Gentrification au défi du contexte urbain et social

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GENTRIFICATION AU DÉFI DU CONTEXTE URBAIN ET SOCIAL Comprendre la fracture urbaine et sociale suite à la politique de revitalisation des quartiers périphériques d’est de Londres

MÉMOIRE D’ARCHITECTURE ANNA PAK



MÉMOIRE D’ARCHITECTURE ANNA PAK sous la direction de PASCALE MARION et DANIELLE MARTIN

GENTRIFICATION AU DÉFI DU CONTEXTE URBAIN ET SOCIAL Comprendre la fracture urbaine et sociale suite à la politique de revitalisation des quartiers périphériques d’est de Londres

Groupe “Architecture comme système de relations” ENSAS, 2019-2020


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Remerciements

Ce mémoire est le résultat d’un travail de recherche de plusieurs mois et je souhaite adresser mes sincères remerciements à tous ceux qui ont contribué au déroulement de ceci de loin et de près. Je remercie Pascale Marion et Danielle Martin pour leur guidance et leur aide précieuse lors de l’élaboration de ce mémoire. Un grand merci à Alexander Rakita, mon tuteur de stage que j’ai réalisé à Londres l’été de l’an 2019 dans le cadre de ma formation pratique en architecture. Je remercie ainsi tous les membres de l’équipe de cette agence pour leur excellente accueil et encouragement. J’exprime ma gratitude à ma famille en Angleterre, qui m’a accueillie et aidée avec une grande patience lors de mes séjours à Londres. J’aimerai ainsi remercier toutes les personnes rencontrées et interviewées lors des recherches que j’ai effectuées à Londres et tous ceux qui ont répondu à mes questionnaires. Je leur remercie pour le temps qu’ils ont bien voulus me consacrer. Merci à Asif Khan, architecte et designeur basé à l’est de Londres, pour m’avoir donné son avis et pour m’avoir fait part de son expérience sur la gentrification à Londres.


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Sommaire Introduction

01 LE PHÉNOMÈNE DE LA GENTRIFICATION, ENTRE THÉORIE ET CRITIQUE

00 LONDRES, DÉVELOPPEMENT DE LA VILLE

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LA GENTRIFICATION DANS LES QUARTIERS DE LONDRES EST À L’ÉPREUVE DES CONTEXTES URBAINS ET SOCIAUX

Conclusion

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Avant-propos

“L’espace, une chose si abstraite, presque impalpable, et pourtant si réelle, chargée d’expérience émotionnelle, catégorie a priori de la connaissance, bien sûr, mais avant tout mémoire sensorielle inscrite dans le corps et l’esprit par le souvenir de lieux découverts aux détours des lectures autant que des voyages.“ — Claude Eveno1

La ville est non seulement l’ensemble architectural mais aussi les histoires qu’elle recèle. L’image d’une ville peut être considérée comme une mosaïque d’époques et de styles architecturaux, d’empreintes d’interactions et de mouvements humains, d’où la grande complexité et l’ampleur de certains processus qui s’y produisent. Depuis quelques décennies, nous assistons à une forte croissance de la population et à un afflux vers les grandes villes. En effet, les villes se développent non seulement par l’accroissement naturel de la population, mais aussi par les migrations, qu’il s’agisse des migrations internes des zones rurales vers les villes ou des migrations internationales entre pays, de l’extension des frontières urbaines et de la création de nouveaux centres urbains. L’urbanisation, ou “transition urbaine”2, apporte aux villes non seulement des opportunités, mais aussi des défis. Ainsi, les grandes villes comptent aujourd’hui le plus grand pourcentage de population née à l’étranger, avec 83% à Dubaï, 62% à Bruxelles et 37% à Londres et à New York.3 L’urbanisme est donc en train de découvrir des centres-villes qui, aujourd’hui déshérités, 1 EVENO C., “Histoire d’espaces”, Sens&Tonka, Paris, 2011, p.7 2 voir la définition dans le glossaire 3 migrationdataportal.org, 2019


offrent de grandes opportunités, principalement commerciales. Ce processus est connu sous le nom de gentrification, et malgré ses origines anglo-saxonnes, se produit aujourd’hui partout dans le monde. Ce mémoire est l’occasion d’aborder les idées et les sujets qui nous tiennent à cœur. Ainsi, j’ai choisi d’étudier le processus de la transformation urbaine en analysant la ville de Londres. Cette ville, étant l’une des plus grandes métropoles du monde, m’a toujours intéressé de par son caractère architectural éclectique et sa dynamique urbaine particulière. C’est une ville que j’ai eu l’occasion de découvrir lors des visites régulières dans ma famille et qui m’a laissé des souvenirs inoubliables. L’imaginaire commun de Londres renvoie à l’image d’une ville en croissance perpétuelle, avec une attention patrimoniale historique soignée, créant ainsi un très fort contraste, entre une architecture classique et moderne, portée par le mouvement brutaliste. Aujourd’hui, Londres se développe toujours verticalement en édifiant des gratte-ciels sur les terrains des anciens entrepôts le long de la Tamise. Les bâtiments historiques industriels à l’architecture remarquable sont réhabilités et abritent des nouveaux programmes, principalement culturels comme des galeries d’art. Londres est une ville en constante évolution qui est un lieu de vie et de travail pour un large nombre de personnes. Ainsi, comme beaucoup de grandes villes de nos jours, elle est en transition vers une ville axée sur les groupes socio-économiques plus hauts. Cette situation est menée en grande partie par la politique de réaménagement des quartiers des centres-villes relativement délabrés. Le but de ce mémoire est de comprendre le processus de gentrification à Londres aujourd’hui et de voir si les quartiers relativement défavorisés peuvent bénéficier des changements radicaux à grande échelle que apportent les projets de régénération. Enfin, l’environnement urbain est généré non seulement par le bâti, mais aussi par de nombreux critères tels que la sociologie, l’histoire, l’économie et la politique. Ainsi, le phénomène de la gentrification affecte la ville et ses habitants à différents niveaux et doit être analysé à l’aide de différents outils et méthodes.

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Introduction


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Carte générale du Royaume Uni © Anna Pak

Londres

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200 km


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Introduction

La problématique, le contexte du sujet et les questions à aborder Quelle image donne à voir Londres aujourd’hui? Ville en croissance perpétuelle, elle est connue pour son statut de plus grande métropole d’Europe et de ville-région, ayant une population d’environ 14,2 millions d’habitants, dont environ 24% vivent dans le centre historique de Londres. Paris compte environ 12,6 millions d’habitants, dont 19% vivent dans le centre historique de la ville.4 Diverse, riche et éclectique, dont la forme et le contenu sont contestés, Londres doit sa complexité urbaine à son rôle important à travers l’histoire. Tout d’abord, c’est une ville portuaire, capitale et siège de la couronne et du gouvernement parlementaire, centre du commerce et de la finance, ville la plus peuplée du monde jusqu’au XIX siècle, milieu culturel et multi-ethnique.5 Fondée peu après l’invasion de la Grande-Bretagne par les Romains en 43 après J.-C., elle fut d’abord appelé Londonium.6 Entre 180 et 225 apr. J.-C., les Romains construisirent le mur défensif de Londres autour de la ville. Ce mur a défini le périmètre de la City, actuellement le quartier central d’affaires. Le Londinium romano-britannique avait été abandonné à la fin du Ve siècle, bien que le mur de Londres soit resté intact. Il y avait une colonie anglo-saxonne au début du VIIe siècle, appelée Lundenwic7, à environ un mile de Londinium. Cette période est marquée 4 newgeography.com

5 SAINT A., “Portrait de ville: Londres”, DATAR, 1991, p.5 6 Londinium provient du “Londinion” (celtique)

7 “Marché de Londres” (London market) ou “London Fort” (a borough)


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par la refortification, la réoccupation et la rénovation de la ville romaine fortifiée presque déserte.8 À ce point dans l’histoire, les limites de Londres étaient proches de ce que représente aujourd’hui la City, ou le quartier historique central de Londres, qui consiste principalement d’es centres d’affaires. Après le Grand Incendie de Londres en 1666, une vaste partie de la ville a été détruite. Au cours des décennies qui suivirent, Londres devint un important centre commercial et d’échanges commerciaux. Le XVIIIe siècle a été une période de croissance rapide pour Londres, reflétant l’accroissement de la population nationale, les débuts de la révolution industrielle et le rôle de Londres au centre de l’Empire britannique en évolution. L’espace urbain de Londres s’est agrandi et ses limites se sont déplacées dans toutes les directions, élargissant la ville. Avec la croissance économique et industrielle rapide, notamment avec l’invention des transports publics, la population de la City, cœur historique de Londres, a chuté rapidement au XIXe siècle et pendant la majeure partie du XXe siècle, à mesure que les gens se déplaçaient dans toutes les directions vers les vastes banlieues9 de Londres. De plus, la ville a été largement endommagée par des bombardements aériens très destructeurs pendant la Seconde Guerre mondiale. Développement historique des limites de Londres © Anna Pak

Londonium, 43 après J.-C Lundenwic, VIIe siècle Londres Médiéval, XIVe siècle Londres Victorien, XIX siècle London County Council, fin du XIX siècle 8 Chroniques anglo-saxonnes, trad. Keynes S., Lapidge M., “Alfred the Great: Asser’s Life of King Alfred & Other Contemporary Sources”, ch. 83, Penguin Classics, 1984, pp. 97–8 9 voir la définition dans le glossaire


Le début du XXe siècle, notamment la période des années 1920 et 1930, entre deux guerres, a été marquée par l’étendue géographique de la zone urbaine de Londres.10 La ville s’est étendue très rapidement vers les comtés voisins d’Essex, Hertfordshire, Kent, Middlesex et Surrey. L’accroissement de la population périurbaine à partir des années 1880s fait preuve du processus majeur de la décentralisation urbaine de la période entre deux guerres qui a ensuite accéléré après la Deuxième Guerre Mondiale.11 La culture anglaise et la quête d’un style plus rural expliquent la prédilection des Londoniens pour les maisons avec des jardins, une densité urbaine plus faible. De cette façon, l’expansion rapide vers les banlieues et le risque de perte d’espaces ouverts ont éventuellement menés au concept de Metropolitan Green Belt, ceinture verte autour de la région de Londres qui devait à la fois protéger les espaces ruraux autour de la ville et empêcher l’expansion de la zone urbaine. A partir de 1930, de nouvelles industries de la production à la chaîne ont commencé à s’installer dans la zone urbaine de Londres. Cela a mené à une stratégie de décentralisation de ces industries hors du centre de la ville, ainsi que diminution de la densité de population.12 En effet, les dégâts causés par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale ont incité la reconstruction de la ville. De nombreuses propositions de plans de développement de Londres ont été proposées, allant du formel au très informel, de l’échelle régionale au niveau local plus petit. Il s’agit des plans élaborés par MARS (Groupe de recherche sur l’architecture moderne), des plans de la Royal Academy, de London Regional Reconstruction Committee of the RIBA, et le plan préparé par le conseil municipal de la région de Londres, et enfin, Greater London Plan par Patrick Abercrombie.13

10 REEDER A., chapitre 2 “London and Green Space, 1850-2000: an introduction” dans Clark P., “The European City and Green Space: London, Stockholm, Helsinki and St Petersburg, 1850-2000”, Routledge, New York, 2006, p.30 11 idem.

12 PORTER R., “London, a social history”, Harvard Uninversity Press, Cambridge, Massachusetts, 2001, p.330 13 LARKHAM P.J., Adams D., “The post-war reconstruction planning of London: a wider perspective”, Birmingham City University Working Paper Series, no. 8, 2011, p.3

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Chornologie des activités liées à la replanification de Londres © Anna Pak

Il est suggéré qu’un plan réussi devrait: • suivre un modèle national et régional de reconstruction • préserver et développer le caractère individuel d’une ville • établir un modèle organique de développement • subvenir aux besoins de la vie privée d’un citoyen • répondre aux besoins collectifs de la communauté • être réalisable14 Le plan proposé par le Conseil Municipal de la région de Londres, publié en 1943, est le résultat de collaboration entre l’architecte John Henry Forshaw et l’urbaniste Patrick Abercrombie. Le stratégie a été menée par l’analyse socio-fonctionnelle des zones de la région londonienne. En particulier, les problèmes identifiés et traités dans ce projet comprenaient : • les embouteillages, qui entraînent une perte de temps • les logements délabrés avec des mauvaises conditions de logement • le manque d’espaces ouverts • les problèmes environnementaux causés par l’industrie • la destruction des zones rurales, causée par l’étalement urbain continu15 Le plan était dominé par les concepts de Londres en tant que communauté, métropole et machine, ce qui est illustré dans le diagramme d’analyse socio-fonctionnelle. Londres, en tant que métropole, a reconnu les fonctions nationales et interna14 KENT, E.C., Samuely, F.J., “Physical planning: a method of comparative analysis on four London plans”, Architect’s Journal 19 August, 1944 pp. 99-114

15 FORSHAW J.H., Abercrombie P., County Council, “County of London Plan”, Macmillan&Co, 1943


tionales de la ville, y compris le centre d’affaires et financier de la ville et l’importance manufacturière, commerciale et culturelle. Pourtant, certaines étaient des fonctions localisées, y compris Westminster, les tribunaux et l’université: le plan suggérait que ces zones fonctionnelles devraient être traitées comme des “circonscriptions” distinctes. Londres ,en tant que machine, s’est concentrée sur le transport, en particulier les trois rocades proposées.16

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County of London Plan: analyse sociale et fonctionnelle Forshaw J.H. et Abercrombie P., Londres, MacMillan & Co, 1943, p. 21. ucl.ac.uk/bartlett communautés centrales autour de l’ouest de la ville

industries principales, quais, entrepôts et chemins de fer

communautés centrales dont la proportion de biens obsolètes est élevée

espaces ouverts et grandes institutions avec des espaces ouverts importants

hôtels de ville

grands centres commerciaux

communautés périurbaines

cours d’eau, réservoirs, etc.

Dans la période après la guerre, Le Conseil Municipal de Londres avait une priorité absolue accordée pour la construction du plus grand nombre de maisons aussi vite que possible. Afin de répondre à ces besoins, 250 000 nouveaux logements de collectivités locales étaient construits chaque année. De plus, la Loi sur les nouvelles villes, sortie en 1946, a facilité le programme de reconstruction de logements et a donné lieu à huit nouveaux établissements à l’extérieur de la métropole. 16 LARKHAM P.J., Adams D., “The post-war reconstruction planning of London: a wider perspective”, Birmingham City University Working Paper Series, no. 8, 2011, p.15


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Une grande partie de l’expansion s’est faite ainsi dans les nouvelles villes désignées par le gouvernement Attlee, au-delà de la Ceinture Verte créée autour de Londres des villes comme Hemel Hempstead, Harlow et Crawley.17 “Lorsque nous discutons de la planification de Londres, nous devons être sûrs dans notre esprit de ce que nous entendons par “Londres”. — Patrick Abercrombie18 ceinture urbaine intérieure ceinture périphérique ceinture verte ceinture rurale extérieure villes nouvelles 0

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40 km

Greater London plan: Four rings Abercrombie P., 1944 La croissance de Londres s’est arrêtée, les villes environnantes se sont étendues, huit nouvelles villes ont été proposées. Abercrombie/RIBA Collections, 1945 researchgate.net

L’expansion du parc de logements s’est continué dans les années 1960, la décennie qui a vu la construction de logements privés et municipaux atteindre un sommet d’après-guerre d’un peu plus de 400.000 par an. C’était l’époque des grands 17 PORTER R., “London, a social history”, Harvard Uninversity Press, Cambridge, Massachusetts, 2001, p.349 18 ABERCROMBIE, P., discussion faisant suite à un article de W.A. Ansell, rapporté dans Journal of the Royal Society of Arts, avril 1941, pp. 329-330.


ensembles, où la quantité se faisait au détriment de la qualité.

