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Une politique éducative territoriale pour l’égalité réelle groupe : « Éducation et Territoires » date : novembre 2010

Les rapports établis par les groupes de réflexion du Lab sont des contributions libres aux débats et réflexions politiques du Parti socialiste.

www.laboratoire-des-idees.fr


Le groupe de travail « éducation et territoires » s’est constitué au début de l’année 2010 dans le cadre du Laboratoire des idées du Parti socialiste. Animé par André Chambon, ex-chargé de recherche à l’Institut national de recherche pédagogique (INRP) et co-auteur de l’ouvrage « Mutations territoriales et éducation — De la forme scolaire vers la forme éducative ? » (2010), et par Baptiste Bondu, enseignant-chercheur en philosophie (ENS-Ulm/Université de Nanterre), rédacteur des comptes-rendus de séance et du rapport final. Il a bénéficié de la participation de : Christine Azières, psycho-sociologue, projet « 600 jeunes pour un CAP » Arnold Bac, ex-responsable du secteur éducation de la Ligue de l’Enseignement, co-auteur de « École, Université : pour que la République tienne ses promesses » Annette Bon, ex-adjointe au directeur de l’INRP (Institut National de Recherche Pédagogique) Julie Chupin, conseillère technique formation à la Région Limousin Yves Fournel, maire-adjoint à Lyon, chargé de l’éducation et de la petite enfance, président du Réseau Français des Villes Éducatrices Yves Goepfert, inspecteur de l’Éducation nationale à Lille Jean-Claude Guérin, association d’éducation populaire, co-auteur de « École, Université : pour que la République tienne ses promesses », ancien inspecteur général de l’Éducation nationale Hélène Mouchard-Zay, ancienne élue adjointe à l’éducation à Orléans, ancien professeur de Lettres, co-auteure du rapport « Pour de grands projets d’éducation dans les Grands Projets de Ville » (ministère délégué à la Ville, avril 2002) Jean Roucou, président de l’info-réseau PRISME Alain Thirel, directeur du Projet Educatif Global à la mairie de Lille Bernard Toulemonde, inspecteur général honoraire de l’Éducation nationale, ancien recteur Daniel Tran, conseiller technique éducation, Région Pays de la Loire. Les séances ont également été enrichies de la présence de Anne de Hauteclocque, coordinatrice au Laboratoire des idées, Johanna Barasz, responsable du Pôle Culture et éducation, Charles Thepaut, stagiaire auprès du Pôle Culture et éducation, et Vincent Nguyen Van Hai, collaborateur de Daniel Goldberg, député de Seine-Saint-Denis. Le présent rapport reprend les réflexions et les propositions formulées lors de ces séances, en les organisant et en les complétant parfois de certaines données et perspectives. Il a vocation à nourrir le projet éducatif du Parti socialiste, en particulier dans l’optique des prochaines échéances électorales nationales de 2012. D’une façon générale, il s’agit de contribuer à l’élaboration d’une doctrine commune des socialistes sur un certain nombre de questions devenues très complexes. Ce rapport pourrait ainsi constituer une base pour l’unification des décisions politiques des élus socialistes, et notamment les élus locaux. Il faut noter, pour finir, que certaines des propositions de ce rapport dépendront du devenir de projets et propositions de loi actuellement en discussion : formation professionnelle, réorganisation territoriale, statut des établissements publics de l’enseignement primaire, temps scolaires, notamment. Les socialistes au pouvoir auront peut-être à revenir sur certaines dispositions qui auront été prises, ou à agir dans un contexte sensiblement transformé.


Sommaire Une politique éducative territoriale pour l’égalité réelle Exposé des motifs

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

I- Une incitation nationale à la politique éducative territoriale

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1.1. Passer de la logique de dispositifs contractuels sectoriels à des projets éducatifs locaux (PEL) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 1.2. Donner un cadre juridique national aux PEL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 1.3. Redéfinir les prérogatives de l’État . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .9 1.4. Une coordination nécessaire entre le niveau national et le niveau Territorial . . . . . . . . . . . . . 9

II- Des établissements scolaires au plus près des réalités sociales et éducatives

11 2.1. Réunir les acteurs éducatifs autour d’un projet commun d’établissement . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 2.2. Faire de l’autonomie des établissements un moyen de favoriser l’égalité d’accès à l’éducation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 2.3. Une dotation financière véritablement différenciée par établissement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

III- Réduire les inégalités éducatives sur le territoire

14 3.1. Renouveler la carte scolaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 3.2. Une offre éducative équivalente à l’échelle d’un bassin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 3.3. De nouvelles règles dans l’affectation des personnels éducatifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

En conclusion, les l0 propositions d’une politique éducative territoriale pour l’égalité réelle

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Présentation

Dans le cadre du Laboratoire des idées du Parti socialiste, un groupe de travail « Éducation et territoires » s’est constitué au début de l’année 2010. Après une première réunion de définition de ses objectifs et des thématiques à aborder, il s’est réuni lors de cinq séances. Animé par André Chambon, ancien chargé de recherche à l’Institut national de recherche pédagogique (INRP) et co-auteur de l’ouvrage Mutations territoriales et éducation - De la forme scolaire vers la forme éducative ? (2010), et par Baptiste Bondu, enseignantchercheur en philosophie (ENS-Ulm/Université de Nanterre), rédacteur des comptes-rendus de séance et du rapport final, il a bénéficié de la participation de : Christine Azières, psycho-sociologue, projet « 600 jeunes pour un CAP » ; Arnold Bac, ex-responsable du secteur éducation de la Ligue de l’enseignement, coauteur de « École, Université : pour que la République tienne ses promesses » ; Annette Bon, ancienne adjointe au directeur de l’INRP (Institut National de Recherche Pédagogique) ; Julie Chupin, conseiller technique formation à la Région Limousin ; Yves Fournel, maire-adjoint à Lyon, chargé de l’éducation et de la petite enfance, président du Réseau français des villes éducatrices ; Yves Goepfert, inspecteur de l’Éducation nationale à Lille ; Jean-Claude Guérin, association d’éducation populaire, co-auteur de « École, Université : pour que la République tienne ses promesses », ancien inspecteur général de l’Éducation nationale ; Hélène Mouchard-Zay, ancienne élue adjointe à l’éducation à Orléans, ancien professeur de Lettres, co-auteur du rapport « Pour de grands projets d’éducation dans les Grands Projets de Ville » (ministère délégué à la Ville, avril 2002) ; Jean Roucou, président de l’info-réseau PRISME ; Alain Thirel, directeur du Projet éducatif global à la mairie de Lille ; Bernard Toulemonde, inspecteur général honoraire de l’Éducation nationale, ancien recteur ; Daniel Tran, conseiller technique éducation, Région Pays-de-la-Loire.

