrique doit décoller pleinement http://www.afdb.org/fr/news-and-events/article/africa-tourism-monitor-2015-tourism-in-africa-is-on-the-rise-but-has-not-yet-reached-its-full-potential-15284/ 3 Faits saillants du tourisme – Organisation Mondiale du Tourisme – Édition 2015.
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TOU R I S ME EN AF R I QUE : U N E R I C H E SSE I NESTI M AB L E E N C O R E I NSUF F I SAM M ENT EXP LOIT É E
REPÈRES GROUPE AZALAÏ HOTELS Le Groupe Azalaï Hotels est la première chaîne hôtelière en Afrique de l’Ouest et renforce son positionnement international. Avec une expérience de plus de 20 ans, un siège basé au Mali, Azalaï Hotels a développé une stratégie orientée sur la satisfaction des besoins croissants de ses clients. De Bamako à Cotonou, Ouagadougou, Nouakchott et Bissau, le Groupe Azalaï Hotels est fortement ancré localement avec plus de 4 000 emplois directs et indirects à travers la sous-région.
En Afrique de l’Ouest, la volonté de développement du secteur touristique s’est concrétisée par la mise en place en 2010 d’une Politique commune du tourisme (PCT) et l’adoption du Programme régional de développement du tourisme (PRDTOUR) au sein de l’UEMOA. Ce dernier vise à renforcer le secteur à l’horizon 2020 grâce à une série de mesures incitatives. Ainsi, le nombre de touristes devrait atteindre les 8,5 millions et la durée moyenne de séjour pour les touristes internationaux devrait atteindre 4 jours et celle pour les touristes régionaux devrait s’étendre à 4,5 jours. D’ici 2020, la contribution moyenne du tourisme au PIB dans l’UEMOA devrait dépasser les 7 %, permettant ainsi d’at-
teindre les 800 000 emplois dans le secteur, avec une création de 200 000 emplois directs à la clé. L’ensemble de ces objectifs devrait relever les recettes touristiques à 4 070 milliards de Francs CFA4. Au Mali, comme dans le reste de l’UEMOA, l’ensemble des devises apportées par les différents professionnels du tourisme constitue une opportunité pour la valorisation des ressources culturelles et naturelles tout en dynamisant les activités économiques annexes. Le développement du tourisme entraîne en effet un accroissement des activités du secteur du bâtiment et travaux publics (BTP), des transports, des services, de l’agro-industrie et de l’artisanat.
L’AMÉLIORATION DES ÉCONOMIES RÉGIONALES PASSE PAR LA PROMOTION DU TOURISME Le secteur hôtelier, contrôlé par l’État et fortement dominé par des chaînes internationales, a connu de grandes mutations au milieu des années 1990, auxquelles le Groupe Azalaï Hotels a participé lors de la privatisation du Grand Hôtel de Bamako, en 1994. Vingt ans plus tard, le groupe a créé 700 emplois permanents, 1 400 emplois occasionnels et 2 100 emplois indirects aussi bien au Mali qu’au Burkina Faso, en Guinée Bissau et au Bénin à travers l’accroissement de ses activités touristiques dans la sous-région.
Les groupes du secteur hôtelier comme Azalaï ont leur rôle à jouer pour aider les différents collaborateurs et partenaires à relever le défi du développement durable, notamment en réduisant les externalités négatives.
Les groupes du secteur hôtelier comme Azalaï ont leur rôle à jouer pour aider les différents collaborateurs et partenaires à relever le défi du développement durable, notamment en réduisant les externalités négatives. Nos établissements ont ainsi investi dans des ampoules économiques, des économiseurs d’eau et d’électricité, des stations de traitement des eaux usées et dans de nouvelles technologies plus économes en énergie. Notre implantation locale nous permet de contribuer à la croissance socio-économique des pays concernés et à l’émergence d’un secteur privé fort, responsable et professionnel, susceptible de représenter un moteur du développement et créateur d’emplois.
4 Programme Régional de Développement du Tourisme au sein de l’UEMOA (PRDTOUR).
22 SECTEUR PRIVÉ & DÉVELOPPEMENT
Ainsi, l’utilisation au quotidien de matières premières et de ressources issues directement du monde agricole et rural africain devrait être généralisée dans le secteur. Nos liens avec de petits ou moyens producteurs locaux permet ainsi d’impliquer les populations dans le secteur et de générer de nouvelles sources de revenus. Nous avons notamment tissé des partenariats privilégiés avec des agriculteurs, des pêcheurs ou des femmes commerçantes, organisés en coopérative ou en autoentrepreneurs. Par ailleurs, une partie prépondérante de la décoration de nos hôtels (tableaux, portraits, masques, nappes, etc.) est issu de l’artisanat africain local. En misant sur des partenariats locaux équitables, l’activité touristique et hôtelière se positionne comme
un acteur majeur de la diversification des économies locales et nationales. De nombreuses difficultés plombent néanmoins le secteur touristique en Afrique. Si ces freins sont encore nombreux, beaucoup reste à faire pour améliorer l’impact économique et social de l’activité hôtelière.