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ceinture verte ceinture périphérique 0

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60 km

Ceinture Verte de Londres Londres avec sa ceinture verte et ses nouvelles villes RASMUSSEN S.E., “London: the unique city”, MIT Press, Cambridge, 1988, p. 407

La double stratégie pour diminuer la densité de population et susciter le développement “mixte” par introduction d’une variété de logements sociaux était lancée par LCC. Ce programme devait répondre à la fois au manque de logements des années 1950-1960s. La demande de logements s’est accrue chez les jeunes, les jeunes mariés, les immigrants et les plus démunis. Ayant le choix entre un logement loué miteux ou cher et faisant la queue pour les propriétés mal entretenues du conseil municipal, de nombreux travailleurs économisaient de l’argent pour quitter le centre de Londres.20 Ruth Glass, sociologue allemande-britannique dans son ouvrage “London: Aspects of Change”, publié par le Centre d’études urbaines de l’UCL en 1964, introduit pour la première fois le phénomène de la gentrification. Elle explique, dans son 19 BULLOCK N., “Ideals, priorities and harsh realities: Reconstruction and the LCC, 1945–51”, Planning Perspectives, Volume 9, 1994 - Issue 1

20 PORTER R., “London, a social history”, Harvard Uninversity Press, Cambridge, Massachusetts, 2001, p.352

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ouvrage, q’an par un, dans les années 1950s et 1960s, de nombreux quartiers populaires de Londres, notamment ceux à l’est, ont été envahis par les classes moyennes - supérieures et inférieures. Une fois que ce processus de gentrification a commencé dans un quartier, il se poursuit rapidement jusqu’à ce que tous ou la plupart des occupants de la classe ouvrière d’origine soient déplacés et que tout le caractère social du quartier soit changé. Ainsi, la gentrification s’est répandue à mesure que les classes moyennes s’infiltraient et reprenaient les quartiers centraux et de banlieue abandonnés par leurs grands-parents et se livraient à une série d’améliorations. Dans l’aprèsguerre, les classes sociales à mobilité ascendante avaient tendance à quitter la ville. Maintenant, menées par une nouvelle classe moyenne, elles reconstruisent une grande partie du centre de Londres pour en faire un lieu de travail et de vie. Cependant, suite à la différence des classes qui ont occupé ces territoires et celles qu’y résident aujourd’hui, ces lieux représentent aujourd’hui une grande diversité sociale, ethnique et générationnelle. Ce sont ainsi des endroits très complexes de point de vue urbain et sont à l’origine de la polarisation sociale. Aujourd’hui, avec le flux de migration et l’accroissement naturel de la population urbaine, Londres grandit très rapidement. Ce qui était prévu dans les années 1930 et 1940 se produit aujourd’hui. Ainsi, la partie centrale de Londres est “superposée” et après avoir souffert dans le passé des embouteillages et de la délabrement des logements, aujourd’hui le bâti est remis en état à plusieurs reprises. Cela consiste à la rénovantion de vieux bâtiments potentiels et à l’augmentation de sa valeur et de son prix. Aujourd’hui, grâce à la Ceinture Verte, Londres ne s’étend pas au-delà de ses limites et ne consomme pas les zones rurales qui l’entourent. En revanche, la question de la gentrification, notamment à l’est de Londres et de ses impacts sur les Londoniens est de plus en plus discutée de nos jours. Alors, pour analyser ce secteur est de Londres et comprendre les influences spatiales urbaines, nous préciserons plusieurs notions afin de clarifier notre analyse: la gentrification, la régénération, la différence des classes sociales à Londres et ses flux, les dynamiques socio-économiques de la métropole londonienne et les acteurs principaux du réaménagement urbain de Londres. Nous compléterons notre recherche par des éléments historiques de cette gentrification particulière à Londres. Nous ne pourrons pas faire l’économie de l’étude de l’impact de la gentrification sur la vie des habitants, notamment sur la vie communautaire des quartiers analysés. Nous allons ainsi étudier les différents types et facteurs de gentrification, tels que la gentrification commerciale et spéculative, se produisant aux dépens des gens. Dernièrement, nous analyserons le rôle des artistes dans la régénération des quar-


tiers périphériques de Londres, ainsi que les souvenirs que la gentrification laisse dans la vie des londoniens. Enfin, nous essayerons de comprendre comment des interventions urbaines telles que la gentrification, affectent ou contribuent aux quartiers périphériques de Londres Est et à la vie de ses habitants.

La méthode de recherche La gentrification est un processus difficile à mesurer en raison de sa nature hautement théorique. Elle ne fait pas référence à un processus social visible ou appréhendé et se substitue à divers facteurs politiques, culturels et socio-économiques. En outre, c’est l’ensemble de processus qui se produisent dans une ville. Ainsi, afin d’étudier les différents types et facteurs de gentrification, nous nous servirons de différents outils selon deux approches de recherche: l’approche théorique et l’approche in situ. Recherche théorique Tout d’abord, nous démarrerons notre recherche par la lecture des ouvrages théoriques sur la notion de la gentrification et l’histoire de développement de Londres, ainsi que la production des cartes pour illustrer ces phénomènes. L’analyse historique et théorique du sujet d’étude est essentiel au développement de ce mémoire. Recherche in situ Ensuite, nous utiliserons la méthode empirique, consistant à la recherche in situ. Nous ferons un travail analytique et comparatif de la gentrification en se situant dans les quartiers périphériques est de Londres. De cette manière, nous pourrons comparer le different types et facteurs de la gentrification avec l’exemple des quartiers précisés. Cette approche sera accompagnée par un travail visuel photographique et schématique. Enfin, nous ne pourrons pas faire l’économie de la prise de contacts avec les habitants des quartiers, sous forme d’interviews et de questionnaires.

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© Anna Pak

Diagramme de réflexion sur la notion de la gentrification à Londres

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1 / LONDRES, DÉVELOPPEMENT DE LA VILLE


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Centre historique de Londres Š Anna Pak 2019


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1 / LONDRES, DÉVELOPPEMENT DE LA VILLE 1.1 Période ancienne - de 43 après J.-C. à 1066 Londres romain Les premières origines de Londres remontent à l’histoire ancienne, à l’an 43 après J.-C. La ville que les Romains ont créée, la ville romaine, a eu une grande importance dans l’histoire du Londres moderne. Tout d’abord, c’était un grand centre de communication. En raison de sa situation, elle est devenue le grand centre de la politique commerciale. La Tamise, sur laquelle Londres a été fondée à l’origine, se jette dans la mer du Nord par une large vallée argileuse bordée de collines de chaque côté, et correspond à l’embouchure du Rhin. À l’origine, les tribus du continent se sont déplacées vers le nord en suivant les grandes cours d’eau, d’où l’importance de la Tamise dans l’histoire de Londres. 21Après la découverte de cette partie du comté, les Romains l’ont renforcé par un système de routes et ont transformé le site en une terre prospère et paisible, grâce à leur pouvoir fortement centralisé et à un régime strict. Les routes romaines et les fortifications créées sur celles-ci furent les éléments fondamentaux de la ville de Londres que nous connaissons aujourd’hui. Londres à l’époque des Romains était un grand port maritime et le principal carrefour de toutes les routes inférieurs de ce territoire.22 Londres anglo-saxon Pendant le déclin de l’Empire romain, le pays est devenu faible et après le départ des Romains, le territoire a été dominé par la population initiale celtique. 21 RASMUSSEN S.E., “London: the unique city”, MIT Press, Cambridge, 1988, pp. 25-28 22 idem.


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La région est revenue à son état d’origine en devenant une destination attrayante pour les nouveaux immigrants. Les Anglo-saxons ont inondé le pays par les grandes vagues d’est vers ouest et ont tenté de détruire tout ce qui restait des Romains - leurs villas et temples, ainsi que les murs fortifiés atour de Londonium. Londres à cette époque a connu une période de ruines et de délabrement. Au cours du IXe siècle, la ville a subi de nombreuses attaques des vikings. En conséquence, des colons danois se sont installé dans la région, encourageant le commerce et ouvrant des entreprises dans la ville, la transformant en premier centre urbain d’Angleterre. Pourtant, à partir du 6ème siècle, Londres revivait grâce au commerce portuaire et à l’immigration. Les marchands arrivaient au Nord en provenance des villes riches commerciales du sud. Londres, à cette époque, était pour les italiens et les français, et plus tard aussi pour les marchands allemands, à peu près la même chose que Shanghai est aujourd’hui pour l’Angleterre - un centre de commerce semi-international, et le point d’accès à un grand marché dans un pays inconnu.23 Pendant de nombreuses années qui ont suivi, Londres a été considérée non pas comme une capitale de l’Angleterre, mais comme son principal centre commercial. 1.2 Période médiévale - de 1066 à 1485 C’est sous le règne des rois normands que Londres a commencé à être reconnue comme une ville indépendante fortifiée, siège de gouvernement. Un grand nombre de fortifications ont été créées à travers Londres afin de dominer la population indigène. Tower of London, à l’extrémité est de la ville, est l’un des plus grands exemples d’une nouvelle construction en pierre remplaçant les anciens ponts en bois. Un lieu important du Londres médiéval appartenait également à l’Église. De nombreuses églises ont été construites à l’intérieur de la ville et plus tard étendues à la campagne en raison du manque d’espace. L’Église était une organisation internationale représentant la civilisation de l’époque dans sa forme la plus élevée, introduisant la population à la culture et à l’éducation.24 Au cours du XIVe siècle, le port de Londres est devenu un lieu de commerce à l’échelle internationale. Cette activité s’est renforcée au cours du XVe siècle grâce à l’industrie textile.

23 RASMUSSEN S.E., “London: the unique city”, MIT Press, Cambridge, 1988, pp. 31-32 24 idem.


1.3 Période moderne - de 1485 au XVIIIème siècle Londres sous le régime de Tudors et de Stuarts Suite à la Réforme anglaise, l’Église d’Angleterre s’est séparée de l’autorité du pape et de l’Église catholique romaine. À cette époque, Londres était le principal centre des débuts du protestantisme en Angleterre. Le statut commercial de la ville et le flux de marchands ont contribué à la diffusion de nouvelles idées religieuses en Europe du Nord. 25 L’importance de Londres et son image de centre commercial de l’Europe ont connu une croissance rapide, surtout avec le nouveau flux d’immigrants. Ainsi, les huguenots ont trouvé refuge dans l’est de Londres au XVIIe siècle, en fuyant des persécutions religieuses en France. Enfin, la population a passé d’environ 50 000 habitants en 1530 à environ 225 000 en 1605.26 Il estimé qu’en 1600, 4 000 des 100 000 résidents de Londres étaient des étrangers, dont beaucoup sont des ouvriers et des commerçants néerlandais et allemands.27 Du XVIe au milieu du XVIIe siècle, Londres a bénéficié de la politique centralisée et de l’expansion du commerce maritime développée par les Tudors et poursuivie par les Stuarts. Malgré le succès de la ville dans la commerce et sa croissance continue, une grande partie de la population de Londres a été emportée par la Grande Peste, qui s’est produite en 1665. Il est estimé qu’elle a tué environ 100 000 personnes, soit près d’un quart de la population de Londres, en 18 mois.28 Le Grand Incendie de Londres, qui a détruit une vaste partie de la ville en 1666, a également mis fin à la peste bubonique et a causé la reconstruction du patrimoine perdu, dont la cathédrale Saint-Paul.

Grand Incendie de Londres, 1675 peintre inconnu gettyimages.com 25 PEVSNER N., “London I: The Cities of London and Westminster”, rev. edition,1962, Introduction p 48. 26 idem.

27 WINDER R., “Bloody foreigners : the story of immigration to Britain”, Abacus, Londres, 2005. 28 “The Great Plague of London, 1665”, Contagion, Historical Views of Diseases and Epidemics, Harvard University., library.harvard.edu

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Londres au XVIIIème siècle Le XVIIIe siècle à Londres a été marqué par la naissance de la révolution industrielle et une période de prospérité, ainsi qu’une augmentation de la population. La reconstruction des zones détruites par le Grand Incendie a encouragé l’épanouissement de l’architecture. Les flux de population reprennent et de plus en plus de gens affluent dans la ville à la recherche d’un emploi. Londres au XIXème siècle Au cours du XIXe siècle, Londres est devenue une capitale politique, financière et commerciale mondiale. En même temps que la révolution industrielle, les premiers chemins de fer sont apparus en 1836. La population s’est à nouveau accrue et la ville est devenue surpeuplée. Cela a nécessité l’expansion de Londres vers la campagne. De cette façon, de nouveaux chemins de fer devaient relier Londres aux banlieues récemment développées dans les comtés voisins. Ainsi, l’élan de la croissance massive de la population a créé une division des classes, où les classes les plus riches ont émigré vers les banlieues, laissant les pauvres habiter les quartiers du centre ville. Ceci peut être considéré comme la première prémisse à la naissance de l’embourgeoisement. De cette façon, la classe pauvre occupait principalement les bidonvilles à l’intérieur de la ville de Londres. La population de ces bidonvilles, cependant, augmentait avec l’arrivée constante d’immigrants cherchant à faire du profit dans l’une des plus grandes villes du monde à cette époque.29 Enfin, alors que la ville prospérait à grande échelle et maintenait sa richesse, la manière dont sa population en profitait, semble controversée.

Houseless and Hungry, 1869 Sir Samuel Luke Fildes La gravure illustre une file de personnes sans-abri qui demandent des billets pour passer la nuit dans un centre de travail. thetimes.co.uk 29 BULLMAN J., HEGARTY N., HILL B., “The secret history of our streets: a story of London”, BBC Books, Croydon, 2013, pp. 4-5


Londres au XIXème siècle Au début du XXe siècle, Londres était l’un des plus grands empires de l’histoire et continuait de croître et s’étendre vers les nouvelles banlieues. Ceci a été rendu possible par le développement des chemins de fer et des transports publics. La première guerre mondiale et les destructions qu’elle a entraînées, principalement dans la zone des Royal Docks, ont interrompu ce développement. Pendant l’entredeux-guerres, les londoniens se déplaçaient hors de la ville et la construction de logements dans la périphérie de Londres a connu un essor sans précédent. Une grande vague d’immigration a eu lieu à cette époque, alors que de nombreux juifs cherchaient refuge à Londres contre les nazis, principalement dans l’est de la ville. Pendant la Seconde Guerre mondiale, Londres a énormément souffert, surtout dans la partie orientale. Cela était dû au fait que les bombes étaient dirigées sur les Docklands mais étaient accidentellement larguées dans Londres Est.

