Bulletin spécial Rencontres de l'identité républicaine

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N° 555 - luNdi 16 mai 2011

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“les rencontres de l’identité républicaine” Maison de la chiMie saMedi 16 avril 2011

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Sommaire lES RENCONTRES dE l’idENTiTÉ RÉPuBliCaiNE

à la maiSON dE la ChimiE à PaRiS lE SamEdi 16 avRil 2011 allOCuTiON d’OuvERTuRE dE JEaN-miChEl BaylET, PRÉSidENT du PRG ........................................... PaGE 4 diSCOuRS dE FRaNçOiS hOllaNdE, dÉPuTÉ du PaRTi SOCialiSTE ...................................................... PaGE 9 diSCOuRS d’aRNaud mONTEBOuRG, dÉPuTÉ du PaRTi SOCialiSTE ................................................... PaGE 12 TaBlE RONdE « idENTiTÉ ET uNivERSaliTÉ. la CONCEPTiON FRaNçaiSE dE la NaTiONaliTÉ » ........... PaGE 14 Animée par Roger-Gérard Schwartzenberg, Président d’honneur du PRG Avec Jean-Michel Quillardet, Président de l’Observatoire international de la laïcité contre les dérives communautaires, Sihem Habchi, Présidente de l’association Ni putes ni soumises et Gérard Delfau, Président de EGALE, ancien sénateur. TaBlE RONdE « mÉmOiRE ET PaTRimOiNE. lE GRaNd RÉCiT COllECTiF JamaiS aChEvÉ » ................... PaGE 16 Animée par Joëlle Dusseau, Vice-présidente du PRG Avec David Gozlan, Secrétaire général adjoint de la Libre Pensée, Jean Baubérot, Titulaire de la chaire « Histoire et sociologie de la laïcité » à l’Ecole pratique des Hautes Etudes et Rokhaya Diallo, Militante associative et journaliste. diSCOuRS dE CORiNNE lEPaGE, PRÉSidENTE dE CaP 21 ...................................................................... PaGE 18 diSCOuRS dE JEaN-lOuiS BORlOO, PRÉSidENT du PaRTi RadiCal valOiSiEN .................................... PaGE 20 PauSE dÉJEuNER................................................................................................................................... PaGE 24 diSCOuRS dE JEaN-maRiE BOCkEl, PRÉSidENT dE la GauChE mOdERNE ........................................... PaGE 26 TaBlE RONdE « immiGRaTiON ET mulTiCulTuRaliSmE. lE REFuS dES COmmuNauTaRiSmES » .......... PaGE 28 Animée par Richard Michel, ancien PDG de la Chaîne parlementaire Avec Gilles Casanova, Membre de la direction nationale de La Gauche moderne, Bernard Teper, journal Respublica et Hanifa Chérifi, membre du Haut Conseil à l’intégration. TaBlE RONdE « la dEviSE RÉPuBliCaiNE. lE PRiNCiPE CENTRal dE la laïCiTÉ » .................................. PaGE 29 Animée par Richard Michel Avec Axel Kahn, Médecin, généticien et essayiste, Marie-Françoise Bechtel, Vice-présidente du MRC et Françoise Laborde, Sénatrice PRG. En présence de Simone Veil. iNTERvENTiON dE JEaN-FRaNçOiS hORy, PRÉSidENT d’hONNEuR du PRG........................................ PaGE 31 diSCOuRS dE ClôTuRE dE JEaN-miChEl BaylET ................................................................................... PaGE 32

le

bulletin du

Parti radical

hebdoMadaire.

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de

Gauche

est une Publication

directrice de la Publication : Marie-louise Padovani Rédaction : cécile reichard, Pascal cédan. secrétaire de rédaction : cécile reichard 13 rue duroc -75007 Paris tél : 01 45 66 67 68 Fax : 01 45 66 47 93 Remerciements à Nadine kremer pour la rédaction des synthèses des tables rondes n° 1, 3 et 4 et à Joëlle dusseau pour la table ronde n°2.

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nuMéro de coMMission Paritaire : 0515 P 11 286 iMPression : iMPriMerie rdsl saint lubin de la haye (28) création GraPhique : GreG leduc crédit

Photos

: ©eMManuel Pain.

issn : 12 55 - 63 27 site internet : www.Planeteradicale.orG eMail : PrG@PrG.coM.Fr


La République n’est pas une allégorie de marbre mais une figure bien vivante

N

ous avons voulu faire de cette journée un lieu de rencontres. Y ont participé responsables associatifs, représentants de la société civile, universitaires, intellectuels, parlementaires, responsables politiques de gauche et de droite… et même quelques présidentiables. Ainsi François Hollande, Arnaud Montebourg, mais aussi Jean-Louis Borloo, Jean-Marie Bockel, Corinne Lepage et Marie-Françoise Bechtel, vice-présidente du MRC, ont accepté l’invitation et sont venus exposer à la tribune leur conception de l’identité républicaine et de la laïcité en France.

Nous avons voulu faire de ces rencontres un lieu d’échange, où les participants n’abordent pas la seule laïcité – néanmoins fondamentale – ni même l’étriquée identité nationale, mais où ils partagent ce qui constitue le terreau de notre vivre ensemble, de notre identité républicaine commune. Nous avons voulu faire de ce beau samedi de printemps, une riposte au pseudo-débat organisé par l’UMP où, insidieusement, il était question de dresser les Français les uns contre les autres. En cette période de polémiques et de tensions, notre initiative était nécessaire, voire salutaire.

Président le bulletin du partiradicalde gauche

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Allocution d’ouverture

Allocution d’ouverture de Jean-Michel Baylet,

Président du Parti Radical de Gauche

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Allocution d’ouverture

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« Mesdames et Messieurs, Chers amis, Laissez-moi vous dire tout d’abord à quel point je suis heureux de vous voir mobilisés en si grand nombre pour débattre aujourd’hui de l’identité républicaine et pour démontrer, au-delà des clivages partisans qui structurent notre vie politique mais ne rendent pas compte de tout le génie de ce pays, que les républicains sont toujours prêts à dialoguer lorsqu’il s’agit de leurs valeurs essentielles. Vous n’êtes pas tous, ou certains ne sont pas encore, radicaux de gauche mais je veux exprimer à chacun d’entre vous, et tout également, ma gratitude personnelle. Vous portez tous une idée élevée, exigeante de la République et vous avez estimé, comme nous, que nos principes communs étaient en danger et qu’ils étaient précisément menacés par ceux-là même qui font mine d’en être les défenseurs. Voici un an et demi déjà, M. Eric Besson, obéissant aux ordres de ses nouveaux employeurs, lançait dans tout le pays un grand débat centré sur l’identité nationale. Nous étions alors convoqués dans les préfectures et les sous-préfectures,

et sommés de dire que nous partagions sa vision d’une identité frileuse, peureuse, menacée et logiquement tentée par le repli sur soi. Nous avions dès cette époque envisagé d’organiser un contre-débat pour prouver que, dans leur immense majorité, nos concitoyens voyaient au contraire l’identité républicaine comme un concept ouvert à toutes les influences apportées par l’Histoire et en perpétuel devenir tant il est vrai que rien de ce qui est humain ne se laisse enfermer dans une image réductrice dessinée par la peur de l’autre. Nous avons alors renoncé à organiser nos propres rencontres, d’une part parce qu’il est vite devenu manifeste que ce pseudo-débat n’était que le défouloir de l’intolérance, du racisme et de la xénophobie et, d’autre part parce que le fait d’aller jouer, comme aurait dit un footballeur ou un rugbyman, sur le terrain tracé par nos adversaires équivalait en quelque sorte à leur apporter une caution républicaine. Finalement, vous l’avez vu, ce prétendu grand débat a fait long feu d’une façon piteuse et nous étions autorisés à croire que le Président de la République et

Arnaud Montebourg

et

sa majorité avaient renoncé à jouer avec les peurs des Français pour en faire une stratégie électorale. D’ailleurs le pauvre calcul avait été sévèrement désavoué par les résultats des élections régionales. Nous pensions avoir la paix sur ces thèmes et nous espérions que la majorité allait orienter le débat public autour des questions qui préoccupent vraiment nos concitoyens : l’incessante détérioration de leur pouvoir d’achat, l’aggravation du chômage, les problèmes de logement ou les difficultés de tous les grands services publics. Pas du tout. Toujours lancé dans la surenchère sécuritaire où les excès rhétoriques ne sont que le cache-misère de la faillite politique, le Président de la République n’a cessé, en inventant une procédure nouvelle et heureusement avortée de déchéance de la nationalité, en désignant à l’opprobre les Roms et les gens du voyage, en laissant se développer une mise en cause de la place des musulmans dans la communauté nationale, en exaltant notre prétendue dette à l’égard de la chrétienté, il n’a donc cessé de chercher une introuvable future majorité en dressant des catégories de Français contre d’autres et en invoquant, pour conduire cette entreprise de division, les principes qui sont à l’in-

François Hollande le bulletin du partiradicalde gauche

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Allocution d’ouverture

verse des lignes de rassemblement de la collectivité nationale. Il a même enjoint au très diligent patron de l’UMP, M. Copé, d’organiser un grand débat sur la laïcité qui n’était, en fait, que le procès d’une religion censée être insoluble dans la République. Pour les radicaux, c’en était trop. Nous étions d’autant plus excédés que l’astucieuse fifille Le Pen, raciste et islamophobe avérée, venait profiter de ce sillage inespéré pour se présenter comme l’avocate d’une laïcité qui, non seulement n’a aucun besoin d’elle, mais ne peut-être réduite à sa caricature. Miss Le Pen défendant l’idée laïque, vous me l’accorderez, c’est Pinochet défendant la démocratie. Voilà pourquoi, les bornes de l’acceptable étant franchies, nous avons décidé de vous inviter aujourd’hui à expri-

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mer, à partir de sensibilités et d’expériences diverses, ce qui vous rassemble autour des grandes idées fondatrices de notre République. Nous avons choisi pour cela une méthode qui est celle des radicaux, la méthode de la raison discursive et du doute méthodique. Nous vous avons proposé un document de travail, - et je remercie JeanFrançois Hory pour sa magnifique contribution - un cahier de l’identité républicaine qui nous semble pouvoir fournir la base de vos discussions. Il ne s’agit évidemment pas d’un catéchisme ou d’un résumé dogmatique. Ce cahier n’est que le rappel des grands principes fondateurs de la République nous ne vous avons bien sûr rien appris par ce simple rappel - et une liste de propositions pratiques en vue de la solution de questions actuellement posées et faussement présentées comme des défis à la trilogie des valeurs républicaines. Le découpage de notre cahier de travail a dicté, non de façon impérative mais par simple logique, l’organisation

de nos débats de ce jour. Ce matin donc, si vous en êtes d’accord, nous parlerons d’abord des notions de base : qu’est-ce que l’identité, l’universalité, la nationalité, la citoyenneté ? Dans cette discussion que Roger-Gérard Schwartzenberg a bien voulu animer, nous verrons sans doute que les concepts apparemment les plus élémentaires, les fondations en somme, peuvent recevoir des définitions différentes. Rien n’est figé. L’identité collective est un mouvement. Ensuite vous aurez à explorer, à partir de notre histoire et de notre patrimoine, le contenu effectif de ce grand récit collectif qui n’est pas seulement une mémoire, moins encore un musée. Nous vérifierons, je l’espère, que votre vision de l’héritage historique n’est pas fermée, exclusive, une sorte de partage successoral où nul nouveau venu ne serait le bienvenu. L’Histoire ne cesse de vivre, d’être réécrite


Allocution d’ouverture

Toujours lancé dans la surenchère sécuritaire, le Président de la République n’a cessé de chercher une introuvable future majorité en dressant des catégories de Français contre d’autres “

et de s’augmenter des apports que lui apportent de puissants affluents. Après la pause-déjeuner, toujours importante chez les radicaux, votre assemblée débattra d’une question qui a été mise au centre des polémiques publiques, l’immigration et le multiculturalisme. Pour notre part, nous vous proposons d’exprimer un net refus des tentations du communautarisme, un refus de la facilité, de l’abandon où la République deviendrait, contre toutes ses traditions, une mosaïque de communautés tandis que la loi ne serait plus que la résultante de leurs influences. Ensuite nous arriverons, si j’ose dire, au gros morceau de nos débats : la laïcité. Je ne crains pas de déclarer, au

nom des radicaux qui ont quelque légitimité - historique certes, mais aussi actuelle - à se réclamer du principe laïque et à en être fiers, que nous sommes littéralement agressés depuis des mois par ceux qui prônent une laïcité « ouverte » (la nôtre serait-elle fermée ?), « modernisée » (la nôtre serait donc archaïque ?) ou encore positive (notre laïcité est-elle négative ?). Il s’agit d’une véritable agression pour les radicaux mais aussi pour la République. Nous avons la certitude, nourrie par plus d’un siècle d’expérience que la laïcité est la règle vertébrale qui donne aujourd’hui

son sens à la devise républicaine. Et nous pensons aussi que le postulat de l’incompatibilité entre l’islam et la laïcité n’est qu’une invitation à la haine et à l’exclusion. Nous vous avons présenté des réponses pratiques à des questions quotidiennement posées et je vous remercie par avance de vous prononcer sur ces propositions. Car cette journée n’est pas un simple colloque, une sorte de séminaire conféré dans l’abstraction des grands principes. Notre rencontre de ce jour est un rendez-vous politique. Et les radicaux souhaitent établir ce soir une liste des idées républicaines qui auront fait durant la journée consensus entre vous. Qu’en ferons-nous ? Un pacte républicain. Nous sommes, chacun le sait, dans une séquence électorale extrêmement dense avec la première échéance -très incertaine - des sénatoriales, puis le point culminant de l’élection présidentielle et, dans la foulée, des législatives déterminées par le deuxième tour de la présidentielle. Et je pense, pour ma part, que le pacte républicain dont je veux voir notre rencontre accoucher, sera le socle de toutes nos discussions en vue de ces différentes élections.

