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Hugues lehembre

“La créativité, ce n’est pas juste être différent. N’importe qui peut agir bizarrement ; c’est facile. Ce qui est difficile, c’est d’être aussi simple que Bach. Rendre les choses simples, superbement simples, c’est ça la créativité.”

Charles Mingus

Je ne peux qu’être d’accord avec cette affirmation, la voie de la beauté en musique passe d’abord par la recherche de la simplicité. Et pourtant, quand on écoute les compositions de Charles Mingus, les solos de Thelonious Monk, les derniers concerts de John Coltrane, ce n’est pas la simplicité qui saute aux oreilles. On pense plus à une mélodie des Beatles, un menuet de Mozart ou à un prélude de Bach quand il est question de simplicité musicale. Mais je pense que Charles Mingus parle de l’essence de la musique, l’esthétique est ensuite modelée par le contexte social, politique et artistique d’une époque. Ce qui relie ces artistes est cette quête commune de “l’évidence”.

Il est commun dans la carrière d’un musicien et d’un compositeur de se heurter aux résultats décevant d’une musique trop intellectuelle, complexe pour le plaisir de la complexité. Je reste persuadé que la première idée musicale doit être simple et spontanée, et qu’il faut se jeter corps et âmes dans l’évidence. Quand j’écoute les grands musiciens, compositeurs ou improvisateurs, ce qui me touche c’est la pureté des mélodies, j’ai l’impression que toutes les notes jouées étaient là avant.

Bien sûr, la musique n’est pas qu’affaire de composition : l’interprétation et l’orchestration ont un rôle majeur à jouer. L’Octet la Nocturne joue une musique étrange, surprenante, drôle parfois. C’est le résultat d’une transformation, d’un décalage, comme une histoire triste qu’on raconte avec le sourire. L’Octet est un clown, parfois gai, parfois triste, parfois lyrique, mais jamais sérieux. L’ironie et l’humour. La littérature, le théâtre en use, mais la musique reste souvent trop parfaite, trop lisse, comme si elle avait le devoir de séduire. L’Octet est irrévérencieux. L’humour, l’ironie s’invitent dans la musique, une mise à l’épreuve de l’authenticité. La musique en ressort plus souriante, plus sûre d’elle-même, souveraine. Nous avons le privilège de pouvoir s’investir entièrement dans quelque chose de pas vraiment sérieux, conscients qu’en tant qu’artiste, nous sommes avant tout des artisans de l’inutile. Le jazz est notre prétexte, les compositions sont notre fil conducteur. Chaque pièce est un tableau, chaque représentation est unique. Les improvisations vont au-delà du chorus. L’Octet reste toujours ouvert à une idée rocambolesque qui pourrait jaillir d’un musicien, le reste du groupe prêt à s’y fondre tout en souplesse. L’énergie qui se dégage de l’Octet est le résultat d’une symbiose entre tous ces musiciens qui, l’espace d’un instant, jouent, respirent, rient ensemble. Ce premier album est un instant suspendu.

Gabriel Rigaud

Créé en 2015, l’Octet La Nocturne est un groupe de jazz français, basé sur Montpellier. C’était d’abord un rassemblement de musiciens passionés par le jazz des années 50/60. En s’inspirant des Workshop de Charles Mingus, le premier objectif était de se retrouver pour jouer du jazz improvisé mais avec la configuration et le son d’un Octet des années 60. Puis un nom est né en même temps que la première composition, Lost in a Nocturne. L’Octet est depuis en constante évolution, il navigue entre son esthétique hard bop et la modernité de son époque. Depuis sa création, l’Octet La Nocturne s’est produit sur différentes scènes en France. Plusieurs concerts qui ont permis de souder la matière sonore du groupe.

Basant son répertoire sur des compositions originales, le groupe, par l’intermédiaire du pianiste et compositeur Gabriel Rigaud, propose un voyage sensoriel, n’hésitant pas à utiliser les outils du free-jazz, les voix de ses protagonistes ou quelques références à la musique moderne actuelle. Tantôt romantique, tantôt drôle, mais toujours surprenant. Ils ne savent jamais eux-mêmes où ils vont vraiment, mais ils y vont à l’instar des jazz-mens américains qu’ils chérissent.

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