Les séances ont également été enrichies de la présence de Anne de Hauteclocque, coordinatrice au Laboratoire des idées, Johanna Barasz, responsable du Pôle culture et éducation, Charles Thepaut, stagiaire auprès du Pôle culture et éducation, et Vincent Nguyen Van Hai, collaborateur de Daniel Goldberg, député de Seine-Saint-Denis. Le présent rapport reprend les réflexions et les propositions formulées lors de ces séances, en les organisant et en les complétant parfois de certaines données et perspectives. Il a vocation à nourrir le projet éducatif du Parti socialiste, en particulier dans l’optique des prochaines échéances électorales nationales de 2012. D’une façon générale, il s’agit de contribuer à l’élaboration d’une doctrine commune des socialistes sur un certain nombre de questions devenues très complexes. Ce rapport pourrait ainsi constituer une base pour l’unification des décisions politiques des élus socialistes, et notamment les élus locaux. Il faut noter, pour finir, que certaines des propositions de ce rapport dépendront du devenir de projets et propositions de loi actuellement en discussion : formation professionnelle, réorganisation territoriale, statut des établissements publics de l’enseignement primaire, temps scolaires, notamment. Les socialistes au pouvoir auront peut-être à revenir sur certaines dispositions qui auront été prises, ou à agir dans un contexte sensiblement transformé.

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Exposé des motifs

La question éducative est souvent envisagée en France du seul point de vue national. Les projets politiques successifs du Parti socialiste n’ont jamais donné un caractère central à la dimension territoriale de la prise en charge éducative. Par une méfiance culturelle vis-à-vis de tout ce qui pourrait ressembler à une remise en cause de la garantie de l’égalité de traitement par un service public national, l’idée de parler d’une politique éducative territoriale est longtemps restée lettre morte. Les choses sont en train de changer. Un premier mouvement majeur avait été amorcé au début des années quatre-vingt. Les lois de décentralisation, voulues par la gauche, ont initié un déplacement de certaines compétences, dévolues auparavant à l’État central, vers les collectivités territoriales, en particulier la construction, l’équipement et l’entretien des bâtiments. Mais surtout, c’est la gauche qui a mis en place des dispositifs éducatifs nationaux qui s’appuyaient pleinement sur les ressources locales, à savoir principalement la grande innovation que furent les Zones d’éducation prioritaire (ZEP). Loin d’être seulement une manière d’allouer les moyens scolaires de façon différenciée, les ZEP ont constitué l’une des premières tentatives pour impliquer tous les acteurs éducatifs d’un territoire dans un projet commun de réduction des inégalités. Deux réalisations emblématiques de la gauche au pouvoir ont donc déplacé en partie la politique éducative de l’État vers le local. Trente ans après ce point de départ, la situation a considérablement évolué. Les collectivités locales sont allées bien au-delà de leur simple compétence de bâtisseurs. L’équipement des établissements, notamment en livres et ordinateurs, traduit de fait une implication dans la dimension pédagogique de la scolarité. Davantage, de nombreuses formes d’accompagnement éducatif, que ce soit sous la

forme de l’aide aux devoirs ou de la lutte contre le décrochage par exemple, sont devenues une partie importante de la politique des municipalités et des départements. Enfin, la nouvelle étape de la décentralisation de 2004, combinée avec un mouvement de déconcentration de certains services de l’État, a donné aux départements et aux régions de nouvelles responsabilités, touchant tant à la formation professionnelle, qu’au statut de certains personnels intervenant dans les établissements scolaires. Les élus de gauche, au pouvoir dans de nombreuses collectivités, et plus encore depuis les années 2000, ont alors pu mesurer l’importance de la politique éducative au niveau local. En cohérence avec des associations et des habitants dynamiques sur le terrain, ils ont souvent mis en œuvre des initiatives innovantes en la matière. On a pu parler, pour qualifier ce phénomène, d’« effervescence éducative » dans les territoires. Ces modifications institutionnelles, puis politiques, se sont accompagnées, plus fondamentalement, d’une transformation du regard sur l’éducation. Longtemps, et ce contrairement à la plupart des pays européens, c’est l’État central qui apparaissait comme la seule instance légitime en matière d’éducation. Héritage de la vision républicaine de la fin du dix-neuvième siècle, l’école était avant tout un « morceau d’État », censément la même partout et pour tous. Toute intrusion d’éléments extérieurs est perçue comme une menace. Cette prégnance du paradigme scolaire demeure d’ailleurs très forte, notamment chez les enseignants, mais aussi chez de nombreux parents. Or, de fait, tout le monde n’est pas égal devant l’école et l’école n’est pas égale sur tout le territoire. Pire : l’école peut parfois contribuer à

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renforcer les inégalités. Et la cause est sans doute plus structurelle que conjoncturelle. Le modèle scolaire, coupé de la société, comporte des aspects fortement excluant qui empêchent ceux qui en sont culturellement le plus éloignés de s’y reconnaître, s’ils ne sont pas accompagnés pour cela. Davantage, l’ambition de permettre une éducation et une formation tout au long de la vie et, pour y accéder, la nécessité que chaque jeune sortant de la scolarité obligatoire soit équipé d’un bagage de compétences et de connaissances, demandent de revoir ce modèle. Car, aujourd’hui le système scolaire seul n’est pas en mesure d’atteindre les objectifs qu’il s’assigne lui-même. Ainsi un nouveau paradigme tend à remplacer le premier. Partant du constat de cet échec à l’école récurrent dans les populations les plus défavorisées socialement, s’est développée l’idée que l’éducation ne devait plus être considérée uniquement sous l’angle scolaire. D’autres acteurs jouent un rôle dans la formation de l’enfant et de l’adolescent : ils y prennent une place de plus en plus grande. Ce sont les services du ministère de la Jeunesse et des Sports et les services correspondants des collectivités territoriales ; ce sont les associations d’éducation populaire, qu’elles soient d’audience nationale, comme les Francas, les CEMEA ou la Ligue de l’enseignement, ou de dimension plus locale ; ce sont enfin les parents eux-mêmes, parfois regroupés en associations, qui sont parfois en demande d’une plus grande implication dans l’école comme dans tous les dispositifs d’accompagnement éducatif. Ce passage de la forme scolaire à la forme éducative est lié à une plus grande prise en compte de la vie de l’enfant, dans toutes ses dimensions. La combinaison de l’éducation formelle, de l’éducation informelle et de l’éducation non formelle, confère d’ailleurs à l’école un rôle irremplaçable de structuration et d’organisation dans l’acquisition des connaissances et des compétences. Les rythmes scolaires sont davantage considérés dans le cadre plus général des rythmes éducatifs de l’enfant (ses activités périscolaires), et même, plus globalement, de ses rythmes de vie. Mais c’est aussi le lien de la formation de chacun avec le territoire où l’on vit qui

