mémoire sur la surêté portuaire

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AIS : AUTOMATIC IDENTIFICATION SYSTEM AUTF : ASSOCIATION DES UTILISATEURS DE TRANSPORT DE FRET CSI : CONTAINER SECURITY INITIATIVE IACS : INTERNATIONAL ASSOCIATION OF CLASS SOCIETY ISPS CODE :INTERNATIONAL SHIP AND PORT SECURITY CODE LL66 : LOAD LINES 66 OCDE : ORGANISATION DE COOPERATION ET DE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUES OECD : ORGANISATION FOR ECONOMIC COOPERATION AND DEVELOPMENT OIT : ORGANISATION INTERNATIONALE DU TRAVAIL / ILO : INTERNATIONAL LABOUR ORGANIZATION OMI : ORGANISATION MARITIME INTERNATIONALE / IMO : INTERNATIONAL MARINE ORGANIZATION OMD : ORGANISATION MONDIALE DES DOUANES / WCO : WORLD CUSTOMS ORGANIZATION OPA : OIL POLLUTION ACT SOLAS : SAFETY OF LIFE AT SEA STCW : STANDARDS OF TRAINING,CERTIFICATION AND WATCHKEEPING FOR SEAFERERS introduction

« La sûreté et la sécurité sont une des priorités majeures de cette commission : nos citoyens exigent des mesures concrètes dans ce domaine » : ces propos tenus par Mme Loyola de Palacio, vice présidente de la Commission Européenne et commissaire responsable des transports et de l’énergie, résument en grande partie l’objectif de ce mémoire : ils traduisent le fait que l’opinion publique tient un rôle important dans la volonté d’élaboration de règlements dans les secteurs de la sécurité et de la sûreté maritime mais également dans leur mise en œuvre. Il semblerait que sécurité et sûreté maritime soient devenues indissociables lors des réflexions engagées pour l’amélioration du secteur maritime. Faux amis en Anglais, « security » pour sûreté et « safety » pour sécurité, ces deux notions faisant maintenant parties du même code tiré de la Convention SOLAS. Ce mémoire traitera donc de ces deux notions, la notion de sûreté n’étant apparue que très récemment fera l’objet de la seconde partie. Pour l’étude de la première partie consacrée à la sécurité maritime nous nous contenterons d’étudier cette notion à partir du XXème siècle et plus précisément je considérerai l’année 1912 comme point de départ, le but de cette étude étant


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d’énoncer la portée internationale de la volonté politique sécuritaire, internationalisme qui n’est apparu réellement qu’à la suite de la catastrophe du TITANIC. De même le domaine de la sécurité maritime étant si vaste, seule une étude des rapports Communauté européenne / OMI et nationaux pour ce qui est de la France et dans certains domaines des Etats­Unis, les autres parties du globes ayant été volontairement occultées. Elles le sont d’ailleurs bien souvent réellement, que ce soit dans les faits ou pour le média. Aujourd’hui le nom du ferry philippin DONA PAZ qui a sombré à 160 kilomètres au sud de Manille entraînant dans la mort 1630 personnes n’évoque plus grand­chose auprès de la population européenne ; cela s’est produit en 1987. Involontairement cette première partie est principalement axée sur le transport d’hydrocarbures par mer, ceci étant la résultant de l’analogie que font grand nombre de personnes et journalistes, et même de textes officiels de la Communauté Européenne et de l’OMI, entre sécurité maritime et pollution du littoral La première partie traitera donc de la sécurité maritime et la section une de ce chapitre concerne l’analyse de l’apparition du cadre réglementaire en matière de sécurité maritime et la légitimité des différents niveaux qui interviennent dans ce secteur. En effet dans un premier temps nous pourrons constater que l’élaboration de ce cadre réglementaire à suivi pas à pas l’histoire des catastrophes maritime après analyse des causes qui ont entraîné cet évènement et que cette élaboration est bien souvent motivée voire entravé par le contexte économique que seule, jusqu’à présent, la pression populaire a réussi à surmonter. Dans un second temps nous étudierons la légitimité et surtout l’efficacité de chaque niveau d’intervention dans le domaine normatif, en premier lieu les niveaux supranationaux, qu’ils soient mondiaux ou européens, et les niveaux nationaux, qu’ils soient étatiques ou régionaux. La transition vers la deuxième section étudiée qui sera celle du respect de ce cadre réglementaire sera réalisé au moyen de l’exemple de l’évolution toute récente de la législation en matière de pétrolier double coque afin de mettre en évidence la difficulté qu’il existe à définir quelle devrait être l’autorité suprême en matière de réglementation du secteur de la sécurité maritime.


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Après avoir analysé le processus d’élaboration de la réglementation en matière de sécurité maritime, il conviendra d’étudier, dans la deuxième section de cette première partie le cadre globale de la sécurité maritime à savoir les différents domaines de la sécurité maritime et les mesures déjà prises dans ces domaines afin d’obtenir une vision plus globale du domaine très large de la sécurité maritime avant de pouvoir clore cette partie par l’étude de la chaîne de la sécurité maritime, chaîne constituée par tous les acteurs de la sécurité maritime qu’ils soient gouvernementaux ou privés. En effet comme nous l’aurons précisé précédemment nombre de textes réglementant la navigation maritime ayant pour objet la sécurité maritime existent mais les acteurs de cette chaîne de sécurité sont les garants de la mise en œuvre de ces textes. La seconde notion, celle de la sûreté, étant apparu très récemment, ne pourra être traité de manière aussi large que la notion de sécurité, mais nous pouvons déjà dégager deux principales idées qui feront ainsi l’objet de deux sections. Inévitablement la première section traitera de l’apparition de cette notion de sûreté maritime avec une première sous section qui nous permettra de « planter le décors ». En effet avant d’aller plus avant dans l’étude de la sûreté il convient de connaître les tenants et les aboutissants c'est­à­dire le contexte historique et économique dans lequel s’est développer cette notion. Et nous pourrons ensuite découvrir les démarches sécuritaires engagées depuis peu par les instances internationales et par les Etats­Unis qui durement touchés par le terrorisme se sont érigés en porte drapeau du mouvement lié à la sûreté maritime. Malheureusement et tout comme pour la sécurité maritime les démarches engagées l’ont été en réponse à une catastrophe qui a marqué les esprits. Et tout comme nouvelle législation, objet d’une réaction, les premières difficultés à la mise en œuvre se sont fait sentir très rapidement, difficultés qui seront traitées dans la deuxième section. Ces difficultés apparaissent tant sur le plan diplomatique que sur le plan de la logistique de mise en place des moyens pour respecter cette nouvelle réglementation.


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PREMIERE PARTIE : LA SECURITE MARITIME SECTION 1 : SOURCE ET LEGITIMITE D’UNE REGLEMENTATION SANS CESSE EN ESSOR : Il convient tout d’abord d’analyser le processus d’élaboration d’une réglementation en matière de sécurité maritime avant d’étudier à qui la tâche de cette élaboration doit ou peut être attribuée. SOUS SECTION I : GENESE D’UNE REGLEMENTATION EN FAVEUR DE L’AMELIORATION DE LA SECURITE MARITIME : Comprendre le cheminement de l’apparition d’un règlement dans le secteur de la sécurité maritime, nous impose deux réflexions : la première consistera à constater comment émerge la conscience que dans tel ou tel domaine une réglementation devient nécessaire et la deuxième portera sur l’étude de la frontière entre cette prise de conscience et la volonté politique de l’élaboration d’une réglementation. CHAPITRE PREMIER : LES EVENEMENTS DE MER ET LEUR ENSEIGNEMENT : §1.1 : LES CATASTROPHES INSTRUCTIVES Avril 1912 : Le TITANIC(2), paquebot réputé insubmersible qui effectuait son voyage inaugurale entre Southsampton via Queenstown et New York avec 2358 passagers à son bord ,sombre au large de Terre Neuve, victime d’un heurt avec un iceberg , victime également de l’orgueil démesuré de ses propriétaires . La rapidité à laquelle a sombré le navire dans une eau glaciale causa la disparition de plus de 1500 personnes (femmes, enfants, adultes, vieillards). Le monde entier découvre alors l’ampleur d’une catastrophe maritime, et les professionnels du secteur maritime quant à eux doivent redevenir humbles, attitude qu’ils avaient tendance à oublier avec la modernisation technologique. Ils devront accepter que la mer restera à jamais un milieu hostile à l’homme, ce que la révolution industrielle avait un temps fait oublier. Vu l’ampleur de la catastrophe qui a touché toutes les couches sociales dont beaucoup d’aristocrates Anglais, une conférence internationale pris place à Londres en 1914 et mis en évidence de nombreux


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facteurs accablants, qui couplés les uns aux autres ont entraîné cet évènement de mer. En prenant l’exemple du TITANIC, il est certain que dans l’esprit des armateurs et du grand public, ce paquebot était insubmersible. Il a fallut cette catastrophe pour révéler les nombreuses lacunes dans le domaine du compartimentage et de l’équipement des navires. C’est ainsi que cette évènement de mer a conduit à l’élaboration de règles internationales obligatoires pour les navires marchandes, règles englobant les domaines techniques de construction de navire, de détection incendie, d’équipement pyrotechnique et de drome de sauvetage dans le but d’améliorer le sauvetage de la vie humaine en mer. Sans entrer dans une simple énumération de catastrophe, il est cependant indispensable de citer les autres principaux évènements ayant entraîné une évolution ou une création de texte en faveur de l’amélioration de la sécurité maritime. Le 18 Mars 1967 le pétrolier libérien Torrey canyon s’échoua au large de la Cornouaille. Cet évènement entraînant une pollution de 250 kilomètres des côtes britanniques et de 100 kilomètres des côtes Françaises, est à l’origine de l’adoption de la convention de 1969 sur le droit d’intervention en haute mer, la convention CLC 69 et de la création du FIPOL en 1971, fond d’indemnisation des dommages causés par le transport par mer d’hydrocarbures ainsi que de la convention Marpol de 1973, convention qui traite de la pollution opérationnelle par hydrocarbure. C’est en 1978 que la convention Marpol subit de nombreuses modifications, cette révision a été motivée par l’échouement de l’AMOCO CADIZ, pétrolier battant pavillon libérien, qui déversa plus de 240000 T de pétrole au large Portsall Peu de temps après, le 7 mars 1980 le pétrolier panaméen TANIO se rompt en deux au large des côtes françaises, déversant plus de 6000 tonnes de Fuel lourd N°2 ; ce dernier accident fût à l’origine du Mémorendum de Paris autrement appelé « contrôle par l’Etat du port » et a pour objectif de pallier les insuffisances des états du pavillon. Quelques fois une seule catastrophe ne suffit pas à faire progresser le domaine de la sécurité maritime : ainsi alors que le naufrage du Herald of Free Enterprise au


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large de la Belgique en 1987 causait la mort de 193 personnes, catastrophe qui conduisit l’OMI a adopter une résolution en matière de gestion de la sécurité, il fallut l’incendie survenue à bord du Scandinavian Star, ferry danois, et ces 158 morts en Avril 1990 en Mer du Nord pour rendre obligatoire cette réglementation. L’échouement du pétrolier américain Exxon Valdez au large de l’Alaska, poussera les Etats­Unis à adopter l’Oil Pollution Act 90, réglementation unilatérale mais qui sera reprise dans ces grands traits par l’OMI en 1992, avec la modification des règles MARPOL et qui concerne surtout l’exclusion des navires pétrolier simples coques . C’est à la suite d’une série d’accidents comme celui du Haven (2) en 1991, de Aegean Sea en 1992 et enfin du Braer (3) en 1993 que la commission Européenne proposa une politique commune de la sécurité maritime. En 1994 le naufrage de l’Estonia en Mer Baltique causa la mort de 852 personnes : s’ensuivi des modifications de SOLAS par l’OMI et surtout l’établissement de normes régionales décidées par la conférence de Stockholm et qui concerne la stabilité des ferries après avarie pour les régions de la mer baltique et de la mer du nord. Enfin je citerai ici les évènements qui ont sans doute marqué considérablement l’opinion public, plus attentive aujourd’hui au problème d’environnement et qui ont été à l’origine de nouvelles mesures émises par la Commission Européenne : ce sont en 1999 le naufrage du chimiquier Erika qui a amené la commission à s’interroger sur le contrôle des sociétés de classification et l’application des normes de sécurités. Et enfin dernièrement la perte du pétrolier PRESTIGE au large des côtes de Galice qui a accéléré le processus de bannissement des navires pétroliers simples coques, mesures déjà énoncée dans les propositions de la commission Européenne suite à l’ERIKA dit paquet ERIKA I et ERIKA II. Voici donc la liste des évènements majeurs ayant abouti à une modification, à la création de textes en faveur de la sécurité maritime mais qui ont aussi eu une incidence fondamentale sur l’évolution des régulateurs et des autorités normatives. Malheureusement ces mesures sont systématiques les conséquences de


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catastrophes et n’ont jamais devancé les évènements. J’invite le lecteur à effectuer cette constatation à la lecture de cette énumération de catastrophes. La catastrophe du TITANIC a donc finalement été le point de départ d’une synergie sécuritaire dans le domaine maritime et comme nous pourrons le constater plus en aval lors de cette étude, les améliorations dans le domaine de la sécurité maritime sont souvent le fruit d’une réflexion menée suite à une catastrophe maritime, les enquêtes accidents. §1.2 : LES ENQUÊTES ACCIDENTS : Comme nous avons pu le constater dans l’énumération précédente, les mesures prises en faveur de l’amélioration de la sécurité maritime le sont pour la plus part à la suite d’une analyse effectuée afin de connaître les circonstances de l’accident. Cette analyse est effectué lors d’une enquête dite enquête accident : commission ad hoc encore récemment, elle s’impose maintenant aux états du pavillons dont un navire est impliqué dans un accident majeur. La première « enquête accident » majeure menée à la suite d’une catastrophe a été celle constituée à la suite du naufrage du TITANIC : elle a été menée par la commission sénatoriale des Etats­Unis et publiée le 28 mai 1912 (4). Parallèlement à cette commission d’enquête, une autre analyse avait lieu de l’autre côté de l’Atlantique à Londres, du coté du Board of Trade, le ministère Britannique du Commerce, enquête qui se déroula du 2 Mai 1912 au Mercredi 3 Juillet 1912. Cette commission enquêta spécialement sur le nombre d’embarcations, radeaux, engins de sauvetage et autres équipements pour la sécurité des passagers, et suivi les recommandations émises par la commission sénatoriale reprises afin d’établir une nouvelle réglementation. Bien que la première convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer eu lieu à Londres en 1914 s’appuya sur les éléments retenus par ces premières enquêtes, ces mesures restèrent longtemps en sommeil suite aux évènements tragiques de la première guerre mondiale(5). Donc depuis la catastrophe du TITANIC, l’intérêt des enquêtes après accidents ne peut être remis en cause. Cependant il n’existait pas de réel cadre, les enquêtes étant menés au coup par coup et l’organisme chargé de mener l’enquête constituée au cas par cas.


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L’apparition des commissions d’enquêtes a été une grande amélioration dans l’efficacité et surtout la vitesse de réaction. Le texte fondateur qui fixe désormais les conditions et modalités des enquêtes après accident pour le maritime est le texte de l’OMI intitulé « code pour la conduite des enquêtes sur les accidents et incidents de mer » résolution A 849(20) du 27 novembre 1997. L’OMI qui s’est également doté d’un groupe de travail au sein du sous comité Flag State Implementation (FSI ) sur les « accidents et enquêtes ». La directive Européenne 1999/35/CE du Conseil de l’Union Européenne « relative à l’exploitation en toute sécurité de services réguliers de transbordeurs rouliers et d’engins à passagers à grande. vitesse » se réfère explicitement à la résolution de l’OMI précédemment mentionnée et fait mention d’enquêtes obligatoires prévues en cas d’accident. A noter l’existence d’un Forum International des enquêteurs sur les accidents maritime (MAIIF),en anglais le Marine Accident Investigators International Forum, qui a pour objet de favoriser les contacts directs entre enquêteurs de pays différents. L’intérêt étant que dans certains Etats les BEA mer ne sont pas dissociés des administrations chargées de la réglementation et des contrôles. Bien que les enquêtes accidents s’imposent maintenant aux Etats du pavillon, il est cependant des commissions d’enquêtes permanentes possédant une réputation de qualité et de compétence comme le Marine Accident Investigations Branch (MAIB ) pour l’Angleterre . La France possède également une commission d’enquête permanente reconnue sur le plan international, le BEA mer (Bureau Enquête Accident). Le BEA mer n’a été mis en place qu’à la suite de l’arrêté du 16 décembre 1997 portant création du BEA pour réaliser des enquêtes après évènements de mer, permettant ainsi d’appliquer les dispositions de la résolution A 849(20) de l’OMI portant « Code pour la conduite des enquêtes sur les accidents et les incidents de mer ». Ce service est constitué au sein de l’Inspection générale des affaires maritimes.


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L’année 2002 a constitué un tournant décisif pour le BEA mer ; en effet, depuis sa création en décembre 1997 et jusqu’à fin 2001, le BEA mer n’avait qu’une existence réglementaire suite à l’arrêté du 16 décembre 1997 . Depuis le début de l’année 2002, le statut du BEA mer s’est vu modifié et prendre un statut législatif grâce à la loi n°2002­3 du 3 janvier 2002 sur notamment les enquêtes techniques et administratives après événements de mer. Ce texte dans son titre III, élargit les possibilités d’investigation des organismes permanents chargés de la conduite des enquêtes techniques dans le secteur de la navigation maritime et dans celui des transports terrestres, organise également la coordination des travaux des BEA avec ceux des autorités judiciaires éventuellement saisie des mêmes faits et enfin règle la collaboration avec les Etats étrangers qui pourraient être concernés. Le statut du BEA est bien sur la pierre angulaire fondatrice de cette organisation, cependant ce qui lui confère une réelle légitimité est son mode de fonctionnement qui doit mener à des résultats d’enquêtes indiscutables afin d’imposer sa crédibilité dans le milieu professionnel. En effet le BEA est constitué d’un collège permanent d’experts et professionnels maritime autour du directeur du BEA représentant ainsi un panel assez complet du milieu maritime ce qui le différencie des autres bureaux enquête accident européen existant qui ont très peu d’autonomie dans le choix de leurs collaborateurs. De plus le directeur peut, s’il le juge utile, s’adjoindre les services d’un expert temporaire dans tel ou tel domaine afin d’être le plus précis possible dans les enquêtes. Le domaine de compétence touche tout accident dont le déroulement a eu lieu dans les eaux territoriales françaises, tout accident où l’on déplore une victime de nationalité française ou tout accident dont les répercutions environnementales touchent les intérêts français tel qu’énuméré dans le titre III, art 14,II. Malheureusement le BEA mer ne peut qu’émettre des recommandations et n’a pas d’action impérative sur les acteurs de la sécurité maritime ; cependant son directeur mise sur la publicité des recommandations(récapitulées chaque année dans le rapport annuel) et le fait que le BEA possède de plus en plus une image de professionnalisme, qui lui vaut d’être reconnu sur le plan international par la


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commission européenne dans le cas du « PRESTIGE » , la Commission européenne ayant exprimé son souhait d’être tenue informée du déroulement des travaux d’enquête, le BEAmer s’est également rapproché de ses services à cet effet. Mais le point essentiel de ces commissions d’enquêtes reste leur contribution en matière d’amélioration de la sécurité maritime : Le but premier du BEA étant la recherche du fait technique ayant entraîné l’accident afin d’éviter qu’il ne se reproduise, le directeur du BEA compte énormément sur le dialogue avec les entreprises concernées dans une affaire afin de connaître les positions de ces entreprises qui sont le plus à même d’apporter des éclaircissements ou même des solutions. Et le dialogue peut parfois apporter de réels progrès techniques en matière de sécurité maritime comme ce fût le cas pour deux recommandations émises à la suite du naufrage du IEVOLI SUN, concernant le constructeur VINEL pour les dégagement d’air et le constructeur FRAMO pour son système d’assèchement des ballasts qui ont été pris en compte immédiatement et intégré dans leur nouveau système.(6) De même font parti des recommandations du BEA suite à la catastrophe de l’ERIKA, la demande d’une plus grande transparence concernant les sociétés de classifications. Le BEA qui s’attaque aussi à la notion de « safe manning certificat » autrement dit l’effectif minimum de sécurité à bord d’un navire, effectif approuvé par les Etats du pavillons et qui parfois ne constitue même pas un minimum suffisant au respect de la réglementation des temps de repos.(7) La contribution des enquêtes techniques après accidents n’est donc plus à démontrer, les commissions permanentes facilitant encore plus le déroulement de ces enquêtes. Mais pourquoi alors les enseignements des catastrophes sont ils pris en compte dans certains cas afin de faire évoluer ou de créer un texte réglementaire dans tel ou tel domaine de la sécurité ? En fait la question est de savoir quelle est la motivation réelle qui a entraîné les organes régulateurs et normatifs à établir des règles qui peuvent bien souvent entraver le commerce maritime et son maître mot « la rentabilité ».


