art contemporain - occitanie - juin juillet aoĂťt septembre 2019 - numĂŠro 50
Cyril CHARTIER-POYET Architextures 6 juin - 13 juillet 2019
Galerie Vasistas 37 avenue bouisson bertrand – montpellier du mercredi au samedi 15h – 18h30
# 50
Summertime, and the livin' is easy... notamment chez Patricia et Jean-Marc.
est-ce qu’on peut dire la solitude ? - Corinne Rondeau audrey martin - CACN, Nîmes (30) rayyane tabet - Carré d’Art, Nîmes (30) 100 artistes dans la ville - Montpellier (34) jeremy laffon & elvia teotski - Joe la Bouteille l’été photographique - Lectoure (32) peinture - Musée Fabre, Montpellier - Château de Jau, Cases de Pène cyril chartier-poyet - Architextures bouquet final - en 73 minutes a-chroniques - Benoist Bouvot silhouette - Dominique Rochet la dramatique vie de marie r. - Marie Reverdy i’m back - Laurent Goumarre
offshore est édité par BMédiation 4 rue Chamayou 34090 Montpellier directeur de publication : Emmanuel Berard rédacteur en chef : Jean-Paul Guarino site : offshore-revue.fr tél. : 04 67 52 47 37 courriel : offshore@wanadoo.fr ISSN 1639-6855 dépôt légal : à parution impression : JF Impression. 34075 Montpellier
Photo de couverture : Joris par Laurent Goumarre © offshore 2019 ont collaboré à ce numéro : Benoist Bouvot, Laurent Goumarre, Marie Reverdy, Dominique Rochet, Corinne Rondeau crédits photos : Julie Chaffort, Cyril Chartier-Poyet, Laurent Goumarre, Jean-Paul Guarino, Jeremy Laffon & Elvia Teotski, Audrey Martin, Dominique Rochet
est-ce qu'on peut dire la solitude ?* corinne rondeau
Y a des vies dont la biographie n'explique pas grand-chose, peut-être parce que quelque chose s'est joué avant : l'Histoire tire ses fils par-delà les êtres, façon objective de dire que l'histoire individuelle est aussi hors d'elle-même. C'est un peu l'affaire de l'artiste belge, Stéphane Mandelbaum (1961-1987). Semblant tout droit sortis des gants de Mohamed Ali, ses portraits méconnus réapparaissent ces derniers temps de ci, de là, comme pour ébranler le tout sécuritaire de l'Occident et du marché qui couronne l'inacceptable kitsch dont Milan Kundera écrivait dans L'insoutenable légèreté de l'être qu'il est « un paravent qui dissimule la mort ». Mandelbaum, la mort ça le connaît avant, pendant, après. Avant : le grand-père, seul survivant de la Shoah. Pendant : il apprend la langue du grand-père, le yiddish malgré dyslexie et dysorthographie, et dessine des portraits de Goebbels alors qu'il rêve de vivre dans un ghetto juif « pour casser du nazi ». Après : ayant vécu à la fin de sa vie dans les marges de la société entre proxénètes, petites frappes, prostituées et travestis, on le retrouve assassiné sur un terrain vague, le visage défiguré à l'acide. Provocateur s'il en est à nos yeux actuels, Mandelbaum appartient à la culture des années 70-80 où l'image pornographique connait une démocratisation sans pareille, à l'égal du militantisme politique d'extrême gauche. Un de ses miroirs est Pierre Goldman, juif, marginal, mélange de révolutionnaire et de résistant, détenu de droit commun, écrivain, chanteur, assassiné. Il en fait plusieurs portraits à la mine de graphite et feutre sur papier grand format. Suivront au stylo-bille ceux de Rimbaud, Pier Paolo Pasolini et Francis Bacon, représentant successivement fulgurance, innocence disloquée, recherche du cri à la surface de l'image. Mandelbaum tel qu'en lui-même, mixeur de destins. Il n'y a pas que dessin, aussi accumulation de signes, de mots, de langues, d'insultes, de collages subversifs où signes SS et religieux côtoient sexualité. Ça fait beaucoup de vies et de mouvements pour un seul homme, chez qui on décèle une infatigabilité, une hyperactivité tendance art brut. Mais les années après Shoah, du nom que Lanzmann a légué à toute une génération et que le jeune artiste a vu plusieurs fois, sont une manière de tenir le rideau ouvert sur le passé, malgré l'inanité des bonheurs de la société de consommation des Trente Glorieuses. Il faut une force colossale pour maintenir la scène grand ouverte sur un passé tout en surface, tout y est le sens et le non-sens, le survivant et l'ordure, l'ordre et le chaos, les blancs et la prolifération des signes comme de minuscules projectiles. Quant aux portraits des anonymes, prostituées et travestis, en très grands formats, ce sont sans doute les dessins les plus impressionnants, leurs traits sont assurés, amples, l'emprise sur le regard est sans filtre, totale. Un autre très grand format expressionniste, un fusain et craie grasse, est aussi noir que les peintures noires de Goya, Le Nazi, Saint Nicolas, les frères et la grand-mère (1978). Noir comme une question : les histoires qu'on raconte sont-elles toutes partageables ? Des corps et de l'écrit, des destins et des portraits, des morts et des vivants, l'œuvre de papier de Mandelbaum est la fabrique d'une épreuve folle : rendre présent un passé qui n'est plus, ramener au jour regard et réalité, comme Orphée le fit pour Eurydice car pour la sauver il est conduit à la perdre : en se retournant sur l'interdit de la voir avant sa sortie des Enfers, son nom devient le récit écrit à l'infini de la quête d'amour, Eurydice. Le retournement devenant l'acte de mémoire par excellence, et le temps passé,