Nos liens avec de petits ou moyens producteurs locaux permet ainsi d’impliquer les populations dans le secteur et de générer de nouvelles sources de revenus.
AFRIQUE DE L’OUEST : L’ACTIVITÉ HÔTELIÈRE FACE À SES FAIBLESSES Le manque de visibilité sur les principaux marchés, la carence des réseaux routiers et ferroviaires, l’insuffisance et à la cherté des dessertes aériennes, ainsi que l’absence d’un cadre institutionnel et administratif incitatif constituent les principaux obstacles en Afrique de l’Ouest. Malgré les directives de l’UEMOA (à l’exception notable du Mali), le secteur hôtelier, voire touristique, n’est pas, dans les faits, un secteur prioritaire d’investissement et ne bénéficie pas de mesures incitatives à l’investissement (facilités douanières et fiscales, etc.) qui soient compétitives. Ces pays privilégient souvent les industries extractives et manufacturières, peu créatrices de valeur ajoutée locale. En outre, les risques liés à l’insécurité ternissent l’image des destinations et limitent les flux touristiques. Ce fut le cas du Mali et de la Guinée Bissau, deux pays
qui ont souffert de coups d’états militaires et d’instabilité politique en 2012 et 2013. D’autres problématiques complexifient la donne et freinent l’expansion de l’activité hôtelière et touristique, plus particulièrement dans les espaces UEMOA et CEDEAO. Tout d’abord, les parcs hôteliers sont particulièrement concentrés dans les zones urbaines, délaissant les zones rurales où le manque d’infrastructures (routes, aéroports, hôtels) limite d’ailleurs le tourisme intérieur ou de loisirs. De plus, le faible niveau, voire l’inexistence quasi-totale de formations de personnel en hôtellerie dans l’espace UEMOA influe sur la qualité des prestations proposées. Enfin, le développement des filières d’hébergement informel et le non-respect des normes de construction réduit le taux d’occupation des hôtels et induit un manque à gagner fiscal.
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TOU R I S ME EN AF R I QUE : U N E R I C H E SSE I NESTI M AB L E E N C O R E I NSUF F I SAM M ENT EXP LOIT É E
RÉFÉRENCES Documents du Groupe AZALAI HOTELS Journal le Pays (BF) : Tourisme dans l’espace UEMOA « Des pistes de progrès examinées », publié le lundi 21 juin 2010, Journal Du Mali : « Le Tourisme au Mali » OMATHO Programme Régional de Développement du Tourisme au sein de l’UEMOA (PRDTOUR). Code des investissements du Mali. Disponible ici : http://www. droit-afrique.com/upload/doc/mali/ Mali-Code-2012-investissements.pdf Rapport 2e Réunion CRC-PRDTOUR Disponible ici : http://news.abidjan. net/h/494496.html
L’absence de structure financière dédiée au développement du secteur touristique et hôtelier est tout aussi regrettable. Plusieurs facteurs limitent les banques commerciales et de dépôts, les rendant frileuses à tout financement du secteur : absence de ressources longues, spécialisation insuffisante concernant les questions de financement des activités touristiques, crédits non adaptés aux besoins des professionnels, manque de confiance vis-à-vis de ces derniers et taux d’intérêts élevés. Le tourisme est encore trop souvent perçu comme un secteur à risques multiples pour les investisseurs.
Deux autres facteurs achèvent de compléter ce tableau. D’une part, les taxes appliquées dans les États membres de l’UEMOA et les coûts élevés de certains services de base (eau, électricité, télécommunications) alourdissent le coût de fonctionnement qui se répercute sur les coûts de séjour des touristes, ce qui limite la compétitivité et l’attractivité des infrastructures hôtelières et touristiques de la zone. D’autre part, le développement touristique pêche également par le manque de systèmes d’information et informatiques. Les hôtels africains sont quasi absents sur les GDS5, et l’instabilité des débits internet rend difficiles les paiements en ligne.