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Monsieur Boisson( directeur communication et affaires juridiques, bureau veritas) nous en apporte sans doute un élément de réponse dans ses propos tenus lors du colloque Saferseas (8) : « la chaîne de l’amélioration de la sécurité maritime est pour l’instant : catastrophe plus travail sur les consciences de la part des médias égal obligation pour les gouvernement de réagir. ». C’est sur ce postulat que se développera mon argumentaire au cours de la prochaine section de cette partie consacrée à la sécurité. CHAPITRE II : DE LA POLITIQUE ATTENTISTE A L’OBLIGATION D’AGIR De la somme catastrophe plus pression de l’opinion publique résulte l’obligation pour les gouvernements de réagir. L’interrogation principale que soulève ce postulat est pourquoi « réaction », terme qui suppose une action en retour d’un évènement, et non anticipation ? C’est en étudiant tout d’abord le contexte économique qui régit le transport maritime que nous pourrons y déceler une grande partie de la réponse. En effet avant d’analyser les effets de la pression populaire sur le secteur de la sécurité maritime qui est bien souvent la cause de cette réaction, il faut au préalable avoir une idée des enjeux économiques qu’impliquent une évolution de la sécurité dans le secteur maritime afin de comprendre qu’effectivement sans cette pression populaire, il est quasiment impensable de voir ce secteur évoluer de lui­même. §2.1 LE CONTEXTE ECONOMIQUE, FREIN AUX PROGRES SECURITAIRE En 2001, 5,89 milliards de tonnes de marchandises ont été acheminés par voie maritime, la flotte maritime mondiale comportant plus de 46000 navires .Le transport maritime international a augmenté de 35% en 10 ans, parallèlement au développement du commerce international. Ces chiffres démontrent la puissance que peut représenter tout le secteur du transport maritime. Les deux termes les plus employés dans le monde du transport maritime sont « rentabilité » et « concurrence », deux notions qui se complètent dans ce secteur. En effet qui dit concurrence dit coût de transport pour le chargeur le plus faible possible et pour obtenir la meilleure rentabilité possible tout en étant compétitif face à la concurrence, le transporteur ( l’armateur) aura (presque) toujours la


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tentation de faire des économies sur les charges fixes d’exploitation et sur les autres charges que celles de voyage. Ainsi ce seront souvent les charges d’entretien et donc de la sécurité, les charges d’équipage sans parler des charges de fonctionnement de l’entreprise (taxes, management, assurance), trois facteurs indissociables de la sécurité. L’OCDE a démontré qu’un armateur qui parviendrait à ne pas respecter les règles de sécurité pourrait économiser jusqu’à 30% de ses charges d’exploitation et au minimum 10% des charges globales. Le Comité des Transports Maritimes de l’OCDE a mené une analyse sur le surcoût d’exploitation correspondant au respect des règles de sécurité et de protection de l’environnement : le surcoût pourrait s’élever à 1 million US$ par an pour un pétrolier de taille moyenne soit une économie équivalente sans respect des règles minimales de sécurité. A l’origine de cette dérive dans le domaine de la sécurité maritime, la chute du prix du fret maritime : le coût minimum d’un gros tanker est de 45000 dollars jour en dessous duquel la sécurité ne peut plus être totalement assurée alors que le taux de fret a lui chuté à 25000 dollars jour. Essayons d’obtenir un ordre d’idée des montants financiers qu’implique justement le respect des règles minimales de sécurité. Sur le plan du coût d’exploitation hors aspect technique, concernant les charges propres au fonctionnement de l’entreprise, si l’on prend le pavillon britannique ( qui est un peu l’équivalent du pavillon français d’immatriculation Kerguelen ), le coût d’un équipage de 25 personnes ( 4 officiers, 6 sous­officiers et 15 marins ) est de 95 000 $ américains par mois sous pavillon britannique, et de 33 000 $ sous pavillon asiatique. Le rapport est donc de 1 à 3.(9) Ceci n’étant que le coût de l’équipage à cela il faudrait ajouter le coût du maintien du pavillon, c'est­à­dire les contrôles annuelles et les taxes qui sont largement inférieur dans un pays qui délivre des pavillons de complaisances. Autre exemple : un navire de charge, sous pavillons français, doit emporter autant de combinaisons d’immersions que de membres d’équipage prévus en exploitation alors que la convention SOLAS n’en impose que trois : le coût d’une combinaison d’immersion étant d’environ 800 euros pièce, le surcoût financier pour le un navire


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sous pavillon français armé de quinze membres d’équipage est donc d’environ 10000 euros. Sur le plan du coût des évolutions techniques, les chiffres deviennent bien plus importants : Pour exemple le surcoût qu’a entraîné la réglementation sur les navires doubles coques s’estime à 1 million d’euros, ce qui représente la différence entre un pétrolier simple coque et un pétrolier double coque d’une longueur d’environ 100 mètres, soit une petite unité. A la suite de la catastrophe de l’ARGO MERCHANT le 14 décembre 1976, lorsque l’installation de gaz inerte a été imposée sur les pétroliers de plus de 20000 tonnes de port en lourd par un protocole à la convention SOLAS, ceci à représenté un coût d’installation d’environ 200000 euros par système de gaz inerte. De nos jours pour une compagnie pétrolière exploitant une cinquantaine de pétroliers, la mise en place d’une telle réglementation coûterait 10 millions d’euros. Cette limite de 20000 tonnes sera peut être un jour remise en cause suite à l’explosion du pétrolier CHASSIRON de la société Pétromarine lors d’une opération de lavage, explosion qui a coûté la vie à un matelot. Ainsi en raison de ces coûts ;toute évolution des textes en faveur de la sécurité est bien souvent accueilli avec douleur par les armateurs qui ne sont fatalement guère enclin à une politique de prévention. Rappelons que l’OMI de part sa nature permet aux pays délivrant des pavillons dits de complaisance de peser lourdement dans les décisions et par le biais de ces états faire entendre la voix des armateurs. Alors pourquoi l’émergence de normes, de réglementation dans ce contexte : tout d’abord, malheureusement à la suite des catastrophes, le bilan est bien souvent sans aucune mesure avec les coûts qui seraient engendrés par une prévention. C’est ainsi que la facture de la catastrophe de l’EXXON VALDEZ a atteint cinq milliards de dollars en dommages et intérêts pour le groupe EXXON. Le surcoût qu’engendrerait la mise en conformité en terme d’embarcation de sauvetage du TITANIC pour être conforme SOLAS, serait d’au moins 30 embarcations supplémentaires (10) soit un surcoût estimé à 1 500 000 euros ; est ce comparable avec la perte de 1517 personnes. ?


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La pression populaire, bien souvent l’émotion populaire, est certainement le facteur déterminant qui permet au secteur de la sécurité maritime d’évoluer, surmontant le poids du contexte économique. §2.2 LA PRESSION POPULAIRE EN FAVEUR DE LA SECURITE MARITIME En fait sans préjuger de la position future des différents organes tant étatiques qu’internationales en matière de prévention, force est de constater que la volonté politique d’élaboration ou de mise en œuvre de textes concernant la sécurité maritime a, jusqu’à présent été le résultat de la pression populaire ou de l’émotion populaire, émotion populaire maintenant relayée par les différentes techniques de communication ; télévision, radio,internet… Le mécontentement se fait connaître et se propage par le biais des médias, et tous les acteurs du milieu maritime qu’ils soient privés ou normatifs savent que ce mécontentement peut se traduire par soit un chiffre d’affaire en baisse, soit de mauvais résultats aux élections. Nous pouvons donc étudier les effets de la pression populaire sous deux aspects : son pouvoir sur les intervenants de la vie politique et son pouvoir sur le milieu professionnel : .a) sur le plan politique : A l’époque du naufrage du TITANIC la presse écrite, ne serait ce qu’à Paris, réalisait un tirage de cinq million cinq cent mille exemplaires et plus de six millions en provinces.(11) Le TITANIC avait à son bord des membres de la haute bourgeoisie Anglaise et Américaine. C’est dans ce contexte que survînt la catastrophe qui eût ainsi un retentissement extraordinaire. Cette émotion est mentionnée en introduction dans le rapport de la commission sénatoriale des Etats­Unis (12) et est un des arguments de la justification de l’établissement de cette commission. Deux commissions d’enquêtes se sont donc constituées rapidement, l’une à Londres, l’autre à New York moins d’un mois après la catastrophe. Dans le cadre du TITANIC, le facteur qui a déclenché cette émotion était donc le grand nombre de pertes humaines et qui plus est, appartenant à des sociétés civilisées comme l’Angleterre et les Etats Unis. D’autres évènements de mer qui ont coûté également des pertes humaines n’ont pas eu le même retentissement. Soit parce que seuls les marins étaient concernés,


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soit la localisation du sinistre ou les victimes n’appartenaient pas à un pays très industrialisé. L’autre secteur qui émeut actuellement la société est le secteur de l’environnement : depuis l’AMOCO CADIZ les accidents de pétroliers sont énormément médiatisés. L’OPA aurait il vu le jour en à peine 18 mois après la catastrophe de l’EXXON VALDEZ sans la retransmission de milliers d’oiseaux mazoutés. Monsieur Boisson en doute comme il a pu l’exprimer lors du colloque Saferseas.(13) Cependant la pression médiatique peut mener à la précipitation et à la surenchère médiatique : Lorsque survient une catastrophe qui émeut une grande partie de la population, pour les instances politiques il ne s’agit plus de tergiverser, il faut prendre des décisions, on ne peut bien souvent pas prendre le temps d’une réflexion menée dans une enceinte internationale comme l’OMI. Les délais pour l’élaboration des textes et l’obtention d’un consensus sont trop longs. C’est ainsi que des décisions unilatérales ou régionales voient le jour : c’est le cas pour l’OPA qui a été imposé de manière unilatérale par les Etats­Unis et surtout sans consultation. A l’heure actuelle nombreux sont les professionnels qui s’interrogent sur l’efficacité des pétroliers simples coques imposés par les Etats­Unis dans le cadre même de l’OPA alors qu’à l’époque les chantiers de l’Atlantique proposait une autre solution au problème du déversement d’hydrocarbure suite à un naufrage ou un échouement : le système EEE (14) qui n’a jamais été suivi d’effet pour raison commerciale. A la suite du PRESTIGE une décision politique bi latérale Franco­ Espagnole a été prise de manière tout aussi rapide sous le coup de l’émotion publique : les accords de Malaga. Au préalable le gouvernement Aznar fût vivement critiqué pour sa gestion erratique de la crise et des mouvements de protestations réunissant des milliers de manifestants dans les rues de Madrid eurent lieu. La mise en œuvre de ces accords intervenait la semaine suivante le naufrage, la France demandant à certains navires de sortir de la zone économique exclusive. Toujours à la suite du PRESTIGE, la France tout d’abord a été très vive à demander sur le plan nationale tout d’abord l’interdiction immédiate à tout navire pétrolier simple coque d’un port en lourd de plus de 600 tonnes de transporter des fuels


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lourds, proposition qui d’un point de vue médiatique a un impacte important mais la soudaineté d’une telle mesure rendait impossible le renouvellement des souteurs qui font pour la grande majorité plus de 600 tonnes de port en lourd ; une telle mesure pénalisait très lourdement les ports français qui ne possédait plus de service de soutage pour les portes containers notamment ; heureusement le comité centrale armateur par l’intermédiaire d’une lettre de doléance regroupant les remarques de tous les armateurs impliqués dans ce genre de transport a permis de faire prendre conscience de ce problème. L’industrie a également fait connaître ses craintes concernant les capacités de stockage si une telle mesure était adoptée en l’état. La France puis ensuite l’Europe par l’intermédiaire des ministres des transports qui se sont réunis à Bruxelle le 27 Mars 2003 ont retenu un assouplissement des propositions faites initialement à la commission européenne en repoussant la limite minimum de 600 à 5000 tonnes de port en lourd et en accordant une dérogation pour les pétrolier navigant exclusivement dans les ports ( ravitaillement ). Mais encore une fois les premières mesures qui se voulaient très rapides face aux attentes de l’opinion public étaient dans l’absolue très nobles, auraient causé d’énormes difficultés dans le transport maritime et dans le secteur de l’industrie. Plus raisonnablement il a été décidé d’effectuer ce passage de 5000 tonnes de port en lourd à 600 tonnes dans un délai de 3 ans. L’affaire du BIZANTIO, pétrolier à coque simple, vieux de 26 ans, qui s’apprêtait à quitter l’Estonie pour Singapour peu de temps après le naufrage du PRESTIGE et transportant le même type de cargaison, peut être également considéré comme la résultante de la pression médiatique indirecte ou plus précisément de l’émotion publique. Dans cette affaire la France a fait pression sur l’Estonie pour que les autorités contrôlent ce navire à son arrivé à Talline alors que celui­ci avait fait l’objet, une semaine plus tôt, d’un contrôle de l’Etat du port à Rotterdam sans que ce contrôle ne révèle de déficiences majeures qui entrent dans le cadre du Memorendum of understanding, alors dans ce cas pourquoi demander un autre contrôle expressément ?


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Preuve de la pression exercée par la France à ce moment , la déclaration sur iTV le 27 Novembre 2002 du secrétaire d’Etat aux Transports Dominique Bussereau: « ce navire est en Estonie, qui est un pays qui va entrer dans l’Europe prochainement et la France va voir si l’Estonie a vraiment la volonté de rentrer dans l’Europe » et si ce pays est décidé « à agir immédiatement à notre demande pour faire en sorte que ce navire soit vérifié ». Ajoutant également : « S’il venait près de nos côtes, il pénètrerait un certain moment dans les zones maritimes d’un certain nombre de pays .Nous pourrions également intervenir », « les mesures de Malaga s’appliquerait à ce navire ». Les intentions de Mr Bussereau étaient claires lorsqu’il parlait des mesures de Malaga applicables à ce navire, il voulait détourner le navire hors de la ZEE de la France mais avec du recul, sans la pression médiatique, ce navire bien que datant de 1976 et transportant du fuel lourd, répondait de manière favorable à tous les critères définis dans cet accord qui aurait permis de lui demander de se détourner. Il aurait donc fallu faire un contrôle du navire en pleine mer, contrôle qui n’aurait sans doute rien donné, le navire ayant été contrôlé dans le cadre du MOU une semaine plus tôt. b) sur le plan professionnel : La télévision a donné un aspect spectaculaire aux catastrophes maritimes : des millions de téléspectateurs français ou étrangers ont pu constater , en direct , heures par heures , les dégâts occasionnés par l’échouement de l’AMOCO CADIZ : des oiseaux englués et des plages souillées. Quelques années plus tard ce sont les américains et le monde entier qui découvrent le désastre occasionné à l’environnement par l’EXXON VALDEZ. Pendant plusieurs jours le monde entier pourra observer les lettres EXXON sur la cheminée du pétrolier.Les professionnels du transport maritime pétrolier se sont donc retrouvés en première ligne et c’est ainsi que des instructions ont été émises envers les bords pour essayer de masquer tout symbole pouvant rattacher un navire à la société propriétaire en cas de catastrophe. Par la suite les principales majors se sont désengagés progressivement du transport maritime de manière directe. En fait les principales compagnies pétrolières utilisent maintenant principalement le système de l’affrètement pour effectuer le transport d’hydrocarbure afin de fuir en


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premier lieu les responsabilité du transporteur, ce qui a d’ailleurs pu être fait dans le cadre de l’OPA où le chargeur n’est plus responsable, et en second lieu d’éviter le mécontentement populaire. De plus l’apparition et le développement d’internet a permis au citoyen lambda de donner son avis et une campagne de dénigrement comme la vécu TOTAL avec plusieurs sites parodiant le nom de TOTAL a un impacte médiatique important. L’émotion que créé une catastrophe est relayée directement et bien souvent sans recul : c’est aussi le danger de la pression populaire et les principaux acteurs du transport maritime doivent intégrer cette notion. Ainsi le deuxième objectif du désengagement du transport maritime par les majors n’a pas été atteint comme nous avons pu le constater dans le cas de l’ERIKA où le chargeur, TOTAL, a été propulsé sur le devant de la scène. Et maintenant force est de constater que lorsqu’une catastrophe pétrolière survient, le chargeur est automatiquement mis en cause par le grand public. Souvent même le nom du transporteur est occulté par celui du chargeur. Dans ce contexte l’impacte est bien supérieur lorsque le nom de TOTAL est exploité par les médias que lorsque le nom du transporteur est révélé : demandons nous quelle est la proportion de la population qui se souvient du nom de l’armateur de l’ERIKA ( bien que l’enquête eu beaucoup de difficulté pour remonter au véritable propriétaire du navire ) et la proportion de la population qui se souvient que l’affréteur était TOTAL? Les armateurs quant à eux ne sont pas exposés à cette pression populaire en premier lieu, car contrairement aux compagnies pétrolières ou bien même aux gouvernements, ils n’ont comme principaux interlocuteurs que des professionnels, ils ne peuvent donc être touchés que par transitivité ou par un pouvoir régulateur. Le principe des vettings (inspection réalisée par l’affréteur pour établir l’état du navire) a donc été généralisé afin de répondre aux deux facteurs : les affréteurs ne s’engagent plus sans qu’un navire soit considéré en bon état par d’autres majors et les armateurs doivent satisfaire aux critères de qualité imposés par les majors. Ainsi dans le milieu professionnel, la pression populaire a été certainement un des facteurs de l’amélioration de la sécurité maritime, c’est pourquoi le plus grand nombre de navires interdits de reprendre la mer par les autorités d’un état sont des


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vraquiers qui bien souvent ne présentent pas de risque pour l’environnement et donc ne sont pas mis en premier plan de l’actualité (15). La médiatisation a un effet pervers également qu’il convient de souligner, elle n’est pas globale, en effet de nombreux navires pétroliers qui ne sont plus exploitables dans les conditions édictées précédemment s’éxodent vers des régions actuellement moins sensibles sur le sujet de la sécurité maritime comme l’Afrique de l’ouest ou l’Asie, preuve encore s’il en été besoin que la pression populaire régit maintenant en permanence le milieu du transport maritime. Ce tableau pessimiste dressé lors de cette première section concernant les raisons qui permettent d’espérer une évolution dans le secteur de la sécurité maritime démontre à quel point les organes régulateurs dans ce domaine font preuve d’une volonté toute relative à cette progression. Il devient donc nécessaire à ce stade d’essayer de définir à quel niveau la régulation de la sécurité maritime doit se faire et quelle en est l’efficacité, ceci faisant l’objet de la section suivante. SOUS SECTION II : LEGITIMITE ET EFFICACITE DES DIFFERENTS NIVEAUX D’INTERVENTION Nous pourrons articuler cette étude autour de deux points : le niveau supra­national et le niveau national. CHAPITRE PREMIER : LE NIVEAU SUPRA­NATIONAL : ENTRE LEGITIMITE ET GLOBALITE Nous allons distinguer maintenant le niveau international et le niveau communautaire qui dernièrement a pris une part de plus en plus importante dans le secteur de la sécurité maritime. §1 .1 : LE NIVEAU INTERNATIONAL De part l’aspect international du transport maritime et de l’évolution rapide de celui­ ci, il ne fait nul doute que la compétence pour le contrôle et la réglementation de ce milieu ne peut se faire essentiellement que de manière internationale. C’est à la suite du naufrage du TITANIC qu’eu lieu la première conférence internationale sur la sécurité maritime à Londres en 1914 .