est intégré dans le parcours éducatif. Un territoire, c’est une géographie, une histoire, une réalité socioéconomique, un urbanisme, une identité culturelle, et plus globalement des hommes et des femmes qui y vivent. C’est ainsi que se sont développées les notions de villes éducatrices et de territoires apprenants. Ainsi, c’est au plus près de ce que vit l’enfant sur un territoire que se conçoivent de nombreuses politiques éducatives, souvent à l’initiative ou avec le soutien des collectivités locales, et parfois de l’État lui-même. Quel bilan porter sur ce qui est une sorte de révolution de la conception de l’éducation ? Il faut commencer par dire que l’absence de véritable prise en compte de ces évolutions, au niveau national, rend une vision globale difficile. Les données de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles (ONZUS) ne sont pas assez exploitées, et ne prennent en compte qu’une partie des aspects. Plus fondamentalement se pose le problème de la mesure de la réussite éducative, de tout ce qui n’est pas aussi quantifiable que de simples résultats scolaires, et qui engagent toutes les dimensions de l’éducation de l’enfant. Néanmoins, de nombreuses études de terrain, des rapports de l’Inspection générale ou de la Cour des Comptes, et plus généralement le retour sur expérience des acteurs éducatifs eux-mêmes, tendent à montrer les aspects très positifs de ces politiques. Fondées sur un enrichissement de l’offre et sur une prise en charge plus individualisée, les politiques éducatives territoriales répondraient mieux aux besoins des enfants et permettraient d’avoir un effet notable sur leur intégration sociale et leur réussite scolaire. Ce constat général étant posé, il faut aussi en voir les limites. La mise en œuvre de politiques éducatives de ce type est encore très inégalement répartie sur le territoire national. La volonté et la qualité des acteurs locaux jouent un rôle déterminant. Le même dispositif national, comme le plan « Ambition Réussite », peut ainsi produire de très bons résultats à tel endroit, et échouer à tel autre. D’une manière générale, le mode horizontal d’élaboration et de mise en œuvre des politiques

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sur le territoire, qui donne une grande place à la concertation et à la recherche du compromis, demande plus d’énergie et de temps que le mode vertical d’application de directives venues d’en haut. Ce type d’investissement, qui n’est pas encore devenu coutumier, peut mener à une certaine lassitude, à des tensions, voire à l’abandon de certaines initiatives. Surtout certaines études tendent à montrer que les publics les plus fragilisés, c’est-à-dire ceux auxquels sont avant tout destinées ces politiques, ne semblent pas en être les premiers bénéficiaires. On trouve de fait une résistance, dans certaines familles modestes, à des démarches éducatives innovantes, destinées notamment à l’accès à la culture, qui sont trop souvent perçues comme une perte de temps. Le modèle de l’éducation essentiellement faite à l’école, dans une classe, avec des notes et des diplômes à la clef, reste le cadre le plus rassurant, même s’il n’est sans doute pas, finalement, le plus juste socialement. Ces limites doivent-elles mener à une remise en cause de la territorialisation de la politique éducative ? Certains, y compris à gauche, en appellent à un retour sur le mouvement de décentralisation et à une sanctuarisation de l’école, en lui redonnant le rôle quasi exclusif de la transmission du savoir. Outre que ce retour en arrière paraît largement impossible à réaliser, il semble contradictoire avec l’objectif d’égalité réelle d’accès à l’éducation, car il semble méconnaître l’importance des effets sociaux et locaux sur la scolarisation. Il faut au contraire appuyer encore davantage les politiques éducatives qui partent des réalités sociales et territoriales. Pour ce faire, un certain nombre de clarifications institutionnelles seraient sans doute souhaitables, pour mieux déterminer notamment les responsabilités de chacun des acteurs.

l’État central à des initiatives qu’il avait lui-même rendues possibles n’était pas assez fort que de mauvaises pratiques ont pu voir le jour. Car la mise en place de politiques éducatives au plus près des territoires et des réalités sociales ne signifie pas un amoindrissement du rôle de l’État, bien au contraire. Le rôle régulateur de l’État doit être réaffirmé. C’est le désengagement de l’État de ces politiques, tant financièrement qu’idéologiquement, qui en a largement atténué les effets attendus. L’État doit devenir ou redevenir un partenaire constructif des acteurs locaux, pour dégager les solutions les plus aptes à garantir l’accès à une éducation de qualité pour tous. C’est à ces conditions que les politiques éducatives territoriales seront les déclinaisons d’un service public de l’éducation à la fois plus efficace, plus proche des besoins, et surtout plus susceptible de garantir l’égalité réelle. Car il convient de toujours garder à l’esprit un objectif clair : que tous les enfants puissent bénéficier de conditions éducatives leur permettant de s’épanouir dans la société, en tant que futur homme, citoyen, et travailleur. C’est le premier maillon de l’éducation et de la formation tout au long de la vie. Il y a urgence. La privatisation du champ scolaire et éducatif se développe de plus en plus. Les inégalités entre territoires et au sein des territoires se creusent. Les professionnels de l’éducation sont de plus en plus démoralisés par les conditions d’exercice de leurs missions. Tout incite à agir au plus vite, car plus le temps passera, plus les effets seront coûteux pour la nation. Parce que l’enjeu est majeur et que la situation est grave, c’est toute la société qui doit être mobilisée autour de cette réforme profonde de notre modèle éducatif, conformément à nos valeurs que sont l’intérêt collectif et l’émancipation personnelle.

Mais c’est surtout l’engagement général de l’État et de la nation dans cette démarche qui sera décisive. C’est souvent parce que le cadre national n’a pas été assez bien défini et que le soutien de

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I- Une incitation nationale à la politique éducative territoriale

1.1. Passer de la logique de dispositifs contractuels sectoriels à des projets éducatifs locaux (PEL) Depuis une vingtaine d’années, et plus particulièrement depuis dix ans, se sont mis en place sur certains territoires, la plupart du temps à l’initiative de municipalités de gauche, des Projets éducatifs locaux (PEL). L’initiative est encore assez méconnue, et surtout confondue avec d’anciens dispositifs, comme les Contrats éducatifs locaux (CEL), voire avec le projet éducatif de la municipalité. Le CEL, instauré en 1998, fait partie des dispositifs contractuels qui se sont succédés depuis les années 1980 pour formaliser les liens entre l’école et ce qui est hors de l’école, notamment concernant les rapports entre temps scolaire et péri- ou extrascolaire, enseignants et associations d’éducation populaire, école et collectivités territoriales, ou écoles et familles. Ces dispositifs contractuels ont été des moyens décisifs pour mettre en place une logique de complémentarité éducative (en particulier avec les parents et les associations) et pour habituer l’école à construire des politiques communes avec d’autres acteurs publics (collectivités territoriales, ministère de la Jeunesse et des Sports, Caisse d’allocations familiales, principalement). Néanmoins, cette logique de dispositifs comporte de nombreux effets pervers. En effet, elle a tendance à développer une logique de guichet et d’appel d’offres, qui se concentre avant tout sur la recherche de nouveaux moyens financiers, et qui crée une concurrence entre les territoires et les établissements. De plus, parce qu’elle se fonde sur une série de contrats entre deux parties, elle tend à segmenter la politique éducative des territoires qui y ont recours.