Stéphane Mandelbaum. Françis Bacon (dessin n°1), vers 1980 Stylo-bille et ruban adhésif sur papier, 48,5 x 64,5 cm. Collection Gil Weiss, Bruxelles © Stéphane Mandelbaum © Roger Asselberghs / Adagp, Paris 2019
la répétition du récit de la perte. Comme si le retournement, désir de regard, était le détournement de sa mission de sauvetage : se rendre libre à l'interdit. Mais lorsqu'on n'est pas un mythe, juste Stéphane, quand la violence est toute à la surface du papier après avoir passé au noir l'histoire de famille et du nazisme, quand la violence des temps est déjà dans les paumes de ses mains avant la naissance, quand le temps vécu des uns devient une altérité insupportable pour d'autres, alors la vie de Stéphane, diffractée en multiples portraits, devient le récit d'un temps à partager, le récit du mythe contemporain de ce qui n'a pas été vécu. Même si ce récit apparaît sous une forme sombre et brutale, il est la demande pressante et exaspérée de trouver quelqu'un au présent. Un quelqu'un avec qui partager ce qui, justement, n'a pas été vécu pour regarder en face le temps où l'on vit. Une demande qui est double : elle s'adresse au regardeur qui doit se tenir droit devant ce qui se tient derrière lui ; elle s'adresse à l'artiste qui dissout son regard dans la formation de visages en appelant leur prénom, Salomon, José, Ida, Annie, Franco, Ina, Lolita... La double demande appelle aussi à s'interroger : Qui dessine qui ? Qui raconte quoi ? À quel temps appartient le récit ? À cause des mémoires défaillantes, à cause du goût des époques, il faut du temps pour comprendre l'écart entre l'identité et le désir de dessiner. Un désir tendu vers un imaginaire, un ailleurs mythique, le passé, Eurydice comme une nuit à jamais fixée dans le regard, le présent de Stéphane. L'identité, elle, est toujours malheureuse parce qu'elle est demande de reconnaissance, toujours les autres et leur attente à satisfaire. L'artiste n'a pas le temps de satisfaire, seul compte l'irruption de visages contemporains pris dans le récit infini du passé perdu (se rendre libre à l'interdit) parce que l'avenir est déjà fini (rien n'est à inventer, tout à regarder). C'est alors que naît l'œuvre de Stéphane Mandelbaum, celle de l'étranger, de l'ultra-anticonformiste, celui qui refuse qu'on mette une identité à la place du désir, celui qui écrit sous le portrait de son père (le peintre Arié Mandelbaum) en yiddish, « baise mon cul ». Désir encore de rencontres dans des lieux mal fréquentés comme on dit, seul au milieu d'autres solitudes. Or là où la vie est possible, la mort aussi, avec son désir à la lisière du jour et de la nuit. L'œuvre de Stéphane Mandelbaum n'est pas le récit d'un désespoir, plutôt la possibilité de briser la solitude, de partager par des récits qui ne sont pas à soi le présent qui cogne, boit, baise, vole, erre, appelle et rappelle, vit et meurt. Quand le dessin est, à chaque ligne, à chaque lettre, une façon de raconter le présent en percutant les vies pas vécues et imaginées, l'art du dessin devient une expérience radicale parce qu'elle est la réalité inaccessible du terrain vague de Stéphane. Aucune biographie ne peut rendre compte de l'expérience de la limite de Mandelbaum. Seul, le poète d'Une saison en enfer peut en donner la sentence : « Je suis réellement d'outre-tombe ». Le Je n'est pas un autre, c'est un ailleurs. * Citation de Pierre Goldman, Souvenirs obscurs d'un juif polonais né en France. L’exposition « Stéphane Mandelbaum » s’est tenue du 6 mars au 20 mai 2019 à la Galerie d’art graphique du Centre Pompidou, Paris.
Corinne Rondeau est Maître de conférences Esthétique et Sciences de l’art à l’Université de Nîmes, critique d’art, collaboratrice à La Dispute sur France Culture.
audrey martin cacn, nîmes (30)
Des images longtemps inimaginables, 2019. Réactivation du bouquet officiel du Sommet de Singapour du 12 juin 2018 qui sera par la suite remplacé par celui du Sommet de Hanoï " Aucun accord n'a été conclu " du 28 février 2019. Photo Vincent Lhermet
Centre d’Art Contemporain de Nîmes - Nîmes (30). Des images longtemps inimaginables. Une exposition de Audrey Martin. 26 avril - 29 juin 2019.
rayyane tabet carré d’art, nîmes (30)
Dear Victoria. 2016-en cours, lecture performance, 30 minutes. Photo Jens Ziehe. Courtesy of the artist and Sfeir-Semler Gallery Beirut-Hamburg.
Le texte principal de ce livre est la retranscription d’une lecture, rédigée et réalisée alors que le projet évoluait au fur et à mesure des présentations, à la 6ème Biennale de Marrakech ; à la Fondation Galeries Lafayette à Paris ; dans l’entrepôt du Musée de Pergame ; à la daadgalerie à Berlin ; dans les galeries du Proche Orient au Metropolitan Museum of Art à New York, et ailleurs encore... Performance activée par l’artiste lui-même le jour du vernissage (et à d’autres reprises ultérieurement, voir dates sur le site du musée) puis par des médiateurs formés par l’artiste.