L’EMPREINTE ENVIRONNEMENTALE ET SOCIALE, L’AUTRE FUTUR DU SECTEUR Ce panorama du secteur touristique ouest-africain ne peut faire l’économie des impacts environnementaux et sociaux générés par le développement de l’industrie touristique afin de pouvoir y apporter des réponses complètes. C’est pourquoi il est crucial d’identifier ces problèmes lors de la définition et de la mise en œuvre des politiques sectorielles afin d’édicter des règles
Plusieurs facteurs limitent les banques commerciales et de dépôts, les rendant frileuses à tout financement du secteur : absence de ressources longues, spécialisation insuffisante concernant les questions de financement des activités touristiques, crédits non adaptés aux besoins des professionnels, manque de confiance vis-à-vis de ces derniers et taux d’intérêts élevés.
claires et objectives en matière de protection de l’environnement, de la jeunesse et des valeurs sociétales et humaines. En tant qu’investisseur sous régional, notre groupe a constaté que tous les pays de l’UEMOA ont pris en compte ces préoccupations dans leurs politiques nationales : aucun projet hôtelier ne peut se réaliser dans l’espace sans une étude d’impact environnemental et social sérieuse et approuvée par les autorités compétentes. En étendant les pratiques respectueuses de l’environnement, le tourisme pourra se prévaloir d’une certaine responsabilité sociale et environnementale. Cette responsabilité s’érigera alors comme un atout à part entière et susceptible d’attirer des financeurs ainsi qu’une clientèle à la recherche de produits nouveaux tout en réduisant leur empreinte écologique. Enfin, cette tribune ne serait pas complète si elle faisait l’économie des derniers événements tragiques qui ont secoué la région. Malheureusement, les bilans meurtriers des attaques terroristes ont encore une fois démontré que
5 G lobal Distribution System ou Système de réservation centralisé : Les GDS sont des plates-formes électroniques de gestion des réservations qui permettent aux agences de voyages de connaître l’état du stock des différents fournisseurs de produits touristiques (compagnies aériennes, chaîne d’hôtels, société de location de voiture, tour operators, etc.) et de réserver à distance.
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personne, quelle que soit sa nationalité, n’était épargnée par ce fléau. Aussi, l’ouverture prochaine d’un hôtel du Groupe Azalaï en Côte d’Ivoire sera d’autant plus symbolique que les récents attentats commis au Mali et en Côte d’Ivoire ont mis à mal le secteur touristique. Pour autant, face à ces nouveaux défis sécuritaires qui touchent l’Afrique de l’Ouest, seule une réponse positive permettra d’endiguer cette menace. Cette dernière plonge notamment ses racines dans les conditions économiques difficiles de ces régions, mais aussi dans le manque d’ouverture et d’échange à l’autre tant par méconnaissance que par les barrières érigées. Quel autre secteur représente à la fois l’ouverture vers l’autre, la stabilité et la paix si ce n’est le secteur touristique et hôtelier, haut lieu d’échanges et de rencontres ?
En étendant les pratiques respectueuses de l’environnement, le tourisme pourra se prévaloir d’une certaine responsabilité sociale et environnementale. Cette responsabilité s’érigera alors comme un atout à part entière et susceptible d’attirer des financeurs ainsi qu’une clientèle à la recherche de produits nouveaux tout en réduisant leur empreinte écologique. Nous sommes intimement convaincus que notre activité contribue, même modestement, à lutter contre ce fléau et à abattre les murs d’incompréhension afin de nous (re)découvrir et de nous rassembler.