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Allocution d’ouverture en mouvement

Cette évocation m’amène à saluer tout particulièrement les non-radicaux qui ont accepté de venir s’exprimer aujourd’hui devant nous. Je remercie bien sûr les intellectuels, les universitaires, les journalistes, les militants associatifs qui vont participer à nos tables rondes. Ils ont, par leur statut, le grand avantage d’être libres. Tel n’est pas toujours le cas des responsables politiques. Depuis la réforme constitutionnelle de 1962, la frontière tracée par le mécanisme implacable de la bipolarisation a séparé les vrais républicains qui sont enfermés dans des alliances paraissant indépassables. Il faut donc du courage pour accepter de dialoguer pardessus la frontière ainsi tracée. Je serai donc particulièrement heureux d’accueillir aujourd’hui les responsables importants de l’opposition de gauche. Le MRC sera représenté par sa viceprésidente Marie-Françoise Bechtel. Il est rare de voir dans la même salle deux candidats déclarés aux primaires organisées par le parti socialiste (seul, jusqu’à nouvel ordre). Nous aurons l’honneur de recevoir tout à l’heure Arnaud Montebourg et je suis très heureux d’accueillir François Hollande auquel je cèderai la parole dans un instant et qui a, il le sait, beaucoup d’amis chez les radicaux. Je les remercie comme je remercie Jean-Vincent Placé, n° 2 d’Europe-écologieles Verts qui n’est pas un étranger pour les radicaux, et qui, au nom des gènes que nous lui avons donnés, viendra partager notre déjeuner. Il nous donnera son avis mais s’il ne s’agissait que de gastronomie, il serait sans doute préférable de manger et il le sait bien - avec le PRG plutôt qu’avec les écologistes. Nos invités ne viendront toutefois pas tous de l’opposition. Il serait d’ailleurs paradoxal même malheureux qu’un grand débat sur l’identité républicaine soit fermé aux républicains engagés dans la majorité. Il en est. En début d’après-midi, je vous demanderai donc de réserver le meilleur accueil à Jean-Marie Bockel, qui est membre de notre groupe RDSE au Sénat, accompagné par Gilles Casanova, membre de la direction de « La Gauche moderne ». De la même façon, Corinne Lepage, elle aussi ancienne ministre et députée européenne, participera à nos travaux. Et puis, les radicaux n’étant jamais trop éloignés les uns des autres, j’aurai le plaisir d’accueillir parmi nous en fin de matinée mon homologue du parti radical valoisien, notre ami Jean-Louis Borloo, lui-même accompagné de plusieurs parlementaires radicaux. Décidément, nous aurons vu en une seule journée une densité incomparable de candidats aux élections présidentielles… Mes chers amis, tel sera le programme de notre journée de travail. Je dele bulletin du partiradicalde gauche

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nous pensons aussi que le postulat de l’incompatibilité entre l’islam et la laïcité n’est qu’une invitation à la haine et à l’exclusion“

vine, je sens, vous êtes déjà nombreux que ce sera une belle journée. Nous ne nous lasserons pas de rappeler à la France les valeurs républicaines qui ont fait sa fierté et son rayonnement dans le monde. Car nous refusons le projet d’un pays construit sur des divisions artificielles. L’identité républicaine est vivante ; nous n’en aurons jamais fini de dessi-

ner un avenir de partage, d’ouverture et de générosité. Pour cela, mes chers amis, je compte sur vous tout au long de la journée. Soyez actifs, n’hésitez pas à prendre la parole. Je remercie encore une fois les responsables des tables rondes. Je vous souhaite une belle et bonne journée radicale, belle et bonne journée républicaine. Bienvenue à toutes et à tous à cette belle fête de la laïcité ! Merci.»


Discours

Discours de François Hollande, député du Parti Socialiste

C

« Chers amis, Je remercie Jean-Michel Baylet pour cette invitation. J’ai bien conscience de l’honneur qui m’est fait au regard du défilé qui va avoir lieu, aussi bien ce matin que cet après-midi. Mais si je suis là, c’est à la fois par amitié pour Jean-Michel Baylet et pour les Radicaux de gauche, par fidélité aussi par rapport à ce qui a été notre travail commun lorsque j’étais Premier secrétaire du Parti socialiste et aussi par convergence dans l’analyse que nous pouvons faire d’un certain nombre de réalités de notre pays et des conclusions politiques qu’il faut y apporter. Vous avez lancé un débat, non pas sur l’identité, non pas sur la laïcité, mais sur l’identité républicaine c’est-à-dire ce qui

fait notre histoire et doit préparer notre avenir. Vous avez là à la fois renoué le fil de ce qui a été l’apport des radicaux à la République et en même temps vous avez compris qu’il n’y avait d’avenir pour la nation que si elle s’inscrivait dans ce projet républicain qui est en marche et doit se poursuivre (…). Je veux m’en tenir à quelques remarques simples : La première, c’est que la France est le pays européen qui, par son modèle républicain, a été capable dans les décennies passées d’intégrer le plus d’individus et d’en faire des citoyens. Nous avons été légitimement fiers de ce modèle républicain et nous avons pu constater génération après génération qu’il permettait à des hommes et à des femmes qui n’étaient pas nés ici - mais qui étaient venus soit par les obligations de l’Histoire soit par la nécessité de travailler, qui étaient venus s’établir ici, sans avoir la nationalité - de pouvoir assurer pour eux-mêmes et pour leurs en-

fants, l’adhésion au pacte républicain. Cette capacité d’intégration a longtemps servi d’exemple. Parfois elle a été contestée par des pays de tradition plus anglo-saxonne mettant davantage l’accent sur les communautés que sur l’intégration républicaine. Expérience faite, c’est ce modèle d’intégration qui est apparu bien plus performant, bien plus émancipateur que la simple juxtaposition des communautés. Et pourtant, depuis maintenant plusieurs années, ce modèle républicain paraît balbutier et il est contesté, non pas tant pour ce qu’il est que pour ce qu’il ne produit plus. Il était fondé, en définitive, sur un présupposé. Pour que l’intégration républicaine fonctionne, il fallait qu’il y ait aussi une intégration économique, sociale, cultu-

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Discours en mouvement

relle c’est-à-dire que nous avions conçu la République, non pas simplement comme un ensemble de règles, comme une obligation éducative, nous l’avions conçu comme une émancipation sociale, culturelle, politique, qui permettait à ce modèle de réussir. C’était d’ailleurs tout le sens de l’engagement, au début du XXème siècle, des républicains. Ils avaient réussi à faire voter la grande loi de 1905, ils avaient installé les grands pactes républicains issus de la Révolution française, ils avaient fait progresser les droits, les libertés, ils avaient accordé à chaque citoyen, et notamment aux plus jeunes, l’éducation pour tous, ils avaient eu l’intuition, la conscience que ce processus ne pouvait pas s’arrêter là et qu’il fallait faire la République sociale, c’est-à-dire permettre à tous ceux qui vivaient ici, en France, de pouvoir s’accomplir par une élévation des conditions, par une promotion personnelle et par un succès collectif. Mais dès lors que, à partir des années 80, il y

a eu dissociation entre le modèle républicain dans ce qu’il avait de traditionnel, de respectueux des règles, d’aspiration à la promotion éducative et de l’autre côté, une dislocation à la fois des conditions de vie mais aussi de la promotion par le travail avec la montée du chômage, voire même de la ségrégation spatiale, c’est-à-dire quand la République n’a plus été capable d’offrir à tous les citoyens, qu’ils soient nés ici de parents français ou venus là plus récemment, dès lors qu’il n’y a plus eu cette capacité à donner l’égalité pour tous, c’est là que l’idée républicaine s’est trouvée mise en danger. Et les populistes, qui d’ailleurs prospèrent partout en Europe, se sont engouffrés dans la brèche. La mondialisation a joué son rôle, l’incapacité de l’Europe à porter un modèle commun a été aussi un facteur aggravant, les difficultés du système éducatif, les exclusions multiples, ont permis à ceux qui avaient toujours contesté ce modèle, pour des raisons religieuses,

De gauche à droite : Gérard Delfau, André Sainjon, JM Baylet, Sylvia Pinel, Dominique Orliac, Arnaud Montebourg et Gérard Charasse

communautaires ou idéologiques, de mettre en cause ceux qui avait fait la République. Le paradoxe maintenant, c’est que ceux-là mêmes qui en avaient été les plus grands contempteurs, utilisent les mots de la République pour la mettre en cause. Ils font une espèce de captation de vocabulaire pour convaincre ceux qui doutent de la République, de la nécessité d’en saper les principes. Certes, nous ne sommes pas les seuls concernés, je l’ai dit même dans les pays anglo-saxons qui avaient une autre tradition d’intégration, les mécanismes du populisme sont aussi à l’œuvre mais ici, en France, ils ne sont pas simplement une mise en cause d’une religion, une attaque contre un système républicain, ils mettent en cause plus profondément ce qui a été le

Jean-Michel Baylet avait raison de dénoncer les débats qui ont été lancés, non pas imprudemment, sciemment, par le Président de la République finissant, Nicolas Sarkozy“ le bulletin du partiradicalde gauche

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Discours

grand récit de la France et ce qui a été la construction de l’idée républicaine. Ma seconde remarque est qu’il faut dans ce contexte parler clair et utiliser les mots justes. C’est en ce sens que Jean-Michel Baylet avait raison de dénoncer les débats qui ont été lancés, non pas imprudemment, sciemment, par le Président de la République finissant, Nicolas Sarkozy. Car il faut quand même penser au suivant, j’y contribue mais il n’empêche qu’il n’a pas lancé ces débats pour faciliter la compréhension, il a obscurci même pour nos concitoyens les débats qui devaient normalement être simplifiés. Prendre le mot « identité », ça n’était pas la voir comme une identité rassembleuse, mais comme une identité frileuse. On a ajouté le mot « nationale », il ne nous fait pas peur, nous nous reconnaissons dans la nation, nous appelons d’ailleurs à ce que les Français se retrouvent dans la nation mais une nation qui porte des valeurs universelles et non pas une nation qui considèrerait que son avenir dépend essentiellement de son repli. Une nation qui n’a aucune peur à utiliser pour exister mais qui a une espérance à porter. Ce débat a tourné court parce que finalement les

Français s’en sont détournés, ayant vu une manœuvre. Puis après, a été lancé un nouveau débat sur la laïcité. Ces débats sont pertinents quand ils sont utiles, mais là encore de quoi s’agissait-il ? D’évoquer ce qui nous unit ? Des principes, des valeurs, des règles, des droits, des devoirs qui valent pour tous et pour toutes les religions ? Non. Il s’agissait de stigmatiser, de soulever là encore suspicions et inquiétudes. Non pas qu’il n’y ait pas de problèmes. A la fois les prières dans la rue ou les processions dans l’espace public ne peuvent pas être acceptées, ne peuvent pas être tolérées. Non pas qu’il n’y ait pas de problèmes, on nous cite les hôpitaux, les services publics, mais ces problèmes doivent trouver leurs solutions. Et quand ceux qui évoquent ces grands débats sont aux responsabilités du pays, et notamment Nicolas Sarkozy et Claude Guéant qui ont été cinq ans associés au ministère de l’intérieur, ministère des cultes, puis ensuite au sommet de l’Etat, à la Prési-

dence de la République, là où on doit être le garant des règles, ceux-là mêmes qui n’ont pas réglé les problèmes, soulèvent des débats pour ne pas apporter des solutions mais pour aggraver encore le problème qui est supposé diviser les Français. Nous devons revenir à l’idée de nation, nation ouverte, porteuse d’espérances. Nous devons revenir à la laïcité, principe unificateur dans la République. Et nous devons faire en sorte que la République soit aussi un projet politique. La République, c’est en définitive, une histoire et un avenir. L’histoire, c’est celle du récit républicain qui nous a portés pendant plus de deux siècles et qui nous a conduits à être exigeants pour l’avenir de nos enfants. Qu’est ce que c’était le projet républicain ? Le récit républicain ? C’était l’idée simple, forte, juste, généreuse, que nous avions un devoir par rapport à la génération qui arrivait, de lui permettre de vivre mieux que la nôtre. C’était cette espérance, ce rêve, qu’il était possible d’aller vers un chemin qui s’appelle le progrès. Qu’il pouvait y avoir par moments, par les circonstances, extérieures ou nationales, des freins, des limites, parfois des arrêts sur cette marche mais que nous allions nécessairement, toujours vers ce même horizon. Que nous avancions. C’est cette idée qui s’est progressivement effacée, c’est ce rêve qui s’est lui-même édulcoré, c’est ce sentiment que nous éprouvons, et nos citoyens parfois plus durement que nous, que ce sera plus dur pour ceux d’après. Comme s’il y avait un âge d’or, que nous étions pris par la nostalgie d’un temps glorieux, d’un temps heureux. Comme si les technologies, les progrès scientifiques, la dimension démocratique ne nous conduisaient plus à espérer un avenir meilleur. C’est ce récit républicain qu’il faut reprendre. C’est cette grande aventure qu’il faut de nouveau porter. Et puis, le récit républicain, c’était celui de l’égalité. Cette belle idée qu’en améliorant les conditions de vie de chacun, qu’en donnant plus de promotion à ceux qui partaient de plus loin, nous serions ensemble, non seulement plus fiers de nousmêmes mais plus prospères. Nous serions une nation plus productive, plus riche, plus intelligente, capable de partager ce qu’elle avait créé. C’est cette notion d’égalité qu’il faut aussi poursuivre. Voilà, chers amis, ce que j’étais venu vous dire pour l’ouverture de vos travaux. Vous dire combien votre sujet est, en définitive, le sujet de l’élection présidentielle. Quelle France voulons-nous ? Quelle nation portons-nous ? Quelle fierté sommes-nous capables de donner à nos concitoyens ? Quelle capacité pour vivre ensemble ? Quelle égalité de condition pour une France ouverte comme la nôtre ? (…) Je fais confiance aux radicaux pour que la nuit prochaine leur donne tous les conseils et tous les rêves possibles. Merci » le bulletin du partiradicalde gauche