Rayyane Tabet explore des récits tirés de son vécu et de recherches personnelles, pour offrir une lecture alternative d’événements majeurs de l’histoire. L’exposition FRAGMENTS, qui se concentre sur les fouilles archéologiques menées au tournant du 20e siècle par le diplomate et historien Allemand Max von Oppenheim dans le Nord-Est de la Syrie, rassemble des œuvres réalisées au fur et à mesure des interventions de l’artiste à Marrakech, Paris, Berlin, Rotterdam et Hambourg. Sur fond d’un contexte géopolitique complexe, Tabet réassemble les reliquats du palais de Tell Halaf, produit des frottages des pierres de basalte, réunit les fragments de tapis et collectionne des tentes militaires. Les fouilles archéologiques de Max von Oppenheim deviennent alors la source d’un questionnement autour de l’héritage, des techniques de préservation, des pratiques muséologiques, de l’espionnage. Une histoire que Tabet dévoile, associant des épisodes personnels à des figures éminentes de l’histoire ; et qui est le point de départ d’un questionnement autour du patrimoine familial, de la conservation des vestiges archéologiques, de l’appropriation culturelle et des flux migratoires. FRAGMENTS se compose d’une performance, de dessins, de sculptures, de biens personnels et de ready-made, qui forment ensemble une vaste installation pluridisciplinaire. Traversant les âges, les générations et les continents, l’exposition explore les déconstructions et reconstructions de vestiges, conséquences d’accidents de l’histoire.
Tout a commencé par une histoire d’espionnage : en 1929, les autorités mandataires françaises désignèrent l’arrière-grand-père de Tabet, Faek Borkhoche, secrétaire personnel de von Oppenheim ; pour officieusement rassembler des informations sur les fouilles menées dans le village de Tell Halaf en Syrie. A l’époque, le gouvernement allemand avait besoin de cartes géographiques détaillées de l’Afrique du Nord et du Levant pour une potentielle offensive. Mais les territoires étant sous occupations britannique et française, les agents de renseignements étaient envoyés sous couvert d’expéditions archéologiques et ethnographiques. Les autorités françaises étant au fait des déplacements de von Oppenheim entre la Syrie et la Turquie pendant 30 ans, le suspectaient d’être un de ces agents ayant pour mission de radicaliser les tribus bédouines, et de les préparer pour une opération clandestine contre les autorités coloniales. En réalité, von Oppenheim avait accidentellement découvert un palais Hittite en 1899, et ne s’intéressait à Tell Halaf que pour son site archéologique. Lorsque son expédition toucha à sa fin, les vestiges furent répartis entre l’archéologue, les autorités françaises, et la Syrie, dont la part forma la collection principale du Musée National d’Alep inauguré en 1931. A son retour à Berlin, Oppenheim essaya en vain de placer sa part dans le Musée de Pergame, décidant finalement d’ouvrir son propre Musée de Tell Halaf dans une usine abandonnée à Charlottenburg, et de raconter ses expéditions par écrit. En 1943, suite à un raid aérien de nuit sur Berlin, le bâtiment du Musée de Tell Halaf et une grande partie des objets furent détruits. Seules de grandes statues de basalte survécurent aux flammes. Mais le choc thermique provoqué par la différence de température entre l’eau froide utilisée par les pompiers pour éteindre l’incendie, et la pierre chaude, finit de détruire les statues. Malgré les difficultés, le directeur du Musée du Proche Orient Antique à Berlin parvint à rassembler les fragments dans des caisses à la demande de von Oppenheim. En août 1944, 27000 fragments de basalte furent acheminés vers les sous-sols du Musée de Pergame. Suite à la réunification de l’Allemagne en 1990, un groupe de conservateurs fut autorisé à accéder aux fragments et amorça en 2001 la reconstruction de la façade du palais de Tell Halaf, en se référant aux notes de von Oppenheim. Lorsque l’arrière-grand-père de Tabet décéda en 1981, il n’avait aucun bien de valeur à léguer à ses enfants, et ne leur laissa qu’un tapis en poils de chèvre que les bédouins de Tell Halaf lui avaient offert en 1929.
Basalt Shards (Détail). 2017. 1000 frottages au fusain sur papier, palettes en bois. Photo Fred Dott. Courtesy de l’artiste & Sfeir-Semler Gallery Beirut-Hamburg.
En 1943, suite à un bombardement nocturne de Berlin, le Musée Tell Halaf de Max von Oppenheim et une grande partie des objets de la collection sont détruits ; parmi lesquels des objets en basalte qui sont brisés en 27000 fragments. En 2001 débute un projet de restauration au Musée de Pergame où les débris sont conservés. Depuis, 25000 pièces ont été réassemblées. 2000 fragments n’ont pu être ni identifiés ni rattachés aux objets de la collection, et sont toujours entreposés au Musée. En résidence au DAAD dans le cadre du programme Artists-in-Berlin, Tabet a accédé à ces fragments en travaillant avec les Docteurs Nadja Cholidis et Lutz Martin, deux des principaux chercheurs impliqués dans le processus de conservation des objets archéologiques de Tell Halaf. En appliquant la technique du frottage sur les fragments non-identifiés, Tabet souligne les traces matérielles d’un héritage culturel perdu, tout en proposant la possibilité de formes nouvelles qui émergeraient de ces corps anonymes.
