Débat sur le thème « Education : des territoires au service de l’égalité », organisé par le Laboratoire des idées de la Fédération Socialiste des Yvelines mardi 16 novembre 2010, à Conflans-Sainte-Honorine
RELEVÉ DES DÉBATS Avec la participation de Pierre FRAUDEAU,
Président de la FCPE des Yvelines (Fédération des Conseils de Parents d'Elèves) ;
Sandrine GRANDGAMBE, Conseillère municipale de Montigny-le-Bretonneux, Conseillère régionale d’Ile-de-France, Enseignante ; Gilles LE BAIL,
Délégué général de la FFMJC (Fédération Française des Maisons des Jeunes et de la Culture) ;
Christophe PARIS,
Directeur général de l’AFEV (Association de la fondation étudiante pour la ville).
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« Education : des territoires au service de l’égalité »
Accueil de Philippe ESNOL, Maire de Conflans-Sainte-Honorine Philippe ESNOL fait part de son plaisir d’accueillir ce débat à Conflans, remercie les intervenants qui vont animer la soirée ainsi qu’Estelle Rodes, Première secrétaire fédérale de la Fédération Socialiste des Yvelines, pour sa présence. Le maire de Conflans-Sainte-Honorine salue le travail « considérable et de grande qualité » du Laboratoire des idées de la Fédération sous la houlette de Sébastien DURAND avant de souhaiter à chacun une bonne soirée. Je suis ravi d’accueillir ce soir ce débat avec un sujet lié à l’éducation, et l’égalité des chances en particulier, dans le cadre de notre devise républicaine. Liberté, bien sûr. Fraternité, sûrement. Mais on parle également beaucoup d’égalité en France. Les français sont en effet extrèmement sensibles à l’égalité, l’égalité dès le départ, et la justice. Sujet sensible et important que l’égalité, l’éducation étant au cœur du
problème de l’égalité et de l’égalité réelle. Nous sommes là pour écouter, pour débattre et en apprendre un peu plus sur ce thème fondamental aujourd’hui, au cœur des préoccupations des français. L’amertume ou la rancœur à l’égard du président de la République actuel et son et ses gouvernements tient beaucoup aussi à ce sentiment chez les français que l’égalité n’est pas respectée avec d’un côté un président des riches, en tout cas ceux qui sont nantis, et de l’autre ceux qui sont dans la difficulté, sans vraiment s’en préoccuper. C’est un sentiment d’injustice extrêmement fort qui est ressenti aujourd’hui par les français et qui explique en partie ce rejet du président, qui d’ailleurs, de mon point de vue, l’a bien mérité.
Introduction d’Estelle RODES, Première secrétaire fédérale, Fédération Socialiste des Yvelines Philippe ESNOL ainsi que les membres de la section de Conflans-Sainte-Honorine qui accueille le premier débat du Laboratoire des idées sont remerciés, ainsi que l’ensemble des intervenants, qui sont présentés. Les remerciements sont également adressés à Sébastien DURAND qui, par la lettre et le rapport, « a mis en forme un travail qui me tenait particulièrement à cœur », travail par ailleurs repris sur le site national. Le débat répond à un choix pertinent du sujet car il s’inscrit parfaitement dans la logique du calendrier du parti et remplit sa fonction, à la fois d’être en adéquation avec la réflexion nationale sur l’égalité réelle mais aussi la mission de notre fédération d’avoir une vision locale et des territoires. La première des égalités doit commencer à l’école. Mais trop souvent, et le département des Yvelines illustre parfaitement ce que peuvent provoquer les inégalités, le territoire et le milieu social dans lequel on est né sont déterminants. Le département connaît des endroits où les enfants réussissent parfaitement et des endroits où l’échec scolaire domine. Ce constat illustre le fait que les territoires doivent jouer un rôle.
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Entre les communes qui accompagnent les enfants dès le plus jeune âge – car l’éducation, ce n’est pas seulement l’école et l’Éducation nationale (accueil des enfants dès la naissance, accueil périscolaire qui jouent un rôle important) -, celles qui offrent un accueil simplement avant et après l’école sous forme d’étude ou parfois de simple garde où les devoirs ne sont pas réalisés, les différences sont fortes. L’inégalité des chances se retrouve ici aussi et on accentue des inégalités dans l’Éducation nationale. Il y a l’école pour tous mais on a du mal à individualiser. On pense par exemple aux enfants qui ont des énormes capacités, mais peut-être un mode de pensée un peu différent, et qui sombrent très rapidement dans l’échec scolaire. D’énormes potentiels sont gâchés à l’école et plus de 30% des enfants surdoués sont ainsi en échec scolaire. Pour adapter l’offre éducative, on a besoin de collectivités territoriales qui, par le biais d’associations, peuvent corriger les effets pervers et contribuer à une égalité réelle. Il est donc important d’envisager la question de l’éducation sous cet angle.
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Débat « Education : des territoires au service de l’égalité » Sébastien DURAND, Secrétaire fédéral au Laboratoire des idées Après avoir remercié Philippe ESNOL pour son accueil, Estelle RODES pour avoir confié la responsabilité de ce travail, ainsi que les participants d’avoir bien voulu accepter d’y prendre part à travers ce débat, Sébastien DURAND rappelle la démarche suivie par le Laboratoire des idées des Yvelines. Le débat de ce soir correspond à la troisième étape du travail lancé par le Laboratoire des idées, après un premier document de 8 pages, série d’interviews d’acteurs éducatifs locaux sur cette thématique de l’égalité, suivi il y a une dizaine de jours par un rapport un peu plus conséquent, également travaillé avec les acteurs éducatifs du département, représentants élus de collectivités territoriales et représentants associatifs. La démarche se poursuit donc ce soir, avec ce débat autour des quatre intervenants exerçant, à des titres divers, des responsabilités éducatives sur nos territoires. La thématique retenue découle d’un double constat. Le premier constat est que la lutte pour l’égalité devant l’éducation et le savoir est toujours un combat d’actualité. Un ministre expliquait il y a peu que, finalement, il n’y avait pas de problème d’égalité, mais simplement des problèmes d’enfants qui ne travaillaient pas assez. Cette vision circule encore trop souvent et pendant ce temps, tous les ans, 150 000 enfants sortent du système éducatif, à 16 ans ou un peu plus, sans le moindre diplôme. Souvent sans le moindre projet, projet professionnel ou projet de vie.
Le second constat est le rôle croissant que peuvent jouer les territoires, le local, dans la sphère éducative. On pense bien sûr aux collectivités territoriales avec le grand mouvement de décentralisation mais aussi la déconcentration. On a conféré des compétences beaucoup plus étendues dans le domaine éducatif aux collectivités territoriales : communes d’abord, intercommunalité, départements et régions. Avec la déconcentration, les partenaires se sont aussi rapprochés. A côté, il y a aussi des associations locales, associations d’éducation populaire notamment qui font un important travail dans les territoires. Ce mouvement local prend beaucoup d’ampleur. C’est certainement intéressant avec des collectivités qui développent des ambitions importantes mais c’est aussi un facteur de risques car les collectivités ne sont pas égales ni en moyens ni en ambitions et ce qui est vrai sur une commune ne l’est pas nécessairement sur une autre. Les enfants ne sont pas, de ce point de vue, égaux à la base. Ces constatations nous amènent à penser qu’il faut développer une vision de l’éducatif rattachée aux territoires pour déboucher sur une politique éducative locale. C’est ce qui a justifié le travail du laboratoire des idées des Yvelines et explique la présence de nos quatre intervenants, acteurs locaux de l’éducation.
