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CINÉMA
Portrait par Laetitia Waegel pour Spectacles
Une force de la littérature
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Seule la Terre est éternelle de François Busnel est un formidable hymne à l’écrivain américain Jim Harrison. Rencontre avec le réalisateur de passage à Strasbourg, au Star Saint-Éxupéry. # Hervé Lévy
« La lecture de Dalva, à vingt ans, fut un choc. C’est un des livres qui a changé ma vie, décrivant les États-Unis comme on ne les enseignait pas à l’école. Au lieu de montrer le pays des Tuniques bleues, des bons cow-boys, il parlait des Indiens et de leur génocide. C’est du reste le premier écrivain à employer ce terme à leur propos » , explique François Busnel. Plus tard, il rencontre “Big Jim”, en 1999, au festival Étonnants voyageurs de Saint-Malo. Une amitié naît, faite de parties de pêche, de dégustations de belles bouteilles et de repas homériques. Dans ces agapes, l’ami Gérard Oberlé n’est jamais loin. « J’avais le souhait de faire un film, mais Jim ne le désirait pas. Enfin, il ne voulait pas d’un documentaire traditionnel avec images d’archives, entretiens posés, etc. », narre le créateur de La Grande Librairie. En réalité, « il en avait marre de sa légende. Il y avait cette image toute faite, ce surnom d’ogre du Montana. Il avait le sentiment qu’on ne parlait plus que de ça. » L’idée est alors venue d’un vrai film de cinéma…
Seule la Terre est éternelle est un hommage à un homme, l’expression d’une philosophie de la vie – oscillant entre hédonisme et stoïcisme – et un hymne à la nature. On y voit Jim Harrison dont le visage – un paysage en soi, avec ses rides, ravines, plis et replis – occupe tout le cadre. On le découvre âgé. Souffrant. Sans doute, sait-il qu’il va mourir quelques mois plus tard… L’image est dure. Oppressante. « Les livres de Jim m’ont dérouté –c’est-à-dire mis sur une autre route que celle qui était toute tracée par l’école, me sortant des glissières de sécurité – et dérangé. C’est ce double sentiment que je voulais générer. Je montre un homme fatigué, mais debout. Un homme au bout du rouleau, mais debout. Un homme usé par la vie, mais debout. Et souriant », résume François Busnel. Autour de lui se déploient les paysages qu’il aimait. Somptueux. Sauvages. Filmés façon cinémascope, ils rappellent curieusement les images de Wim Wenders dans Written in the West. Ralenti, le tempo est une invitation à prendre le temps, à reconquérir notre capacité d’émerveillement face à l’univers. « Ce type, qui vit comme un vieil indien, regarde notre monde avec distance. Il nous propose de ralentir le cours de nos existences, de nous réconcilier avec le monde sauvage pour mieux habiter notre planète. Mais attention, la nature n’est pas un dessin animé de Walt Disney. Elle est sauvage, violente et impitoyable », décrit le réalisateur qui voit plus Jim Harrison comme l’hériter de Walt Whitman et Henry David Thoreau que des auteurs de la Beat Generation. Puissent ces images et ces mots nous inspirer dans notre quotidien…