Genealogy (Détail). 2016-en cours. Photo Fred Dott. Courtesy de l’artiste & Sfeir-Semler Gallery BeirutHamburg
A son décès en 1981, l’arrière-grand-père de Tabet laisse derrière lui un tapis en poils de chèvre qui lui avait été offert en 1929 par les bédouins de Tell Halaf, alors qu’il accompagnait Max von Oppenheim en tant que secrétaire. Son souhait était alors que la pièce de 20 mètres soit divisée en parts égales destinées à ses 5 enfants, qui à leur tour partageraient leur part entre leurs enfants, et ainsi de suite jusqu’à ce que le tapis disparaisse éventuellement. A ce jour, le tapis a été partagé en 23 morceaux sur cinq générations. Tabet a emprunté plusieurs de ces pièces à ses proches, et a remplacé les parts manquantes par des répliques en lin.
Exquisite Corpse (Détail). 2017. Photo Fred Dott. Courtesy de l’artiste & Sfeir-Semler Gallery Beirut-Hamburg
L’installation est formée de plusieurs tentes militaires individuelles utilisées par les soldats Allemands, Russes, Français et Américains, à l’occasion de diverses offensives terrestres en Afrique du Nord, au Levant, et dans le Golfe au cours du 20e siècle. Elles sont représentatives de l’appropriation et de l’évolution du design de tentes militaires introduit par l’armée allemande en 1899, qui ressemble de manière frappante à la veste bédouine nommée « bisht », convertible en tente individuelle par le biais de deux piquets de bois. Entre 1938 et 1968, Max von Oppenheim a publié une étude ethnographique des tribus bédouines en 4 volumes. Tabet intègre ces livres à l’installation, accompagnés de l’arbre généalogique d’une des tribus bédouines, ainsi que de cartes montrant leurs migrations estivales et hivernales, dérivant des recherches de von Oppenheim.
Carré d’Art - Nîmes (30). FRAGMENTS. Une exposition de Rayyane Tabet. Commissariat de Jean-Marc Prevost. 12 avril - 22 septembre 2019.
100 artistes dans la ville montpellier (34)
MOCO – pour Montpellier Contemporain – est une institution en trois lieux, fonctionnant comme un écosystème artistique, allant de la formation des artistes jusqu’à la collection. Projet, à l’initiative du Maire de Montpellier et Président de la Métropole, Philippe Saurel, ce modèle, spécifique à Montpellier et dirigé par Nicolas Bourriaud, réunit une école d’art et deux lieux d’exposition : La Panacée Centre d’art contemporain, et dorénavant, le MOCO Hôtel des collections. Ce dernier, fort de sa position géographique centrale, est l’entité principale de Montpellier Contemporain. Inauguré ce 29 juin 2019 au sein de l’ancien Hôtel Montcalm, il jouera le rôle de plateforme culturelle de la métropole. Sans collection permanente, cet espace sera dédié à l’exposition de collections publiques ou privées, provenant du monde entier. Qu’elle soit collective, individuelle, thématique, historique, chacune des expositions aura la particularité de présenter une collection spécique : celle d’une fondation, d’un collectionneur privé, d’une entreprise, d’un musée ou même d’un artiste. Des collections qui, pour la plupart, seront dévoilées pour la première fois au grand public. Du 8 juin au 28 juillet 2019, pour faire événement et accompagner l’ouverture du MOCO Hôtel des collections, Montpellier Contemporain organise « 100 artistes dans la ville », une manifestation populaire dans l’espace public investisant espaces d’expositions, magasins et leurs vitrines, cafés, mais aussi murs et places publiques à Montpellier. Cette ZAT – Zone Artistique Temporaire – au titre éponyme de l’exposition organisée en 1970 dans cette même ville par quatre artistes issus du groupe A.B.C. Productions en 1969 – Alkema, Azemard, Bioulès et Clément – dessinera un parcours dans le centre historique de la cité, permettant de rallier, à pied, la gare à l’École des Beaux-Arts. Collectifs compris, chemin faisant, le nombre de 100 artistes s’est atomisé en 125 – nombre d’artistes du cru et de tous bords et des noms plutôt attendus au niveau national et international. L’opération, sans conteste de politique culturelle et cela se comprend au regard du coût total de l’opération, permet tous les partenariats possibles avec les institutions locales mais impose néanmoins 3 œuvres qui resteront, pérennes, dans l’espace public. Outre celles de Lili Reynaud Dewar et de Kader Benchamma, nous sommes très curieux de la proposition de Dominique Figarella, entre mural, bas-relief et peinture à découvrir dans un univers ferroviaire désincarné... Notons aussi une œuvre d’Ei Arakawa, produite par le Musée Fabre et présentée dans la cour Vien du musée ainsi que Eon, eon, eon, eon. Pour Julius Eastman, pièce de Mathieu Klebeye Abonnenc réalisée en collaboration avec Jean-Christophe Marti, coproduite par l’Orchestre Opéra Montpellier Méditerranée et qui donnera lieu à 3 créations de Julius Eastman jouées à l’Opéra Comédie. 100 artistes dans la ville Neïl Beloufa, Christophe Berdaguer & Marie Péjus, Hicham Berrada, Braco Dimitrijevic, Agnès Fornells, Gloria Friedmann, Mona Hatoum, Fabrice Hyber, Mathieu Mercier, Melik Ohanian, le collectif Opavivara, Julien Prévieux, Jeanne Susplugas, ou encore Pascale Marthine Tayou... 8 juin - 28 juillet 2019