Christophe PARIS, Directeur général de l’AFEV En introduction, Christophe PARIS a tenu à re-souligner la qualité du rapport fait par le Laboratoire des idées, qu’il a lu attentivement. Il est revenu sur le rôle de l’Association de la fondation étudiante pour la ville dont il est le Directeur général. Association d’éducation populaire, l’AFEV intervient dans les quartiers populaires pour faire du lien social. Elle permet à des étudiants de s’engager et de développer de la solidarité. L’association est aujourd’hui le 1er réseau de jeunes dans les quartiers, avec 7000 étudiants bénévoles qui se mobilisent dans 300 villes en France. La question de l’éducation est en train de redevenir une préoccupation centrale en France. C’était moins le cas il y a quelques années où il y avait un autre débat, sur les moyens notamment. Mais dans le fond, il y avait plutôt un accord de la société avec son école, le rôle de l’école et le rôle de l’éducation. C’est en train d’être remis en cause avec une grande
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interrogation, à droite et surtout à gauche, sur comment repositionner l’école en France. On se pose cette question pour plusieurs raisons. D’une part, parce que c’est un système qui crée de l’échec scolaire. La journée du refus de l’échec scolaire que j’ai impulsé il y a trois ans avait cette idée de médiatiser le fait qu’en France il y a 150 000 jeunes qui sortent tous les ans du système scolaire sans qualification. En quelques années, ce sont un millions de jeunes. C’est une génération. On peut forcément se débrouiller sans diplôme, mais c’est plus facile avec. C’est donc un système qui crée l’échec scolaire et qui est très inégalitaire. Il y a beaucoup de chiffres très intéressants dans le rapport, regardez-les : Les différences de catégories socioprofessionnelles ou de jeunes qui arrivent à bac+3, c’est édifiant. Deuxième élément, l’éducation est devenue, et pas simplement en France, dans un système globalisé et
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mondialisé, un enjeu économique majeur. Il y a d’ailleurs de plus en plus de pays qui investissement massivement sur l’éducation pour cette raison. C’est aussi un élément qui remet l’éducation au centre. Troisième élément, on est dans un monde devenu complexe, de plus en plus individualisé. Il faut donc avoir des compétences transversales de plus en plus importantes. Ce ne sont pas seulement les compétences de base, c’est aussi la mobilité, c’est aussi capter l’information et utiliser des réseaux. Ce sont des éléments complexes et l’éducation, au sens global, éducation formelle et non formelle, doit pouvoir donner tous ces éléments. Toutes ces raisons font que l’éducation redevient un enjeu majeur. Ce sera l’un des enjeux de l’élection présidentielle. 2 - 3 choses par rapport au thème de ce soir, éducation, inégalités et territoires. Il y a déjà l’inégalité liée aux conditions sociales et à l’environnement socioculturel des enfants. Au-delà du système, et quelque soit le système, qui ne peut être parfait, il y a des fortes inégalités. Dans le système français, les inégalités se concentrent et ont un effet important sur des moments particuliers, moments charnières du parcours éducatif. Il y a des moments clefs où on demande aux enfants de convoquer des compétences sociales ou culturelles très différentes, qui sont très inégalitairement réparties entre les enfants. Si on a une action locale, ensemble, à privilégier, c’est peut-être à ces moments clefs du parcours. J’en cite 2-3 mais il peut y en avoir d’autres. Le moment du passage de la maternelle au début du CP, où l’enfant commence à apprendre à lire, est un de ces moments. On se rend compte que celui qui est bien passé à l’oral, et à qui on raconte des histoires chez lui, arrive en CP sans trop de problème et s’attaque à la lecture. Les autres vont arriver au CP avec des difficultés. 80% des élèves qui ne réussissent pas leur CP n’iront pas au bac. On est déjà là dans un domaine où une action locale peut être faite. Deuxième élément de parcours qui me semble intéressant, le passage CM2 - sixième où on demande aux élèves de passer une grande marche d’autonomie et où ceux qui sont équipés intellectuellement pour le faire réussissent mieux. Troisième élément que je voudrais souligner ce soir, l’orientation 4° - 3°. Certains enfants ont des parents qui peuvent aller voir le professeur principal pour décider de l’orientation vers telle ou telle filière tandis que d’autres n’osent pas ou ne se projettent pas et
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vont avoir une orientation difficile. Il y a là des éléments d’inégalité. Autre élément que je voulais balayer rapidement, c’est plus globalement la question du système scolaire. Les inégalités sociales ont un impact fort dans le parcours, mais en plus notre système scolaire ne va pas très bien. Il y a une réflexion à avoir sur comment on fait évoluer ce système là. Il ne faut pas non plus être catastrophiste, il y a beaucoup de choses qui vont plutôt bien mais il y a des éléments à re-calibrer. Comme je le disais tout à l’heure, l’école maternelle doit être un moment où l’on devrait plus fortement lutter contre les inégalités. Nous lançons avec le Nouvel Obs un grand appel sur la suppression des notes à l’école élémentaire sur cette idée que l’école élémentaire est encore en France dans un système de compétition, alors que l’on n’a plus besoin aujourd’hui de sélectionner : On sait que les enfants vont aller au moins jusqu’à la 3° et on espère encore après. Il faudrait un rapport plus sain, plus de coopération et moins de compétition à l’école primaire pour consolider les enfants et leur créer un rapport sain avec l’apprentissage. Et puis après il y a le collège. C’est ce qu’on appelle le maillon faible et je souhaite qu’on ait le courage de réinventer le collège unique. Il y a des choses à imaginer mais le collège reste quand même pensé comme un petit lycée et, là encore, c’est anachronique. Il faudrait faire une liaison plus souple, plus naturelle avec l’école élémentaire. Consolider au niveau du collège, puisque c’est le moment de la préadolescence, pour amener les jeunes vers différentes voies, qu’elles soient générales ou professionnelles. Dernier élément que je voudrais aborder sur cette partie : En France, on n’arrivera pas à faire évoluer notre système, si on ne s’attaque pas à une vraie revalorisation, forte, de la formation professionnelle. Il y a une réforme majeure, depuis un an - un an et demi, pour moi la plus importante depuis la réforme initiée par Jospin il y a une vingtaine d’années, qui est la suppression du BEP et le fait qu’on envoie l’ensemble des adolescents vers un lycée professionnel. Je trouve cela très intéressant, parce qu’on ne met plus les gens sur le côté et les emmène tous sur trois ans au bac. Il y a le début d’une revalorisation du parcours professionnel et on n’y arrivera pas sur cette question si on ne le valorise pas. Je voulais finir sur la question de la famille et du rôle des familles. Sans faire un grand discours, c’est pour moi fondamental et, là aussi, ce peut être le rôle des collectivités, notamment des communes. Il y a là un
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développement beaucoup plus fort de l’aide parental. C’est un enjeu qui est extrêmement fort d’aider les parents aussi dans l’accompagnement de leurs
enfants. S’il y a inégalité, elle se cristallise aussi très fortement ici. Il y a là un levier assez fort à tirer sur cette question.
Sandrine GRANDGAMBE, Conseillère municipale et régionale, enseignante Pour le constat, il est partagé. Tu l’as dit, on se réintéresse à ces questions. En même temps, même si ça n’a pas beaucoup d’importance, on a noté que, au gouvernement, dans l’ordre protocolaire, l’éducation est très bas et que le premier poste est la défense. On est ravis, surtout quand on fait partie de ce monde de l’éducation… Sur le constat également, comme première réflexion, ce qui est très frappant est qu’aujourd’hui, lorsque l’on parle de l’école, on parle de l’échec et on parle souffrance. Le dernier rapport qui est sorti montrait la souffrance des élèves, pour des raisons différentes, souffrance vécue de manière réelle, souffrance des enseignants également, peur du collège… Que la souffrance soit réelle ou non, l’école est d’abord ressentie comme ça alors que l’école, dans notre système, ce devrait être simplement l’émancipation des individus, un lieu de vie, un lieu de joie de vivre aussi. Alors c’est vrai qu’il y a quelque chose de raté et qui nous interroge. Le constat est assez affligeant, il y a des chiffres qui montrent qu’il y a vraiment de quoi être inquiets sur la reconduction des inégalités et en même temps il y a aussi toute une part de l’école qui fonctionne bien et qui arrive quand même à donner un bon niveau et faire que les élèves sortent avec une formation. Mais il y a des dégâts. Regardons en tant que conseillère régionale. C’est vrai que la région s’occupe des lycées et essaie de mettre en place des politiques éducatives un peu plus larges. L’Île-de-France compte 400 lycées publics, un peu plus de 150 privés et il y a là une égalité de moyens. Donc, a priori, l’égalité est de fait. Il y a aussi la gratuité des manuels scolaires qui permet justement normalement d’étendre une politique dite de correction des inégalités. Sauf que sur le terrain, ce que je vis en tant que représentante de la région dans les CA est un contraste tout à fait évident. Cela va du CA du lycée franco-allemand de Buc, privilégié, avec des soucis comme ailleurs mais globalement un lieu où l’on va retrouver nos futures élites et, la semaine dernière, le CA du lycée professionnel à Trappes, dans le public, avec d’autres problèmes et des gamins qui, avec toute la bonne de volonté du monde, vont avoir beaucoup de mal à s’en sortir sur le plan professionnel et trouver réellement leur place dans la société. Pourtant, on a bien une même autorité de