Cinq mesures phares pour dynamiser le secteur Pour rendre plus fluide le secteur touristique et hôtelier, il est important de créer un marché régional permettant d’exploiter tout le potentiel touristique des États de la région. C’est au regard de cette situation que les États membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) ont décidé d’emprunter une démarche communautaire pour surmonter ces freins. Cinq mesures fortes permettraient d’assurer le développement de l’activité en Afrique de l’Ouest : - Le développement de l’offre touristique communautaire : aménagement des sites touristiques et renforcement des infrastructures de base comme les aéroports, les routes, les hôtels ou encore l’offre de restauration ; - L’amélioration de la visibilité et de la compétitivité des destinations touristiques de l’UEMOA par la promotion du tourisme tant international qu’intracommunautaire, le financement de l’investissement touristique ; - La mise en œuvre de mesures incitatives à l’investissement dans le secteur, notamment l’amélioration des mesures existantes. Le Mali a adopté un plan stratégique de développement du secteur touristique qui a renforcé le Code des Investissements, notamment la mobilisation de l’épargne nationale et l’attrait de capitaux étrangers, la création d’emplois tout en formant une main-d’œuvre qualifiée, la promotion d’un tissu économique performant et complémentaire ;
- La construction d’infrastructures routières et ferroviaires (voire aéroportuaires) pour désenclaver les zones touristiques et faciliter leur accès aux touristes nationaux et étrangers ; - Le renforcement des capacités des acteurs du secteur touristique tels que les administrations nationales du tourisme et les cadres de concertation et de perfectionnement des acteurs, la mise en place d’un système régional d’information sur le tourisme. La rigueur de la gestion et le respect des engagements sont primordiaux pour gagner la confiance des bailleurs de fonds tels que la SFI ou Proparco. C’est ainsi que le Groupe Azalaï Hotels a notamment acquis une certaine facilité à lever des crédits. Un mécanisme spécialisé de financement du tourisme et de l’hôtellerie s’impose de façon urgente pour accompagner l’accroissement de la capacité hôtelière. Une telle structure peut passer par la création d’un fonds d’investissements touristiques pour accorder des crédits à long terme aux acteurs du secteur. En la matière, le Maroc, la Tunisie et l’Île Maurice sont des pionniers dont les réussites peuvent largement inspirer les pays d’Afrique de l’Ouest. Ces efforts d’assainissement et d’amélioration de l’environnement des affaires doivent être poursuivis par les États pour ne pas rester vains.
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Le développement hôtelier en Afrique, un formidable potentiel de rendement pour les investisseurs P ar David Harper, Responsable des services immobiliers, Hotel Partners Africa
Les potentiels de l’Afrique, en lien avec l’explosion de sa population, son profil démographique et son exceptionnelle richesse en matières premières, ne sont plus à démonter. Or l’insuffisance des hébergements hôteliers sur le continent offre également l’une des meilleures opportunités au monde en matière d’investissement immobilier. Quels en sont les avantages pour le pays hôte ? Et comment limiter les effets des principaux freins, afin d’assurer le succès de ce développement ?
E Cet article a initialement été publié le 28 novembre 2016 sur le blog Secteur Privé & Développement
n 2015, le rapport semestriel d’Hotel Partners Africa mettait l’accent sur l’immense opportunité que l’Afrique subsaharienne représente pour les investisseurs dans le secteur de l’hôtellerie. Il faisait écho en cela à bon nombre de rapports déjà produits par toute une série de professionnels et chercheurs éminents. Tout le monde connaît le formidable potentiel du continent africain, lié à l’explosion de sa population, à son profil démographique et à son exceptionnelle richesse en matières premières. L’insuffisance des hébergements hôteliers sur le continent crée au demeurant l’une des meilleures opportunités au monde pour l’investissement immobilier. Afin de replacer cette opportunité dans son contexte, il convient de mettre en lumière certaines réalités essentielles. Aux États-Unis, où le marché de l’hôtellerie est l’un des plus avancés au monde en termes de maturité, on compte environ, pour un million d’habitants, 15 000 chambres d’hôtels affiliées à une chaîne. Dans l’ensemble de l’Afrique sub-
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saharienne, ce chiffre n’est que de 89 chambres par million d’habitants, soit 168 fois moins. Ne serait-ce que du seul point de vue de l’offre, les opportunités sont déjà colossales. Mais ce n’est pas l’unique raison pour laquelle la promotion hôtelière offre de si belles opportunités aux investisseurs. Dans l’ensemble de l’Afrique subsaharienne, les pouvoirs publics sont souvent particulièrement désireux de favoriser la promotion immobilière en matière hôtelière. Certaines voix ont pu s’élever par le passé pour demander dans quelle mesure cette volonté presque intuitive de favoriser un tel développement coïncidait bien avec les intérêts du pays. Pour ma part, je soutiens néanmoins que la promotion hôtelière est extrêmement favorable au développement d’une économie émergente, dans la mesure où elle entraîne pour le pays de nombreux effets vertueux, aussi bien matériels qu’immatériels.
ATTRACTIVITÉ, EMPLOI, FORMATION PROFESSIONNELLE Parmi les nombreux avantages que présente un hôtel de rang international, l’un des plus évidents – qui est pourtant trop souvent oublié – c’est le service hôtelier en lui-même. La présence d’un hôtel appartenant à une grande chaîne internationale connue incite les investisseurs étrangers à venir découvrir le pays et les opportunités d’investissement qu’il peut offrir, dans tous les domaines. Il est clair que, sans cette possibilité de se rendre compte par soi-même des occasions présentes sur le terrain, l’investissement étranger tend à rester limité. On rappelle souvent que lorsque le gouvernement tanzanien a décidé d’investir dans l’hôtel Kempinski de Dar es Salaam, l’investissement étranger dans le pays a doublé dans l’année qui a suivi son inauguration. Un autre atout majeur d’un tel établissement tient à la quantité et la nature des opportunités d’emplois qu’il peut offrir. En Afrique, les hôtels font généralement travailler entre un et cinq salariés par chambre, voire davantage pour les établissements plus petits et plus luxueux. Le taux d’emploi y est habituellement plus élevé que dans les autres régions du globe, à l’exception de l’Asie. Ainsi, un hôtel de 200 chambres peut aisément fournir à lui seul 300 à 400 emplois directs, sans compter l’emploi indirect induit dans des services comme les taxis ou parmi les fournisseurs de l’établissement.