© Ville de Montpellier - Montpellier 3M
© Ville de Montpellier - Montpellier 3M
MOCO Hôtel des collections 13 rue de la République, Montpellier (34) Distance intime, les chefs-d’œuvre de la collection Ishikawa. Près de 50 œuvres – issues de la collection de l’entrepreneur japonais Ishikawa sous le commissariat de Yuko Hasegawa, directrice artistique du MOT, Musée d’art contemporain de Tokyo – d’une vingtaine d’artistes internationaux tels que, entre autres, Motoyuki Shitamichi, On Kawara, Felix Gonzalez Torres, Pierre Huygue, Danh Vo, Tino Sehgal, Motoyuki Shitamichi... 29 juin - 29 septembre 2019
MOCO Panacée 14 rue de l’École de Pharmacie, Montpellier (34) La rue. Là ou le monde se crée. D’après La Strada, exposition organisée par Hou Hanru au MAXXI à Rome et réunissant 80 artistes internationaux : Andrea Bowers, Andrea Salvino, Moe Satt, Eric Baudelaire, Françis Alÿs, Halil Altindere, Ivan Argote, Martin Creed, David Hammons, Marinella Senatore, Zhou Tao, Kim Sora, Mark Lewis, Simon Fujiwara, Thomas Hirschhorn, Raphaël Zarka... 8 juin - 18 août 2019
jeremy laffon & elvia teotski joe la bouteille
Au gré des voyages et cheminements artistiques, « Joe la Bouteille » accompagne depuis quelques saisons les deux artistes à différentes cadences et au-delà les frontières ; aujourd'hui, des sculptures éphémères au Québec, demain un film à Anvers et Hambourg, après-demain un livre franco-canadien – disponible en prévente auprès des artistes ou sur www.helloasso.com/ associations/vertical-looping-star/ collectes/joe-la-bouteille « Joe la Boutei d-Est, à SaintBouteillle » prend prend ses origines lors d’une résidence résidence à Est-Nor Est-Nord-Est, Saint-Jean-Port Jean-Port--Joli Joli au Québec. Le projet onnement général projet consistait consistait à intervenir intervenir de manière manière subtile subtile sur l’envir l’environnement général puis détail détaillé d’un cabanon abandonné aupara auparavant squatté squatté par un certain Joe la Boutei Bouteillle, personnage atypique atypique ainsi nommé après av avoir fr fracassé une bouteil bouteille sur la tête d’un gars.
Jérémy Laffon & Elvia Teotski Joe la Bouteille. 2016
l’été photographique lectoure (32)
Julie Chaffort. Les Cowboys (Détail), 2016 © Julie Chaffort
La 30ème édition de l’Été photographique de Lectoure s’intéresse à des artistes qui s’engagent dans la sphère rurale contemporaine, interrogeant plus largement la place de l’homme dans le monde, son rapport aux mondes vivant, végétal et animal, à la nature au sens large – nature nourricière, source d’inspiration et objet de représentation. Les mythes agraires ont porté notre monde et le monde rural continue d’exister dans l’ombre de nos cultures sans qu’on y prenne garde. Pourtant il n’est plus seulement affaire de mise en culture et d’élevage, de rentabilité agricole ; il est aussi un enjeu culturel et sociétal d’aujourd’hui et bénéficie d’un changement de perception dont les limites imaginaires et les usages se transforment rapidement sous nos yeux. Avec des pratiques qui vont de la photographie à l’installation et à la vidéo, les artistes invités – dans cinq lieux de la ville – actualisent les représentations des territoires qu’ils traversent et expérimentent, entre la nostalgie d’une ruralité idéalisée, fantasmée, parfois folklorisée, les pratiques agricoles nouvelles, les politiques paysagères, les phénomènes de retour à la campagne ou encore la relecture des relations rural-urbain… L’Été photographique de Lectoure - Lectoure (32). Rémy Artiges, Arthur Batut, Julien Coquentin, Julie Chaffort, Sarah del Pino, Marie Denis, Maitetxu Etcheverria, Aurélie Ferruel & Florentine Guédon, Pascal Rivet, Françoise Saur, Nicolas Tubéry, Julie Vacher, Bruno Victoria 20 juillet - 22 septembre 2019
peinture musée fabre, montpellier (34) - château de jau, cases de pène (66) L’exposition estivale du Musée Fabre à Montpellier rend hommage à Vincent Bioulès, l’enfant du pays. Cette grande monographie revient sur ses expériences radicales en même temps qu’elle insiste sur son rapport singulier au motif et à la figure. Parenthèse ou pas de côté, la pratique de l’abstraction nourrit les grandes compositions figuratives dans lesquelles l’artiste célèbre son attachement à son environnement quotidien et aux paysages méridionaux. A travers les peintures des places urbaines et de son atelier, du littoral et de l’arrière-pays montagneux Bioulès construit une géographie intime et poétique, solaire et méditerranéenne. Vincent Bioulès. L'Ile Maïre I, juin 1994-mars 1995. Huile sur toile, 200 x 300 cm. Collection du Musée d'Art de Toulon, photo Aleksander Rabczuk, © ADAGP, Paris, 2019
Musée Fabre - Montpellier (34) Chemins de traverse Vincent Bioulès. 15 juin - 6 octobre 2019
Sous le titre générique « l’Autrefois d’à-Présent », Dominique Gauthier revisite, en 3 épisodes et en 3 lieux, 3 années de création – 1987, 1988, 1989 – confrontées à ses derniers tableaux des années 2017, 2018 et 2019.