Les PEL ont vocation à répondre à ce risque de segmentation, car c’est l’ensemble des politiques éducatives qui sont mises en cohérence dans ce projet. Le PEL permet ainsi de donner une plus grande lisibilité à la politique éducative sur un territoire, en intégrant l’ensemble des dispositifs en son sein. Cette plus grande lisibilité est formalisée dans un document écrit public, qui est la référence pour tous les acteurs concernés, et en particulier pour les usagers. Plus profondément, les PEL proposent un véritable projet éducatif global de l’enfant, qui prend en compte tant la pluralité des domaines (offre périscolaire culturelle et sportive, accompagnement scolaire, citoyenneté et prévention des risques, orientation professionnelle) que les âges concernés (de la petite enfance aux jeunes adultes, voire à l’éducation tout au long de la vie). Il s’agit de considérer tous les temps de vie de l’enfant, simultanément comme dans la durée de son parcours de formation. Mais il y a plus. Les PEL ne doivent pas être confondus avec les projets éducatifs municipaux. En effet, dans la mesure où il formalise des engagements réciproques entre plusieurs acteurs éducatifs, il n’est pas plus le projet d’une ville que le projet du ministère de l’Éducation nationale ou le projet des associations éducatives ou familiales concernées : il est le bien commun de tous ces acteurs, qui en ont la responsabilité partagée, manifestant ainsi leur volonté de construire une réelle coopération éducative. Il est vrai cependant que, pour assurer la bonne exécution de ce projet, son pilotage est en général délégué à l’un des membres, qui doit être la collectivité locale qui correspond au territoire concerné.

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1.2. Donner un cadre juridique national aux PEL Les PEL, sous cette forme achevée, demeurent aujourd’hui largement expérimentaux, même si de grandes villes, comme Lyon ou Lille, en ont désormais mis en place. Les municipalités et les intercommunalités, qui sont sans doute les échelles les plus pertinentes, sont parfois réticentes à mettre en œuvre un tel processus, qui demande à la fois énergie et compétences. C’est pourquoi l’État doit être moteur dans l’incitation à la mise en place de PEL sur tout le territoire national. Pour ce faire, une loi devra être établie, définissant précisément un cadre juridique commun, mais aussi garantissant l’engagement financier de l’État pendant toute la durée du projet (qui peut être de trois ou cinq ans). Le PEL doit commencer par un diagnostic partagé entre tous les acteurs de l’offre éducative et des besoins. Sur cette base pourront être énoncés des objectifs communs, qui devront eux-mêmes être évalués à échéance régulière, ce qui sous-entend un accord préalable sur les indicateurs quantitatifs et qualitatifs adéquats. C’est absolument l’ensemble des acteurs concernés qui participent à l’élaboration du projet. Plus qu’à une logique de partenariat, c’est à une logique de coproduction que répondent les PEL.

qui concernerait ces domaines ne paraît donc pas justifiée. À l’inverse, les actions insidieusement recentralisatrices de l’État, comme la construction des internats d’excellence par le biais du Grand Emprunt, qui contrevient à l’exclusivité de l’exercice de cette compétence par les collectivités territoriales, devront être absolument remises en cause. Concernant les autres prérogatives, l’État doit donner un cadre. Par exemple, dans le cas des rythmes scolaires, il est nécessaire, pour des raisons d’égalité de traitement, de définir des règles minimales communes, tant en termes de temps hebdomadaire qu’annuel. Le détail des temps scolaires et éducatifs pourra en revanche être déterminé en fonction des projets éducatifs locaux et des projets d’établissement.

1.4. Une coordination nécessaire entre le niveau national et le niveau territorial

Les PEL, dès lors qu’ils concernent l’ensemble des temps éducatifs de l’enfant, incluent également le temps scolaire. Le ministère de l’Éducation nationale est ainsi le contractant privilégié de ce type de projets. Mais cela n’implique pas qu’il délègue à la commune contractante des compétences qui lui sont propres.

Une règle de bon fonctionnement du service public d’éducation sur tout le territoire national doit être édictée : l’impact à la fois organisationnel et financier de toute décision nationale sur les collectivités locales devra être calculé et discuté avec elles. En effet, les récentes mises en œuvre de la semaine de quatre jours, du service minimum d’accueil, de l’accompagnement éducatif ou des stages de remise à niveau et linguistiques, sans parler de l’assouplissement de l’acceptation des dérogations par les rectorats, ont conduit à des transferts de charge indirects vers les collectivités locales, sans compensation financière par l’État, et surtout sans négociation préalable. Un rôle consultatif pourrait être dévolu au Conseil territorial de l’éducation nationale (CTEN), qui a été totalement négligé par les récents ministres de l’Éducation nationale.

Certaines compétences semblent devoir rester du seul ressort de l’État. Il s’agit de la définition des programmes, des diplômes, du recrutement, de la gestion des carrières et de la formation, initiale et continue, des personnels enseignants et de direction. Une nouvelle étape de décentralisation

Plus généralement, un nouvel esprit des relations entre l’État central et les initiatives éducatives locales devrait être développé. Ainsi, les services déconcentrés du ministère de l’Éducation nationale devraient reprendre leur autonomie vis-à-vis des préfets, afin de permettre de vraies concertations