Pompiers éteignant les flammes après un raid aérien pendant le Blitz, 1941 New York Times Paris Bureau Collection, archives

Les dommages les plus importants ont été causés par le bombardement Blitz entre le 7 septembre 1940 et le 10 mai 1941, et plus tard en 1944 et 1945 par les bombes volantes V-1 et les fusées V-2. Les destructions de la guerre devaient être réparées et de nombreuses stratégies et plans furent élaborés pour reconstruire Londres. Le logement est devenu l’un des problèmes majeurs, les soldats revenant de la guerre et ayant besoin de logements pour leur famille. L’État a commencé à fournir à la population de nouveaux immeubles d’habitation en hauteur pour répondre à la pénurie de logements. Ceci a été rendu possible par le développement du processus de construction préfabriquée. Ainsi, entre les années 1950 et 1960, Londres s’est

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Espace bâti de Londres de 1840 à 1929 RASMUSSEN S.E., “London: the unique city”, MIT Press, Cambridge, 1988, pp. 134-139


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remplie d’immeubles d’appartements de grande hauteur avec des jardins et des espaces communs. En outre, afin d’éviter le surpeuplement dans des logements au centre de Londres, les gens étaient encouragés à quitter la ville et à s’installer dans de nouvelles cités dans la banlieue. Dans la seconde moitié du 20e siècle, avec le développement de la mondialisation, de plus en plus de personnes venant de l’extérieur de l’Europe affluaient à Londres. Des gens des anciens territoires de l’Empire britannique, comme la Jamaïque, l’Inde, le Bangladesh et le Pakistan, se déplaçaient à Londres par grandes vagues, s’installant à Londres Est.Cela changeait l’image de Londres et la transformait en l’une des villes les plus diverses et les plus multiculturelles du monde. Cependant, ces changements créaient également une distance sociale au sein de la population d’un quartier, où les personnes d’une même nationalité se séparaient du reste des résidents. Des groupes culturels et ethniques s’installaient dans un quartier particulier et en modifiaient le caractère, ce qui poussait les premiers habitants à déménager. L’expansion de Londres vers la campagne a été stoppée par l’application de la stratégie d’une ceinture verte métropolitaine. Il s’agissait en théorie d’un territoire d’espace vert protégé où les nouvelles constructions étaient interdites.

1929


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1.4 Londres aujourd’hui Ville dispersée, ville concentrée Lorsque nous regardons Londres aujourd’hui, nous voyons que son image est très particulière. C’est une ville hors du continent qui a une histoire et un parcours de développement intéressants. Comme l’a dit Steen Eiler Rasmussen, Londres est une “ville dispersée”, qui se distingue des “villes concentrées” telles que Paris et Vienne.30 La valeur foncière des villes concentrées est comparativement élevée, non seulement dans le centre, mais aussi dans les banlieues. Par conséquent, les logements représentent les immeubles de grande hauteur avec peu d’espace pour les parcs. Alors que le type de la ville dispersée a des loyers fonciers plus bas, avec peu d’étages dans les maisons ouvertes sur un vaste territoire vert. Bien que la concentration dans une ville soit considérée comme quelque chose de défavorable, elle fait partie du processus naturel d’une ville en croissance contunue.

paris 1370

koln 1180

londres

Murs de fortification autour de Paris, Koln et Londres RASMUSSEN S.E., “London: the unique city”, MIT Press, Cambridge, 1988, p. 33

Londres, ou Londomium, à sa fondation, était une ville considérablement petite, car les murs romains formaient une étroite barrière autour de la ville. Si nous la comparons avec Paris et Cologne, nous pouvons voir à quel point la zone était petite. Et donc, juste parce que les limites de Londres étaient si étroites, la ville s’est développée très tôt au moyen de nouveaux établissements à l’extérieur des murs et est devenue une ville dispersée. Alors que Cologne avait une si grande superficie à l’intérieur de ses murs de fortification, qu’avec le temps elle s’est concentrée.31 Expansion de Londres, relation entre le rural et le urbain Patrick Geddes, biologiste et sociologue écossais, a élaboré explicitement une vue synoptique du rural et de l’urbain ensemble. Il s’agit d’une conception d’une tension entre la tendance expansive des villes, et la tendance réciproque de 30 RASMUSSEN S.E., “London: the unique city”, MIT Press, Cambridge, 1988, pp. 23-24 31 idem. pp.33-34


la campagne. Ainsi, la ville rayonne sur des axes qui se croisent, tandis qu’une force réciproque de la campagne se repousse dans la ville, en jaillissant d’une condition de bord articulé et ébouriffé - où les qualités de la côte rurale et urbaine ont été capitalisées en allongeant ce bord de forts contrastes et en le feignant avec des structures civiques, des terrains de jeux et des parcs pour l’étude de la nature.

Diagramme de relation entre l’urbain et le rural GEDDES P.. “Cities in evolution”, Williams & Norgate, Londres, 1915, p. 96

urbain > rural

rural > urbain

Division administrative de Londres Aujourd’hui, la ville de Londres représente un vaste territoire et comporte de nombreuses subdivisions. En 1888, London Council Authority (LCC)32 a été créé, afin d’apporter à une ville indisciplinée une forme de contrôle central. Il s’agissait de réformateurs sociaux de haut niveau ayant une grande vision pour l’avenir de la ville. En 1900, le comté a été subdivisé en 28 arrondissements métropolitains, qui formaient un niveau d’administration plus local que le conseil de comté. Métropole de Londres, ou la ville-région de Londres, comprend: • la région urbaine de Londres, correspondant à la zone occupée par les banlieues, comprenant un territoire à peu près similaire à la région du Grand Londres mais avec une population légèrement supérieure • l’aire urbaine de Londres (London commuter belt ou London Metropolitain Area) qui regroupe les territoires habités par des personnes se déplaçant quotidiennement (commuters) pour aller travailler à Londres.

32 Autorité du Conseil de Londres

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Carte générale de Londres © Anna Pak

Carte des centres administratifs de Londres (boroughs) © Anna Pak


1.5 Histoire, développement et limites de Londres Est Pendant des siècles, l’est de Londres a été associé à la pauvreté, à la souffrance et à la dégradation humaine. Alors que le centre et l’ouest de Londres étaient continuellement reconstruits et entretenus, cette partie de la ville est restée négligée et délabrée. Lieu de vie de la classe ouvrière industrielle, Londres Est peut être comparé à un moteur agité qui fait tourner toute la ville. Les quartiers Tower Hamlets du Mile End, Stepney, Wapping, Whitechape se sont développés grâce à des métiers maritimes tels que la construction navale, la réparation, la fabrication de voiles et le déchargement des cargaisons, qui dépendent d’une main-d’œuvre mal rémunérée, semi-qualifiée et occasionnelle. Au fur et à mesure que la ville entière de Londres grandissait et évoluait, les contrastes entre l’est délaissé et l’ouest riche s’accentuaient. En effet, tous les événements majeurs qui ont eu un impact sur la ville de Londres, tels que l’industrialisation et l’immigration, ainsi que plusieurs phases de déclin et les bombardements des guerres, s’ont fait ressentir essentiellement dans les quartiers péri-centraux. Déclin économique, hausse du chômage et de la pauvreté, dégradation du bâti, augmentation en flèche de la criminalité - ce sont les problèmes que cette région a connu pendant des siècles. “L’est de Londres est une vaste ville... un endroit choquant... un plexus maléfique de bidonvilles qui cachent des reptiles humains ; où des hommes et des femmes âgées vivent sur... du gin, où les cols et les chemises propres sont des défenses inconnues, où chaque citoyen porte un œil au beurre noir, et aucun ne peigne jamais ses cheveux.” 33 Avec le développement de commerce, Londres a connu un flux massif d’immigration à travers de siècles. Tout d’abord, les huguenots ont trouvé refuge dans cette région après avoir fuit les persécutions religieuses en France au XVIIe siècle, puis les irlandais sont venus suite à la famine des pommes de terre de 1840, les chinois sont arrivés au milieu du XIXe siècle. Les juifs fuyant les pogroms de l’Europe du Nord se sont installés localement entre 1860 et 1905 - une population de 10000 a trouvé refuge dans les quartiers Shoreditch, Spitalfields et Whitechapel.34 Ce flux a radicalement changé l’image de ces quartiers. Ainsi, les noms des rues ont été réécrits en yiddish et l’ancienne chapelle des huguenots sur Brick Lane est devenue une synagogue. Enfin, les pakistanais et les bangladais ont immigrés après la 33 Arthur Morrison, “Tales of mean streets”, 1894

34 BULLMAN J., HEGARTY N., HILL B., “The secret history of our streets: a story of London”, BBC Books, Croydon, 2013, pp. 144-145

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Seconde Guerre Mondiale. Ces groupes ethniques d’immigrants avaient tendance à vivre en communautés serrées, ce qui entraînait souvent une distance sociale au sein de la population d’un quartier. 35 De nombreux observateurs, poètes, artistes et statisticiens sont venus visiter cette partie de la ville au XIXème siècle. L’un d’eux était Henry Mayhew, journaliste et dramaturge. Son livre “London Labours and the London Poor”, publié entre 1851 et 1861, était un traité sociologique dans le moule classique et décrivait la vie dans Londres Est. “…[les habitants] étaient occupés à des métiers nocifs comme faire bouillir des tripes, fondre du suif ou préparer de la viande de chat…“36

Over London by rail Londres Est, le XIXe siècle Doré G., Blanchard Jerrold W., “London: A Pilgrimage”, 1872 bl.uk

Un autre artiste, Gustav Doré, a illustré les rues de Londres à l’époque victorienne dans son livre “Londres: un pèlerinage” en 1872. La représentation graphique du peuple est plutôt grotesque avec des détails choquants. Il a dépeint la misère et le désespoir présents dans l’Est de Londres à cette époque - les expressions sur les visages des gens et les conditions de leurs maisons - sales, dégoûtantes et terrifiantes. Dans les années 1930, le gouvernement britannique a construit plus d’un million de logements sociaux; plus d’un autre million ont été construits dans les années qui ont suivi la guerre. A partir des années 1930, la population juive de Londres Est a commencé à diminuer - elle a été attirée par les logements modernes avec des salles de bain privées, l’eau courante chaude et froide et toutes les commodités mod35 idem.

36 MAYHEW H., “London Labours and the London Poor”, Oxford World’s Classics, Londres, 2012


ernes. Dans les années 1960, la communauté juive avait déjà disparu et la nouvelle s’installait dans l’est de Londres.37 Un autre exemple serait la population bengalie qui existait à Londres depuis le XIXe siècle, lorsque les marins ont commencé à arriver sur les quais de la ville en provenance de l’Inde britannique. Ils sont venus à Londres pour collecter des fonds et retourner en Inde. La population bengalie a été impliquée dans le commerce du textile et s’installe principalement à Shoreditch.38

View In Wapping Wapping, Londres Est,1902 London J., “The People of the Abyss”, The MacMillan Company, New York, 1903

Subi à la pauvreté, aux maladies et aux crimes, Londres Est nécessitait de développement urbain, sociale et économique. Malgré les plans de réaménagement fournis par le gouvernement, cette partie de la ville est restée déprimée et dévalorisée, où la grande partie de bâtiments ont été détruits pendant la Deuxième Guerre Mondiale. La fermeture des quais et le déclin des industries de la région dans les années 1970s ont accéléré le processus de décadence de Londres Est. 37 BULLMAN J., HEGARTY N., HILL B., “The secret history of our streets: a story of London”, BBC Books, Croydon, 2013, p. 177 38 idem.

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2 / LE PHÉNOMÈNE DE LA GENTRIFICATION, ENTRE THÉORIE ET CRITIQUE


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Gentrification au bord de la Tamise Š Anna Pak 2019


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2 / LE PHÉNOMÈNE DE LA GENTRIFICATION, ENTRE THÉORIE ET CRITIQUE 2.1 Gentrification: origines, signification et utlisation du terme Le terme “gentrification” a été introduit pour la première fois par une sociologue marxiste allemande-britannique Ruth Glass dans son ouvrage “London: Aspects of Change”, publié par le Centre d’études urbaines de l’UCL en 1964. L’ouvrage avait pour but d’étudier et de décrire la structure sociale et les dynamiques de la population de Londres au début des années 1960s. Ruth Glass a consacré son travail à l’étude de la colonisation progressive des quartiers populaires entourant la City de Londres39 par une population prospère. La sociologue explique, dans son ouvrage, q’an par un, de nombreux quartiers populaires de Londres ont été envahis par les classes moyennes - supérieures et inférieures. Une fois que ce processus de “gentrification” commence dans un quartier, il se poursuit rapidement jusqu’à ce que tous ou la plupart des occupants de la classe ouvrière d’origine soient déplacés et que tout le caractère social du quartier soit changé.40 Neil Smith, géographe et sociologue écossais, dans son article “Gentrification and Uneven Development “, publié en 1982, donne une définition similaire à celle de Ruth Glass: “Par la gentrification, j’entends le processus par lequel les quartiers résidentiels de la classe ouvrière sont réhabilités par les acheteurs de la classe moyenne, les 39 La City de Londres: une ville, un comté et un district de gouvernement local qui contient le centre historique et le principal quartier central des affaires de Londres. Ses limites correspondent au Londonium romain, le premier établissement fondé par les Romains au 1er siècle après J.-C. 40 Glass R., “London: Aspects of Change”, 1964


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propriétaires et les professionnels des développeurs. Je fais la distinction théorique entre l’embourgeoisement et le réaménagement. Le réaménagement n’implique pas la réhabilitation des anciennes structures mais la la construction de nouveaux bâtiments sur des terrains déjà aménagés.”41 Pour Jan van Weesp, géographe néerlandais, la gentrification est profondément enracinée dans la dynamique sociale et les tendances économiques. Ses signes, ses effets et ses trajectoires sont en grande partie déterminés par son contexte local; les caractéristiques physiques et sociales des quartiers en question, les positions et les objectifs des acteurs, les fonctions dominantes de la ville, la nature de la restructuration économique et la politique gouvernementale locale. L’étude devrait tenir compte de cette complexité. Enfin, le “pourquoi” de la gentrification est moins important que le “comment” et les répercussions du processus.42 D’après David Ley, géographe anglo-américain, dit que les origines de l’embourgeoisement sont liées à l’évolution de la structure industrielle dans les grandes villes. Le passage d’industries manufacturières à des industries de services dans les centres-villes entraîne un changement simultané dans la structure de la classe professionnelle, qui passe d’une structure largement axée sur la fabrication de travailleurs à une structure de plus en plus dominée par des professionnels en col blanc dont les industries financières, culturelles et de services sont situées dans les grandes villes.43 Neil Smith, géographe écossais, suggère que la gentrification est un mouvement de capitaux et non de personnes. Pour lui, le moteur de l’embourgeoisement est la différence croissante entre la valeur potentielle des propriétés en milieu urbain et leur valeur foncière sous-jacente. Il suggère que cette différence crée un “écart de loyer“ croissant qui est exploité par les actions du capital immobilier, des agents immobiliers et des promoteurs qui ont gentrifient le logement sous-évalué du centre-ville à des fins de profit.44 41 SMITH N., “Gentrification and Uneven Development”, arcticle dans “Economic Geography”, vol. 58, No. 2, avril 1982, pp. 139-155 42 Jan van Weesep, ”Gentrification as a Research Frontier“, Progress in human geography, 18(1):7483, 1994