« Se mouvoir en cercles (et affoler la pensée) par la force du souvenir de quelque chose oublié. » légende sa proposition au Château de Jau, alors que « Avant juste l’après et juste avant l’après, après juste l’Avant et pour que rien ne soit de trop. » étaie son propos au Centre d’art ACMCM – à cent metres du centre du monde – à Perpignan et que « Avant hier et Après demain, il Disegno Interno, el Diseño Interior. » s’illustre au Musée Hyacinthe Rigaud à Perpignan également. Rien d’étonnant dans ce flux de vocables, évocations de temporalités et de concepts, à l’image de sa frénétique production, pour qui connaît l’artiste. « La peinture de Dominique Gauthier ne se conçoit, n’existe et ne se découvre que dans l’excès. [...] Depuis 1976, il bouscule dans son travail la règle, le discours convenu sur l’abstraction, la déconstruction, le monochrome... » écrit Robert Bonnaccorsi. Dominique Gauthier. Mandylion, 2017-2018. Acrylique et huile sur toiles découpées, 205 x 200 cm. Photo F. Fernandez
Château de Jau - Cases de Pène (66). Se mouvoir en cercles (et affoler la pensée) par la force du souvenir de quelque chose oublié. Dominique Gauthier. 15 juin - 22 septembre 2019
cyril chartier-poyet architextures
Il m'aura m'aura fal fal lu presque presque quinze quinze ans pour arriver arriver à la terre. terre. Quinz e ans d'une pratique pratique picturale picturale assez figurativ figurativ e qui aura aura digr essé du côté du geste et de la matièr e. Ce tr a v ai l de céramique céramique ne serai seraitt pas ce qu'il qu'il est sans cet av avant : ce temps du plan, des expériences en image, des compositions compositions colorées colorées et des grands grands formats. formats. Lit te de veines Lit téralement, téralement, un retour retour à la terre terre : une terre terre à brique et à tuile, tuile, extrai extraite veines locales et façonnée façonnée in-situ. in-situ. De projets, projets, i l n'y av av ai t au départ que celui de (re)tr (re)tr ouver ouver la l iberté de fair fair e, de « col ler » à la matière matière et de s'y inscrir e. Les formes formes sont (ad)v enues, se sont r évélées : luisantes et color ées pour commencer, commencer, puis plus brutes et ar chaïques par la sui te… L'engobe et les oxy des ont remplacé oxydes remplacé l'émai l, la faïence faïence a cédé sa place à cette cette marne sauvage. sauvage. D'intention i l n'y av av ai t que cel le de resti d, de laisser une trace, ement, sans directions. resti tuer un regar regard, trace, une empreinte, empreinte, et je m'y emploie, intuitiv intuitivement, directions.
bouquet final en 73 minutes
Pendant un an, Erwan Augoyard et Sophie Kovess-Brun ont suivi Kevin Prat-Irien, Ester Manas, Gabriel Figueiredo et Olivier Maire, étudiants à la prestigieuse section mode(s) de La Cambre – École nationale supérieure des arts visuels à Bruxelles – avec le désir de comprendre pourquoi la mode motive tant cette nouvelle génération d’artistes. « Bouquet Final démontre que cette pratique mérite sa place au panthéon des arts et que son exercice implique autant de doutes, d’exigence que de labeur. En interrogeant le processus créatif dans sa jeunesse, le film essaie de retracer, de manière honnête, le parcours de ces étudiants en scrutant cet instant décisif qu’est la fin de l’adolescence et le début de l’âge adulte. » Erwan Augoyard En effet, à mesure que leurs collections se façonnent, le futur de Kevin, Ester, Gabriel et Olivier se dessine déjà. Car si le défilé de fin d’année signe l’apothéose de leur cursus, le processus de création est jalonné de confrontations avec des jurys constitués de professeurs, de journalistes ou de stylistes de grandes maisons. Les élèves ont-ils trouvé un langage et un style suffisamment puissant pour impacter les intervenants et leur ouvrir les portes du monde impitoyable de la mode ? Mais au fond, qu’attend le monde de la mode d’eux ? Et que cherchent véritablement les élèves à travers le médium du vêtement ? Si Kevin, Ester, Gabriel et Olivier ont une personnalité, un talent et une approche artistique très différents les uns des autres. Tous sont cependant réunis autour des mêmes enjeux : parviendront-ils à s’intégrer dans le monde de la mode ou bien s’affranchiront-ils d’une industrie en tentant d’en redéfinir les règles ? Le film palpe le pouls de la création mais aussi celui de la déception. Car au contact du jugement de l'autre, les rêves peuvent être autant sublimés qu'abimés. Mais à la fin de ce voyage, on est tous un peu plus proche de soi-même et de sa vérité. « Bouquet Final » est un documentaire de Erwan Augoyard et Sophie Kovess-Brun, produit par Pierre-Yves Le Cunff et Anne Rio. Une Coproduction RTBF Télévision belge – Unité Documentaire, avec l’aide du Centre du Cinéma et de l’Audiovisuel de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Durée 1h13'. 1ère diffusion RTBF (Belgique) le 18 février 2019.