1.3. Redéfinir les prérogatives de l’État

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avec les collectivités territoriales, notamment au moment de la négociation des Plans régionaux de formation (PRDF). Les inspecteurs d’académie devraient moins avoir une fonction de contrôle d’application des circulaires ministérielles qu’une fonction de conseil et de suivi pour la mise en œuvre des projets éducatifs locaux. Enfin, les Conseils académiques et départementaux de l’éducation nationale (CAEN et CDEN) devraient avoir un rôle de pilotage stratégique, et non de chambre d’enregistrement. Ces instances devront sans doute être renouvelées, tant dans leur composition (membres trop nombreux et peu impliqués, notamment les élus ; ouverture aux associations d’éducation populaire) que dans leur fonctionnement (conflits fréquents entre les deux tutelles que sont l’État et les collectivités locales) et leur objectif (consultation ou information). Sur tous ces sujets, et en lien avec la mise en place d’un cadre juridique pour les PEL, une loi d’orientation et de programmation semble nécessaire. En effet, elle permettrait de donner une cohérence globale à toutes ces modifications institutionnelles, en les incluant dans une démarche politique globale. Dès lors que de nombreux ministères seraient impliqués, et en particulier, outre le ministère de l’Éducation nationale, le ministère de la Ville, le ministère de la Jeunesse et des Sports, mais aussi le ministère de la Santé, le ministère de la Culture, le ministère de l’Emploi, ou le ministère de l’Agriculture, cette loi pourrait être présentée sous la forme d’une initiative interministérielle sous l’égide du Premier ministre. Ce serait une autre façon de souligner l’importance d’une telle loi et de la redéfinition du service public de l’éducation qu’elle implique.

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II- Des établissements scolaires au plus près des réalités sociales et éducatives

2.1. Réunir les acteurs éducatifs autour d’un projet commun d’établissement Faute d’un accompagnement véritable de l’ouverture des établissements à des acteurs extérieurs, celle-ci a été souvent vue au mieux comme un supplétif inutile, au pire comme une menace. La place des parents et des élèves dans les instances délibératives des établissements est encore trop souvent déplorée, le rôle des associations dans l’accompagnement éducatif est souvent vu comme une concurrence indue, les collectivités locales sont perçues comme ayant une influence néfaste sur les chefs d’établissement. Il faut donc commencer par redéfinir les missions de chacun (parents, enseignants, autres personnels, chef d’établissement, personnes extérieures – élus et associations) au sein de l’établissement. En particulier, il faut rappeler que les enseignants ont une légitimité pédagogique éminente, et qu’il n’est pas question de les mettre sur la touche en ce domaine. Il s’agit au contraire de donner les moyens d’un meilleur exercice de la mission de chacun, et en particulier de la mission de transmission des savoirs. L’idée d’une formation partiellement commune des enseignants des différents cycles, mais aussi des autres personnels intervenant dans l’établissement, permettrait déjà d’habituer à travailler en commun, par delà les métiers et les murs de l’établissement. Les modalités de réalisation de ces missions ne peuvent néanmoins se définir abstraitement, sans s’appuyer sur les situations à la fois territoriales, sociales et scolaires de chaque établissement. C’est à la définition de ces modalités que doit être avant tout dévolu le projet d’établissement. Il s’agit ainsi de prendre en compte toutes les formes de savoirs que l’enfant peut acquérir, dans et hors de l’école,

et, plus généralement, tous ses temps de vie. Le projet d’établissement ne saurait être conçu que comme une composante à part entière du projet éducatif local (PEL). C’est sur cette base que les différents acteurs, et notamment les parents, les associations périscolaires et les collectivités locales, pourront trouver toute leur légitimité à participer à l’élaboration du projet d’établissement. Ce projet doit donc partir d’un diagnostic partagé de l’offre et des besoins éducatifs, afin de déterminer des objectifs, en fonction d’indicateurs définis collectivement, avec des moyens pluriannuels (trois ans par exemple) garantis par l’État. Le suivi de ce projet doit être assuré par un conseil d’administration renouvelé et responsabilisé, qui ne doit pas être la simple chambre d’enregistrement de décisions prises par le chef d’établissement, en concertation avec le gestionnaire. Il faudra donc inciter davantage à profiter du cadre réglementaire existant depuis quelques années, et peu pratiqué jusqu’à présent.

2.2. Faire de l’autonomie des établissements un moyen de favoriser l’égalité d’accès à l’éducation Il y a aujourd’hui une certaine résistance à l’idée d’autonomie des établissements, notamment chez les enseignants, qui se fonde sur des craintes légitimes de caporalisation et de dépossession de leur métier de transmetteur de savoir. Il faut donc préciser ce que les socialistes entendent par autonomie des établissements, notamment par rapport à certains projets de droite. L’autonomie ne doit pas se traduire par la mise en concurrence des établissements entre eux. L’inscription dans un projet éducatif territorial et, plus globalement, la garantie nationale de la

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péréquation des moyens doivent être des garanties contre ce risque. En outre, la sélection des élèves et le recrutement des personnels ne doivent être dévolus aux établissements sous aucun prétexte. Ce sont les services déconcentrés de l’État qui doivent demeurer les garants de l’intérêt général en la matière. En outre, l’autonomie ne signifie pas faire du chef d’établissement un autocrate décidant seul. Mais, ce dernier a besoin de l’autorité nécessaire pour ne pas être passivement aux ordres des services déconcentrés, parfois en contradiction avec un projet établi dans la concertation. Ainsi, il doit être un interlocuteur respecté du rectorat comme des collectivités territoriales. De manière plus générale, son rôle est d’être le représentant légitime et l’animateur d’une équipe, réunie régulièrement, avec pour feuille de route un projet d’établissement décidé et évalué progressivement de manière collective. L’autonomie doit au contraire permettre une meilleure prise en charge éducative des enfants les plus en difficulté. Elle est un moyen d’individualiser les moyens d’action, en prenant en compte la globalité de chaque individu. C’est pour cela que les établissements doivent profiter de l’opportunité de se voir dévolue une certaine marge de manœuvre pédagogique, dans le cadre des programmes et des règles communes définis nationalement. En particulier, les rythmes éducatifs, s’ils doivent respecter un nombre d’heures scolaires fixé par la loi, peuvent être définis en fonction de certaines situations sociales et territoriales, avec tous les acteurs éducatifs locaux. Une certaine autonomie pédagogique ne peut se concevoir sans marges de manœuvre suffisantes dans les dépenses. L’allocation des moyens doit se décider par les services déconcentrés de l’État, mais une part non négligeable de l’utilisation de ces moyens (par exemple 25%) devrait être laissée à la libre appréciation des conseils d’administration des établissements, ce qui donnerait la possibilité de faire de vrais investissements différenciants, avec éventuellement des prestataires liés (du monde artistique, culturel, de la médiation sociale, etc.).

