onWHEELS Architectural Reports n.
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Novembre 2012
« Casa das Histórias » Souto de Moura
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Fiche technique Lieu
Cascais, Portugal Programme
Musée
Architecture
Souto de Moura Maîtrise d’ouvrage
Municipalité de Cascais Date
2005 - 2008 Surface et coût
3300 m² (surface utile brute), site de 9000m² – 5 millions € Techniques et matériaux
Ciment rouge brut de décoffrage, marbre gris-bleu de Cascais
Récent lauréat du concours Pritzker – le « nobel de l’architecture », qu’il a remporté en 2011 – Edouardo Souto de Moura est une figure incontournable de l’architecture contemporaine et, avec Alvaro Siza, certainement l’un des plus grands architectes portugais de notre temps. Notre halte à Lisbonne est l’occasion de nous attarder sur sa vision de la « sustainable architecture ».
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Sustainable architecture is a tautology A l’occasion d’une interview donnée en 2004 à Zurich, Souto de Moura déclarait : « For me architecture is a global issue. There is no ecological architecture, no intelligent architecture, no fascist architecture, no sustainable architecture – there is only good and bad architecture. There are always problems we must not neglect; for example energy, resources, costs, social aspects – one must always pay attention to all these! […] We can also look at it another way : there is nothing but sustainable architecture – because the first precondition of architecture is sustainability. Sustainable architecture is a tautology » . On voit que Souto de Moura accorde au mot « sustainable » (généralement traduit par « durable ») un sens assez différent de celui, plutôt écologiste, qu’on lui attribue souvent. Ici, point d’écologisme revendiqué, l’architecte portugais parle d’une architecture durable par essence. Pour lui, l’architect ure (la bonne architecture) émerge de la durabilité et c’est ce point de vue qu’il nous semble intéressant d’approfondir ici. Pour illustrer et mieux comprendre les propos de l’architecte, nous avons visité l’une de ses dernières réalisations : le musée « Casa das Histórias – Paula Rego » à Cascais, près de Lisbonne. Le bâtiment reprend le nom de l’artiste peintre portugais Paula Rego qui a sollicité Souto de Moura pour concevoir le musée consacré à ses oeuvres en lui laissant – fait plutôt rare dans la construction – le choix du terrain.
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Equipement Technique Le plan du bâtiment se présente comme un carré résultant de l’addition de différents volumes. Au centre, la plus grande salle abrite l’exposition permanente de 750 m². A la périphérie de l’édifice, l’exposition temporaire et l’auditorium prennent place dans des volumes parallélépipédiques plus réduits. Les ouvertures vitrées sont limitées (une par salle) afin de protéger le bâtiment des surchauffes d’été. Nous avons pu noter la présence d’une ventilation double flux (qui récupère les calories de l’air vicié expulsé pour réchauffer l’air sain introduit). L’eau de pluie est également récoltée et utilisée pour les sanitaires.