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tutelle, l’Éducation nationale, et la collectivité qui l’accompagne, la région. Cela montre que la réponse pour réduire les inégalités n’est pas à ce niveau là. Il va falloir réfléchir différemment et casser les cadres institutionnels classiques. D’où l’approche par la notion de territoires qui est à mon avis très pertinence parce que c’est une des entrées. Il y a à la fois la problématique du territoire et les acteurs sur le territoire. Première chose, ce qui est sûr c’est que l’Éducation nationale seule ne va pas réussir à changer l’ensemble du système même si, c’est vrai, il y a une réflexion à avoir sur quelques éléments clefs. C’est ce qui est préconisé dans le document sur l’égalité réelle qui a été fait par Benoit Hamon et qui dit qu’il faut mettre le paquet sur l’école primaire, sur ce bloc, avec une intervention très tôt. Si on veut une égalité réelle il faut que les inégalités de départ soient traitées à la racine. Il faut aussi avoir une vraie réflexion sur le collège, et pas forcément en termes de moyens. On est dans un système délirant où, par rapport à la problématique de l’échec, il suffit de voir comment on raisonne en termes de numérotation des classes. On parle de 6°, 5°, 4°, 3° et l’aboutissement c’est la terminale. Ça veut dire que ceux qui ne vont pas en terminale, par exemple qui sortent en 3° et vont vers une filière d’apprentissage ou autre chose ne sont pas dans la norme et sont en échec. C’est tout à fait symbolique mais reflète aussi notre manière de réfléchir. Comment on réarme le collège ? En faisant que le bloc de la scolarité obligatoire soit cohérent jusqu’à 16 ans. Après, sur la problématique des territoires, il y a une piste qui a été lancée par le Laboratoire des idées et qui a été reprise ici. C’est effectivement d’avoir, audelà du contrat éducatif local, une réflexion sur les bassins de vie, qui permette de réfléchir sur tous les échelons de la scolarité, et aussi en intégrant le périscolaire, en intégrant tout ce qui est activité culturelle. Une des grandes inégalités, c’est aussi ça, l’accès à la culture, l’accès à un monde qui est donné par l’environnement familial, le milieu social. Pour casser ces inégalités, il faut un modèle et des partenaires avec un certain nombre d’actions, avec les associations d’éducation populaire, avec les communes, pour proposer des activités que je ne
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considère pas comme des activités de loisirs et qui sont des activités éducatives absolument essentielles (accès à la musique, à toutes les formes d’art…), qu’il faut intégrer dans ce bloc. Cette approche par les territoires permet en partie de résoudre un des problèmes que l’on a qui est celui de la carte scolaire. On ne peut pas s’en sortir sur cette question de la carte scolaire. On a bien vu que le système avec la carte scolaire n’est pas forcément super. Depuis qu’on l’a en partie enlevé c’est la catastrophe, si on l’enlève complètement ce sera la catastrophe totale. Les premiers chiffres ne sont pas bons et ce que nous avions dit, que l’on déshabille des zones, que l’on enlève de bons élèves de territoires et d’établissements qui en avaient besoin pour avoir un équilibre, est catastrophique. L’approche par bassin éducatif nous permettrait d’apporter une réponse en ayant une offre de formations complémentaires, des projets complémentaires entre établissements, en ayant l’accompagnement des collectivités territoriales, en ayant pourquoi pas aussi des représentants des métiers et évidemment les fédérations de parents
d’élèves qui permettent d’avoir à la fois des lieux de discussion, d’échanges – qui fait quoi et comment - et des projets communs. Sur cet aspect, c’est un des éléments à creuser, et ce n’est pas simple car on n’a pas l’habitude de travailler comme ça. Cela demande aussi un peu de moyen, une réflexion sur les lieux d’éducation, sur ce qu’on appelle la coéducation et comment on va vers cette idée sans tomber dans un certain nombre de travers. Notamment on a toujours cette problématique entre enseignants et parents d’élèves, comment chacun joue son rôle sans empiéter sur les responsabilités de l’autre tout en ayant un vrai partenariat. Comment on fait en sorte que les municipalités s’impliquent dans les projets éducatifs sans non plus arriver à une municipalisation. Il y a un certain nombre de pièges à éviter mais en même temps on commence à voir quelles sont les pistes qui permettraient d’arriver vers cette égalité réelle. Voilà quelques réflexions qui pourront être enrichies dans le débat.
Pierre FRAUDEAU, Président de la FCPE des Yvelines Merci à mes amis de me passer la patate chaude. Pour commencer, je salue ma voisine de droite [Sandrine GRANDGAMBE], car c’est la première fois que je rencontre un élu qui siège réellement dans les conseils d’administration des établissements. C’est bien là un problème, dans les collèges et les lycées notamment, qu’on ne voit pas les élus territoriaux. C’est plus simple dans les villes puisque les élus siègent dans les conseils d’école et on les voit. Un mot à mon voisin de droite [Christophe PARIS]. L’éducation est toujours un sujet majeur pour les parents, même si, malheureusement, ce n’est pas toujours le cas pour les élus. Alors c’est vrai que nous, pour centrer le débat sur les territoires, on se rend compte malgré tout que, dans les lycées, si on prend en compte les lycées favorisés, les parents sont beaucoup plus impliqués que dans les lycées moins favorisés. Dans les lycées professionnels, il n’y a jamais, ou pratiquement jamais, d’élus FCPE. Dans les lycées généraux de villes comme Versailles ou Saint-Germain, la situation est différente. A Versailles, au lycée Hoche, il y a cinquante parents à la FCPE, juste au lycée. Au collège à Versailles où je suis, il y avait huit parents pour être délégué au conseil de classe, alors qu’il y a des collèges et des lycées pour lesquels on ne trouve pas de parents. Le problème de l’égalité, et nous notre présence dans les établissements scolaires le montre, il est là. On n’y arrive pas dans une ville comme Trappes où il y a je
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crois 17 adhérents à la FCPE, pour trente écoles, trois collèges et un lycée. C’est dire si nous avons un travail important à faire pour faire entendre notre voix et passer notre message auprès des parents. Ce n’est pas que les parents se désintéressent de leurs enfants mais, bien souvent, les parents ne sont pas à l’aise avec l’institution scolaire et je crois que l’institution scolaire n’est pas assez ouverte aux parents. Le fait de ne pas être à l’aise est déjà un grand facteur d’inégalité. Ne pas oser entrer dans les écoles, ne pas oser aller voir les enseignants, c’est déjà un problème. Et on se rend compte avec les réformes qu’on nous sort des chapeaux, après avoir fait des sondages plus ou moins sérieux, comme la suppression de l’école le samedi matin, que cela ne va pas dans le sens de plus de parents dans les écoles. Par exemple, les RASED, réseaux d’aide aux enfants en difficultés, où pour rencontrer le papa, la maman et l’enfant, il n’y avait que le samedi matin. Il n’y a plus de samedi matin. Conclusion : les membres des RASED nous disent qu’ils ne peuvent plus faire leur travail car ils ne voient jamais le papa et parfois ils ne peuvent plus voir la maman. Ce sont des problèmes d’organisation qui sont majeurs à mon avis. Il y a un grand débat actuellement sur les rythmes scolaires qui est en cours de route, qui a été lancé au début de l’année scolaire et là, brutalement, ca s’accélère. On est convoqué à participer à des débats, des tables rondes, il y a une
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conférence et des inspecteurs généraux qui sont chargés de faire des études. On ne sait pas pourquoi, eux-mêmes ne le savent pas. Et tout ça, ça va déboucher sur une réformette comme on a l’habitude de voir dans l’Éducation nationale alors qu’il faudrait une grosse réforme, une réforme qui aille très très loin, une réforme qui, à mon avis si elle allait au bout, transformerait notre société, complètement. Parce que dès qu’on parle rythme scolaire, on parle bien sûr de la vie des parents, de leur rythme de travail, mais on parle aussi de problèmes économiques notamment dans le tourisme, on parle aussi de modification de l’organisation de services dans les villes, avec la restauration, avec le transport scolaire et tout ça. Cela participe aussi de l’égalité. Car l’égalité ne n’est pas seulement tous bénéficier des mêmes services, c’est aussi tous avoir la chance de pouvoir bénéficier de services adaptés. Le grand rêve de l’école unificatrice, où on mettait tous les enfants dans les mêmes salles de classes en pensant qu’ils sortiraient tous avec les mêmes diplômes, en sachant les mêmes choses, pour en faire de bons petits soldats, tout cela est évidemment fini. Aujourd’hui on travaille en réseaux, on a besoin de créativité, on sait que c’est vers ça qu’il fait aller et le système scolaire actuel n’est pas du tout prêt à aller dans ce sens. Les parents constatent qu’il y a beaucoup de choses qui vont mal, au collège en particulier. Le collège est un domaine pour lequel nous n’avons pas d’action car
ils sont essentiellement gérés par les conseils généraux et le Conseil général des Yvelines ne nous écoute pas, ça ne vous étonnera pas et je ne vous apprends rien. Cela fait des années que l’on demande un point précis sur la carte scolaire et on nous répond à chaque fois « on va le faire » ou « on va faire une commission » puis plus personne n’en parle. On n’arrive à savoir absolument rien sur la restauration scolaire par exemple. Tout ce qu’on peut savoir, c’est en passant par nos élus dans les établissements. Là aussi, le territoire départemental est complètement obscur. La politique du Conseil général est obscure, dans le domaine de l’éducation en tout cas car il est des domaines où elle n’y est pas. C’est extrêmement compliqué parce que le collège est quand même le point où se focalise à mon sens le plus de problèmes. Quand on parle avec des professeurs, on sait que la bascule se fait à peu près au 4°. Les élèves en 6° et 5°, ce sont encore de gentils petits élèves. En 4° vient l’adolescent et en 3° ce sont presque des adultes. Ça, le collège ne le prend pas du tout en compte. Quand on parle de collège unique, oui ; quand on parle de réforme, on peut se demande s’il ne faudrait pas que la 3° soit plus vers le lycée et, à la limite, on fasse monter les CM1 – CM2 plus vers le collège. Il faudrait des réformes qui aillent jusque là. Voilà pour quelques éléments. Mais c’est vrai que sur les inégalités ou l’égalité territoriale, il y a beaucoup de choses à dire.