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A la fin des années 40, chaque nation maritime possédait sa propre législation maritime, les standards étant ainsi très différents et parfois contradictoires entre les Etats. Cette situation était très dommageable à la sécurité maritime et c’est tout logiquement qu’une institution internationale fût créée en 1948 afin de mettre en commun les préoccupations des états en matière de transport maritime, l’OMI était née : Créée par une convention internationale adoptée le 6 Mars 1948 à Genève et entrée en vigueur 10 ans plus tard le 17 Mars 1958. L’OMI est l’institution spécialisée dans le domaine de la navigation maritime de l’ONU. Le but de cette organisation est contenu dans l’article 1(A) de la convention : il s’agit de fournir un moyen de coopération entre les gouvernements dans le cadre de toute chose affectant le commerce international maritime. Tout d’abord organisation consultative de l’ONU, comme son nom l’indiquait , OMCI ( Organisation Maritime Consultative Internationale ), elle profita de l’évènement du TORREY CANION en 1967 pour s’évader de son secteur technique pour développer son action dans des domaines juridiques. Elle s’est enfin dotée d’un comité juridique très peu de temps après et pris le nom d’OMI en 1982 Elle compte aujourd’hui 162 Etats membres dont la France qui a ratifié la convention en 1952 et possède son siège à Londres. Tous les Etats membres sont représentés au sein de l’assemblée qui se réunit une fois tous les 2 ans. Un conseil constitué de 32 gouvernements membres, dont la France, élus par l’assemblée joue le rôle d’organe directeur entre les sessions de l’assemblée. Pour se rendre compte du travail de l’OMI en matière de sécurité maritime, il convient de préciser qu’une trentaine de Conventions et protocoles ont été adoptés. Le tableau ci­dessous démontre l’étendu de la portée des conventions de l’OMI :(16) Convention

Nombres d’états signataires

% du tonnage mondial couvert

Load Lines 1966

140

98.19

SOLAS 1974

136

98.27


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STCW 1978

130

97.55

Collision Regulations 1972

130

96.20

Tonnage 1969

118

97.51

MARPOL 73/78

102

93.48

Nous venons donc de voir que l’OMI est sans doute la réponse à l’échelle mondiale pour les matières concernant la sécurité maritime. Sa légitimité à ce niveau est indiscutable puisque émanent de la volonté internationale d’harmoniser sur le plan mondial les réglementations qui étaient d’ordre national, légitimité confortée par les statistiques du Lloyd’s register , le taux de perte total de navire continue de diminuer : En 1995 , 3 navires sur 1000, en 2000 1.9 sur 1000 disparaissaient. Les études pour les déversements montrent la même tendance. Mais l’on est cependant en droit de se demander si le niveau mondial est bien le degré de pertinence adéquate: en effet il s’agit d’une question d’échelle tout d’abord sur un plan de l’organisation et ensuite sur le plan géographique. Sur le plan de l’organisation interne de l’OMI, une étape a été franchie dans les années 70 avec l’adoption de l’amendement de l’acceptation tacite : contrairement à ce qui se faisait précédemment une résolution est automatiquement acceptée à une date décidée à moins qu’elle ai été expressément rejetée par un certain nombre d’états. Ainsi le délai pour l’entrée en vigueur des derniers amendements SOLAS a été réduit à 18 mois alors qu’ en comparaison les mesures en réaction au TITANIC ne sont entrée en vigueur qu’en 1933 soit près de 20 années après la catastrophe et seulement après qu’une deuxième convention est été adoptée en 1929. Cependant le vrai problème du fonctionnement de l’OMI reste le rôle que possède chaque état en son sein. Un des points clés qui peut nous aider à comprendre quel est le poids des différents états au sein de l’OMI concerne la question du budget : en effet le budget de l’OMI est alimenté par la contribution de chaque pays et ce en fonction


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essentiellement du tonnage de la flotte de commerce. La France contribue à hauteur de 247 300£ par an soit 1,41% du total.(17) Les modalités de vote au sein de l’OMI génèrent des blocages récurrents. L’OMI ne reconnaît pas le schéma d’expression démocratique classique « une pays = une voix » mais au contraire évalue le poids de chaque pays au pourcentage de leur flotte mondiale pour établir les procédures de vote. Ainsi des pays comme la Grèce, Malte, le Libéria et d’autres pays dont l’administration maritime est relativement réduite pèsent d’un poids totalement disproportionné sur toutes dispositions tendant à réglementer le transport maritime international. L’OMI est ainsi dominée par les pavillons de complaisance. Cependant les délais reste très longs pour les victimes en premier lieu des catastrophes maritimes. De plus en matière de règles internationales, il n’y a pas de contrôle, pas de sanctions et il n’y a pas de tribunaux. Ainsi Monsieur François Lamoureux, Directeur Général pour la Direction Général Energie et Transport, commission Européenne, de regretter : « Les règles de l’OMI peuvent être parfaites, mais il n’y a pas, pour le moment d’outil pour aller vérifier si les pays respectent les règles » L’échelle géographique peut également être un facteur de ralentissement : en effet il faut faire prendre conscience à un certain nombre d’Etats membres des préoccupations d’autres Etats membres situés à des milliers de kilomètres ; la solidarité a des limites d’ordre économique ; rappelons les coûts que peuvent engendrer une résolution d’ordre technique et se sentir concerné dans ces conditions lorsque l’on est pas impliqué physiquement reste parfois difficile. Ainsi donc bien que la légitimité de l’OMI n’est pas remise en cause, le monde maritime a pu constater l’émergence d’un nouveau pouvoir international normatif pendant ces 10 dernières années, pouvoir qui ose se confronter à l’OMI surtout en matière de pollution ; il s’agit de la communauté européenne. §1 .2 : LE NIVEAU COMMUNAUTAIRE Bien que placée à un niveau supra­national, la communauté européenne peut sous certain aspect être considérée par une approche régionale. L’Europe est maintenant en quelque sorte une région du monde et ainsi peut être plus réactive face à une


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catastrophe. Les intérêts communs sont beaucoup plus facilement appréhendés qu’à l’échelle mondiale. L’article 80 du traité d’Amsterdam ( 84 du traité de Rome) précise que le titre V du traité, sur les transports, s’applique aux transports par route, rail et voies d’eaux intérieures, mais que le conseil devait à la majorité qualifiée décider des dispositions appropriées pour la navigation maritime­ et aérienne. Mais l’Union Européenne en matière maritime était principalement préoccupée par les questions d’ouverture des marchés et de concurrence les plus proches des objectifs fondamentaux du traité de Rome. En matière de sécurité maritime, l’Union Européenne est apparue depuis peu dans le jeu institutionnel, depuis l’accident du BRAER en 1993. Bien avant l’évènement du BRAER , suite à l’accident de l’AMOCO CADIZ en 1978, la Commission avait à plusieurs reprises attiré l’attention du Conseil sur le fait que les cadres classiques d’action internationale en matière de sécurité maritime à travers l’OMI étaient insuffisants pour s’attaquer aux causes des accidents. La sécurité maritime n’a toutefois fait l’objet que de quelques retouches ponctuelles durant cette période. L’Union Européenne n’a compétence en matière de sécurité maritime que depuis le traité de Maastricht, qui attribue à l’Union Européenne une compétence sur la sécurité des transports en général. La commission a diffusé, le 24 Février 1993, la communication intitulée « Pour une politique commune de la sécurité maritime »(18). Le fondement de cette politique commune a pour but de faire progresser la sécurité maritime et la prévention de la pollution des mers en Europe : •

En favorisant la concertation entre Etats membres pour qu’ils mènent un action positive au sein de l’OMI et qu’ils en appliquent tous les règles de manière harmonisée afin d’éviter des distorsions de concurrence entre Etats membres ;

En renforçant leur lutte contre les navires sous normes de pays tiers qui n’appliquent pas correctement les règles de l’OMI, dans l’esprit du Mémorendum de Paris ;


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En définissant des normes communes pour les domaines non couverts par l’OMI

Ainsi l’Union Européenne s’est dotée d’une politique commune en matière de sécurité car qu’elle a pu s’appuyer sur les « moteurs » juridiques inscrits dans le traité notamment : •

Le principe de l’intégration de la dimension environnementale dans l’ensemble des politiques communautaires.

Le nouvel objectif sécuritaire applicable au transport affiché dans le traité Maastricht

La stratégie proposée par la Commission a rapidement été mise en œuvre : 12 directives et 3 règlements s’en sont suivis. Ces textes visent à assurer dans la Communauté une application plus stricte, voire anticipée, des règles issues des conventions internationales dans les domaines de la sécurité des navires, de la prévention des pollutions, des critères de qualification et de formation des marins et des conditions de travail à bord. Cette anticipation est toutefois maintenant source de tension entre l’OMI et la communauté européenne comme nous pourrons le constater plus en avant dans ce chapitre. Suite à plusieurs autres accidents, notamment celui de l’Estonia en 1994, une attention particulière a été portée aux navires transportant des passagers et des marchandises en vrac. Cette législation vise pour l’essentiel les navires de commerce mais les bateaux de plaisance et les bateaux de pêche font également l’objet de mesures communautaires spécifiques. Mais pour le grand public le point de départ de la politique commune en matière de sécurité a été le naufrage de l’ERIKA en décembre 1999 et celui du IEVOLI SUN en octobre 2000 qui ont remis la sécurité maritime sous les feux de l’actualité car des intérêts économiques étaient en jeux, essentiellement le tourisme. Ces deux accidents ont mis en évidence l’existence de problèmes sérieux dans la mise en œuvre de la réglementation en matière de sécurité maritime et au sein même de l’industrie maritime. Les procédures actuelles de contrôle, qui sont sous la


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responsabilité soit de l’Etat du port, soit des sociétés de classification, ont été très largement inefficaces et ne donnent aucune garantie sur la bonne navigabilité des navires. L’Erika a également provoqué une considérable émotion dans l’opinion publique qui a conduit le gouvernement français, le Parlement Européen et le Conseil a réclamé un renforcement des mesures de sécurité maritime dans les eaux européennes. Dans un premier temps la Commission a donc adopté le 21 mars 2000 une Communication présentant une série d’actions concrètes. Le paquet ERIKA (19)proposé portait sur deux axes d’actions •

Des mesures pouvant rapidement être mises en œuvre : ­ le renforcement des contrôles dans les ports ; ­ le renforcement du contrôle des sociétés de classification ; ­ la généralisation de l’interdiction des pétroliers à simple coque sur la base

d’un calendrier identique à celui des USA.

Des mesures à prendre à moyen terme car nécessitant une large concertation : ­ la systématisation des échanges d’information entre tous les acteurs du

monde maritime en s’appuyant notamment sur la base de données EQUASIS ; ­ l’amélioration de la surveillance de la navigation maritime dans les zones les plus fréquentées ; ­ la responsabilisation des différents acteurs du transport de pétrole par voie maritime. Sur ce point, il faut noter que le régime de responsabilité est actuellement dominé par des conventions internationales. Dans ce domaine, la Commission entend :


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i) œuvrer pour l’augmentation des régimes collectifs d’indemnisation notamment du FIPOL ii) poser les principes d’une responsabilité pour négligence grave du transporteur et du propriétaire de la cargaison, contrairement aux Etats­ Unis qui dans le cadre de l’OPA a totalement exclu les affréteurs de toute responsabilité. ­ l’éventuelle création d’une structure européenne de la sécurité maritime dont la tâche serait de contrôler l’organisation et l’efficacité des contrôles nationaux dans le but d’assurer une plus grande uniformisation des contrôles au niveau européen. Enfin dernièrement l’affaire du Prestige, en décembre 2002, a mis en évidence la lenteur de l’Europe à mettre en œuvre les mesures établies et pour lesquelles les états membres s’étaient engagés à mettre rapidement en œuvre pendant le Conseil Européen de NICE. (20) Pour Mr François Lamoureux , directeur Général pour la DG Energie et Transport, il est clair que la voix du règlement s’impose aujourd’hui afin de contourner cet obstacle de la transposition par les Parlements Nationaux. C’est cette volonté clairement établie qui a permis au Conseil « transport » des 5­6 décembre 2002 d’avancer la date d’entrée en vigueur de la disposition sur les ports refuges au 1 juillet 2003, alors même que la directive imposée un date d’entrée en vigueur au 5 Février 2004. Donc depuis 1993, l’Union Européenne a donc pris la pleine ampleur de son rôle de relais de l’OMI en matière de sécurité maritime, ainsi l’éveil de cette conscience maritime européenne contribuera à mettre en valeur la place de l’Union dans les instances internationales chargées d’organiser le transport maritime dans le monde, d’après Mr Josselin de Rohan, président du conseil régional de Bretagne pendant le séminaire sur la sécurité maritime de Brest du 2/3 novembre 2000. Cependant Mr Josselin de rohan soulève peut être le dernier vrai problème auquel est confronter l’Union Européenne : trouver la place de l’Union Européenne au sein de l’organisation maritime internationale. En effet au sein de l’OMI seules les Etats possède le droit de vote, les organismes ou représentations n’étant qu’observateurs. Le problème est donc tout d’abord


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d’obtenir un consentius au sein de l’Europe et ensuite d’obtenir dans le futur une représentativité et non seulement un rôle d’observateur au sein de l’OMI. Ce consencius est sans doute la principale difficulté que va devoir surmonter l’UE : Pour exemple lors des discussions sur les propositions faites par la Commission dans sa Communication de mars 2000, lors de la première réunion, la France s’est retrouvée seule contre les 14 autres Etats membres à soutenir ces propositions ! En effet l’intérêt de chaque état membre de l’Union Européenne ne correspond pas nécessairement avec celui de ses voisins. Pour s’en persuader constatons tout d’abord le rôle important de la présidence de l’Union Européenne : A l’heure de l’Erika , la France occupait la fonction de la présidence de l’Union Européenne et sous sa présidence la France a poussé l’Europe a prendre ses responsabilités en matière de sécurité maritime et a adressé à l’Union Européenne en Février 2000, un mémorendum proposant plusieurs mesures pour un renforcement de la sécurité maritime, la Commission Européenne proposant en réponse à cette action, la paquet ERIKA I. Aujourd’hui la Grèce effectue la présidence de l’Union Européenne et contrairement à la France, manifeste son opposition totale à tout durcissement unilatéral en Europe de la réglementation en matière de sécurité maritime. Les pays Européens devraient, selon la présidence européenne, s’en remettre entièrement au bon vouloir de l’OMI, position défendue par le ministre grec de la marine marchande, Georges Anoméritis et le secrétaire général de l’OMI, William O’Neil. Le ministère de la marine grec estimant que d’éventuelles nouvelles mesures doivent être prises dans le cadre de l’OMI.(21) Rappelons que la Grèce est un des états possédant le plus d’armateurs battant pavillons de complaisance. C’est pour ces raisons que la France et l’Espagne voulait voir leur initiative ( accord Malaga) étendue à l’ensemble des Etats membres de l’Union Européenne lors du sommet de Copenhague, les 12 et 13 décembre 2002, redoutant que la présidence de la Grèce ne soit une entrave. Le 27 Mars 2003, les ministres des Transports des Quinze ont adopté un règlement comparable à la loi américaine sur les pollutions pétrolières (OPA) qui interdit aux gros bâtiments à simple coque de faire escale dans leurs ports lorsqu’ils


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transportent des fuels lourds, la généralisation de cette mesure est poussée notamment par la France. Hors de la présidence de l’Union Européenne, reste la volonté des Etats membres a appliquer les directives Européennes : ainsi lors du sommet Européen de NICE, de nombreux états s’étaient engagés à transposer le plus rapidement dans leur législation les directives Européennes du paquet ERIKA I. Cependant la date du 22 juillet 2003 était la date butoir pour la transposition de ces directives et la commission s’apprête aujourd’hui à poursuivre certains Etats membres en ouvrant une procédure d’infraction (la Belgique, la Finlande, la Grèce, l’Irlande, l’Italie, les Pays Bas, le Portugal, la Suède) pour non communication des dispositions nationales de transposition, ceci pour démontrer qu’ à l’émotion suscitée par le naufrage de l’ERIKA a succédé encore une fois une politique attentiste. De même il existe clairement une opposition entre un bloc formé par l’Angleterre, la Grèce, les Pays Bas et les pays du nord, qui font prévaloir la liberté de circulation sur les mers, et un bloc formé par la France, la Belgique, et les pays méditerranéens, qui sont avant tout soucieux de la sécurité maritime (22) : les premiers prônant l’hégémonie de l’OMI, les seconds bien décidés à prendre des mesures par l’intermédiaire de l’Europe même de manière anticipée par rapport à l’OMI. L’entrée prochaine dans l’Union Européenne de Malte et de Chypre, qui dispose respectivement de la 5ème et 6ème flotte mondiale, risque de renforcer le camp de la liberté des mers au détriment de celui de la sécurité maritime au sein même de l’Union Européenne. En effet dans un premier temps cette adhésion aura sans doute pour effet de renouveler la flotte de ces états car ils devront dès leur entrée au sein de l’Europe appliquer les acquis communautaire mais une fois cette étape franchie, la situation de rapport de force telle que défini précédemment pourra s’installer. Il reste donc beaucoup à faire avant que l’Europe ne puisse parler d’une seule voix au sein de la seule instance qui régit le système mondial : l’OMI. L’entrée prochaine de Malte et de Chypre aura sans doute un effet bénéfique pour l’amélioration de la politique de sécurité maritime au sein même de ses Etats, un


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effort devant être réalisé pour correspondre aux critères minimum de l’Europe et de plus l’Union Européenne possèdera ainsi la première flotte mondiale (le tonnage exploité par les armements communautaires passera de 15,98% à 26,16% du tonnage mondial) pouvant constituer un contre poids à l’OMI, cependant au sein même de l’Europe il faut redouter que cet élargissement de l’Europe ne ralentisse les futurs progrès en matière de sécurité maritime. CHAPITRE II : LE NIVEAU NATIONAL : LEGITIMITE ET ISOLEMENT §2.1 : LE NIVEAU NATIONAL A l’échelon national la légitimité d’une politique en matière de sécurité nationale est indiscutable : l’état est souverain et peut donc émettre des réglementations propres dans ses eaux territoriales, compétence rappelée par la Convention sur le droit de la mer de 1982 dans son article 2 : « La souveraineté de l’Etat côtier s’étend au­delà de son territoire et des ses eaux intérieures, à une zone de mer adjacente désignée sous le nom de mer territoriale » . La sécurité du transport maritime est par nature une compétence étatique qui ne peut s’exercer pleinement que dans le cadre d’une coopération internationale à l’échelle continentale ou mondiale en terme de normes, de procédures et de moyens de prévention. Ainsi concernant la France les arrêtés préfectoraux doivent être appliqués par tous les navires étrangers entrant dans les eaux territoriales et à destination d’un port de France et ceux­ci ne peuvent sans dispenser : l’on peut citer les arrêtés préfectoraux en matière de réglementation de la circulation maritime qui existe pour tous les golfs et zones portuaires de France, les arrêtés réglementant également les comptes rendus obligatoires des navires pétroliers entrant les eaux nationales. Signalons ici que ce système de compte rendu a été précurseur de celui de l’OMI. L’on peut citer également le système de l’assistance imposée par l’administration française à des navires, pétroliers ou autres, en difficulté au large des côtes françaises, sur le fondement de la loi du 16 Juillet 1976 qui s’appui sur la Convention de 1969 sur le droit d’intervention en haute mer.