La présence d’un hôtel appartenant à une grande chaîne internationale connue incite les investisseurs étrangers à venir découvrir le pays et les opportunités d’investissement qu’il peut offrir, dans tous les domaines. Un hôtel présente en outre la particularité unique de pouvoir recruter une main-d’œuvre non qualifiée, à laquelle il apporte ensuite une formation, offrant de ce fait à chacun des possibilités très concrètes d’amélioration sur le plan personnel (et donc financier). Un employé peut ainsi débuter à la plonge et, sur ses propres mérites, bénéficier d’une promotion pour continuer ensuite sa progression jusqu’aux équipes dirigeantes. Dans un pays en développement où le système éducatif n’offre pas assez d’opportunités, ces possibilités d’évolution sont très appréciées par les populations locales et, en toute logique, par leurs représentants politiques, dont le rôle est d’incarner et de défendre au mieux leurs intérêts.
UN « COEFFICIENT MULTIPLICATEUR » ÉLEVÉ SUR LES REVENUS GÉNÉRÉS PAR L’ACTIVITÉ Pour être en mesure de gouverner efficacement un pays, les pouvoirs publics ont besoin de recettes fiscales. Bien entendu, la collecte de l’impôt ne garantit nullement que ce dernier sera dépensé à bon escient, mais il n’existe a contrario aucun moyen d’améliorer les conditions d’existence de la population sans recettes fiscales. Or le secteur hôtelier offre aux pouvoirs publics des sources de revenus nombreuses et variées : frais de visas acquittés par les clients de l’hôtel à leur entrée dans le pays, impôt sur le revenu de tous les salariés de l’établissement, droits de douanes prélevés sur les importations nécessaires à l’activité opérationnelle, impôt sur les sociétés – sans oublier les taxes de séjour
et la TVA. Il existe en outre, tout au long du processus de réalisation du projet hôtelier, de nombreuses autres occasions de prélever des commissions en amont : taxes sur les importations de matériaux de construction, impôts sur le revenu des ouvriers du bâtiment ou encore impôt sur les sociétés acquitté par le promoteur immobilier. Au vu des nombreuses opportunités d’accroître les recettes fiscales, il n’est guère étonnant que certains gouvernements, peut-être plus visionnaires, proposent aux promoteurs hôteliers des mesures d’incitation fiscale visant à garantir qu’ils trouveront dans ces opérations une rentabilité suffisante pour consentir aux investissements initiaux.
REPÈRES HOTEL PARTNERS AFRICA HPA est le fruit du rapprochement entre les consultants les plus expérimentés et les plus respectés en matière d’hôtellerie sur tout le continent africain. HPA propose des services d’une grande souplesse, qui s’adressent à tous les promoteurs et opérateurs d’hôtellerie en Afrique, en s’appuyant sur plus de 100 années d’expérience cumulée dans l’accueil et l’hébergement. La société s’attache à répondre à l’ensemble des besoins de ses clients en matière d’immobilier hôtelier en Afrique. Son offre couvre ainsi notamment l’évaluation initiale du potentiel, la recherche de financements pour le projet immobilier, la construction, le lancement des activités opérationnelles et la cession éventuelle de l’actif à terme.
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L E D É V E LO PPEM ENT HÔTEL I ER E N AFRIQUE , U N F OR M I DAB L E POTENTI EL DE RE N D E ME N T POU R L E S I NVESTI SSEUR S
Des hôtels appartenant à un label reconnu vont attirer les visiteurs étrangers, que ce soit pour le tourisme ou pour les affaires. Le secteur du tourisme et des voyages présente l’un des « coefficients multiplicateurs » les plus élevés sur les sommes générées par l’activité. Un dollar de revenu hôtelier produit au total sept dollars, soit un coefficient supérieur à celui de n’importe quel autre secteur d’activité. Le World Travel & Tourism Council estime en outre que, pour tout dollar généré directement par l’activité hôtelière, 3,20 dollars supplémentaires sont produits de façon indirecte dans les services associés.