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Discours

Raymond Vall, sénateur radical de gauche du Gers et Maire de Fleurance, a convaincu son parti d’intégrer cette thématique dans son Université d’Eté, faisant ainsi du PRG le premier parti de France à avoir répondu positivement à l’appel des scientifiques. Il est d’autant plus satisfait que cela se déroule à La Rochelle, où Michel Crépeau fut le pionnier de l’écologie appliquée. C’est un symbole fort. Cette conférence, organisée dans un délai très court, est essentielle pour le maire de Fleurance qui organise dans sa ville depuis 19 ans une

Discours d’Arnaud Montebourg, député du Parti Socialiste

J

« Je veux dire le plaisir de me retrouver ici, - d’ailleurs c’est presque une sorte de tradition après les invitations de Ramatuelle – le plaisir habituel de diriger ensemble des collectivités, de fréquenter dans notre vie d’élus, sur le terrain, des radicaux, de s’estimer, travailler ensemble, échanger des idées. Cela me faisait penser à l’histoire de nos deux traditions politiques. Je retrouvais cette phrase de Jean Jaurès en venant vous rencontrer : « Sans la République, le socialisme est impuissant. Sans la République, le socialisme est vide ». Il y avait là, dans cet homme qui était parti de l’agrégation de philosophie, enseignant au lycée d’Albi, qui s’était enfermé dans les concepts philosophiques pour ensuite casser les portes et les murs de sa propre vie, se rendre au chevet des mineurs de Carmaux, non loin de Toulouse où il enseignait, se transformer en avocat puissant, à la voix qui portât si loin de la question sociale pour devenir un socialiste, après avoir été un républicain impétueux. Il est mort sous les balles, il ne nous dira pas ce que cette alliance aurait pu produire mais il a été, comme tous les radicaux, l’un des bâtisseurs puissants de cette maison commune dans laquelle aujourd’hui nous avons à affronter les périls des temps actuels. Les radicaux se sont unis dans le

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Cartel des gauches avec les socialistes, se sont unis dans le Front populaire, se sont unis en 1981, je repense aux grands dirigeants, Robert Fabre, Michel Crépeau, et ceux qui actuellement continuent à porter le flambeau, défendent et persistent à toujours dire que la République est l’outil par lequel nous pourrons réaliser les projets que la société attend de nous. C’est la base, l’instrument, le rez-de-chaussée. Sans rez-de-chaussée, pas d’étage, pas

de construction. Sans fondement, sans fondations, pas d’espérance. Voilà le sens de notre compagnonnage, de notre amitié et de notre travail en commun. C’est toujours un plaisir de réfléchir à la façon dont elle-même, la République, doit dans ses formes, son organisation, dans la parole qu’elle donne à ses citoyens, se réorganiser, muter, se transformer. Nous sommes défenseurs, les uns et les autres, d’une VIème République comme étant un acte de Jean-Michel Baylet

et

François Hollande


Discours

refondation possible de ce que doit être la future république dans un monde qui a changé et qui ne peut pas toujours utiliser ou refuser de tirer les leçons de ses propres erreurs pour traiter des problèmes qui sont de plus en plus difficiles et criants. Repensant à Jean Jaurès, j’évoquais la question de l’identité et du contenu de la République. (…) Comment, aujourd’hui, en 2012, ceux qui veulent se réunir autour du projet de la République, dans la République et par la République, vont-ils écrire ces nouvelles réponses et parler le langage qu’ils ont toujours parlé dans l’histoire ? Relisons, nous le connaissons bien en Saône et Loire, Alphonse de Lamartine qui fut un des fondateurs de la IIème République. Il parlait déjà de la nation comme moyen d’accomplissement du message, pour ellemême, historique de la France, mais aussi pour les autres à caractère européen et universel. Gambetta fit de même, Clemenceau également, tous les grands républicains, avec leurs nuances, leurs contradictions, leurs tensions, ont écrit une page de notre histoire qui est restée une page aussi pour les autres. Quels sont les projets de cette République ? Et comment allons-nous les affronter ? Il y a dans notre pays une revendication de plus en plus forte, c’est le droit à la ressemblance, l’aspiration égalitaire. Pendant que la société se délite, que tout le monde se demande si nous pouvons encore vivre ensemble, que la droite souffle sur les braises pour augmenter les divisions de la société et chercher à y trouver des résultats électoraux, (ce qui est une entreprise misérable et pitoyable en plus d’être condamnable), notre projet est de construire ce qui nous rassemble et de nous emmener dans un projet qui nous dépasse, qui nous permette d’aller très loin et plus loin ensemble. D’abord, quels sont les enjeux et les périls ? Nous avons - comme l’écrivait pour son propre peuple, Barack Obama - une menace terroriste, j’aurais pu dire il y a un mois, deux guerres, il y en a une de plus à diriger et à régler (généralement lorsqu’on fait la guerre c’est pour obtenir la paix, le plus vite possible sera donc le mieux), nous avons à affronter un chômage endémique, l’exclusion de millions de nos concitoyens notamment les plus jeunes, une dette abyssale qui nous met dans la main presque menottée de marchés financiers qui spéculent contre la dette souveraine après que les Etats se soient portés à leur secours, mordant la main qui les a secourus et nous avons en plus une marginalisation économique à l’égard du reste du monde avec un déficit commercial historique depuis la libération. Ce sont les problèmes de tous les Français. Qu’on soit noir ou blanc, juif ou musulman, et nous aurons à les résoudre ensemble, quelle que soit l’origine du français qui s’inquiète et s’interroge, quel que soit le quartier où il habite, la province éloignée où il se sent abandonné car les

services publics disparaissent. Les ruraux que nous sommes en savent quelque chose et vivent cruellement ces jours de fermetures massives des classes sur tous les territoires ruraux et urbains de France. Ces projets, il faudra les affronter ensemble et nous unir pour le faire. La crise climatique en est un des exemples, la mondialisation en est un autre, la finance également. Sommes-nous capables ensemble d’écrire cette page de l’histoire où la France a la possibilité, en 2012, d’ouvrir un nouveau cycle politique ? Et dire, y compris à nos amis et partenaires européens, qu’il est possible de s’unir, forces sociales, forces économiques et forces politiques, contre la finance qui est en train de mettre au pas, aujourd’hui, les contribuables et les citoyens de tous les pays européens et de beaucoup d’autres, d’imposer des mesures sécuritaires, prohibitives et contraignantes qu’aucun pays européen n’a pour l’instant eu l’audace de proposer ? Les Américains l’ont fait parce que la politique chez eux doit toujours rester plus forte que l’économie mais nous autres, en sommes-nous capables ou allons-nous continuer à porter comme un boulet le fait que nous ayons décidé de ne pas affronter cette force là, qui est un péril pour les nations ? Car quand la dette est plus forte que la volonté politique, lorsque vous dites à vos concitoyens, les classes moyennes, les classes populaires « nous avons à rembourser la dette » vous ne faites plus de projets politiques et c’est la République qui se meurt. A quoi sert-elle la République endettée ? A rien. Et qui va payer la facture de la crise ? Ceux qui n’y ont trouvé aucune responsabilité ? Je ne le crois pas. Les classes moyennes, les classes populaires vont devoir payer la facture ? Je ne le crois pas. La gauche doit donc avoir l’audace de, par avance, dire – et j’ai entendu avec plaisir Michel Rocard déclarer ce matin qu’il fallait unir nos forces pour affronter la question de la finance – que la nation France dans une République doit construire les moyens d’un compromis politique puissant pour affronter et imposer au système capitaliste financier mondialisé, sa loi. C’est ça la manière d’écrire le projet républicain de 2012 face au péril qui la menace et l’empêcherait d’exercer sa souveraineté. La souveraineté c’est le fait de décider ensemble de faire ce que nous faisons ici, soit dans les partis politiques, soit dans les associations, les quartiers, c’est délibérer sur notre propre destin. Qu’allons-nous délibérer à part rem-

bourser la dette, une dette injustifiée mais qu’il faudra néanmoins rembourser ? Cette question est centrale. Si nous ne l’affrontons pas, nous y périrons. La question de l’urgence climatique, c’est la crise sociale, la montée du prix de l’énergie, c’est l’impossibilité pour nous autres de continuer à vivre avec le même mode de vie. Il faudra là aussi s’unir pour l’affronter. Le projet républicain, c’est le projet de l’unité des Français face aux périls qui les menacent. Cette force, nous la trouverons dans notre histoire mais aussi dans notre imagination, c’est le sens je crois, de ce compagnonnage que nous réalisons concrètement, tous les jours depuis longtemps, depuis un siècle que nous existons et partageons ce désir de mettre dans la République les moyens de préparer l’avenir, de continuer à croire et de nous engager sur le chemin de l’espérance. Chers amis, chers camarades pour quelques-uns qui sont ici et éminents, le moment est important car les dangers politiques qui menacent la République sont là. L’unité dans les cœurs, dans les désirs où nous pouvons faire converger l’ensemble de nos forces est une nécessité fondamentale. Les primaires socialistes sont ce qu’elles sont. Elles n’auront pas été radicales, elles n’auront pas été républicaines, elles peuvent encore le devenir par votre souhait, votre soin, votre engagement, votre présence, votre implication. Vous pouvez vous saisir de ce nouveau droit, embryonnaire mais qui peut devenir massif, d’être dans le débat. Je vous remercie de m’avoir permis d’en mener un morceau ici, à la Maison de la Chimie, en présence des radicaux de gauche de France. Ce débat c’est celui de tous les Français, de l’avenir de la France et surtout de la façon dont la gauche écrira avec vous, nous tous, une nouvelle page de l’histoire de France. Vive la République, vive la France» le bulletin du partiradicalde gauche

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Table ronde

Identité et Universalité : la conception française de la nationalité Cette table ronde était animée par Roger-Gérard Schwartzenberg, Président d’honneur du PRG, avec Jean-Michel Quillardet, Président de l’Observatoire international de la laïcité contre les dérives communautaires, Sihem Habchi, Présidente de Ni Putes Ni Soumises et Gérard Delfau, Président de EGALE et ancien sénateur de l’Hérault. Roger-Gérard Schwartzenberg et Sihem Habchi

Extraits des interventions des invités Roger-Gérard Schwartzenberg : « Jean Moulin ne se battait pas pour le sol mais pour un bloc de valeurs opposé à un bloc de contre-valeurs fausses. L’identité selon Barrès (venue du sol, de la tradition, de la province, nationaliste, close, repliée) dont Maurras put compléter le portrait en qualifiant de «divine surprise» la chute de la IIIe République est opposée à l’identité selon Jaurès (ouverte, exempte de toute xénophobie). Et de citer Montesquieu qui, ayant à choisir entre proposer ou pas une idée au «prince» se demandait d’abord si elle était bonne uniquement pour le pays ou bonne pour le monde, «car je suis homme avant que d’être français». Lennon avec «Imagine», dit tout : «You may say I’m a dreamer» ? (Vous direz peut-être que je suis un doux rêveur ?) Et Hugo répond :

Roger-Gérard Schwartzenberg, Sihem Habchi et Gérard Delfau

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«L’utopie, c’est la vérité de demain ». Sihem Habchi : (citoyenne de papier, selon le Pen !) « Nous devons nous accro-

cher à la laïcité comme à une bouée de sauvetage. Elle est l’espace d’interaction sociale qui nous permet de sortir de nos «statuts». Femme, militante, musulmane, mais citoyenne avant tout. Les identités ? On sait qu’elles peuvent être meurtrières. Depuis 1980, la République n’est pas en panne mais les politiques publiques ont été un échec à cause des bornes d’empêchement placées par les fachos, qu’ils soient blancs ou verts. Je vous en supplie, ne lâchez rien ! Battez-vous, arguments contre arguments ! » Jean-Michel Quillardet : « L’extrêmedroite xénophobe ne prône pas la laïcité mais la catholicité, oubliant au passage que les «racines» chrétiennes sont d’abord grecques, romaines... Guéant ? On le disait bon préfet, il aurait dû le rester... La fraternité commence quand nous sortons de la fratrie... Le cosmopolitisme (terme