43 LEY D., “The New Middle Class and the Remaking of the Central City”, journal “Work, Employment and Society “, Vol. 12, No. 1 (MARCH 1998), pp. 182-184 44 SMITH N., “New Globalism, New Urbanism: Gentrification as Global Urban Strategy”, journal “Antipode”, Volume34, Issue3, 2002


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Relation entre les acteurs sociaux et spaciaux

RELATIONS ECONOMIQUES ET SOCIALES

LIEU ET ESPACE

© Anna Pak

MODÈLES DE VIE

RELATIONS SOCIALES

La gentrification est un processus économique, culturel, politique, social, ainsi qu’un phénomène institutionnel. En effet, les fractions de la petite bourgeoisie pro-urbaine avaient tendance à rénover le bâti ancien, principalement dans des quartiers bourgeois délaissés au fil du temps par les classes supérieures, à l’échelle individuelle.45 Ces interventions donnaient souvent de nouvelles images à ces quartiers avec une dominance claire de certains groupes sociaux tels que les artistes bohèmes ou communautés homosexuelles. De cette manière, les zones affectées par la gentrification sont essentiellement les quartiers populaires46, ou les zones presque délaissées, comme des lieux de dépôt, à des classes à revenu faible - les ouvriers, les familles immigrées, les retraitées. Ces zones sont ensuite appropriées par les classes supérieures, dont la nouvelle classe ouvrière, “new middle class”, et les classes inférieures sont éventuellement poussées à quitter ces quartiers. Enfin, la gentrification classique, ou traditionnelle, est le processus de transformation d’une zone inoccupée de la ville centrale en un usage résidentiel et/ou commercial de classe moyenne. Tout d’abord, c’est le processus par lequel les quartiers résidentiels de la classe ouvrière sont réhabilités par les acheteurs de maisons 45 Van Criekingen M., “Comment la gentrification est devenue, de phénomène marginal, un projet politique global”, 2008 46 voir la définition dans le glossaire


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de la classe moyenne, les propriétaires et les promoteurs professionnels. Ainsi, un gentrifier individuel possède de vieux logements désinvestis ou délabrés et les rénovent lui même ou en engageant des constructeurs et des décorateurs d’intérieur. Ceci entraîne l’embourgeoisement d’un quartier et le déplacement de la population moins riche.47 D’ailleurs, il existe une distinction théorique entre la gentrification et le réaménagement. Le réaménagement n’implique pas la réhabilitation d’anciennes structures, mais la construction de nouveaux bâtiments sur des terrains déjà aménagés. Ce sujet est sans doute un des plus discutés aujourd’hui. Premièrement apparue au Royaume Uni, à Londres, la notion de gentrification a beaucoup touché les plus grandes métropoles du monde à travers l’histoire. Étant un sujet vaste et d’une très grande échelle, la gentrification se trouve au croisement des différentes disciplines telles que l’urbanisme, l’architecture, la sociologie, l’économie, l’anthropologie, la géographie et la politique. Même si le terme n’a pas d’équivalent en français, ce processus a généré une grande transformation des centres-villes et a pris aujourd’hui une ampleur considérable dans toutes les villes du monde. Etant né dans le monde anglo-saxon, ce phénomène de la gentrification ne s’applique pas seulement au modèles types de Paris et de New York mais aussi à Bruxelles, Lyon, Barcelone et Naples. De nombreux facteurs sont liés à ce processus, dont la réhabilitation de l’habitat, nouveaux usages et nouveaux styles de vie, politiques urbaines renouvelées. Ainsi, il est intéressant de tester le modèle dans d’autres contextes historiques et culturels.48 Malgré le fait que les recherches et les discussions à propos de ce sujet ont continué au cours des derniers 40 ans, le phénomène de la gentrification reste actuel à nos jours et se produit dans les différentes parties du monde, grâce à la globalisation et la croissance constante de la population mondiale. La gentrification est une question d’intérêt politique car elle concerne la régénération au prix du déplacement. Les différentes interprétations et explications de la gentrification sont bien connues, mais l’argument qui sera avancé ici est que la gentrification est la manifestation sociale et spatiale de la transition d’une économie urbaine industrielle à une économie urbaine post-industrielle basée sur les services financiers, commerciaux 47 LEY D., “The New Middle Class and the Remaking of the Central City”, article dans “Work, Employment & Society”, vol. 12, No. 1, mars 1998, pp. 182-184

48 Fleury A., “Retours en ville - des processus de “gentrification” urbaine aux politiques de “revitalisation” des centres”, Paris, Descartes et Cie, collection “Les urbanités”Bidou-Zachariasen C. (dir.), 2003, 267 p.


l’argent

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le prix la valeur du bien foncier loyer foncier capitalisé

rent gap

loyer foncier potentiel Schema du différentiel de rente foncière basé sur la définition de Neil Smith © Anna Pak

le temps (à partir de la date de construction)

et créatifs, avec les changements associés dans la nature et la localisation du travail, la structure des classes professionnelles, les revenus, les styles de vie et la structure du marché immobilier. Aujourd’hui, la gentrification est une sous-discipline entière dans les études urbaines, et la notion a évolué au fur et à mesure que ses manifestations ont été observées dans le monde entier et que le rôle de l’État et des promoteurs privés dans son aggravation est devenu plus important et évident. Ainsi, la gentrification a muté au fil du temps et a produit de nouvelles formes. Ce que nous pouvons voir à Londres aujourd’hui est la troisième vague de l’embourgeoisement, ou la gentrification dirigée par l’État. De cette façon, la politique gouvernementale nationale et locale cherche activement à promouvoir et à soutenir l’embourgeoisement.49 Enfin, comme Ruth Glass l’a fait remarquer à juste titre, la gentrification est un processus qui, une fois lancé, est difficile à arrêter.

49 HACKWORTH J., SMITH N., “The Changing State of Gentrification”, article dans “Tijdschrift voor Economische en Sociale Geografie”, 92(4):464 - 477, novembre, 2001


POLITIQUE DE LA GENTRIFICATION

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L’ÉCONOMIE DE L’EXTRACTION DE LA VALEUR DES LIEUX

STRATÉGIE PROMOTIONNELLE

DES MODÈLES DE VIE IDÉALISÉS

Politique de la gentrification © Anna Pak

“Rent gap” Neil Smith, géographe écossais, a été le premier à développer la théorie de l’écart de loyers en 197950, comme explication économique de la gentrification. Selon ce principe, lorsque l’écart entre le “loyer” actuel ou le revenu de la propriété et le revenu potentiel était suffisamment important, les promoteurs s’y intéressaient et les capitaux privés y affluaient. Ses réflexions expliquent la politique urbaine britannique dans les Docklands au cours des années 1980 et au-delà, alors que des incitations et des allégements fiscaux ont été accordés aux promoteurs pour qu’ils investissent dans des zones industrielles autrefois délabrées. Le concept de placemaking est un terme vague qui semble provenir des États-Unis et Bruce Katz, spécialiste de “l’urbanisation mondiale”, dit que la fabrication de placards est un processus par lequel les anciennes zones industrielles et les centres-villes sont régénérées par “l’extraction de valeur” par “l’augmentation du rendement commercial” - ce qui signifie que le potentiel des anciennes zones industrielles et urbaines relativement bon marché pour produire un rendement bien supérieur attire les promoteurs. De leur côté, les communautés existantes ont tendance à être déplacées à mesure que le coût du logement monte en flèche. Le 50 Neil Smith, “Toward a Theory of Gentrification A Back to the City Movement by Capital, not People”, Journal of the American Planning Association, 45:4, 538-548, 1979


résultat est de “voir typiquement le remplacement des locataires” comme “les lofts d’artistes d’hier deviennent les condos des banquiers d’affaires de demain”.51 Strategie de la production de l’espace Lefebvre, par exemple, soutient que l’espace est compris comme un paysage physique et social qui est imprégné de sens dans les pratiques sociales quotidiennes liées au lieu et qui émerge à travers des processus qui opèrent à différentes échelles spatiales et temporelles.52 On distingue trois échelles différentes. Tout d’abord, l’espace perçu, qui comprend à la fois les bulles émotionnelles et comportementales qui entourent invisiblement le corps des gens ainsi que l’organisation spatiale complexe des pratiques qui façonnent les espaces d’action des ménages, des bâtiments, des quartiers, des villages, des villes, des régions, des nations, l’économie mondiale et la géopolitique mondiale. Deuxièmement, l’espace conçu se réfère à notre connaissance des espaces qui est principalement produite par des discours de pouvoir et d’idéologie construits par des professionnels tels que des planificateurs, des ingénieurs, des chercheurs, etc. Finalement, le troisième espace est l’espace où tous les espaces sont et où la subjectivité et l’objectivité, l’abstrait et le concret se rencontrent, etc. Cela englobe à la fois l’espace des usagers dans la vie quotidienne, l’espace mental, l’espace influencé par des processus sociaux, économiques et politiques plus larges, etc.53 Vagues de la gentrification Le processus de la gentrification a muté au fil du temps, s’éloignant de la définition classique. Cela s’est produit à différentes étapes que nous pouvons diviser en 3 vagues principales. La première vague, ou la gentrification ”traditionnelle”, est celle que Ruth Glass a décrit premièrement en 1964. C’est la première apparition remarquable de ce processus à Londres, que nous pouvons distinguer. Il s’agit d’une gentrification sporadique, se produisant localement dans certains quartiers de Londres Est. Ainsi, c’est le processus de la transformation d’une zone inoccupée de la ville centrale en un usage résidentiel et/ou commercial de classe moyenne. 51 NOWAK J., KATZ B., “The New Localism”, Brookings Institution Press, January 9, 2018 52 Lefebvre H., “Production de l’espace”, 1974 53 idem.

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La deuxième vague de la gentrification, ou la super-gentrifification, est imposée à un quartier déjà gentrifié; une qui implique un investissement financier ou économique plus important dans le quartier que les vagues de gentrification précédentes et qui nécessite donc un niveau de ressources économiques qualitativement différent. En d’autres termes, c’est la gentrification qui remplace lentement les anciennes classes moyennes professionnelles.54

PREMIÈRE VAGUE

DEUXIÈME VAGUE

DTROISIÈME VAGUE

Enfin, la troisième vague de la gentrification, menée par l’État, est centrée sur le rôle de l’Etat (local) en tant qu’instigateur, catalyseur ou sponsor de la restructuration socio-spatiale de la ville.55 La super-gentrifification, qui est imposée à un quartier déjà gentrifié, décrit un autre processus d’embourgeoisement qui a déjà eu lieu.

La super-gentrifification, qui est imposée à un quartier déjà gentrifié, décrit un autre processus d’embourgeoisement qui a déjà eu lieu.

La gentrification classique, sporadique, où les quartiers résidentiels de la classe ouvrière sont réhabilités par les acheteurs de maisons de la classe moyenne, les propriétaires et les promoteurs professionnels, ce qui entraîne l’embourgeoisement d’un quartier et le déplacement de la population moins riche.

54 LEES L., BUTLER T., “Super-gentrification in Barnsbury, London: globalization and gentrifying global elites at the neighbourhood level”, 2006

55 ALBERS B. M., “Introduction To The Forum: From Third To Fifth Wave Gentrification”, Royal Dutch Geographical Society, 2018


2.2 “The gentries”: processus de la gentrification en Angleterre L’utilisation du terme “gentrification” par Ruth Glass dans son ouvrage était purement ironique, comme le souligne Chris Hamnett, géographe britannique, dans son ouvrage “Gentrification and the Middle class Remaking of Inner London”.56 D’après lui, la notion est enracinée dans les subtilités de la structure de classe rurale anglaise traditionnelle qui a été conçu pour indiquer l’émergence d’une nouvelle “noblesse urbaine”. Les origines du terme viennent du mot “gentry” qui est traduit comme “petite noblesse”. Donc, littéralement, la gentrification ou la “gentry-fication”, signifie le remplacement d’une population existante par une noblesse. Sans doute, ce sujet est très controversé et représente deux parties opposées. Les tenants de cette politique se référent à la gentrification comme à la revitalisation qui sert à redynamiser la ville ainsi qu’à empêcher le délabrement urbain. D’autre part, les opposés suggèrent que, dans le cas où les résidents initiaux sont déplacés, ils ne sont pas en mesure de bénéficier des avantages menés par les nouvelles politiques urbaines. De plus, de ce point de vue, il est clair que cette démarche de gentrification avec son encouragement de flux résidentiel accroit exponentiellement et produit une demande de logement encore plus grande. Il s’agit ici du cycle continu, ou la demande induit le développement et l’inverse.

“Doonesbury”: définition de la gentrification Trudeau G.,1980 theguardian.com

Ainsi, avec le développement mondial de la technologie, des médias et de l’économie basée sur le travail non manuelle, on constate un exode de jeunes spécialistes vers les grandes villes. Ces personnes, cependant, choisissent de vivre dans les quartiers centraux afin de s’approcher de leur marché de travail et visent à établir 56 Hamnett C.,“Gentrification and the Middle class Remaking of Inner London”, dans “Urban studies”, 1961-2001, pp. 2401-2426

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Carte de pourcentage de personnes sans domicile fixe en Angleterre en 2016 GLA

un mode vie aisé et confortable. Les nouveaux arrivés ont tendance à s’installer dans les quartiers centraux et péricentraux bien équipés, en termes du transport, d’établissements éducatifs et espaces verts. On constate aussi une tendance dans les dernières décennies pour les nouveaux immigrés à revenu haut ou toutes classes supérieures de rénover ou réhabiliter les immeubles historiques délaissés dans les quartiers déprivés plutôt qu’occuper des logements neufs. Cela s’explique d’un certain point de vue par les racines de la culture anglaise et la philosophie d’un mode de vie aisé rural, d’où l’intérêt pour le patrimoine historique, ou “retour aux sources”. Il résulte, que suite à la croissance de développement et au flux vers les centre villes, l’intérêt pour la demande accroît simultanément. De ce fait, augmente le nombre de projets locaux de revitalisation tels que centres commerciaux, culturels ou éducatifs. Ces nouvelles facilités attirent encore plus d’investisseurs potentiels. D’autres facteurs incitent les gens à s’approprier des quartiers défavorisés ainsi de pousser les résidents d’origine à quitter leurs maisons. Un de ces facteurs est le manque de logements dans le pays, et surtout de logements sociaux. L’accroissement de la compétition dans tous les marchés ainsi que l’ignorance des quartiers déprivés ont menés par conséquent au cycle continu de la gentrification et de flux


social et spatial. Il est nécessaire de dire que la manque d’éducation est aussi un des plus grands facteurs de la précarité des résidents de ces quartiers. La gentrification est une question d’intérêt politique car elle concerne la régénération au prix du déplacement, il en résulte alors que ces conséquences se produisent à une très grande échelle. Il est discuté aujourd’hui que malgré le repoussement des résidents initiaux dans les quartiers dévalorisés, il est possible que les nouveaux établissements et nouveaux logements à prix élevé puissent revitaliser, déconcentrer ces zones et réduire le nombre de crime et augmenter la qualité de vie.57 Ainsi, on constate qu’environ 320 000 personnes ont été enregistrées sans domicile fixe en Grande-Bretagne, selon une analyse de l’organisme de logement Shelter. Il s’agit d’une augmentation de 13 000 personnes, soit 4 %, par rapport aux données de l’année dernière, ce qui équivaut à 36 nouveaux sans-abri par jour. C’est à Londres que le taux d’itinérance est le plus élevé, mais il a une tendance à augmenter dans les Midlands, le Yorkshire et le Humber, ainsi que dans le nord-ouest de l’Angleterre, selon l’analyse. Cette tendance peut être expliquée par la compétition et la croissance constante des loyer dans les grandes villes, des coupes dans l’aide sociale et d’un manque total de logements sociaux. Étant donné les facteurs et les conséquences de la gentrification, on peut voir, que les personnes affectées par ce processus sont: - les locataires à faible revenu - les personnes âgées - les immigrés et les groupes de minorité - les familles avec les enfants - ouvriers peu qualifiés et les petites entreprises