En outre, la présence d’un hôtel proposant des prestations haut de gamme peut améliorer la manière dont un pays est perçu à l’étranger, lui conférant un prestige qu’aucun autre type d’immobilier commercial ne peut offrir. L’ouverture du Sheraton d’Addis-Abeba, par exemple, a beaucoup fait pour l’image de la ville, rehaussant son prestige à des niveaux jamais atteints auparavant. Des hôtels appartenant à un label reconnu vont en outre attirer les visiteurs étrangers, que ce soit pour le tourisme ou pour les affaires. « Construisons, et ils viendront » est bien une maxime de l’industrie hôtelière (et pas seulement une formule hollywoodienne, entendue dans des films sur le baseball et les stades qui lui sont destinés).
DES DÉLAIS LONGS ET COÛTEUX Quels sont alors les obstacles ? Pourquoi si peu d’hôtels voient-ils le jour chaque année, alors que le champ des possibles est en apparence infini ? 248 hôtels « de marques » étaient officiellement en construction en 2016. Cependant, pour cette même année, seuls 18,7 % d’entre eux ont été inaugurés dans les délais prévus en Afrique subsaharienne. Une étude conduite en début d’année par Hotel Partners Africa sur les établissements effectivement construits dans un certain nombre de villes clés révèle que les retards d’ouverture sont en moyenne de 4 ans pour l’ensemble de l’Afrique subsaharienne. Cette moyenne atteint 7 ans à Lagos et 5 ans à Lukasa, contre 4 ans à Addis-Abeba, Kigali et Kampala, 3 ans à Accra et Dar es Salaam, ou encore 2 ans à Nairobi et Abidjan. Ces dépassements de délais coûtent cher – sachant que le retour sur investissement pour une opération immobilière de ce type diminue rapidement en cas de retards. Dans l’un des projets cités par exemple, la rentabilité a ainsi chuté d’un TRI de 15 % (hors recours au crédit) à un TRI de 7 %, à cause d’un retard de 4 ans. Ces délais s’expliquent par différents
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facteurs, et notamment par des problèmes dans la programmation immobilière ou la passation des marchés, les blocages de certains approvisionnements dans les ports, et la difficulté à trouver des sous-traitants suffisamment bien formés. Pour réduire au minimum, voire faire intégralement disparaître ces retards potentiels, il n’y a pas d’autre solution que de disposer d’une équipe expérimentée, maîtrisant toutes les étapes du développement immobilier. Le problème, c’est que les prestataires peu qualifiés et inexpérimentés sont souvent aussi les moins chers. Les investisseurs à courte vue sont sensibles à des prix attractifs, sans prendre conscience que ces choix finiront par leur coûter très cher à long terme. Pourtant, des sociétés comme HotelSpec se monteront tout à fait prêtes à accompagner les promoteurs et à intervenir en tant que représentant du propriétaire, afin de s’assurer que le développement du projet entrera bien dans les délais et le budget impartis. Elles proposent en même temps des services d’approvisionnement et de recrutement des prestataires, qui vont sensiblement réduire le risque pendant toute la phase de développement immobilier du projet.
L’ÉTUDE DE FAISABILITÉ : UNE DÉPENSE TRÈS RENTABLE Une autre difficulté majeure de ces projets réside dans le manque d’orientations de départ précises et dans l’insuffisance des diligences préalables. Une étude de faisabilité est en effet indispensable non seulement pour assurer le financement ou attirer un opérateur de qualité, mais aussi pour garantir que le site sera exploité au maximum de son potentiel. Il n’y a pas lieu de construire un hôtel de luxe de 400 chambres si le marché réclame plutôt un établissement intermédiaire de 200 chambres, qui assurera une rentabilité bien supérieure. Pour un coût pouvant aller de 30 000 à 40 000 dollars, l’étude de faisabilité permettra en règle générale d’éviter des erreurs nettement plus onéreuses. L’intervention de la société W Hospitality Group a par exemple permis de réduire le coût de construction d’un projet de 30 %, tout en accroissant sa valeur finale de pas moins de 20 millions de dollars, avec à la clé, pour les investisseurs, un rendement de 40 % en incluant l’endettement. Cette forme-là de conseil rapporte toujours bien davantage