Table ronde

Jean-Michel Quillardet

tant décrié par les fascistes du début du XXe siècle) des idées est le fondement de la République ». Gérard Delfau : « La République laïque assure la liberté de conscience. Depuis 1905. L’égalité de traitement de tous les citoyens et de toutes les citoyennes. Et

Sarkozy par ses calculs est coupable au regard de l’Histoire. Car il n’y a pas 36 000 problèmes urgents à régler. Il y a 7 à 800 quartiers en souffrance pour lesquels la nation doit faire un effort considérable et qui prendra au moins deux mandatures... L’important n’est pas la diversité des horizons des débatteurs mais la longue

marche vers la justice sociale. Tous les républicains doivent être mobilisés... Le printemps des peuples arabes est la preuve que les valeurs qui ont fondé la République française sont les valeurs qui rassemblent l’humanité ». (G. Delfau publie en mai un «Dictionnaire de la laïcité» chez Armand Colin)

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Table ronde

Mémoire et Patrimoine : le grand récit collectif jamais achevé Cette table ronde était animée par Joëlle Dusseau, historienne et vice-présidente du PRG, avec Rokhaya Diallo, militante associative et journaliste, David Gozlan, secrétaire général adjoint de la Libre Pensée, et Jean Baubérot, historien et sociologue, Président d’honneur de l’EHESS. Extraits des interventions des invités Joëlle Dusseau : « L’histoire est une passion française. C’est aussi une des caractéristiques de notre éducation puisqu’elle se retrouve de la maternelle au bac – ou plutôt elle s’y retrouvait jusqu’à ce qu’elle soit éliminée de la terminale S. Cette « passion française » a été un des constituants de la nationalité, avec ce « roman national », ce récit mythique qui a permis à notre pays de dépasser clivages et divisions, de souder la communauté nationale autour de ce qui la singularise, en particulier les Lumières et la révolution française, même si tant Lavisse que Jules Ferry ont intégré l’histoire des rois de France dans ce grand récit national. Cette histoire a été celle de tous. Immigrés sur ce sol de plus ou moins longue date, nous avons été soudés par des mythes communs. C’est pourquoi le débat sur l’identité nationale, qui avait pour but de séparer ceux qu’une certaine droite appelle « les Français de souche » des autres a été particulièrement dangereux. D’abord parce qu’il nie une réalité : les « Français » sont une construction de peuples, de familles et d’individus venus d’ailleurs. Notre pays est d’ailleurs le pays d’Europe qui a le plus grand nombre de patronymes. En 1970, un français sur quatre était soit né à l’étranger, soit fils ou petit fils d’un asJean Baubérot

Joëlle Dusseau

cendant né à l’étranger. Ce qui a soudé ces gens si divers, ce sont des valeurs communes, une histoire revendiquée comme commune. Et je voudrais citer l’histoire de ce petit garçon venu avec ses parents d’un pays lointain à l’est de l’Europe, dont ils fuyaient la misère et les pogroms. Il arrive à 10 ans, il ne connaît pas la langue, il va

à cette école, qui est encore celle de la méritocratie républicaine, et un jour il lit avec passion Les trois mousquetaires et se sent alors totalement français. Il le devient tellement qu’il va être un des prix Nobel dont la France peut s’enorgueillir : il s’agit de Georges Charpak. Cette identité républicaine forgée par l’histoire et les valeurs qui sont les nôtres, existe-t-elle toujours ? L’histoire est-elle toujours intégratrice ? Les lectures négatives du passé qui se sont développées ne risquentelles pas de nourrir des communautarismes ? Et quelle est la place de la laïcité dans tout cela ? » Jean Baubérot : « D’abord je voudrais dire mon accord fondamental avec le thème de la journée qui nous rassemble. Ce n’est pas parce que le débat sur l’identité nationale a été engagé de façon calamiteuse par l’UMP et le gouvernement qu’il faut fuir ce débat. Mener un débat sans tabous sur l’identité républicaine me semble tout à fait nécessaire. Et je souhaite rendre hommage à la partie du texte de JF Hory et JM Baylet concernant notre table ronde : s’il y a, naturellement, d’inévitables raccourcis, il donne bien l’essentiel, avec un propos très clair, avec souvent des formu-

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Table ronde

Rokhaya Diallo

les heureuses. Sur le fond, je voudrais insister sur l’idée d’une dialectique nécessaire entre mémoire et histoire, en indiquant que parfois les militants trouvent avant les historiens. Je souhaite m’appuyer sur deux exemples : celui des féministes du tournant du XIXe-XXe qui ont dit, bien avant les historiens, que le «suffrage universel» de 1848 n’était pas un vrai suffrage universel, puisque les femmes n’avaient pas le droit de vote ; celui de l’histoire de la traite et de l’esclavage, avec le débat sur les lois mémorielles. Sur ce point, dans le débat qui a opposé Christine Taubira et Pierre Nora, c’est bien Christiane Taubira qui a raison, et Pierre Nora a une vision trop étroite, trop exclusivement refermée sur l’hexagone, qui ne prend pas en compte d’autres réalités nationales. Donc parfois le propos militant peut précéder celui d’historiens officiels dans le chemin de la connaissance, et de pseudo propos objectifs se révéler, plus tard, être moins objectifs que des propos « contestataires ». Mais il faut aussi citer Renan et son célèbre discours de 1882 sur la nation. Et le citer totalement car un passage est toujours « oublié » : l’idée de nation est souvent fondée sur un «oubli de l’histoire» et sur «l’erreur historique» et qu’en conséquence «le progrès des études historiques est souvent un danger pour la nation». Il me paraît donc nécessaire que les militants et les partis de gauche acceptent d’être interpellés par les historiens, qu’ils acceptent que leurs certitudes puissent être ébranlées par la démarche de connaissance de l’historien et les progrès de la connaissance historique. Non seulement la mémoire trie, recompose le passé, et ne tend à garder que ce qui la conforte, mais bien des faits ne sont pas connus au moment où les acteurs les vivent et c’est par la recherche scientifique, et notamment le travail d’archives, que les historiens peuvent les découvrir et les mettre en perspective. L’histoire de la laïcité en France en donne de

multiples exemples. Par exemple, il est faux de dire que Ferry a créé une école primaire « gratuite laïque et obligatoire ». C’’est l’instruction qui est obligatoire et l’école publique qui est gratuite et laïque : ce n’est pas la même chose. Ce genre d’erreur, quand elle est reprise par des textes officiels, est dommageable : il y a ainsi neuf erreurs factuelles dans les trois pages de l’historique de la laïcité en France donné par le Haut Conseil à l’Intégration au début de son rapport pour une Charte de la laïcité, en 2007, et ces erreurs ne sont pas idéologiquement innocentes. Je plaide donc d’autant plus pour la nécessité d’une écoute mutuelle entre spécialistes et politiques, et de la nécessité de mettre en avant raison et connaissances réelles, qu’il serait paradoxal de laisser de côté quand on traite de laïcité. » Rokhaya Diallo : « Les débats relatifs à l’identité française ont ressuscité l’image d’Epinal de la France, un pays figé dans une identité monolithique et aspirant à perpétuer des traditions qui n’ont plus cours depuis bien longtemps. Le bricolage de ce prétendu passé commun, convoqué pour mieux donner l’illusion d’un ciment national univoque est en réalité destiné à mettre à l’index les identités minoritaires. Il est courant d’opposer l’universalisme républicain à un communautarisme qui serait le fait de minorités. Les termes « communautaire » et « communautariste » sont souvent confondus alors que le communautarisme est une démarche politique visant au séparatisme. Or que réclament les groupes appelés « communautaires » si ce n’est l’inclusion dans la République ? En réalité le plus puissant des communautarismes est celui qui tient la majorité de la population à l’écart des beaux quartiers et des cercles de pouvoir. Que dire de notre pays dont l’Assemblée nationale est composée d’homme à 82%, dont la moyenne d’âge est de 60 ans et qui ne compte qu’une seule élue hexagonale non-blanche ? Qui sont

les vrais communautaristes ? Lors de la victoire de l’équipe de France de football en 1998, l’opinion publique s’est emparée de cette image positive que renvoyait l’équipe de France « métissée » et unie dans la victoire. L’euphorie est très rapidement retombée comme on le perçoit nettement dans les débats actuels. Nous ne pouvons pas analyser notre passé sans saisir la complexité de la composition de notre population. Notre pays compte de nombreux français d’origine vietnamienne, cambodgienne ou laotienne, ainsi Dien Bien Phû ne peut en aucun cas être considéré comme une « défaite », c’est la victoire des peuples opprimés sur l’injustice coloniale, victoire qui fait partie intégrante de notre identité républicaine. Si nous devons invoquer une histoire commune, nos ancêtres ne peuvent se résumer aux « Gaulois », ce sont aussi les Neg’ marrons, ces esclaves qui se sont libérés par la force du joug colonisateur au nom des principes de liberté. Pour être en conformité avec les principes affichés par la République, notre regard sur l’Histoire doit s’enrichir pour dépasser l’univocité. » David Gozlan : « La laïcité n’a pas besoin d’adjectifs. On désigne l’étranger comme l’ennemi sauf que l’on oublie «Si tu es différent de moi, mon frère, loin de me léser, tu m’enrichis». (St Exupéry). La loi de 1905 est une loi de neutralité et de concorde civile, une loi moderne et d’avenir. Les pourfendeurs disent «c’est une vieille loi»... Et alors ? La République aussi est «vieille». 1789 c’est vieux ! Il est utile parfois de s’en rapporter aux faits : le fameux «In God we trust» du dollar américain date de... 1953. Il était absent des textes fondateurs qui refusaient toute police des consciences... Tâche urgente pour un nouveau cycle politique : abolition du concordat d’Alsace-Moselle et nettoyage de toutes les lois encore issues de Vichy.... Jeanne d’Arc ? Le mythe fusionnait toutes les ligues fascistes dans les années 30, oubliant un peu vite que ceux qui l’avaient envoyée au bûcher étaient des monarchistes, royalistes, et des curés ! »

David Gozlan

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Discours

Discours de Corinne Lepage, Présidente de Cap 21

M

« Merci cher Jean-Michel et merci aux radicaux de gauche d’organiser cette journée sur l’identité républicaine, c’est un sujet majeur. Aux problèmes que nous rencontrons globalement dans la société française, il y a trois solutions : le retour en arrière, et certains le prônent nous le savons, un conservatisme plus ou moins mâtiné d’améliorations à la marge et un vrai changement de modèle. Mais il ne pourra y avoir de vrai changement de modèle qu’avec une reconquête de l’identité républicaine. C’est la réponse aux difficultés de notre temps et c’est ce que je voudrais, en quelques minutes, vous dire. La République, elle rassemble et je suis heureuse de voir à côté ce matin ici JeanLouis Borloo et Jean-Michel Baylet. C’est un beau symbole de rassemblement autour des valeurs de la République. Il nous faut tout d’abord redonner un sens à la devise républicaine et un contenu en adéquation avec les temps présents. La liberté, c’est quoi ? La liberté au sens de l’article 4 de la déclaration des droits de l’homme, c’est ce qui consiste à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. C’est le contraire de l’individualisme forcené et cela implique une forme de solidarité et de respect des autres. L’égalité, c’est quoi ? Nous pourrions presque aujourd’hui la définir par la négative tant la dérive est forte au regard de l’égalité républicaine. Inégalités des chances, inégalités de l’école, inégalités de l’accès au travail, de la fiscalité, de la santé, des soins, inégalités dans l’accès au logement, inégalités devant la loi et la revendication à la lutte contre les conflits d’intérêts et la corruption, ce n’est jamais que la demande d’application d’égalité de tous devant la loi. La fraternité, c’est la solidarité de chaque homme devant les drames partagés. C’est retrouver le sens de l’empathie et du partage. Croyez-vous qu’à Fukushima on demande aux gens quelle est leur religion ? Et enfin, la laïcité. L’apport peut-être le plus fort de la République. Permettre à chacun

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de vivre ce qu’il veut être dans la paix civile et dans la neutralité de l’espace public. C’est la condition de l’égalité des hommes et des femmes. C’est la condition de la suprématie de l’individu sur l’appartenance au groupe, c’est l’ennemi du multiculturalisme et du communautarisme. Il permet la diversité sans en faire la promotion dans l’espace public. Il faut reconnaître un droit à l’indifférence de l’espace public à ce que chacun d’entre nous est. C’est essentiel. Mais c’est aussi dans la combinaison de ces quatre éléments entre eux et dans l’équilibre que se forge l’identité républi-

caine qui refuse le culte de l’égoïsme individualiste, de la croissance des inégalités comme facteur de progrès économique. Le multiculturalisme et surtout le communautarisme tue les structures publiques au bénéfice de structures privées et confessionnelles. L’identité républicaine au contraire, c’est le fait de retrouver ce que chacun d’entre nous peut apporter à la collectivité et c’est dans ce nouvel équilibre, entre liberté et