2.3. Une dotation financière différenciée par établissement

véritablement

Une ghettoïsation des établissements est en train de s’installer durablement. Aux deux bouts de la chaîne, l’écart entre les établissements qui attirent les élèves favorisés, socialement et scolairement, et les établissements qui concentrent les difficultés s’amplifie. Plusieurs mesures de la présidence Sarkozy ont encore récemment renforcé ce phénomène, comme l’ont rappelé de nombreuses études et un rapport de la Cour des Comptes. En particulier, l’assouplissement des critères de contournement de la carte scolaire a donné encore plus d’ampleur à l’évitement et, parallèlement, à la concentration des populations favorisées dans certains établissements. De plus, le problème de la ghettoïsation tend aujourd’hui à n’être traité que par une approche individualiste. D’un côté, des mesures élitistes (soutien aux dispositifs de certaines grandes écoles et au busing, internats d’excellence), outre leur caractère contestable d’un point de vue pédagogique, renforcent le clivage entre établissements avec “ bons élèves ” et établissements avec “ mauvais élèves ”. De l’autre côté, la question du décrochage de scolarité n’est approchée que d’un point de vue répressif, par la suppression des allocations familiales, mesure injuste et inefficace, ou d’un point de vue quasiment carcéral, par le développement d’établissements spécifiques, où la dimension éducative tend parfois à disparaître. Le défaut principal d’une telle politique est qu’elle oublie l’objectif d’une éducation égale pour tous, en renforçant les inégalités sociales et éducatives de fait. Néanmoins, il est vrai que la dotation différenciée par dispositifs, qui a longtemps été la voie privilégiée, a plusieurs défauts. Tout d’abord, elle est paradoxalement stigmatisante. Le récent assouplissement de la carte scolaire a notamment provoqué une fuite massive hors de certains établissements labellisés « Ambition réussite ». Le terme de ZEP est aujourd’hui devenu, dans le langage courant, synonyme d’établissement difficile, pour les enseignants et pour les jeunes.

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Surtout, la dotation par dispositifs ne permet pas d’être au plus près des besoins réels des établissements. D’une part, certains établissements bénéficient de labels, leur permettant d’avoir plus de moyens, dont ils ne devraient plus aujourd’hui raisonnablement bénéficier : malgré les changements réguliers de labels - Éducation prioritaire, Violences, Sensibles, Réseau ambition réussite, Réussite éducative, les plus récents n’éliminant d’ailleurs pas les plus anciens, ce qui nuit à la lisibilité et à l’efficacité -, la différenciation entre les établissements n’est pas suffisamment marquée pour créer une vraie dynamique locale. D’autre part, l’inclusion du salaire des personnels dans le calcul de la dotation permet de montrer que l’écart entre les dotations des établissements sous dispositifs et des établissements sans dispositifs est faible, voire parfois inversé. Rétablir les conditions d’une vraie justice dans le traitement éducatif de tous les enfants, c’est commencer par donner une dotation financière par établissement qui corresponde à la réalité des besoins de l’établissement. Il faut donc passer d’une différenciation de la dotation par dispositifs à une différenciation ciblée par établissement, en prenant en compte la réalité sociale et scolaire de chacun, et sur la base d’un projet local. On arrivera alors à une prise en charge financière par élève tellement importante qu’elle démontrera vraiment aux yeux de tous, et en particulier des familles et des jeunes qui en bénéficient, que l’éducation prioritaire est une priorité pour la nation.

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III- Réduire les inégalités éducatives sur le territoire

3.1. Renouveler la carte scolaire Le contournement scolaire est un phénomène de plus en plus important. Les circulaires facilitant les dérogations à la carte scolaire, et l’ambition à terme de supprimer la carte scolaire, ont déjà eu un double résultat de désorganisation du réseau scolaire local (avec des effets de surcharge ou de désertion brutale de certains établissements) et d’accentuation des écarts entre les établissements, tant en termes sociaux que scolaires. S’ajoute une tendance de fond d’évitement de certains établissements publics par le passage dans le privé, ce qui représente aujourd’hui, de loin, le pourcentage le plus fort de contournement. Le phénomène touche surtout le secondaire, mais aussi de plus en plus le primaire, et pas seulement dans les grandes villes. Cette tendance, si elle peut parfois se comprendre du point de vue des parents, est extrêmement préoccupante. En effet, c’est l’absence d’égalité d’accès à l’éducation qui est alors soulignée. Les familles les plus défavorisées sont souvent reléguées dans les établissements qui concentrent toutes les difficultés. C’est bien le constat d’une éducation à deux vitesses qui est en train de prendre jour. Revenir sur les circulaires ministérielles récentes ne suffirait pas pour résoudre un problème désormais structurel, et qui existe depuis de nombreuses années. De fait, la sectorisation scolaire elle-même, parce qu’elle est fondée uniquement sur des critères territoriaux, ne fait souvent que reconduire les inégalités sociales qui existent déjà entre les différentes parties du territoire. Ce constat conduit d’ailleurs de plus en plus de parents à choisir leur lieu d’habitation en fonction de l’établissement de secteur. Ainsi, une

politique de la sectorisation qui ne serait pas liée à une politique de résorption des ghettos urbains et sociaux n’aurait qu’un effet très limité. En attendant des politiques de la ville et de l’emploi qui mettront des années à faire effet, il faut inventer pour aujourd’hui de nouveaux instruments qui permettent de résoudre le problème du contournement de manière globale. Tout d’abord, il faut que les conseils généraux usent de leur compétence nouvelle et encore peu utilisée de redécoupage de la sectorisation, pour y inclure des objectifs de mixité sociale. Ensuite, il faut que les affectations des élèves, qui dépendent du rectorat, s’appuient également sur des critères sociaux et scolaires, et pas seulement territoriaux, pour favoriser une hétérogénéité, dans les établissements comme dans chaque classe, qui à la fois améliore le niveau général et assure une égalité de traitement de tous. En outre, il convient de soutenir et développer tout ce qui peut renforcer l’attractivité des établissements délaissés, notamment par une architecture de qualité ou une offre éducative innovante. Mais, dès lors que le contournement consiste désormais de manière de plus en plus massive en un départ vers l’enseignement privé, il faudra aussi trouver un terrain d’entente avec les établissements privés sous contrat qui bénéficient largement aujourd’hui des financements publics, notamment en termes de dépense de personnels. Une juste contrepartie semble être que les établissements privés sous contrat soient soumis aux mêmes objectifs de mixité sociale et scolaire. L’hypothèse d’inclure le privé sous contrat dans la sectorisation devra être étudiée sérieusement.