57 Khadduri J., “Deconcentration: What Do We Mean? What Do We Want?”, Cityscape:Housing Policy in the New Millennium Vol. 5, No. 2, 2001, pp. 133-182

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2.3 Naissance et développement de la gentrification à Londres La forme urbaine de Londres a été générée dans la profondeur d’une histoire sociale monumentale et multi ethnique. La ville est connue pour son esprit diverse et éclectique, cela du à son histoire et sa puissance mondiale, ainsi que sa position portuaire. Ville concentrée à division administrative sectorielle, sa géographie sociale urbaine s’imbrique dans deux des idéaux-types les plus connus de la sociologie urbaine américaine. Jusque dans les années 1970, le West End était considéré la bastion historique des classes supérieures dans le centre de Londres, avec des revenus plus hauts, tandis que Inner London représentait la classe ouvrière, “the working class”. La périphérie, quant à elle, représentait une large ceinture pavillonnaire proche de l’environnement rural, peuplée de classes moyennes et supérieures blanches selon les secteurs. C’était le lieu résidentiel de la totalité de l’agglomération périphérique - des stockbroker belts, des artistes à forte valeur commerciale, ainsi que des retraités aisés.58 A Londres, la gentrification a débuté dans les années 1950 et a beaucoup progressé dans les années 1970. Elle était largement terminée dans la plupart de quartiers de la métropole vers les années 1980. Les premiers quartiers “gentrifiés” (Islington, Camden) étaient ceux de la contre-culture des sixties. Le marché du logement de l’Inner London était alors aux antipodes de ce qu’il est devenu aujourd’hui – saturé et hors de prix. Il était constitué d’un stock d’anciennes maisons ouvrières et d’appartements vacants qui permettait aux communautés dont l’existence était réprimée dans les suburbs (gays et lesbiennes, artistes) de mettre en œuvre la rupture avec ces derniers tout en se rapprochant du centre historique et de la plupart des lieux culturels de la capitale (salles de concerts, expositions, cafés « branchés »).59 Les changements sociaux et du marché du logement associés à la gentrification au centre de Londres et aperçus dans les années 1960 et au début des années 1970, se sont considérablement développés depuis. Il est donc nécessaire de prendre en compte l’importance de la gentrification dans le remodelage dramatique de la géographie sociale du centre de Londres au cours des 30 à 40 dernières années. 58 Lebreton A., Mougel G., “La gentrification comme articulation entre forme urbaine et globalisation: approche comparative Londres/Berlin”, Espaces et sociétés, 2008/1 n.132-133 59 Lees L., Slater T., Wyly E., “Gentrification”, 2007. New York, USA: Routledge


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CAZ (controlled access zone) international metropolitan major district Zonage et centres importants de Londres carte basée sur les données de Greater London Authority © Anna Pak

“Londres est en train d’être “réaménagée” par une classe moyenne centrée sur la ville. Dans l’après-guerre, les classes sociales à mobilité ascendante ont eu tendance à quitter la ville. Aujourd’hui, sous l’impulsion d’une nouvelle classe moyenne, ils reconstruisent une grande partie de Londres en tant que lieu de travail et de vie.”60 Londres a été divisée en zones résidentielles marquées, dont l’objectif était d’identifier les zones présentant une “forte proportion de biens obsolètes”, par rapport aux autres qui étaient utilisées plus régulièrement. L’analyse au niveau d’un quartier soulève une problématique théorique plus profonde et fournit un autre niveau spatial sur lequel il est possible de développer une appréciation de l’importance du contexte pour comprendre la géographie de la gentrification. La croissance d’occupation de statut élevé est devenue liée aux rythmes socio-spatiaux de l’expansion de la gentrification dans les villes mondiales, dont Londres est l’un des exemples. Ainsi, il est possible de proposer que les actions liées à la politique de la gentrification à Londres sont considérées comme une stratégie de 60 Butler T., “De nouveaux intermédiaires sociaux? Les nouvelles classes moyennes et la reconfiguration de Londres” dans “Journal des anthropologues, Association française des anthropologues”, 1999

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distinction d’une fraction particulière de la classe moyenne. La première étape de la gentrification est presque insignifiante au regard de l’incidence actuelle de ce processus sur l’évolution de la structure urbaine londonienne. Londres sont considérées comme une stratégie de distinction d’une fraction particulière de la classe moyenne. La première étape de la gentrification est presque insignifiante au regard de l’incidence actuelle de ce processus sur l’évolution de la structure urbaine lond

moins de £1,500 £1,500 - £1,700 £1,700 - £2,150 £2,150 +

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dans les 20-50% les plus déprivés dans les 10-20% les plus déprivés dans les 5-10% les plus déprivés dans les 5% les plus déprivés Obstacles dans le domaine du logement et des services, 2019 carte basée sur les données de Greater London Authority © Anna Pak 0

10 dans les 20-50% les plus déprivés dans les 10-20% les plus déprivés dans les 5-10% les plus déprivés dans les 5% les plus déprivés Le taux de deprivation en 2019 carte basée sur les données de Greater London Authority © Anna Pak

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Gentrification à Tower Hamlets: nouveaux centres de bureaux, ainsi que les blocs d’appartements © Anna Pak 2019


3 / La gentrification dans les quartiers de Londres Est à l’épreuve des contextes urbains et sociaux

La gentrification a muté avec le temps, de sorte qu’elle comprend maintenant non seulement l’embourgeoisement traditionnel et classique dans la lignée de la définition de Ruth Glass, mais aussi la gentrification rurale, la gentrification de nouvelles constructions, la super-gentrification. Par conséquent, il y a une manque de signification de ce phénomène aujourd’hui. De plus, il semble important d’introduire une nouvelle définition ainsi qu’une nouvelle approche à ce terme. Comme le souligne pour la première fois le géographe écossais Neil Smith, il y a une relation entre la mondialisation, le néolibéralisme et l’évolution des rôles de l’Etat et la gentrification contemporaine. Il soutient que la gentrification est aujourd’hui une “stratégie urbaine globale” liée à un nouveau mondialisme.61 Le terme de gentrification est notamment intéressant puisqu’il est au croisement de différentes disciplines et groupes affectés: les gentrifiés et les gentrifieurs, les promoteurs et les acheteurs, les classes aisées et défavorisées, etc. La gentrification est un processus qui touche à grand nombre de personne, de différentes couches sociales et politiques. C’est pour cela qu’il est important de l’étudier dans les différents contextes qu’il soupçonne, tels que sociale (les groupes sociaux affectés et les origines du phénomène dans le comportement sociologique des gens), urbain (les limites spatiales des quartiers à gentrifier et le type d’architecture pour les revitaliser), et enfin, politique, car le coût de cette démarche est le déplacement des gens et l’itinérance.

61 Smith N., “New Globalism, New Urbanism: Gentrification as Global Urban Strategy”, 2002

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Dans ce chapitre, nous allons analyser la gentrification sous ses différentes formes et étapes dans trois grandes zones urbaines de l’Est de Londres: Tower Hamlets, Hackney et Newham. Ces zones représentent les villes à l’intérieur de Londres et connaissent des changements urbains et sociaux causés par les projets de redéveloppement.

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Plan de situation des quartiers etudiés, Londres, 2019 © Anna Pak

Hackney est connu comme un quartier populaire multiethnique, situé dans l’est de Londres. La région est généralement un endroit qui a été en grande partie creusé par la dégradation urbaine et qui a laissé peu d’identité et de capital social dans le quartier. De plus, Hackney a été classée deuxième autorité locale la plus défavorisée d’Angleterre en 201062. Malgré l’explosion de la prospérité de Londres, l’écart entre les riches et les pauvres ne cesse de se creuser, “ plus d’un tiers des enfants... et 30 pour cent des adultes qui travaillent dans le centre de Londres vivent dans la pauvreté. Les communautés ethniques noires et minoritaires ont souffert de manière disproportionnée de la marginalisation “, mais “ le prix des maisons à Hackney augmente à un rythme plus rapide que la moyenne londonienne malgré la croissance 62 LB Hackney Policy Team, 2016


des logements neufs. Aujourd’hui, Hackney figure sur la liste des quartiers londoniens en cours de “ régénération “, avec des quartiers comme Shoreditch et Hackney Fields déjà bien gentrifiés.

Stoke Newington Forum North East neighbourhood committee Homerton Forum Shoreditch neighbourhood committee Carte de division administrative de la communauté de Hackney © Anna Pak

Tower Hamlets est un quartier historique, anciennement peuplé d’immigrants au XIXe siècle. Le quartier londonien de Tower Hamlets comprend la plupart des quartiers traditionnels de l’East End, comme Bow, Whitechapel et Bethnal Green. Par contraste, l’arrondissement contient également le quartier d’affaires en plein essor de Canary Wharf. Tower Hamlets, malgré son caractère louche, est toujours un endroit populaire à visiter - Brick Lane et Bethnal Green attirent des foules de fêtards le vendredi soir, tandis que Broadway Market et Columbia Road Flower Market se remplissent religieusement de 30 personnes aisées chaque week-end. Newham

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Carte de division administrative de la communauté de Tower Hamlets © Anna Pak

Carte de division administrative de la communauté de Newham © Anna Pak


3.1 Le profit aux dépens des gens Eradication sociale: démolition de logements sociaux au profit de nouveaux projets de régénération dans les arrondissements de Newham, Hackney et Tower Hamlets Le marché du logement à Londres est une activité très demandée et les prix des loyers sont en augmentation continue. Néanmoins, la plupart des gens n’ont pas les moyens de vivre dans les nouveaux logements “abordables” de Londres, car la définition gouvernementale du “logement abordable” a été modifiée. Celle-ci correspond aujourd’hui à jusqu’à 80% de la valeur locative du marché et des logements de départ jusqu’à £450, 000.63 Aujourd’hui, avec la construction de nouveaux appartements, les prix du bien foncier ainsi que les prix du loyer à Londres continuent de monter. De plus, même si la politique de réhabilitation des quartiers a pour effet de construire davantage de logements, y compris 25 à 30% de “logements abordables”, ces logements ne seront plus abordables même pour les personnes à revenus relativement élevés, tandis que le logement social, qui est réellement abordable, est exclu de ses prix. Un rapport publié par l’Assemblée de Londres a constaté qu’entre 2005 et 2015, environ 30 000 logements ont fait l’objet de programmes de réhabilitation (démolition et reconstruction, en d’autres termes).Ces interventions ont presque doublé le nombre de logements et décuplé le nombre de logements privés, entraînant une perte nette de 8 000 logements sociaux.64 Ainsi, nous pouvons remarquer le phénomène de ”rent gap”, où l’écart entre le “loyer” actuel et le revenu potentiel est susceptible de s’accroître, en augmentant la valeur du bien foncier, notamment dans les quartier comparativement défavorisés, lorsqu’ils représentent un grand potentiel économique. Paradoxalement, la stratégie de la production d’espace par la création d’un plus grand nombre de logements, amplement illustré par toutes les grues et les chantiers de construction autour de Londres, ne répond pas aux vrais besoins de la ville.65

63 MINTON A., DUMAN A., JAMES M., HANCOX D., “Regeneration Songs: Sounds of Investment and Loss in East London”, Repeater Books, London, 2018, 56 64 assets.publishing.service.gov.uk

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A Blackwall Reach, qui remplace Robin Hood Gardens Estate, le prix de £572,000 semble aussi inabordable pour la plupart des Londoniens. La brochure de vente pour les appartements de Blackwell Reach, distribuée à Hong Kong en 2018, comprend une section instructive pour les investisseurs intitulée “Raisons d’acheter à Londres”. 66 à gauche Blackwall Reach E14, brochure de vente, 2018 lovewapping.org

à droite Publicité pour le lancement de projet de Blackwall Reach à l’Hôtel Mandarin Oriental, Hong Kong, 2018 lovewapping.org

Il souligne l’importance de Londres en tant que “havre de paix“, ce qui est un raccourci pour le régime fiscal et réglementaire assoupli de la ville, mais la raison principale est la pénurie de logements neufs, le graphique expliquant que 52 000 logements sont nécessaires chaque année à Londres mais que seuls 24800 ont été construits en 2016. Les investisseurs étrangers sont donc encouragés à acheter en partant du principe que les populations locales sont exclues du marché immobilier. Cela implique que le marché locatif privé offrira des rendements réguliers aux investisseurs asiatiques de classe moyenne à la recherche de revenus supplémentaires.67 Un autre exemple est Carpenters Estate, immeuble de logements sociaux qui est à être démoli prochainement. La décision de la démolition a été prise après les Jeux Olympiques en 2012 pour la situation de l’immeuble à proximité de nouveau village olympique. Carpenters Estate bénéficie d’un emplacement excellent au cen66 MINTON A., DUMAN A., JAMES M., HANCOX D., “Regeneration Songs: Sounds of Investment and Loss in East London”, Repeater Books, London, 2018, 57 67 idem.


tre de Stratford, dans l’arrondissement de Newham, à Londres. Le site s’étend sur 23 acres près de la gare de Stratford, ce qui assure d’excellentes liaisons de transport nationales et internationales. Stratford aura des liens encore meilleurs avec Londres lorsque les services Crossrail commenceront à fonctionner vers la fin de 2020. L’immeuble est également proche du centre commercial Westfield Stratford City qui a ouvert ses portes en 2011, ainsi que du Queen Elizabeth Olympic Park.

Robin Hood Gardens Estate, avant la demolition, 2018 theguardian.com

Les logements sociaux de Carpenters ont été construits dans les années 1970s et compte 710 appartements, dont 434 sont dans trois blocs de grande hauteur (James Riley Point, Lund Point et Dennison Point) et 276 sont dans des blocs de petite hauteur et des maisons en terrasse. Le Newham Council est le propriétaire majoritaire en pleine propriété du domaine, dont une partie appartient à la Worshipful Company of Carpenters. L’immeuble était auparavant géré par un organisme de gestion des locataires (Tenant Management Organisation - TMO), dont la gestion a été transférée au Newham Council en 2015. 68 Les résidents de l’immeuble ont passé un certain nombre d’années dans l’incertitude au sujet de leur maison. Les plans de régénération des appartements ont débuté en 2003 lorsqu’un plan directeur a été discuté et convenu avec le TMO. De 2005 à 2010, les propositions de réaménagement se sont concentrées sur la démolition des îlots de grande hauteur et de certains îlots de petite hauteur centraux qui seront remplacés par des logements de remplacement.69 68 www.newham.gov.uk 69 idem.