Discours

égalité que nous pouvons trouver une réponse au capitalisme financier qui est en train de détruire nos sociétés. La reconquête de l’identité républicaine est indissociable de la construction de ce nouveau modèle de développement. Mais l’identité républicaine, c’est aussi l’apport français unique et indispensable à la construction européenne et à la construction d’un monde viable et vivable. A la construction européenne tout d’abord : l’Europe ne s’oppose pas aux nations. Elle permet en réalité à nos pays de se maintenir dans un contexte mondialisé et de peser collectivement sur le plan économique comme sur le plan des valeurs. La conception républicaine et la conception anglo saxonne, certes, s’affrontent. Mais n’est-ce pas dans leur synthèse au niveau européen que pourrait naître un ensemble équilibré alliant les bases de l’idéal républicain et l’efficacité anglo saxonne ? Intégrer la déclaration des droits de l’homme et du citoyen au corpus européen est déjà une progression dans ce sens et peut-être est-ce dans la réflexion autour de cette nouvelle synthèse que nous pourrions le mieux défendre au niveau européen ce que nous appelons l’identité républicaine. La République ne peut pas être le repliement sur soi, le retour utopique en arrière,

La République ne peut pas être le repliement sur soi, le retour utopique en arrière, l’illusion d’une fermeture des frontières” l’illusion d’une fermeture des frontières. Elle traduit en réalité un manque de confiance en nous et un manque de confiance dans les autres. Retrouvons confiance en nous et nous n’aurons plus besoin de nous cacher derrière le renfermement et l’enfermement. Mais, et je terminerai par cela, l’identité républicaine, c’est aussi notre participation à nous, peuple français, à la construction d’un monde viable et vivable. La Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen est issue précisément de notre déclaration des droits de l’homme qui n’est pas française, comme certains d’entre vous l’ont rappelé ce matin mais qui est universelle. Nous avons à redéfinir le vivre ensemble au niveau planétaire. Dans ce vivre ensemble, il y a aussi la réponse à tous les grands enjeux, que ce soient les enjeux d’ordre écologique, économique, social et le développement bien entendu. La fraternité est évidemment une réponse à tout cela et c’est autour de nos valeurs républicaines que l’on peut essayer de trou-

ver ce qui seraient les bases d’une gouvernance mondiale. On parle souvent d’une démocratie planétaire. Je n’ai jamais entendu parler de République planétaire. Pourquoi ne pas essayer de travailler sur les bases républicaines de ce que serait une gouvernance planétaire ? Pourquoi ne pas voir dans le printemps arabe, qui est une fascination pour beaucoup d’entre nous, précisément les bases non seulement d’une revendication démocratique mais aussi d’une revendication à l’égalité, à la liberté et à la fraternité ? Nous avons là des pistes enthousiasmantes et je crois que nous pouvons vraiment sortir de ce que Jared Diamond avait décrit dans son ouvrage « L’effondrement », pour aller vers un véritable espoir pour reprendre la formule de Steiner « de rendre la maison plus belle en sortant que nous l’avons trouvé en entrant ». La République nous aidera à le faire. Merci »

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Discours

Discours de Jean-Louis Borloo,

Président du Parti Radical Valoisien

E

« En arrivant ici, je me disais : je suis radical valoisien, je vais chez mes amis les radicaux de gauche. Ensemble, nous faisons partie de la même famille de pensée. Nous avons reçu cette belle et grande tradition radicale en partage. C’est vrai : parfois notre sensibilité diffère, notre identité n’est pas la même. Et pourtant nous savons nous retrouver. Nous savons nous retrouver, et nous le faisons naturellement, fraternellement, parce que nous plaçons la République au-dessus de tout. La République ne gomme pas les différences que nous pouvons avoir. Elle ne détruit pas ce que nous sommes. Elle est simplement notre maison commune, ce lieu où nous pouvons venir échanger, débattre et construire. Ce qui est vrai pour les radicaux, de gauche et de droite, devrait l’être pour la société tout entière. Et j’emploie ce conditionnel à dessein. Par le passé, la République allait de soi. - C’est elle qui faisait du Hollandais Jean-

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Baptiste Cloots un député à la Convention. - C’est elle qui faisait de Gambetta, fils d’immigré italien, l’homme qui leva, par la simple force de la parole, une armée de 300 000 hommes en 1871. - C’est elle qui réunissait, sur les champs de bataille de la Grande Guerre, des Bretons, des Basques, des Corses, des Provençaux, des tirailleurs Algériens et Sénégalais... Et tous, rassemblés pour combattre, unis par cette fraternité des armes qui est la mesure ultime de toute fraternité possible, parlaient à peine la même langue. Ils ne se posaient pas la question de l’identité. Ils ne se demandaient pas qui ils étaient. Ils se posaient une seule question : qu’allonsnous faire ensemble ? C’est la question républicaine par excellence, celle qui ne

préjuge ni des origines ni des croyances ni de la couleur pour entrainer les hommes vers un avenir commun. - C’est elle encore, la République, qui faisait de Gaston Monnerville le deuxième personnage de l’Etat au début des années 1960. Il était noir. Cinquante ans avant Obama... Et alors ? Regardons la presse de l’époque : ce qu’on voyait en lui ce n’était pas un homme noir, mais simplement le principal adversaire politique du général de Gaulle. Et si le général avait donné l’ordre à ses ministres de boycotter le Sénat, ce n’est pas par racisme, mais simplement parce que Monnerville y organisait une opposition à la limite de la fronde. Si je dis que la République allait de soi par le passé, je veux dire que la République, aujourd’hui, ne va plus de soi. La question identitaire est revenue occuper l’avant-scène du débat public. Lorsqu’est posée d’une manière aussi aiguë, la question de l’identité nationale,


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c’est que la République n’y est plus tout à fait. Elle a déserté les esprits et les cœurs. Oui, la République ne va plus de soi quand on exacerbe les différences et qu’on pointe du doigt certaines communautés. La question des identités et des communautés est partout à l’œuvre dans nos sociétés contemporaines. C’est un mouvement général. Il n’épargne personne dans le monde. Cela peut être perçu comme une conséquence de la mondialisation et de cette angoisse profonde que chacun éprouve face à l’inconnu. Quand on ne sait pas où le monde va, quand la société ne propose plus à chacun les repères qu’autrefois elle offrait encore, alors on se raccroche aux branches comme on peut. On se raccroche à tout ce qui procure un sentiment de sécurité, à tout ce qui semble nous assurer les solidarités essentielles dont chaque homme éprouve le besoin. Et on se redécouvre Basque, Breton, Alsacien, Occitan, Chtimi. On s’affirme par ses préférences sexuelles. On redécouvre ses racines, sa provenance, ses origines. On se retourne vers les religions. On va chercher sur Internet des communautés d’affects et d’intérêts. On se regroupe en tribus, parce qu’on n’a plus le sentiment d’être des citoyens... C’est la pente générale sur laquelle glisse aujourd’hui notre société. Ce n’est pas le multiculturalisme, qui serait encore une forme raisonnable d’organisation des différentes communautés qui forment notre société. Autre chose apparaît, qui a plus à voir avec du morcellement social, du délitement, de la division, de la dénonciation, avec le risque de passer de l’indifférence à la haine.

qu’allons-nous faire ensemble ? C’est la question républicaine par excellence, celle qui ne préjuge ni des origines ni des croyances ni de la couleur pour entrainer les hommes vers un avenir commun” Face à cela, que doivent faire les pouvoirs publics ? Remettre au goût du jour l’identité nationale ? Pointer du doigt telle ou telle communauté ? L’histoire de France parle pour nous : nous sommes tous des immigrés, seule notre date d’arrivée change... La responsabilité des pouvoirs publics, cela ne consiste pas à ajouter de la division à la division. Cela ne consiste pas à vouloir remplacer une identité par une autre. Lui qui est libanais et qui a vu son pays se défaire, Amin Maalouf nous a prévenus dans son beau livre sur les Identités meurtrières : l’exacerbation des identités, on sait où ça commence, on ne sait pas quand ça s’arrête. Dès lors, notre responsabilité collective consiste, une nouvelle fois encore, à mettre, à remettre la République à l’ordre du jour. Et la République, c’est tout, sauf une identité. Et si jamais elle le devenait, alors la République n’existerait plus. C’est immanquable : chaque fois que l’on se pose la question de l’identité d’une chose, alors vous pouvez être sûrs que cette chose est

terriblement mal en point quand elle n’a pas tout bonnement disparu. L’identité, ça se vit, ça se construit, ça s’invente même. C’est la grande phrase de Sartre : « La plus grande capacité de l’homme, c’est de pouvoir s’inventer son destin. » C’est la grande phrase de Malraux : « L’homme est ce qu’il fait. » Oui, c’est bien cela la République : l’homme est ce qu’il fait. Il n’est pas ce qu’il est. Il n’est pas une identité, il est une action, il est un chemin. Au fond de tout cela, c’est la question de l’humanisme qui se pose. Sous l’Ancien Régime, c’est la naissance qui déterminait toute votre vie. Vous étiez né aristocrate, alors vous aviez une vie d’aristocrate. Vous étiez manouvrier, né de peu, alors vous gagneriez votre vie à la sueur de votre front, allant prêter vos bras de fermes en fermes. Jamais aucune échappatoire. Voilà où est le génie de la Révolution française, voilà où est la promesse de la République : ne plus enfermer l’homme dans sa naissance ni dans son identité. L’identité, en République, elle est multiple : chaque individu se construit, tout au long de sa vie, sa propre identité. On peut se sentir catholique, picard, enfant d’immigré, homosexuel, radical, philatéliste et fan d’Oasis. Et tout cela en même temps. Mais une chose est sûre : jamais la société le bulletin du partiradicalde gauche

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Discours

ni l’Etat n’assignent l’individu à résidence identitaire. Voilà ce qu’est la République. Elle offre à chacun la latitude de ses options et de ses identités. Mieux encore : elle arrache chacun au déterminisme de tous ordres. La République, c’est un anti-destin. C’est elle qui prend l’enfant d’immigré et lui offre, selon son mérite et ses capacités, sa place, sa part et sa dignité dans la société. Autant le dire comme je le pense : nous sommes loin du compte. L’ascenseur social ne promet plus à nos jeunes de trouver leur place dans la société : il est bloqué sur l’étage « déclassement ». Dans nos cités, je connais chacune d’entre elles, je les ai parcourues, j’ai essayé d’y agir et d’y faire bouger les choses, parce que l’énergie du pays elle se trouve là aujourd’hui, nos jeunes ont toutes les difficultés du monde à trouver un emploi parce qu’ils sont d’ici, de cette cité particulière et pas d’ailleurs. La République, c’est tout le contraire. Elle n’enferme pas l’individu dans son origine, sa religion, sa culture ou sa couleur de peau... Elle extirpe chacun de sa condition pour l’amener ailleurs. La République, c’est d’abord un arrachement, un dépassement de soi, une prise de hauteur. Oui, la République c’est la voie de l’excellence. Elle ne considère pas que, d’un côté, il y a la voie royale, la culture classique, les humanités et, de l’autre, la banlieue et la

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culture rap. La République ne méprise pas. Elle est exigeante et généreuse. Elle donne le meilleur de ce qu’elle peut donner. Et elle apporte Racine, Rousseau, Voltaire à tous ses enfants. Oui, c’est la République que nous avons à remettre sur le métier. Et la première des choses à faire, c’est d’arrêter de se poser la question de l’identité... Parce que ce n’est pas la question. C’est

même la façon de se détourner totalement des questions fondamentales... Ce n’est pas raisonnable d’organiser des débats pour savoir s’il faut ou pas, et à quelles conditions, servir des repas halal dans les cantines scolaires. La question de l’Ecole de la République, ça n’est pas ça. La seule question qui vaille c’est de savoir si le petit Jean, le petit Mohammed et la petite Sarah savent, en sortant de l’école primaire, lire, écrire et compter. Parce que lire, écrire, compter, c’est ce qui va permettre à chacun d’eux de prendre réellement en main leur vie. C’est leur avenir. C’est notre avenir. Et à côté de ça, aucune autre question subsiste. La République, c’est la simplicité. C’est la Révolution du bon sens. Celle qui pousse les hommes de bonne volonté à se poser les questions fondamentales et à agir en conséquence. Car la République, c’est toujours la République des solutions. La République, c’est aussi une aventure collective. C’est un destin. Un projet. Où est le projet républicain aujourd’hui dans notre pays ?