a-chroniques benoist bouvot
L'enveloppe ou le son de Schrödinger
Dès qu'on s'intéresse à la musique électronique et à sa technique on apprend que chaque note, ou chaque son, est perçu puis interprété comme un phénomène de temps composé de quatre parties distinctes liées entre elles de façon substantielle : l'ADSR (Attack, Decay, Sustain, Release) que l'on nomme enveloppe, et qui n'est autre que l'évolution du volume de ce son, de cette note. Les parties sont : l'attaque le temps de partir du silence pour atteindre le volume le plus fort le decay, un relâchement, une chute, qui mène du point le plus fort atteint vers le niveau médian, la stabilité le sustain étant la conservation de ce niveau médian, cette stabilité du son le release, une relâche qui partant de cette stabilité, ramène au silence L'ADS est pensée sans le R en 1932 avec l'instrument le Novachord qui propose un générateur d'enveloppes modulables ; il faudra attendre 1965 et les retouches des claviers Moog pour y ajouter le R et parler d’ADSR. Cette vision du son pris dans une enveloppe se présente comme la condition sine qua non de sa perception, son audition, puisqu'elle décrit le volume, essence même du son auquel préexisterait une note, ou un son, comme un être mystérieux qu'on ne connaît qu'à travers son intensité vibratoire. Dans un temps proche, Erwin Schrödinger imagine une expérience de pensée, que l'on connaît sous le nom de chat de Schrödinger, pour décrire les difficultés et les paradoxes de la physique quantique. Quel rapport peut-il y avoir entre ce célèbre chat mort ou vif et notre son pris dans une enveloppe ? De façon tout à fait ludique, et pour dévoyer un peu de sens sans trop se plier aux exigences de la rigueur scientifique, on peut dire que comme pour ce chat menacé et enfermé dans une boîte close, qui avant toute observation ne saurait être dit vivant ou déjà exécuté par le système machiavélique de l'expérience, la note ou le son avant d'être observé c'est à dire en volume, ne peut être dit simplement silence ou tel qu'on l'imagine hors de toute apparition. Ainsi comme les deux faces paradoxales ou complémentaires d'un même être, la mort et la vie pour le chat, le silence ou l'être sans volume de la note ou du son (être métaphysique à distinguer du silence pur et de l'onde sonore) sont les conditions d'existence de l'être non observé. Plus qu'une simple enveloppe qui contiendrait un phénomène sonore, l'ADSR se présente alors comme la nécessité de perception du son. Elle est dans l'écoute notre seule porte d'entrée d'un phénomène qui, quand il n'est pas observé, peut être imaginé sous une forme abstraite et paradoxalement ne trouve aucun écho concret. En effet, nous sommes bien ennuyés avec ce contenu de l'enveloppe : s'il est silence, il semble être un événement ex nihilo, et quand il est son sans volume, mais toutefois pas silence, s'apparente plus à un spectre insaisissable qu'à une note, qu'à un son. On peut jouer à chercher chez les compositeurs que l'on écoute, ou même dans chacune de leurs compositions, où ils se trouvent le plus souvent dans l'enveloppe, à quelle partie de celle-là on peut les associer, lequel de ces quatre moments les caractérise le plus, sont-ils des grimpeurs infatigables qui partent du silence pour atteindre le forte, se laissent-t-ils plus souvent glisser d'un point haut vers un moment médian, stagnent-ils dans la stabilité, se laissent ils mourir comme les disparitions successives de chaque instant ? Et au-delà de ce jeu singulier en passant de soi à l'autre, pousser plus loin l'imagination et se demander comment entend-on les sons quand on ne les perçoit pas physiquement et si, au-delà de l'altérité mystérieuse qui nous sépare, on peut supposer d'où viennent les sons d'autrui ?
silhouette dominique rochet
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la dramatique vie de marie r. marie reverdy
Ce qui est dramatique, surtout, c'est que je n'ai rien à dire…
Cela ne semble pas possible de n'avoir rien à dire et pourtant si, je n'ai rien à dire, strictement rien à dire. Du coup « je parle parce que je, je parle oui je parle » (comme dirait Patrick Kermann). Alors voilà, je me dis, dès le début, que ça promet de n'en finir pas de finir (comme dirait Samuel Beckett), encore et encore alors que c'est que le début d'accord d'accord (comme dirait Francis Cabrel). On a déjà interrogé les liens entre le mot et la chose mais le mot et la non-chose ? Le mot et la non-représentation ? Cela ressemblerait peut-être à un carré blanc sur fond blanc, comme celui de Malévitch ? Ou bien aux 4 minutes 33 de John Cage ? Un mot vide qui ne serait pas creux… Un mot pour le mot. Il apparaitrait de la même manière qu'un geste qui n'exprimerait rien, ne narrerait pas plus, et qui ne renverrait à rien d'autre qu'à lui-même. Cette quête de l'autodénotation, qui vise à se défaire de la tyrannie de la figuration pour « dévoiler son être en-soi » (comme on dirait en philo), voilà le programme de la modernité artistique, celle des avantgardes. Quittant la représentation figurative, les voici expressionnistes, abstraits, cubistes, futuristes, fauves. Pour tous, la figure abandonne son statut de finalité pour devenir, au mieux, moyen de l'œuvre. La toile revendique sa planéité, les couleurs affirment leur primarité. La peinture n'est plus une fenêtre ouverte par laquelle l'œil pénètre dans un monde vu, mais une image qui affirme sa spécificité mediumnique et que le regard ne peut que lécher comme d'un coup de langue. On prête à Merce Cunningham d'avoir opéré cette révolution dans le champ de la danse. Grâce à lui, nous dit Agnès Izrine, la danse conquiert enfin sa totale indépendance en n'étant plus chargée d'une signification autre que celle que suggère le mouvement en lui-même. C'est aussi fascinant qu'extravagant, car la danse n'est jamais aussi belle que lorsqu'elle se prend pour objet. Oui, comme on l'aura reconnu, je feuillette le programme de Montpellier Danse 39ème festival dont le centième anniversaire de la naissance de Merce Cunningham inspire le fil conducteur de la programmation. Édition anniversaire ? Édition bilan ? Édition nostalgie ? Édition commémoration ? Non, édition question : « Que reste-t-il de vivant de Merce Cunningham ? » interroge Jean-Paul Montanari. « On connait cette forme très particulière de démocratie qu'a inventée Cunningham : chaque danseur est un centre, et chaque spectateur en regardant plutôt tel danseur ou tel autre, voit un spectacle différent de son voisin. » rajoute-t-il. Chez Cunningham, la scène se fait fragment d'infini en l'absence de centre (car c'est bien la définition de l'infini que de ne pas avoir de milieu), espace démocra-
