7h10 se lever pour errer, faire son petit chemin de rien. Des mots, des photos en notes éparses. Papillonner d’un mot à l’autre, d’une photographie à une autre sans cohérence a priori, en ayant l’esprit ouvert qui donne corps à cette déambulation métaphysique.
L’esprit libre, disponible pour la balade photographique dans laquelle je me suis engagé. Le climat n’est pas au beau fixe, du vent qui souffle sur ma liberté. Etonné finalement de cette disponibilité des sensations, je suis plus attentif et plus apte à photographier ce temps maussade qui n’attire pas spécialement le photographe.
Ne pas se presser, avoir conscience de la durée, du temps qui passe, prendre son temps avant qu’il vous prenne. J’ai bien peu regardé l’heure depuis ce matin. Qu’importe, l’errance est intemporelle même s’il doit y avoir une limite. Je sais que pour moi, c’est une boucle, comme un cadran d’horloge qui égrene des heures et revient toutes les vingt-quatre heures à son point de départ.
On recherche bien souvent la belle image, celle qui résumera une émotion pour qu’elle soit partagée. Comment rendre beau une expression de l’insignifiant, un simple sentiment du vide, de ce qui ne peut se voir en photo, en tout cas en une seule et unique photographie qui pourrait a elle seule résumer cette journée d’errance.
Road trip photographique, un périple sans avoir un trajet déterminé je me laisse «conduire». Une autre manière de voir le monde à travers cette double fenêtre que sont le pare-brise et l’appareil photo. La voiture nous isole de ce rapport au monde et l’appareil quant à lui le capture, l’enferme. C’est la halte qui reprend contact.
La musique qui m’accompagne pour ce périple me met dans une condition mentale où les réminiscences de ma jeunesse me rappelle que bien souvent nous n’avions pas de but. Elle correspond tant à cette période de la Beat Generation, du Road Movie, des photographies de Robert Frank. (The Doors, Creedence, Stones, Bowie,...).
L’errance c’est une fiction. L’errance c’est une friction entre la réalité et moi. De celle qui m’échappe puisqu’elle est en mouvement. La photographie fixe un moment de cette friction. Elle le décompose aussi dans une continuité temporelle qui n’a pour d’autre but que de restituer ce vagabondage.
Rôder jusqu’à s’éroder, épuiser le mouvement linéaire de ce trajet sans but qui au fur et à mesure de ce parcours devient une situation artistique. Un processus de création, de récréation qui prend sens par sa propre attitude. Une façon d’être disponible pour une idée au demeurant conflictuelle, dans un entre soi et soi.
Plus disponible sans prévoir ce que je dois retenir de ce voyage intérieur. Malgré moi je conserve la trace d’un chemin non tracé. Exploration de non lieu que la photographie révèle comme potentialité. Regardez, il pourrait se passer quelque chose !
Chemin flânant, je me comporte dans un genre de quête qui se développe dans un laisser aller. Ne pas se retourner, continuer dans une direction qui s’impose d’elle-même. Aucune préméditation de l’inaction et pourtant je suis présent, là à observer le monde.
L’autoroute a remplacé la route. Nous n’avons plus le temps de l’errance. Flâner devient un luxe et aux yeux d’un grand nombre ce serait une faute, une fainéantise, une erreur que de perdre son temps. Il y a une certaine libération à prendre SON temps. Aller de plus en plus vite contracte l’espace et le temps. Il n’y a plus conscience du trajet, on relie simplement un point à un autre, une ligne droite sans détours. C’est ainsi que certains traces leurs vies. Je préfère les détours n’étant pas pressé d’arriver à la fin.
La route est cinématographique. Le pare-brise, la visière sont les écrans où défilent les images d’une histoire qui se construit dans le trajet. Il n’y a pas de scénario mais une écriture filmique dont le rapport au temps est suspendue à 24 images secondes.
RĂ´der
photographies et textes Jean-Michel Verdan
Š 10 mars 2018 - Jean-Michel Verdan