L’architecte n’a cependant pas la prétention de rendre un bâtiment durable grâce aux seuls équipements techniques qu’il utilise : “Some years ago, when high-tech enthusiasts transformed buildings into machines, they called them intelligent buildings and coined the phrase “intelligent architecture”, as if buildings without such systems are stupid. It’s like 4saying the Pantheon, which has no equipment, is stupid architecture. So I’m quite critical when it comes to such slogans and labels attached to buildings. That’s why I’m wary of those slogans of sustainable architecture.” Nul doute que Souto de Moura ait su rendre le musée Casa das Histórias peu gourmant en énergie fossile ; mais l’essentiel de sa « sustainable architecture » n’est pas là. L’intégration au site L’architecte a choisi une parcelle boisée, d’environ 9.000 m², entourée d’un mur et libre en son centre, pour accueillir l’édifice. Celui-ci abrite une exposition permanente, une exposition temporaire, une buvette et un auditorium de 200 sièges. Pour répondre à la pluralité du programme, Souto de Moura a conçu une série de volumes de taille et de hauteurs différentes. Ces volumes sont hiérarchisés (des deux pyramides emblématiques aux plus petits espaces) et leur gabarit variable entre en dialogue avec les différents arbres existants. Un jeu de contraste est établi entre les chemins de distribution en granit et la végétation environnante. Cette logique d’opposition entre artificiel et naturel, de «Ying and Yang », comme l’appelle l’architecte, l’a également conduit à choisir la couleur du bâtiment : rouge, la complémentaire
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du vert des arbres. Le contraste chromatique est immédiatement visible mais quand on se rapproche de l’édifice, on remarque que la couleur rouge (obtenue en teintant dans la masse le ciment de parement) est nuancée par un subtil effet « brut de décoffrage » rappelant l’écorce des pins dans le parc du musée. Caractéristique du travail de Souto de Moura, la recherche de l’adjonction harmonieuse entre artefact et naturel témoigne de son profond respect du lieu. Par ses choix de matières, de couleurs et de gabarits, l’architecte veut tisser des liens forts entre un bâtiment et son site, jusqu’à ce que les deux se mettent réciproquement en valeur. “So architecture is non-natural. But being non-natural is not necessarily being against nature. […] there must be an empathy between the two for both to coexist in harmony. If the relationship is not harmonious, the architecture is not sustainable.” L’intégration dans la tradition architecturale “In its best interpretation, the Casa das Histórias can be seen as a “historicist” project, a condition that will certainly surprise Souto de Moura’s most faithful followers and confound his harshest critics.” A l’entrée du musée, l’architecte conclut la hiérarchie de ses « boîtes » en dressant deux superbes volumes pyramidaux qui abritent respectivement la buvette et le magasin du musée. Vides, ces pyramides au sommet tronqué n’ont d’autre utilité fonctionnelle que d’amener une lumière zénithale dans les deux espaces qu’elles surplombent. Néanmoins, elles sont devenues le symbole du musée Paula
Rego et un emblème de Cascais. De fait, pour dessiner ces tours, Souto de Moura s’est inspiré de l’architecture de la ville et de la région. Son influence principale est certainement l’architecture de Raul Lino, architecte portugais du début XXe, qui marqua Cascais en dessinant sur ses édifices de grandes cheminées proéminentes. Avec les tours du musée Paula Rego, Souto de Moura réinvente d’une façon totalement contemporaine cet élément architectural devenu typique de la région. Nous avons vu plus haut que l’intégration au site est un point fondamental de la pensée de l’architecte. De même, l’intégration au contexte régional et historique semble indispensable pour atteindre une « bonne architecture ».
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Une autre approche de la durabilité Sans décoration ni geste superflu, Souto de Moura s’inspire donc des formes passées qu’il retranscrit et qu’il réintègre dans un contexte neuf et dans un lieu particulier. Lieu qu’il met en valeur grâce à un bâtiment en dialogue subtil avec son environnement. Dès lors, plus qu’un simple héritage de la tradition architecturale de la région de Cascais, le musée Paula Rego s’inscrit en elle et se veut le garant de sa pérennité. L’architecture traditionnelle perdure et le musée Paula Rego est « durable » à travers elle. On voit aussi de cette manière comment l’architecture de Souto de Moura émerge de sa vision de la durabilité. Dans notre premier article (Une maison de paille à Tongrinnes), nous avions abordé l’architecture durable au travers d’un projet qui réinvente l’utilisation de matériaux traditionnels – la paille et la onWHEELS
terre. Ces matériaux traditionnels, retravaillés au travers de techniques originales, aboutissent à de nouvelles formes d’architecture durable. Au musée Casa das Histórias - Paula Rego, la réflexion est inverse : Souto de Moura s’inspire d’une forme architecturale traditionnelle, la réinvente avec des techniques et des matériaux contemporains. L’équipe “onWHEELS”
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Article réalisé suite à la visite du musee le 19 octobre 2012,
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