Oui, c’est bien cela la République : l’homme est ce qu’il fait. Il n’est pas ce qu’il est. Il n’est pas une identité, il est une action, il est un chemin”


Discours

Que proposons-nous à nos concitoyens qui leur donne le sentiment de participer à un même effort et à une même aventure ? Notre République n’a plus de projet. Elle est désœuvrée. Et dans ce grand désœuvrement, elle se torture le crâne sur des questions qui n’auraient pas lieu d’être si elle était tournée vers l’action. En un mot, elle trompe son ennui. On invente des débats sur l’identité nationale, on imagine des quasi-guerres de religion. Mais ce ne sont pas les vraies questions. On dit que l’intégration ne marche plus. Mais à quoi peut-on bien intégrer, quand on ne fait plus vivre la République ? Oui, il est urgent de redonner sa place à la République, de l’inscrire à l’ordre du jour. Il est urgent de la transformer en projet. En projet pour demain. Permettez-moi également de rajouter un mot… Beaucoup d’intervenants ce matin

ont évoqué l’écologie. L’écologie, ce sont les droits de l’Homme du 21e siècle. Elle n’est ni de droite, ni de gauche, elle n’appartient à personne. L’écologie est tout simplement républicaine. La période qui s’ouvre va être un formidable moment de débats pour construire la France des 10, 20 ans à venir. Avec les radicaux valoisiens, nous y travaillons

d’ores et déjà dans le cadre de l’Alliance républicaine, écologiste et sociale. Et si un radical est en mesure d’incarner ce projet et ces idées républicaines, je souhaite ardemment que tous les radicaux, quels qu’ils soient, se retrouvent pour ensemble porter et incarner la République »

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PAuse dĂŠjeuner

Patrick Masson

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PAuse déjeuner

: JM. Baylet

de gauche à droite

JL. Borloo

et

R. Michel, D. Orliac, G. Charasse et F. Laborde E. Hintermann, G. Brasseur, J. Mariani deux membres du Parti Radical Valoisien, D. Konieczny et J. Perfetto, membre du Bureau National du PRV

et

: Ph. Bapt, MC. Albignat, G. Baldy

de gauche à droite

Au

centre

AP Bonnet et Ch. Boucherie Dordogne

de

la fédération de la

RG. Schwartzenberg, JL. Borloo, JM. Baylet JM. Baylet, C. Lepage

et

S. Pinel

: J. Dusseau, R. Diallo, C. Brunet-Lechenault, RG. Schwartzenberg

de gauche à droite

De gauche à droite : P. Masson, H. Huwart, Th. Braillard, E. Boyer, B. Castagnède, P. Molinoz, A. Sainjon JM. Bockel

et

S. Pinel

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DISCOURS

Discours de Jean-Marie Bockel,

Président de la Gauche moderne

M

« Merci chers amis de votre accueil. Je suis heureux cet après midi à plus d’un titre. A titre personnel tout d’abord, car j’ai retrouvé ici beaucoup d’amis et je veux dire mon plaisir de travailler au groupe RDSE avec vous, où les liens d’amitiés se sont très vite renoués. J’ai lu, comme tous vos invités, ce document -et je salue d’ailleurs Jean-François Hory – et je le trouve formidable, très pédagogique. Cette démarche, avec des idées claires, des mots justes, une bonne hauteur de vue, nous change d’une stratégie de la tension, du clivage systématique source de confusion, d’ambigüité et qui finalement ne résout rien. Si face à des problèmes complexes de notre société, on est dans un raisonnement binaire qui sépare, qui divise, on passe à côté de ce dont a besoin aujourd’hui notre République mais en plus on s’éloigne des nécessaires débats. Et par delà nos histoires, les désaccords que l’on a pu avoir, il est bon de savoir se retrouver sur l’essentiel (…). Je voudrais placer mon propos sur la question du vivre ensemble. Je suis certes un responsable politique, mais aussi un parlementaire, j’ai été ministre de Laurent Fabius et j’ai été plus de 20 ans maire de Mulhouse, dont je préside encore l’agglomération. Cette ville est un concentré de toutes les difficultés, toutes les contradictions, toutes les évolutions parfois extrêmement rapides de notre société et en même temps de toute la vitalité, de tous les potentiels dont notre société recèle et en particulier notre jeunesse. (…) C’est l’esprit des Lumières et de la Révolution française qui nous donne les clés sur toutes ces questions de notre quotidien, dans nos villes, dans nos quartiers. Que ce soit la liberté face à toutes les dictatures, y compris celle de l’actionnariat tout puissant. La fraternité est le meilleur remède face au populisme. (…) L’analyse que nous

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DISCOURS

pouvons partager ici, par delà nos différences, c’est que ces concessions faites au populisme et cette droitisation font le lit de l’extrême droite. C’est à travers un gouvernement de la raison, à travers la préservation de cette laïcité, que nous pourrons vivre cette dimension du vivre ensemble. J’ai aujourd’hui la conviction que, loin de tout laxisme, si on veut encore progresser sur cette question de la sécurité, il nous faut avoir une réponse équilibrée. Bien sûr que sans fermeté, sans capacité de sanctionner de manière proportionnée et rapide, il n’y a aucune éducation possible. Mais s’il n’y a pas à chaque moment une main tendue pour s’en sortir, se construire, trouver sa place dans la société, c’est sans issue. On construit une société de violences. Avec le vivre ensemble, on peut partager ces difficultés. Mettre en œuvre une politique équilibrée, c’est respecter ces principes républicains fondamentaux.(…) Sur la maîtrise des flux migratoires, tout le monde est d’accord sur le fait que pour accueillir dignement un individu sur notre sol pour qu’il puisse y construire sa vie, il faut trouver le bon équilibre – loin de toute instrumentalisation politique ou de toute agitation des peurs - entre une règle

C’est à travers un gouvernement de la raison, à travers la préservation de cette laïcité, que nous pourrons vivre cette dimension du vivre ensemble“

du jeu qui doit être connue, le respect de la grande tradition française de l’asile et le respect de la dignité des personnes. Une dernière remarque : aujourd’hui, le choc de la mondialisation dans tous les domaines constitue autant de risques d’éclatement, de renforcement des replis sur soi, de tous les communautarismes, de toutes les violences. Il ne s’agit pas que d’émettre ces principes républicains, mais comment, concrètement, - et c’est un beau chantier - thématique par thématique, dans nos différentes sensibilités et formations politiques, les mettre en application pour que les effets délétères de la mondialisation n’amènent pas à un éclatement total, déjà en marche ici ou là dans notre société. Le pessimisme n’est pas de mise, mais le cri d’alarme, l’engagement et surtout l’interpellation à éviter les faux débats doivent être lancés. La Gauche moderne aime ce dialogue car en politique les idées

passent avant les tactiques et les stratégies partisanes. Je parlais du vivre ensemble. Il y a aussi un vivre ensemble en politique. Nous devons partager un socle commun pour faire reculer populisme, droitisation, incompréhension, tout ce qui divise, ce qui crispe, qui rejette. Dire cela n’est pas être dans le consensus mou, ni refuser qu’il y ait derrière un vrai débat d’idées, un vrai débat politique, et si on aborde l’élection présidentielle avec la capacité de conforter ce socle commun, y compris comme acteurs politiques, on aura, et le Parti Radical de Gauche aura, apporté quelque chose à notre pays et aura conforté ce qui nous réunit, cette République que nous aimons. Merci.»

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Table ronde

Immigration et multiculturalisme : le refus des communautarismes Cette table ronde était animée par Richard Michel, journaliste, ancien PDG de la Chaîne parlementaire, avec Hanifa Chérifi, membre du Haut conseil à l’intégration, médiatrice à l’Education Nationale, Bernard Teper, UFAL, journal ResPublica et Gilles Casanova, membre de la direction nationale de la Gauche Moderne. Extraits des interventions des invités Hanifa Chérifi : « Le questionnement sur l’immigration n’est pas récent en France. Il est aussi vieux que son histoire. Alors pourquoi cette exacerbation ? Les populations stigmatisées avaient vocation à s’intégrer comme celles qui les ont précédées. De manière aussi douloureuse parfois (il n’y a jamais eu d’intégration «facile» contrairement au mythe). Les différences culturelles n’étaient pas destinées à être des obstacles. Mais au tournant des années 80, la demande de citoyenneté pleine et entière des «deuxièmes générations» n’a pas été entendue. Après les marches des fiertés, on a cru que donner des gages voyants à la pratique des «différences» suffirait à instaurer un respect mutuel. Or le problème n’était pas là. Plutôt que «valoriser» la tenue vestimentaire, la musique et la cuisine, il aurait fallu donner à lire Kateb Yacine dans les écoles pour un véritable partage des expériences, à égalité. Les replis identitaires et la montée des intégrismes ne sont que la réponse au silence face à l’exigence de parité réelle ». Gilles Casanova : « 7millions d’adhérents à des partis politiques dans les années 50. A peu près 450 000 aujourd’hui. Plutôt que sur la raison, on surfe sur l’émotion faute de contenus intellectuels structurés. La globalisation entraîne des mouvements de populations jamais connus qui nécessiteraient une mondialisation des idées pour la construction de références communes plutôt que laisser s’épanouir la concurrence entre les individus. Face aux chocs subis, chacun réagit selon les règles de sa propre culture, ce qui est plus facile que s’organiser en commun ». Bernard Teper : « Problèmes d’immigration «récents» ? Non. Rappel des pogroms subis par les Italiens du Sud de la France. Au pays européen des plus anciennes politiques d’immigration (les premières lois remontent au XIIIe siècle) pour des raisons militaires, économiques, démographiques, 25% des Français ont un ascendant étranger sur deux générations (0,5% en Allemale bulletin du partiradicalde gauche

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Gilles Casanova

gne). Dans les années 30, les arrivées représentaient 525 pour 1000, alors qu’elles étaient de 492 pour 1000 aux Etats-Unis (solde migratoire à + 1 150 000). Les lois, très ouvertes dans les années 20 ont commencé à régresser au cours des années 30 et ce n’est pas Vichy qui donna le coup d’envoi. L’Etat Français ne fit que finaliser un appareil législatif en œuvre dès 1926. Après 1945, l’embellie puis la régression Richard Michel avec Hanifa Chérifi et Bernard Teper

dès 1947, le premier vrai coup d’arrêt est donné en 1974 «sous» Giscard d’Estaing. Pour l’heure, tenter de regarder du côté du «modèle anglo-saxon» alors que les pays concernés en reviennent relève de l’erreur d’analyse. Pas de solutions pérennes de ce côté-là. La République doit être la sphère de construction des mêmes droits, libertés et devoirs pour tous »


Table ronde

La devise républicaine : le principe central de la laïcité Cette table ronde était animée par Richard Michel, avec Françoise Laborde, sénatrice PRG de Haute-Garonne, Marie-Françoise Bechtel, vice-présidente du MRC, et Axel Kahn, généticien, président de Paris V-Descartes, essayiste.

Marie-Françoise Bechtel

Aujourd’hui, on en oublie parfois le sens profond de notre devise républicaine. La laïcité nous permet de la revivifier et de la compléter. Car la laïcité est liberté : liberté de croire, ou de ne pas croire ; La laïcité est égalité, égalité dans la distinction de race ou de religion. Enfin la laïcité est fraternité : fraternité qui accueille tous nos concitoyens dans une seule communauté, la République. Position du PRG sur la laïcité, contribution du Parti à Commission Stasi (Commission de réflexion sur l’application du principe de laïcité) – 2003. 1

la

Extraits des interventions des invités Françoise Laborde : « En cette période de polémiques, de tensions, en ce printemps où les ambitions pour 2012 fleurissent, l’initiative des radicaux est nécessaire. Comme l’écrivait JM Baylet dans une tribune parue récemment dans l’Express, il s’agit « d’élever le débat ». L’idée laïque portée en son début par les seuls radicaux, est devenue le bien commun. Depuis 1946 dans la constitution, confirmée par celle de 1958, elle fait partie désormais du «bloc de constitutionnalité ». Mais au moment où elle est acceptée de tous, elle est réinterprétée, notamment par ceux qui auparavant la combattaient, et qui tentent aujourd’hui d’en modifier le sens. Cette dérive est à l’œuvre quand Marine Le Pen éructe son racisme en parlant de laïcité, ou dans le discours implicite de l’UMP en marge de son débat où la laïcité est instrumentalisée à des fins électoralistes. On y oppose laïcité et islam ; être laïque serait être contre les cultes, ou plus précisément contre un culte. Il faut pourtant rappeler que la laïcité n’est pas une pensée de combat anti-religieuse, mais qu’elle est a-religieuse. Pour les Radicaux, la laïcité n’est pas seulement le maintien de la sphère publique à l’écart des influences religieuses, elle est bien plus. En résumé, elle est « la garan-

tie de la neutralité absolue des institutions publiques à l’égard des influences confessionnelles, partisanes ou économiques1 ». Mais en même temps qu’elle est un principe vertébral, la laïcité a des implications très concrètes : construction de lieux de cultes, prières de rue, mixité des services publics, financement des crèches et des écoles confessionnelles… Elle n’a pas besoin d’être amendée, modernisée, mais seulement appliquée.

Marie-Françoise Bechtel : « La laïcité n’est pas inscrite aux frontons républicains mais elle est plus forte que le droit, elle est le centre. Deux dangers la guettent : la voir menacée, détournée, mal comprise ou bien la croire trop naïvement universelle. Elle était totalement absente du débat dans les années 80. Evoquée dans le domaine scolaire, elle ne semblait pas « attaquée ». Mais on ne voyait pas alors comment les jeunes de l’immigration allaient interpeller la société sur les « valeurs » communes. Dans les années 90, par renoncement de l’école à intégrer véritablement et aussi par la montée des individualismes, du consumérisme, les tensions s’exacerbent.