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En effet, ces exemples de la gentrification aux dépens des gens, illustrés dans cette partie, font preuve de la présence de la troisième vague de gentrification, menée par l’État et centrée sur le rôle de l’Etat (local) en tant qu’instigateur, catalyseur ou sponsor de la restructuration socio-spatiale de la ville.

Carpenters Estate aujourd’hui, 2019 theguardian.com

“This is the neoliberal âge and its wealth will fade but the environmental destruction it made the corporate power and violence of its rein will remain the birth of death with little left a désert of meaning a dessert of feeling the date sealing instead of healing or feeling in dusgust just the lust for more profit put the environment and … passing around there sharers champagne they’re splashing as your money there cashing put the world on rations profit coming in as the markets are crachin getting you bashing each other not them the faceof public space but its owned give the dog a bone or the corporation this shit for nothing croie capitalism loving”70

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Un poème laissé dans le Parc Olympique après les Jeux Olympiques de Londres en 2012 auteur inconnu MINTON A., DUMAN A., JAMES M., HANCOX D., “Regeneration Songs: Sounds of Investment and Loss in East London”, Repeater Books, London, 2018, pp. 64-65


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Gentrification à Newham: revitalisation de l’ancien site grand projet de régénération dans le cadre des Jeux Olympiques de Londres en 2012 © Anna Pak décembre, 2019


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Gentrification à Whitechapel et Spitalfields (Tower & Hamlets borough): nouveux projets de régénération dans les quartiers historiques et multi-ethniques © Anna Pak décembre, 2018


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3.2 La gentrification et l’esprit de la communauté Les quartiers résidentiels du centre de Londres ont fait l’objet d’une gentrification depuis le début des années 1950. La suburbanisation (migration de la classe moyenne vers les banlieues de l’agglomération londonienne) et la gentrification se sont révélées les plus majeurs dans le processus d’urbanisation du XXe siècle.71 Ces notions ont entraîné des changements sociaux, économiques et culturels importants. Cela a modifié et influencé la façon dont nous, en tant que société, percevons certaines régions et leurs habitants. La montée de la classe moyenne dans le quartier populaire du centre de Londres a non seulement joué un rôle important dans l’embourgeoisement, mais aussi dans la compréhension de la formation de la communauté et d’un sentiment d’appartenance à un espace urbain.72 Afin de comprendre les impacts que la gentrification donne à un quartier et ses habitants, nous allons examiner la relation entre l’acte d’embourgeoisement et la perception, et le sens de la vie communautaire dans un tel milieu. Il est bien connu qu’un but et un lieu sont deux phénomènes liés, qui coexistent et s’influencent mutuellement, et tout comme le but et le lieu, l’espace et la société sont liés ensemble. La communauté est un concept complexe et est devenue un élément important de notre société. En général, la “communauté“ est définie comme étant plus qu’une simple association, mais comme une forme d’unité et d’appartenance entre les individus.73 Ainsi, la façon dont l’idée de communauté est liée à la manière dont les gentrifieurs de l’est de Londres donnent un sens à l’espace gentrifiant, est importante. En tant que communautés de la modernité, les sociétés d’aujourd’hui ressentent une perte d’une partie de l’âme de la communauté traditionnelle (un fort sentiment d’appartenance à la appartenance) avec une nouvelle formation d’une communauté peu probable. L’esprit de la communauté est lié au sentiment d’appartenance à un espace urbain, nous allons donc étudier la notion même de l’espace pour comprendre son rôle dans ce processus. L’espace peut être considéré dans sa forme cartographique de région, de frontières et de paysage comme un moyen de cartographier et de naviguer dans le monde. De plus, il peut être etudié à travers les relations entre les choses comme un moyen de donner un sens au monde et à la création de lieux, les choses 71 Butler T., “For Gentrification?”, Environment and Planning A 39(1):162-181, janvier 2007 72 idem.

73 Avineri S., de-Shalit A., “Communitarianism and Individualism”, Oxford University Press, 1992


qui sont situées dans l’espace géographique sont spatiales. Cette spatialité se réfère à “comment l’espace et les relations sociales se font l’un à travers l’autre, c’est-à-dire comment l’espace se fait à travers les relations sociales, et comment les relations sociales sont façonnées par l’espace dans lequel elles se produisent”.74 Il s’agit de la relation entre l’espace, le lieu, la culture et l’identité. Si l’on veut explorer le discours de l’espace, un thème prédominant apparaît, c’est-à-dire les différentes couches et dimensions à travers lesquelles les processus se déroulent. Suit - la couche géographique, la couche structurelle et la couche du quotidien. Les trois dimensions interdépendantes de Lefebvre en sont une bonne illustration: “espace perçu”, “espace conçu” et “espace vécu”. • L’espace conçu et conceptualisé des planificateurs et d’autres professionnels, qui contiennent des représentations matérialisées sont considérées comme des représentations de l’espace. • Les pratiques spatiales qui légitiment l’idéologie sociétale, structurent la réalité et les modèles d’interaction produisent et reproduisent le normatif et ont une affinité avec l’espace perçu. • Enfin, l’espace de représentation de l’espace vécu, l’expérience quotidienne, est un espace de symboles, il recouvre l’espace conçu et fait usage d’objets et implique du temps et des normes.75 La position de Lefebvre est que toute personne a un “droit à la ville“, mais que la ville n’appartient à personne.76 La ville de Londres, comme toute ville globale, est généralement “ composée de migrations historiques “. Par conséquent, n’importe quel groupe peut mettre en œuvre ce “ droit à la ville “, mais la capitale de la noblesse amplifie leur sentiment d’appartenance. De plus, ils s’approprient l’histoire et l’esthétique de la communauté et, ensemble, ils renforcent leur revendication symbolique de légitimité et sapent la revendication déjà existante mais plus faible des groupes subordonnés. Nous pouvons imaginer comment une communauté est attachée à un lieu. Habituellement, cela se produit à travers une histoire commune, une expérience partagée, une culture commune, l’appartenance et l’attachement à certains lieux. Pourtant, cette notion de communauté imaginée implique que les espaces des com74 Kitchin R., Hubbard P., “Key Thinkers on Space and Place”, 2010 75 idem.

76 Lefebvre H., “Le droit à la ville”, 1968

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munautés imaginées sont essentiellement aussi imaginés et que ces revendications intangibles résident à l’emplacement de leur culture. Les gens réinscrivent et se souviennent de l’espace; cela devient à son tour des espaces d’appartenance à travers des “possessions“ culturelles et historiques qui sont pratiquées à travers des performances répétées de création de sens.77 C’est ainsi que certains groupes s’approprient des espaces spécifiques, donc l’appartenance“ à l’Est de Londres peut s’appuyer sur une communauté de résidents et de non-résidents qui croient avoir un droit collectif sur un territoire fondé sur une histoire ou une expérience qu’ils croient partager. Même après leur départ, les gens éprouvent des difficultés à s’adapter à de nouveaux environnements. Les personnes âgées et les jeunes familles sont les plus vulnérables lorsqu’il s’agit de quitter leur quartier familier. Dans leur nouveau foyer, ils ont de la difficulté à socialiser et à trouver des amis, des lieux d’intérêt et d’interaction. De cette façon, changer de quartier signifie beaucoup plus pour la plupart des gens que simplement changer de maison. La gentrification, dans ce cas, a un grand impact sur les gens, surtout sur leur santé mentale. Il a prouvé que les résidents des zones gentrifiées sont sujets à l’anxiété et à la santé mentale car cela affecte gravement leur vie. Ainsi, les résidents des quartiers “démunis“ de quartiers “à réaménager“ sont plus susceptibles d’être liés entre eux et d’avoir un plus grand sentiment d’appartenance et de communauté. Cela montre que les souvenirs et les expériences vécues dans une région sont un facteur qui lie les gens à un endroit. En fin de compte, ce sont les souvenirs sentimentaux et les liens humains qui ont de la valeur pour beaucoup de gens.

L’école Mary Datchelor, Londres, 2019 googlemaps.com 77 Avineri S., de-Shalit A., “Communitarianism and Individualism”, Oxford University Press, 1992


Un des exemples est le cas de la conversion de l’école Mary Datchelor au sudest de Londres. Une haie sépare les propriétaires privés (en haut) et les locataires de logements abordables (en bas à droite). Tower Hamlets est l’une des communautés les plus diversifiées de Londres, avec les quartiers de Whitechapel, Brick Lane et d’autres qui ne sont pas paisibles et illustrent la division sociale au sein de la population de ces zones. Ces quartiers portent les conséquences de la forte immigration des ouvriers - la classe moyenne provenant de différentes partie du pays et du monde. Ces flux de migration ont transformé Londres Est en zone la plus multi-culturelle et diverse de la ville. Ici, les différents groupes ethniques constituent des communautés fermées, limitées spatialement à certains quartiers. Un autre example est le quartier de Canary Wharf. Une fois la zone industrielle de quais au bord de la Tamise, aujourd’hui, cette partie de Londres Est est lieu de vie et de travail de la nouvelle classe moyenne - les jeunes professionnels, employés financiers et des médias. Largement détruit pendant la guerre, l’ancien quais de Londres a été transformé en nouveau centre financier et économique de la ville, offrant une grande variété d’appartements dans les nouveaux gratte-ciels. Ce quartier, très confortable à cette nouvelle classe moyenne en raison de la proximité de bureaux aux lieux de vie, et des commodités de la vie moderne, semble être un endroit parfait pour les jeunes professionnels. Néanmoins, la proximité de lieu de travail et le manque d’espaces verts dans le quartier, empêche les relations sociales entre les habitants. Ainsi, les résidents se retrouvent limités a leur trajet au travail et n’établissent pas les liens avec ses voisins. De cette façon, le sentiment de la solitude devient de plus en plus actuel dans la vie des londoniens.

Croquis de la gentrification à Canary Wharf et Royal Docklands © Anna Pak 2019

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Gentrification à Tower Hamlets: revitalisation de l’ancien site industriel d’entrepôts et de quais sur la Tamise, de Canary Wharf à Royal Docklands © Anna Pak 2019

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Gentrification à Tower Hamlets: revitalisation de l’ancien site industriel d’entrepôts et de quais sur la Tamise, de Canary Wharf à Royal Docklands © Anna Pak 2019

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3.3 Le rôle des artistes dans la régénération Le lien entre les institutions éducatives et artistiques et l’influence de la classe créative sur l’apparence et l’esprit des quartiers (Stratford, Greenwhich, Hackney, Newham) Afin de comprendre la gentrification dans le contexte social et spatial, nous devrions analyser les acteurs dans ce processus, notamment les gentrifieurs et les personnes responsables de l’embourgeoisement d’un quartier. La gentrification se produit, dans la plupart des cas, dans les quartiers avec un caractère fort. Cela attire les gens de l’extérieur du quartier et rend la zone interessante et désirable. Ainsi, les artistes sont souvent les moteurs de cet embourgeoisement car ils représentent l’esprit du quartier et lui donne une image remarquable. Les artistes, qui ont généralement des revenus relativement faibles, s’installent dans des quartiers de la ville avec les loyers abordables. Leur présence rend l’espace intéressant et entraîne un intérêt accru pour les propriétés dans le quartier. Cela permet de voir le quartier se changer et se développer. Paradoxalement, le caractère unique du quartier, qui a initialement attire l’attention des promoteurs, se perd éventuellement après la construction de nouveaux appartements et cafés à la chaine. Finalement, avec l’augmentation de loyer dans le quartier, les artistes n’ont q’un seul choix que de partir ailleurs.78 Aujourd’hui, les conseils d’état et les promoteurs tentent d’imiter ce processus organique, dirigé par les artistes, en déplaçant délibérément les artistes dans les quartiers des villes qu’ils souhaitent voir se développer. Malheureusement, l’art à Londres est en train de se capitaliser et les artistes sont utilisés comme des moyens de gentrification et afin de cacher le processus de démolition ou d’éradication à l’intérieur d’un quartier. Cela crée des ruptures au sein de la population d’un quartier, opposant la classe moyenne et inférieure aux artistes.79 Le bord de l’eau à Stratford dans le district culturel et éducatif et HereEast dans le parc olympique sont des exemples phares avec des musées et des institutions culturelles du monde entier, un centre technologique, le London College of Fashion de l’UAL et les écoles d’ingénieurs et d’architecture Bartlett de l’UCL. A Greenwhich Peninsula, la présence de l’école d’art Ravensbourne apporte une activité et un “sentiment d’appartenance” à la région. Richard Florida, dans son livre “The rise of the creative class” explique que les travailleurs du savoir - dans le design, la technologie, l’éducation, les arts et le divertissement - sont le moteur de la croissance par l’innovation et la fabrication de producteurs d’espace - devraient viser à attirer ces types qui font progresser la nouvelle économie et s’attachent à 78 FRANCIS A., “‘Artwashing’ gentrification is a problem – but vilifying the artists involved is not the answer”, article sur theconversation.com, publié le 5 octobre 2017 79 idem.


des lieux branchés.

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La création de “clusters d’innovation” qui comprennent idéalement une université, un espace commercial, des magasins, des restaurants et des logements sous forme d’appartements de luxe, est le modèle généralement privilégié dans un environnement privé de haute sécurité, de style Canary Wharf. Un tel exemple du rôle des artistes dans la gentrification est le quartier Hackney à Londres Est. Comme beaucoup de quartiers du centre-ville, Hackney subit un vaste processus de gentrification. C’est un quartier “branché” bien connu pour les jeunes professionnels et les artistes. Une zone spécifique a l’intérieur de Hackney - Shoreditch - est très connu comme lieu de vie et de travail de la plupart des artistes de Londres. Vif, expressif, dicerse, l’arrondissement de Hackney a beaucoup évolué au cours des dernières années. D’un quartier défavorisé, il est devenu un lieu d’habitation à la mode aujourd’hui. Ainsi, avec la construction de nouveaux centres commerciaux pop-up comme Boxpark à Shoreditch - un lieu d’attraction pour de nombreux artistes - et de nouveaux cafés et magasins, le quartier n’est plus rien qu’avant. Il se peut que les gens déménagent à Hackney dans leur foule pour faire partie de l’ambiance authentique qui est annoncée, mais on peut soutenir qu’ils vont l’obtenir. Il y a encore 10 ans, il n’y avait pas grand-chose dans ce quartier à l’époque. Le quartier était principalement habité par les ouvriers des usines et les artistes. En effet, le quartier était surtout attrayant pour les artistes car le loyer était moins cher que dans d’autres quartiers de la ville et malgré son caractère louche, le quartier était un endroit confortable et convivial. Les artistes qui s’ont installé dans cette partie de la ville, ont formé un sentiment de communauté entre eux et d’appartenance à cet espaces. Des ateliers d’artistes situés dans des entrepôts historiques - plusieurs biens de valeur communautaire - sont démolis pour faire place à des aménagements à usage mixte avec des appartements et des magasins.