tique en l'absence de soliste autour duquel les autres danseurs gravitent, expérience de la liberté pour le spectateur qui devient alors seul maitre de son regard. Vertige devant l'intelligence de la proposition, Résistance de l'art face aux tempêtes du monde, la Beauté revendiquée comme étendard et comme espoir… Voici les trois termes qui découlent de cet héritage, page 7 du programme, dans l'édito signé par Montanari qui affirme que « les artistes ont toujours raison ». Mais de quelle résistance parlons-nous ? Et de quelle beauté ? Celle, toute simple du temps pensé comme action, du temps de l'œuvre pensé comme acte, du temps de la contemplation pensée comme activité. Non pas le temps rapide, saccadé, de l'émotion, mais le temps intelligible, dilaté, de la syntaxe. Non pas le temps, didactique, de la leçon, mais le temps élastique, réversible, de l'introspection. Non pas le temps chaotique, diffracté, du catalogue, mais le temps phénoménal, suspendu, de l'apparition du sens. Le temps, précieux, nécessaire pour éprouver un héritage et son devenir. Et pour l'artiste, bien sûr, le temps indispensable à la création. Feuilletant ce programme, découvrant, entre autres, toutes ces propositions qui revisitent les œuvres constitutives de notre modernité chorégraphique, je me dis que cela me rappelle quelque chose… Il y a quelques années, en automne… un autre programme, qui avait eu l'intelligence de présenter les grands spectacles de la contemporanéité théâtrale. « Être spectateur c'est un travail. Il faut prendre le temps, persister […] Et l'exigence de Merce Cunningham était la marque d'un immense respect pour le public » affirme JeanPaul Montanari qui nous rappelle, en page 23, que « le public de Events, en 1985, avait quitté la salle en criant ». De l'exigence oui, et quelques réminiscences d'il y a seulement 5 ans : « le public est une question et un mystère. Alors essayer de contenter le public c'est comme obtenir un diplôme en imbécillité (et c'est une lâcheté). Divertir le public c'est le tromper et le sous-estimer » affirmait le premier édito de Rodrigo Garcia. Je relis la page 7 du programme de Montpellier Danse « Être spectateur c'est un travail, et quand il est allé au bout de l'expérience, il est tellement récompensé ». Je relis cette phrase, « il faut prendre le temps » et je me dis que oui, bien sûr, prendre le temps, accorder du temps surtout, surtout, accorder le temps avant qu'il ne soit pris de force. Ou qu'il ne soit définitivement perdu.
i’m back laurent goumarre
Trop blanc, trop mâle, trop musclé… Schwarzenegger n’aurait aucune chance aujourd’hui. Arnold Schwarzenegger, c’est un corps qui a disparu, ou alors réservé aux clubs de musculation et concours de bodybuilding. Il y a quarante ans, il s’était imposé comme une icône universelle, et avait réussi à s’extraire des salles d’entraînement pour incarner au cinéma les héros américains des années 70-80. On le surnommait « Le Chêne autrichien » ; il avait été cinq fois Mister Univers, 7 fois Mister Olympia, il s’était sculpté une musculature monumentale capable de faire le lien entre deux extrêmes : Conan le Barbare et Terminator, autrement dit entre la force sauvage torse poil et la sophistication cybernétique en total look cuir. La surdimension de Schwarzy, il fallait la regarder comme ce Corps extrémiste métaphore absolue de ce qui se jouait dans les années 80 : inflation des salles de sport, les vidéos aérobic de Jane Fonda, chez nous Véronique et Davina sous la douche dans les vestiaires de leur émission télé… et l’avénement du “ sportswear ” version Beastie Boys. Schwarzy c’est la même histoire que le lycra : dans les années 70, un tissu réservé aux vêtements de sport, dans les années 80, il annexe toute la mode pour des fringues « stretch » et « slim » trip “ Flashdance ”. Mais Schwarzy, ça s’exposait aussi comme la possibilité d’un corps XXL qui trouvait sa résolution dans une mode qui dessinait pour tous, hommes et femmes, des silhouettes de joueurs de football américain à grand renfort de padding et épaulettes. Aujourd’hui que reste-t-il de ce corps glorieux ? des vestiges parfois exhibés sur grand écran, dans des films cyniques qui ont remisé Schwarzy et Stallone en vétérans d’une guerre perdue. La testostérone n’est pas pensable, irreprésentable même ; elle n’existe plus à l’écran, donc nulle part. La mode elle-même s’en est débarrassée. Les corps musclés ont disparu des publicités, des défilés, à part peutêtre encore celui de l'ancien rugbyman Nick Youngquest dans la pub Invictus. Aujourd’hui les hommes qui défilent sont des enfants, des gamins, jeunes hommes, jeunes femmes, photographié(e)s par Hedi Slimane and co, à l’exact opposé des canons eighties Calvin Klein de Bruce Weber. Le corps républicain de Schwarzy n’est pas politiquement correct : trop genré, trop agressif, prenait trop de place, cachait la vue. C’était un corps spectaculaire, mais le spectacle est fini. Reste les vêtements qui aujourd’hui miment les années 80. C’est triste quand on y pense un corps qui disparait. Laurent Goumarre est critique d’art, journaliste et producteur de l’émission Le nouveau rendez-vous sur France Inter du lundi au jeudi de 22h00 à minuit