Gilles LE BAIL, Délégué général de la FFMJC Je vais rebondir sur 2 - 3 choses qui ont été dites sans tout reprendre : il y a beaucoup de choses qui ont été dites et sur lesquelles je suis d’accord. En France effectivement, en tout cas sur la question éducative, on vivait sur un consensus, que l’on a qualifié de consensus républicain, qui datait de juste après la seconde guerre mondiale et qui reposait sur 3 piliers. À la fois l’Éducation nationale, et on en a parlé de l’école, à la fois sur l’éducation spécialisée, c'est-à-dire la prise en charge de jeunes rencontrant des difficultés sociales, en délinquance ou prédélinquance et, 3° pilier, l’éducation populaire qui était l’accompagnement et la prise en charge de jeunes en dehors des temps d’enseignement à l’école, entres autres sur du loisir. On voit qu’aujourd’hui ce qui se joue est de refonder la question éducative en France et c’est bien cela qui est en jeu. Je crois également qu’on ne peut pas réfléchir à la question de l’éducation et donc de l’égalité réelle sans remettre aussi, que ce soit l’école ou plus généralement la question éducative, dans le contexte
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de la société. Et aujourd’hui, si des jeunes commencent, quand on arrive en 4° ou 3°, à poser un certain nombre de difficultés, il faut aussi bien avoir en tête que l’éducation est quelque chose de contraignant. On peut avoir du plaisir à apprendre, mais c’est aussi contraignant. La question est qu’est-ce qu’on offre comme possibilités au jeune quand il va avoir son bac, voire quand il va entrer à l’université, et qu’est ce qu’on lui offre en termes de progrès social. Accepter d’être contraint, d’être derrière un banc à l’école ou dans d’autres lieux éducatifs pour apprendre c’est aussi pour obtenir quelque chose à la sortie. Quand un jeune, que ce soit dans un quartier ou dans une zone rurale, n’a pas de perspective à la sortie du système d’enseignement, cela renvoie forcément à des difficultés. En dépend l’acceptation de l’éducation et de l’enseignement dans la société, dans l’école, dans l’éducation spécialisée ou les associations qui sont des acteurs de l’éducation populaires.
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Il faut mettre ça en perspective parce que les jeunes qui sont à l’école doivent avoir une perspective et quand on veut aborder le prisme de l’éducation il faut se poser cette question. Si ces jeunes ont des perspectives, d’emploi, d’accéder au droit commun, d’accéder à un logement, ils acceptent beaucoup plus facilement un système éducatif ou en tout cas la question de l’éducation. Je suis parfaitement d’accord aussi, et je pense que c’est un élément important sur l’angle des territoires, qu’il est nécessaire de décloisonner. On est dans des cadres de fonctionnement, avec l’ensemble des professionnels, les écoles, les associations, etc. On est dans des modes de fonctionnement, des carcans qui sont extrêmement cloisonnés. À la fois on n’a pas toujours beaucoup de temps ni la volonté, on ne connaît pas tous les acteurs non plus. C’est difficile de dénombrer l’ensemble des acteurs éducatifs sur une commune. Les enseignants ne croisent jamais les parents des associations qui vont prendre en charge l’aide aux devoirs du jeune à la sortie de l’école, ou la personne qui accueille le jeune en périscolaire. On voit bien le parcours du jeune toute une journée et les acteurs qui interviennent autour de l’enfant ne se croisent jamais : c’est le jeune qui passe d’un lieu à un autre. Il y a besoin de décloisonner ça et il faut une vraie volonté de le faire parce que ce n’est pas évident, pour tout le monde, pour les parents qui n’ont pas forcément le temps comme pour les enseignants qui ont autre chose. Je pense aussi que, dans la question éducative et de l’égalité réelle, il faut que l’on se réinterroge sur les temps de la vie. Pourquoi ? Parce que, à la fois, on peut parler d’éducation sur toute la vie - et l’éducation c’est l’école mais ça dépasse l’école - et puis je vois beaucoup d’enfants, de parents, qui sont confrontés à la question de la mobilité, qui demande beaucoup de temps aujourd’hui : Je vais de mon domicile à l’école ; quand je suis parent je me presse pour aller chercher mon enfant ; il y a aussi les associations qui prennent en charge les enfants, etc. Il faut réfléchir à la question de la mobilité, du temps, du rapport au territoire. Combien de temps on passe aujourd’hui à se déplacer d’un lieu à un autre ? C’est du temps en moins à la fois pour soutenir la question éducative de nos enfants quand on est dans nos familles, c’est aussi du temps pour les enseignants, c’est du temps aussi pour les associations, etc. Il y a je pense cette dimension à prendre en compte, réfléchir dans un territoire sur l’équation de mobilité pour libérer du temps, donc libérer la possibilité de mieux accompagner les enfants. Encore une fois quelque soit le lieu institutionnel, que ce soit l’école, que ce
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soit l’association ou les lieux non institutionnels comme la famille. Un élément à prendre en compte également sur l’égalité réelle aujourd’hui, c’est l’accès au numérique. Nos enfants sont de plus en plus sur internet, sur facebook, sur les réseaux sociaux. Il y a une vraie richesse dans ce mode de communication, dans ce mode de repérage aussi des lieux et des acteurs, de ce qui se fait sur la commune : où est-ce que je peux pratiquer une activité, trouver une information… Pour le jeune, l’élément important est l’accès à l’information. Quand je suis jeune et que je veux m’orienter vers une filière scolaire ou une filière professionnelle, l’accès à l’information est très compliqué et l’accompagnement sur cette information est très compliqué. La question du numérique est essentielle et on a encore aujourd’hui beaucoup trop de familles qui n’ont pas d’ordinateur à la maison, car cela a un vrai coût, et n’ont pas encore de connexion internet. Comment permet-on aux jeunes après, voire aux familles, d’accéder au numérique ? Celui qui ne manipule pas un ordinateur ni ne sait utiliser internet pour trouver une information sera en très grande difficulté professionnellement dans quelques années. Pour rester dans le temps, juste un mot aussi pour dire ce qui s’est joué, car on touche ici la question de l’égalité réelle, entre les collectivités et les associations, entres autres sur la réforme des collectivités. C’est un élément qu’il faut avoir en tête. Si on dit que les territoires doivent être des lieux éducatifs, il faut donner la possibilité aux collectivités de mener une politique publique en matière d’éducation. La réforme des collectivités qui nous est proposée par le gouvernement bride les compétences des collectivités, donc bride les collectivités pour pouvoir agir en matière d’éducation. Par exemple, la compétence éducative, la compétence jeunesse n’est plus prévue que par la loi. Donc il est dit que les collectivités ne pourront intervenir sur un certain nombre de questions que sur les thématiques qui leur ont été définies par la loi. C'est-à-dire aujourd’hui culture, sport et tourisme. Pour tout ce qui n’est pas lié ni au sport ni au tourisme ni à la culture, les collectivités, alors qu’elles s’étaient emparé d’un certain nombre de questions éducatives, que ce soit au niveau local, départemental ou régional, ne pourront plus à partir de 2014 intervenir. Cela doit nous interroger puisque ce sont des capacités en moins pour les collectivités pour intervenir dans cette égalité réelle, dans cette égalité de proximité. C’est une vraie difficulté parce que les associations seront, de l’autre côté, en grande difficulté.
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Et puis dans cette réforme, vous avez la suppression des compétences mais également la suppression des financements croisés. C'est-à-dire, sur un certain nombre de projets éducatifs que la collectivité n’avait pas les moyens, seule, de porter, vous aviez des financements qui venaient du département ou de la région. Demain, ce ne sera plus possible. Ce que la
collectivité ne pourra pas porter, toute seule, sur la question éducative, cela ne pourra pas se faire ou se fera à minima. Cela doit nous amener à réfléchir sur les capacités qu’auront les collectivités, les associations et acteurs locaux à vraiment essayer de développer cette question éducative.