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Sur le plan de la pertinence il ne fait aucun doute qu’au niveau national l’action est fondée pour la sauvegarde des intérêts nationaux lorsque la répercussion reste nationale et ne va pas à l’encontre du droit de la mer.

Le problème qui se pose pour le niveau national c’est lorsque celui­ci œuvre pour un texte ou une réglementation qu’il cherche à faire appliquer sur le plan international. L’état concerné doit sortir de sonisolement et l’affaire doit être traité de manière diplomatique : lorsque les intérêts de plusieurs états se rencontrent alors le poids est plus important. C’est souvent le cas en matière de protection de l’environnement, les pollutions maritimes ne connaissant pas les frontières. Cependant comme nous l’avons vu précédemment sous le coup de l’émotion des dispositions peuvent être prises, dispositions qui souffrent d’un doute de légitimité et je le rappelle non de pertinence car c’est bien souvent la forme et non le fond qui pose problème. Sous la pression médiatique des mesures sont prises avec précipitation sans concertation avec les institutions internationales, ce qui impliquerait assurément un délai insoutenable pour les autorités nationales confrontées de manière plus proche à la pression populaire. Rappelons les mesures unilatérales comme l’OPA 90 des Etats­Unis qui a précipité la construction de pétroliers doubles coques, mesures imposés si rapidement (imposé car lorsque les états unis limitent l’accès à leurs eaux en fonction d’une réglementation nationale, le poids des échanges économiques est tel que cette réglementation s’impose à la globalité du monde maritime) qu’elles n’ont pas permis au système de construction de pétrolier EEE d’être généralisé. Aujourd’hui la question se pose de savoir si la construction de pétrolier double coque est la solution technique la plus valable à long terme. Rappelons également les mesures bilatérales des accords de Malaga, suite à la pollution causée par le naufrage du Prestige. Ces mesures s’appuient sur l’Art 56 de la Convention des Etats­Unis sur le droit de la mer de 1982 afin de limiter l’accès à la zone des 200 milles pour les pétroliers simples coque de plus de 15 ans transportant des fuel lourd. Cette mesure trouve donc sa légitimité au sein d’un texte internationale et est en voix d’Européanisation, le conseil transport du 6


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décembre 2002 ayant décidé que dans l’attente d’une réglementation européenne, les Etats membres qui le souhaitent doivent , comme la France et l’Espagne, pouvoir prendre de telles mesures.

Pour obtenir une légitimité incontestable, les mesures prises de manière unilatérale doivent donc être validé de manière internationale, souvenons nous du rôle de l’OMI qui est d’harmoniser les différentes réglementations nationales. Les délais bien trop longs étant le problème principal à la suite d’une catastrophe l’on rejoint le fait que la solution serait une politique préventive tout d’abord des états et ensuite des organismes internationaux. Depuis l’ERIKA la France a pris conscience de ce fait et est très active au sein de l’Europe pour proposer des plusieurs séries de mesures. Cette volonté peut se constater au travers de trois memoranda adressés par le Gouvernement français le 15 février 2000 à l’OMI, à l’Union Européenne et au FIPOL, memoranda qui développaient une approche globale pour le renforcement de la sécurité : ­ en matière de prévention, améliorer la surveillance des navires en étendant l’identification des navires transportant des produits dangereux et en exigeant la transmission, au préalable, d’un dossier de sécurité avant l’accès à un port européen ; ­ harmoniser les conditions de travail des équipages ; ­ renforcer le contrôle de la structure des navires ; ­ assurer un meilleur contrôle des organismes chargés de la sécurité – inspecteurs des Etats du port et du pavillon, sociétés de classification ­ ; ­ accroître la transparence grâce à la mise en commun d’informations sur les navires à partir de la base de données EQUASIS ; ­ faire évoluer le dispositif du FIPOL et bannir les navires ne respectant pas les normes internationales. La pertinence à agir en matière de sécurité maritime s’appui donc sur un fait géographique, l’échelle nationale étant bien souvent l’entité la plus sensible à une nuisance ou des pertes humaines ; mais une échelle encore plus humaine peut promouvoir encore la sécurité maritime, il s’agit des régions et plus précisément les


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régions maritimes géographiquement qui elles sans nul doute sont les premières victimes des nuisances à l’environnement. §2.2 : LE NIVEAU REGIONAL Le niveau régional est sans doute le plus sensible à l’amélioration de la sécurité maritime. En effet les régions maritimes sont les victimes directes des catastrophes écologiques type AMOCO CADIZ , ERIKA ou PRESTIGE. Sans réelle légitimité sur le plan de l’élaboration de normes de régulation, c’est sans doute cependant le niveau le plus pertinent. A priori les régions maritimes paraissent ainsi bien isolées sur un plan national cependant elles prennent une autre dimension dans le domaine des pollutions provenant d’accidents maritimes, de part la nature même de ces pollutions. En effet les pollutions maritimes méprisant les frontières géographiques, elles donnent ainsi une dimension internationale aux régions maritimes lorsque celles­ci se regroupent pour mieux défendre leurs intérêts. Ainsi la Conférence des Régions Périphériques Maritimes d’Europe (23) possède d’une certaine manière une valeur consultative en matière de sécurité maritime au sein de l’Union Européenne. Ainsi suite au PRESTIGE, une délégation de la Conférence des Régions Périphériques Maritimes d’Europe a été reçue le 21 janvier 2003 par la Vice­ présidente de la Commission Européenne en charge des transports, Mme Loyola De Palacio, afin d’aborder concrètement les mesures à prendre en matière de sécurité maritime. Composée de représentants de l’ensemble des bassins maritimes européens, cette délégation a exposé des préoccupations propres à certains de ces espaces et celles partagées par les 150 régions membres de la CRPM. Pour la Commissaire, la prise en compte de la diversité des situations est une condition nécessaire pour progresser dans la construction européenne. Elle a présenté les mesures proposées par la Commission Européenne depuis l’accident du Prestige, qui tiennent largement compte des propositions qu’avait formulée la CRPM précédemment (24), parmi celles­ci, l’utilisation des crédits de la politique des transports pour l’équipement de « ports refuge » et l’élaboration de plans européens de coordination de lutte contre les pollutions.


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La commissaire reconnaît que le principal problème à l’évolution de la sécurité maritime au sein de l’Europe reste la transposition et l’application concrète par les Etats membres des décisions qu’ils ont adopté et que la volonté de mise en place d’une politique de sécurité maritime réellement efficace, affichée unanimement par les Etats lors du Conseil « transport » des 5 et 6 décembre 2002, commence à s’émousser. Et c’est ici qu’apparaît le rôle que peut jouer les régions maritimes, un rôle de pression au sein même de leur gouvernement respectif. La Commissaire a donc vivement encouragé les Régions de la CRPM à continuer leur action auprès de leurs Gouvernements respectifs afin d’accélérer ce processus. Comme nous avons pu le constater, il est très difficile d’arrêter une position sur le niveau qui doit statuer en matière d’élaboration de normes en matière de sécurité maritime, tous les niveaux étant impliqués plus ou moins directement dans ce domaine. Ceci peut être constaté concrètement au travers d’un exemple très significatif en la matière et qui nous servira de transition vers notre seconde section, le cas du bannissement des navires pétroliers simple coque. CHAPITRE III : MISE EN EVIDENCE DU ROLE DES DIFFERENTS INTERVENANTS PAR L’EXEMPLE TRES MEDIATISE DU BANNISSEMENT DES NAVIRES PETROLIERS SIMPLE COQUE Afin d’appréhender la complexité législative en matière de sécurité maritime et les relations parfois houleuses entre les différents organes régulateurs, l’étude de la réglementation en matière de pétroliers double coque s’avère nécessaire, cet exemple étant parfaitement représentatif et qui plus est d’actualité avec les derniers évènements qui ont suivi la catastrophe du Prestige. L’étude de ce cas permettra également la transition entre l’étude de l’initiative de la réglementation et l’étude du respect de cette réglementation. Il est possible de distinguer deux périodes bien distinctes en matière de lutte contre la pollution par hydrocarbure, la première étant intégralement dominée par l’OMI et consistait à lutter essentiellement contre la pollution opérationnelle, la seconde, la plus intéressante pour notre étude, a vu l’émergence de la remise en cause du monopole de l’OMI en matière d’élaboration de réglementation en matière de sécurité maritime.


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§3.1 : L’OMI , LEADER DE LA REGLEMENTION Considérons la première période qui s’étend jusqu’à l’accident de l’EXXON VALDEZ : Les pétroliers de plus en plus gros mais très simples du point de vue de la conception n’étaient constitués, pour la partie cargaison, que de citernes à cargaison. Considérant qu’un navire, et surtout un pétrolier, peut être assimilé à une poutre, le navire ne peut effectuer de traversée complètement vide pour des raisons d’efforts structurelles. Pour cette raison, les pétroliers ballastaient à l’eau de mer, une partie des citernes préalablement chargées de pétrole. Cette quantité étant importante, une grande partie était directement rejetée en mer avant l’arrivée au port de chargement. Sous l’égide de l’OMI l’élaboration de la convention MARPOL 73/78 imposa les navires à ballasts propres, c'est­à­dire des citernes du navire destinées uniquement au ballastage et dont la répartition avait fait l’objet de calculs d’efforts lors de la construction du navire. Dans ces conditions les eaux de ballasts n’étaient plus souillés et la pollution opérationnelle supprimée. L’autre opération qui représentait une pollution opérationnelle était le rejet des eaux de lavage des citernes. En effet il est indispensable de laver les citernes après déchargement soit pour préparer les citernes au prochain chargement soit pour supprimer une partie des résidus. Cette eau de lavage souillée par les hydrocarbures était rejetée directement en mer. Toujours par la convention MARPOL, l’OMI a instauré des mesures techniques pour éliminer cette pollution : un calculateur de particules contenues dans les rejets est depuis obligatoire sur le circuit de rejet à la mer après décantation obligatoire d’où l’apparition de citernes de rétention, appelées slops ; ce calculateur doit interdire le déchargement par action sur la vanne de rejet à la mer si la teneur d’hydrocarbure dans l’eau de mer rejetée est supérieure, aujourd’hui, à 15 ppm (parties par million). De plus d’autres critères sont associés à cette mesure comme l’élaboration de zones dîtes spéciales dans lesquelles il est formellement interdît de rejeter les eaux de lavage, le navire doit faire route, être à une certaine distance de la côte, la quantité rejeté ne devant dépasser 1/15000 de la cargaison totale chargé dans un


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premier temps pour les navires existants, puis 1/30000 par la suite pour les navires post MARPOL. Concernant le risque de voir le navire se rompre, l’OMI a imposé un calculateur de chargement qui doit être agréé par des services techniques ( société de classification) et qui doit permettre avant chaque chargement de vérifier que les efforts sur la structure du navire soient inférieurs à des limites préalablement établies par calculs lors de l’élaboration du navire. Les navires qui sont conforment à MARPOL reçoivent de la part de l’Etat du pavillon le certificat IOPP, indispensable à toute navigation. Ces mesures établies lors de conventions internationales sous l’égide de l’OMI avait pour but de réduire les pollutions par hydrocarbure et seule l’OMI, bien sûr sous la pression des états côtiers victimes de pollution, était génératrice de ces mesures. En 1989, l’accident de l’EXXON VALDEZ a marqué un tournant dans le processus d’élaboration des textes en matière de pollution par hydrocarbure et dans un contexte plus large, en matière de sécurité maritime. Le contexte, la pollution étant survenue dans une région protégée sur le plan de l’environnement, sous la responsabilité des états unis, aura comme effet non pas d’ébranler l’édifice de l’OMI mais tout au moins de remettre en cause son monopole en matière d’élaboration de règlement de sécurité maritime. §3.2 : APPARITION DES ETATS­UNIS ET DE L’UNION EUROPEENNE DANS LE DOMAINE DE L’ELABORATION DES TEXTES: A peine quelques mois après la pollution causée par l’EXXON VALDEZ, les Etats­ Unis de manière unilatérale imposaient, en 1990, un train de mesures intégrées dans un texte appelé OPA90 ( Oil Pollution Act ). Parmi ce train de mesures, sans doute la plus importante sur le plan de la sécurité, est l’obligation pour tout pétrolier neuf (s’entend avant 1995 ) à destination d’un port américain d’être de conception double coque, cette mesure étant assortie d’un échéancier s’étalonnant jusqu’en 2015. L’importance des échanges économiques avec les Etats­Unis est telle que cette mesure unilatérale s’est rapidement imposée dans le milieu maritime et en 1993 était reprise par l’OMI avec une modification de l’Annex I Marpol mais avec un retrait prévu jusqu’en 2026.


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Les autres mesures, importante du point de vue économique pour le professionnel mais moins médiatiques, sont l’instauration d’un contrat annuel obligatoire avec un organisme privé faisant la liaison avec les US Coast Guard, les moyens antipollution et les autorités fédérales, appelé Qualify Individual et une société de remorquage. Ces mesures ont un coût économique annuel important. C’est aujourd’hui la première des mesures cités qui est sous les feux de l’actualité, pour plusieurs raisons : la première étant que cette solution technique est aujourd’hui de plus en plus remise en question, la deuxième parce que l’Union Européenne, de part sa politique commune maritime, a pris des mesures pour accélérer l’exclusion des pétroliers simples coques allant au­delà du calendrier élaboré par l’OMI, ce qui a créé des tensions entre l’OMI et l’UE. Revenons sur le premier point,la solution technique : Il ne fait aucun doute que cette décision a contribué à réduire les pollutions opérationnelles car l’espace créé par la double coque sert de ballast permanent ainsi les eaux de ballast ne sont jamais en contact avec la cargaison, même les circuits étant séparés. Sur le plan des accidents également cette mesure est bénéfique mais pas pour les raisons au préalable évoquées par les Etats Unis. En effet, la flotte existante de pétroliers simples coques avant cette mesure était quasiment inexistante, cette mesure a donc permis un rajeunissement de la flotte mondiale ; ce qui est remis en question aujourd’hui est l’efficacité de la double coque en cas d’échouement et sa qualité structurelle dans le temps ; en effet il est certain que la double coque ne puisse résister à une collision ou un échouement à une vitesse d’environ 4­5 nœuds, pouvant même rendre explosif l’atmosphère du ballast qui devient dans ce cas un mélange gaz d’hydrocarbure / air. De plus l’atmosphère de l’espace qui sert donc de ballast est, une fois le navire chargé et donc déballasté, composé d’air sur un environnement salin ce qui la rend très corrosive pour les matériaux, la question ainsi posée aujourd’hui par les professionnels est l’efficacité de ce système dans le temps si les mêmes armateurs douteux, qui exploitent même encore aujourd’hui des simples coques, n’effectuent pas la maintenance adéquate permettant de maintenir la coque en bon état. A l’époque de l’apparition de l’OPA, un chantier européen (les chantiers de l’Atlantique) construisait un pétrolier qui de part sa conception limitait les pollutions


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même en cas d’échouement ou de collision à vitesse importante. L’ EEE (tel était le nom du projet pour Environnement Economique Européen) était basé sur le principe des équilibres statiques. Malheureusement ce système n’étant pas retenu par les E.U, un seul de ces tankers a été construit et navigue encore. Tant et si bien que seul le système double coque a été instauré tout d’abord par le biais des Etats Unis et inévitablement par l’OMI, OMI qui à l’époque n’a pas si ouvertement protesté pour dénoncer l’ingérence des E.U qu’elle ne le fait aujourd’hui pour les mesures imposées par l’Union Européenne. (Il est bon de noter que si dans le cadre de l’OPA seule l’option double coque a été retenue, la convention MARPOL a retenue la double coque ou tout autre système équivalent en matière de rétention de pollution.) En effet jusqu’à la catastrophe de l’ERIKA les choses étaient ainsi instaurées : un échéancier de retrait des navires simples coques avait été établi par l’OMI reprenant les propositions des Etats Unis en la question. Suite au naufrage de l’ERIKA, la Commission Européenne a pris une série de mesures dont l’une est un règlement prévoyant une accélération du calendrier d’élimination des pétroliers simple coque(25) et deux directives concernant le contrôle des sociétés de classification (26) et le contrôle par l’Etat du port (27). Le règlement a fait l’objet d’une approche européenne commune qui a abouti au sein de l’OMI en avril 2001 où la position communautaire a été largement retenue. Ce règlement est entré en vigueur le 27 Mars 2002 et prévoit un retrait des pétroliers simples coques pour 2015 au lieu de 2026 pour le calendrier de l’OMI. Malheureusement, sans revenir sur l’étude réalisée dans le chapitre consacré à l’action de la Communauté Européenne, entre la volonté et la réalisation , le délai est suffisamment long pour que la catastrophe du PRESTIGE survienne. A la suite de cette catastrophe, Mme Loyola de Pallaccio, la commissaire aux Transports et à l’Energie, a déclaré que si les mesures envisagées par la commission européenne avant les discussions de la position commune étaient applicables au jour de l’accident, le PRESTIGE n’aurait pas navigué et l’accident n’aurait pu survenir. De plus en tant que vieux bateaux (26 ans, simple coque), le Prestige entrait dans le champ des navires à éliminer si la plupart des Etats avaient tenu leur engagement


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d’appliquer immédiatement ces mesures avant la transposition des directives, engagement obtenu pendant le sommet de NICE (28). A nouveau le 27 Mars 2003 les ministres des Transports de l’UE se sont réunis à Bruxelle et ont dégagé un accord politique sur un calendrier accéléré (avancement de la date butoir de 2015 à 2010 ) de retrait des pétroliers à simple coque qui devrait être applicable dès juillet 2003 ; l’on voit ici le soucis d’intervenir très rapidement au niveau européen. Ces nouvelles règles s’appliqueront non seulement à tous les pavillons Européens mais aussi aux pavillons étrangers à destination d’un port ou mouillage relevant de la juridiction d’un Etat membre. Bien que les services juridiques du Conseil Européen a estimé que cette disposition n’était pas contraire au droit international de la mer, qui permet aux Etats d’imposer des normes plus strictes que celles en vigueur au niveau international pour des raisons de sécurité maritime, un expert de l’OMI a estimé contraire au droit international en mer cette mesure, lors de la dernière audition du Parlement Européen sur la catastrophe du Prestige. L’OMI ne voit pas d’un œil favorable que l’Union Européenne prennent des initiatives de la sorte , même si sa légitimité ne fait plus aucun doute pour la zone géographique de l’Europe, et s’appui maintenant sur la présidence Européenne de la Grèce qui est plutôt favorable au maintien des prérogatives de l’OMI . Le cas des Etats­Unis avec l’OPA était alors encore plus outrageant pour l’OMI car il ne s’agissait alors même pas d’une position commune d’un regroupement d’états souverains mais bel et bien d’une décision unilatérale. Les Etats membres et la commission tentent maintenant de faire adopter ce nouveau calendrier au niveau de l’Organisation Maritime Internationale pour une application mondiale. Dans cet exemple nous avons vu que trois niveaux sont déjà intervenu dans le dossier du retrait des navires pétroliers simple coque, tout d’abord le niveau national avec les Etats­Unis, suivi par le niveau international mondial avec l’OMI qui a repris dans MARPOL les dispositions de l’OPA90 en matière de calendrier de retrait des simple coque, puis le niveau Européen qui lui tente d’accélérer ce retrait en essayant d’imposer des dispositions qui lui sont propres.