Croquis de la gentrification à Hackney © Anna Pak 2019 80 FLORIDA R., “The Rise of the Creative Class: And How It’s Transforming Work, Leisure, Community, and Everyday Life”, Basic books, New York, 2003

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Gentrification à Shoreditch: nouveaux centres de bureaux ainsi que le centre commercial pop-up Boxpark Š Anna Pak 2019


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Croquis de la gentrification à Shoreditch © Anna Pak 2019


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Gentrification à Hackney: interventions urbaines à Hackney High Street © Anna Pak 2019

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Conclusion | Ouverture

La ville de Londres est un exemple spectaculaire de développement spatial urbain et social. Ville dispersée, diverse et éclectique, son image d’aujourd’hui a été formée par l’ensemble d’influences socio-économiques et historiques. La métropole londonienne a développé de manière radicale après sa fondation en 43 après J.-C. Son importance, ses limites, ainsi que les caractéristiques de sa population ont muté avec le temps. Ville portuaire et capitale de commerce en Europe de nord au Moyen Age, ville industrielle a l’époque victorienne - Londres avait toujours un caractère unique comparé à d’autres villes du Continent. Cette ville est un des premiers modèles de la gentrification et illustre les facteurs et les conséquences de ce processus, tels que la différence des classes sociales et les flux de migration, les stratégies de politiques urbaines, les dynamiques socio-économiques et l’écart de loyer, et enfin du compte, les acteurs de l’embourgeoisement. À travers cette recherche, nous avons abordé les notions principales liées au phénomène de la gentrification, nous nous sommes fournis des éléments historiques de cette gentrification particulière à Londres. Enfin, nous n’avons pas fait l’économie de l’étude de l’impact de la gentrification sur la vie des habitants, notamment sur la vie communautaire des quartiers de Londres Est. Cette étude nous a servi à comprendre les différentes étapes et types de la gentrification qui s’est produit à Londres à partir de la deuxième moitié du XXème siècle. Ainsi, nous avons découvert de nombreux facteurs et acteurs dans ce processus, tels que le rôle des artistes dans l’arrondissement de Hackney et l’importance de l’esprit de communauté en analysant les quartiers Tower Hamlets et Newham.


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Pour conclure, la notion de la gentrification est un sujet extrêmement sensible et controversé. Il est possible de proposer autant d’arguments pour l’avantage de l’embourgeoisement, que pour ses détriments. Il est ainsi difficile de dire si les interventions urbaines telles que la gentrification, affectent ou contribuent aux quartiers périphériques de Londres Est et à la vie de ses habitants. Néanmoins, nous pouvons souligner les points principaux lorsqu’il s’agit de la gentrification: • De petites interventions dans le tissu urbain existant peuvent améliorer l’attractivité de la zone, ce qui améliore la volonté de les utiliser. • De nouveaux projets de régénération dans des zones relativement défavorisées peuvent créer des possibilités d’améliorer ces zones. Cependant, lorsqu’on intervient dans un tissu urbain pour attirer plus de gens de l’extérieur en raison de ses caractéristiques intéressantes, il est important de conserver ces caractéristiques. • Lorsqu’il s’agit d’améliorer les zones défavorisées et de se concentrer sur l’amélioration de la situation de la population actuelle, il est plus efficace de se concentrer sur le support de la population initiale que sur la création d’une nouvelle population mixte. Enfin, l’embourgeoisement peut en fait améliorer un quartier en améliorant les conditions de logement, en créant plus d’emplois, en attirant de nouveaux résidents et en diminuant la criminalité dans le quartier et souvent le prix en vaut la peine. Cependant, dans de nombreux cas, une zone n’a pas besoin d’être améliorée et les projets de régénération, imposés par les promoteurs et le gouvernement, créent plus de problèmes aux résidents qu’auparavant, tels que des ruptures sociales et spatiales et des déplacements. En effet, avant de mettre en œuvre la gentrification dans un quartier, il faut se demander si elle est vraiment nécessaire.


89


90

Bibliographie

Livres consultés ATKINSON R., BRIDGE G., “Gentrification in a Global Context: The new urban colonialism”, New York, Routledge, 2005. ATKINSON, R., “Measuring Gentrification and Displacement in Greater London: An Empirical and Theoretical Analysis”, Urban Studies, n° 37 (1), p. 149-165, 1997. ATKINSON R., “The gentry in the city: upward neighbourhood trajectories and gentrification”, Glasgow, University of Glasgow, 2003, Cote: P 1830-40-12. BENOÎT E., “Villes et résistances”, Revue Agone: histoire, politique & sociologie, n.38/39, 2008. BIDOU-ZACHARIASEN C. (dir.), “Retours en ville - des processus de “gentrification” urbaine aux politiques de “revitalisation” des centres”, collection “Les urbanités”, Descartes et Cie, Paris, 267 p., 2003. BULLMAN J., HEGARTY N., HILL B., “The secret history of our streets: a story of London”, BBC Books, Croydon, 2013, pp. 4-5 BUTLER T., Robson G., “London Calling. The Middle Classes and the Re-making of Inner London. Oxford, New York: Berg, 2003. EVENO C., “Histoires d’espaces”, Sens & Tonka, Paris, 2011.


GLASS R., “London: aspects of change”, MacGibbon & Kee, Londres, 1964. GLINERT E., “The London Compendium: A street-by-street exploration of the hidden metropolis”, Penguin, Londres, 2004. GREATER LONDON AUTHORITY, “Towards the London Plan: Initial Proposals for the Mayor’s Spatial Development Strategy”, Londres, GLA, 2001. HAMNETT C., “Gentrification and the Middle-class Remaking of Inner London”, 1961– 2001. Urban Studies, Vol. 40, No. 12, 2401–2426, 2003. LEBRETON A., MOUGEL G., “La gentrification comme articulation entre forme urbaine et globalisation: approche comparative Londres/Berlin”, Espaces et sociétés, 2008/1 n.132-133. LEES L., SLATER T., WYLY E., “Gentrification”, New York, USA: Routledge, 2007. LEFEBVRE H., “La production de l’espace”, Anthropos, Paris, 2000. MINTON A., DUMAN A., JAMES M., HANCOX D., “Regeneration Songs: Sounds of Investment and Loss in East London”, Repeater Books, London, 2018. RASMUSSEN S.E., “London: the unique city”, MIT Press, Cambridge, 1988.

91


92

Thèses et mémoires consultés ARTUSIO M., ALEROD Z., DAVIS B., DONG D., KONE J., NELSON A., J., RANDALL K., SAN ROMAN A., “Comparative gentrification policy: displacement, housing instability and homelessness”, University of Pennsylvania, 2017 HENDRIKS R., “Regreeneration: an approach to anticipate on new built regeneration projects in order to improve deprived neighbourghoods”, Delft University of Technology, 2014. KUNTZ B., “La gentrification, processus non linéaire. Évolutions systémiques face à un quartier atypique: le Neudorf à Strasbourg”, ENSAS, 2017. PRECHTL C., “La “gentrification”: un débat sur la signification, l’utilisation et la légitimation du terme”, ENSAS, 2015. RAZAFINIANANA J., “L’identité locale à l’épreuve de la gentrification: le cas de la patrimonialisation du marché couvert de Brixton”, ENSAS, 2017 . WEYMANN V., “Leipziger Vorstadt, Dresde: gentrification ou nouveau paradigme de planification?”, 2015.

Sources audio-visuelles DUMAN A., “Music for masterplanning: Sounds from the Arc of Opportunity”, 2017 youtu.be/oViCH0KCOQc LA NUEVE PRODUCTIONS, film documentaire “The Wick”, Londres, 2019 youtu.be/2Gp-QQkWknQ VICE, film documentaire “The War to Live in London: Regeneration Game”, 2015 youtu.be/82tgwk1IWIE


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94

Table de matières

Remerciements Sommaire Avant-propos Introduction La problématique, le contexte du sujet et les questions à aborder La méthode de recherche Recherche théorique Recherche in situ

5 7 8 13 21 21 21

1 / LONDRES, DÉVELOPPEMENT DE LA VILLE 1.1 Période ancienne - de 43 après J.-C. à 1066 Londres romaine Londres anglo-saxonne 1.2 Période médiévale - de 1066 à 1485 1.3 Période moderne - de 1485 au XVIIIème siècle Londres sous le régime de Tudors et de Stuarts Londres au XVIII siècle Londres au XIX siècle Londres au XX siècle 1.4 Londres aujourd’hui Ville dispersée, ville concentrée

27 28 29

34


Expansion de Londres, relation entre le rural et le urbain Division administrative de Londres 1.5 Histoire, développement et limites de Londres Est

95

37

2 / LE PHÉNOMÈNE DE LA GENTRIFICATION, ENTRE THÉORIE ET CRITIQUE 2.1 Gentrification: les origines, la signification et l’utilisation du terme “Rent gap” Stratégie de la production d’espace Vagues de la gentrification 2.2 “The gentries”: le processus de la gentrification en Angleterre 2.3 Naissance et développement de la gentrification à Londres

43

51 54

3 / LA GENTRIFICATION DANS LES QUARTIERS DE LONDRES EST À L’ÉPREUVE DES CONTEXTES URBAINS ET SOCIAUX 3.1 Le profit aux dépens des gens Cas de Tower Hamlets: projet de Blackwall Reach 3.2 La gentrification et l’esprit de la communauté Espaces d’appartenance à travers des “possessions” et des expériences partagées, cas de Canary Wharf et de Royal Docklands 3.3 Le rôle des artistes dans la régénération Gentrification à Hackney Conclusion | Ouverture Bibliographie Table de matières Annexes Glossaire Questionnaires Interviews

63 72 80

87 90 94 97 98 100 108


96


Annexes


98

Glossaire

“Urbanisation” ou “transition urbaine” Il s’agit d’un déplacement d’une population dispersée dans de petites agglomérations rurales, où l’agriculture est l’activité économique dominante, vers une population concentrée dans des agglomérations urbaines plus grandes et plus denses, caractérisées par une prédominance des activités industrielles et des services.1 Métropole de Londres Métropole de Londres, ou la ville-région de Londres, comprend: • la région urbaine de Londres, correspondant à la zone occupée par les banlieues, comprenant un territoire à peu près similaire à la région du Grand Londres mais avec une population légèrement supérieure • l’aire urbaine de Londres (London commuter belt ou London Metropolitain Area) qui regroupe les territoires habités par des personnes se déplaçant quotidiennement (commuters) pour aller travailler à Londres. Banlieue En termes généraux, les banlieues peuvent être décrites comme des extensions ou des dépendances d’établissements plus importants - quelque part avec une relation claire avec une ville ou un village, mais avec son propre caractère distinct. La plupart des endroits que nous considérons aujourd’hui comme urbains étaient autrefois des banlieues. Mais avec le temps, elles ont été dépassées par l’expansion vers l’extérieur de l’établissement d’origine, de sorte qu’elles ne sont plus que des banlieues au sens historique du terme. La définition du caractère suburbain remonte au XIXe siècle: 81 undocs.org/E/CN.9/2018/2


les citadins fortunés vivaient depuis longtemps, du moins en partie, en dehors des centres urbains pollués et parfois dangereux. Mais l’évolution rapide des transports a permis à une proportion croissante de personnes de vivre pour la première fois à une certaine distance de leur lieu de travail. Cela a donné de la popularité et de l’élan à la banlieue anglaise.2 Classes / quartiers populaires de Londres Un quartier dit populaire réunit sous une même dénomination des habitants et des situations qui peuvent être très hétérogènes: des ouvriers, des employés, des chômeurs, des immigrés, des retraités, etc. La population de la ville de Londres se pose sur trois grandes classes socio-économiques - la classe ouvrière en déclin, la classe créative croissante des travailleurs du savoir, des professions libérales, de la technique et de la culture, et la classe encore plus importante des travailleurs des services à faible salaire et peu qualifiés qui occupent des emplois de services courants. La classe créative de Londres est très concentrée dans et autour du centre ville. La classe des services, les zones rouges sur la carte, est repoussée vers la périphérie de la ville et est répartie en trois grandes zones au nord-ouest, au nord-est et au sud de la ville. La classe de service est la plus importante de London, comptant 1,9 million de résidents et représentant 46,5 % de la main-d’œuvre de la ville.3 Borough Circonscription administrative du Grand Londres. En 1900, le comté a été subdivisé en 28 arrondissements métropolitains, qui formaient un niveau d’administration plus local que le conseil de comté. Chacque arrondissement est gouverné par un conseil d’arrondissement de Londres.

82 “The Heritage of Historic Suburbs”, historicengland.org.uk

83 FLORIDA R., basé sur les données de MPI report on the geography of class and education in London, 2013

99


100

Questionnaires

Number of Guests 18 Total Costs €76,90

OVERVIEW 1. AreBUDGET you male or female?

23 %

€23,10 €12,80 €7,65

77 %

€12,80 €10,30 €38,50

Female

Male

€182,05

Number of Guests

1

18

BUDGET OVERVIEW 2. What actegory includes your age? 10 %

Total Costs €10,30 €7,65

39 %

13 %

€12,80

8 %

€7,65 €12,80

8 %

10 %

13 %

€10,30 €38,50 €100,00

1

19-25 39-45 60 or over

26-31 46-52

32-38 53-59


Guests

101

OVERVIEW 3. AreBUDGET you currently... 3 %

al Costs €41,00

31 %

€15,40

41 %

€2,60

8 % 3 % 15 %

€7,70 €30,80 €2,60

Employed for pages Self-employed Upper management Out of work and looking for work Junior management A student Support staff Retired Trained professional Unable to work Researcher

€38,50

€138,60

ing

Middle management Administrative staff Student Skilled labour Self-employed / Partner Homemaker Design company director

Retired Professional painter / Artist

€30,00

4. What is your occupation/profession?

€22,50

Per-Person Cost €15,00 €10,30

Total Costs

Budget Planning €15,40 €7,50 Total Costs €0,00

€2,60 €12,80 €2,60 €7,70 €25,60

BUDGET

Per-Person Cost

Yes Upper management Both management Junior €30,00 Islingtonstaff Support Trained professional Researcher Retired Professional painter / €22,50 Artist

€30,00

OVERVIEW 5.€5,10 AreBUDGET you originally from London? €2,60

er €2,60 Description d Costs Yes €5,10 €10,30 36 % No €2,60 €15,40 €2,60 Artist Both €2,60 tor €2,60 Both €12,80 Islington €2,60 Student €7,70 Trained professional Yes €25,60 Skilled labour €5,10 Researcher €2,60 Self-employed / Partner €2,60 1

€22,50 Per-Person Cost €46,20 €35,90

€15,00

€17,90

€70,00

64 % €12,00 €8,00 €52,50

€7,50

€7,70

€0,00

No

€25,60 €5,10 €2,60 €2,60

1 €35,00

Total Costs Yes Junior management Support €15,00 staff Trained professional Researcher Fixed Costs Retired Professional painter / Artist €7,50 €10,30

€2,60 €0,00 €12,80

Middle management Administrative staff Student Skilled labour Self-employed / Partner Homemaker Design company director

BUDGET OVERVIEW 18 % 46 %

€15,40

36 % Cost Per-Person

€50,00

Total Costs €37,50

€2,60 €7,70 €25,60

€5,10 Per-Person Cost €2,60

€17,50

Upper management Junior management Support staff Trained professional Researcher Retired Professional painter / Artist No Middle management Both Administrative staff Student Student Skilled labour labour Skilled Self-employed // Partner Partner Self-employed Homemaker Homemaker Design company company director director Design

€2,60

Yes

No

Both

€25,00

Total Costs €12,50


Researcher Retired Professional painter / Artist

102

Self-employed / Partner Homemaker Design company director

BUDGET 6. What part OVERVIEW of London do you live in? 14 %

Fixed Costs

37 %

15 %

€12,80

16 %

€2,60

€50,00

€37,50

17 %

€7,70 Hackney Newham Islington

€25,60 €5,10

Tower Hamlets Wlatham Forest

€25,00

€2,60

€12,50

€2,60

Yes Maybe €0,00Islington Trained professional Per-Person Cost Researcher Retired Professional painter / Artist

€5,10

BUDGET OVERVIEW 7. Have you ever experienced gentrification yourself?