Sébastien DURAND Je parlais, dans mon introduction, de l’élan de décentralisation qui a pu libérer beaucoup d’initiatives locales et on s’aperçoit que le débat est non seulement d’actualité mais que des risques pèsent sur les collectivités et donc directement ou indirectement sur
les acteurs éducatifs locaux, ce qui soulève beaucoup de questions pour l’avenir. Merci pour ces premières contributions. Nous allons nous tourner vers la salle pour permettre des questions ou d’autres interventions.
Echanges avec la salle 1ère intervention Une société a toujours mis en place l’école qu’elle voulait. Pour changer l’école en place, il faut donc changer le système en place. Il suffit de regarder l’histoire, en Allemagne ou en Russie pour constater que le pouvoir en place met toujours l’école qui lui plait et lui convient. Si l’école n’a pas bougé depuis des années, c’est qu’on était d’accord. Aujourd’hui
c’est différent mais c’est plus complexe qu’on ne le pense car il y a aussi le problème de la famille, des parents. Les choses ont aussi évolué, les techniques éducatives ou les relations que l’on pouvait avoir ne sont plus les mêmes. On le voit quelque fois par exemple avec la violence des parents. Je voudrais dire que le problème est politique avant tout.
2nde intervention, Serge DEFRANCE J’ai un doute et des soucis pour ceux qui sont en échec scolaire. Envoyer un maximum d’enfants vers le bac, par exemple, ca veut dire que tous ceux qui n’ont pas la capacité de suivre, on en fait quoi ? Les oubliés de la République, du système d’éducation français, on en fait quoi ? Le chiffre est révélateur. Qu’ils soient dans les cités ou dans les villes, c’est toute de même une frange de la population et, pour employer un mot de que n’aime pas trop, la création d’un sous-prolétariat que l’on pourra utiliser au
moindre coût car ils n’auront pas la technique ou, entres parenthèses, l’intelligence, d’avoir réussi leurs études. On avait tous les palliatifs entre certificat d’étude, CAP, BEP et on a rajouté le bac pro. Aujourd’hui on a supprimé toutes ces tranches et on va arriver qu’au bac. Et celui qui n’aura pas son bac sera laissé pour compte. Je pense que c’est dangereux dans une société de laisser une frange de la population sur le bord de la route.
3ième intervention, Xavier FERNAGU Quand on parle du collège maillon faible de la chaine éducative, rappelons qu’une chaine en général ne vaut que ce que vaut son maillon faible. C’est donc sur l’ensemble du système scolaire qu’il faut que l’on se réinterroge. Il faut, dans le cadre d’une préparation d’alternance en 2012, que l’on soit facteur de propositions. L’une des décisions le plus graves prises ces derniers mois, peut-être au-delà de la réforme des retraites, c’est la suppression de la formation pédagogique des enseignants. Et quand on nous parle du projet de consultation, au niveau intermédiaire, c'est-à-dire au niveau des préfectures et inspections académiques, sur les rythmes scolaires, il s’agit bien pour le
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gouvernement de pouvoir faire encore des économies d’échelle, et ne pas se poser la question telle que nous la posent les chrono-biologistes depuis une vingtaine d’années. Quand on parle égalité réelle, j’entends aussi le terme d’égalité des chances. Laissons ce concept à la Française des jeux ou au casino du coin et parlons d’égalité d’accès aux moyens de savoirs. En terme de fonctionnement scolaire, nous ne sommes plus dans une cohérence entre les bassins de vie et les bassins de formation. Quand on revient sur le sens étymologique du mot, la banlieue est bien le lieu du ban.
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4ième intervention J’ai trouvé les propos du débat un peu convenus dans l’ensemble car on ne pose pas la vraie question de ce que sont les priorités d’un service public d’éducation qui prendra la charge de limiter au maximum les inégalités sur tous les territoires. Prenons acte d’une politique optimale qui serait mise dans ce domaine, et on pourrait penser ce que devraient faire les uns et les autres. Notre réflexion doit d’abord s’attacher à tout cela et à tout ce qui crée une inégalité en ce moment. Par exemple, la carte scolaire. En France, on sait très bien que les écoliers, les collégiens ont les journées les plus longues pour l’année scolaire la plus courte. On sait que cela fait plutôt plaisir aux parents, ça fait plaisir aux professeurs, ça ne déplait pas forcément aux électeurs. Ce n’est pas une question simple. Si on décide de placer les élèves au centre de nos préoccupations pour réfléchir à tout ça, ce va être compliqué. Si on décide d’accorder un temps moindre pour chaque enfant à l’école chaque jour, il y a du temps qui va rester : qui va s’en occuper, en fonction des ressources de chacun et des politiques en place ? C’est une énorme question, un chantier énorme auquel il faudra réfléchir.
Depuis mai 1968, on a placé l’enfant au centre de l’éducation. C’est une question complètement en reflux aujourd’hui. L’enfant est de moins en moins un constructeur de son savoir et de plus en plus quelqu’un qui écoute son professeur pour régurgiter une leçon apprise. C’est aussi une source d’inégalité. Autre question compliquée de l’éducation, celle de l’évaluation. Aujourd’hui dans l’école, on n’évalue pas les compétences acquises, on note et on classe. C’est quelque chose de largement partagé par les parents et les électeurs. Les parents de bons élèves en sont fiers et les autres se taisent. Il y a une révolution culturelle à envisager. Il y a aussi la question du corps. A partir de l’école élémentaire, l’enfant est cloué à sa table et pour ce qu’il en est de l’éducation artistique, de la musique, des arts plastiques et du sport, c’est quand même la portion congrue. On voit le chantier à penser et il est à penser en termes de priorité. Moi je mettrais la réflexion autour du service public d’éducation avant tout ce qui pourrait nous intéresser au titre des collectivités territoriales.
Gilles LE BAIL Rapidement et peut-être de façon moins consensuelle. Je ne suis pas sûr que l’État puisse demain tout régler tout seul. Les services publics restent un élément important de structuration dans l’espace public et de la prise en charge de priorités nationales et d’orientation. Une fois qu’on a dit ça, l’État providence, c’est un peu terminé et je ne suis pas sûr qu’imaginer la question éducative uniquement au travers de l’école soit une bonne approche. Je pense qu’il faut élargir, et élargir à ce que l’on pourrait appeler la sphère publique. Cette sphère inclue les services publics proposés par l’Etat et peuvent être les mêmes sur tout le territoire, mais aussi les collectivités territoriales et la société civile. Reprendre aujourd’hui la question éducative, c’est dépasser cette dimension de dire que l’État peut tout faire. Imaginer que l’Éducation nationale peut tout faire sur cette question serait, je pense, une erreur.
D’autant plus qu’on sait pertinemment que dans ce ministère il y a un certain nombre de freins. Il y a aussi des responsabilités de collectivités locales. C’est le cas par exemple si on veut ouvrir les collèges et en faire des lieux de vie. C’est de la responsabilité du conseil général d’engager cette dimension. Je préfère donc parler de sphère publique car c’est inclure plus d’acteurs sur la question éducative et c’est aussi dire que l’État ne peut pas tout faire tout seul. Il ne s’agit pas de faire entrer dans les écoles des acteurs dont on n’a pas envie mais l’école doit s’ouvrir sur l’extérieur et ne pas vivre sur elle-même. Favoriser l’égalité de personnes qui auront bénéficié d’un service d’enseignement, c’est aussi leur permettre, lorsqu’ils seront en dehors du système d’enseignement, d’avoir toutes leurs chances. Ce n’est pas en étant une espèce de sanctuaire que l’on permet ça, il faut que l’on s’ouvre.