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Dans cette première section nous avons étudié ce qui se passe en amont de la réglementation de la sécurité maritime, mais un autre aspect qui joue un rôle important en la matière concerne le respect de cette réglementation et là encore de nombreuses déficiences pourront être dénoncés. SECTION II : DOMAINE DES TEXTES ET RESPECT DE LA REGLEMENTATION Avant d’étudier quels sont les différents acteurs qui doivent jouer un rôle dans le respect de la réglementation, il est important tout d’abord d’analyser quels sont les facteurs qui composent la sécurité maritime. SOUS­SECTION I : LES TEXTES EXISTANTS ET LEUR DOMAINE De l’antiquité jusqu’au XXème siècle, la première des préoccupations a été celle de la sauvegarde de la marchandise favorisant le développement de certaines réglementations locales surtout en matière de franc bord et l’apparition des premières sociétés de classification ainsi que du système d’assurance mais le premier véritable enjeux du cadre normatif en matière de sécurité maritime a été la sauvegarde de la vie humaine en mer avant que l’aspect environnemental ne devienne la préoccupation première des dernières années. Comme nous l’avons vu précédemment les enquêtes accidents ont joué un rôle important dans l’amélioration de la sécurité maritime et notamment en déterminant quels ont été les facteurs accablants des accidents maritimes, facteurs que nous pouvons énumérer : Le facteur technique et le facteur humain. Nous ne pouvons parler de sécurité maritime sans aborder les causes de l’insécurité maritime. Nous allons donc étudier rapidement ces différents domaines que sont le facteur humain, le facteur technique ainsi que les règlements qui s’y rapportent et qui apportent une réelle amélioration de la situation à partir du moment où ils sont appliqués de manière correcte. CHAPITRE PREMIER : LE FACTEUR HUMAIN L’erreur humaine, « la mauvaise manœuvre » est la cause de 75% des accidents maritimes, ce fût le cas par exemple de l’Herald of Free Enterprise, de l’EXXON VALDEZ, du SCANDINAVIAN STAR, du BRAER entre autres, et dans bien d’autres cas le facteur humain a un rôle déterminant dans la gestion de la crise et dans les actions à mener.(29)


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C’est donc un domaine important qui n’a été pris en compte que tardivement, dans les années 1960 avec les travaux communs à l’OIT et à l’OMI qui ont débouché, en 1978, sur la Convention internationale STCW(30) . Cette convention a été rendue nécessaire pour combler la dérive des marins sous qualifiés de plus en plus nombreux à bord des navires, peut être suite à la course à l’économie effrénée des armateurs qui grâce aux pavillons de complaisance pouvaient armer leur navire de marins à faible coût mais malheureusement également à compétence limitée voire nulle. . Certains marins indiens n’avaient jamais vu la mer avant d’embarquer pour la première fois, il pouvait être berger ou mendiant, la navigation maritime étant un formidable moyen d’essayer de sortir d’une situation économique sans lendemain. Les études d’officiers dans les pays industrialisés prennent au minimum 3 ans alors que dans certains pays le brevet s’achète et ouvre donc la porte de la profession de marin sans connaissance particulière. Cette première convention a donc été utile pour établir une harmonisation des différents brevets délivrés dans les différents états du pavillon . Cependant sans contrôle des conditions de délivrance des brevets et sans équivalence commune des brevets, l’objectif de STCW 78 ne fût que très peu atteint. Il y eu donc lieu en 1995, une révision de STCW qui a établi clairement les conditions et les modules que devaient contenir chaque brevet ou complément de formation pour être reconnu sur le plan international. Cette convention a également pris en compte les progrès technologiques enregistrés dans le domaine de la navigation maritime. L’influence du facteur humain peut se traduire non seulement dans la conduite du navire lui­même mais également dans l’interface entre la terre et le navire , ce qu’on appellera le management qu’il soit technique ou humain. Ce domaine est désormais couvert par le code ISM ( 31) adopté par l’OMI en novembre 1993. Un autre facteur humain clef participant à la sécurité maritime est celui de la composition de l’équipage et de ses conditions de travail, domaine essentiellement contrôlé par l’Etat du pavillon : Les effectifs sont liés à des règles pour partie


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internationales. Ils ont été allégés, compte tenu des progrès techniques et des nouveaux moyens de navigation dont disposent désormais les bateaux. L’enquête qui a suivi l’accident du Melbridge Bilbao, navire échoué sur les côtes de Molène, a démontré que l’officier était seul à la passerelle après avoir dormi que 2 heures en 24 heures par manque d’effectif. Ainsi à réduire excessivement le nombre de membres d’équipages, on peut se retrouver devant des problèmes majeurs de sécurité. Une convention régit ce domaine, il s’agit de la convention de l’OIT ( 32) sur l’organisation du temps de travail des gens de mer (33) qui institue, entre autres, des limites de travail et de repos, convention reprise par la directive européenne 99/63 pour l’intégrer en droit communautaire. Le code ISM et la convention STCW 95 sont donc actuellement les 2 grandes conventions qui ont fait évoluer le secteur de la sécurité maritime en faisant action sur la qualité des équipages et des gestionnaires des armements maritimes. Le progrès apporté par ces règlements est indéniable car en édictant des obligations qui s’imposent à tous, ils visent à ce que le jeu de la concurrence entre armateurs ne s’opère pas au détriment de la sécurité. Afin de s’assurer que ce jeu de la concurrence est respecté, l’OMI a établi une « White liste » des Etats délivrant des brevets et diplômes conformes à la STCW 95. En 2001, 103 des 182 états signataires figuraient sur la White list. L’Union européenne a récemment fait savoir qu’elle était préoccupé par ce sujet : « nous avons besoin de ressources humaines qualifiées, car ce sont les marins qualifiés qui peuvent contribuer à la sécurité du navire et ce sont les marins formés qui peuvent protéger l’environnement » a déclaré le ministre grec de la marine marchande, Yiorgos Anomeritis , dont le pays préside l’Union Européenne. Le deuxième facteur dégagé quasiment systématiquement par les enquêtes accidents est le facteur technique, facteur le plus facile à appréhender que le facteur humain. CHAPITRE SECOND : LE FACTEUR TECHNIQUE Il s’agit bien sûr du facteur qui paraît le plus évident et le plus facile à être modifié et vérifié, il s’agit d’ailleurs du secteur qui comporte le plus de conventions et de réglementations s’y reportant à commencer par la convention SOLAS qui touche


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surtout aux solutions techniques qui ont des conséquences directes sur la sécurité comme peuvent avoir la qualité des cloisons, le compartimentage, les systèmes incendie, les circuits ventilations et encore bien d’autres équipements comme le système radio etc…. La partie technique de la convention SOLAS a été intégrée intégralement dans les spécifications techniques de suivi des constructions de navire des sociétés de classification et également reprise dans les spécifications techniques (division 221) (34) qui permettent les inspections de navires sous pavillons français par les affaires maritimes. La deuxième convention qui touche au domaine technique traite de la prévention de la pollution par les hydrocarbures, il s’agit bien sûr de la convention MARPOL. Sans revenir sur les chapitres précédents, cette convention subit depuis quelques années de nombreux remaniements suite aux dernières catastrophes de l’ERIKA et du PRESTIGE. Un code un peu similaire à la convention MARPOL traite de l’aspect technique des navires chimiquiers, le code IBC (ancien code BCH), code dont dépendait le IEVOLI SUN. Les réglementations nommées ci­dessus sont les plus connues en dehors du milieu maritime car les conséquences d’un manquement à l’une des spécifications techniques contenues dans ces textes ont des répercutions très médiatiques puisqu’ils touchent aux domaines de la sauvegarde de la vie humaine en mer ou de l’environnement mais d’autres conventions ou textes moins connus régissent le monde du transport maritime. C’est le cas pour la réglementation qui concerne les vraquiers, surnommé dans le monde maritime « les bêtes de sommes » et qui représentent près de 33% de la flotte mondiale. Le premier texte en la matière a été adopté en 1965 : il s’agit du recueil BC (Bulk Carrier) et a été révisé en 1991 et enfin complété en 1998 par un nouveau recueil de règles obligatoires, le Recueil international de règles de sécurité pour le transport de grain en vrac ( Recueil international de règles sur les grains ).


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Il convient d’évoquer ici que le secteur du vrac a payé un lourd tribu dans les années 1990, des accidents que je n’ai pas évoqué dans le premier chapitre consacré aux accidents historiques car passés inaperçu auprès du grand publique. Au cours de la période comprise entre 1990 et la mi­mai de 1997, on a dénombré au total 99 vraquiers perdus en mer, entraînant la mort de 654 personnes, des marins professionnels. Et cette réglementation risque encore d’évoluer, l’OMI se penchant de nouveau sur la question relative à la sécurité intrinsèque des vraquiers à l’issue de la présentation d’un rapport d’enquête sur le naufrage du vraquier DERBYSHIRE(35). Tous ces textes ont une importance primordiale dans le secteur de la sécurité maritime. Fruits de l’analyse des différentes catastrophes maritimes, l’ensemble de ces textes ne laisse guère aujourd’hui de zones d’ombre, de domaines non couvert. Cependant des catastrophes surviennent encore, révélant bien souvent le non respect des réglementations en vigueurs par les différents acteurs de la chaîne de sécurité que nous allons maintenant étudier. SOUS SECTION II : LES ACTEURS DE LA CHAÎNE DE SECURITE MARITIME

« Chaîne de sécurité maritime : idée qui tend à faire croire qu’en la matière se trouverait une succession de maillons ayant tous la même force et la même valeur. Pourtant chacun à sa propre responsabilité et son propre rôle à jouer. Chaque acteur doit assumer sa part de responsabilité » : cette définition donnée par Monsieur Francis Vallat (36) nous permet d’entamer une réflexion sur les différents acteurs de la sécurité maritime qu’ils soient étatiques ou privés. CHAPITRE PREMIER : LES ETATS §1.1 L’ETAT DU PAVILLON : ENTRE OBLIGATION ET DELAISSEMENT Le contrôle des normes et règlements en matière de sécurité maritime consiste essentiellement en un contrôle des navires. Depuis quelques années maintenant, le management d’un navire et de manière plus étendue le management de la société de l’armateur, est également considéré comme un élément clef de la sécurité maritime. Le premier niveau de contrôle en matière de sécurité maritime se trouve donc être l’Etat du pavillon pour ce qui concerne les navires battant pavillons de cet Etat et


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par extension l’Etat dans lequel est enregistré l’armateur pour le contrôle du management. a) Les devoirs des Etats du pavillon : Les règles coutumières du droit de la mer confient le contrôle des navires à l’Etat du pavillon, cette compétence repose en fait sur le principe de la territorialité. Le rattachement du navire à un ordre juridique, susceptible de le contrôler, permet ainsi de prévenir et de sanctionner les abus auxquels les principes du libre usage de la haute mer et de la liberté de navigation pourraient donner lieu. Cette compétence exclusive de l’Etat du pavillon est énoncée à l’Art. 6 al 1 de la convention internationale du 29 avril 1958 sur la haute mer. Expression de la souveraineté de l’Etat sur ses navires, la loi du pavillon n’est pas seulement une source de droits (droits de passage). En matière de sécurité maritime, elle est surtout une source de devoirs. Les obligations de l’Etat du pavillon sont principalement définies par les conventions des Nations Unies sur le droit de la mer et précisées dans les instruments spécialisés de l’Organisation maritime internationale (OMI) et de l’Organisation internationale du travail (OIT) relatifs à la sécurité maritime : Ainsi la convention de 1958 sur la haute mer et son art 5 al 1 impose aux Etats du pavillon l’obligation de s’assurer que les règles de sécurité sont effectivement appliquées à bord des navires relevant de leur autorité : « L’Etat doit notamment exercer sa juridiction et son contrôle dans les domaines technique, administratif et social sur les navires battant son pavillon ». L’Art 94 et l’Art 217 de la Convention des Nations Unies de 1982 sur le droit de la mer précisent à nouveau l’obligation de contrôle effectif de l’Etat du pavillon et les pouvoirs de l’Etat du pavillon dans le domaine de la protection du milieu marin et de la sécurité maritime. L’obligation du contrôle par l’Etat du pavillon est encore repris dans les deux conventions de l’OMI que sont la convention internationale SOLAS du 17 Juin 1960 et la convention internationale MARPOL du 2 Novembre 1973, convention qui prévoient deux types d’obligations, la première concernant les visites et inspections des navires et la deuxième la délivrance des certificats correspondants.


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La dernière des obligations qui a sans doute contribuée à l’amélioration des normes de sécurité est l’obligation d’enquête après accident qui découle tant de la convention de 1982 sur le droit de la mer que des conventions de l’OMI. Il ressort de cette énumération de conventions que tous pays signataires de celles­ ci ne peuvent échapper à leur obligation de contrôle et si tel était le cas les accidents maritimes ne serait pas supprimés, le risque zéro n’existe pas, mais serait dû pour la plupart à une erreur humaine ou un évènement fortuit et ne serait en tout cas pas le fruit d’un délaissement liée à des critères économiques. b) Ce qu’il en est réellement : En effet le délaissement de leur obligation de contrôle de certains états est un facteur aggravant de « l’insécurité maritime ». L’armateur totalement libre du choix du pavillon, effectuera ce choix en fonction essentiellement des critères économiques, s’il s’agit d’un pavillon de libre immatriculation ne requérant pas des critères de nationalité : taxes, nationalités des équipages et bien sûr coût du au respect de la réglementation technique. Ces critères sont donc compressibles à l’inverse bien souvent du prix du fret qui lui est un prix de marché. L’OCDE a démontré qu’un armateur qui parviendrait à ne pas respecter les règles de sécurité pourrait économiser jusqu’à 30% de ses charges d’exploitation et au minimum 10% des charges globales. On comprend donc tout l’intérêt pour des armateurs « douteux » d’immatriculer leurs navires sous pavillon de libre immatriculation qui devient pavillon de complaisance lorsque les défauts de moyens, et bien plus souvent l’absence de volonté de contrôle, permettent de faire de substantielles économies. Et ceci sans compter que beaucoup de ces pavillons procurent des avantages fiscaux importants et que les contrôles, en particulier ceux portant sur le respect du droit du travail sont très assouplis. C’est ainsi qu’après la deuxième guerre mondiale sont apparus les pavillons de complaisances : pays bien souvent peu industrialisé, pauvre ou paradis fiscaux, qui ont pu de part leur politique maritime très peu taxé et très peu regardante de la qualité des armateurs et navires qui arboraient leur pavillons, se constituer une flotte importante.


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Aujourd’hui dans les dix premières flottes mondiales, l’on retrouve le Panama, le Libéria, Malte, les Bahamas, Chypre alors que parmi les dix premières flottes par nationalités l’on note l’Etat Grec (69% sous pavillons étrangers), Japonais (81% sous pavillons étrangers), Norvégien, Américain …..Les premiers ont une mauvaise réputation dans le milieu maritime pour ce qui concerne le contrôle du respect des critères techniques soit par manque de moyen, soit par volonté politique. Des chiffres établis en 1998 lors des inspections du Mémorendum de Paris, sujet traité au prochain chapitre, montre que 9% des inspections ont donné lieu à des immobilisations et que 20% de ces 9% étaient des navires pavillon Maltais alors que le pavillons Chypriote représentait 19,4%. Il est évident que ces Etats manquaient à leurs obligations de contrôle. A l’échelon Européen, une amélioration est en vue avec la future adhésion de Malte et Chypre, Malte ayant déjà retiré le certificat relatif au code ISM à l’une des compagnies principales résidentes à Malte. c) Les solutions : L’OMI et l’Europe sont conscients de ce problème mais comment s’assurer qu’un Etat souverain fasse bien respecter les conventions auxquelles il adhère. L’OMI n’ayant aucun organe de répression a opté pour la solution d’assistance technique, la déficience technique étant une des composantes du non contrôle de l’Etat du pavillon , l’autre étant la non volonté. En 1997, l’OMI reconnaît combien il est important de garantir l’application efficace des instruments qu’elle adopte. Elle devint le premier organisme à institutionnaliser un Comité de coopération technique. Elle a ainsi aidé de nombreux pays à créer des académies de formation maritime et créé l’Université maritime mondiale de Malmö en 1993. On commence à apercevoir sur la scène internationale un début de contrôle qui s’exerce par le biais des « obligations de notification » lesquelles obligent chaque Etat à donner des informations sur la manière dont il compte appliquer les conventions qu’il a ratifié. Il y a donc par là un droit de regard de l’OMI à travers son sous­comité sur l’application des conventions par l’Etat du pavillon.