Françoise Laborde

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Table ronde

Axel Kahn

Intervention

dans le débat de

Guy Georges, SNI

ancien secrétaire général du

projet républicain. On ne peut hélas que constater pour l’heure l’absence totale de raisons de se mobiliser face à un réseau de connivences ». Si on revient au point de départ des affaires concernant le « foulard », par exemple, on trouve à Creil un responsable éducatif qui convoque la presse pour un cas isolé, se faisant ainsi un socle de notoriété pour sa future candidature politique. Une manipulation. Ensuite, cela n’a concerné qu’une quinzaine d’établissements en France. Mais on a laissé filer. Et on a vu le tollé suscité par le projet de réintroduire l’éducation civique et citoyenne à l’école ! Le savoir libérateur n’était pas à l’ordre du jour ». Axel Kahn : « Lorsque l’œuvre encadrée est maculée, faut-il changer le cadre ? Si les lois sont battues en brèche, non-respectées, faut-il changer les lois ? De la même manière, la constitution de groupes se définissant par leur appartenance religieuse nécessiterait de s’interroger sur le bien-fondé de la loi de 1905 ? La question est absurde. Elle est le seul cadre possible du fonctionnement démocratique de la République, car elle reprend la distinction faite par Locke entre la sphère privée et la sphère publique. La tradition des Lumières appliquée au projet collectif républicain dans lequel s’exprime, se matérialise la volonté des citoyens, non en tant qu’individus mais à un niveau supérieur, celui de l’expression des convergences. Une constante dans les comportements humains est l’attachement à l’idée de territoire. Rien n’est plus déstabilisant que, le bulletin du partiradicalde gauche

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par la suppression des barrières, ne plus se reconnaître dans le familier. La libre circulation des idées et des modèles dans le monde entraîne la reconstruction d’un environnement géographique défini (famille, quartier, territoire, communauté de référence, de pensée, de pensée religieuse). Ces communautarismes constituent des troubles de la laïcité et n’ont pu fleurir que dans un désert du projet politique. Les individus ont besoin de réalisation personnelle dans un projet collectif mais remettre en cause la laïcité est une absurdité car elle est le seul cadre possible d’épanouissement du Simone Veil

et

JM

baylet

Conclusion Devant un public nombreux et attentif, des débats de très haute tenue ont permis aux intervenants des différentes sensibilités républicaines ayant répondu à l’invitation, de dresser un état de lieux, sans concessions, mais sans surenchère. Tous ont souligné le sérieux du document de travail disponible en ce lieu. Madame Simone Veil a assisté à la dernière des quatre «tables rondes» mettant en débats tous les éléments du pacte républicain, malmené, menacé par ceux qui font, au sommet de l’Etat, mine de le défendre


discours

Intervention de Jean-François Hory, Président d’honneur du PRG Extraits.

M

« Mesdames, messieurs, bonsoir, Chers amis radicaux, pour ceux que je n’ai pas salués, bonjour. (…) Pour ma part, militant radical de gauche, j’ai été fier de voir réunis autant d’essayistes, de philosophes, d’universitaires, de journalistes pour discuter sur la question de l’identité républicaine, échanger, dialoguer et ouvrir les perspectives d’un dialogue futur. J’ai été fier aussi de voir François Hollande, Arnaud Montebourg, Corinne Lepage, Jean-Louis Borloo, JeanMarie Bockel, une sorte de configuration des horizons républicains. Mais puisqu’il s’agit de fierté, peut-on concilier orgueil et humilité ? J’ai l’humilité, et je vous demande de vous associer à cet hommage, d’accueillir Madame Simone Veil. (…) Votre présence n’est sans doute pas due au hasard. Vous avez, et même lorsque nous combattions dans des camps opposés, incarné la République. (…) Pour ma part dans ce débat, j’ai proposé à Jean-Michel Baylet, non pas d’inviter, de convoquer les républicains à un rendezvous sur les questions suivantes : Est-il digne de nous faire définir notre nation par une conception frileuse, défensive, peureuse de l’identité nationale ? Est-il digne de définir la France comme si elle n’avait jamais été ouverte et enrichie par toutes les influences ? Est-il digne de diriger un pays en dressant les Français les uns contre les autres ? Nous avons beaucoup hésité.(…) Et puis, sont venus les discours à la Chapelle en Vercors, devant le témoignage de la mémoire des maquisards, où il s’agissait de désigner l’étranger comme l’ennemi, et le discours de Grenoble où on proposait de créer une déchéance de la nationalité, comme à l’époque vichyste où l’on expliquait que l’intérêt de la France était d’éliminer une catégorie de Français ou comme lorsqu’on désignait les Roms, les Gens du voyage, les Musulmans, les Noirs, tout ce qui ne ressemble pas à ce que Monsieur Longuet, notre ministre de la Défense, appelle le corps français traditionnel. (…)

Nous avons donc beaucoup réfléchi, JeanMichel Baylet et moi-même, et nous avons décidé de vous inviter. Le résultat - qui n’est pas du tout définitif je vais en dire un mot – de nos débats nous donne, ne soyons pas trop modestes, raison. Vous aviez tous envie de débattre de ces questions. Vous savez tous que l’identité républicaine comme un mouvement, un devenir, un projet commun, ne se laisse pas réduire à la caricature de l’identité nationale, ce qui ne veut pas dire que nous ayons quelques répulsion à l’égard de l’idée de nation. Elle nous est consubstantielle. Elle nous définit. Elle continuera à nous définir dans l’avenir avec tous les gens qui s’y agrègent de pleine volonté, comme l’a écrit Ernest Renan. Ce débat n’est pas pour autant terminé. Jean-Michel Baylet m’a demandé, avec Marie-Louise Padovani, de réanimer l’association pour la constitution de la fondation Gambetta et nous allons en faire un outil de travail doctrinal, nous nous réunirons chaque mois et je veux proposer (…) que ces réunions mensuelles se tiennent une fois sur deux chez les Radicaux de gauche et une fois sur deux chez les Radicaux valoisiens. Je n’espère pas par ce simple subterfuge gommer les frontières bien réelles que la réforme constitutionnelle de 1962 a tracées au milieu des républicains, entre les républicains. J’espère que nous pourrons montrer que les thèmes essentiels, ceux qui sont la concrétisation de la République, peuvent rassembler des gens venus de plusieurs horizons et qui ont à faire en commun un morceau de chemin pour éclairer les citoyens, pour leur dire comme dans ce très beau roman de Marguerite Yourcenar, Les mémoires d’Hadrien, « là il y a plus de lumière ». J’ai, avant que Jean-Michel Baylet résume notre journée, à dire un mot de la dernière table ronde puisque c’est la seule que j’ai pu personnellement synthétiser. Françoise Laborde ne sera pas étonnée de mon parfait accord avec elle. Elle est des nôtres, elle a une pensée sûre, il n’y a pas l’ombre d’un désaccord entre nous (…). Axel Kahn, je vais le reconvoquer. Nous sommes en butte sur les questions de la bioéthique, de la recherche génétique, du clonage, des cellules souches, de l’embryon ; nous

sommes en butte à une sorte - je sais que je vais choquer des gens-, d’obscurantisme médiéval. L’idée qui est au fondement de ce qu’on appelle le principe, désormais constitutionnel, de précaution est une idée rétrograde. Elle suppose que la problématique humaine serait limitée, qu’elle serait finie. Or, l’histoire de l’humanité n’a jamais apportée de démenti à ce que je vais proposer : L’homme n’a cessé de créer des problèmes, d’y trouver des solutions et de créer de nouveaux problèmes à partir des solutions et de les régler encore. Et c’est ça l’histoire continue de l’humanité. Rien ne nous autorise, au nom de la lutte contre les effets du productivisme, à revenir maintenant au Moyen-âge. J’aimerais bien avoir Axel Kahn dans une des réunions de constitution de la fondation Gambetta nous parlant des sujets où il est un des plus grands spécialistes français mais pas seulement lui, avec Roger-Gérard Schwartzenberg, qui a été ministre de la Recherche et qui n’est pas le dernier dans ces domaines. J’aimerais dire un mot particulier à ma collègue Marie-Françoise Bechtel. Je suis d’accord sur tout avec vous. Je suis d’accord avec votre hauteur de vue sur la laïcité, sur ce qu’est la République, sur ce qu’est un projet citoyen partagé. En revanche, je ne crois pas, comme vous ni d’ailleurs comme Jean-Pierre Chevènement, que l’Europe soit un obstacle à l’émergence d’une laïcité transnationale et même d’une conception républicaine qui dépasserait nos Etats. Je ne le crois pas. Je crois fondamentalement que l’Europe, qui est notre seul champ d’efficience aujourd’hui, est un lieu ou au contraire l’idée républicaine peut rassembler des gens parce qu’elle propose un avenir commun qui permet de dépasser les querelles entre les wallons et les flamands pour ne prendre qu’un exemple. J’aimerais donc continuer à discuter avec vous et à approfondir nos divergences parce que je suis persuadé qu’elles se dissoudront. Je veux enfin remercier Jean-Michel Baylet d’avoir organisé cette réunion, d’avoir tenu une journée d’aussi haut niveau entre des gens d’aussi grande qualité. Je veux vous remercier tous d’avoir eu la patience de lire nos documents de travail et souhaiter, non pas au Parti Radical de Gauche ni au Parti Radical Valoisien, passons les spéculations électorales, mais à l’idée républicaine de palpiter plus loin, plus haut, plus fort. Merci. »

Est-il digne de nous faire définir notre nation par une conception frileuse, défensive, peureuse de l’identité nationale ?“ le bulletin du partiradicalde gauche

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discours de clôture

Discours de clôture de Jean-Michel Baylet, Président du PRG

T

« Mesdames et Messieurs, Mes chers amis radicaux, Mes chers amis républicains de tous horizons, Madame Simone Veil, que je veux saluer, c’est un honneur pour nous que de vous voir participer à la fin de nos travaux. Merci beaucoup. Antoine Veil, que je suis heureux d’accueillir et par qui l’invitation est passée et qui a tenu parole. Merci Antoine, également, de ta présence. Nous voici au terme d’une belle et grande journée politique, une journée marquée par un soleil printanier comme une promesse de renouveau, une journée dont la République - qui n’est pas une allégorie de marbre mais une figure toujours vivante - nous saura gré. Je vous dois donc à tous beaucoup de gratitude. Au risque d’étonner, et même de choquer les stars politiques qui ont participé à ces rencontres, je voudrais commencer par remercier les sans-grade, les tâcherons de l’organisation. Programmer un tel rendez-vous, surtout organisé par les radicaux, suppose un travail préalable immense. Il y a bien sûr l’opportunité politique, il y a aussi la convergence sur l’essentiel, mais un concert aussi harmonieux ne serait pas réussi si l’administration permanente du parti n’y avait mis sa compétence et son expérience. C’est pourquoi je remercie en tout premier lieu Cécile, Pascal, Martine, Marc, Pascal-Eric et tous les autres pour le travail qu’ils ont accompli. Vous nous avez permis d’être là tous ensemble aujourd’hui. Merci. Je veux aussi féliciter la patience anxieuse - qu’allait-il sortir de là ? -, la vigilance sourcilleuse - que venons-nous faire là ? - de nos fédérations et des nombreux militants qui ont préféré ce dialogue privilégié avec la République à des loisirs familiaux que nul n’aurait osé ni pensé leur discuter. Dans une grande rencontre radicale, il faut, c’est une évidence, des radicaux. Merci à eux-aussi. Enfin, puisqu’il est nécessaire de rendre à César ce qui est à César –que cette évocation n’aille pas lui monter à la tête ! – je veux particulièrement remercier Jean-François Hory (disons, pour résumer, que je le remercie comme un frère) de m’avoir persuadé - car j’ai douté au début, c’est vrai - d’organiser ces rencontres et de m’avoir apporté quelques éléments de réflexion (en vérité, cet ancien gauchiste nous les a empruntés) pouvant réunir, autour de ce petit cahier radical, les valeurs de la République. Tout au long de cette journée, nous n’avons entendu que des compliments sur ce petit travail. Merci Jean-François et bravo pour ton talent, que tu viens, encore une fois, de démontrer à cette tribune.

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Pour le reste, je ne vous étonnerai guère en vous disant que j’ai vérifié sans surprise notre accord fondamental avec tous nos interlocuteurs sur une conception active, ouverte, vivante de l’identité républicaine. Le hasard et les contraintes des agendas individuels ont contraint François Hollande à ouvrir votre journée de débats exactement après moi.

exprime notre anxiété commune. Et je ne crains pas de dire, quels que soient les commentaires du microcosme, que ce matin François Hollande m’a donné, nous a donné, l’impression d’être dans la perspective de l’élection présidentielle, un candidat visible et solide et surtout un républicain pur sucre.

Pour vous dire la vérité, j’avais invité à notre réunion tous - je dis bien tous les responsables socialistes dans cette période de surchauffe pré-électorale, à venir s’exprimer ici. François Hollande et Arnaud Montebourg ont été les seuls à accepter mon invitation, votre invitation, et donc à marquer aux radicaux leur considération. Nous leur en saurons gré et nous les en remercions.

Il a eu par ailleurs l’aplomb - vous l’avez tous noté - de souhaiter à Arnaud Montebourg « la bienvenue chez les radicaux de gauche » puisqu’il était à la tribune lorsque Montebourg est arrivé. Arnaud que nous connaissons bien n’a pas manqué de remercier le PRG de lui fournir, en tout premier lieu, une occasion de rencontrer François Hollande. Il n’y a là que des escarmouches dans une famille qui est notre voisine, notre cousine mais pas la nôtre. Rien de grave.