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3.2. Une offre éducative équivalente à l’échelle d’un bassin Les inégalités face à l’éducation se retrouvent au sein même des territoires, mais elles sont aussi parfois importantes entre les territoires. L’État doit garantir une égalité d’accès à l’éducation sur tout le territoire. Au-delà d’une nécessaire péréquation des moyens entre les territoires, il faut réfléchir à la constitution d’une offre éducative équivalente pour tous à l’échelle d’un bassin. L’extension géographique de ce bassin sera variable selon la densité de population et les structures existantes. Ces bassins éducatifs ne se limiteraient pas à une carte des établissements scolaires et à une meilleure continuité entre ces établissements (de même cycle – maternelle, primaire, secondaire, supérieur – comme entre les cycles), mais contiendraient toutes les ressources en formation et en éducation sur un espace donné, dans une perspective de formation tout au long de la vie. La mise en place des bassins permettra ainsi de prendre conscience des disparités d’offre d’éducation et de formation sur le territoire, et sera une base pour combler ces différences.

doit être favorisé : regroupements pédagogiques intercommunaux, réseaux d’établissements, internats. Plus globalement, la notion de bassin éducatif implique une réflexion sur les réseaux de transport et leur organisation pour permettre de faire vivre ce bassin.

3.3. De nouvelles règles dans l’affectation des personnels éducatifs Afin d’assurer l’égalité éducative sur tout le territoire, il faut que le personnel correspondant puisse être présent. Les suppressions massives de postes de la fonction publique, dans tous les domaines (Éducation nationale, jeunesse et sport, médecine scolaire, assistants éducateurs, conseillers-psychologues), ainsi que la fin de nombreuses subventions à des associations, posent de réels problèmes pour assurer le service public de l’éducation sur tout le territoire. Certaines zones sont particulièrement affectées par ces coupes claires, et ce sont en général les territoires les plus fragiles.le

Contre la logique de séparation et de concurrence entre les établissements, le bassin éducatif créerait une continuité de l’offre éducative, tout au long de la vie. Ainsi, tous les lycéens d’un bassin donné prendraient l’habitude de se retrouver, au gré des options et des formations proposées par une carte des formations du bassin. Les effets de la répartition de compétences entre la région et l’État, qui fait que les régions développent l’apprentissage plutôt que les lycées professionnels, seraient atténués par la constitution de bassins qui considèrent l’offre globale.

Au-delà de la nécessité de revenir sur de nombreuses suppressions de postes et de subventions, il convient de réfléchir à de nouveaux modes d’affectation des fonctionnaires engagés dans le service public de l’éducation. Aujourd’hui, ce sont les personnels les moins expérimentés (les néotitulaires), les moins bien payés et, souvent, ceux qui ont la charge de cours la plus importante (les contractuels de l’Éducation nationale, par exemple) qui sont affectés dans les zones où les conditions de travail sont les plus difficiles, car concentrant les cas d’échec scolaire, de décrochage et de violence les plus importants.

Il faut rappeler enfin que la présence de lieux scolaires revêt une importance capitale pour l’aménagement d’un territoire. Ainsi, le choix de fermer une école ou un collège doit tenir compte d’une fonction de maillage éducatif territorial, et ne doit pas se fonder sur des considérations purement comptables. Tout ce qui peut permettre, à moindre coût, le maintien des établissements désertés, parfois seulement temporairement,

Il faudrait, à l’inverse, mieux valoriser ceux qui choisissent de participer à l’effort collectif de réduction des inégalités face à l’éducation. Une prime salariale conséquente, des avancements de carrière et, surtout, des décharges horaires importantes, qui permettraient de consacrer plus de temps au travail en équipe et à l’élaboration de solutions pour résoudre les difficultés, doivent être proposées. L’idée de lier

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certaines affectations à une adhésion au projet d’établissement et à un engagement à rester tout le temps du projet (trois ans par exemple) va dans le même sens. C’est à ces conditions que la stabilité des équipes pédagogiques, qui est un levier primordial pour la réussite des plans contre le décrochage social, sera possible.

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En conclusion : les 10 propositions d’une politique éducative territoriale pour l’égalité réelle Propositions enrichies à la suite de la réunion de restitution du rapport le 5 octobre 2010 1- Généraliser, en donnant notamment un cadre juridique général et en assurant un financement sur plusieurs années, la mise en place de Projets Éducatifs Locaux (PEL). Ces PEL feront l’objet de contrats établis entre tous les acteurs éducatifs d’un territoire (état, établissements scolaires et de formation, collectivités territoriales, associations), fondés sur des diagnostics, des objectifs et des modalités d’évaluation partagées. Ils viendront en remplacement des dispositifs contractuels actuels, ainsi restructurés car manquant de lisibilité et de complémentarité ce qui leur fait perdre de leur efficacité et peut même aller parfois jusqu’à accentuer la différence et la concurrence entre territoires et entre établissements plus ou moins à même de répondre à ces contrats. 2- Mettre fin au désengagement de l’état qui doit être l’accompagnateur de la décentralisation, notamment par ses services déconcentrés, et non un obstacle à son bon fonctionnement. Certains domaines doivent rester de sa compétence exclusive : les programmes, les diplômes, le recrutement, ainsi que la gestion des carrières et de la formation, initiale et continue, des personnels enseignants et de direction. L’état, dans son rôle de stratège et de régulateur, doit donner un cadre clair à ses politiques et financer, à l’euro près, les conséquences de ses choix, notamment pour les collectivités territoriales. 3- Redéfinir le rôle des acteurs dans les instances territoriales de discussion des projets d’éducation et de formation (CAEN1 et CDEN2, PRDF3), l’état étant le garant de la péréquation des moyens et du suivi des orientations et programmes nationaux, mais ne

devant aucunement faire barrage aux collectivités territoriales dans leurs compétences propres. Déjà présents dans les CDEN et CAEN, les parents doivent être systématiquement associés aux PRDF. Les associations éducatives complémentaires de l’enseignement public doivent devenir membres à part entière de ces trois instances. 4- Réformer le fonctionnement de l’établissement public local d’enseignement (EPLE), en donnant une place centrale au conseil pédagogique et au conseil d’administration dans la prise de décision, et donner ce statut aux écoles primaires, avec un pôle administratif renforcé et un personnel de direction formé en conséquence. Ce statut est une condition importante de la meilleure prise en compte des réalités sociales et éducatives de chaque établissement par le biais du projet d’établissement ou du projet d’école. C’est l’outil adapté pour un partenariat négocié entre les différents acteurs (état, collectivités territoriales, personnels, parents et associations) au sein du cadre de cohérence et de mise en réseau des divers types d’établissements (écoles, collèges, lycées…) qu’offre la démarche du projet éducatif local. 5- Généraliser la mise en place de véritables projets d’établissement qui doit être l’occasion d’une élaboration concertée entre tous les acteurs éducatifs, en s’appuyant sur les situations territoriales, sociales et scolaires de chaque établissement et en prenant en compte toutes les formes de savoirs et d’expériences de l’enfant, dans une perspective de formation globale. Il s’agit de garantir des marges de manœuvre pédagogiques et financières pour que ces projets ne soient pas de pures abstractions. 1

CAEN : Conseil académique de l’Éducation nationale

2

CDEN : Conseil départemental de l’Éducation nationale

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PRDF : Plan régional de développement des formations

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Le pilotage de ces projets doit aider à la mobilisation des enseignants et des autres catégories de professionnels qui seront davantage partie prenante des initiatives proposées. La redéfinition des horaires des enseignants participera de cette visée.

concentrant les cas d’échec scolaire et de violence les plus importants.