que ce qu’elle coûte, y compris lorsqu’elle conclut qu’il est préférable de renoncer purement et simplement au projet. La principale cause de retard n’en reste pas moins le manque d’argent. Beaucoup de projets subissent des retards parce que le propriétaire n’a tout simplement pas les fonds nécessaires à la poursuite de leur développement. En matière de promotion immobilière, il est traditionnellement difficile d’obtenir des financements. Face à des taux généralement élevés et des maturités courtes, un promoteur doit impérativement savoir attirer des financements compétitifs s’il ne veut pas voir la rentabilité de son projet fondre sous l’effet du coût du crédit. Il peut cependant compter en la matière sur des sources de financement fiables, parmi lesquelles on peut citer Proparco, l’IDC, la DEG ou d’autres institutions de financement du développement (IFD). À condition d’approcher les bailleurs dans les règles, il est possible d’obtenir des conditions favorables permettant d’améliorer la rentabilité globale du projet. Il faut dialoguer avec le prêteur, comprendre
ce dont il a besoin pour permettre au projet d’avancer (en général et a minima, une bonne étude de faisabilité et un contrat de gestion de l’établissement avec un opérateur respecté), et s’assurer que le projet comme les équipes sont présentés sous un jour favorable (et nous entendons par là l’utilisation d’un format de présentation apprécié par les banques – pas la dissimulation de la réalité !). Il faut aussi veiller au respect d’une totale transparence, sur tous les points, y compris celui des risques encourus, afin de se montrer réaliste et crédible. Aucun projet de ce type n’est dépourvu de risques : si l’initiateur n’est pas en mesure de les identifier, les bailleurs ne le prendront pas au sérieux en tant qu’investisseur ou promoteur.
En matière de promotion immobilière, il est traditionnellement difficile d’obtenir des financements. Face à des taux généralement élevés et des maturités courtes, un promoteur doit impérativement savoir attirer des financements compétitifs s’il ne veut pas voir la rentabilité de son projet fondre sous l’effet du coût du crédit. Dans l’ensemble de l’Afrique subsaharienne, l’immobilier hôtelier offre aux investisseurs d’excellents rendements potentiels, à condition de savoir éviter les nombreux obstacles rencontrés par beaucoup de promoteurs. Dans la mesure où ces projets répondent en général aux enjeux politiques des autorités régionales et de l’État, ils ont de bonnes chances d’être accueillis favorablement. Il est donc essentiel d’éviter soigneusement les écueils potentiels, pour assurer la maximisation des effets vertueux du développement hôtelier, en termes de retour sur investissement, d’emploi, de recettes fiscales et de prestige.
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LES ENSEIGNEMENTS DU NUMÉRO
P ar Nicolas Willemin, chargé d’affaire senior, Proparco Avec près de 62 millions de touristes enregistrés en Afrique en 2017 (soit une augmentation d’environ 8 % par rapport à l’année 2016), et une croissance forte et constante de sa participation au produit intérieur brut (PIB) du continent, le secteur touristique africain connaît sans nul doute des années florissantes. Certes, cette industrie du tourisme ne représente encore qu’une part marginale à l’échelle mondiale – environ 5 % du total de voyageurs en 2017 – mais les signaux envoyés laissent entrevoir un avenir plein de promesses.
En l’espace de 4 ans seulement, le nombre de chambres aux standards internationaux a bondi de 100 % en Afrique subsaharienne.
Industriels et grandes marques à la renommée internationale et régionale l’ont évidemment bien compris et anticipé. En l’espace de 4 ans seulement, sur la période 2013-2017, le nombre de chambres aux standards internationaux a ainsi bondi de 100 %, passant de 36 250 à plus de 72 800 chambres en Afrique subsaharienne1. Cette forte croissance a comme effet de réduire le nombre de chambres disponibles détenues par des hôtels indépendants, qui représentent encore la moitié de l’offre, mais également de pousser le secteur à se rénover, se structurer et à développer une offre de qualité en adéquation avec les standards internationaux.