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Certaines conventions, notamment celle sur la certification des équipages vont très loin puisque l’on demande à l’Etat de prouver qu’il a effectivement mis en œuvre les dispositions des conventions qu’il a ratifié . Dans le cas contraire il ne sera pas admis sur une « liste blanche » qui va conditionner la reconnaissance, par tous les autres Etats, des certificats qu’il va délivrer. Aujourd’hui l’OMI s’achemine vers une évaluation de la performance de l’Etat du pavillon à travers des directives et des formulaires d’auto évaluation. Mais il ne s’agit encore que de simples Résolutions n’ayant pas de caractère obligatoire. On parle également actuellement de la certification des administrations des Etats du pavillon. Le problème étant de savoir quelle autorité va pouvoir certifier les obligations de l’Etat du pavillon. L’Europe quant à elle a réagit suite au naufrage de l’Erika et à choisi la voix du contrôle de la compétence des états du pavillon par le biais de l’Agence Européenne de Sécurité Maritime(37). . Mais la première mesure qui a été prise, l’a été au sein de l’Europe pour pallier à la déficience des Etats du pavillon, il s’agit d’un transfert des obligations de l’Etat du pavillon à l’état du port où un navire fait escale. §1.2.L’ETAT DU PORT : SUBSTITUT DE L’ETAT DU PAVILLON A la différence de l’Etat du pavillon chargé de faire appliquer la réglementation en vigueur de l’Etat aux navires arborant le pavillon de ce même état, le contrôle par l’Etat du port concerne les inspections de navires étrangers par les autorités d’un Etat afin de s’assurer que ce navire respecte les normes internationales en vigueur tant sur le plan technique que sur le plan humain et maintenant sur le plan du management. En fait son introduction dans le système a été nécessaire pour palier les déficiences de certains Etats du pavillon à remplir ses obligations notamment ses obligations de contrôle et d’inspection. Ces mêmes Etats que nous avons vu ratifier promptement la plus part des réglementations internationales. Ce contrôle sert aujourd’hui de rôle de « gendarme » sur la scène maritime car c’est l’Etat du port qui va pouvoir inspecter les navires étrangers qui fréquentent ses ports, demander l’examen des certificats et procéder à des inspections plus approfondies s’il estime qu’il y a un risque pour la sécurité. Il a le droit de fixer des


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conditions quant à l’autorisation d’appareiller et surtout le droit, et l’obligation, quand il estime qu’un navire est dangereux pour la sauvegarde de la vie humaine en mer ou pour l’environnement, de retenir le navire au port. Il s’agit bien d’un droit mais aussi d’une obligation. a) Aspect juridique : Il existe à ce jour 7 grands cadres d’accords régionaux qui régissent ces contrôles, accord dit Memorendum Of Understanding ( MOU) et le plus connu pour notre part est le « Mémorandum de Paris » ou MOU Paris. Le Memorendum d’entente de Paris (terme Français) sur le contrôle des navires par l’Etat du port a été signé le 26 Janvier 1982 sous les auspices de l’OMI. Le contrôle par l’Etat du port est également institué par la directive Européenne relative au contrôle par l’Etat du port (95/21 /CE) et a fait l’objet d’une proposition de modification, proposition qui fait parti du train de mesures proposées à la suite du naufrage de l’ERIKA. Les principales mesures de cette proposition de modification de la directive concernent le ciblage des navires qui doivent faire l’objet d’un contrôle. Le choix des navires ne sont plus discrétionnaires mais rendu obligatoires en fonction de critères d’âge du navire, du type et de ses antécédents. Ils prévoient aussi d’interdire l’accès aux ports de l’Union Européenne à certains navires à risques.

Ces mesures sont entrées en vigueur le 22 Juillet 2003. Plus généralement ces accords d’entente prévoient une coopération régionale entre les différents Etats d’une même zone afin d’harmoniser les procédures de visite des navires et d’exiger, de la part de ces autorités, qu’elles inspectent un minimum de navires. Le Mémorandum de Paris a fixé ce quota d’inspections minimales à 25% de navires étrangers qui fréquentent les ports des Etats européens au cours de l’année. Les Etats Européens mettent également en commun une base de données où sont décrites les déficiences majeures qui nécessitent soit une immobilisation immédiate du navire soit une rectification de cette déficience pour la prochaine escale déclarée.


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Les autres principaux memorendum d’entente sont le MOU Tokyo pour la région asie/pacific,signé le 1er décembre 1993, le MOU viña del mar (chilie) pour la région sud américaine, signé en 1992, et le MOU Indian ocean signé en 1999. Au niveau national les modalités et obligations du MOU Paris ont étés reprises par la division 150, parue au JO le 20 Novembre 1996. Ces obligations ont échues aux Centres de Sécurité des navires. b) Les problèmes de mise en œuvre : Les deux problèmes majeurs rencontrés depuis l’instauration de ce système concernent le nombre de contrôles réalisés et l’efficacité de ces contrôles. Sur le premier point la France, bien que s’étant engagée à inspecter 25% des navires faisant escale dans un des ses ports, s’est montré plutôt mauvais élève en 2002 ; en novembre 2002 elle n’avait effectué qu’environ 12% d’inspections de navires, quant à l’Irlande et à la Belgique ils n’avaient pas atteint les 10%. Le Danemark, les Pays Bas, le Portugal et la Suède n’avaient pas atteint le quota de 25 %. En avril 2003 la France avait réalisé le contrôle de 30% des navires faisant escale dans un port Français. Les remontrances de la part de l’Union européenne ont peut être été le fait générateur de cette importante augmentation. En ce qui concerne le deuxième point, il est très difficile, voir impossible pour un inspecteur de contrôler en une escale qui peut ne durer qu’ une dizaine d’heures la structure même du navire c'est­à­dire les œuvres vives et les varangues et lisses du navire. Ainsi l’inspection est plus axée cosmétique et certificats du navire, la principale amélioration étant la prise en compte de l’aspect management qui peut également être un facteur de risque, malheureusement les deux derniers évènements maritimes majeurs ont été causé par des défauts de structure. Il est vrai que l’état de propreté et de vétusté du navire peut traduire l’état de maintenance du navire mais de nombreux armateurs sont passés maître dans le maquillage et de nombreux navires possèdent un pont et une coque extérieure très propre et bien peinte sans posséder un quelconque plan de maintenance. Un personnel sous qualifié et suffisamment nombreux peut réaliser des miracles. Il existe un fameux adage à bord des navires qui peut traduire cet état de fait qui dit, excusez moi des termes employés: « peinture sur merde égal merde » .


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Le seul moyen pour s’assurer que le navire possède des structures en bon état reste le contrôle des certificats de classe qui font suite aux visites des navires ou réparation en dry dock, et là nous entrons dans la polémique qui suivi le naufrage de l’ERIKA et qui a amené l’Union Européenne à proposer une directive qui concerne une meilleur transparence des sociétés de classification (38). Pour les deux points précédemment évoqués, il est aussi nécessaire que les inspecteurs soit suffisamment nombreux et qualifiés, ce qui en France et en Europe constitue un réel problème de l’aveu même des membres du corps des administrateurs maritimes et de la commission européenne. En effet la commission estimait à 270 en 2000 le nombre d’inspecteurs chargés du contrôle par l’Etat du port. Pour la France le nombre d’inspecteur maritime , 54 en 2002, ainsi que les moyens mis à leur disposition (certains centres de sécurité de navire n’ont même pas de voiture de fonction selon les propos de Jacques Loiseau, président de l’association française des capitaines de navires (Afcan)) sont trop faibles pour pouvoir tenir le quota des engagements pris lors du mémorendum de Paris , et dernièrement la direction des affaires maritimes a du s’attacher les services de vacataires recrutés parmi les commandants à la retraite, ce qui permet d’atteindre les deux critères précédemment cités : augmenter le nombre des inspecteurs ,et du fait le nombre d’inspections, et avoir des inspecteurs qualifiés ; Comment peut on définir un inspecteur qualifié ? La complexité du « système navire » est telle qu’il s’agit d’une petite ville ; production d’électricité, propulsion, opération commerciale, cuisine, hôpital, et stabilité du navire, tous ces facteurs se superposent à bord et il faudrait, je cite Monsieur Bottala Gambetta (39) lors de son intervention au colloque IMTM organisé dans les locaux de la faculté de droit d’Aix en Provence en juin 2003, plus de cinq ans pour former des inspecteurs aptes à faire face à la complexité d’un contrôle d’un navire. Cela demande du temps et malheureusement les échéances de mémorendum de Paris n’en laisse pas, une autre solution étant de recruter des marins professionnels avec quelques années de navigation d’expérience mais ici le problème devient économique, le salaire des navigants possédant cette expérience est celui d’un second capitaine voire d’un commandant sans commune mesure avec

celui

d’un

inspecteur.


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Voici donc les difficultés rencontrées au sein de l’Europe et plus particulièrement au sein de la France pour l’application des critères du Memorendum de Paris. Dans cette partie nous avons donc étudié les acteurs institutionnels qui jouent un rôle dans le contrôle de la réglementation mais la chaîne de sécurité maritime ne peut être composée que de ces acteurs, même les Etats les plus consciencieux en matière de sécurité maritime ne pourront jamais maîtriser dans sa totalité le problème, soit du côté technique soit du côté économique : des acteurs privés ont également un rôle à jouer. Et c’est peut être de ce côté que le plus grand changement a eu lieu : l’évolution du comportement des acteurs privés du transport maritime soit par le fait de la pression médiatique ou en leur laissant le bénéfice du doute par le fait d’une prise de conscience générale. Le prochain chapitre sera donc consacré aux acteurs privés qui ont un rôle à jouer en matière de sécurité maritime. CHAPITRE SECOND : LES ORGANISMES PRIVES Nous allons tout d’abord étudier l’action de l’organisme privé qui tient le rôle primordial dans le secteur de la sécurité maritime, les sociétés de classifications, avant d’ analyser l’action des différents autres acteurs que sont les affréteurs et les armateurs eux­mêmes. §2.1 : LES SOCIETES DE CLASSIFICATION Le premier des acteurs privés qui possède un rôle à jouer en matière de sécurité maritime est donc la société de classification du fait du rôle de conseil qu’elle possède vis­à­vis des services des états et des professionnels. Son statut très particulier en fait le maillon qui réalise la liaison entre les Etats et les armateurs, et de ce statut naisse les premières difficultés d’appréhension du rôle exacte que doit jouer la société de classification. a) Présentation des sociétés de classification : A l’origine, fin XIX ème siècle, elles répondaient à une demande des assureurs, elles relevaient le nombre d’accidents sur tel ou tel navire de telle ou telle compagnie et pouvaient ainsi servir de base de données auprès des assureurs pour établir la qualité et la fiabilité des navires que les assurances prenaient en charge.


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A suivi une évolution technique de la marine et une prise de conscience de la sécurité maritime suite au naufrage du TITANIC ; des normes de constructions sont devenues obligatoires et complexes. De nos jours elles possèdent deux fonctions, l’une de contrôle du respect de la réglementation technique et l’autre de certification pour les différents états du pavillon pour lesquels elles possèdent une accréditation. En France seule l’établissement du certificat de franc bord a été délégué aux sociétés de classification dont les modalités d’agrément sont régit par la division 140 (40). Les sociétés de classification retenues par la France sont le Bureau Veritas , le DNV , le Germanisher Lloyd et le Lloyd’s register of Shipping et sont nommées en annexe 140.1.A­1. Pour être agréée par la France, une société de classification doit au préalable correspondre aux critères d’agrément de la Commission Européenne suivant la directive 94. 57/CE modifiée et notamment son article 7. Concernant l’aspect de la conformité aux normes techniques en vigueur, il est nécessaire de préciser que les certificats statutaires délivrés par le France lors de l’entrée d’un navire sous pavillon Français ou Kerguelen s’effectuent tout d’abord en Commission Centrale de Sécurité mais sur la base de documents et plan approuvés par une des sociétés de classification précédemment citées. b) Difficultés rencontrés par les sociétés de classification : Devant la multitude de sociétés de classifications qui sont apparues milieu du XXème siècle, les sociétés leader et les plus sérieuses se sont regroupées au sein de l’IACS ( International Association of Classification Societies ) afin d’harmoniser les règles techniques et d’instaurer une charte de qualité. Crée le 11 septembre 1968, l’IACS contrôle aujourd’hui 90 % du tonnage mondial et classe plus de 46000 navires. Elle possède un représentant permanent au sein de l’OMI depuis 1976 et également un rôle consultatif. Elle soumet ses membres à un audit triennal qui peut mener à l’exclusion, comme cela a été le cas en 1997 avec l’exclusion su Polish Register. Elle respecte les normes de qualité EN 45004 (organisme de contrôle) et EN 29001 et les modalités décrites en annexe de la résolution A749/191.


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Si les sociétés de classifications ont eu le besoin de se regrouper au sein de l’IACS c’est elles avaient un besoin de reconnaissance. En effet lors de chaque catastrophe maritime majeure, les sociétés de classification sont montrées du doigt. Ceci est dû à leur double statut : D’un côté la société de classification est accréditée par les Etats pour les besoins de certification : Les Etats les plus laxistes ou les moins équipés pour faire vérifier la conformité des navires aux règles de sécurité en vigueur ont quasiment délaissé le domaine de la certification pour établir les certificats de navigation des navires battant pavillons de ces pays. (A noter que la France n’a délégué à ce jour que l’établissement du certificat de franc bord aux sociétés de classification.). A ce titre les sociétés de classification ne devrait pas posséder de lien directe avec les armateurs de ces navires et ce afin de conserver une entière indépendance. Hors c’est l’armateur qui choisi dans la liste des sociétés de classification agréées par l’Etat du pavillon arboré par le navire, la société de classification, et qui de plus paye les prestations de cette société. Et là nous pénétrons dans le domaine bien connu de la concurrence : prix faible équivaut à plus de chance d’obtenir le contrat mais prestation de moindre qualité. De plus ce prestataire de service qui inspecte et note son client. L’on peut voir alors aisément la pression à laquelle peut être soumis un représentant de la classe lorsqu’une compagnie d’une vingtaine de navire peut, à tout instant , changer de sociétés de classification pour tous les navires de la flotte. Il est de notoriété maritime que lorsqu’un navire change de société de classification c’est bien souvent qu’il ne respecte plus les normes de sécurité maritime soit en terme d’année soit en terme technique, le changement de classe d’une classe réputée pour son sérieux pour un classe disons moins scrupuleuse permet alors à l’armateur de continuer à exploiter son navire quelquefois en le repositionnant dans une zone maritime moins soumise à la rigueur de l’Europe et des Etats­Unis. Ce changement peut aussi être le résultat des relations entretenu de longue date par l’armateur avec la société de classification : l’ERIKA est passé du Bureau Veritas au RINA en 1998 suite à la décision de la société de gérance maritime PANSHIP qui est basé en Italie.


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C’est dans cet environnement que l’IACS a été créée, les membres de celle­ci ne devant, à priori, plus être victimes de suspicion puisque répondant à des critères élevés de qualité. Il n’en demeure pas moins que ces sociétés sont soumises à l’environnement tel que décrit précédemment mais possède tout de même plus de crédit vis­à­vis des assurances. C’est ainsi que l’IACS a été ébranlé par l’affaire de l’ERIKA, car la société de classification qui avait suivi quelques mois auparavant en arrêt technique le navire était la RINA, société faisant parti de l’IACS. Depuis l’Erika les sociétés de classification font l’objet d’une directive de l’Europe (41) en vue d’une transparence totale de la qualité des sociétés de classification. Les sociétés de classification, malgré leur statut ambiguë possède donc un rôle important dans le processus de respect de la réglementation en place mais d’autres acteurs, encore plus proches du problème , y jouent un rôle important. §2.2 : LES AUTRES ACTEURS : a) Les armateurs : De la mentalité des armateurs dépend la qualité du secteur maritime et donc la sécurité maritime et le facteur le plus important au regard de la sécurité maritime demeure ainsi la qualité de l’armateur et cela doit d54venir le facteur essentiel dans le choix de l’affréteur. Il y a aujourd’hui un maximum de 10 à 15% de pétroliers qui sont sous normes. Malheureusement ce sont eux qui font le marché au mépris des 85 à 90% qui font correctement leur travail (42). Le milieu du transport maritime étant un milieu soumis à la concurrence et les armateurs n’étant pas altruistes, l’ensemble du système est fondé sur la rentabilité qui grossièrement peut se traduire par la soustraction du bénéfice tiré du transport moins les charges de fonctionnement et d’entretien des navires. Comme nous l’avons déjà constaté dans l’étude du contexte économique, les armateurs sont tentés de réduire les coûts de fonctionnement et bien souvent choisissent le pavillon qui leur permette de réaliser cet objectif. Mais il ne faut pas non plus généraliser. On trouve aussi de mauvais armateurs sous pavillon national et inversement il y a des Etats plus laxistes que d’autres et l’on trouve de bons voire d’excellents armateurs sous pavillon de complaisance. Il


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choisissent cette formule afin de bénéficier d’avantages fiscaux mais réinvestissent le plus souvent les économies ainsi réalisées. Et monsieur Vallat de poursuivre : « Pour caricaturer je dirais que tous les armateurs sous pavillon de complaisance ne sont pas de mauvais armateurs mais que tous les mauvais vont sous pavillon de complaisance. » Cependant la situation a évolué ces derniers temps, l’accident de l’Erika ayant joué un rôle d’accélérateur très important dans la prise de conscience de la nécessité d’une sécurité maritime, poussé par la pression de l’opinion publique. Il se passe aujourd’hui sur le marché du fret quelque chose de nouveau : un renchérissement très important des taux de fret (environ un doublement) et tous les armateurs pétroliers gagnent à nouveau assez pour assurer la sécurité. De plus la mise financière est élevée sur les vieux navires, c’est dans ce segment de marché que l’on trouve les armateurs spéculateurs qui considèrent comme secondaire la qualité d’exploitation. C’est également vrai que la tentation est forte de ne plus entretenir comme il le faudrait un navire qui arrive en fin de vie. C’est ainsi qu’avec le renouvellement quasi imposé de la flotte pétrolière par des navires double coque, les armateurs propriétaires de ces unités récentes les entretiennent convenablement afin de pouvoir les revendre avec une plus value après quelques années d’exploitations. Une des solutions au problème de « l’insécurité maritime » consiste donc bien en un respect de tous de l’ensemble des règles décidées par l’Union européenne et l’Organisation maritime internationale, c’est une des revendications première de l’association des armateurs de France (43) faisant remarquer que les armateurs français ont même anticipé la mise en œuvre de l’élimination des navires pétroliers français à simple coque, la moitié de la flotte pétrolière française ayant été renouvelée en trois ans. L’âge moyen a baissé, en trois ans, de plus de cinq ans, il est aujourd’hui de huit ans, faisant de la flotte pétrolière française une des plus jeunes au monde. La deuxième solution est énoncé par Armateur de France dans son dossier de presse « Les armateurs Français s’engagent en faveur de la sécurité maritime » : PAYER le TRANSPORT MARITIME A SON JUSTE PRIX : celui de la QUALITE et de la SECURITE. Il faut responsabiliser les affréteurs. Les navires sous normes