En outre, la prise en compte de l’expression et des demandes des élèves comme de leurs délégués, ainsi que l’accueil des familles, feront l’objet d’une attention nouvelle.

8- Renouveler la carte scolaire en ayant pour objectif la mixité sociale (que chaque établissement ait en son sein une représentation de la diversité sociale des territoires) et l’hétérogénéité des niveaux scolaires en modifiant les critères d’affectation en conséquence. Alors que les méthodes de type busing ou accords avec les grandes Écoles tendent à accentuer les différences entre les établissements et à justifier le statu quo scolaire en distinguant une minorité d’élèves jugés « aptes à réussir », il est impératif d’inventer un nouveau mode global d’affectation au sein des rectorats — véritable indice de mixité scolaire et sociale — ne tenant pas seulement compte du lieu de résidence (qui est souvent déjà une stratégie d’évitement de certains établissements).

Enfin, chaque projet d’établissement, composante à part entière du projet éducatif local, sera conçu et réalisé en relation avec le projet éducatif de bassin (voir point 9) dans lequel il se trouve. Une évaluation permanente à caractère formatif accompagnera les dynamiques recherchées en s’inspirant des pratiques de la fonction publique territoriale ; ce type d’évaluation gagera de la cohérence et du suivi des actions dans le temps. Une instance nouvelle doit avoir la responsabilité de cette évaluation : cela implique de revoir le rôle et les conceptions actuellement dominantes au sein des inspections académiques et des rectorats. 6- Passer à une dotation financière réellement différenciée, qui s’appuiera sur les réalités sociales et éducatives de chaque établissement et qui prendra aussi en compte comme indicateur la masse salariale des personnels. Il s’agit de redonner une efficacité à la politique d’éducation prioritaire dont les dispositifs successifs ont trop souvent mené au saupoudrage des aides, en raison notamment des extensions successives de la géographie prioritaire et à la stigmatisation des établissements. 7- Donner des primes et des décharges horaires conséquentes au personnel des établissements les plus difficiles afin d’inciter au travail en équipe sur le long terme et à l’élaboration concertée de solutions adaptées. Aujourd’hui, ce sont souvent les personnels les moins expérimentés, les moins bien payés et ceux qui ont la charge de cours la plus importante qui sont affectés dans les zones où les conditions de travail sont les plus dures, car

Il s’agira donc de créer une souplesse d’affectation sur la base du volontariat, gérée au niveau du rectorat, pour les personnels de ces établissements.

Une analyse fine, par établissement, de la population scolaire considèrera les indicateurs socioéconomiques des familles mais aussi les options et les moyens supplémentaires de l’établissement. Aux critères habituels, s’ajoutera donc une dimension de performance sociale des établissements qui doit aller de pair avec une réflexion approfondie sur le métier d’enseignant, sans oublier l’administration de l’Éducation nationale. Les établissements privés sous contrat devront être soumis au même objectif de mixité sociale. L’élaboration préalable d’un diagnostic social territorial sera nécessaire à cette orientation. 9- Créer, à l’échelle du territoire pertinent (400 à 500 sur toute la France), des « bassins d’éducation », où tous les établissements, publics et privés sous contrat, d’un même bassin partageraient des cours, des options et des activités culturelles et sportives. De tels bassins permettraient de contrer la logique de concurrence et de ségrégation des établissements induite par les diverses formes de contournement de la carte scolaire et par la ségrégation due au lieu d’habitation, deux

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phénomènes qui ne pourront être atténués que dans le temps long. Chaque bassin, dont les moyens seront globalisés, mettra au point un projet éducatif de bassin qui s’appuiera sur un état des lieux multidimensionnel : outre les caractéristiques scolaires, devront être prises en compte les réalités de l’urbanisme, des services publics, des transports, de l’offre culturelle, de l’économie… Les établissements seront complémentaires et non concurrents. La responsabilité du bassin devra être tournante et partagée et, dans un souci de participation réelle, associera au mieux tous les acteurs à ses initiatives. Dans ce sens, la réalisation de stages de formation communs et partenariaux sera recherchée. La mise en place des bassins d’éducation sera l’occasion de clarifier et de simplifier la multiplicité des dispositifs éducatifs existants qui se chevauchent et parfois se contrarient.

sera établi tous les 3 ans et la carte des bassins réexaminée par les CESR5 et le Conseil territorial de l’Éducation nationale. Il se donnera éventuellement des outils de communication et pourra, de fait, représenter un nouveau support pour l’éducation citoyenne des jeunes. 10- Donner à l’éducation un vrai rôle d’aménagement du territoire, en n’ayant pas une approche strictement comptable de l’ouverture et de la fermeture des classes mais en mutualisant les ressources au sein de réseaux d’établissements locaux, et en faisant des établissements scolaires des lieux ouverts pour l’éducation, la formation et la culture de tous, tout au long de la vie. Dans le cadre de ce pas supplémentaire de décentralisation, la création d’un Observatoire des pratiques éducatives locales et des projets éducatifs locaux prendra tout son sens.

La politique ZEP4, pensée comme élément partiel et spécifique du projet éducatif de bassin, sera reciblée sur le cœur des difficultés sociales et scolaires : 100 sites semblent devoir être retenus au sein des différents bassins. Les options, les projets et les moyens renforcés contribueront à améliorer l’image des établissements. à l’intérieur de chaque établissement, il s’agira de veiller à ce que certaines options ne recréent pas des discriminations. Enfin, on sera particulièrement attentif à créer des résonnances entre la politique ZEP et toutes les autres visant à améliorer la vie sociale. Le bassin d’éducation aura aussi la possibilité de proposer la fermeture de certains établissements. Dans une visée d’orientation, les jeunes seront mis en relation avec l’ensemble des activités qui se trouvent à l’intérieur de chaque bassin. Enfin, le bassin d’éducation fera l’objet d’une révision régulière par concertation entre les principaux acteurs (autorités académiques, collectivités territoriales, autres services de l’État déconcentrés, parents d’élèves et mouvements d’éducation populaire…) — en particulier, un bilan

4

ZEP : Zone d’enseignement prioritaire

5

CESR : Conseil économique et social et régional

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10, rue de SolfĂŠrino 75333 Paris cedex 07 TĂŠl. : 01 45 56 77 09 www.laboratoire-des-idees.fr


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