1 W Hospitality Group, Pipeline Report 2017, 2017.
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Si l’offre d’hôtels 3 et 4 étoiles est encore largement prédominante, le marché du haut de gamme (5 étoiles) tend à prendre une place de plus en plus grande sur le continent. Comme l’analyse Charlotte Specht, directrice Afrique de l’Ouest et Centrale chez Horwath HTL, « les groupes hôteliers internationaux avec plusieurs marques ont tendance à favoriser leurs enseignes 4 et 5 étoiles, afin de bénéficier de rendements supérieurs » dans les nouveaux marchés émergents africains (pages 6 à 9). Pour autant, peut-on dire que le continent africain bénéficie d’une croissance uniforme des secteurs hôtelier et touristique ? Rien n’est moins sûr. Comme l’évoque très justement Charlotte Specht, on peut d’ailleurs parler de « développement à plusieurs vitesses ». Quand certains pays comme le Nigeria, l’Afrique du Sud, le Mozambique ou encore le Zimbabwe se distinguent par leur poids économique et une forte croissance touristique, d’autres connaissent des contextes économiques, politiques ou géopolitiques très différents. Beaucoup de pays d’Afrique subsaharienne sont ainsi soumis à une certaine instabilité, et ce depuis plusieurs années, ce qui « conduit à une sélectivité de fait en faveur des pays et des zones les plus stables », souligne Charlotte Specht. L’Afrique de l’Ouest, par exemple, souffre encore de certaines faiblesses : les carences en matière d’infrastructures de transports, le manque de visibilité sur les marchés ou encore l’absence de mesures institutionnelles et administratives incitatives sont autant d’obstacles au développement du secteur hôtelier dans cette région. « En outre, les risques liés à l’insécurité ternissent l’image des destinations et limitent les flux touristiques »,
commente Mossadeck Bally, président fondateur du Groupe Azalaï Hotels, dans son article (pages 22-25). Ce dernier préconise d’ailleurs plusieurs solutions pour dynamiser le secteur de l’hôtellerie, parmi lesquelles le développement des infrastructures de transport (routières, ferroviaires et aéroportuaires), la mise en place de mesures incitatives à destination des investisseurs, ou encore le renforcement des acteurs touristiques déjà existants. Mais développer les secteurs de l’hôtellerie et du tourisme en Afrique nécessite de se pencher sur la question des externalités négatives, notamment en matière environnementale. Et sur ce point, chaque acteur de la chaîne de valeur a un rôle
primordial à jouer. Comme vous le lirez en pages 10 à 13 de cette revue, la question des certifications environnementales est déjà une condition au financement par les investisseurs. L’intervention des bailleurs de fonds, dont Proparco fait évidemment partie, permet ainsi d’accompagner l’adoption et le respect des standards internationaux en matière d’efficacité énergétique. À n’en pas douter, le développement des groupes hôteliers internationaux a un rôle de levier à jouer pour dynamiser, structurer le secteur de l’hôtellerie en Afrique, et ce à plusieurs niveaux : environnemental, bien sûr, mais aussi par la création d’emplois et le développement d’infrastructures adaptées.
SP D Depuis 2009, Proparco anime l’initiative Secteur Privé & Développement (SP&D) qui traite du rôle du secteur privé dans le développement des pays du Sud. Déclinée sous forme d’une revue trimestrielle et d’un blog dédié, l’initiative SP&D vise à diffuser les idées et les expériences tant des chercheurs que des acteurs du secteur privé qui apportent une réelle valeur ajoutée dans le développement des pays du Sud.
Les cinq derniers numéros de la revue Numéro 29 Financer les start-up pour construire les économies de demain en Afrique Numéro 28 Le médicament en Afrique : répondre aux enjeux d’accessibilité et de qualité Hors-série Secteur privé et innovations numériques : accélérateurs de développement
Des contributions récentes du blog Marchés pharmaceutiques en Afrique : réguler pour mieux structurer et dynamiser l’économie locale Alexandre de La Volpilière, pharmacien inspecteur de santé publique
Les entreprises agroalimentaires doivent agir durablement pour le développement des agricultures africaines Anne Pacquet, vice-présidente du conseil scientifique de la Fondation Farm
Accès aux semences de qualité : l’exemple des entreprises semencières locales au Malawi Jérôme Bossuet, ingénieur agronome
Au Rwanda, « les données recueillies via RapidSMS permettent aux hôpitaux d’anticiper les accouchements et de s’organiser » Samir Abdelkrim, aentrepreneur et consultant, StartupBRICS.com
Quel rôle pour le secteur privé dans le développement du numérique en Afrique ?
Numéro 27 Vulnérabilités et crises : quels rôles pour les entreprises ?
Jean-Michel Huet, associé chez BearingPoint
Numéro 26 Le secteur portuaire en Afrique : plein cap sur le développement
la microfinance en Côte d’Ivoire pour lutter contre l’exclusion bancaire
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SP D
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Secteur Privé & Développement (SP&D) est une revue trimestrielle destinée à analyser les mécanismes par lesquels le secteur privé peut contribuer au développement des pays du Sud. SP&D confronte, à chaque numéro, les idées d’auteurs aux horizons variés provenant du secteur privé, du monde de la recherche, d’institutions de développement ou de la société civile. Un blog a été lancé dans la continuité de la revue afin d’offrir un espace de réflexion et de débats plus large sur le secteur privé et sur le développement.
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