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n’existeraient pas s’ils ne trouvaient personne pour les affréter. Le transport maritime doit être payé à son juste prix et pas celui de l’intervenant le moins scrupuleux. Il s’agit donc d’étudier maintenant le rôle tenu par les affréteurs. b) Les affréteurs : L’affrètement est le système le plus répandu dans le transport d’hydrocarbure et le transport de produits chimiques. Pour le cas du transport d’hydrocarbure, de nombreuses « majors » possédaient leur propre flotte de pétroliers mais déjà l’économie de marché jouait un grand rôle car le but des majors n’étaient pas de transporter leur propre produit mais de posséder des pétroliers au bon endroit et au bon moment, quitte à laisser certaines unités en attente au mouillage pendant de longue période, le temps que le taux de fret augmente et à ce moment de remettre ces unités sur le marché de l’affrètement. Depuis la catastrophe de l’EXXON VALDEZ, les majors se sont désengagées du management de navire pour se tourner exclusivement vers l’affrètement : ce système a l’avantage, à priori, de protéger sur le plan médiatique la compagnie pétrolière lors d’une catastrophe maritime. Il s’est avéré qu’il n’en était rien et TOTAL en a subit les conséquences lors du naufrage de l’ERIKA. Le pouvoir des affréteurs est important d’un point de vue économique et le système de l’OPA90 des américains si prompt au principe de pollueur/payeur, n’a pas passé le stade du première échelon de la chaîne de contrat : c’est le transporteur qui est responsable mais en aucun cas l’affréteur. A la suite de l’EXXON VALDEZ, la compagnie EXXON a imposé à tous les fréteurs avec lesquels elle travaillait des standards techniques et de management très élevés avec un questionnaire à tenir à jour et des inspections. Par la suite les autres compagnies pétrolières ont suivi et le système de vetting s’est instauré : il permet au compagnie pétrolière qui veulent affréter un navire soit à temps, soit au voyage de connaître l’état technique du navire et la qualité de son équipage et de son management. En fait les questionnaires vetting sont en quelques sortes une répétition du système du MOU ( contrôle de la validité des certificats, contrôle de l’état de fonctionnement des appareils et du respect de la sécurité à bord ). Ils reprennent donc les minima


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des différentes conventions OMI sur la sécurité mais impose souvent également des critères supérieurs à ces minima ; c’est le cas des standards pour la timecharte EXXON. Certes ce système de contrôle des navires par les affréteurs à permis de franchir un premier stade vers l’élimination des navires sous normes mais le fait que les compagnies pétrolières aient fait pression auprès des sénateurs américains pour ne pas être responsable en cas de pollution dans le cadre de l’OPA démontre bien que la sécurité ne fait partie des préoccupations des affréteurs que comme conséquence de la crainte d’une médiatisation mondiale . L’étude de cette première partie a donc été consacrée à la sécurité maritime, domaine dans lequel la volonté d’agir en faveur d’une amélioration n’a que très rarement été partagée par tous les acteurs du milieu maritime au même instant. Nous allons maintenant étudier un domaine qui quant à lui fait maintenant l’unanimité au sein des instances intergouvernementales et des Etats, le secteur de la sûreté maritime, domaine qui découle de la sécurité maritime mais qui se préoccupe de la sécurité extérieure au navire qui peut parfois devenir un outil de destruction. DEUXIEME PARTIE : VERS UNE NOUVELLE IDEE DE LA SECURITE MARITIME: LA SURETE MARITIME La présente partie traite de la nouvelle notion de sûreté dans les transports maritime. Cette notion de sûreté dans le secteur maritime est surtout axés sur le terrorisme, car en effet jusqu’à ce que les Etats­Unis attirent l’attention de l’OMI sur le fait que tout navire peut devenir une arme par destination, ou le vecteur d’une arme de destruction massive, cette idée de sûreté n’était que très peu envisagé malgré les actes de pirateries fréquents dans certaines zones de navigation. Nous allons donc découvrir dans un premier temps la nouvelle législation internationale qui traite de cette notion de sûreté maritime pour analyser par la suite les difficultés que peuvent rencontrer les différents intervenants tant sur le plan international et national que sur le plan privé pour la très prochaine mise en application des nouvelles dispositions. SECTION I : EMERGENCE DE LA NOTION DE SÛRETE SOUS SECTION I : LE CONTEXTE


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La date du 11 septembre 2001 a été une date charnière dans l’histoire de la sûreté maritime, l’OMI étant interpellée sur le sujet par les Etats­Unis et c’est autour de cette date que s’articulera l’étude de cette première partie avec tout d’abord un rappel des faits marquants dans ce domaine avant cet évènement tragique suivi de la description des nouvelles dispositions de l’OMI en la matière. CHAPITRE PREMIER : HISTORIQUE Le milieu maritime , et il faut s’en réjouir, ne dispose pas d’un passé aussi parsemé d’évènements sanglants que peut l’être le secteur de l’aviation civile avec des évènements marquants comme ont pu l’être le détournement du vol Rome­Athènes de la TWA(44), les attentats de LOCKERBIE (45) et du DC 10 d’UTA (46)entre autres. Le 7 Octobre 1985, au large de l’Egypte , le paquebot Italien l’ACHILLE LAURO est détourné par un commando du Front de Libération de la Palestine qui prend en otage les 450 passagers. Un des otages, Mr Leon Klinghoffer, juif de nationalité américaine sera exécuté puis jeté à la mer. L’élément essentiel à notre étude qu’il faut retenir de cet évènement est que les terroristes ont détourné ce navire pour l’utiliser comme moyen de destruction. En effet ce détournement avait pour objectif premier de détruire la base navale d’Ashdod (47) située à peine à 200m d’un futur mouillage de l’ACHILLE LAURO, les terroristes devant se raviser après avoir été découvert par un des garçons du navire alors qu’ils étaient en train de nettoyer leurs armes. Le navire n’était en fait qu’un vecteur pour accomplir leur acte malveillant. L’initiateur du projet, le terroriste Abou Al Abbas, avait choisi cette croisière en raison des facilités d’embarquement qu’offrait le port de Gênes et également du plan de route. La directrice de ballets, Malgorzate Potocka, se souvient de « formalités de départ très rapides sans contrôle des bagages ».(48) Le 11 Juillet 1988 , au large des côtes d’Athènes, un commando de trois hommes du Fatah Conseil Révolutionnaire, mène une attaque au pistolet mitrailleur et à la grenade contre le navire grec de plaisance City of Poros faisant neuf morts et quatre vingt onze autres blessés. Avant même l’attentat contre le USS COLE et le pétrolier Français LIMBURG, eût lieu en 1994, peu de temps après qu’un airbus de la compagnie Air France est était détourné à partir du tarmack de l’aéroport d’Alger par un commando, détournement


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pendant lequel 3 passagers seront exécutés ( un français, un vietnamien et un algérien ), nous verrons apparaître les premières mesures en matière de sûreté maritime . C’est en effet à cette période , suite aux évènements sanglants en Algérie ,que la SNCM créa le poste d’officier sûreté et également des plans de sûreté élaborés par tâtonnement car le problème de la sûreté n’avait encore que très peu été évoqué dans le milieu maritime . Parmi les mesures dissuasives mises en place par la SNSM, il y avait l’embarquement de légionnaires à chaque voyage sur l’Algérie, un filtrage de l’accès aux navires par des militaires Français et un officier sûreté placé à l’entrée du navire avec un détecteur de matériaux pour filtrer les passagers. Sur le plan politique, la Commission Européenne se préoccupait déjà également avant le 11 septembre 2001 de la question de sûreté comme le prouve le livre blanc sur les transports (49), qui faisait déjà référence à la nécessité de renforcer la sûreté des passagers embarquant sur navires réalisant des croisières en Europe. Surviennent alors les évènements du 11 Septembre 2001 qui virent la destruction des deux tours du World Trade Center et la disparition de plus de 3000 personnes. Cet évènement tragique a fait prendre conscience au monde entier qu’aucun pays n’était à l’abri du terrorisme et que tous les moyens aériens, terrestres, et maritimes pouvaient être utilisés à des fins destructrices. L’opinion publique, très marquée par les images terribles diffusées et rediffusées des deux tours jumelles qui s’effondrent, assiste un peu plus d’un an après à un attentat commis contre un super tanker français, le LIMBURG. Ce super tanker est percuté au niveau d’une de ces tranches de cargaison par une vedette rapide bourrée d’explosif au large du Yemen, le 6 Octobre 2002. Le bilan d’un mort aurait pu être beaucoup plus lourd et cet évènement révèle le risque que peut représenter un pétrolier dans un grand port si une action attentat suicide est menée à son encontre. Au travers de cette énumération, heureusement limité, nous pouvons distinguer les menaces potentielles provenant du milieu maritime envers des intérêts extérieurs : tout navire peut devenir une arme par destination, ou le vecteur d’une arme de


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destruction massive, voire même le transporteur innocent de charges inappropriées. Les navires de transport de passagers sont bien sûr des cibles privilégiés car ce sont des cibles directes mais toutes sortes de navires peuvent être utilisées, en particulier les navires pétrolier ou gazier qui peuvent devenir de véritables bombes flottantes. Des terroristes pourraient être tentés de faire exploser de tels navires en zone portuaire, là où des intérêts économiques sont représentés, avec les conséquences humaines et environnementales que l’on peut imaginer. Maintenant nous comprenons mieux pourquoi cette notion de sûreté détient un consensus international mais il convient également, toujours dans l’optique de découvrir l’environnement de ce contexte de sûreté, de s’attarder légèrement sur l’aspect économique engendré par la sûreté maritime. CHAPITRE DEUXIEME : ASPECT ECONOMIQUE §2.1 : COÛT DE LA SURETE MARITIME Tout d’abord il apparaît aussi important de souligner que les mesures qui seront mises en œuvre pour renforcer la sûreté du transport maritime ne constitueront pas simplement un surcoût. Elles auront surtout des incidences bénéfiques en matière de protection des professionnels portuaires et de la mer, tout comme des passagers, de sûreté des approvisionnements stratégiques, mais aussi des retombés indirectes en ce qui concerne la lutte contre les trafics de tous genres, la taxation, et la sûreté d’acheminement des marchandises transportées. Ces mesures présenteront en effet un caractère dissuasif en raison des contrôles effectués, et faciliteront la répression des trafics illicites et des fraudes. Pour exemple dans le port de Rotterdam, l’installation des scanneurs pour conteneurs dans le port de Rotterdam, dans le cadre du CSI, a coûté 15 millions d’Euros ; en contrepartie leur utilisation a généré, en un an, 88 millions d’Euros de recettes douanières et fiscales, alors que seuls deux pour cent des conteneurs sont soumis en moyenne à un tel contrôle.(50) Dans son ensemble donc le renforcement de la sûreté du transport maritime n’est pas qu’une perte économique comme le démontre un rapport émis par l’Organisation de Coopération et de Développement Economique, rapport intitulé « La sûreté du transport maritime : évaluation des risques et impact économique ».


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En effet l’OCDE estime que le coût de ce renforcement est « bien inférieur » à celui d’un attentat terroriste de grande ampleur. Il serait évaluait à quelques 58 milliards de dollars alors que le montant global de l’investissement correspondant aux nouvelles mesures de sûreté destinées à contrer la menace terroriste s’élèverait à 1,3 milliard de dollars, ce qui correspond à l’installation des équipements de sûreté et au recrutement du personnel supplémentaire pour les exploitants de navire, et les coûts d’exploitation annuels s’élèverait également à prés de 730 millions de dollars. Une étude menée par les US Coast Guard (51) estime que le coût pour une compagnie composée de 27 navires serait de 250000 US$ pour les frais fixes du siège ( personnel chargé des questions de sûreté) et de 270000 US$ pour les frais variables du siège ( établissement des plans de sûreté et audit et certification de ces mêmes plans ) . Le surcoût pour la partie exploitation des navires s’élèverait quant à lui à 675000 US$ soit 25000 US$ par navire. De même les Coast Guards estiment également les besoins initiaux à 1,4 milliards pour soutenir les projets de sûreté portuaire ou de terminaux Reste toutefois qu’il n’y a donc aucune commune mesure entre le coût de la prévention et le coût d’un acte terroriste. Cependant ce coût est tout d’abord supporté par les acteurs eux même du transport maritime à savoir les compagnies maritimes et les ports ainsi que les chargeurs. §2.2 : REPARTIR CE COUT Le coût de la sûreté maritime n’est donc pas anodin pour les compagnies maritimes, Armateur de France réclamant en conséquence un financement par les pouvoirs publics de ces mesures, estimant qu’il s’agit d’une question d’intérêt national. Parallèlement à la demande d’Armateur de France, l’AUTF ( l’Association des Utilisateurs de Transport de Fret ) s’est rapproché de la Direction des Ports, du Transport Maritime et du Littoral (D.T.M.P.L) afin d’établir un état des lieux en matière de sûreté des ports français. L’AUTF estime que les pouvoirs publics doivent prendre en charge le financement des coûts de sûreté, rappelant par la même occasion que les Etats­Unis ont déjà annoncé un plan de financement de 92,3 millions de dollars pour leur port (52). Et dernièrement le Homeland Security ,


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ministère de la Sûreté nationale, a débloqué près de $300 millions d’aides à certains projets de sûreté portuaire. L’AUTF estime que la mise en place de mesures renforcées de sûreté entre dans le champ des missions régaliennes de l’Etat et doit donc être financée par les pouvoirs publics. Rappelons que le coût de passage d’un conteneur au rayon X est de l’ordre de 80/100 euros par conteneurs, ce surcoût devra être supporté par un ou plusieurs acteurs de la sûreté maritime. Dernièrement suite au Comité interministériel de la mer et aux orientations communiquées à cette occasion, l’AUTF, réunis au sein du Comité des chargeurs maritimes français (CCMF), a fait savoir qu’il s’oppose à l’instauration de toute taxe de sûreté sur le fret maritime, rappelant que le coût des mesures de sûreté doit être supporté par les autorités publiques. Cette idée de taxe de sûreté portuaire se retrouve également de l’autre côté de l’Atlantique mais a également fait l’objet d’une opposition farouche de la part des chargeurs et des industriels. Cependant à l’heure actuelle, il est très peu envisageable de penser obtenir la prise en charge financière par les pouvoirs publics, la tendance étant à la récession budgétaire. Certains armateurs avançant même la proposition d’utiliser des militaires de métiers à bord des navires marchands afin d’éviter d’avoir à payer eux­ mêmes des officiers supplémentaires mais avec le passage à l’armée de métier, les effectifs et les budgets ne sont plus suffisants et cette solution n’est donc pas envisageable. Ce sera de toute manière aux acteurs du milieu maritime de mettre la main à la poche, ils essaieront sans doute de répercuter ce coût auprès de leur client. Par leur ampleur, les mesures sécuritaires représentent une véritable révolution pour le shipping. Bien rares étaient ceux qui, le lendemain du 11 septembre 2001, l’avaient prévue, et on imagine le tollé qu’auraient suscité ces mesures auparavant. Ainsi, on vérifie une fois encore tout comme pour le secteur de la sécurité ,que seules les catastrophes permettent de sortir à l’échelon mondial de la logique des petits pas, et de franchir une marche escarpée. Depuis le 11 septembre de nombreuses initiatives sont apparues en matière de sûreté maritime que ce soit de la part de Etats­Unis, seul état aussi actif dans ce domaine ou de la part des instances internationales que ce soit l’OMI ou l’OIT ou


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encore sur le plan communautaire, nous allons maintenant voir quelles ont été les démarches sécuritaires de ces organismes. SOUS SECTION II : LES DEMARCHES SECURITAIRES La sûreté d’une chaîne de transport étant égale à celle de son maillon le plus faible, une approche traitant en parallèle de la dimension multimodale permettra d’améliorer la sûreté des transports dans son ensemble.(53) Il est tout à fait très aisé d’envisager que la sûreté maritime n’implique pas que le moyen de transport mais également toute la chaîne qui est constituée par les différents éléments du transport : c’est pourquoi les nouvelles mesures prises en faveur de la sûreté maritime touchent aussi des domaines comme le portuaire, les douanes, ….. Nous allons donc énoncer dans cette partie, les actions menées à la suite des évènements tragiques du 11 septembre 2001 et c’est surtout à trois niveaux que ces actions sont menées, le niveau international par le biais de l’OMI, le niveau Européen et le niveau national pour ce qui concerne les Etats­Unis, c’est d’ailleurs par ce niveau que je débuterai cette énumération de mesures. CHAPITRE PREMIER : DU COTE DES ETATS­UNIS Il est bien évident que le peuple américain a été très marqué par les évènements du 11 septembre et c’est pourquoi la détermination américaine dans ce domaine est indéniable. De manière similaire à son action en matière de pollution maritime par hydrocarbure, les Etats­Unis d’Amérique ont pris des mesures de protection unilatérales, anticipant souvent au plan de la mise en œuvre des dispositions en cours de négociations dans les instances internationales. Dans le domaine maritime notamment, la sûreté est considérée comme une « affaire de sécurité intérieure ». L’activité parlementaire a été très riche en initiatives. Elle s’est concrètement traduite par l’adoption par le Congrès, le 14 novembre 2002 du « Maritime Security Act of 2002 ». Cette loi impose de larges exigences en matière de sûreté à l’industrie maritime. Les USA ont vu également la création effective depuis le 1 er Mars 2003 d’un grand ministère de la sûreté intérieure( Department of Homeland Security) et c’est dans ce contexte sécuritaire que trois types de mesures importantes et ayant d’énormes répercussion pour le monde maritime ont été mises en place.


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a) La CSI ( Container Security Initiative ) : Depuis la mi­2002, les Etats­ Unis ont développé cette mesure, destinée à être appliqué dans une première phase dans les vingt ports européens et asiatiques concentrant la plus grande part du commerce maritime par conteneurs vers les Etats­Unis. Son principe s’articule autour de quatre points pour un même port : 1. L’établissement de critères de sûreté permettant d’identifier les conteneurs à hauts risques. 2. Le pre­screening des conteneurs avant leur arrivée dans les ports des Etats­Unis . 3. L’utilisation de moyens technologiques pour procéder au screening des conteneurs à hauts riques. 4. La mise en place de conteneurs sécurisés et permettant un suivi intelligent.

b) La règle dite « des 24 heures de préavis » : Les transporteurs maritimes doivent fournir leur manifeste de chargement 24 heures avant que cette opération ne soit effective sur les navires en partance pour les Etats­Unis. Ces informations permettraient aux douanes américaines d’évaluer le risque en matière de danger terroriste que peuvent revêtir les conteneurs destinés à ce pays. Cette règle est effective depuis le 2 Février 2003. c) La proposition de règlement relatif à la suppression des visas délivrés sur base des listes d’équipage : Cette proposition vise à supprimer la pratique de la délivrance de visas sur base des listes d’équipages pour les membres d’équipages des navires étrangers demandant à entrer dans un port des Etats­Unis d’Amérique . Les Etats­Unis d’Amérique sont donc à l’origine d’initiatives (unilatérales) en faveur de la sûreté maritime mais il s’agit surtout de mesures qui touchent le domaine douanier donc interne. Cependant la sûreté maritime étant devenue une priorité mondiale, des instances internationales ont également entamé des actions dans ce domaine.