Par sa rigueur de raisonnement, par la profondeur de sa culture historique lorsqu’il a rappelé comment s’était forgé le modèle de l’intégration républicaine, François Hollande a confirmé à la fois nos certitudes et nos inquiétudes. Il est certain que la conception française de la nationalité est supérieure à celle de nos voisins mais il est, comme nous inquiet lorsqu’il voit que la République ne parvient plus à garantir l’égalité, lorsqu’il constate l’incapacité de l’Europe actuelle à proposer un modèle transversal et transcendant, lorsqu’il déplore la montée dans toute l’Europe des populismes prétendument identitaires. Lorsqu’il dit encore que la République est aujourd’hui attaquée par ceux qui confisquent ses propres mots, il

Arnaud Montebourg a eu le mérite de rappeler la longue et très ancienne parenté entre radicaux et socialistes. En évoquant Lamartine (c’est son tropisme de Saône-etLoire), Gambetta, Jaurès et Clemenceau, il ne risquait guère de heurter les radicaux. Il a eu aussi le mérite d’inventorier les enjeux et les périls auxquels la République est confrontée : la guerre, le déficit, la dette, l’inactivité de la jeunesse, la crise climatique, les excès de la mondialisation, le casino financier universel. Et il a posé une question simple : les classes moyennes et les classes populaires seront-elles seules à payer le prix de l’irresponsabilité des possédants ? Arnaud et François partagent au moins une idée (ils en


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ont sans doute d’autres en commun) : la République n’est pas incompatible avec la Nation dès lors qu’elle reste ouverte, tolérante et respectueuse de toutes les diversités qui font sa richesse. Tous les deux sont braqués sur les primaires, qui restent aujourd’hui (même si l’affaire n’est pas close) le seul fait des socialistes. Alors tous nos vœux les accompagnent. Le temps dévolu ensuite aux tables rondes thématiques était évidemment, aux yeux de nos amis des médias, moins « fun » que la comparution au tribunal radical des candidats à l’élection présidentielle. Pour autant, je ne voudrais pas minimiser l’importance des apports que nous avons eus à notre réflexion collective. La première de ces importantes discussions était consacrée aux notions républicaines de base : que sont l’identité, l’universalité, la nationalité, la citoyenneté. Je n’avais à vrai dire pas grande inquiétude lorsque j’ai demandé à Roger-Gérard d’animer cette table ronde. Mais il l’a fait à sa manière, éminente. Qu’il ne s’agace pas d’un compliment adressé autrefois par d’autres à M. Juppé. Roger-Gérard, tu es le meilleur d’entre nous et, lorsque tu t’exprimes, je suis fier des radicaux.

Arnaud et François partagent au moins une idée : la République n’est pas incompatible avec la Nation dès lors qu’elle reste ouverte, tolérante et respectueuse de toutes les diversités qui font sa richesse”

Tu as permis à la présidente de « Ni putes ni soumises » notre amie, Sihem Habchi, de dire, depuis le faîte de son expérience vécue, que l’on peut être Français par simple adhésion de la volonté (comme le disait Renan 125 ans avant elle) et que la foi en l’avenir n’est ni une question d’origine, de race, de sexe ou de religion mais le simple produit de la liberté de conscience. Sihem a ensoleillé

notre matinée et nous n’avons pas fini, je l’espère, de dialoguer avec elle. Roger, tu as fait une distribution digne d’un metteur en scène. Après les risques de l’exotisme consciemment encourus avec Sihem Habchi qui refuse, pour sa part cette prime à l’exotisme, tu as invité Jean-Michel Quillardet qui est chez nous comme chez lui. Je ne voudrais en rien céder au folklore des comités de la rue Tiquetonne, ancêtres du radicalisme institutionnel, mais Jean-Michel sait, lorsqu’il cite Montesquieu en disant que l’on est Français par hasard mais essentiellement homme, qu’il ne risque ici aucun contredit. Quant à Gérard Delfau, il a tant contribué non pas à la modernisation de la laïcité (une règle intangible n’est par nature pas modernisable), il a tant et si bien écrit sur ce sujet que les radicaux, en l’écoutant, n’avaient pas l’impression de découvrir mais de réviser. Gérard, je connais les problèmes de santé qui te tiennent éloigné ces tempsci de nos délibérations. Reviens-nous vite. L’animation de la deuxième table ronde sur la mémoire et le patrimoine était dévolue à Joëlle Dusseau. Elle ne le prendra pas mal mais demander à Joëlle de parler de le bulletin du partiradicalde gauche

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l’Histoire, c’est plonger un poisson dans l’eau. Elle nous a dit, en termes émouvants, comment Georges Charpak avait appris la culture française grâce à Alexandre Dumas. Sa modestie l’a empêchée de confier que, pour devenir docteur, elle avait consacré sa thèse à Jules Verne ce qui est, somme toute, la meilleure manière de prouver que l’Histoire n’est pas seulement une mémoire mais le plus bel éclairage de l’avenir. En invitant Jean Baubérot à nous parler de laïcité, nous ne prenions pas à vrai dire beaucoup de risques tant sa pensée nous est connue et proche. Il a cependant présenté une version dialectique de l’opposition entre deux conceptions de l’Histoire et je crois, personnellement, que cette contradiction, en bonne partie théorique, reste réductible. Que dire de Rokhaya Diallo qui nous a si fortement touchés en montrant le désarroi d’une France qui refuse, tournée vers un passé idyllique n’ayant jamais existé, de se reconnaître dans ses nouveaux visages. Elle pardonnera sans doute au machisme radical invétéré de dire qu’elle offre de cette France nouvelle, pluraliste, diverse, une des plus jolies figures. Sans être en parfait accord avec elle sur le phénomène du particularisme - mais j’espère que nous aurons de nombreuses occasions d’inventorier et de réduire nos divergences - je la remercie tout particulièrement d’avoir souligné - c’est une idée

souvent oubliée - que le pire des communautarismes est celui des élites endogames et consanguines qui prétendent dicter leur conception de la République. A bientôt donc, Rokhaya, pour de nouveaux débats. Avec David Gozlan, nous avons accueilli aussi le rationalisme militant puisqu’il est le secrétaire général de la Libre Pensée. Pour les tenants d’une laïcité prétendument ouverte, moderne et positive, la Libre Pensée est presque une insulte, l’expression organisée d’un archaïsme « laïcard » (j’y mets des guillemets). Mais en refusant toute forme de police des consciences et en rappelant, contre les falsifications des royalistes puis de l’extrême-droite, que Jeanne d’Arc avait été brûlée par des curés, David Gozlan nous a montré que nous étions bien dépositaires d’un héritage commun. En prenant la parole après ces deux tables rondes, Corinne Lepage, ancienne ministre et présidente de Cap 21, a tenu a souligner, je l’en remercie, que la République est une idée qui rassemble et qu’on pouvait voir un symbole de cette puissance unificatrice dans le fait que Jean-Louis Borloo et moi-même étions, au-delà des arrangements partisans, côte-à-côte pour dialoguer sur l’identité républicaine. Elle a rappelé qu’aux énormes défis que la République affrontait, chacun pouvait entendre trois réponses politiques : celle du retour en arrière vers un « âge d’or » illusoire ; celle du conservatisme mâtiné à la marge de quelques arrangements sociaux ; celle enfin d’un nouveau modèle de développement. Son choix pour cette dernière option étant fait, elle a regretté, en invoquant la devise républicaine que le prin-

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cipe d’égalité se définisse plutôt a contrario comme une litanie des inégalités. Elle a insisté aussi sur la dimension européenne seule capable – et nous partageons cette vision - de rendre du poids à nos ambitions et sur le merveilleux projet d’une République universelle. Revenant à son écologie favorite, elle a mobilisé Steiner pour nous inviter à laisser notre maison commune plus belle encore que nous ne l’avions trouvée. C’était une contribution importante. Merci à Corinne Lepage. J’ai ensuite, avec vous, et je l’ai dit ce matin à cette tribune, eu l’honneur sans précédent d’accueillir, avec amitié et fraternité, Jean-Louis Borloo, président du parti radical valoisien et probable candidat à l’élection présidentielle. Je n’insisterai guère sur le fond de son propos tant il était manifeste que nous sommes en accord total sur la question de l’identité républicaine. Rappel historique des contributions les plus diverses à la formation de la Nation ? D’accord. Rappel du rôle essentiel de la loi de 1905 comme une autorisation à la liberté, une règle de neutralité et un appel à la concorde ? D’accord. Frayeur devant la montée des populismes et des peurs identitaires ? D’accord. Refus de l’assignation à résidence sociale, religieuse, raciale ? D’accord. Peur au spectacle de nos cités, des quartiers abandonnés par la République ? D’accord.


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Etre en parfaite harmonie de vues avec Bernard Teper n’est bien sur pas une surprise pour nous. Nous avons tellement de racines communes et nous avons tellement participé aux manifestations collectives de l’humanisme philosophique que - Bernard me le pardonnera – nous savions par avance que nous apporterions notre assentiment à ses développements. En revanche, Hanifa Cherifi nous a asséné un vigoureux rappel à l’ordre. J’ai même envie de parler d’un rappel au désordre tant il est vrai que la République est un mouvement, un avenir, un projet. Nous avons sans doute manqué, comme elle nous l’a dit, dans les années 80, l’occasion d’inviter au grand banquet de nos valeurs communes. Il n’est pas trop tard. Quant à la dernière table ronde, au-delà du fait que Jean-François Hory l’a lui-même commenté et résumé devant vous, pour la plupart d’entre vous, vous y avez assisté, donc je n’y reviendrai pas, si ce n’est pour remercier également les participants et louer la qualité de leurs propos et dire finalement, qu’au-delà de quelques détails, nous sommes en accord avec les paroles qui ont été prononcées et les lignes qui ont été tracées.

Mais l’essentiel, mes chers amis, n’est pas là. Que les radicaux, depuis près de 40 ans, artificiellement divisés se retrouvent sur de tels thèmes n’est pas étonnant. D’accord donc. Mais Jean-Louis Borloo n’est pas un responsable politique pour rien. Il a également dit que l’un d’entre nous, un radical dans tous les cas, pourrait proposer un vrai projet républicain à la France pour les dix années qui viennent. D’accord encore une fois et bien naturellement, ai-je envie d’ajouter. Par la suite, dans la grande tradition des radicaux, surtout quand les deux partis sont réunis, nous avons eu un excellent déjeuner convivial où j’ai eu le plaisir, en plus de Jean-Louis, bon comparse à table, de retenir Rokhaya Diallo qui n’a pas manqué d’ajouter son grain de sel à ce repas, puis d’accueillir Jean-Marie Bockel. Celui-ci, en début d’après midi, a choisi de centrer son propos sur son expérience locale. Je n’en déduis pas qu’il refuserait de parler de ses engagements nationaux. J’ai observé au contraire, que sa vision d’une laïcité républicaine à construire dans le quotidien de la vie urbaine est sans doute transversalement républicaine. Je ne suis pas certain que ses nouvelles alliances lui aient permis de faire progresser cette conception. Qu’il me pardonne. Mais je sais que son regard sur l’avenir ne devrait pas tarder à croiser notre propre explication.

La première table ronde de cet après-midi régulée par Richard Michel, avec talent, et je le remercie, ne regroupait que des personnes dont nous savons qu’elles ne sont pas éloignées de notre conception de la République. Gilles Casanova me permettra t-il de dire qu’il a exposé une vision un peu (comment dire ?) « prussienne » de notre République. Nous sommes d’accord sur l’essentiel et séparés par des détails mais nous viendrons finalement à bout de ces divergences. Kevin ou Mohamed ont entraîné quand même quelques remous dans la salle et je les partage. Telle ne nous parait pas être la question fondamentale puisque nous ne cesserions pas de donner l’inventaire des Jean Baptiste devenus libres penseurs.

Je n’insisterai guère sur le fond de son propos (ndlr. de JL Borloo) tant il était manifeste que nous sommes en accord total sur la question de l’identité républicaine“

Mes chers amis, nous arrivons donc au bout de cette belle journée, et je voudrais m’adresser plus particulièrement aux radicaux, pour les remercier encore une fois bien sur, et pour leur dire que lorsque les radicaux ont la volonté de se mettre en mouvement, eux, et eux seuls, peuvent rassembler dans la diversité la plus large, à une même tribune, des femmes et des hommes issus d’horizons différents pour des débats essentiels quant à l’actualité et quant à notre société, et qui seront déterminants dans la campagne présidentielle qui s’ouvre. C’est dire que le Parti Radical de Gauche a un rôle central à jouer dans les mois à venir, quant à la préparation de ces élections, quant à la définition d’un projet républicain et quant au choix d’un candidat également. En ce qui nous concerne, nous sommes animés par une volonté fondamentale mais de manière farouche : nous voulons le changement. Ce changement, il nous appartient de le préparer. Nous avons commencé aujourd’hui de poser, avec d’autres certes, issus pour l’instant de camps différents -, une première pierre. Je vous propose de continuer à construire notre maison commune, de le faire avec détermination, fondée sur nos principes républicains, sur la devise de liberté, d’égalité, de fraternité, sur la laïcité, dont nous avons tellement parlé aujourd’hui et, à ce moment là, nous pourrons dire avec fierté : « Oui, les radicaux, non seulement ont contribué au changement, mais ils ont été le catalyseur de ce changement » et nous aurons, ce faisant, comme nos aînés, pris toute notre place dans le combat républicain et je sais que je peux compter sur vous. Merci ».

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