Pierre FRAUDEAU Sur le service public de l’éducation, il faut arrêter de penser à l’intérieur de nos frontières. Il faut penser Europe. C’est un mot que l’on n’emploie pas beaucoup mais c’est une réalité que l’on vit tous les jours malgré tout. Et en termes d’éducation on ne
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l’emploie pas du tout. Pour nos enfants, on s’aperçoit que le terrain de jeu, c’est l’Europe, voire le Monde maintenant. Partir à l’étranger cela ne leur fait plus peur. Parlons de régions pour espérer un jour faire, y
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compris dans le domaine de l’éducation, une grande Europe. Pour répondre à la seconde intervention, je voudrais donner un exemple qui m’a beaucoup frappé. J’échangeais avec un proviseur d’un lycée général et technologique qui me disait qu’il avait un énorme absentéisme dans les sections technologiques, y compris en BTS. Je lui demande pourquoi. Il me disait j’ai beaucoup d’enfants qui viennent de la ville nouvelle, de quartiers défavorisés – dans les sections technologiques, on est quand même plus de familles défavorisées – , et quand le papa est au chômage, que la maman ne travaille pas, se lever le matin pour venir au lycée ce n’est pas évident. Cela ne l’est déjà pas quand papa et
maman travaille, quand on est adolescent. Il me disait je les récupère peut-être dix heures par semaine. Qu’est-ce que j’en fais pendant ces dix heures, qu’est-ce que je leur apprends ? Pour l’instant, la seule chose que permet l’éducation nationale c’est de les faire entrer en salle de cours et écouter le prof qui déroule son programme sur l’année. Conclusion, les enfants qui ont déjà raté disons quinze heures dans la semaine, qu’est-ce qu’ils font pendant les heures de cours ? Rien. C’est là aussi une question qu’il faut se poser et à laquelle nous devons apporter une réponse. Qu’est-ce qu’on fait des enfants déscolarisés et qu’estce qu’on leur apprend quand on a la chance de les attraper au lycée ou au collège ?
Sandrine GRANDGAMBE On a dans un même établissement des personnels qui ne dépendent pas de mêmes structures et qui pourtant sont là pour rendre un même service, c'est-àdire participer à l’éducation, avec des rôles différents. C’est pour cela que la mission est aujourd’hui particulièrement compliquée et on ne peut pas l’aborder sous un seul angle. Même si on est tous d’accord pour dire qu’il doit y avoir un cadre national très fort. Mais après il faut une souplesse à ce cadre. C’est difficile à imaginer, à conceptualiser, comment on arrive à garder se cadre national qui nous est cher tout en ayant cette souplesse locale. Cela passe par des projets, des dialogues, des rencontres. Cela passe par des structures à mettre en place, qui n’existent pas aujourd’hui et qu’il faut inventer. Sur l’évaluation, c’est vrai qu’il y a un travail à faire et actuellement on est vraiment dans le n’importe quoi puisque sur les collèges on est aujourd’hui sur une évaluation mixte : On a gardé les notes mais on a commencé le système d’évaluation par compétences. C’est le bazar total. Pour les professeurs, c’est l’enfer. A un moment donné il va falloir choisir, on ne peut pas rester sur ce système tel qu’il est aujourd’hui. On tâte des choses mais on les teste mal donc on va à l’échec. C’est ça qui est assez catastrophique. C’est pareil pour la réflexion sur le temps scolaire : il y a eu un semblant de travail là-dessus et finalement on accouche sur quelque chose qui est un non sens total. Dernier élément, sur la question de l’échec scolaire. Dans l’absolu, l’idée est d’arriver à un système qui n’a
pas d’échec scolaire. L’école qui marche bien, c’est une école qui permettrait à chacun d’évoluer à son rythme. La question se pose à mon sens pour le collège en particulier. Il faut peut-être initier une réflexion où on casse le bloc classe car un élève, s’il peut être en échec partout, peut aussi n’être en échec que sur certaines matières. Il y a des élèves qui ont réussi à avoir le niveau nécessaire pour passer en 4° et en math être toujours au niveau 6°. Il faut des possibilités d’évoluer à des rythmes différents et, là aussi, cela demande de la souplesse sur la mise en place. Cela demande aussi de faire confiance aux établissements pour mettre en place des parcours peut-être un peu différents pour les élèves. Cela marche bien par exemple dans les lycées sur les langues, avec non pas des groupes de niveau mais des blocs qui permettent dans un groupe plus restreint – car la question du nombre est aussi essentielle – d’avoir des élèves qui avancent à leur rythme et arriver à ce que l’orientation ne se fasse pas par l’échec mais par choix. Je suis assez d’accord sur l’idée de pousser le plus loin possible une classe d’âge à avoir un bac, bac technique, professionnel, ou général, l’essentiel étant de faire en sorte que ces options soit considérées comme d’égales valeurs, et que cela débouche sur des possibilités derrière. C’est là que, arrivée à la 3°, l’orientation devrait se faire, pas par défaut mais par choix. Et c’est là aussi un vaste problème.
Christophe PARIS Je suis globalement d’accord avec ce qui est dit. C’est compliqué de choisir un des angles car il y a beaucoup d’interventions intéressantes. Bien sûr, sur la question d’égalité des chances, on s’est laissé avoir par ce vocable qui n’a pas de sens. On a
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aussi perdu politiquement car derrière l’égalité des chances, il y a aussi la notion de gagnants, qui seront récompensés, et de perdants, tant pis pour eux. C’est dire qu’on va essayer de faire une égalité des chances mais en réalité on n’y arrivera pas vu les conditions
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actuelles. Ce qui rejoint la question des 150 000 enfants qui sortent du système éducatif sans diplôme et, plus globalement, l’ambition des 80% au bac : Qu’est-ce qu’on fait des 20% qui restent ? Nous travaillons un concept : comment on peut réfléchir à un entonnoir inversé. L’école française était un entonnoir où tous les élèves sont là au début et puis on sélectionnait par les acquis et au fur et à mesure une élite était produite. Là, avec la nécessité de formation de plus en plus importante, même pour des activités manuelles, pour former des ouvriers, on a besoin de compétences plus élevés qu’avant. Il faudrait peut-être inverser l’entonnoir, faire en sorte qu’il y ait une base, un choix de possibilités, d’orientation et de formation beaucoup plus large après le tronc commun jusqu’à la 3° et que l’on puisse valoriser l’enseignement professionnel, l’apprentissage, être sur des parcours qui soient aussi des parcours d’excellence. Je disais tout à l’heure que j’étais très surpris que l’on ne parle pas de la modification majeure du lycée professionnel, alors qu’on fait tout un foin de la suppression de l’histoire pour les terminales S, ce qui reste bien sûr important. Parce que la modification de l’enseignement professionnel, ça n’intéresse pas. L’école le samedi. Bien sûr, si on veut que les familles et les enseignants se rencontrent, il faut des temps et il faut des lieux. On pourrait faire une proposition simple. Pourquoi, et cela ne couterait rien, ne seraiton pas dans l’obligation de créer une classe, une petite salle, pour accueillir les parents pour qu’ils rencontrent les professeurs. Ce qui éviteraient aux parents de se retrouver sur une petite chaise, comme ça, car il n’y a pas de lieux pour les parents dans les écoles en France. Et aussi le samedi matin, c’était le moment de la rencontre. La suppression des notes, et là je suis en plein dedans, je ne vais pas faire trop long, il y a un grand appel qui est en train de partir, sur
www.suppressiondesnoteselementaire.org qui sera mis en ligne cette nuit ou demain matin. Globalement, cette question est intéressante parce qu’on reste dans un système où on est l’un des seuls pays au monde à maintenir des notes pour les petits. Ça ne se fait plus ailleurs. Ça se fait encore en France car on y est attachés mais ça n’apporte pas grandchose. Pour celui qui a des bonnes notes, effectivement ce peut être valorisant un petit peu. Mais en même temps c’est un signe de compétition et à long terme je ne suis pas sûr que cela crée un rapport aux savoirs qui soit valorisant, épanouissant et efficace. Et pour celui qui a des mauvaises notes, c’est à la fois décourageant, donc cela empêche l’effort, et surtout cela ne donne rien sur les possibilités d’évolution. On peut très bien avoir un zéro en dictée, se faire moquer par tous ses copains, rentrer chez soit et se faire engueuler par ses parents, travailler, refaire une dictée quinze jours après, faire deux fois moins de fautes et avoir toujours zéro. Se refaire moquer par ses camarades, engueuler par ses parents, etc. Et finalement, cela crée une souffrance. L’école française est quinzième à peu près dans les classements PISA. Sur la question du stress à l’école, nous sommes deuxième au monde derrière les japonais. Il y a donc un stress qui, je pense, amène aussi ce chiffre de 150 000 élèves qui quittent le système scolaire sans qualification. A un moment donné, on finit par craquer et on se retrouve à galérer pendant quelques années. On se retrouve dans les missions locales, quelques années après, avec des croisements de difficultés qui ne sont pas seulement scolaires, mais de santé, qui sont des croisements de choses qui sont très dures à rattraper. Pour finir sur la chronobiologie, on ne peut pas faire l’école sans les enfants. Comment on prend en compte un peu plus les rythmes de l’enfant mais aussi la question du poids des cartables ? Il y a une sousprise en compte de ces réalités.