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CHAPITRE SECOND : LES DEMARCHES SECURITAIRES DES INSTANCES INTERNATIONALES : §2.1 L’OMI : L’organisation Maritime Internationale s’est intéressée réellement au domaine maritime et à la sûreté des navires. Les travaux relatifs à ce domaine se sont conclus le 12 décembre 2002 lors de la Conférence Diplomatique de l’OMI. La démarche sécuritaire de l’OMI s’articule autour de deux principales mesures : i)

La modification de la convention SOLAS avec la création du chapitre XI.2 permet donc à cette convention d’intégrer la dimension de la sûreté maritime. Elle ne comporte que des aspects techniques et impose au navire de posséder à bord un système ,dit AIS, d’identification automatique des navires, d’un système d’alarme inaudible et caché pouvant signaler à un organisme à terre qu’ un évènement se déroule à bord du navire. Le dernier point concerne le marquage du numéro international du navire de manière très visible de l’extérieur.

ii)

L’adoption d’un code, le code ISPS (International Ship and Port Facility Security) qui instaure les dispositions à suivre pour la mise en place des procédures internes, l’obtention d’un certificat de sûreté, la réévaluation du plan de sûreté des navires, en fait ce code s’apparente en quelques sortes au code ISM pour le domaine de la sûreté.

§2.2 L’OIT : L’Organisation internationale du travail est impliquée également dans les démarches sécuritaires car les gens de mer participent directement au transport international de marchandise, au transport de passager, et ont facilement accès à toutes les zones d’un port. Il faut donc être certain de la qualité de la personne en possession d’un livret maritime. En mars 2002, a été inscrite à l’ordre du jour de la 91 ème session de la Conférence internationale du Travail de Juin 2003, une question


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urgente concernant un système plus sûr d’identification des gens de mer, en vue de la révision de la convention n°108 sur les pièces d’identité des gens de mer, qui date de 1958(54). Une des questions jugées importantes lors des travaux de l’OMI pour l’amélioration de la sûreté maritime, est d’ailleurs celle de l’identification des gens de mer, relevant de la compétence de l’OIT. Les marins devraient être en possession d’un document qui permette d’opérer une identification « positive et vérifiable » : « positive » en déterminant que la personne qui détient le document est bien celle à qui il a été délivré, « vérifiable » grâce au contrôle de l’authenticité du document par rapport à la source. §2.3. L’OMD : L’organisation Mondiale des Douanes a adopté en Juin 2002 une résolution relative à la sûreté et à la facilitation des échanges de la chaîne logistique internationale. Sa mise en application aura pour but de protéger le commerce international contre les attaques terroristes, et la chaîne logistique internationale contre son utilisation pour le transport frauduleux d’armes de destructions massive pour des visées terroristes. L’OMD travaille essentiellement sur trois points principaux : a. L’assistance des autorités douanières dans l’établissement de régimes de sûreté de la chaîne logistique. b. L’accès pour les autorités douanières à une base de données de l’OMD. c. La révision de la convention de l’OMD de 1972 sur les conteneurs. Les instances internationales sont bien sûr les plus représentatives pour élaborer des mesures à mettre en œuvre afin d’améliorer le secteur de la sûreté maritime, cependant et de manière similaire au domaine de la sécurité maritime, l’Union Européenne est elle aussi active dans ce domaine. Déjà concernée par le problème avant même les attentats du 11 septembre 2001 comme le prouve le Livre blanc sur les transports, qui faisait déjà référence à la nécessité de renforcer la sûreté des passagers embarquant sur des navires réalisant des croisières en Europe, la


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Commission reste très attentive aux travaux des différentes instances et notamment de l’OMI. CHAPITRE TROISIEME : LA DEMARCHE SECURITAIRE DE L’EUROPE La Commission européenne considère que désormais il est nécessaire d’améliorer la sûreté de l’ensemble de la chaîne logistique approvisionnant le transport maritime, du fournisseur au consommateur. En conséquence, elle a adopté une communication et une proposition de règlement (55) visant à imposer dans toutes l’Union européenne l’application des normes les plus élevées de sûreté du transport maritime. La commission a donc choisi d’apporter une réponse globale au problème de sûreté maritime en adoptant des instruments internationaux comme le code ISPS. Bien qu’elle se soit inspirée des conclusions de la Conférence diplomatique de l’Organisation maritime internationale du 12 décembre 2002, elle estime que des travaux complémentaires doivent néanmoins être menés dans d’autres enceintes internationales, et notamment au sein de l’Union Européenne, pour garantir un traitement global des problèmes qui se posent et éviter le recours à des initiatives bilatérales telles que celles qui ont été lancés par certains pays tiers. C’est pourquoi la communication de la Commission Européenne va au­delà du cadre de la sûreté des navires et des installations portuaires telle qu’elle est abordée par l’OMI et élargit le débat au transport maritime en général.Elle s’intéresse en particulier, aux zones portuaires considérées dans leur globalité, à l’identification des gens de mer et à la sûreté d’un bout à l’autre de la chaîne de transport intermodale. Le règlement va au­delà des mesures adoptées par l’OMI en ceci qu’il rend obligatoires certaines exigences correspondant seulement à des recommandations (partie B du code ISPS), afin de relever le niveau de sûreté

Le règlement va au­delà des mesures adoptées par l’OMI en ceci qu’il rend obligatoires certaines exigences correspondant seulement à des recommandations (partie B du code ISPS), afin de relever le niveau de sûreté recherché et surtout d’éviter des divergences d’interprétation d’un Etat membre à l’autre : c’est pour cela


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qu’il impose la nomination d’une autorité nationale responsable de la sûreté des navires et des installations portuaires , et l’adoption, pour certaines modalités du règlement, d’un calendrier de mise en œuvre des plans nationaux adoptés dans le cadre du règlement, qu’il prévoit un processus d’inspections, supervisé par la commission, pour vérifier les modalités de contrôle et la mise en œuvre des plans nationaux adoptés dans le cadre du règlement. Surtout ce règlement étend l’ensemble des exigences du chapitre XI­2 de la Convention SOLAS et de la partie A du code ISPS aux navires effectuant des dessertes nationales au sein de la Communauté, et plus particulièrement aux navires à passagers. La toute récente Agence Européenne pour la sécurité maritime ( EMSA ) (56) , encore une fois la sécurité et la sûreté ne sont maintenant envisagés que de manière similaire, s’est vu attribuer un rôle d’assistance à la Commission dans l’exécution de ses tâches. Dans le domaine de la sûreté maritime, aujourd’hui, il est difficile de mettre en doute la volonté politique d’amélioration des structures et des moyens en place. A l’évidence l’impacte d’un attentat est beaucoup plus grand que l’impacte d’un accident maritime même avec pollution, cet impacte étant mondial et non seulement régional. A la suite du Prestige, l’émotion a surtout été Européenne. Les attentats du 11 septembre 2001 ou de BALI ont quant à eux une répercussion mondiale. Mais bien que cette volonté politique soit évidente, les premières difficultés ou tensions sont déjà apparues avant même l’entrée en vigueur du code ISPS et je me propose dans la prochaine section de les rappeler. SECTION II : LES DIFFICULTES DE MISE EN OEUVRE : La dimension de la sûreté est donc une notion toute récente dans le monde maritime ; il s’agit d’un domaine qui empiète sur plusieurs secteurs et où il existe de nombreux intervenants, ce qui rend difficile la détermination des frontières exactes entre les différents secteurs. Comme toute réglementation naissante, des difficultés sont apparues et apparaissent encore, rappelons que le code ISPS n’entrera en vigueur que le 1er Juillet 2004. Ces difficultés sont de deux sortes : des difficultés d’ordre politique ou « diplomatique » et des difficultés disons plus pratiques de logistique.


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.SOUS SECTION I : LES DIFFICULTES POLITIQUES OU « DIPLOMATIQUE » : Comme nous l’avons énoncé au préalable, les Etats­Unis sont très actifs en la matière mais cette volonté s’est solder par des initiatives dénoncées et inacceptables pour la Commission Européenne. La première réaction de la Commission Européenne a suivi les actions américaines prises dans le cadre du CSI. CHAPITRE PREMIER : LE CAS DE LA CSI : Les Etats­Unis forts de leur puissance économique ont démarché les plus grands ports mondiaux en termes d’échanges de conteneurs et ont imposé des mesures de sûreté avec notamment un contrôle par les douanes américaines des systèmes informatiques d’échanges d’informations et des systèmes de contrôle des conteneurs (scanner). Après cet audit par les douanes américaines, le port concerné se voit décerner un label CSI leur permettant d’effectuer les échanges commerciaux vers les Etats­Unis. Sans ce label, les échanges se trouvent ralentis par des formalités beaucoup plus complexes et surtout avec des délais beaucoup plus longs. Ces dispositions ont été conçues et mises en place, en ce qui concerne l’Europe, de manière bilatérale dans l’ignorance de l’acquis communautaire et sans concertation avec la Commission, qui a été amenée à réagir conformément aux dispositions du Traité instituant la Communauté européenne. Face à cette situation, et aux réponses individuelles des Etats membres aux demandes américaines, la Commission a obtenu le 18 mars 2003 du Conseil une autorisation de négociation sur les matières relevant du domaine communautaire afin de parvenir avec les autorités douanières américaines à un accord entre la Communauté et les Etats­Unis portant sur le développement d’un système de contrôle des exportations, qui intègre la nécessité de sécuriser le commerce international effectué par conteneurs. Un tel accord est destiné à supplanter les arrangements bilatéraux conclus pour l’heure entre certains Etats membres et le service des douanes américaines. Il sera basé sur des principes de réciprocité et de non­discrimination s’appliquant à l’ensemble des échanges entre la Communauté et les Etats­Unis. A terme cet accord devrait permettre un contrôle conjoint des mises en œuvre de mesures dessinées de commun accord.


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La principale préoccupation de la commission est d’éviter des éléments de compétition déloyale entre les ports(57), comme cela est déjà apparu sur le plan national entre Le Havre et Marseille concernant le CSI. C’est pourquoi la Commission étudie également des standards communs de sûreté, ainsi que des critères communs pour les contrôles douaniers afin de ne pas laisser une situation de concurrence s’instaurer. Les Etats­Unis très préoccupés par ces questions de sûreté désirent avoir la main mise en la matière et ils suivent de très prêt la question du code ISPS, s’accaparant au passage certains droits qui la aussi irrite la Communauté Européenne. CHAPITRE SECOND : LE CODE ISPS : Suite à la réunion du groupe de coopération Union Européenne / Etats Unis sur la sûreté des transports qui s'est réuni à Washington les 17 et 18 juillet 2003, les Etats­ Unis et l’Union Européenne ont eu l’occasion de préciser qu’ils soutiennent une approche internationale pour les mesures de sûreté, c'est­à­dire l'application des mesures adoptées en décembre 2002. Les Garde­Côtes américains ont suivi cette approche en élaborant leurs règles intérimaires du 1er juillet. Cependant ils font face à des pressions politiques de la part de la chambre des députés pour approuver les plans de sûreté des navires (au lieu d'accepter les décisions des Etats du pavillon). Cela c’est déjà traduit dans le domaine de la sécurité maritime et plus précisément dans le cadre de l’OPA par l’obligation à tout navire pétrolier qui envisage de toucher un port américain de faire valider par les USCGs leur plan SOPEP ( Oil Pollution Emergency Plan) qui doit déjà être approuvé par l’Etat du pavillon dans le cadre des certificats obligatoires. Les Etats­Unis dans ce cas ne reconnaîtraient pas la validité des certificats sûreté délivrés par les différents Etats du pavillon. De leur côté les USA ont commencé une évaluation des ports étrangers (2,600 ports concernés au total). Cette démarche est encore une fois unilatérale et la Commission Européenne est très critique par rapport à cette démarche. Elle a fait les mêmes remarques que pour la CSI.


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Voici donc énoncés les principaux problèmes rencontrés sur le plan des discussions entre la communauté Européenne et les Etats­Unis pour la mise en œuvre des différentes mesures qui concernent la sûreté maritime. Un problème a été très peu évoqué encore lors des différentes discussions mais nul doute qu’il le sera très rapidement après la mise en application du code ISPS, la question des conflits de juridiction : quelles sont les mesures de protection que peut prendre un navire battant pavillon étranger, dans le cadre du code ISPS, dans un port d’un autre état ? Les autres difficultés qui apparaissent déjà touchent à la logistique de mise en œuvre. SOUS SECTION II : LES DIFFICULTES DE LOGISTIQUE : Beaucoup plus pratiques que les problèmes exposés précédemment, les problèmes de logistiques sont toutefois très préoccupant à maintenant moins d’un an de la mise en œuvre du code ISPS. Le plus étonnant étant que du côté des navires, la partie mise en conformité avec le nouveau chapitre de SOLAS qui correspond à la partie technique du code ISPS est déjà bien avancée. Grand nombre de navires possède déjà l’appareil AIS et a fait graver le numéro international du navire conformément aux nouvelles dispositions. En fait le code ISPS ne donne bien souvent que des directions mais laisse sans doute trop de liberté aux Etats pour la mise en œuvre de ce code, ce qui va poser quelques problèmes de mise en œuvre. Pour exemples : •

Certains pays sont loin de posséder des standards convenables en matière de sûreté, il faudra déterminer quelle devra être l’assistance à apporter aux pays les moins favorisés pour qu’ils atteignent des standards de sûreté équivalent. La résolution 5 adoptée le 12 décembre 2002 lors de la conférence diplomatique sur la sûreté maritime ne le dit pas.

Le point restant et non le moindre concerne la partie « management » du code, à savoir le côté certification et élaboration des plans de sûreté compagnies et navires. Il s’agit d’un problème important car jusqu’à ce jour certains états de l’Union Européenne et notamment la France n’ont pas


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encore fait connaître leur position auprès des professionnels pour ce qui est des modalités de certifications. Dans le cas de la France eu lieu au début de l’année de nombreuses réunions entre les professionnels au sein d’Armateur de France pour essayer d’élaborer un projet de formation des Compagnie Security Officer et Ship Security Officer . Cette démarche n’aurait jamais du être entamée, étant du ressort de l’administration Française, mais à quelques mois de la mise en œuvre du code ISPS et sans la moindre information provenant des services de l’Etat elle a été rendue nécessaire. Ces réunions restèrent stériles du fait encore une fois du silence de l’administration concernée, à savoir les affaires maritimes. En effet, un paramètre était indispensable pour que les compagnies entament les formations, il fallait bien savoir quelles formations seraient reconnues par la France et là encore les armateurs se sont heurtés à un mur de silence. Les répercutions pour une compagnie comme la CMA/CGM sont importantes : Il ne reste que trois mois avant que les Etats­Unis ne mettent en pratique le code ISPS fin décembre, la CMA/CGM étant maintenant contraint de prendre le risque d’établir des plans de sûreté navire et compagnie sans être sur qu’ils seront satisfaisant aux yeux de l’administration Française. •

En Juillet 2004 donc de nombreux navires posséderont le système d’alarme silencieuse mais pour le moment l’OMI s’est contenté de laisser le choix aux différents états de nommer et de mettre en place les organismes chargés de la réception de ces alarmes. Pour le moment en France rien n’a encore été diffusé sur la question et de toute manière ces organismes devront également être équipé de récepteurs ; quelles seront les suites données à une alarme ?

Egalement sur un plan national les gouvernements devront mener à termes pour Juin 2004, de nombreuses actions. Il s’agit notamment d’établir les règles définissants les 3 niveaux de sûreté et les conditions de leur mise en œuvre. L’interface navire / terre doit donc être homogène ce qui pour l’instant n’est pas encore le cas puisque le plan vigipirate appliqué dans l’enceinte portuaire comporte 4 niveaux alors que le code ISPS applicable aux navires mais aussi aux enceintes portuaires 3 niveaux.


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Une autre difficulté se fera connaître au niveau portuaire : en matière de transport de fret maritime, les volumes sont tellement importants que les contrôles physiques des marchandises ne sont réalistement concevables à l’entrée en zone portuaire que selon le mode des contrôles ciblés.

Le système des 24 heures de notice pour les conteneurs imposé par les Etats­Unis pose de réelles difficultés auprès des chargeurs, car ce système revient pratiquement à l’immobilisation pure et simple de la marchandise pendant un jour, ce qui économiquement n’est pas anodin.

Et d’autres difficultés apparaîtront sûrement lors de la mise en œuvre du code ISPS. A l’heure actuelle, ce que l’on peut retenir de ces démarches sécuritaires, c’est que malheureusement elles sont devenues nécessaires mais que nous n’en sommes encore qu’au balbutiement. Espérons que la volonté à agir démontrée par tout dernièrement ne s’essouffle pas comme cela est bien souvent le cas dans le secteur de la sécurité maritime. CONCLUSION Après toute catastrophe maritime, l’émotion est grande et les citoyens ont tendance à réclamer des réglementations en la matière et trouvent scandaleux que de tels évènements puissent se produire. Cette étude avait pour but principal de démontrer que la réglementation, élaborée au fil des catastrophes maritimes et du XXème siècle, existe belle et bien et qui plus est recouvre maintenant la totalité des domaines liés à la sécurité maritime. Si l’OMI pendant de très nombreuses années a été le seul initiateur de cette réglementation, il n’en est plus de même aujourd’hui, d’autres entités ayant pris le relais comme notamment l’Union Européenne. Mais alors pourquoi de tels évènements se produisent ? Tout d’abord parce que la mer reste un élément imprévisible et un milieu hostile mais surtout parce que cette réglementation n’est pas appliquée par tous et de la même manière. Le cadre réglementaire n’est pas appliqué par tous de la même manière principalement pour des raisons d’ordre économique et la nature humaine étant ainsi faite dès qu’une brèche est ouverte pour échapper aux obligations qui incombent à tous les acteurs de la sécurité maritime,chacun s’y engouffre. Et malheureusement seul le bâton reste un moyen efficace pour remettre les contrevenants dans le droit chemin. Le problème étant que le milieu des transporteurs maritimes est un milieu opaque et


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international qui permet bien souvent d’échapper aux sanctions. Mais il est vrai que l’ambiance actuelle dans ce secteur est plus à l’optimisme, les taux de fret ces dernières années ont tendance à remonter et le facteur qualité est de plus en plus pris en considération et mentionné dans les enceintes internationales. La sécurité maritime englobe maintenant un autre secteur où, et cela est suffisamment rare pour le noter, un consensus a été trouvé rapidement. Il s’agit de la sûreté maritime, domaine très souvent évoqué ces derniers temps dans le milieu maritime. Bien que cette notion était déjà prise en compte par l’Union Européenne avant le 11 septembre 2002, elle a fait l’objet de plusieurs réglementations, l’une nationale aux Etats­Unis, la CSI et l’autre internationale, le code ISPS, suite à la pression des Etats­Unis. Ces réglementations sont des réglementations récentes et doivent faire face à des difficultés de mise en œuvre. Ces domaines de la sécurité maritime et maintenant de la sûreté maritime restent des domaines très vastes et dépendant de la volonté des intervenants et des organes normatifs, il ne peut exister de formule mathématique qui puisse permettre de penser que ces domaines seront totalement maîtrisés. Il reste cependant à espérer que cette évolution des mentalités précédemment mentionnée permette d’anticiper les catastrophes maritimes et non plus de les subir.


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