€2,60 €2,60 Fixed Costs €10,30

5 % 1

21 % €80,00

€15,40 €2,60 €12,80

74 %

€60,00

€2,60 €7,70 Yes

€25,60

No

Yes

€40,00

€5,10 €2,60 €20,00

€2,60

€2,60 €2,60

Researcher Per-Person Cost Retired Professional painter / Artist

13 %

Fixed Costs €10,30

1

€90,00

€15,40 €2,60 €12,80

€67,50

87 %

€2,60 €7,70 €25,60

Yes

No

€45,00

€5,10 €2,60 €2,60

Yes

Maybe 8. Have you previously lived, or do you currently live in a Islington BUDGET OVERVIEW gentrified/gentrifying area? €0,00 Trained professional

€5,10

€22,50


Yes Both Islington Trained professional Researcher Retired Professional painter / Artist

OVERVIEW 9. DoBUDGET you think that gentrification can benefit an area?

ed Costs

18 %

€10,30

46 %

€15,40

€50,00

€2,60

36 %

€12,80

€37,50

€2,60 €7,70 €25,60

al

€5,10 €2,60

€2,60 r / Artist €5,10

No Yes No Maybe Student Skilled labour Self-employed / Partner Homemaker Design company director

€2,60

€25,00

€12,50

€0,00 BUDGET OVERVIEW 10. Do you agree that gentrification breaks down the sense of community? Per-Person Cost

€2,60

ed Costs

Both

1

18 % €70,00

26 %

€12,80 €2,60 €7,70

€25,60 al €5,10

€2,60 r / Artist €2,60

56 % €52,50

No Maybe Student Yes No Skilled labour Self-employed / Partner Homemaker Design company director

€5,10

Maybe

€35,00

€17,50

BUDGET OVERVIEW 12. Do you think a sense of community in an estate/neighbourhood is important?

€2,60

€0,00

€2,60

3 %

ed Costs

1

€100,00

€12,80

€75,00

97 %

€2,60 €7,70 €25,60

Yes

No

€50,00

€5,10 €2,60 €2,60

€25,00

Per-Person Cost

103


er

nal painter / Artist

Self-employed / Partner Homemaker Design company director

104

BUDGET 11. Have youOVERVIEW noticed gentrification in Hackney, Tower Hamlets or Newham? 3 % 2 %

Fixed Costs

€100,00

€12,80

€75,00

95 %

€2,60

Negative Maybe Yes No Student Skilled labour Self-employed / Partner Homemaker Design company director

€7,70 €25,60

n professional €5,10 her €2,60

onal painter / Artist €2,60 €5,10

Maybe

€50,00

€25,00

BUDGET OVERVIEW 13. What do you think about €0,00 the gentrification in East London?

€2,60 €2,60

Per-Person Cost

Fixed Costs

1

31 %

32 % €40,00

€12,80 €2,60 Yes Do already €7,70 Islington Trained professional €25,60 Researcher €5,10 Retired

Professional painter / Artist €2,60

37 % No Maybe Student Positive Negative Skilled labour Self-employed / Partner Homemaker Design company director

€30,00

Both

€20,00

€10,00

€2,60 €5,10

BUDGET 14. Would youOVERVIEW ever want to live in a gentrified area?

€2,60 €2,60 Fixed Costs

€0,00

7 % 1

19 %

38 %

€12,80 €2,60

Per-Person Cost

€40,00

€30,00

36 %

€7,70 €25,60 €5,10 €2,60 €2,60

Yes Do already

No

Do already

€20,00

€10,00


105

14. How would you describe East London in one word?

INTERESTING

HOME

BETTER

COMMUNITY

DUMP

MIXED

EDGY

RUINED

COSMOPOLITAN

RESILIENT

LOST

INTENSE

HIPSTER

CRAP

DYNAMIC

CHARACTERFUL

INVADED

GENTRIFIED

HORRIBLE

VIBRANT

CREATIVE

CHANGED / CHANGING

SHITHOLE

MULTICULTURAL

16. How would you describe gentrification in one word?

CHANGE

DISPLACEMENT

EVOLUTION

SAFE

UNFORTUNATE

ELITIST

CANCER

HIPSTER

HEADACHE MIDDLE CLASS

INEVITABLE

DISRUPTIVE

MONEY

HIPSTER

OVERPOWERING UNFAIR

PROFIT

IMPROVEMENT

FAKE

PRIVATE

EXPENSIVE

EXCLUSIVE GREAT

POSH


Researcher Retired Professional painter / Artist

106

Self-employed / Partner Homemaker Design company director

BUDGET 17. How wouldOVERVIEW you summarise the impacts gentrification has on an area? 5 %5 %

Fixed Costs

26 %

37 %

€12,80

€7,70 Yes Don’t know€25,60 Very negative €5,10 Trained professional Researcher €2,60 Retired Professional€2,60 painter / Artist €5,10

No Negative Very positive Positive Student Neutral Neutral Skilled labour Self-employed / Partner Homemaker Design company director

Neutral

€20,00

€10,00

18. Do you believe that gentrification €0,00 is an inevitable step in the process of urban BUDGET OVERVIEW Per-Person Cost revitalisation?

€2,60 €2,60 Fixed Costs

€30,00

26 %

€2,60

€40,00

21 %

1

45 % €12,80

€37,50

34 %

€2,60

€50,00

€7,70 Yes

€25,60

No

Don’t know

€25,00

€5,10 €2,60

€12,50

€2,60 €5,10 €2,60

€0,00

€2,60

1

Per-Person Cost


Ce questionnaire a été publié sur les réseaux sociaux en août 2019. Le nombre de personnes qui ont participé est 178. Il s’agit de différents groupes et communautés sur le plateforme de Facebook qui résident à Londres Est. Les données obtenues nous montrent que la majorité de participants sont les femmes (77%), les personnes retraitées (60 ans ou plus), les employés, originaires de Londres (64%). La plupart des personnes interrogées résident actuellement à Hackney (37%). Lorsque demandés sur le sujet de la gentrification, 74% ont parlé d’une expérience vécue des effets de ce phénomène, dont 87% ont déjà résidé ou résident toujours dans des quartiers gentrifiés. Néanmoins, il y a une forte égalité d’opinions sur les avantages et les déstructions qu’amènent les projets de régénération. Ainsi, 46% de participants croient que la gentrification peut apporter des avantages à un quartier, et 36% s’opposent à ce point de vue. L’esprit de la communauté, en revanche, est important à la population interrogée, 56% de participants sont d’accord que la gentrification détruit les relations réduit et les interactions entre les habitants au sein d’un quartier. Toutefois, lorsque demandés s’il voudraient habiter dans un quartier gentrifié, 38% de participants sont en faveur, et 36% sont contre. Il ressort enfin de ce questionnaire, que le sujet de gentrification est très actuel chez les londoniens, et fortement controversé. Ainsi, les avis opposants ont un nombre de votes similaire pour plusieurs questions. De plus, les mots utilisés pour décrire Londres Est se diffèrent radicalement. Alors que la plupart d’interrogés voient Londres Est comme une zone diverse, interessante et dynamique, d’autres disent que ce sont des quartiers sales, branchés et détruits. Nous voyons, ainsi, que la gentrification est un sujet fortement controversé pour les habitants de Londres Est. Ce phénomène a un grand impact sur leurs vies et donne autant de possibilités que de destructions et d’influences négatives sur les quartiers et ses habitants.

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Entretiens

Entretien avec Peter Stott, résident de Londres, qui étais un jeune médecin travaillant dans l’ouest de Londres, dans une zone située entre Hammersmith et Holland Park. AP: Bonjour, quelle est votre relation avec ou expérience de la gentrification? PS: C’était à l’époque quand jetais un jeune médecin à nord-ouest de Londres. C’était ce genre d’endroit où les employés venaient travailler. Il y avait beaucoup de cabinets d’avocats et de médecins. Le quartier était peuplé de Juifs et de Grecs. Le quartier était proche du centre de Londres, tout en étant considéré comme un quartier périphérique. Ma première expérience d’embourgeoisement s’est produite alors que je travaillais dans ce domaine. J’ai vu le quartier changer au fil du temps. Les vieilles maisons étaient remplacées par de nouveaux appartements de style ou transformées en quelque chose de différent. AP: Comment avez-vous vécu ce phénomène? PS: Ma plus grande impression d’embourgeoisement était quand je recevais mes patients. Comme j’étais un jeune médecin, seulement au début de ma pratique, beaucoup de mes patients venaient de régions plutôt malheureuses et avaient beaucoup de problèmes de santé. Mais ce qui est particulier, c’est que la plupart de leurs problèmes provenaient de problèmes de santé mentale. En tant que généraliste, je me suis rapproché de mes patients et je discutais avec eux de différents sujets. En retour, ils me faisaient part de leurs problèmes quotidiens. C’est ainsi que j’ai appris


à quel point ils sont inquiets de la nouvelle gentrification qui se produit dans la région. Ces gens avaient peur de perdre leur maison et d’être chassés de la région. En fait, plusieurs de leurs problèmes de santé étaient enracinés dans cette anxiété constante. AP: Est-ce que ces habitants avaient un choix de déménager? PS: En effet, il y avait ceux qui avait un peu de l’argent et ils étaient obligés à déménager une fois après l’autre. Il y avait ceux, qui n’avait aucun moyen de se déplacer. Mais comme vous pouvez l’imaginer, les nouvelles tours d’habitation et la réhabilitation des maisons existantes ont finalement créé une vague de déplacement. Je pouvais voir comment ces gens étaient inquiets de devoir déménager, n’étant pas sûrs de ce que demain leur apporterait. Et alors que d’autres résidents déménageaient, ces gens perdaient leur cercle d’amis et leur famille. Leurs proches déménageaient dans d’autres quartiers de Londres et il était difficile de faire un si long trajet pour leur rendre visite. Comme vous pouvez le voir, le déplacement a fini par éloigner les gens les uns des autres. AP: Est-ce qu’il y avait un esprit de communauté dans la population de ces quartiers à cette époque là? PS: Eh bien, oui, comme il y avait une présence de différentes ethnies, ces gens partageaient la même culture et la même histoire et restaient ensemble. Les Grecs et les Juifs, par exemple, ont vraiment marqué le quartier de leur présence. Beaucoup de gens qui ont dû quitter Inter London, s’installaient dans les banlieues, les petites villes autour de Londres. Mais la vie n’était pas facile une fois qu’ils avaient déménagé. Imaginez une jeune famille qui vient de déménager à l’extérieur de Londres - elle n’avait ni amis ni parents à proximité. Certaines des personnes que je connaissais ont déménagé dans les environs de Tadworth. A cette époque, il n’y avait absolument pas de pubs ou de lieux communs pour rencontrer les gens du quartier et les liens avec les établissements. Je crois donc que la vie était assez dure pour les personnes déplacées.

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Entretien avec Asem Zhanabekova, jeune professionnelle, résidant à Canary Wharf AP:Bonjour, pour combien de temps avez-vous habité à Londres? AZ: Ça fait plus de 10 ans que j’habite à Londres. Je suis venue ici pour finir le lycée et puis j’ai continué mes études à l’université et puis je suis restée pour travailler. AP: Vous habitez à Canary Wharf, qu’est-ce que vous en pensez? AZ: Je travaille dans les finances et mon bureau est juste a quelques arrêts de métro de ma maison, donc c’est très pratique, j’aime beaucoup la situation de mon quartier. Ce n’est le centre de Londres mais c’est vraiment très proche, et un peu moins peuplée qu’au centre. J’habite dans un immeuble haut, je partage l’appartement avec une amie. Ce que j’aime surtout à Canary Wharf c’est les commodités de la vie moderne - la proximité du transport publique, des supermarchés. Mon quartier ainsi que mon immeuble sont bien isolés et sécurisé. Il y a un concierge dans l’immeuble, qui reçoit mes colis lorsque je suis pas chez moi, l’interphone, etc. Le quartier est aussi sécurisé. Il est très international, comme tout Londres d’ailleurs, mais ici ça se ressente plus - c’est le centre de finances de la ville, donc il y a beaucoup d’étrangers qui viennent travailler et vivre ici. C’est quelque chose que j’apprécie, vue que je suis moi même étrangère. AP: Vous avez entendu de la gentrification? AZ: Oui, justement, on dirait que c’est gentrifié là où j’habite. Je vois qu’il y a une vraie division sociale - il y a une certaine classe sociale dans mon quartier, different du reste de Londres. J’ai fait mes études à université de Londres Est, donc je connais très bien la partie est de la ville. Je vois un fort contraste entre ces deux zones. AP: Pouvez-vous décrire ces deux quartiers en un mot? AZ: Si c’est juste un mot, je dirai que Canary Wharf est privilégié et Londres Est est multi-culturel. AP: Et vous décrivez la gentrification?


AZ: Je dirai que la gentrification c’est pricing-out. AP: Vous avez l’intention de rester et de vivre à hère ou vous voulez déménager à un autre are de Londres? A.Z.: En fait, je pensais déménager dans un nouvel endroit. Je regrette d’avoir été fatiguée de ce style de vie. En fait, la vie à Canary Wharf est étonnante si vous avez un style de vie qui correspond à son rythme et à son caractère. La plupart des gens qui vivent à hère travaillent dans les finances à proximité et comme vous le savez peut-être, c’est un métier difficile. Souvent, nous devons rester tard ou même passer une nuit au travail. Je suis très attaché à mon travail et c’est pratique à vivre mais en même temps ennuyeux, car j’ai tendance à passer la plupart de mon temps dans le quartier. Aussi, je préfère la nature et le silence ces derniers temps, ce qui est impossible hère. Je pensais déménager au nord de Londres, à Hampsted - c’est très proche du centre ville et pourtant calme et lent, avec beaucoup de parcs autour. AP: Est-il difficile de trouver un appartement à louer à Londres ? A.Z.: C’est assez difficile, pour être honnête, mais possible. C’est juste difficile de trouver quelque chose de bien à un prix abordable. Je constate que l’écart entre les loyers s’est creusé et qu’il y a une grande séparation des salaires entre la classe moyenne et la classe moyenne supérieure. Mais même si certaines personnes peuvent se permettre d’acheter un appartement, elles ne peuvent pas en trouver de bons dans les bons quartiers et à un bon prix. De plus, avec la construction de nouvelles maisons chaque année, les gens ne veulent tout simplement pas investir dans l’immobilier, sachant que probablement demain leur immeuble sera embourgeoisé. AP: Merci beaucoup pour votre temps et votre expérience

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