5ième intervention Deux petites remarques assez rapidement. Attention de ne pas nous enfermer dans l’école de la première chance. On parle de formation tout au long de la vie. On est tout de même aujourd’hui sur une logique où quand on parle formation, on pense aux études initiales, aux formations pour entrer dans le monde du travail. Il faut bien faire prendre en compte les possibilités qu’il va falloir donner de plus en plus aux jeunes d’avoir une deuxième chance. Il ne faut pas considérer qu’avec la formation initiale, une fois qu’on a buté, on est perdu. Il faut vraiment
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développer l’aspect seconde chance et la possibilité de retourner dans le système. La seconde remarque est sur la question des territoires. Je pense qu’il y a un rôle des collectivités locales qui doit être développé. C’est effectivement sur tout ce qui est information et orientation. Aujourd’hui on a un éparpillement d’acteurs sur le territoire, qui font peu ou prou la même chose, qui souvent s’ignorent, parfois ne s’aiment pas, quelque fois se détestent et en termes de services publics rendus à la population, c’est totalement négatif.
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Pour l’anecdote, j’ai eu l’occasion de mener une étude sur l’ensemble de l’Île-de-France, un recensement des points d’information et d’orientation. Rien que pour réunir le comité d’orientation il a fallu 6 mois pour que les gens acceptent de se mettre autour de la table. Je pense que les élus ont un rôle à jouer dedans. Un rôle de fédérateur car je ne pense pas que l’on soit
dans une période à créer quelque chose de supplémentaire, il y a des économies budgétaires à faire et il y a des structures qui existent et font bien leur métier. Le rôle des élus locaux, quelque soient leurs niveaux, est de mettre les acteurs autour de la table de manière à ce qu’il y ait une offre dans les services publics.
6ième intervention J’ai bien compris que l’on ne peut pas attendre tout de l’Éducation nationale mais j’ai un peu peur que si on donne trop la main aux territoires, l’on crée des inégalités dans ces territoires. Nous avons la chance d’être dans une région riche et un département
correct, mais tous les départements et régions n’ont pas les mêmes moyens. Et politiquement, qu’est-ce que fera un département de droite ou un département de gauche et en cas de carence que deviendra l’éducation dans ce domaine ?
7ième intervention Votre discours s’adresse plus à des enfants dits normaux. Je n’ai pas entendu parler des enfants en difficulté, handicapés, en SEGPA par exemple.
8ième intervention, Xavier FERNAGU Ce qui revient à dire que pour parler d’égalité réelle, il faut une démocratisation de la réussite. 3 remarques rapides. Je reviens sur ce que disait Pierre FRAUDEAU sur les relations difficiles que l’on a avec l’institution. Il faudrait déjà que l’école se sécularise, c'est-à-dire que l’on puisse parler d’école dans un conseil d’école ou d’établissement. La pédagogie ne doit pas être une chasse gardée, qui soit perçue comme la vérité révélée, que les circulaires qui tombent d’en haut soient vécues comme étant de nature apostolique. Là, on aura réussi un grand pas en avant. On parlerait effectivement d’un début de démocratisation de la réussite. Rien ne nous empêche d’être imaginatifs. Aucun pédagogue ne nous a jamais dit que pour apprendre quelque chose, il fallait que ce soit dans un même temps, au même âge et dans un même lieu. Pourquoi effectivement ne pas imaginer, et nous avions exprimé un peu la chose il y a une vingtaine d’années, ce qui est un des fondamentaux de la pédagogie Freinet, à savoir travailler en groupes de niveaux ? A l’occasion de la deuxième journée du refus de l’échec scolaire on a eu droit à des éléments statistiques effrayants : 42% des élèves de 6° entrent au collège la peur au ventre. Nous sommes leader du stress scolaire, au niveau Européen, effectivement. Alors si on parlait d’école, un petit peu au sein du conseil d’école, si on imaginait des groupes de niveaux, si les enseignants acceptaient de travailler en équipe, collectivement référents d’un groupe élargi d’élèves, si on travaillait en interdisciplinarité ou en
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pluridisciplinarité, on pourrait peut-être parler d’école au sens fondamental du terme, telle que les pédagogues fondateurs de l’école l’imaginaient il y a un siècle. C’était la première remarque. Seconde remarque. Vous connaissez mon appartenance à la deuxième assemblée régionale, au Conseil Economique et Environnemental Régional. L’un de mes principaux chevaux de bataille, fut de m’intéresser à la résorption des inégalités sociales et territoriales en matière de formation initiale. Statistiquement 10% à 20 % de nos jeunes de grande couronne, inscrits dans les filières universitaires, dans les premières années post-bac, n’arrivent pas au bout de leur première année parce que les transports ou le logement, à proximité du pôle de formation représentent un tel taux d’effort financier des familles, qu’effectivement, ils ne sont pas en capacité de réussir. Dans les Yvelines, nombre d’élèves tentent une classe prépa, pour intégrer ensuite le pôle universitaire de Saint-Quentin-en-Yvelines et puis cela devient le parcours du combattant. On ferait bien de faciliter l’accès aux différents parcours universitaires et d’apprentissage. Notons que cela fait partie des préconisations du Conseil économique et social régional dans le cadre de la révision du SDRIF, partiellement prises en compte dans le projet ArcExpress. Une amélioration des transports scolaires, une meilleure adéquation des lignes régulières et la création de lignes spéciales permettraient de fluidifier l’accès et permettrait, là aussi de mettre en adéquation les bassins de vie et les bassins de formation.
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Troisième remarque, Sandrine GRANDGAMBE a évoqué l’orientation. C’est quelque chose dont on n’a pas trop parlé ce soir. Et je parle aussi d’une préconisation que nous avions rendue au sein de la deuxième assemblée régionale. Cette orientation est quelque chose qui chemine dans les esprits, non pas ensuite pour alimenter le marché du travail mais qui
chemine dans les esprits dès l’entrée au collège de façon à ce que l’élève soit mis en situation pour développer ses appétences. Il faut que l’éducation nationale sache enfin reconnaître toutes les formes d’intelligence qui existent en chaque enfant plutôt que d’en favoriser toujours une seule.
9ième intervention Une petite remarque à propos de l’accès à l’égalité et du handicap, notamment pour les collèges et lycées avec la compétence du conseil général et du conseil régional. L’Éducation nationale se désengage du traitement du handicap, les RASED sont fermés, les difficultés des enfants handicapés dans les collèges et lycées augmentent considérablement... Les collectivités territoriales doivent s’emparer de ce problème.
Seconde remarque, on a parlé d’évaluation ce soir. Il y a quelque chose pour lequel nous ne sommes pas forcément d’accord. La question est pourquoi ne pas partager une évaluation commune des compétences de nos élèves, puisque l’éducation peut être partagée entre l’éducation scolaire et l’éducation populaire. On pourrait très bien imaginer que les compétences puissent être évaluées en dehors de l’école à partir du moment où on partage cette évaluation.
10ième intervention, Patrick GUIHOT Je pense effectivement qu’il doit y avoir un ancrage sur les territoires et je ferai juste un raccourci pour essayer de l’expliciter. On est tous d’accord pour dire que la délinquance ne doit pas être traitée uniquement par la police. De la même manière, les problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui ne peuvent pas simplement être traités par l’école. Il n’y a pas dans l’école simplement une affaire d’enseignement. Il y a un problème éducatif global et on entendait tout à l’heure qu’il y avait aussi un problème du côté des parents, de leur place. C’est une chose assez compliquée. Sur une logique qui est à mon avis essentiellement comptable, la consigne générale est effectivement d’accueillir les enfants handicapés, si possibles tous, dans les établissements scolaires normaux. Mais les handicaps sont multiples. Il y a des handicaps physiques auxquels on peut éventuellement palier grâce à l’intervention des collectivités territoriales et il y a des handicaps intellectuels pour lesquels on ne peut pas le faire. En tout cas, il y a une situation de crise totale dans les écoles, qui vient de cette insertion d’enfants en difficultés personnelles ne sont pas objectivement pris en charge et on ne donne pas à l’institution les moyens de faire face à cette situation. C’est un élément important. Pour la petite histoire, je rappelle que ça fait quinze ans qu’il est inscrit dans les textes et dans les consignes qu’il n’y a plus de notes à l’école élémentaire. Maintenant il est vrai que dans pas mal d’établissements les notes perdurent.
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Il est toujours extrêmement facile et favorisant pour chacun de faire des grands plans de réforme de l’Education nationale, mais la difficulté c’est un problème de méthode. Un des points est la méthode que l’on met en œuvre pour réellement concrétiser la réforme que l’on veut faire de l’Education nationale. Il y a un certain nombre de réformes, par exemple la réforme Jospin sur les cycles à l’école élémentaires, regardons dans le détail la façon c’est appliqué et on ne peut pas dire que vraiment ça ne fonctionne pas. Il n’y a pas qu’un problème de moyens. A un moment, l’idée était de transformer le collège, puisqu’il allait accueillir tous les enfants, pour en faire un collège unique. On faisait tout à l’heure allusion au travail pluridisciplinaire, à la constitution de petits groupes, au respect du niveau atteint par chaque enfant dans des disciplines éventuellement différentes, mais ce que je constate c’est qu’on les casse les collèges. On revient bien à cette idée d’une grande classe. Ce n’est pas parce qu’on arrive à un système qui est excellent qu’on peut arriver concrètement à le faire passer. Si on pense que l’éducation c’est aussi un problème politique, après tout, si nos dirigeants considèrent que l’école remplit sa mission qu’ils souhaitaient, à savoir essentiellement ce sur quoi l’école a été basée pratiquement depuis ses origines, c'est-à-dire quand même l’éducation mais surtout la sélection d’une élite, il n’y a plus lieu de s’embêter. Aujourd’hui, si on veut un autre modèle, il va nous falloir modifier très considérablement la conception de l’école et c’est un vrai problème politique.
