CORON AV IRUS
La décision injuste La discrimination ne doit pas avoir sa place dans les décisions des médecins concernant les ressources limitées.
Dans toute la Suisse, les unités de soins intensifs se remplissent à vue d’œil. Il ne reste plus qu’un ventilateur de libre et deux patientes infectées par le coronavirus et dans un état critique viennent d’être amenées en même temps. Il s’agit de deux femmes de 48 ans, sans antécédents médicaux. Leurs chances de guérison ne peuvent être évaluées. La seule chose qui les différencie : l’une des deux est en fauteuil roulant depuis un accident. Qui aura droit au dernier ventilateur ? Se peut-il que le fauteuil roulant soit le critère décisif lors du triage ? Jusqu’en décembre dernier, c’était effectivement le cas. Les personnes avec des handicaps physiques ou psychiques étaient défavorisées en cas de triage, selon les critères de triage de l’Académie Suisse des Sciences Médicales (ASSM). L’utilisation de l’« échelle de fragilité » aurait souvent exclu les personnes en situation de handicap des traitements aux soins intensifs. Pour Nadira Hotz, paraplégique et psychologue au Centre suisse des paraplégiques (CSP), cela a été un vrai choc : « C’est la première fois que je me suis sentie discriminée. » Elle s’est demandé si sa vie valait moins que celle d’une personne valide. « Ma contribution est-elle économiquement ou socialement moindre ? » Nadira Hotz n’est pas la seule à avoir eu ce genre de pensées. Différentes organisations sont intervenues auprès de l’Académie. Michael Baumberger, médecin-chef au CSP et membre de la task force Covid-19 cantonale, est ravi que ces oppositions aient porté leurs fruits. En effet, dorénavant, l’ASSM souligne que l’échelle de fragilité clinique ne peut être utilisée pour l’évaluation de personnes en situation de handicap. Les personnes ayant une paralysie médullaire, en particulier, sont pleinement intégrées économiquement et socialement.
Leur espérance de vie n’est pas moindre et elles n’entrent pas dans la catégorie des personnes à risque en raison de leur lésion médullaire. « Le fauteuil roulant représente simplement un moyen auxiliaire au quotidien, souligne Michael Baumberger, tout comme les lunettes. » Des directives anticipées peuvent aider Le triage dans les soins intensifs est rude. Qui aime prendre des décisions qui peuvent avoir des conséquences fatales ? Christoph Weis, médecin assistant paraplégique, conseille de prendre les devants en communiquant ses volontés : « Des directives anticipées peuvent aider les médecins à prendre une décision. Que ce soit en temps de pandémie ou non. » En sachant ce qu’un-e patient-e souhaite comme traitement aux
soins intensifs, les ressources peuvent être utilisées de manière ciblée. Michael Baumberger est du même avis. Aujourd’hui (début février), la situation aux unités de soins intensifs en Suisse s’est légèrement calmée. Mais personne ne sait ce que l’avenir nous réserve. L’incertitude, la situation qui change rapidement et toutes les questions sont toujours là. Le vaccin va-t-il nous aider rapidement ? Les mutations du virus nous rendront-elles la vie dure ? Devra-t-on un jour vraiment choisir qui sauver ? Rien n’est moins sûr. Toutefois, il est rassurant de savoir que les personnes avec un handicap ne seront plus discriminées. Le premier obstacle est passé, mais le débat de société sur la pandémie de coronavirus ne fait que commencer. (scst / rob)
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