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Christophe PARIS Pour faire court, il y a en France de bons collèges et de mauvais collèges, de bons lycées et de mauvais lycées. Et ce phénomène est en très fort développement avec la suppression de la carte scolaire. Ce qui renforce encore plus la ségrégation et les inégalités. On n’arrivera pas à faire sortir ces collèges de la difficulté dans laquelle ils sont si on ne pose par la question des moyens et aussi de leur autonomie. La question de l’autonomie et du projet d’établissement doit être prise en compte. Dernier élément, dont on n’a pas du tout parlé : Le collège est une sorte de cocotte minute et on a une difficulté avec les enseignants bien sûr mais aussi une
difficulté entre les élèves. On a fait un baromètre du rapport à l’école des enfants des quartiers populaires, j’étais surpris de voir à quel point la question numéro un était la violence et le rapport avec les autres élèves. Ils nous disaient nous avec les prof ca se passent plutôt bien mais, à 60%, les enfants de 6° nous disent j’ai personnellement déjà confronté à un problème de violence. Et c’est pourquoi aussi dans certains collèges ce n’est possible de faire cours. Il y a une telle tension entre les élèves, vous pouvez avoir les meilleurs professeurs du monde, cela finit par craquer. Comment on prend cette réalité territoriale, pour le coup très forte, et comment on en fait une priorité ?
Sandrine GRANDGAMBE Pour reprendre la question des enseignants et du travail en équipe, il faut aussi donner les moyens de travailler en équipe et qu’il y est un vrai travail avec les représentants des syndicats. La manière de discuter du gouvernement avec les partenaires sociaux, on l’a vu avec les retraites, il est du même ordre avec les partenaires de l’Éducation nationale. Forcément ça ne peut pas marcher et quand on arrivera vraiment à mettre en place la démocratie sociale dans ce pays, je pense qu’on arrivera aussi à trouver des solutions. On a cru jusqu’à présent que c’était des formes de corporatisme qui s’exerçaient.
Pour répondre à une autre intervention, c’est vrai qu’il y a la question de la péréquation entre les territoires et ça devient compliqué car il faut prendre de régions plus riches pour donner aux autres. Autre problème, il faut que ce soient des projets partagés, ce ne peut être des projets d’un élu ou d’une équipe d’élus. Ce ne sera pas forcément remis en cause en cas de changement de majorité. Mais il y a aussi des équipes qui portent des projets et après c’est la démocratie, les gens sont là pour faire des choix de projets.
Pierre FRAUDEAU Sur la notation, il ne faut pas avoir peur des notes, de l’évaluation. Cela dépend de la façon dont c’est géré par les professeurs. Effectivement, si on met zéro à un élève, que la fois d’après il fait deux fois moins de fautes et qu’il a toujours zéro, c’est idiot et que cela casse l’élève. Dans quel domaine est-on le plus évalué ? Ce n’est pas forcément à l’école. En sport on est évalué, les enfants qui font de la musique sont évalués tous les ans, en permanence. L’évaluation n’est pas forcément quelque chose de mauvais. La seconde chose que je voulais dire concerne les moyens. Ayons de l’imagination, inventons une école plus performante sans coûter plus cher : c’est ça le challenge. A chaque fois, on nous dit on ne peut pas faire
ça car on n’a pas les moyens, parce que ca coûte trop cher. On peut faire des économies et être aussi efficace. Pour finir, je vais vous lire une petite phrase et vous allez me dire de qui c’est : « Le système éducatif échoue aujourd’hui parce qu’il s’adresse à un grand nombre très diversifié avec des méthodes pensées pour des petits groupes homogènes et socialement privilégiés. Un système qui ne fait pas confiance et qui ne met pas en confiance, qui ne pousse pas à comprendre que chacun à intérêt au succès des autres, qui méprise tout ce qui n’est pas le travail intellectuel, qui ne valorise pas la créativité, l’imagination, l’erreur, la prise de risque. Or le monde d’aujourd’hui à besoin d’empathie, d’expérience, de coopération, de réseaux, de tribus. Il a besoin que les nouveaux arrivants connaissent les univers du mouvement, du changement, du vivant, de l’intuition, du collectif ». A mon avis, c’est cela le challenge. La citation est de Jacques Attali.
Gilles LE BAIL On a parlé du service public en matière d’information et d’orientation jeunesse, il est clair que c’est un enjeu immense et dans les mois et années à venir il y a une
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vraie question. L’État veut garder la maîtrise ; j’ai entendu le président de l’ARF à la clôture du congrès qui souhaitait que les régions aient cette compétence.
« Education : des territoires au service de l’égalité »
Je pense que cette question de l’orientation est un vrai enjeu à la fois pour les territoires, pour les populations et pour les acteurs. On voit bien qu’il y a un vrai débat aujourd’hui de savoir si la maîtrise des circuits d’information et d’orientation jeunesse doit être portée par l’État ou les acteurs comme les collectivités. Je voudrais juste réagir sur deux choses. On a parlé des enfants en difficulté. La question se pose sur ce qu’on évalue. Les enfants peuvent acquérir des compétences sur d’autres lieux qui sont aussi des lieux d’apprentissage. Quand un jeune s’engage dans une association et devient trésorier à seize ans, il développe un certain nombre de savoirs qui ne sont pas forcément valorisés à l’école mais qui seront peutêtre valorisés un jour. S’il fait du théâtre, il apprend à prendre la parole en public et c’est un savoir dont il va avoir besoin dans une situation professionnelle alors qu’à l’école ce n’est pas quelque chose qui est évalué. Il faut bien se reposer la question de ce qu’on évalue et peut-être que l’intérêt d’une question éducative c’est de multiplier les lieux d’apprentissage, encore une fois, pas seulement à l’école.
éléments essentiels pour que le jeune ou l’enfant soit bien dans sa peau, comprenne ce qui se passe autour de lui. Je pense que ça a une influence dans sa scolarité. Et aujourd’hui, avec la crise et le système social dans lequel on est, il y a de moins en moins de familles qui ont les moyens financiers pour que leurs enfants puissent accéder à des activités culturelles ou sportives, puissent aller de temps en temps au théâtre ou de pratiquer autre chose... Et ça, c’est un élément essentiel en termes d’égalité parce que le jeune doit être considéré certes dans sa vision d’un projet professionnel mais être envisagé dans un réel projet de vie. Dans ce projet de vie, ce sont tous les lieux d’apprentissage possibles qui vont être des lieux pour développer des compétences ou exprimer autre chose et qui font que l’enfant, lorsqu’il va se retrouver derrière une table avec un professeur derrière lui, se réalise et puisse faire face plus facilement à l’enseignement. C’est une vraie cause d’inégalité aujourd’hui parce que quand l’enfant revient à l’école et on lui demande ce qu’il a fait pendant ses vacances, l’inégalité commence là. Les familles n’ont pas forcément les moyens de proposer à leurs enfants d’autres lieux d’éducation et c’est une vraie difficulté.
Quand on travaille sur la question de l’égalité réelle, l’accès à la culture, l’accès aux loisirs sont des
Sébastien DURAND Beaucoup d’éléments apportés au débat, même s’il est difficile d’aborder sur une soirée tous les sujets relatifs à l’éducation et l’égalité avec ce prisme territorial. La vocation de ces travaux, et de ce débat, n’était pas de figer les choses, encore moins de les figer définitivement, mais bien d’alimenter le débat et in fine d’alimenter la décision politique par des réflexions et des propositions. Il y a d’ailleurs des échéances, proches ou moins proches,
particulièrement éducatif.
importantes
dans
ce
domaine
Ce que nous pouvons souhaiter, c’est de ne pas s’arrêter ce soir sur ces réflexions et vraiment de poursuivre la démarche. Si le Laboratoire des idées de la Fédération Socialiste des Yvelines a plutôt pour ambition de dresser un état des lieux, sur différentes problématiques, en lien avec ce que l’on appelle la société civile sur notre territoire, le travail sur l’éducation se poursuit à la Fédération.
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